PROMESSES
Un chrétien doit-il être pacifiste en toute circonstance ? Devrait-il « tendre l’autre joue » même si son agresseur le met physiquement en danger ? Il nous semble difficile d’imaginer Jésus dire cela à une femme qui se ferait battre par son conjoint… Dans cet extrait de son ouvrage Vivre l’éthique de Dieu, Daniel Arnold nous propose un survol de la question de l’usage de la légitime défense pour le chrétien.
Extrait
La légitime défense consiste à prendre des mesures adéquates pour empêcher un agresseur de tuer ou de blesser une personne. Contrairement à une décision de justice qui peut être prise à tête reposée, une action défensive doit souvent se prendre dans le feu de l’action. La personne agressée doit rapidement user de son bon sens pour évaluer la gravité de la situation. S’il est manifeste qu’un intrus ne veut que dérober des biens matériels, il est illégitime de l’abattre. Mais si le voleur porte une arme, ses intentions sont moins manifestes.
Dans l’Exode, on fait une différence entre un voleur abattu de nuit ou de jour : « Si le voleur est surpris dérobant avec effraction, et qu’il soit frappé et meure, on ne sera point coupable de meurtre envers lui, mais si le soleil est levé, on sera coupable de meurtre envers lui » (Ex 22.2-3).
De nuit, un voleur peut difficilement être distingué d’un criminel. On ne peut pas le voir comme il faut et mesurer ses coups.
De jour, l’acte de l’intrus est plus manifeste. La loi ne doit pas être appliquée à la lettre, mais selon le principe qu’elle souligne. Par exemple, de nos jours, il suffirait de tourner un interrupteur pour éclairer une pièce en pleine nuit. L’intention du visiteur se verrait mieux, mais on pourrait hésiter à tourner le commutateur, car l’agresseur alerté pourrait réagir dangereusement. Tout est une affaire de jugement et d’intention. Dans tous les cas, il est manifeste qu’un droit à la défense existe, mais qu’il faut en user avec modération.
Quand Jésus dit qu’il ne faut pas résister au méchant (Mat 5.39), il ne pense pas au meurtrier, mais à une personne qui veut humilier son prochain ou le déposséder d’un bien. Les exemples que Jésus cite sont très explicites. Le premier agresseur donne une gifle pour humilier (il frappe du revers de la main sur la joue droite), le second veut traîner un homme en justice pour lui ravir un objet de valeur (un manteau), le troisième impose une tâche difficile et ingrate (Mat 5.39-41).
Lorsque Jésus est arrêté au jardin de Gethsémané, il demande à Pierre de rengainer son épée : « Remets ton épée à sa place ; car tous ceux qui prendront l’épée périront par l’épée », puis il rajoute : « Penses-tu que je ne puisse pas invoquer mon Père qui me donnerait à l’instant plus de douze légions d’anges ? » (Mat 26.52-53). Jésus fait comprendre à son disciple que la défense par les armes n’est pas utile dans cette situation. En effet, Jésus ne va pas être mis tout de suite à mort, mais il va simplement être arrêté pour être jugé. Or, il ne faut pas que les adversaires de Jésus puissent l’accuser d’avoir résisté par les armes aux autorités judiciaires. (Un maître devrait pouvoir contrôler ses disciples.) Jésus guérit donc l’homme que Pierre a blessé (Luc 22.51). Ainsi, aucune accusation ne pourra être portée ni contre lui ni contre Pierre. Jésus témoigne aussi de sa compassion pour le serviteur du souverain sacrificateur, injustement blessé.
Quelques heures plus tôt, Jésus avait dit à ses disciples une parole parfois mal comprise : « Que celui qui a une bourse la prenne et que celui qui a un sac le prenne également, que celui qui n’a point d’épée vende son vêtement et achète une épée » (Luc 22.36). Par là, il ne voulait certainement pas dire qu’il fallait combattre les ennemis par les armes, puisqu’il rejette fermement les deux épées que les disciples lui présentent : « Ils dirent : Seigneur, voici deux épées. Et il leur dit : Cela suffit » (Luc 22.38).
Jésus leur annonçait simplement un temps nouveau fait de tribulations.
Conclusion de la rédaction de Promesses
On pourrait objecter que nous cherchons ici à minimiser les paroles de Jésus. En effet, en face d’une persécution violente, de nombreux chrétiens ont suivi Jésus jusqu’à la mort, sans se défendre. Le sujet délicat du martyr n’est pas abordé dans cet article.
Il démontre seulement que de manière générale, la légitime défense est permise pour le chrétien.
Replacées dans leur contexte biblique, les paroles de Jésus s’éclairent. Il ne désire pas que son disciple se laisse tuer ou maltraiter par plaisir. Seulement, dans certaines circonstances précisément établies dans le texte, le « lâcher-prise » sera un témoignage plus « frappant » pour l’agresseur et les potentiels témoins. Dans de telles situations, le défi lancé par Jésus reste donc de taille pour le chrétien.
- Edité par Arnold Daniel
« Mettez pour chaussures à vos pieds le zèle que donne l’évangile de paix. » (Éphésiens 6.15)
Quand vous achetez une voiture neuve, une fois que vous êtes décidé sur le modèle, vous regardez quelles sont les options que le garagiste va vous vendre. Imaginez qu’il vous demande si vous désirez avoir l’option « volant » dans ce superbe véhicule.
– L’option volant ? Mais qu’entendez-vous par l’option volant ?
– Oh, beaucoup de gens achètent ce modèle uniquement pour la renommée que leur donne ce véhicule. Le conduire est devenu quelque chose d’optionnel, et c’est pour ça que nous proposons maintenant le volant en option.
Mais si vous êtes choqué par ce dialogue délirant, qu’on puisse considérer le volant comme une option dans une voiture, pourquoi les chrétiens de ce siècle font si peu de cas de l’évangile de paix ? Il n’est pas optionnel, il n’est pas un luxe, il n’est pas un idéal inatteignable. La bonne nouvelle de la paix devrait être le volant d’un christianisme aujourd’hui en errance !
Il est intéressant qu’au milieu d’une description fort guerrière de la foi, Paul prenne le soin de parler des sandales du zèle pour l’annonce d’un évangile de paix. L’apôtre connaît le danger qu’il y a à utiliser des métaphores guerrières quand on parle de la foi.
Les religions ne sont-elles pas un des principaux vecteurs de guerres dans ce monde ? Mais, parce que son ministère dépend avant toute chose de Jésus-Christ, le Prince de la Paix, Paul veut à tout prix rappeler aux chrétiens d’Éphèse que le but du combat de la foi est d’être témoins de la paix. C’est un paradoxe, comme souvent quand on s’approche de Jésus-Christ.
Voyez l’homme Jésus
Jésus est un modèle de douceur qui a inspiré les artistes bien au-delà de la sphère chrétienne.
L’homme Jésus a marqué l’histoire par la paix qu’il portait en lui et qu’il diffusait autour de lui. Il n’était pas seulement porteur d’un message de paix mais aussi d’une pratique de la paix. Beaucoup de gens peuvent vous écrire des centaines de pages sur la paix mais ne la vivent pas. Jésus était porteur de paix jusque dans ses moindres gestes. Il a poussé la non-violence jusqu’à se laisser crucifier. L’injustice de l’humanité est criante quand le Christ est silencieux sur la croix. Y a-t-il une expérience de non-violence plus extrême que celle qui consiste à se laisser livrer ? Certains craignent la perversité quelque peu masochiste d’une souffrance dans laquelle on peut se complaire. Mais si Jésus a laissé faire, c’est en conscience, persuadé que c’était la volonté de Dieu.
Il a même vérifié cela dans sa prière : « Si c’est bien ta volonté, qu’il en soit ainsi. » Il fallait en être sûr pour pouvoir vivre tous ces instants jusqu’au bout.
Face à la violence radicale de l’injustice à son paroxysme, Jésus oppose la puissance de la non-violence.
Mais il ne faudrait pas s’y tromper : la paix qui rayonne de cet homme n’est pas un pacifisme béat, un angélisme, un dolorisme où on se laisse avoir en étant persuadé qu’on est supérieur aux autres parce qu’on prend plus sur soi.
Jésus, Prince de paix, est l’homme le plus violent qui ait jamais existé contre les démons, contre Satan, contre les servitudes et les jougs qui font plier l’échine à des gens qui devraient marcher en étant vraiment debout, contre l’hypocrisie et le mensonge. Jésus est d’une violence terrible contre tout ce qui abîme l’humain.
Quelle puissance ! Voilà un homme en guerre permanente contre la déshumanisation de l’homme. Cela nous fascine, car nous n’avons pas sa capacité à tenir en même temps deux sentiments aussi extrêmes que la non-violence totale à l’égard des personnes et la violence radicale contre les ténèbres. Nous arrivons tout à fait à éprouver ces sentiments l’un après l’autre, dans des temps bien séparés et successifs. Mais les vivre en même temps nous est tout à fait impossible. En tout cas impossible à nos volontés et nos cœurs d’humains.
Soit nous sommes complètement au calme et paisibles, soit nous sommes complètement en colère et au combat, mais nous n’arrivons pas par nous-mêmes à vivre les deux de façon simultanée.
Jésus, lui, le pouvait. Non pas par lui-même en tant qu’homme, mais parce qu’il avait accepté de laisser l’Esprit de Dieu agir en lui.
Le vrai combat
Par la puissance de Dieu en nous, nous pouvons être porteurs de cette double présence au monde, tout en douceur et tout en lutte. Mais cela ne peut être que l’œuvre du Seigneur dans nos vies étroites.
Nos cœurs doivent être dilatés par la présence de Dieu en nous pour pouvoir vivre ces choses.
Au milieu d’un discours guerrier sur les armes de la foi, Paul rappelle que nous ne nous battons pas contre les humains mais contre les puissances spirituelles. Et il rappelle que ce qui nous fait avancer dans l’existence, ce sont les sandales du zèle à annoncer une bonne nouvelle de paix. C’est aussi peu optionnel dans une vie chrétienne que le volant dans une voiture, — sauf à ne pas utiliser sa voiture et à ne s’en servir que pour l’image qu’elle nous donne. Notre foi est bien un outil pour une présence au monde. Une voiture qui ne roule pas ne sert à rien. Ou en tout cas son usage est détourné par rapport à sa destinée. Un chrétien qui ne s’engage pas pour la paix puissante telle que Jésus l’a vécue, est un chrétien qui est détourné de sa destinée.
Oui, il y a une guerre, une guerre sainte contre le mal. Mais celui-ci n’a rien à voir avec le pétrole, les peuples arabes, russes, chinois, nord-coréens, etc. Cela concerne avant tout la lutte contre l’esprit de Mammon, celui qui est le vrai dieu du monde.
Contre la puissance spirituelle et pas contre les médiocres pantins instrumentalisés par cette puissance, quels que soient leurs noms.
Au nom de l’évangile de paix — et le mot paix en hébreu, shalom, veut aussi dire prospérité matérielle — au nom de l’évangile de la vraie prospérité paisible, soyez zélés et marchez ! Marchez avec courage dans le juste combat qui n’est pas contre les personnes mais contre l’ennemi de nos âmes. Ne vous trompez pas de bataille.
Le Prince de la paix vous appelle à intercéder et à bénir autour de vous. Ne rentrez pas dans les logiques de ruptures, de séparation et de cloisonnement de la société, car vous donneriez des points au prince des ténèbres, quand le Prince de paix vous appelle à marcher vers les autres, à mettre les bonnes sandales pour rejoindre le prochain, rejoindre le frère, rejoindre le voisin, rejoindre l’ennemi pour le bénir au sein même de son camp.
La plus grande urgence est donc de recevoir de l’Esprit de Dieu la douceur bienfaisante qui était sur Jésus-Christ, car c’est l’arme la plus puissante qui existe.
- Edité par Boucomont Gilles
Un chrétien peut-il être soldat au XXI e siècle ? Peut-il tuer s’il en reçoit l’ordre ? La guerre peut-elle être juste ? Des chrétiens sérieux, convaincus de l’inspiration de l’Écriture, répondent différemment à ces questions. Cet article propose humblement quelques pistes bibliques, qui respectent des convictions et des avis différents, avant une proposition de synthèse qui ne se veut ni dogmatique ni définitive.
Dans l’Ancien Testament
• Dieu se révèle à Abraham et fait alliance avec lui, lui promettant une terre, une descendance et une bénédiction universelle (Gen 12). En Genèse 15.7, 13-20, Dieu annonce qu’Israël sera longtemps un peuple d’émigrés qui sera maltraité pendant 400 ans. Ils ne pourront prendre possession de la terre promise avant « car c’est alors seulement que la déchéance morale des Amoréens aura atteint son comble » (15.15). Du coup, la guerre de conquête de Canaan (XVI e s. av. J.-C.) sera aussi un jugement militaire sur les Cananéens [note]L’archéologie a démontré la cruauté des Cananéens qui, entre autres sévices, brûlaient vifs des enfants jusqu’à 5 ans pour satisfaire leurs divinités. [/note] . Dieu utilise la force armée pour donner à Israël un territoire, et pour juger en même temps un peuple méchant et immoral. Dieu juge parfois les nations par la guerre [note]Voir, dans ce même numéro, l’article sur la guerre de conquête de Canaan. Les livres historiques (Juges, 1 & 2 Rois par ex.) rapportent de nombreux exemples de guerres punitives et de guerres libératrices… [/note] .
• Les « 10 commandements » de la loi de Moïse prohibent de commettre un meurtre, c’est-à-dire d’ôter la vie d’un innocent, par envie, par méchanceté, ou par intérêt personnel. Le mot utilisé pour « tuer », notamment en temps de guerre, est un autre mot. La loi distingue donc le meurtre de l’action de tuer, soit dans l’exercice de la justice, soit dans le contexte d’une guerre.
• Plusieurs passages de la Torah régulent la manière de mener la guerre, notamment Deutéronome 20. Il fallait proposer à la ville assiégée de se rendre avant la bataille (Deut 20.10), protéger les arbres fruitiers (20.19), etc. La loi posait un cadre à la guerre, comme si celle-ci était un mal possible, qui permettait parfois d’empêcher d’autres maux, pires encore, mais en les encadrant. On imagine ce que serait l’Europe si le nazisme avait triomphé, et on peut comprendre que certaines guerres soient utiles, voire nécessaires, pour préserver l’intégrité morale ou humaine d’une civilisation. On note par ailleurs que les combattants pouvaient être relevés de leur appel en fonction de leurs situations personnelles : mariage récent, plantation récente, etc.
• Lorsque Dieu emploie les Assyriens pour juger le royaume d’Israël, puis Nebucadnetsar, le dictateur de Babylone, pour juger le royaume de Juda, ils sont rendus responsables de leurs actes atroces (cf. Jér 51.20-24). Un Dieu souverain emploie des nations païennes, conduisant la brutalité « naturelle » des rois de l’époque, pour accomplir son plan de jugement. Mais ces hommes qui accomplissent son plan ne sont en aucun cas dédouanés de leurs responsabilités personnelles puisqu’ils agissent selon leur propre cœur.
Dans le Nouveau Testament
Le N.T. présente des données quelque peu surprenantes. Israël est sous tutelle romaine, après avoir été sous la gouvernance des Grecs.
• Tous les centeniers [note] Un centenier (ou centurion) était un officier de l’armée romaine commandant une centaine de soldats.[/note] mentionnés dans le N.T. sont présentés de façon favorable — c’est-à-dire qu’ils ne sont jamais présentés comme étant des hommes mauvais ou méchants, mais comme des personnes qui, par contraste même avec le peuple d’Israël, ont un cœur, une spiritualité, et une recherche de Dieu. C’est d’autant plus surprenant à nos yeux qu’ils étaient les officiers d’une armée occupante !
Jésus relève la foi du centenier de Capernaüm (Mat 8.5-13). Celui qui a été chargé de surveiller la crucifixion a confessé la divinité de Jésus (Mat 27.54). Corneille (Act 10) et Sergius Paulus [note]Il était proconsul et comme tel il pouvait ordonner l’exécution des criminels ou déployer des troupes en guerre.[/note] (Act 13.7,12) sont devenus chrétiens.
• Aucune des longues listes de péchés que nous trouvons dans le N.T. ne mentionne le fait d’être soldat ; à aucun moment, les apôtres dans leurs lettres ne demandent aux soldats de démissionner de leurs fonctions.
• À l’époque du N.T., l’armée jouait à la fois un rôle militaire (de conquérant) et un rôle de police (de maintien de l’ordre). Quand Paul évoque le « magistrat […] qui porte l’épée, étant serviteur de Dieu pour exercer la vengeance et punir celui qui fait le mal », il enjoint : « Il est donc nécessaire d’être soumis, non seulement par crainte de la punition, mais encore par motif de conscience » (Rom 13.4-5). Dieu demande donc à l’armée d’instaurer un ordre, certes imparfait, mais préférable au chaos de l’anarchie et du non-droit.
• En même temps, le N.T. insiste sur le fait qu’un disciple de Christ va se caractériser par une certaine douceur : il aime son ennemi, prie pour ceux qui le maltraitent et qui le persécutent.
L’attitude générale du chrétien doit le faire connaître comme un homme doux, généreux, bienveillant, qui ne répond pas « au quart de tour », loin d’un esprit haineux, revanchard et belliqueux (cf. Mt 5.1-12, 5.38-45, Rom 12.17-21, Mt 7.12, 1 Pi 2.11-25).
• Lorsque Jean-Baptiste voit des soldats venir à lui pour lui demander ce qu’ils doivent faire, il leur répond : « Ne commettez ni extorsion ni fraude envers personne, et contentez-vous de votre solde. » (Luc 3.14) Jean-Baptiste ne dit pas à ces soldats de démissionner ou de déposer les armes, mais il modère et limite leur activité pour que cette activité se fasse selon une certaine éthique. Ça veut dire qu’un soldat chrétien va devoir réfléchir aux ordres qu’il reçoit. Cela me semble être l’un des éléments importants à prendre en compte dans la réponse à la question initiale.
Un essai de synthèse
Comment concilier ces données qui semblent parfois un petit peu en contradiction les unes avec les autres ?
L’histoire nous apprend que les chrétiens les ont comprises différemment :
• La première position est le pacifisme. Elle a marqué le mouvement mennonite qui a maintenu pendant des siècles une position fermement pacifique où un chrétien ne prendrait les armes en aucune circonstance [note]En francophonie, Egbert Egberts défend cette approche dans son livre, On n’apprendra plus la guerre, Vers un pacifisme chrétien, aux éditions Oasis. [/note] .
Un pacifiste dira « Je préfère aller en prison que de porter une arme et de porter la main sur un être humain créé à l’image de Dieu. [note]Certains pays offrent le statut d’objecteur de conscience. [/note] »
C’est aussi la position la plus fréquente des chrétiens dans les pays musulmans où la guerre prend souvent une connotation religieuse ; ils ont décidé pour la plupart, étant donné que la violence entraîne un cycle infernal de violence, de ne pas prendre les armes. Les guerres de religion européennes ont conduit les anabaptistes aux mêmes conclusions.
• La deuxième position est inverse. Ces chrétiens disent que s’enrôler est un appel personnel légitime. Ils participent à l’armée de leur pays et, lorsque l’ordre de mener bataille est donné, ils font leur travail, c’est-à-dire qu’ils tuent les soldats d’un pays adverse sans aucun problème de conscience. Ils estiment que Dieu forge l’histoire de nations souverainement et providentiellement par le biais de l’État et de l’armée. Un droit s’établit ainsi, certes imparfait, même mauvais dans un certain sens, mais préférable au chaos qui vient d’un monde livré au règne du plus fort [note]Les exactions terribles commises et attestées dans certains pays (mutilations des femmes, enrôlement d’enfants soldats, etc.) après le départ de l’armée conquérante d’un pays démocratique ayant établi un certain ordre social serait une justification de cette approche. [/note] . Je remarque que cette position s’exprime souvent dans le contexte de pays où les chrétiens ont confiance dans leur gouvernement qui est plus ou moins stable et démocratique.
• Une variante de la position précédente propose d’évaluer la moralité d’une guerre pour décider d’une participation [note]Augustin, puis Thomas d’Aquin, ont été les premiers théologiens à se pencher sur [/note]. Une guerre défensive serait considérée comme juste, ou encore une guerre visant la libération d’un peuple de l’oppression d’un gouvernement injuste. Le problème de cette perspective est qu’elle aurait soutenu les militaires de Jérusalem, quand Dieu qualifiait d’injuste cette posture et qu’il demandait par son prophète Jérémie de se rendre aux Babyloniens !
En l’absence d’un prophète authentique, il est difficile d’établir ce que serait une guerre juste.
• Une troisième perspective, entre les deux, se limite au soutien logistique. Dans cette perspective le chrétien pourrait manifester son soutien à un État en guerre, mais uniquement dans des positions de non-combattant. Il pourrait s’impliquer en tant que médecin, chauffeur, infirmier ou logisticien, sans accepter une position où il prendrait une arme pour participer aux combats.
• Au II e siècle de notre ère, les pères de l’Église recommandaient aux gens qui se convertissaient de ne pas devenir des soldats, mais on laissait aux soldats qui devenaient chrétiens la possibilité de rester dans leur profession. Là encore, c’était une position de compromis. Souvent les réflexions éthiques ne sont pas toujours très tranchées car on navigue dans un monde déchu où le bien et le mal ne sont pas toujours si clairs.
Avec le temps, j’ai développé une perspective que je qualifierais de « consentante ». Elle « rend à César ce qui est à César » et « à Dieu ce qui est à Dieu ».
Dans mon appel, je vais militer pour le royaume de Dieu, c’est-à-dire proclamer l’Évangile, vivre la vie chrétienne du mieux possible, prier pour la liberté de culte, etc. ; en parallèle, je consens à participer au royaume de ce monde et je consens à un certain nombre d’activités, y compris combattante. Je suis prêt à un certain nombre d’engagements jusqu’aux limites de ma conscience ; Actes 5.29 nous dit que nous devons obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes, et à un moment donné, si les ordres qui me sont donnés sont des ordres qui violent ma conscience (par exemple tuer des civils, ou se venger sur eux), je ne le ferai pas ; j’espère avoir le courage à ce moment-là de le refuser, quitte à en subir les conséquences qui pourraient aller jusqu’à une exécution ou un emprisonnement. Voilà comment je verrais les choses :
1. Laissons à Dieu le soin de diriger les présidents et les rois, sachant qu’il jugera et condamnera les dictateurs de ce monde.
2. Prions que Dieu accorde en tout lieu la liberté de prêcher et de croire. Dans notre pays, et dans tous les pays du monde, notamment les pays encore fermés à l’Évangile.
3. Consentons aux décisions prises par nos autorités pour les suivre jusqu’au combat, poursuivant un engagement mesuré et respectueux des populations.
4. Refusons tout acte militaire ou policier outrancier contraire à l’éthique chrétienne (torture, racisme, viol, etc.). Consentons que ce refus de soumission entraîne une condamnation pour insubordination.
5. Participons activement, en tant qu’Église, à tout acte de justice (protection des faibles, opprimés, étrangers, etc.).
6. Accueillons dans l’Église tout croyant, même avec des avis différents, même « ennemi occupant ».
7. Prêchons l’Évangile à tous, pour permettre au plus grand nombre d’accéder à l’éternité de paix que Dieu va instaurer.
Chaque lecteur est encouragé à se positionner personnellement. Restons aussi prudents vis-à-vis de ceux qui ont pris une décision différente de la nôtre, car il n’y a sans doute pas de réponse absolue possible à cette question.
- Edité par Varak Florent
« Je ne peux pas croire au Dieu de la Bible parce qu’il a ordonné un génocide. »
Le récit de la conquête de Canaan en choque plus d’un, au point d’être un obstacle à la foi. Même parmi les chrétiens, beaucoup sont frappés par la dimension tragique de ces récits.
En effet, la lecture du commandement divin dans le Pentateuque et de la narration de la conquête dans le livre de Josué donne l’impression d’une extermination des nations cananéennes.
• Deutéronome 7.1-2 : « Lorsque l’Éternel, ton Dieu, t’aura fait entrer dans le pays […] qu’il chassera devant toi beaucoup de nations […] tu les dévoueras par interdit […] et tu ne leur feras point grâce. »
• Josué 10.40 : « Josué battit tout le pays, la montagne, le midi, la vallée et les coteaux, et il en battit tous les rois ; il ne laissa échapper personne, et il dévoua par interdit tout ce qui respirait, comme l’avait ordonné l’Éternel, le Dieu d’Israël. »
Les expressions utilisées pour décrire la manière dont les Israélites devraient traiter les Cananéens sont dures à entendre : exterminer (Ex 23.23), chasser (Ex 23.28-31), livrer (Deut 7.2), détruire (Deut 12.30)… Elles sont encore plus poignantes lorsqu’il est précisé qu’ils les détruisirent entièrement « hommes et femmes, enfants et vieillards, jusqu’aux bœufs, aux brebis et aux ânes », ne laissant aucun rescapé (Jos 6.21 ; 11.11,14 ; cf. également Deut 2.34 et 3.6).
Ces expressions conduisent nos consciences modernes à rapidement accuser deux acteurs des événements décrits : le Dieu « d’amour » qui aurait commandé le massacre sanglant des Cananéens, et les Israélites qui auraient exterminé les Cananéens. L’accusation est-elle justifiée ?
Peut-on parler de génocide ?
Avant de répondre à ces questions, il convient de prendre le temps d’analyser l’ensemble des informations bibliques afin de disposer d’une photographie complète de la situation. Nous relevons ici cinq points à prendre en considération. Ils concernent d’une part la relation entre Dieu et les Cananéens, et d’autre part l’intervention israélite sous le commandement de Josué.
A. La relation entre Dieu et les Cananéen
Que s’est-il passé entre Dieu et les Cananéens ? Y-a-t-il une spécificité cananéenne ?
En Exode 33.12 à 34.9, Moïse demande à voir la face de Dieu. Ce dernier se révèle à lui en proclamant son nom : « L’Éternel, l’Éternel, Dieu, miséricordieux et compatissant, lent à la colère, riche en bonté et en fidélité, […] qui pardonne l’iniquité, la rébellion et le péché, mais qui ne tient point le coupable pour innocent… » Dieu choisit donc de se révéler sous ses caractères qui marquent sa relation avec l’homme.
Notons deux principaux traits : sa grande patience, motivée par sa miséricorde, et sa justice.
1. Dieu a été patient envers les Cananéens
Cette patience a duré au moins 400 ans [note] Ce décompte démarre à la déclaration de Dieu à Abraham (Gen 15.16). Il ne tient pas compte de toute la période qui la précède.[/note] . Lorsque Dieu promit à Abraham de lui donner le pays de Canaan, il lui précisa que le délai de réalisation de la promesse serait très long parce que « l’iniquité des Amoréens [note]Les Amoréens : terme générique pour désigner les habitants de Canaan.[/note] n’est pas encore à son comble » (Gen 15.16). Pendant cette période de patience, nous pouvons penser que les Cananéens ne sont pas restés sans avertissements, car Dieu prévient toujours avant de juger (cf. le cas de Ninive avec Jonas). Les déclarations de Rahab, habitante de Jéricho, vont dans ce sens : « Nous avons appris comment, à votre sortie d’Égypte, l’Éternel a mis à sec devant vous les eaux de la mer Rouge […] C’est l’Éternel, votre Dieu, qui est Dieu en haut dans les cieux et en bas sur la terre » (Jos 2.10 11).
C’est Dieu qui jugeait les Cananéens
Le motif du jugement était clair : « toutes les abominations qu’ils font pour leurs dieux » (Deut 20.18). Rappelons que les sacrifices d’enfants et l’immoralité sexuelle étaient très présents dans le culte cananéen [note]Ces pratiques sont aussi attestées par des découvertes archéologiques.[/note] . Les Israélites devaient donc démolir leurs autels, briser leurs statues, abattre leurs idoles et brûler leurs images taillées (Deut 7.5). Le commandement divin d’extermination n’était donc pas formulé sur une base raciale, mais sur la base du comportement immoral des Cananéens. D’ailleurs, les Israélites couraient le même risque de jugement s’ils commettaient les mêmes abominations, selon Deut 7.4 : « … tes fils, qui serviraient d’autres dieux, et la colère de l’Éternel s’embraserait contre vous : il te détruirait promptement. » Comme pour Sodome et Gomorrhe, Dieu ne pouvait plus supporter les iniquités pratiquées par les Cananéens.
Le juge était Dieu lui-même. Le texte biblique montre que les batailles sont menées par l’épée de l’Éternel lui-même : « Comme Josué était près de Jéricho […] voici un homme se tenait debout devant lui, son épée nue dans la main […] Je suis le chef de l’armée de l’Éternel, j’arrive maintenant » (Jos 5.13 14).
En revanche, le moyen de jugement visible sur le champ de bataille était l’épée des Israélites. Ils ne devaient laisser aucun survivant sur le champ de bataille, parce que les Cananéens étaient « frappés d’anathème » ou « dévoués par l’interdit ». Ces expressions traduisent le terme herem qui désigne une chose entièrement consacrée à l’Éternel (Lév 27.28). S’il s’agit d’une personne, celle-ci doit être mise à mort. Autrement dit, la vie des Cananéens revenait au Créateur. Josué a donc conduit les Israélites dans l’obéissance au commandement divin — ce que le texte biblique tient à souligner : « Josué exécuta les ordres de l’Éternel à Moïse, […] il ne négligea rien de tout ce que l’Éternel avait ordonné à Moïse. » (Jos 11.15) Il ne s’agit donc pas d’une conquête accomplie par haine contre les Cananéens.
Notre conscience peut être choquée par la violence des événements. Mais, sans rentrer dans les détails, on constate à travers l’histoire biblique que la violence humaine est présente lors de l’exécution de jugements divins. Le Fils de Dieu lui-même n’y a pas échappé. En effet, lorsque la colère de Dieu s’est déversée sur lui à notre place, toute la cruauté de la crucifixion des Romains s’est manifestée. Devons-nous en déduire pour autant que Dieu est violent ?
En conclusion, nous pouvons dire que Dieu n’a pas agi de manière spécifique avec les Cananéens : il n’y a pas d’exception cananéenne, mais une jurisprudence cananéenne. Comme Dieu a été patient avec eux, il est patient envers tous les hommes ; comme il les a détruits en jugement, il fera de même pour tous les impies (cf. 2 Pi 3.7-9).
L’accusera-t-on alors de génocide ? Cela n’a pas de sens… L’exercice de la justice reste la prérogative de Dieu.
B. L’intervention israélite sous le commandement de Josué
Les Israélites ont-ils profité de l’occasion pour commettre des actes coupables envers les Cananéens ?
Nous avons remarqué ci-avant que le texte biblique souligne l’obéissance de Josué aux commandements divins. Il a respecté scrupuleusement le cadre prescrit par Dieu lui-même ; et ce cadre, c’est la guerre.
3. Les Israélites ont conquis le pays selon les règles de la guerre
Dieu avait clairement précisé les règles de guerre que le peuple devait suivre. Il devait demander la paix avant d’attaquer une ville. « Quand tu approcheras d’une ville pour lui faire la guerre, tu l’inviteras à la paix. » (Deut 20.10, Darby) Si la ville était hostile, la guerre était justifiée. S’il s’agissait d’une ville en dehors de Canaan, seuls les hommes adultes devaient être tués. S’il s’agissait d’une ville située dans le pays, elle devait être entièrement détruite en application de l’anathème.
Il ne devait donc pas y avoir de prisonniers de guerre, ni de butins dans ces villes, comme évoqué précédemment.
Moïse a observé ce commandement pour la conquête des territoires à l’est du Jourdain en prenant soin de demander la paix (Deut. 2.26-30).
Nous n’avons pas de précisions concernant une demande de paix lors de la première campagne militaire menée par Josué (Jéricho, Aï et Béthel).
Mais les six jours de tour de la ville de Jéricho ne peuvent-ils pas être considérés comme autant d’offres implicites de paix ? Concernant les deux autres campagnes militaires, la déclaration de guerre provenait des Cananéens eux-mêmes. Les Israélites se sont retrouvés en guerre, soit à cause de leur alliance avec les Gabaonites, soit pour répondre à une agression directe. Le texte précise que « l’Éternel permit que ces peuples s’obstinent à faire la guerre contre Israël, afin qu’Israël […] les détruise » (Jos 11.20). De plus, « Israël ne brûla aucune des villes qui étaient demeurées tranquilles sur leurs collines, excepté Hatsor » (Jos 11.13, Darby).
Dans ce contexte, il est intéressant de noter le cas des Gabaonites. Ces derniers ont réussi à négocier la paix par ruse. Ils ont été asservis aux Israélites conformément au commandement divin.
4. La conquête est décrite en termes de victoires remportées
En effet, le narrateur s’attarde à rapporter la prise de villes et l’anéantissement de rois (cf. le résumé de Josué 12), plutôt que la destruction des habitants.
La conquête a donc consisté à détruire les points stratégiques que constituaient les villes [note]En réalité, seules trois villes ont été entièrement détruites et brûlées par le feu (Jéricho, Aï et Hatsor).[/note] . Ces dernières étaient les centres religieux, commerciaux, administratifs. La prise de ces villes garantissait la domination d’Israël sur le territoire. En effet, à la fin des campagnes militaires, il restait encore une grande partie à prendre en possession (« le pays qui te reste à soumettre est très grand », Jos 13.1). Chaque tribu avait la responsabilité de prendre possession des contrées qui lui étaient attribuées en partage alors que les ennemis étaient désormais affaiblis. La situation des géants Anakim est symptomatique à ce sujet : Josué les extermina avec leurs villes (Jos. 11.21), mais à Hébron, Caleb a dû déposséder les Anakim qui y étaient toujours (Jos. 14.12 ; 15.14).
Cette dernière citation semble montrer une contradiction : il détruisit entièrement, mais il en reste ! On voit donc que le style utilisé par le narrateur est hyperbolique. Lorsqu’il parle de destruction complète, il veut souligner la victoire totale obtenue par Josué. Il ne s’agit donc pas d’une formule pour décrire une éradication complète des Cananéens. D’ailleurs, ses conclusions après la description de la conquête et du partage font uniquement référence à la fin de la guerre : « Le pays se reposa de la guerre » (Jos 11.23 ; 21.44, Darby).
5. Les Israélites ont laissé vivre des Cananéens dans le pays
La cartographie du pays après la conquête est bien éloignée de celle d’un territoire peuplé uniquement d’Israélites. Cette situation est bien conforme aux annonces divines. En effet, Dieu avait expressément annoncé que la conquête serait progressive : « L’Éternel, ton Dieu, chassera peu à peu ces nations loin de ta face. » (Deut. 7.22) L’hypothèse de la présence de Cananéens en permanence dans le pays était sous-entendue par Dieu lui-même, puisqu’il avait commandé aux Israélites de ne pas s’allier à eux par mariage (Deut 7.3).
On voit aussi que dans certains cas, des échappés ont été laissés en vie : « Quand Josué et les fils d’Israël eurent achevé de leur infliger une très grande défaite, jusqu’à les détruire, il arriva que les fuyards d’entre eux échappèrent et entrèrent dans les villes fortifiées ; et tout le peuple retourna en paix au camp. » (Jos 10.20-21, Darby). On peut remarquer que dans certains cas, ils ne tuèrent que les hommes (Jos. 11.14).
En conclusion, nous pouvons dire que les Israélites n’ont pas conquis le pays dans une logique de destruction systématique des Cananéens. Leurs actes s’inscrivaient dans le cadre d’une guerre, leurs ennemis cherchant à leur faire subir le même sort.
Accuserons-nous de génocide une armée qui lance une contre-offensive ?
En synthèse
Les cinq points évoqués nous indiquent déjà qu’une lecture plus attentive du texte biblique diminue le sentiment de génocide. Le but du commandement divin était double : d’une part, juger les Cananéens qui ne se sont pas détournés de leurs abominations ; et d’autre part, préserver les Israélites de l’idolâtrie cananéenne, afin de les protéger in fine du jugement divin. On discerne alors à travers ce commandement que Dieu est à la fois juste et bon : juste, car il ne laisse pas le coupable impuni ; bon, car il veut avant tout éviter de devoir le punir.
Comment donc ne pas faire confiance à un tel Dieu ? Comment ne pas décider de se détourner de ses mauvaises voies et croire en lui ? Un exemple de jugement divin comme celui des Cananéens a aussi un rôle pédagogique ; il devrait nous inciter à nous rapprocher du Dieu « miséricordieux, lent à la colère, et grand en bonté ».
- Edité par Coquerel Eli
Le diagnostic
« Voici, les jours viennent, dit le Seigneur, l’Éternel, où j’enverrai la famine dans le pays, non pas la disette du pain et la soif de l’eau, mais la faim et la soif d’entendre les paroles de l’Éternel » (Amos 8.11) .
Deux sondages parus ces dernières années montrent que les chrétiens sont en état de famine spirituelle :
• Concernant les protestants français (y compris évangéliques), 13 % lisent la Bible tous les jours ou presque, 6 % au moins une fois par semaine et 81 % moins souvent, dont 29 % jamais. [note]Sondage IFOP pour l’Alliance biblique française et le quotidien La Croix, effectué en France mi-2022.[/note]
• Concernant les Suisses se définissant comme « protestants évangéliques », seuls 38 % déclarent avoir lu la Bible en entier. [note]Sondage Link pour Christianisme aujourd’hui, effectué en Suisse mi-2020.[/note]
Naturellement, les chiffres sont beaucoup plus bas si l’on considère la population totale. Le constat est sans appel : la lecture de la Bible n’est pas une priorité, même parmi ceux qui se disent chrétiens ! Et pourtant la « faim » spirituelle existe bel et bien et on cherche à la satisfaire par d’autres sources… qui ne rassasient pas !
La situation n’est pas sans analogie avec celle du temps du prophète Amos. Ce dernier critique la cupidité de ses contemporains qui oublient Dieu, oppressent les pauvres et négligent les jours de repos pour commercer davantage (Amos 8.4-6). En conséquence, Dieu envoie une famine spirituelle qui touche d’abord les jeunes (Amos 8.13).
Sans noircir exagérément le tableau, on peut constater que, dans nos églises, la lecture biblique personnelle tend à se raréfier, le culte familial à disparaître et le temps dévolu en église à la prédication biblique à se réduire au profit de la louange. Si cela ne va pas forcément jusqu’à la famine, assurément un constat partagé de dénutrition s’impose !
Le remède
« Jésus répondit : Il est écrit : L’homme ne vivra pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu » (Matthieu 4.4).
La réponse de Jésus à la première tentation du diable au désert est bien connue ; elle est devenue un chant familier… Mais qu’en est-il de sa mise en pratique ? Nous prenons soin de nous nourrir physiquement chaque jour, mais pas toujours spirituellement. Les humains, dans leur grande majorité [note]Même s’il reste hélas 828 millions de personnes sur Terre à souffrir de la faim en 2021, soit environ 10 % des humains (source : Programme Alimentaire Mondial des Nations-Unies).[/note] , mangent tous les jours, mais le soutien de la vie physique n’est pas suffisant : le Seigneur insiste sur l’importance de la Parole de Dieu pour vraiment vivre ! Lui-même disait : « Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé, et d’accomplir son œuvre » (Jean 4.34).
La citation qu’il fait du Deutéronome rappelle qu’Israël au désert n’a pas souffert de la faim physique : la manne venait quotidiennement le rassasier. En revanche, il a oublié la parole de l’Éternel et une génération est morte (mais pas de faim !) dans le désert.
Manger quotidiennement – lire quotidiennement la Bible : deux activités qui devraient être naturelles, routinières. Chacun a ses habitudes alimentaires : certains privilégient un copieux petit-déjeuner alors que d’autres préfèrent se caler au dîner. Des croyants aiment ouvrir leur Bible dès le réveil alors que d’autres, plus « du soir », savourent la tranquillité des dernières heures du jour.
Et si l’on n’a pas faim ? Il nous arrive de ne pas avoir d’appétit au moment de nous mettre à table : allons-nous sauter le repas ? Peut-être, mais pas plusieurs fois de suite ! Nous allons nous forcer, ou bien choisir un plat que nous aimons particulièrement.
De même, nous pouvons reconnecter avec la Parole par un effort assumé ou en revenant vers un de nos textes favoris.
Et si l’on rate un jour ? Ce n’est pas un drame ! Une règle inflexible nous obligeant à lire au moins un chapitre de l’Écriture sans manquer un jour ne serait pas dans l’esprit de la liberté de la nouvelle alliance. Une chrétienne recommandait : « Deux jours [note]Sous-entendu sans ouvrir la Bible.[/note] mais pas trois ! » Il ne faut pas que les excuses deviennent une habitude…
Et si l’on n’aime pas tel texte ? Jésus précise : « toute parole » (cf. 2 Tim 3.16). On dit qu’il faut goûter sept fois un aliment avant de l’apprécier vraiment. Notre première lecture du Lévitique ne nous enthousiasmera pas forcément, mais au fur et à mesure que nous saisirons la trame générale de l’Écriture, la progression de la révélation, les correspondances entre les livres, nous en viendrons à apprécier même ceux que nous trouvions a priori quelque peu indigestes !
Ne nous leurrons pas : un combat est en jeu ! Notre sujet relie les deux thèmes de ce numéro : pour vaincre la famine, une guerre se joue. La faim de Jésus au désert était bien réelle, mais sa priorité fut de se conformer à la Parole de son Dieu et il a vaincu le diable. Alfred Kuen a écrit : « Lire la Bible, c’est contrecarrer le plan des forces hostiles à Dieu. Celles-ci ne demeureront pas inactives : elles chercheront par tous les moyens à déranger notre lecture ou à l’empêcher. Notre lecture de la Bible est donc, en premier lieu, une lutte spirituelle. »
La motivation
« Désirez, comme des enfants nouveau-nés, le lait spirituel et pur, afin que par lui vous croissiez pour le salut, si vous avez goûté que le Seigneur est bon » (1 Pierre 2.2-3).
Si la motivation est absente, la régularité le sera bientôt ! Pourquoi ouvrons-nous notre Bible ? Par obéissance ? pourquoi pas. Par devoir ? sans doute quelquefois. Par peur ? j’espère que non… Avant tout, ouvrons-la pour une rencontre personnelle avec son auteur, Dieu lui-même, et avec celui qui est le centre de la révélation écrite, la Parole vivante, Jésus-Christ. Ouvrons-la pour mieux le connaître et ainsi davantage l’aimer et le servir avec plus de zèle. Nos expériences passées avec le Seigneur (ses délivrances, sa protection, ses bienfaits si nombreux dont le Psaume 34 que cite l’apôtre se fait l’écho) renforcent l’envie de nous approcher de lui : puisque [note] C’est ainsi qu’il faut comprendre le « si » du verset 3 et que la Bible du Semeur le traduit. [/note] nous avons expérimenté sa bonté, nous avons d’autant plus envie de l’écouter.
Le lait est ici le symbole d’un aliment complet [note]Dans d’autres textes, il est évoqué avec une connotation négative, comme l’aliment initial dont il faut ensuite se détacher pour avancer vers des nourritures plus solides (1 Cor 3 ; Héb 5). Notons l’intérêt de voir le sens d’un symbole à la lumière de son contexte ![/note] et l’image de Pierre est parlante : qui n’est pas réjoui de voir un bébé téter goulûment, avec un sentiment de plénitude et de satisfaction une fois sa faim apaisée ? La lecture de la Parole est indispensable pour grandir spirituellement : elle est à l’origine de la vie nouvelle en nous (1 Pi 1.23-25) et elle est l’aliment de notre croissance, présente dans toutes les étapes d’un salut qui embrasse bien au-delà de la nouvelle naissance.
Pierre, cependant, n’occulte pas les obstacles. Deux d’entre eux sont à relever :
• les tensions relationnelles (méchanceté, hypocrisie, jalousie, médisance, 1 Pi 2.1) annihileront l’effet positif de la Parole : traitons-les vite pour retrouver la joie de notre lecture ;
• les « convoitises charnelles qui font la guerre à l’âme » (1 Pi 2.11) témoignent une fois de plus de la lutte spirituelle qui est en jeu : si mes pensées et mon emploi du temps sont occupés à satisfaire mes désirs purement terrestres, la lecture de la Bible sera négligée — et les pièges ne manquent pas en la matière, multipliés par les outils électroniques constamment à notre disposition !
La conséquence
« J’ai recueilli tes paroles, et je les ai dévorées ; tes paroles ont fait la joie et l’allégresse de mon cœur » (Jérémie 15.16).
Dans ce texte, selon la meilleure hypothèse, Jérémie fait allusion au livre de la loi découvert sous Josias.
Longtemps oublié, le Deutéronome a été le guide d’action de ce roi pieux et la joie du prophète.
Le verbe « manger » indique une appropriation personnelle du message reçu. Jésus se comparait lui-même au pain de vie et invitait ses disciples à le « manger » symboliquement. Le remède à la dénutrition passe par une meilleure assimilation des aliments, qui réclame régularité des prises, mastication prolongée, choix approprié des mets.
Le parallèle avec notre assimilation de la Parole est facile à faire !
Pour « trouver » les paroles du Seigneur, les occasions ne manquent pas. Si l’on est isolé, comme Jérémie, on peut, par exemple : télécharger la Bible sur son smartphone y compris sous forme d’audiolivre, compléter par des podcasts ou des messages YouTube choisis avec discernement, se fournir dans une librairie chrétienne de livres d’édification, etc.
La Bible se « trouve » aussi en groupe et se comprend mieux à plusieurs : cherchons un groupe de lecture près de chez nous, profitons des messages bibliques de notre église, suivons des formations bibliques en présentiel ou à distance…
Et surtout, quel que soit le moyen, nous pouvons y trouver notre joie, plus encore, notre « allégresse » car la Parole nous vient du Dieu auquel nous appartenons, qui nous aime et qui nous parle ! Quel bonheur d’ouvrir sa lettre d’amour pour nous, de l’y découvrir toujours plus ! Le psalmiste disait : « Je me réjouis de ta parole, comme celui qui trouve un grand butin. » (Ps 119.162) La joie est communicative, dit-on : c’est en montrant un plaisir sincère dans notre lecture personnelle et collective que nous donnerons envie, aux plus jeunes en particulier, de lire la Parole. La famine se sera transformée en festin !
Le problème inverse
« Mettez en pratique la parole, et ne vous bornez pas à l’écouter en vous trompant vous-mêmes par de faux raisonnements » (Jacques 1.22).
Tous les chrétiens ne souffrent pas de famine spirituelle. Certains risquent davantage l’obésité !
On lit beaucoup la Bible (parfois que la Bible !), on assiste à toutes les réunions ou webinaires possibles, on affiche des versets partout… et ce surpoids ne se traduit pas en exercice ! Il peut y avoir une grande régularité dans le culte personnel, de la connaissance accumulée, un vrai souci d’exactitude doctrinale – et peu de souci du prochain, pas d’appréciation des enjeux du moment, de l’indifférence vis-à-vis des besoins autour de soi. Jacques dénonce ce travers en évoquant de faux raisonnements, qui prennent parfois la forme d’un accent exagéré sur la séparation du monde, la pureté extérieure, la fidélité aux traditions reçues, etc. Le résultat en est aussi une vraie pauvreté spirituelle.
La solution à l’obésité spirituelle ? Se mettre à l’œuvre, s’occuper des plus démunis, recommande Jacques (Jac 1.25,27). « Entrer et sortir » disait un frère âgé à de jeunes croyants : entrer dans le sanctuaire de Dieu pour l’écouter calmement dans sa Parole et sortir pour servir activement. L’Écriture nous est donnée pour nous rendre « accompli et propre à toute bonne œuvre » (2 Tim 3.16-17).
« Il faut manger pour vivre et non vivre pour manger » : appliquons ce proverbe populaire et nourrissons-nous de l’Écriture pour œuvrer ensuite de façon intelligente et diligente pour le Seigneur.
- Edité par Prohin Joël
« Car il s’agit, non de vous exposer à la détresse pour soulager les autres, mais de suivre une règle d’égalité : dans la circonstance présente votre superflu pourvoira à leurs besoins, afin que leur superflu pourvoie pareillement aux vôtres, en sorte qu’il y ait égalité, selon qu’il est écrit : Celui qui avait ramassé beaucoup n’avait rien de trop, et celui qui avait ramassé peu n’en manquait pas » (2 Cor 8.13-15).
De l’inégalité parmi les hommes
Dans le livre de Jean-Jacques Rousseau portant ce titre, le philosophe tente de démontrer sa vision optimiste de l’homme dans son « état de nature » et que la société (en particulier la propriété privée) est à l’origine des inégalités.
La Bible nous donne certes une vision idéale de l’état de l’homme créé par Dieu au jardin d’Eden, mais nous montre que c’est la chute, la désobéissance à Dieu qui est la source de tous nos maux et donc des inégalités.
Les inégalités de richesses sont partout aujourd’hui : entre États, entre citoyens d’un même pays, entre membres d’une même entreprise, entre membres d’une église locale. Alors que le PIB par habitant, indiquant la richesse produite par habitant dans un pays peut différer grandement (environ 45 000 $ pour la France et 1000 $ pour le Togo en 2021 par exemple), le salaire du PDG d’une entreprise multinationale représente parfois plus de 300 fois celui de son propre salarié.
Qui est responsable ?
Si Dieu peut parfois être directement à l’initiative d’un jugement particulier comme une famine par exemple (Jér 11.22), la plupart du temps la responsabilité humaine est engagée de manière plus directe.
Que ce soient les conséquences d’une guerre ou de la mauvaise gestion d’un État, beaucoup de famines pourraient être évitées.
Près d’un milliard de personnes souffrent de sous-alimentation. Deux milliards de plus sont mal nourries. En parallèle, on dénombre 1,3 milliard d’individus en surpoids ou obèses. Nous pourrions nourrir plus de deux fois la population mondiale, et pourtant… [note]https://www.lepoint.fr/environnement/nous-pourrions-nourrir-deux-fois-la-population-mondiale-et-pourtant-09-09-2014-1861529_1927.php[/note]…
Dans la Bible, Joseph montre l’exemple d’une sage prévision et gestion de crise du pays d’Égypte (Gen 41). Ce dernier fait preuve d’anticipation en profitant des années d’abondance pour faire des réserves pour les années de famine. Cela permet d’affirmer que les États ont une responsabilité importante dans la prévision et l’adaptation aux évènements climatiques. Malheureusement, certains pays combinent à la fois des conditions climatiques difficiles, un manque d’eau, un développement économique faible et des états ou des environnements géopolitiques instables.
Peut-on améliorer les choses ?
Les États plus riches ainsi que différentes associations ou ONG apportent un soutien financier, matériel ou humain pour faire face aux situations de famines les plus dramatiques.
A un niveau individuel, le verset d’en tête semble mettre la barre très haut. Faut-il vraiment le prendre au pied de la lettre ?
Le commentaire suivant du Nouveau Testament Annoté nous paraît bien retranscrire la pensée de Paul :
« De là, l’apôtre tire (v. 13,14) cet important enseignement qu’il ne doit pas y avoir entre les chrétiens gêne d’une part et surabondance de l’autre, mais égalité. Si les Corinthiens donnent maintenant (v. 13), les frères de la Palestine peuvent le leur rendre dans un autre temps (v. 14), soit en biens spirituels, soit en dons temporels. Ainsi l’amour, l’ardente charité qui avait produit, aux premiers jours de l’Église, cette précieuse égalité, pouvait et devait la produire encore. Partout où elle ne porte pas les mêmes fruits, c’est qu’elle s’est refroidie (Act 2.44,45 ; 4.34-37 ; 11.28-30).
Qu’on ne s’y méprenne pas toutefois, et qu’on ne demande pas à des institutions humaines et au nom de la loi, c’est-à-dire de la contrainte, ce que Paul demande au nom d’un sentiment que l’Esprit de Dieu seul peut inspirer, et qui serait dénaturé dès qu’on lui ôterait sa liberté, sa parfaite spontanéité. L’apôtre n’emploie pas même son autorité apostolique pour prescrire un devoir ; il ne commande pas, il le déclare positivement (v. 8) ; il en appelle à la charité de Christ (v. 9), et pour lui, il ne fait que donner « un conseil » (v. 10), ajoutant (v. 13) une réserve plus délicate encore.
C’est que l’égalité de l’amour chrétien vient de Dieu, tandis que l’égalité impossible dont rêvent les hommes n’est que de la convoitise et de l’injustice.
Mais, en repoussant les exigences des hommes, que les chrétiens se demandent s’ils obéissent aux inspirations de l’Évangile de Dieu ! »
Ainsi, ne diminuons pas la force de l’appel de Paul à la générosité pour les chrétiens, afin de manifester l’amour de manière concrète envers nos frères qui appartiennent au même corps.
Trouver plaisir à donner
Avec le livre Le principe du trésor, Randy Alcorn a aidé beaucoup de chrétiens à trouver une relation saine avec l’argent et à expérimenter la joie qui existe à donner. Bien sûr, tout le monde ne dispose pas des mêmes ressources et la mesure du don est donc relative (Marc 12.41-44). Quinze pour cent des paroles de Jésus sont en rapport avec le sujet de l’argent. C’est plus que les enseignements sur le ciel et l’enfer réunis ! Ce livre, qui évite à la fois les excès du légalisme et de l’évangile de « prospérité », fait ressortir 6 clés qui nous permettront de progresser dans la libéralité.
• Clé n° 1 : Dieu possède tout, je suis le gestionnaire de ses biens. Nous sommes les gestionnaires des biens que Dieu nous a confiés (et non donnés).
• Clé n° 2 : Mon cœur se trouve toujours là où je place l’argent de Dieu. Voyez ce qui se passe si vous réaffectez votre argent du temporel vers l’éternité.
• Clé n° 3 : Ma résidence permanente, c’est le ciel, pas la terre. Nous sommes citoyens « d’une meilleure patrie, […] la patrie céleste » (Héb 11.16).
• Clé n° 4 : Je dois vivre pour la ligne et non pour le point. Du point (notre vie présente sur la terre) part une ligne qui n’a pas de fin, à savoir l’éternité au ciel.
• Clé n° 5 : Donner est le seul antidote au matérialisme. Donner revient à s’abandonner joyeusement à un Être plus grand et à un projet plus large. En donnant, je descends du trône et je l’exalte.
• Clé n° 6 : Dieu accorde la prospérité non pas pour améliorer mon niveau de vie, mais pour améliorer le niveau de mes dons. Dieu nous donne plus d’argent que nécessaire pour que nous puissions donner… avec générosité.
Concluons avec ce beau passage où l’apôtre Paul fait ressortir le cercle vertueux associé à la mise en pratique de la générosité (gras ajouté) :
« Vous serez de la sorte enrichis à tous égards pour toute espèce de libéralités qui, par notre moyen, feront offrir à Dieu des actions de grâces.
Car le secours de cette assistance non seulement pourvoit aux besoins des saints, mais il est encore une source abondante de nombreuses actions de grâces envers Dieu. En considération de ce secours dont ils font l’expérience, ils glorifient Dieu de votre obéissance dans la profession de l’Évangile de Christ, et de la libéralité de vos dons envers eux et envers tous ; ils prient pour vous, parce qu’ils vous aiment à cause de la grâce éminente que Dieu vous a faite. Grâces soient rendues à Dieu pour son don merveilleux ! » (2 Cor 9.11-15)
- Edité par Combe Silvain
Cet article publié sur le blog du SEL a été reproduit avec autorisation de l’auteur. Les citations bibliques sont tirées de la Segond 21.
La famine correspond à la situation douloureuse d’une population confrontée à un manque de nourriture important et durable. Cette réalité est présente à de nombreuses reprises dans la Bible. Voici un passage en revue de ce que l’on peut retenir de la présence de ce thème dans les Écritures.
En février 2017, l’ONU lançait un cri d’alarme pour prévenir du risque de famine dans trois pays d’Afrique et au Yémen. Depuis, la situation s’est légèrement améliorée dans ces régions, mais la menace n’en reste pas moins présente et inquiétante.
Si le sujet de la famine est bel et bien actuel, il s’agit pourtant d’un phénomène qui est loin d’être nouveau ou isolé. Avec un peu plus de 80 occurrences, on retrouve le terme à de nombreuses reprises dans la Bible. Et l’histoire même du peuple d’Israël est non seulement jalonnée de famines mais commence en quelque sorte avec l’une d’elles : « Il y eut une famine dans le pays et Abram descendit en Égypte pour y séjourner, car la famine pesait lourdement sur le pays » (Gen 12.10).
La famine est une réalité tellement courante à l’époque que Jésus s’en sert comme illustration dans la parabole dite du fils prodigue : « Alors qu’il avait tout dépensé, une importante famine survint dans ce pays et il commença à se trouver dans le besoin. » (Luc 15.14)
À travers cet article, nous vous proposons un survol de quelques mentions de famines dans les Écritures et de ce que ces récits nous apprennent sur ce thème, sur Dieu et sur nous-mêmes !
I. Les raisons de la famine
a) Des explications apparemment simples
La famine correspondant à un manque de nourriture, elle résulte assez souvent d’une faiblesse de la production agricole. Au temps de la Bible mais encore aujourd’hui, cette production dépend pour beaucoup des conditions climatiques, et en particulier du manque de pluie. C’est ainsi que la famine qui sévit en Israël, lors du règne d’Achab, résulte de trois années de sécheresse (1 Rois 18.1-2).
Mais la famine peut aussi être la conséquence directe d’actes humains.
Ainsi, les guerres apportent leurs lots de malheurs et de souffrances, parmi lesquels la faim. Dans le livre des Rois, il est rapporté le siège de Jérusalem par Nebucadnetsar (2 Rois 25.1-7). Le roi de Babylone poste ses troupes aux portes de la ville et la population finit par n’avoir plus rien à manger.
b) Le mystère du rôle de Dieu dans ces situations
Au-delà de ces explications somme toute assez logiques, la famine revêt une autre dimension, beaucoup plus mystérieuse. À la lecture de la Bible, on peut légitimement se poser la question du rôle de Dieu dans la survenance de ces désastres. En effet, à plusieurs reprises, il est précisé que l’Éternel en est à l’initiative pour des raisons pédagogiques :
« Moi, je vous ai envoyé la famine dans toutes vos villes, le manque de pain dans toutes vos demeures. Malgré cela, vous n’êtes pas revenus à moi, déclare l’Éternel » (Amos 4.6).
Faut-il pour autant en déduire qu’à travers chaque famine qui survient Dieu cherche à éduquer, voire à punir, une population des fautes qu’elle a pu commettre (2 Sam 21.1) ? Pas nécessairement. Dans le Nouveau Testament (Act 11.27-30), il est question d’une famine qui doit survenir sur « toute la terre » (comprendre vraisemblablement l’Empire romain).
Rien n’indique alors une responsabilité particulière des populations touchées, surtout que de fervents chrétiens semblent concernés.
II. Les conséquences de la famine
a) L’origine d’atroces souffrances
La famine est un drame. C’est une mort lente pour ceux qui en sont victimes. Au travers des paroles du prophète Jérémie, la Bible en reconnaît d’ailleurs assez justement l’atrocité : « Les victimes de l’épée sont plus heureuses que celles de la famine : elles, elles se liquéfient, affaiblies par l’absence du produit des champs » (Lam 4.9).
Pendant la famine, le prix des denrées alimentaires explose. À Samarie, pendant le siège mené par le roi de Syrie (2 Rois 6.24-31), le peuple en vient à acheter de la tête d’âne pour une fortune. Non seulement il s’agit d’une partie où il y a peu de viande, mais surtout c’est un animal impur. La faim pousse ainsi les populations à ne plus respecter les prescriptions légales. Certaines vont même jusqu’à manger leurs propres enfants. On atteint les pires horreurs relatées par le texte biblique.
b) L’émigration comme solution
Pour s’en sortir et éviter ces situations catastrophiques, nombreux sont ceux qui émigrent dans des pays voisins non affectés. Cette conséquence est profondément actuelle mais elle est déjà bien présente dans les récits bibliques. C’est ainsi qu’Élimélec part s’installer dans le pays de Moab après qu’une famine est survenue en Juda (Ruth 1.1). La ville de Bethléhem où il habitait signifiait pourtant « la maison du pain » mais force est de constater qu’en ce temps-là le pain manquait.
L’histoire de famine la plus célèbre dans la Bible est peut-être celle qui voit Joseph gérer les affaires du pharaon en Égypte (Gen 41.53-57). Les populations de tous les pays environnants s’y rendent pour s’approvisionner en vivres. Parmi elles, on retrouve les frères de Joseph. Ce récit souligne alors la façon dont Dieu peut se servir de la famine pour accomplir son plan pour son peuple.
III. Les enseignements de la famine
a) Une interpellation spirituelle
Quelles que soient les raisons à l’origine de la famine, le manque de nourriture rappelle la dépendance de tout être humain à l’égard de Dieu. Lui seul peut pourvoir à nos besoins dans sa grâce. À l’image du peuple d’Israël, c’est vers lui qu’il nous faut nous tourner : « Ils souffraient de la faim et de la soif ; leur âme était abattue. Dans leur détresse, ils ont crié à l’Éternel, et il les a délivrés de leurs angoisses » (Ps 107.5).
Mais la Bible va plus loin encore. Quand bien même nous aurions le pain en abondance, nous ne pourrions être pleinement satisfaits. La faim matérielle est l’illustration d’une faim plus profonde qui est en nous, mais d’ordre spirituelle. C’est de celle-ci surtout que Dieu veut nous rassasier : « L’homme ne vivra pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu » (Mat 4.4).
b) Un engagement concret
Si la faim questionne notre rapport à Dieu, la Bible conçoit néanmoins l’être humain dans sa globalité.
On aurait alors tort de restreindre cet enseignement à un enjeu spirituel. Si Jésus enseignait principalement les foules, il va bien multiplier des pains pour remplir leurs estomacs : « Je suis rempli de compassion pour cette foule, car voilà trois jours qu’ils sont près de moi, et ils n’ont rien à manger » (Marc 8.2).
Lorsqu’une grande famine survint dans le Nouveau Testament, les croyants ne restèrent pas immobiles. « Les disciples décidèrent d’envoyer, chacun selon ses moyens, un secours aux frères et sœurs qui habitaient la Judée » (Act 11.29) .
Voyons aussi la famine comme une occasion de « faire le bien » envers des croyants dans le besoin mais aussi plus généralement envers tous ceux qui ont faim et qui sont faits de la même chair que nous (És 58.7). La Bible nous invite ainsi à ne pas garder nos mains fermées mais à partager notre pain !
- Edité par Fouquet Nicolas
« A fame, bello et peste, libera nos Domine » ou « De la faim, de la guerre et de la peste, délivre-nous, Seigneur » : cette fameuse prière du XIV e siècle évoque à elle seule l’impuissance des hommes face à ces fléaux dits « du Moyen Âge ». En vérité, ces trois plaies récurrentes, censées être vaincues, n’ont jamais disparu. Elles progressent même aujourd’hui, avec une troublante actualité, telle la faim qui touchait jusqu’à 828 millions de personnes en 2021, un chiffre en forte hausse depuis deux ans, d’après un rapport de l’ONU qui alerte que le monde s’éloigne de plus en plus de son objectif de mettre un terme à la faim d’ici 2030. Avec le conflit en Ukraine, aux portes de l’Europe, la guerre se rappelle au mauvais souvenir de ceux qui croyaient en être éloignés, même culturellement, alors que se poursuivent les combats en République démocratique du Congo, forçant le déplacement de pans entiers de population — sans oublier des soulèvements populaires, notamment en Iran et au Sri-Lanka.
Après un Promesses spécial « épidémies et fléaux », en 2021, suit logiquement ce numéro « guerres et famines », traitées sous des angles humanitaire, théologique, éthique, historique et pastoral.
Puissent ces contributions nous questionner et inspirer notre positionnement au Nom de Celui qui vient à nous comme « le pain d’en haut » (Jean 6.32-35) et nous laisse « sa » paix (Jean 14.27).
- Edité par Dode Nicolas
Le désir d’échapper au vieillissement et à la mort existe depuis l’Antiquité. Au Moyen-Âge, les alchimistes européens recherchaient l’élixir de jouvence, la fontaine de jeunesse ou la pierre philosophale qui auraient permis de prolonger indéfiniment la vie.
De nos jours de nouveaux termes apparaissent ; la « médecine régénérative » vise à réparer ou remplacer les cellules ou organes défaillants. Le « transhumanisme » a l’ambition d’enrichir l’être humain avec de nouvelles ressources scientifiques et techniques : il rêve de machines capables de se connecter à un cerveau et de le télécharger pour qu’une personne survive numériquement à son décès.
La Bible répond à ce désir d’immortalité ! Elle affirme en effet que l’existence se poursuit au-delà du décès, pour une durée illimitée. Mais elle nous laisse la responsabilité de choisir entre :
• La « seconde mort » : le bannissement définitif loin de Dieu, une éternité de tourments avec le diable [note] Apoc 20.10-15 [/note] – si l’on refuse le pardon de Dieu.
• La « vie éternelle » : la présence de Dieu, dans un lieu d’une beauté inimaginable, sans deuil ni tristesse [note] Apoc 21.3-7 [/note] – si l’on accepte le pardon et l’autorité de Dieu [note] Jean 3.16 [/note] .
Cette vie éternelle n’est pas définie uniquement par son absence de fin, mais aussi par sa qualité : c’est une relation personnelle avec le Père et avec Jésus-Christ [notre]Jean 17.3 – 5[/note] , qui nous transforme dès maintenant [note]1 Jean 5.13[/note] , pendant notre vie terrestre !
- Edité par _Anonyme
La Bible mentionne quelques hommes qui se sont donné la mort. S’agit-il alors de suicides ? Ce n’est pas le cas de tous. Certains s’ôtent la vie : désespérés, ils veulent mettre un terme à leur existence ; d’autres donnent leur vie : ils acceptent la mort comme un moyen de servir Dieu ou de protéger la vie d’autres personnes.
Dans la première catégorie, on trouve des hommes qui se sont suicidés pour échapper aux conséquences de leurs actes, ou en finir avec leur mal-être, leurs remords stériles. Car les remords ne sont pas une vraie repentance où l’on a pris conscience de la gravité de son péché et où l’on s’humilie sincèrement devant Dieu ; ils n’amènent pas à confesser le péché devant Dieu, ils ne suffisent pas pour recevoir son pardon (Rom 2.4; 2 Pi 3.9). Le remords, c’est la tristesse causée par le résultat de son iniquité, alors qu’elle devrait l’être par l’offense faite à Dieu et par le mal occasionné à autrui. Sans confession, pas de pardon, pas d’espérance : cet accablement ne peut être apaisé, il ne peut que conduire à la mort (2 Cor 7.10).
Dans la seconde catégorie, la mort est acceptée comme un sacrifice permettant de vaincre l’ennemi, d’ouvrir les trésors de la bonté divine à notre prochain. C’est un don de soi, c’est aimer selon Dieu, sans limite (cf. Jean 3.1), en action et en vérité ! (1 Jean 3.18).
Distinguons cinq cas différents.
S’ôter la vie
• Abimélec, fils de Gédéon, a mis à mort ses frères pour prendre le pouvoir (Jug 9.1-6). L’Éternel ne peut oublier cet acte odieux. Ainsi, lors d’un siège, il a le crâne fracassé par un morceau de pierre jeté par une femme. Alors qu’il est en train de mourir, il refuse de saisir cette ultime occasion pour manifester un quelconque regret ou repentir. Non ! ce qui compte à ses yeux c’est de ne pas perdre la face.
Lui, le roi, être battu par une femme… quelle honte ! Il ordonne donc à son porteur d’armes de le transpercer de son épée (Jug 9.54). Cette fin tragique n’a rien de noble ou d’héroïque. Elle ne relève en rien l’image de cet homme violent et imbu de sa personne.
• Achitophel, conseiller d’Absalom, préfère se donner la mort en s’étranglant plutôt que d’affronter les conséquences de sa trahison envers le roi David (1 Sam 17.23). Quand il comprend que son plan rusé pour tuer David ne sera pas suivi par Absalom, il décide de se donner la mort, ne pouvant supporter l’affront d’un désaveu.
• Saül, roi d’Israël, a bien débuté ; mais il s’enferme ensuite dans la désobéissance envers Dieu. Son parcours se termine lamentablement sur la montagne de Guilboa. Rejeté par Dieu à cause de ses péchés et de son obstination, il est acculé par les Philistins en ce dernier combat. Grièvement blessé, il demande à son porteur d’armes de mettre fin à ses jours. Tremblant devant son monarque, ce dernier n’ose pas … ce qui pousse Saül à se jeter lui-même sur son épée (1 Sam 31.4). Le serviteur, par un acte d’imitation ou de désespoir, se suicide de la même manière. Dans cette scène tragique, c’est la peur de tomber entre les mains des ennemis, la peur d’être humilié, battu, torturé et cruellement mis à mort qui l’emporte.
• Zimri, conspirateur et meurtrier de son roi, voyant qu’à son tour il allait être renversé et tué, se retire dans son palais et le brûle sur lui (1 Rois 16.18). C’est ainsi qu’il meurt à cause des péchés qu’il avait commis.
• Judas, disciple de Jésus, troublé et pris de vains remords pour sa trahison, essaie de revenir en arrière. Devant le refus des Juifs, il leur rapporte leur argent et va se pendre (Mat 27.5).
Souhaiter la mort
• L’épouse de Job, accablée par le deuil et le dénuement, pousse son mari à se laisser mourir… voire plus. Job reste ferme. Il ne cède pas à la tentation d’en finir. Et même s’il regrette, dans son chagrin, le jour de sa naissance (Job 3.1), il est consolé par Dieu et béni durant le reste de ses jours.
• Élie, après une éclatante victoire sur l’idolâtrie, en vient à demander la mort parce qu’il se croit à tort isolé face aux menaces sur sa vie (1 Rois 19). L’Éternel le réconforte et lui fait comprendre qu’il n’a pas à décider lui-même du moment de son départ.
• Jonas est repris par l’Éternel pour avoir demandé la mort plutôt que de voir ceux qu’il considérait comme des ennemis être les bénéficiaires de la bonté de Dieu (Jon 4). Son cœur s’irrite de ce que Dieu ne faisait pas de différence, de ce qu’il était également bon envers les méchants et leur faisait grâce s’ils se repentaient. Est-il aussi irrité en constatant que le jugement qu’il a annoncé ne s’est pas produit ? Être déçu de Dieu, par manque d’amour, est un réel danger qui conduit à de telles demandes insensées.
Être proche de la mort
• Paul, apôtre et serviteur de Jésus Christ, a souffert en bien des manières pour le nom de son Maître (Act 9.16). Il en arrive au point de se sentir tout proche de la mort (« désespérer de vivre », 2 Cor 1.8-10). Mais il reçoit les forces au moment opportun, tout au long de sa carrière terrestre ; il peut alors déclarer que le Seigneur s’est tenu à ses côtés et qu’il le délivrera de toutes mauvaises actions (2 Tim 4.17-18).
Donner sa vie
• Samson a connu beaucoup d’écarts et de chutes dans sa vie de serviteur de Dieu ; mais il la termine par ce qui n’est pas un suicide mais bien plutôt un acte héroïque, un sacrifice. L’Éternel lui permet de remporter une dernière victoire donnant sa vie pour la délivrance de son peuple. Dans sa mort volontaire sous les décombres du palais des Philistins, il remporte une grande victoire sur ceux-ci (Jug 16.22-31).
• Jésus, Fils de Dieu et fils de l’homme, le seul parfait en tous points, a donné sa vie pour glorifier son Dieu et satisfaire sa justice, pour nous délivrer de la main de notre ennemi (Héb 2.15), de la puissance des ténèbres (Col 1.13), de la colère à venir (1 Thes 1.10). Il a accepté de mourir pour nous associer à sa mort et à sa résurrection, pour nous ouvrir les immenses richesses de la grâce de Dieu, pour nous donner, par-delà la mort physique, un sûr et éternel avenir avec lui.
Le Seigneur Jésus a donné sa vie (Jean 10.17-18), personne ne lui a prise ! Il s’est livré en sacrifice à Dieu. S’il a accepté de mourir, c’est pour nous sauver. S’il s’est laissé conduire au supplice et n’a en rien esquivé cette mort humiliante et honteuse, alors qu’il avait le pouvoir de le faire (Mat 26.53), c’est par amour pour son Dieu et Père et par amour pour sa créature.
Conclusion : et nous ?
Fils et filles de Dieu, prenons garde à nos voies et à nos pensées… au renouvellement de celles-ci. Ne laissons pas les fruits de notre esprit se gâter et amener la corruption de la mort dans notre vie. Rejetons toute idée qui chérirait la mort physique comme délivrance à l’adversité, à la souffrance et aux soucis. Certes, il peut arriver que, dans des circonstances extrêmes, nous aspirions à quitter notre corps de misère, mais notre espérance doit être plus fondée sur le fait d’être revêtu de la plénitude de la grâce de Dieu que d’être délivré des souffrances de cette terre (2 Cor 5.1-4).
Frères et sœurs en Jésus Christ, nous connaissons le véritable amour en ce que Jésus a laissé sa vie pour nous et que nous devons laisser nos vies pour ceux et celles de la famille de la foi (1 Jean 3.16-17). Si cela doit aller jusqu’au sacrifice de notre vie, que Dieu nous en donne l’acceptation et la force, comme c’est le cas encore aujourd’hui pour plusieurs des nôtres dans les persécutions et guerres ; mais n’acceptons jamais l’idée de provoquer notre mort pour être délivré de nos angoisses et détresses. « Mes temps sont en ta main » (Psaumes 31.15).
Pour aller plus loin : Henri Blocher, Du suicide, Ichtus – https://evangile21.thegospelcoalition.org/article/n-7-novembre-1970-du-suicide/
- Edité par Théret Sébastien
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