PROMESSES

Comme le fait Christopher Hitchens dans son livre Dieu n’est pas grand, les Croisades sont souvent utilisées comme argument par les détracteurs du christianisme pour contredire le message d’amour et de paix de l’Évangile. Quelle attitude les chrétiens du XXI e siècle devraient-ils adopter par rapport aux Croisades ?

Revenir sur des événements vieux de près d’un millénaire nécessite un certain nombre de précautions pour éviter trop de raccourcis et d’anachronismes. Il faut bien avouer que malgré la quantité importante de livres écrits ces dernières années sur les Croisades, nous ne sommes généralement pas en mesure d’aligner plus de quelques phrases sur le sujet en dehors de l’évocation de quelques noms comme Godefroy de Bouillon ou Richard Cœur de Lion ou encore l’image de chevaliers à croix rouge sur fond blanc chargeant sur leur destrier. Quelques éléments de contexte sont donc nécessaires avant de revenir à notre époque.

Les Croisades dans leur contexte

Les Croisades sont une série d’expéditions militaires au Moyen-Orient principalement dirigées vers la Palestine appelée « Terre sainte » qui ont eu lieu entre 1096 et 1291 dans le but de reconquérir la ville de Jérusalem alors aux mains des musulmans. Le terme « croisade », qui est postérieur à l’époque médiévale, vient de l’habitude qu’avaient ceux qui partirent de se faire coudre une croix sur leurs vêtements — d’où le nom de croisés qui leur fut donné. Le terme de croisades au sens large désigne également des expéditions de même type menée au nom de l’Église contre des personnes considérées comme hérétiques autres que les musulmans, par exemple, les Cathares, les Vaudois ou les Hussites.
Les Croisades ont commencé à la suite d’un appel prononcé par le Pape Urbain II au concile de Clermont en novembre 1095 relayé un peu partout dans tout l’Occident chrétien. Celui-ci fut suivi par une onde d’adhésion impressionnante mobilisant des dizaines de milliers d’hommes, femmes et enfants (voire centaines de milliers sur l’ensemble des Croisades) autant dans les milieux nobles (chevaliers, mais aussi des rois et des empereurs) que populaires. Les grands intellectuels chrétiens comme Bernard de Clairvaux (1090-1153) adhèrent et supportent les Croisades.
Comment comprendre un tel enthousiasme ?
La diversité des profils engagés et l’ampleur du phénomène excluent des réponses trop caricaturales qui souligneraient uniquement l’appât du gain, la recherche de gloire ou un fanatisme guerrier et religieux. Il faut sans doute rechercher des éléments de réponse dans le contexte d’une époque pleine de changements dans le cœur de l’Europe médiévale. Voici six éléments à considérer :
1. L’Islam apparu au VII e siècle avait conquis comme un éclair plus de la moitié du monde chrétien, dont Jérusalem en 636. Les musulmans avaient respecté la ville qui était pour eux également une ville sainte et avaient laissé se poursuivre les pèlerinages chrétiens dont l’origine remontait à l’époque de Constantin le Grand. Cependant au XI e siècle font leur apparition les Turcs Seldjoukides nouvellement convertis à l’Islam. Ceux-ci battent les Byzantins à Manzikert en 1071 ouvrant la voie à la conquête de toute l’Asie mineure jusqu’alors chrétienne et enlèvent Jérusalem et la Palestine aux musulmans fatimides en 1078 avec un impact important sur les pèlerinages chrétiens. Alexis I er Comnène, empereur byzantin, lance un appel à Urbain II pour venir en aide aux chrétiens d’Orient. Dans ce contexte, la première croisade peut être comprise comme une réponse défensive à l’expansion de l’Islam et à la protection des chrétiens d’Orient. Les souffrances endurées par les pèlerins chrétiens ont d’ailleurs été longuement évoquées par le pape pour justifier son appel dans les différents témoignages de son discours qui nous sont parvenus.
2. Après des siècles de désintégration politique et économique qui avaient vu s’effondrer l’empire carolingien, l’Occident rentre dans une nouvelle ère de prospérité et d’unité. Les terribles Normands et les Hongrois se sont convertis au christianisme. Les bateaux vénitiens et génois dominent progressivement la mer Méditerranée. L’Occident se sent désormais assez fort pour passer à l’offensive. En Espagne et dans les îles méditerranéennes, la reconquête sur l’Islam a déjà commencé dès le début du XI e siècle. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le pape souhaite confier le leadership de la Croisade aux barons expérimentés d’Occitanie comme Raymond de Saint-Gilles. Ainsi les Croisades peuvent être perçues comme des guerres de reconquête.
3. Le XI e siècle est par ailleurs celui de la réforme grégorienne de l’Église qui voit s’agrandir considérablement la puissance des papes. Les papes vont prétendre non seulement à un pouvoir spirituel sur toute l’Église, ce qui précipitera la séparation avec l’Église orthodoxe d’Orient en 1054, mais également à un pouvoir politique. On aurait dû s’attendre à ce que les Croisades soient lancées par des chefs politiques et non par le pape. Or, au moment de la première croisade, le roi de France et l’empereur du Saint Empire romain germanique sont excommuniés. Les Croisades peuvent être ainsi vues comme un programme ambitieux de papes puissants comme Urbain II ou Innocent III visant à assurer leur domination politique en fédérant autour d’eux les puissances séculières et peut-être, au moins pendant la première période des Croisades, de tenter une réconciliation avec l’Église d’Orient.
4. On peut s’étonner que l’Église prenne l’initiative d’une guerre même défensive. Mais la position théologique sur le sujet avait depuis longtemps déjà glissé d’une position pacifique des chrétiens à une formulation par Augustin d’une guerre juste à laquelle les chrétiens pourraient participer.
Cette évolution s’est produite dans un contexte de rapprochement aux IV e et V e siècles entre le pouvoir politique et religieux au moment où les frontières de l’Empire Romain commençaient à céder. En intégrant dans la chrétienté des peuples de culture où la gloire masculine est quasi exclusivement liée à la force physique, l’Église a eu fort à faire pour essayer de canaliser cette violence en faisant naître des compromis que l’homme de notre siècle a du mal à appréhender. Il est intéressant de noter la forte proportion de contingents d’origine « viking » dans la croisade des chevaliers. Même avant les Croisades, l’Église se militarise avec la création des chevaliers de Saint-Pierre dès 1053. Puis viendra la reconnaissance des ordres de moines-chevaliers comme les Hospitaliers (1113), les Templiers (1118), ou les chevaliers teutoniques (1190) dédiés à la défense de la Terre sainte. Il faut noter cependant que le même concile de Clermont qui voit prêcher la première croisade encouragera dans le même temps le mouvement dit de la « Paix de Dieu » en invitant tous les chrétiens à observer entre eux une paix perpétuelle. En réorientant l’énergie belliqueuse vers l’hérétique, les Croisades peuvent être perçues comme un mal nécessaire pour établir la paix dans le monde.
5. Dans les esprits du Moyen-Âge, le Royaume de Dieu est assimilé théologiquement à l’emprise territoriale des États chrétiens. On comprend ainsi que l’appel à la libération des lieux où le Christ a marché, où il est mort et ressuscité et où il reviendra bientôt, trouve un écho dans le cœur de très nombreux croyants. Plus qu’une simple possibilité d’accès, la libération puis la défense de Jérusalem et du tombeau du Christ sont accueillies comme une grande œuvre de piété. L’image des croisés faisant procession pieds nus devant les murailles de Jérusalem tels Josué devant Jéricho montre l’assimilation de la reconquête de la Terre sainte à la conquête de la Terre promise. Ici, le musulman, souvent caricaturé et très mal connu, est rarement perçu comme une âme à gagner, mais plutôt comme un agent de l’Antichrist. On notera quelques exceptions notables comme François d’Assise qui s’est joint à la cinquième croisade sans combattre, mais avec le projet de présenter l’Évangile au sultan Malik-al-Kamil. Le sultan ne se convertit pas, mais il offre à François des richesses (qu’il refuse) et le fait escorter jusqu’au camp chrétien. De manière plus générale, c’est l’urgence eschatologique de la libération des lieux saints qui prédomine. Les Croisades peuvent être vues dans cette perspective comme le résultat de l’attente prophétique de l’accomplissement à Jérusalem du monde nouveau.
6. Enfin, les croisés étaient animés par l’espoir du salut dans un contexte où le message promulgué par l’Église était source d’incertitude. L’appel aux Croisades s’est assorti d’une promesse d’une indulgence plénière, une des premières de l’histoire, à ceux qui entreprenaient de libérer la terre où le Sauveur était né. Celle-ci garantissait que tous ceux qui mourraient en chemin, que ce soit par terre ou par mer, ou en combattant les païens, auraient la rémission immédiate de leurs péchés. Ainsi des foules se sont mises en marche en dépit de ce que la raison aurait pu juger comme inconscient ou suicidaire, mais dans l’espérance salutaire du « quoi qu’il arrive ». Des hommes et des femmes ont tout quitté par la foi, des seigneurs se sont ruinés par la foi aux dépens bien souvent de leur liberté et de leur vie. Les Croisades peuvent ainsi être comprises comme un acte de pèlerinage pénitentiel répondant à l’angoisse des peines éternelles des croyants du cœur du Moyen Âge.

Le bilan des Croisades

Si se replonger dans ces éléments de contexte permet de mieux comprendre ce qui a poussé tant d’hommes et de femmes à partir aux Croisades en évitant quelques anachronismes, il n’en demeure pas moins que le recul sur ces événements dresse un bilan catastrophique.
Un échec militaire tout d’abord. Mis à part les succès de la première croisade avec la prise d’Antioche et de Jérusalem qui permettra la naissance des fragiles États latins d’Orient, les divisions incessantes des chefs croisés et l’épuisement rapide du flux du renouvellement des forces humaines rendront les sacrifices des Croisades totalement futiles avec la prise de Saint-Jean-d’Acre par les Mamelouks en 1291. On pourrait dire « tout ça pour ça ? ». Et ce « tout ça » est un terrible gâchis humain. Les imposants convois de croisés, souvent composés également de femmes et d’enfants, s’aventurent dans d’immenses contrées sans eau et sous un soleil de plomb. Fatigués par les longs trajets à pied et mal équipés, ils deviennent des proies faciles qui se font régulièrement tailler en pièces. Les principes de la soi-disant guerre juste sont piétinés par les pires élans du cœur humain quand les populaces indisciplinées massacrent les Juifs sur le chemin de la croisade, quand les guerriers sanguinaires usent des pires tortures ou quand la prise de Jérusalem se transforme en bain de sang. Cette violence mêlée d’un honteux intérêt financier se retourne même contre les chrétiens entre eux comme dans le cas hallucinant de la quatrième croisade qui se termine par le pillage de Constantinople, ville la plus riche de l’époque, fragilisant de manière durable ce tampon historique avec l’Islam. Le fossé entre chrétiens occidentaux et d’orient s’en est trouvé plus profondément creusé.
Les Croisades n’ont répondu ainsi à aucun de leurs objectifs.

Quelles ont été les conséquences durables des Croisades sur les relations des chrétiens avec le monde musulman ?

Si nous devons sans doute résister à la tentation d’attribuer l’extrémisme islamique actuel aux Croisades, cela ne veut pas dire que les Croisades n’occupent pas une place importante dans la conscience de notre entourage musulman. Comme le commente Kevin De Young en 2015, il n’en a pas toujours été ainsi : « Le terme désignant les Croisades, harb-al-salib, n’a été introduit dans la langue arabe qu’au milieu du XIX e siècle, et la première histoire arabe des Croisades n’a été écrite qu’en 1899. Les Croisades ayant échoué, elles n’avaient tout simplement pas beaucoup d’importance pour les musulmans. Mais la mémoire de ces événements a commencé à changer lorsque les nations européennes ont colonisé les nations musulmanes et y ont apporté leurs écoles et leurs manuels scolaires qui saluaient les vaillants croisés et les chevaliers héroïques qui avaient tenté d’apporter le christianisme et la civilisation au Moyen-Orient. Comme le sport, comme la guerre, comme la vie — quand vous gagnez, vous ne vous souciez pas de qui perd ; mais quand vous perdez, il importe beaucoup de savoir qui vous bat. » C’est bien souvent la réappropriation de la mémoire des événements anciens stimulés par un ressenti contemporain qui fait obstacle à la défense de la foi chrétienne. Ainsi, le positionnement des chrétiens du XXI e siècle par rapport aux Croisades a son importance puisqu’il traduit l’attitude actuelle des chrétiens envers leurs contemporains musulmans, juifs ou athées.

Quelle attitude adopter face aux Croisades ?

Dans le contexte tellement différent de notre monde moderne qui exalte l’individualisme démocratique, la liberté religieuse et la séparation du séculier et du spirituel, quelle attitude adopter ?
Aujourd’hui, nous ne partageons pas bon nombre des hypothèses des chrétiens du Moyen Âge. Nous pouvons comprendre le contexte socio-religieux, la logique des enchaînements, la part de bonnes intentions, mais même conscients de se retrouver de l’autre côté de la chronologie de l’histoire, comment approuver de telles dérives si étrangères à l’Évangile ? Les erreurs doctrinales sont évidentes : nous ne pouvons pas accomplir des actes de pénitence salvateurs ; le Christ n’avance pas son œuvre par la force. Le contexte géopolitique contemporain relance souvent les tentations de débats et réflexion sur la question de la guerre juste, mais nous n’oublions pas que notre principal combat est d’ordre spirituel. Notre Seigneur a triomphé de l’ennemi non pas en prenant la vie, mais en donnant la sienne. Condamner les Croisades me paraît ainsi justifié. Peut-être est-ce insuffisamment respectueux des intentions défensives légitimes et du cœur sincère des chrétiens médiévaux ; peut-être faut-il condamner uniquement les exactions commises aux détours des Croisades pour respecter l’histoire sans anachronisme, mais nos contemporains ne voient souvent pas les nuances.
Une attitude protestante aurait aussi tendance à se défausser en s’associant plutôt aux victimes qu’aux agresseurs « catholiques », mais là aussi gare aux anachronismes — même s’il est vrai que les éléments qui se mettent en place dans l’Église au moment des Croisades sont en germe ce qui provoquera les mouvements de la Réforme.
Le problème apologétique demeure néanmoins présent pour nos contemporains qui ne font pas facilement de distinction.
Au final, comme dans tout conflit, dans tout malentendu, il me semble que l’attitude la meilleure reste sans doute la demande de pardon même si entre humains les torts sont souvent partagés.
Le pardon coûte parce qu’il ne fonctionne pas en comptant les points de justice entre chaque partie, mais accepte volontairement de couvrir ce qui n’est pas juste. Mais quel beau moyen pour faire tomber le mur des Croisades construit dans le cœur des humains comme obstacle à la foi chrétienne !


Bibliographie

• Thomas F Madden, Les Croisades, Evergreen, 2008.
• René Grousset, L’épopée des Croisades, Tempus Perrin, 2017.
• Amin Maalouf, Les croisades vues par les Arabes, J’ai lu, 1999.
• Neal Blough, Guerre et Paix ; La foi chrétienne et les défis du monde contemporain.
• Christian History Magazine, “The Crusades”, n° 40.

 


Saviez-vous que le mot « gêne » vient du mot biblique « géhenne » et a, en vieux français, le sens de « tourment » ? Il est vrai que nous éprouvons une certaine gêne à prêcher sur la géhenne !

Déjà, en 1955, Jean Cruvellier observait que « la place faite à l’heure actuelle à un tel sujet par les prédicateurs attachés à la doctrine traditionnelle eux-mêmes est la plupart du temps bien restreinte ; ce qui fait dire aux adversaires que l’on n’ose plus prêcher dans les termes employés par les prédicateurs d’autrefois. »[note]J. Cruvellier,  Le châtiment éternel, Études évangéliques, 1955, n°1-2, 82[/note]

Je vais donc tenter de montrer :

‒  pourquoi nous sommes si réticents à prêcher sur ce sujet ;

‒  pourquoi il faut malgré tout s’efforcer de le faire ;

‒  comment aborder un tel sujet.

1. Pourquoi sommes-nous si réticents à prêcher sur ce sujet ?

Nous sommes réticents à prêcher sur ce sujet parce que, même si nous sommes convaincus que cette doctrine est biblique, nous serions soulagés si elle ne l’était pas, tant l’idée de châtiment éternel nous est désagréable. Nous ne souhaiterions pas un tel supplice même à notre pire ennemi. Alexandre Vinet traduit bien cette tension lorsqu’il dit que « celui qui réussirait à nous prouver que le salut universel est biblique nous apporterait un immense soulagement ». C’est d’ailleurs une des premières doctrines que ceux qui cessent de croire à la véracité des Écritures ont tendance à abandonner.

Même le prédicateur qui parvient à surmonter cette tension reste tenté d’éviter d’aborder le sujet, car il sait que son enseignement rencontrera une certaine résistance chez ses auditeurs. Plus il cherchera, par conséquent, à plaire aux hommes, moins il abordera cette question délicate.

2. Pourquoi devrions-nous malgré tout nous efforcer de prêcher sur ce sujet ?

Nos prédécesseurs n’ont pas hésité à en parler clairement :

– Le symbole d’Athanase dit de ceux qui font le mal qu’« ils iront au feu éternel ».

– La prédication dominicaine était connue pour puiser abondamment dans ce registre.

– Les réformateurs et les prédicateurs du Réveil étaient moins réticents que nous à parler clairement de ces choses. Un des plus célèbres sermons de Jonathan Edwards s’intitule « Des pécheurs entre les mains d’un Dieu en colère ».

Dieu a utilisé ce genre de sermons pour réveiller les consciences et susciter un des plus grands réveils de l’histoire de l’Église au XVIIIe siècle en Nouvelle-Angleterre.

Pour des raisons théologiques

Jean Cruvellier dit, à juste titre : « Supprimez l’enfer éternel et vous ne comprenez plus rien aux autres dogmes, c’est comme une pierre fondamentale que vous enlevez, l’édifice tout entier en est ébranlé. »[note]Ibid., 85.[/note]. Une offense faite à un Dieu infini mérite un châtiment éternel, la perpétuité incompressible, assortie d’une période de sûreté sans limite.  Limiter la durée de cette peine, ce serait faire offense à la justice de Dieu et ouvrir une autre voie de salut que celle qui passe par le Christ.

Pour des raisons exégétiques

Matthieu 25.46[note] « Et ils s’en iront au châtiment éternel (aiônios). Tandis que les justes entreront dans la vie éternelle. »[/note] parle très clairement d’un châtiment éternel, même si certains ont tenté de donner à cette expression un sens atténué, celui d’un châtiment subi dans l’au-delà et non ici-bas, mais pas nécessairement éternel. Le parallèle entre le châtiment éternel et la vie éternelle, dans ce verset, ne laisse planer aucun doute quant au sens du terme « éternel » (aiônios). Jésus mentionne également « le feu éternel » au verset 41[note] « Retirez-vous loin de moi, vous que Dieu a maudits, et allez dans le feu éternel préparé pour le diable et ses anges. »[/note].

John Blanchard estime que 13% des 1 870 versets consacrés aux paroles de Jésus concernent le jugement et l’enfer. Il parle davantage de ces sujets que de l’amour[note]J. Blanchard, Où donc est passé l’enfer ?, Europresse, 1993, 130.[/note]. Il se sert de tout le vocabulaire connu de ses auditeurs pour décrire les tourments de l’enfer (la ruine, le feu, le ver, la géhenne, les ténèbres [du dehors]). On retrouve ces termes ainsi que d’autres dans le reste du Nouveau Testament.

Pour des raisons pastorales

Il semble évident que les non-croyants prendront davantage au sérieux l’appel qui leur est adressé si le sort des méchants leur est clairement présenté.

De plus, le fait que ceux qui marchent vers la perdition sont nombreux est un puissant encouragement à l’évangélisation et à la mission.

3. Comment prêcher sur les peines éternelles ?

Ne pas aller au-delà de ce que dit l’Écriture

Certains prédicateurs d’autrefois se sont laissé aller à des exagérations dantesques, laissant penser que Dieu était vraiment un « bourreau ». Mais l’imagerie biblique est suffisamment riche pour que l’on n’ait pas besoin d’en rajouter.

Ne pas rester en deçà de ce que dit l’Écriture

C’est la tendance actuelle. Le prédicateur qui choisit lui-même ses textes veillera à ne pas négliger ceux qui abordent cette question. La voie la plus sûre est, sans doute, de prêcher à partir d’un lectionnaire, qui offre généralement une grande diversité de sujets[note]Par exemple, l’avant-dernier dimanche de l’année liturgique a pour thème le jugement dernier.[/note], ou à travers un livre biblique, sans omettre les passages qui abordent cette question.

Même armé de ces précautions, la tentation demeure de ne couvrir qu’une partie des données du texte, celles qui rencontreront le moins de résistance chez les auditeurs. Il est important que le prédicateur s’astreigne à rendre compte de toutes les données, y compris celles qui nous dérangent , car « toute Écriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner, pour réfuter, pour redresser, pour éduquer dans la justice » (2 Tim 3.16). C’est ainsi qu’il sera « un ouvrier qui n’a pas à avoir honte, qui dispense avec droiture la parole de la vérité » (2 Tim 2.15).


Il y avait un homme riche, qui était vêtu de pourpre et de fin lin, et qui chaque jour menait joyeuse et brillante vie. Un pauvre, nommé Lazare, était couché à sa porte, couvert d’ulcères, et désireux de se rassasier des miettes qui tombaient de la table du riche ; et même les chiens venaient encore lécher ses ulcères. Le pauvre mourut, et il fut porté par les anges dans le sein d’Abraham. Le riche mourut aussi, et il fut enseveli. Dans le séjour des morts, il leva les yeux ; et, tandis qu’il était en proie aux tourments, il vit de loin Abraham, et Lazare dans son sein. Il s’écria : Père Abraham, aie pitié de moi, et envoie Lazare, pour qu’il trempe le bout de son doigt dans l’eau et me rafraîchisse la langue ; car je souffre cruellement dans cette flamme. Abraham répondit : Mon enfant, souviens-toi que tu as reçu tes biens pendant ta vie, et que Lazare a eu les maux pendant la sienne ; maintenant il est ici consolé, et toi, tu souffres. D’ailleurs, il y a entre nous et vous un grand abîme, afin que ceux qui voudraient passer d’ici vers vous, ou de là vers nous, ne puissent le faire. Le riche dit : Je te prie donc, père [Abraham], d’envoyer Lazare dans la maison de mon père ; car j’ai cinq frères. C’est pour qu’il leur atteste ces choses, afin qu’ils ne viennent pas aussi dans ce lieu de tourments. Abraham répondit : Ils ont Moïse et les prophètes ; qu’ils les écoutent. Et il dit : Non, père Abraham, mais si quelqu’un des morts va vers eux, ils se repentiront. Et Abraham lui dit : S’ils n’écoutent pas Moïse et les prophètes, ils ne se laisseront pas persuader même si quelqu’un des morts ressuscitait. (Luc 16.19-31) 

Le texte de Luc 16.19-31 laisse volontiers le lecteur perplexe : quels sont les éléments à prendre littéralement et ceux qui ressortent de l’allégorie ? quelles conclusions en tirer sur les sorts éternels des âmes ? etc.

Jetant une lumière assez unique sur ce qui se passe après la mort, ces paroles de Jésus, à la fois prenantes et solennelles, revêtent une importance capitale ; aussi allons-nous essayer de répondre à certaines des interrogations qu’elles soulèvent.

Quelle est la base du salut ?

À première lecture, selon la réponse d’Abraham (16.25), il semblerait que ce texte postule une inversion des rôles dans l’au-delà  : le riche a eu son plaisir sur la terre et il paye ensuite ; le pauvre voit ses malheurs présents contrebalancés par une éternité bienheureuse[note] Le « sein d’Abraham », dans lequel est porté Lazare, symbolise la félicité et la proximité des élus dans le banquet messianique attendu par les Juifs. Les repas de fête se prenaient couché sur des lits bas ; le convive le plus honoré se trouvait allongé à côté du maître de maison, sa tête étant alors près de la poitrine de ce dernier. C’était la place de Jean l’évangéliste lors de la dernière Pâque (Jean 13.23). Dans la symbolique juive, Abraham présiderait le banquet messianique (cf. Mat 8.11 ; Luc 13.28).[/note]. Le salut ou la perdition ne seraient-ils alors qu’une contrepartie au sort actuel ?

Il nous faut néanmoins dépasser cette lecture :

– L’ensemble de la révélation biblique va à l’encontre d’une automaticité de cette inversion. Il a existé et il existe des croyants riches et des pauvres impies.

– La fin du récit précise que le seul moyen pour les frères du riche de ne pas le rejoindre dans le lieu de tourments est d’écouter Moïse et les prophètes — en d’autres termes, d’accorder foi à la révélation qu’ils ont reçue. Et s’ils écoutent, leur richesse n’est pas un obstacle.

Évitons cependant d’esquiver la difficulté de la lecture : l’évangéliste Luc stigmatise souvent les riches : « Malheur à vous, riches, car vous avez votre consolation ! » rapporte-t-il dans sa version du sermon sur la montagne (Luc 6.24). Le contexte immédiat de ce récit pointe vers la même dénonciation : la parabole de l’économe infidèle (16.1-13) était destinée à attirer l’attention des disciples sur le danger de la poursuite des richesses : « Vous ne pouvez pas servir Dieu et Mammon. » (16.13) Et l’avarice des pharisiens est lié à la permanence d’une loi qu’ils ne mettaient pas en pratique (16.14-18). Contrairement à la pensée largement répandue chez les Juifs, la richesse n’était pas forcément un signe de la bénédiction divine et la pauvreté une preuve de leur éloignement de Dieu.

Si le riche avait vraiment écouté la loi et les prophètes, il lui aurait été impossible de continuer à festoyer alors que Lazare restait dans le dénuement total  : tant la loi (Deut 15.4) que les prophètes (pensons à Amos) s’insurgeaient devant une piété qui ne s’accompagnait pas d’un souci des pauvres. Ainsi, par son absence totale de considération pour Lazare (qu’il connaît bien, puisqu’il le nomme facilement dans la suite), le riche démontre qu’il n’a pas la foi dans la révélation de l’A.T. qui était à sa disposition. C’est pour cela qu’il est envoyé dans les tourments.

Ce récit porte donc l’attention sur les œuvres qui doivent immanquablement accompagner la foi pour qu’elle soit réelle.  Malgré son insistance par ses trois « Père Abraham », le riche n’était pas automatiquement fils d’Abraham, le père des croyants ; la naissance ou la bénédiction extérieure ne sont pas une garantie pour l’au-delà : seule la foi confiante, dont le nom du pauvre Lazare témoigne[note]Le nom « Lazare » signifie « celui à qui Dieu vient en aide ».[/note].

Quelle est la nature des tourments ?

La situation exacte des incrédules après la mort reste mystérieuse. Selon Apocalypse 20.11-15, le sort final ne sera scellé qu’après la seconde résurrection de jugement (cf. Jean 5.29). Toutefois, d’après notre récit, il semble bien que les « tourments » commencent immédiatement après la mort.

La première demande du riche concerne sa soif. Le texte la dépeint littéralement ; nous pouvons aussi y voir plus symboliquement l’aridité d’un cœur sans Dieu. Créé à son image, tout homme pécheur a en lui-même, qu’il en soit conscient ou non, une soif que seule une relation vivante avec Dieu peut étancher  (cf. Jean 4.13-14). Tragiquement, le riche ne souhaite pas aller vers Abraham, mais apaiser sa soif là où il est — ce qui, par principe, est impossible, étant donné qu’il est loin de Dieu.

La deuxième source de tourments est sans doute le souvenir des occasions manquées. Abraham lui rappelle le sort privilégié qui fut le sien et les maux qui accablaient Lazare. Peut-être les « pleurs », si souvent associés par Jésus à l’enfer (Mat 8.12 ; 13.42,50 ; 22.13 ; 24.51 ; 25.30 ; Luc 13.28), font-ils référence aux regrets qui tourmenteront ceux qui auront laissé « passer le temps ».

Une autre source de tourments est décrite ailleurs, en parallèle avec les pleurs : les « grincements de dents ». Cette image semble faire allusion à une révolte et une rage qui continueront éternellement. Le riche semble ici bien poli envers Abraham, mais il le contredit pourtant : même en enfer, il préfère sa théologie à celle du patriarche !  De plus, il continue de se considérer très au-dessus de Lazare, à peine bon à venir l’aider maintenant : quelle ironie, alors que sur terre il n’a pas aidé « celui que Dieu aide » ! Son identité profonde repose dans sa richesse, son statut et même là, les leçons qui nous semblent évidentes à la lecture ne sont pas apprises — et elles ne le seront jamais.

Y a-t-il une seconde chance ?

Un même sort atteint tous les hommes : la mort (Ecc 3.19). « Il est réservé aux hommes de mourir une seule fois, après quoi vient le jugement. » (Héb 9.27) Que Lazare meure, quoi de plus normal : il était bien malade, avec ses ulcères. Mais le riche « aussi » mourut. Que l’enterrement du second ait été somptueux n’influe en rien : Lazare va d’un côté, dans la bénédiction, et le riche dans la flamme.

Rien dans ce texte — pas plus que dans le reste de l’Écriture — ne laisse suggérer qu’il puisse y avoir une seconde chance : le « grand abîme » qui sépare les deux groupes est infranchissable dans les deux sens,  Abraham est formel. « Si un arbre tombe, au midi ou au nord, il reste à la place où il est tombé. » (Ecc 11.3)

De façon surprenante, le riche ne demande pas d’aller vers le lieu de la félicité de Lazare : il préfère que ce dernier vienne de son côté ! Même dans les tourments, le désir de Dieu n’existe pas plus qu’autrefois.

Un point positif pourrait cependant être mis au crédit du riche : son souci des siens. Serait-ce un indice ténu de meilleurs sentiments ? Malheureusement, il témoigne encore de son égoïsme : peu importe que Lazare jouisse maintenant du repos ; il n’est bon qu’à aller vers la propre famille du riche.

Non seulement il n’y a pas de seconde chance possible, mais serait-elle même proposée, elle serait refusée  : « l’enfer est simplement l’identité qu’un être humain choisit librement d’avoir en dehors de Dieu, sur une trajectoire qui mène à l’infini »[note]Tim Keller, La raison est pour Dieu, CLE, p. 103[/note]. L’égoïsme et la suffisance du riche continuent dans l’au-delà. C.S. Lewis disait : « En chacun de nous, il y a quelque chose qui grandit et qui sera l’enfer s’il n’est pas tué dans l’œuf. »[note]Cité dans Tim Keller, La raison est pour Dieu, CLE, p. 104[/note]

Que pouvons-nous faire après avoir lu ce texte ?

  1. Croire au sérieux des tourments éternels

Qu’il est difficile aujourd’hui de croire, et plus encore, d’affirmer qu’il y a un enfer ! Des chrétiens évangéliques sérieux, choqués par la perspective des peines éternelles mais désireux d’éviter le travers universaliste ambiant selon lequel « nous irons tous au paradis », ont cherché des échappatoires :

– l’annihilationisme stipule que le châtiment des incrédules s’arrêtera par un anéantissement pur et simple ;

– le restaurationnisme prétend que tous seront finalement sauvés après une période de châtiment ;

– le conditionalisme postule que l’âme ne continue à exister qu’à condition d’avoir reçu la vie éternelle.

Malheureusement, notre texte n’offre de support à aucune de ces trois théories. Les tourments sont et seront une épouvantable réalité. Jésus est venu apporter l’amour de Dieu, mais il est aussi celui qui a le plus parlé de l’enfer… et il nous est impossible de « trier » les paroles de celui qui est « la vérité ». Acceptons de soumettre humblement notre esprit à ce qu’il nous révèle, si dure que cette perspective nous paraisse.

  1. Prêcher la Parole

Abraham est très clair : un retour du royaume des morts n’emporterait pas la conviction. Un autre Lazare est d’ailleurs revenu des morts à la même période et la réaction des chefs des Juifs n’a pas été de croire en Jésus, mais de chercher à faire mourir à nouveau Lazare (Jean 12.10) ! Un miracle en tant que tel n’a pas de pouvoir salvateur, pas plus qu’une soi-disant expérience post-mortem.

Aussi demander une effusion spéciale de l’Esprit pour qu’il se produise des miracles, des signes et des prodiges et qu’ainsi les conversions abondent est-il inutile ; si Dieu les accorde, il est souverain. Notre responsabilité est de prêcher la Parole : « La foi vient de ce qu’on entend, et ce qu’on entend vient de la parole de Christ. » (Rom 10.17) Et nous avons plus que Moïse et les prophètes : s’y ajoute tout le N.T. qui jette, par ce texte et par d’autres, une lumière plus vive sur l’au-delà ; elle est loin d’être totale, mais elle est suffisamment claire pour avertir ceux qui, sinon, suivront le chemin du riche.

  1. S’occuper des pauvres

Si nous avons personnellement ajouté foi à la Parole présentée, nous avons l’assurance que notre destinée est la même que celle de Lazare : la félicité dans la communion éternelle avec Dieu.

Mais l’enseignement à tirer de ce texte ne doit pas s’arrêter là. Même si nos biens terrestres sont moins abondants que ceux du riche, il y a sans doute autour de nous de très nombreuses personnes moins favorisées que nous. La certitude de notre espérance doit se traduire par une préoccupation envers les pauvres.  Paul, dont la fortune a connu des hauts et des bas, s’y employait (Act 20.35) et exhortait les fidèles à être les « premiers dans les bonnes œuvres » (Tite 3.8,14). Sommes-nous sensibles à la misère de tant d’humains, aux injustices subies par un si grand nombre ? Ou bien tombons-nous sous le reproche de Jacques : « Et vous, vous avilissez le pauvre ! » (Jac 2.6) Cherchons donc à vivre plus simplement pour ne pas oublier les pauvres.


Nous sommes le 19 février 1970 avant le concert. Ourane, un chrétien aveugle, accordeur du piano, dépose soigneusement une enveloppe sur le clavier du piano avant de rabattre le couvercle. Qu’est-il écrit dans cette lettre ?

« Cher Johnny ! Ce soir tu vas chanter devant une foule de jeunes. Mais un jour tu seras tout seul, devant Dieu. Prépare-toi à le rencontrer ! C’est aussi pour toi que Jésus-Christ a donné sa vie, car il t’aime. Viens à lui, tel que tu es ! »[1]

Johnny a-t-il lu cette lettre ? nous ne le savons. Mais le lendemain soir, la nouvelle tombe : Johnny a eu un accident de voiture, il a failli mourir. Je m’activais à la préparation de ce numéro, quand j’ai entendu l’information : Johnny est mort.

Tous, un jour, nous devrons affronter la mort, mais au-delà de ce seuil, qu’en est-il de nous ? Les matérialistes et les athées croient que c’est la fin de toute chose, d’autres pensent qu’ils seront réincarnés, d’autres encore imaginent des solutions diverses pour que tous aillent au paradis. De manière parfois inconsciente, ils rejettent les réalités du ciel et de l’enfer.

Que dit la Bible sur notre avenir ? Nous, chrétiens, qui avons placé notre foi en Jésus-Christ, nous avons une espérance vivante : la résurrection de nos corps.  En cela, Jésus nous a précédés et nous assure la vie éternelle.

Savons-nous que nous serons loin d’être oisifs au ciel ? Nous contemplerons, adorerons et rendrons grâce à notre Dieu. Nous serons à son service, nous régnerons avec lui et nous aurons atteint le repos éternel. Aujourd’hui, nous vivons sur terre en percevant mal ce qui est au-delà. Arrivons-nous à nous détacher de ce monde pour mieux discerner la réalité du ciel ?

 

[1]           Ourane, histoire vécue, Samuel Grandjean, Maison de la Bible, 8e édition 2004.


Aux sources du christianisme européen

« Ayant été empêchés par le Saint-Esprit d’annoncer la parole dans l’Asie, [Paul, Silas et Timothée] traversèrent la Phrygie et le pays de Galatie. Arrivés près de la Mysie, ils se disposaient à entrer en Bythinie ; mais l’Esprit de Jésus ne le leur permit pas. Ils franchirent alors la Mysie, et descendirent à Troas. Pendant la nuit, Paul eut une vision : un Macédonien lui apparut, et lui fit cette prière : passe en Macédoine, secours-nous ! Après cette vision de Paul, nous cherchâmes aussitôt à nous rendre en Macédoine, concluant que le Seigneur nous appelait à y annoncer la bonne nouvelle. […] Nous allâmes à Philippes […] Nous parlâmes aux femmes qui étaient réunies (près d’une rivière). L’une d’elles, nommée Lydie, marchande de pourpre […] était une femme craignant Dieu et elle écoutait. Le Seigneur lui ouvrit le cœur pour qu’elle soit attentive à ce que disait Paul. Lorsqu’elle eut été baptisée, elle et sa famille, elle nous fit cette demande : Si vous me jugez fidèle au Seigneur, entrez dans ma maison. » Actes des Apôtres (16.6-15)

Ce passage des Écritures insiste de façon évidente sur l’intervention directe du Saint-Esprit — et donc de Dieu lui-même — sur les itinéraires d’évangélisation de l’apôtre Paul. C’est à l’évidence le Seigneur qui a choisi l’Europe plutôt que l’Asie pour constituer le pôle fondamental autour duquel s’est articulée l’histoire des nations durant près de deux millénaires. Il est intéressant de noter que le christianisme, plus ou moins profondément altéré selon les époques, a subsisté en Europe alors qu’il a disparu en grande partie en Turquie, au Proche-Orient et en Afrique du Nord, régions qui pourtant ont été évangélisées autant que le Vieux Continent et, souvent même, avant lui. Il ne fait aucun doute que le Dieu trinitaire a, en vertu de ses desseins éternels, assigné une place particulière à l’Europe dans l’histoire de l’humanité. Cette réalité ne préjuge en rien des inversions historiques en cours qui voient des pays comme la Corée du Sud ou le Brésil compter une proportion de chrétiens nettement plus importante que la France. Mais elle témoigne que l’Europe continue à jouer un rôle absolument capital dans l’histoire, ne serait-ce qu’au travers de paradigmes1 issus de sa déchristianisation qu’elle réussit substantiellement à diffuser presque dans le monde entier.

Cette Europe au destin singulier se présente à l’observateur comme une réalité complexe. Mais sa principale caractéristique contemporaine consiste manifestement dans son intégration. Qui dit Europe aujourd’hui pense le plus souvent à l’Union européenne, à l’Europe des 25, construction institutionnelle à la fois politique et économique, super-état en devenir au travers d’un processus amorcé dès après la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Ce processus d’approfondissement et d’élargissement de l’Europe ne constitue pas une « première », une espèce d’incongruité historique.

A. Les cinq unifications européennes historiques

Au cours de sa longue existence, l’Europe a déjà été unifiée à cinq reprises. Ces cinq unifications ont évidemment revêtu des extensions territoriales, des natures et des formes différentes. Elles ont eu pour théâtre l’Empire romain, l’Empire de Charlemagne, le Saint Empire romain germanique sous Charles Quint, l’Empire napol&eaeacute;onien et finalement le IIIe Reich. L’intégration européenne de notre temps constitue la sixième tentative d’unification du Vieux Continent.

B. L’Union européenne

Depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, une sixième unification européenne est donc en cours. Les historiens font remonter l’amorce du processus d’intégration européenne au 6 juin 1947, lorsque Winston Churchill proposa la création des États-Unis d’Europe (sans la Grande-Bretagne !), ou à la Conférence de La Haye de mai 1948 au cours de laquelle de nombreuses personnalités du monde politique et culturel proposèrent aux gouvernements européens de prendre des mesures propres à créer une Union européenne. Mais l’Europe unie trouve sa véritable origine institutionnelle dans le Traité de Rome, du 25 mars 1957, qui a donné naissance à la CEE (Communauté économique européenne) dont est directement issue l’Union Européenne (UE) actuelle. Depuis lors, l’UE n’a cessé de s’étendre — passant de 6 à 27 pays membres &##8212; et d’étendre ses prérogatives au détriment des États-nations membres. Ainsi, presque tous les pays membres de l’Europe des Quinze ont perdu un attribut aussi essentiel de la souveraineté nationale que l’émission et la régulation d’une monnaie nationale le 1er janvier 2002. Avec la nouvelle Constitution européenne, si elle entre en vigueur, les États membres perdront jusqu’à la faculté de définir de manière autonome une politique étrangère.

Voilà pour nos quelques brèves considérations relatives à l’Europe historique et présente.

Les risques totalitaires qui attendent l’Europe ne concernent pas un ou plusieurs pays spécifiques, car l’Europe de demain sera à coup sûr unifiée, l’intégration du Vieux Continent constituant un phénomène irréversible à l’horizon des prochaines décennies. L’unification de notre continent, Suisse comprise, est inéluctable pour au moins onze raisons :

1. L’internationalisation croissante de la plupart des activités humaines

La plupart des activités humaines, qu’elles soient politiques, économiques, sociales, culturelles, religieuses ou sportives présentent un caractère toujours plus transnational, tendance qui favorise manifestement l’unification européenne.

2. La généralisation des fusions

On s’en rend compte jour après jour en s’abreuvant des messages que véhiculent les médias et la majorité des élites européennes : il y a aujourd’hui prééminence de ce qui est fusionnel, unificateur, par rapport à ce qui divise. Les fusions d’entreprises se comptent par milliers. Ce qui divise, sans même présenter d’effets négatifs, à commencer par l’existence des États-nations, est perçu comme le vestige d’un monde ancien à répudier.

3. Le primat du libéralisme économique et de l’économie de marché

Le libéralisme économique et les principes de l’économie de marché commandent une logique et une rationalité économiques fondées sur la division internationale du travail, l’achat des biens et services là où ils sont les meilleurs marchés, fût-ce à l’étranger.

La logique économique implique la course au moindre coût de production et la chasse perpétuelle aux gains de productivité. Ces impératifs aboutissent souvent à des concentrations d’entreprises et à des accroissements de production qui ne peuvent s’écouler que sur le marché international, les marchés nationaux étant trop exigus. Toutes ces réalités convergent inéluctablement vers l’instauration d’un marché européen, et même mondial, de plus en plus unifié.

4. La forte imbrication des économies nationales les unes dans les autres, et l’accroissement du commerce international

Ces deux phénomènes résultent substantiellement de la logique économique évoquée ci-dessus. Ils ont très puissamment contribué à la nécessaire réalisation des libertés de circulation des marchandises, des services, des capitaux et des personnes déjà pratiquée au niveau de l’UE. C’est non sans raison que J.-J. Rousseau a pu écrire, au XVIIIe siècle déjà, que les nations ne devaient pas commercer avec l’étranger si elles souhaitaient demeurer indépendantes. La famille politique des libéraux-nationalistes semble l’avoir oublié. Il n’est pas concevable de vouloir simultanément un libre-échangisme absolu et le maintien des États-nations sous leur forme actuelle.

5. Les nouvelles technologies de l’information

L’ordinateur est vraisemblablement l’innovation technologique la plus importante du dernier demi-siècle. Le développement prodigieux des nouvelles technologies de l’information rend la plupart des informations accessibles pratiquement à tous, à tout moment et en tout lieu. En matière d’information, les nouvelles technologies abolissent quasiment le temps et l’espace. Les ordinateurs sont de véritables machines à broyer les frontières. Sous nos yeux, la société de l’information se substitue à la société industrielle, comme cette dernière avait pris le relais des sociétés agraires à la fin du XVIIIe siècle. Les conséquences qui en résultent sont incommensurables. À ce sujet, David de Pury s’est exprimé avec perspicacité : « Les avantages et les inconvénients liés à un endroit précis deviennent caducs dans bien des cas. Le lieu perd dramatiquement de sa valeur dans cette société d’information généralisée. » Ces lieux qui perdent de leur valeur ne peuvent que nourrir les mouvements d’unification en cours sur notre continent.

6. Le développement exceptionnel des autres moyens de communication et des transports

Les innovations technologiques ont entraîné un développement remarquable des infrastructures et des moyens de transport. S’il n’y a pas de globalisation des marchés sans autoroutes de l’information, il n’y en a pas non plus sans autoroutes tout court. La perception subjective de l’espace a subi de profondes mutations, dans le sens d’un rapprochement de lieux considérés, il y a quelques décennies, comme éloignés. Ces rapprochements favorisent eux aussi l’effritement des frontières.

7. La gravité et le caractère transnational d’un certain nombre de fléaux

Depuis quelques décennies, divers fléaux ou développements socio-économiques lourds de virtualités négatives tels que les diverses atteintes à l’environnement, la drogue, le crime organisé, les migrations internationales, et bien d’autres présentent un caractère indubitablement transnational. Ce phénomène s’accentue jour après jour. Cette situation fait prendre conscience aux gouvernements et aux populations que seules des politiques et des mesures élaborées à un niveau supranational permettront de réduire, ou du moins d’endiguer, ces problèmes. Cette transnationalisation des difficultés contemporaines est pour beaucoup dans tous les processus d’unification politique. Les accords de Schengen et de Dublin, destinés notamment à mieux traquer le crime organisé et à réguler l’immigration dans les pays de l’UE, illustrent parfaitement cette évolution.

8. L’effondrement du communisme

La chute du Mur de Berlin, le 9 novembre 1989, a mis fin au monde bipolaire que nous connaissions depuis 1945. Cet événement occupe une place absolument centrale dans le processus d’unification européenne en cours. L’effondrement du régime communiste a permis une accélération de la construction européenne. Les bouleversements à l’Est ont fait prendre conscience à l’Europe que la place était désormais libre pour elle dans la course au rang de première puissance mondiale. Même si les États d’Europe occidentale ont été indépendants, démocratiques et libres après la Deuxième Guerre mondiale, ils subissaient de facto une espèce de tutelle discrète, ne possédant pas un arsenal atomique suffisant pour rivaliser sérieusement avec les États-Unis et l’URSS.

9. Les facteurs institutionnels

Les facteurs que nous venons de mentionner contribuent puissamment au renforcement des institutions européennes telles que la Commission, le Parlement ou la Cour européenne de justice. Évidemment qu’au travers d’un processus interactif, le développement de ces institutions conduit à une unification toujours plus forte des économies et des législations des pays membres de l’UE.

10. La pression diffuse exercée par les médias et les élites en faveur de l’unification européenne

Les populations sont partagées quant aux bienfaits escomptés ou proclamés de l’unification européenne. Une telle réticence apparaît moins au niveau des médias et des élites culturelles, politiques et économiques. À ce niveau prévalent de larges majorités, parfois même un unanimisme affiché en faveur de l’intégration du Vieux Continent. Il est indéniable que le travail d’influence des médias et leur manière, parfois inéquitable et abusive, de disqualifier intellectuellement celles et ceux qui pensent autrement, tendent à convaincre les peuples qu’il n’y a décidément pas d’autre option pour les pays que d’être unis à l’échelle européenne et de disparaître progressivement en tant qu’États-nations pour affronter les défis du XXIe siècle. Ici comme ailleurs, une espèce de pensée unique finit par tenir lieu de formateur de l’opinion publique.

11. Le sens de l’Histoire

Le christianisme biblique révèle très clairement un sens de l’Histoire. Nous croyons dès lors au sens d’une Histoire qui est partiellement déchiffrable. Le phénomène de l’intégration européenne est inscrit dans l’Histoire, non comme une fatalité, mais parce que les mentalités collectives actuelles ainsi que l’évolution de l’économie, de la politique, de la science et des technologies ne peuvent qu’y conduire. L’unification est aujourd’hui dans « l’air du temps » – ces mots rendent bien compte de la situation qui prévaut aujourd’hui — comme l’était au début du siècle l’avènement du communisme en Russie et dans les années 1930, l’émergence du IIIe Reich en Allemagne. Sans le dire explicitement et sans se réclamer d’aucune foi chrétienne, Jean-Claude Casanova, éditorialiste de l’hebdomadaire L’Express, croyait manifestement lui aussi à ce sens de l’Histoire en affirmant, au sujet de l’unification européenne, en 1990 déjà : « Certes, nous restons libres de choisir […] Mais l’issue est si évidente aujourd’hui que l’on peut dire que notre liberté n’est que la conscience de sa nécessité. »

C. Les risques totalitaires de l’Europe

L’Europe, dont Gonzague de Reynold (1880-1970) disait qu’elle était née impériale et qu’elle avait été créée pour être le globe, court vers son destin de Continent unifié et centralisé. La culture de cette Europe, les mentalités collectives qui se manifestent en son sein, les métamorphoses du rôle de l’État et du droit ainsi que les évolutions de la technologie et de l’économie font subir à notre continent d’incontestables risques totalitaires.

L’Histoire, mais aussi les démarches d’une philosophie politique appropriée — c’est-à-dire fondée sur une juste perception de la condition et de la nature humaines — montrent que les totalitarismes procèdent de la convergence de trois phénomènes fondamentaux clairement présents dans l’Europe contemporaine : le développement de structures néfastes favorables à l’irruption d’un totalitarisme ; l’émergence d’une culture qui est une idéologie prométhéenne2 humaniste hostile à Dieu, à l’ordre naturel des sociétés et à la véritable liberté de conscience et, finalement, l’impuissance progressive des institutions démocratiques à satisfaire les grands besoins sécuritaires des êtres humains, impuissance qui aboutit au syndrome de l’appel au sauveur. L’Histoire ne se reproduisant jamais à l’identique, les risques totalitaires de l’Europe s’enflent de surcroît de certaines spécificités propres à notre Continent. Faisons un rapide « état des lieux » de ce dernier.

1. Le développement de structures favorables au totalitarisme

La démocratie et les libertés individuelles ne se décrètent pas. Elles forment un régime politique ultimement issu du christianisme et de la Réforme. La démocratie et les libertés individuelles ne peuvent être maintenues qu’accompagnées d’importantes conditions protectrices dont l’existence d’États-nations disposant d’une véritable souveraineté, la limitation à la fois constitutionnelle, sociologique et économique du pouvoir étatique, une structure partiellement décentralisée du pouvoir étatique, la propriété privée, la liberté économique, le secret bancaire, l’existence de billets de banque anonymes, un certain pluralisme, la volonté du grand nombre de participer à la vie publique et l’absence de surveillance électronique excessive des personnes. Or, en Europe, quelques-unes de ces conditions protectrices de la démocratie et des libertés individuelles sont en train de s’effriter dangereusement.

2. La désagrégation de l’État-nation

Parmi les digues protectrices de la démocratie et des libertés individuelles, l’État-nation est aujourd’hui l’une des plus menacée en Europe. Ce phénomène est inquiétant, parce que, à l’instar des États, les nations ne résultent pas d’une simple évolution, ni d’un contrat. Comme l’aurait dit la philosophe Jeanne Hersch, les États ainsi que les nations représentent des faits de nature. N’hésitons pas à l’affirmer : l’existence de nations, séparées les unes des autres principalement par les langues, procède de la volonté de la grâce commune et du dessein historique de Dieu. Elles ont été instituées pour limiter la pleine expression de l’obscur désir prométhéen des hommes et pour entraver la formation d’un empire universel qui serait par essence totalitaire. La Bible relate cet épisode : « Toute la terre avait une seule langue et les mêmes mots. […] Allons bâtissons-nous une ville et une tour dont le sommet touche au ciel, et faisons-nous un nom. Et l’Éternel dit : Voici, ils forment un seul peuple et ont tous une même langue. Maintenant rien ne les empêchera de faire tout ce qu’ils auraient projeté. Confondons leur langage, afin qu’ils n’entendent plus la langue les uns des autres. Et l’Éternel les dispersa loin de là, sur la face de toute la terre » (Gen 11.1-9). Suit la conséquence géopolitique de ce décret du Dieu de l’Histoire : « Le Très-Haut donna un héritage aux nations, quand il sépara les enfants des hommes, il fixa les limites des peuples » (Deut 32.8).

La division du monde en États-nations représente bien un principe de division salvateur, pour le temps et non pour l’éternité, en vue de préserver l’humanité des totalitarismes planétaires. La nature humaine étant ce qu’elle est, les mouvements trop unificateurs sont, par essence, tyranniques. Il n’y a pas de démocratie durable sans diversité protégée par des institutions substantiellement souveraines, distinctes les unes des autres.

Le philosophe Emmanuel Kant (1724-1804) avait déjà bien saisi les dangers d’un monde unifié dès la fin du XVIIIe siècle en écrivant ceci dans son livre Vers la paix perpétuelle : « L’idée du droit suppose la séparation de nombreux États voisins, indépendants les uns des autres, et bien qu’un tel état soit déjà en soi un état de guerre, celui-ci, d’après l’idée de la raison, vaut encore mieux que la fusion des États en une puissance dépassant les autres et se transformant en monarchie universelle. […] C’est cependant le désir de chaque État (ou de son chef suprême) de […] dominer autant que possible le monde entier. Mais la nature veut qu’il en soit tout autrement. Elle se sert de deux moyens pour empêcher les peuples de se mélanger et pour les séparer : la diversité des langues et des religions. »

On comprend mieux dès lors qu’en 1942, Goebbels, cet ennemi des libertés individuelles, ait dit, d’une manière aussi prophétique que satisfaite : « Je suis convaincu que dans cinquante ans d’ici, les gens ne penseront plus en terme de pays. »

3. L’effritement d’autres écrans protecteurs des libertés individuelles

La plupart de ces écrans sont en train de disparaître progressivement en Europe, mais aussi dans le monde entier, parce que progresse inexorablement l’extension technologique et spatiale du contrôle des activités et des pensées humaines. Le monde actuel rend les personnes de plus en plus dépendantes envers la société, les entreprises et l’État. Toutes les tendances lourdes conduisent à l’affaiblissement de l’autonomie matérielle et spirituelle des individus.

Incidemment, nous ajouterons que la substitution des cartes de paiement aux billets de banque est une condition nécessaire à l’accomplissement de cette prophétie spécifique des Écritures : « [La bête] fit que tous, petits et grands, riches et pauvres, libres et esclaves, reçoivent une marque sur leur main droite ou sur le front, et que personne ne puisse acheter ni vendre, sans avoir la marque, le nom de la bête ou le nombre de son nom. » (Apoc 13.16-17)

Toutes ces évolutions montrent à l’évidence que les écrans protecteurs des libertés individuelles tels que la distance, la possibilité d’échapper à un œil inquisiteur ou l’inviolabilité de la sphère privée régressent fortement depuis une vingtaine d’années.

Tout homme lucide sait bien que les libertés individuelles sont étroitement liées à une sphère privée inviolable. Le grand libéral qu’était Benjamin Constant (1767-1830) l’a bien vu : « Il y a une partie de l’existence humaine qui, de nécessité, reste individuelle et indépendante, et qui est de droit hors de toute compétence sociale ». Mais dans l’Union européenne dominée par les technocrates, qui se soucie encore de telles réflexions philosophiques ?

La possibilité et, plus encore, l’effectivité d’une surveillance électronique mondiale des personnes apparaissent dès lors comme un coup très grave porté à la pérennité des libertés individuelles qui ont fait la grandeur et la spécificité des démocraties occidentales.

4. L’émergence d’une pensée unique prométhéenne, antichrétienne et antilibérale

Tous les totalitarismes modernes se réfèrent à une conception du monde, à une idéologie. Le totalitarisme soviétique s’inspira du marxisme, le totalitarisme nazi du racisme. Évidemment, ces idéologies apparaissent et se développent dans les sociétés libres bien avant que ces dernières ne deviennent totalitaires. Quelle idéologie, déjà présente dans notre Europe encore substantiellement démocratique, pourrait-elle bien constituer le noyau d’un futur totalitarisme européen ?

Les esprits les plus perspicaces, les observateurs les plus lucides, les philosophes les plus attachés à la vérité et les chrétiens les plus habités par la faculté de discernement perçoivent aujourd’hui cette idéologie totalitaire dans la « pensée unique », une réalité à la fois intellectuelle et comportementale, réalité toujours plus pesante et contraignante bien que ses contours soient mal dessinés. Cette pensée unique paraît s’articuler autour des aspirations, des croyances, des mythes, des attitudes et des valeurs qui suivent.

D. Les composantes de la pensée unique

1. Tout d’abord, la volonté, en partie inconsciente mais farouche, des sociétés contemporaines de s’abstraire de la condition humaine et de nier la nature humaine. Le dessein de s’abstraire de la condition humaine explique les tentatives de l’humanité pour réaliser l’utopie d’un paradis terrestre dont seraient bannies la souffrance, les maladies, la pénibilité du travail, les contradictions et les limitations humaines, voire même la mort. Nier la nature humaine, c’est, entre autres, refuser de voir que l’origine du mal est en l’homme et non pas d’abord dans la société. En plaçant la source du mal à l’extérieur du cœur humain, notre culture entend confier à l’homme la mission de se sauver tout seul.

2. Une espèce d’agnosticisme panthéiste multiforme largement répandu, selon lequel Dieu, s’il existe, n’est en aucun cas le Dieu de l’Histoire révélé par l’Ancien et le Nouveau Testament, mais bien plutôt le Grand Psychologue qui nous comprend du haut de sa distante bienveillance. Sous un autre angle, le Dieu transcendant a fait place au Dieu immanent.

3. La quête d’une spiritualité irrationnelle et irréelle qui se manifeste par le goût pour les religions orientales, le surnaturel sous toutes ses formes, les tarots, les horoscopes et autres pourvoyeurs de tranquillité psychique éphémère.

4. La conviction qu’il n’y a pas de vérité absolue dans l’ordre spirituel, religieux, éthique et social, mais bien plutôt des vérités partielles, contingentes et provisoires, issues de la culture d’une époque. C’est le relativisme.

5. La très nette prééminence du dialogue, de la paix et du syncrétisme sur l’affirmation, la proclamation et la défense d’une vérité considérée comme absolue ou unique dans le domaine religieux, philosophique ou politique.

6. La quasi-divinisation d’un universalisme égalitaire qui refuse toute discrimination théologique, philosophique ou politique, même protectrice, fondée sur la nationalité, la religion, le sexe ou les orientations sexuelles. Le postulat de l’universalisme égalitaire débouche, de proche en proche, sur l’impératif du multiculturalisme. Il présente en outre de très grandes affinités avec le mondialisme culturel et politique de même qu’avec la diabolisation de l’État-nation.

7. Une tendance à affaiblir les distinctions divines ou naturelles entre sacré et profane, public et privé, homme et femme, adultes et enfants, dimanche et jours ouvrables.

8. La croyance que les êtres humains ne sont pas véritablement responsables de leurs comportements pathologiques, ces derniers étant imputables à l’environnement socio-culturel. Cette croyance détermine grandement l’attitude des tribunaux et des systèmes d’éducation.

9. Une conception de l’État qui veut affaiblir son rôle sécuritaire (respect du droit à l’intérieur, et défense contre les agressions extérieures), pour en faire le réparateur des effets de la décomposition morale.

10. Une nouvelle acception de la valeur de liberté qui voit dans cette dernière une libération à l’égard des contraintes et des tabous de toute nature plutôt que la garantie accordée aux personnes de pouvoir suivre les injonctions de leur conscience. C’est la liberté pulsionnelle qui se substitue à la liberté de conscience.

11. Une définition du bonheur entrevu comme un état de bien-être obtenu par la consommation de sensations physiques et psychiques.

12. Le matérialisme pragmatique et un rationalisme économique qui assignent aux résultats à court terme et au rapport général coût-bénéfice le rôle de critères premiers dans les décisions humaines. C’est le règne de l’utilitarisme.

13. En dépit d’un certain retour à la nature et aux mythes passéistes de l’âge d’or, la croyance majoritaire que la science et la technique constituent les principaux instruments de la résolution de presque tous les fléaux qui assaillent l’humanité.

E. Les implications totalitaires de la pensée unique

Que nous réservent les thèses et les prétentions arrogantes de la pensée unique, telles qu’elles se manifestent en Europe plus qu’ailleurs ? Allons à l’essentiel.

1. Un avenir dans les chemins tracés par les « Lumières » du XVIIIe siècle

La pensée unique ainsi que la plupart de ses composantes trouvent leur source historique principalement dans la philosophie des Lumières. Cette dernière est essentiellement fondée sur la raison, saluée comme la suprême faculté de l’homme. L’indépendance de l’homme relativement à son Dieu créateur constitue la quintessence des Lumières, qui incarnent ainsi un véritable humanisme empreint d’orgueil. Par la foi nouvelle et ardente qu’elles mettent en l’homme, les Lumières servent de référence idéale à toute aventure prométhéenne.

Sur les implications totalitaires du prométhéisme des Lumières, le philosophe chrétien Jean Brun a écrit des pages parfois éblouissantes. Partant de la juste observation que la conception prométhéenne de l’histoire chère à Hegel (1770-1831) et le prométhéisme technocratique cher à l’économie de marché visent à une maîtrise totale du temps et de l’espace, il conclut ainsi : « Le drame est que ce nouveau dieu (l’homme) décide, en tant que dieu, que tout lui est permis, puisque rien ne saurait se trouver au-dessus de lui, et qu’il est le libre créateur de normes toujours en devenir. On ne peut donc plus parler de Mal, non seulement parce que tout ‘a droit à la différence’, mais parce que le Mal doit être angélisé en tant que mal de croissance nécessaire à ce fructueux ‘travail du négatif’ célébré par Hegel. » Hegel lui-même déclare : « La Raison ne peut pas s’éterniser auprès des blessures infligées aux individus, car les buts particuliers se perdent dans le but universel. » C’est ici la description parfaite des mécanismes intellectuels qui ont conduit les totalitarismes communiste et nazi à justifier le Goulag et la Shoah. Plus elles s’éloigneront de Dieu, plus nos sociétés risqueront de sombrer dans les mêmes dérives catastrophiques.

2. Le rejet de Dieu

Le rejet du Dieu transcendant incarné en Jésus-Christ et révélé au travers de la Bible, du droit naturel et de la conscience humaine constitue la marque commune de tous les totalitarismes. Le potentiel totalitaire le plus fondamental de la pensée unique réside dans les conséquences de son rejet toujours plus acharné et systématique du Dieu de l’Histoire. Lorsque Nietzsche (1844-1900) a proclamé la « mort » de Dieu, il ne s’est peut-être pas rendu compte que Dieu « avait depuis longtemps été remplacé par un sosie » fabriqué au XVIIIe siècle, comme le dit André Glücksmann. Mais avec une fulgurance quasi prophétique, Nietzsche a décrit les conséquences du rejet de Dieu mieux que ne sauraient le faire la plupart des chrétiens, dans ce passage célèbre du Gai savoir : « Le plus grand des événements récents — la « mort de Dieu », le fait, autrement dit, que la foi dans le dieu chrétien a été dépouillée de sa plausibilité — commence déjà à jeter ses premières ombres sur l’Europe. [….] Tout va s’effondrer maintenant que se trouve minée cette foi qui était la base, l’appui, le sol nourricier de tant de choses : toute la morale européenne entre autres détails. Nous devons désormais nous attendre à une longue suite, à une longue abondance de démolitions, de destructions, de ruines et de bouleversements. » Nietzsche ne se trompait pas. Les implications du refoulement et de l’évacuation de Dieu sont évidentes et parfois dramatiques. Elles n’en finissent pas de corroder les piliers de la civilisation occidentale et plus particulièrement de l’Europe.

Dostoïesvski avait raison : « Si Dieu n’existe pas, tout est permis » — entre autre : le mépris absolu des libertés individuelles et de la dignité humaine, quintessence du totalitarisme.

F. Le totalitarisme européen à la lumière des prophéties bibliques

Le chrétien dispose de l’avantage d’appréhender les réalités humaines fondamentales et les grands phénomènes historiques au moyen de deux approches : les démarches fondées sur la raison et les outils des sciences humaines d’une part, et l’enseignement des Écritures d’autre part. Ces deux approches peuvent même s’éclairer l’une l’autre. Le phénomène d’un futur totalitarisme européen se prête à cette double approche. Dans leur incommensurable richesse, les Écritures contiennent en effet de nombreuses paroles relatives au phénomène totalitaire en général tout en révélant, de manière certes difficilement accessible, un sens de l’Histoire.

Nos sociétés gagnées par l’anarchie morale et par la confusion des valeurs montrent à l’évidence que leur désintégration s’accélère. Il n’est peut-être plus éloigné le temps où l’on pourra dire de l’Europe entière ce que Machiavel disait de l’Italie de son temps : « A bout de souffle, elle attend celui qui pourra guérir ses blessures, … la voilà prête à suivre un drapeau, pourvu qu’il se trouve quelqu’un qui veuille le saisir. » Quant à Raymond Aron (1905-1983), et ce malgré son intéeacute;rêt pour l’idéologie technocratique, il affirmait, en 1965 déjà : « La menace suprême est bien, à notre époque, celle du totalitarisme. »

Dégagés de toute prévention de vouloir confisquer l’Histoire à des fins apologétiques, arrêtons-nous sur quelques prophéties bibliques qu’il est légitime de relier au phénomène d’un futur totalitarisme humain. Sans ambiguïté aucune, l’Écriture proclame que l’Histoire de l’humanité, entendue au sens du concept « temps des nations », prendra fin dans le cadre d’un régime politique totalitaire universel. Dans le livre de l’Apocalypse (13.3), on peut lire que « remplie d’admiration, la terre entière suivit la bête ». Est mise en relief, ici, la séduction qu’exercera le dernier dictateur de l’Histoire sur les masses. L’Écriture souligne ensuite le caractère mondial de cette emprise profondément funeste : « Il […] fut donné [à la bête] autorité sur toute tribu, tout peuple, toute langue, et toute nation. » (13.7)

Plus loin, l’apôtre Jean, auteur de l’Apocalypse, écrit : « [La bête] fit que tous, petits et grands, riches et pauvres, libres et esclaves, reçoivent une marque sur leur main droite ou sur le front, et que personne ne puisse acheter ni vendre, sans avoir la marque, le nom de la bête ou le nombre de son nom. » (13.16-17) Ce passage insiste sur le caractère profondément totalitaire du règne de cette bête que la Bible appelle ailleurs l’Antichrist.

Le dernier totalitarisme dont parlent les Écritures présentera, comme tous ceux qui l’ont précédé, une dimension historique, donc spatiale. Il surgira d’un espace donné avant de s’étendre au monde entier. Il trouvera sa genèse intellectuelle dans une culture dont tout donne à penser qu’elle sera animée de ce que l’Écriture appelle « l’apostasie » (2 Thes 2.3) et « l’esprit de l’Antichrist » (1 Jean 4.3), expressions traduisant l’inversion du bien et du mal.

L’Europe représente, selon nous, le Continent le plus en osmose avec ce que l’on peut qualifier « de culture de la fin des temps ». Elle constitue comme l’avant-garde de la pensée unique humaniste et prométhéenne. En dépit de la puissance technologique, économique et militaire des États-Unis, en dépit de la volonté farouche des islamistes les plus radicaux de mener une guerre contre la chrétienté et les Juifs, c’est donc bien de l’Europe que risque de jaillir le dernier totalitarisme, parce que c’est sa culture qui est le plus en adéquation avec celle de la fin des temps.

De surcroît, si l’on retient l’un des grands schémas d’interprétation des prophéties bibliques, (cohérent, quoique contestée), il apparaît qu’à la fin des temps, le dernier totalitarisme mondial témoignera d’une hostilité sans précédent à l’égard de toute personne ou de toute pensée qui pourraient se réclamer du Dieu de Jésus-Christ, mais aussi à l’égard du peuple d’Israël, progressivement restauré dans son statut d’héritier de promesses spécifiques de l’alliance éternelle du Dieu de l’Histoire (lire par exemple Zach 12-14). Or il est évident que les germes les plus virulents de cette hostilité sont bien plus présents en Europe qu’aux États-Unis. Une Europe, soit dit en passant, dont 59 % des habitants — mus par un véritable esprit d’aveuglement ou par une mauvaise foi indéniable — estiment qu’Israël constitue la plus grande menace pour la paix du monde.

De nombreux auteurs et hommes politiques assignent à l’unification européenne le destin et le dessein de préfigurer et de préparer l’unification du monde et l’avènement d’un gouvernement mondial. Denis de Rougemont, un des pères de la construction européenne, a dit qu’il nous « faut faire l’Europe, parce qu’il faut faire le monde, et que seule l’Europe peut le faire. Or, elle doit d’abord exister. » En 1948 déjà, il écrivait, dans un sens voisin : « L’heure est venue de rallier pour ce nouveau destin [c.-à-d. celui de l’Union européenne] tous les peuples du continent […] en une fédération qui sera le premier pas vers la fédération mondiale. » Il conclut sur ce point par cette très forte affirmation : « Il n’y a de fédération européenne imaginable qu’en vue d’une fédération mondiale. »

Le livre de Daniel (notamment les chap. 7 et 8) contient une fresque exceptionnelle de l’histoire de l’humanité. Cette description grandiose de l’Histoire nous apprend que le monde a été et sera dominé successivement par quatre grandes entités politiques : Babylone, les Mèdes et les Perses, la Grèce d’Alexandre le Grand et l’Empire romain. Au sujet de l’Empire romain, l’Écriture affirme qu’il disparaîtra provisoirement pour laisser place à un temps d’évangélisation du monde par l’Église. Il doit renaître à la fin des temps afin de servir de cadre institutionnel à l’émergence du dernier totalitarisme féroce que connaîtra l’humanité : celui de l’Antichrist, dictateur universel régnant sans partage sur le monde entier. Cet Antichrist sera anéanti par le Christ lors de son avènement. C’est alors que le Fils de Dieu établira son Royaume et « régnera, au nom de son Père, sur une humanité enfin délivrée du Mal » comme l’écrit Paul Arnéra dans un article intitulé « Sens de l’histoire et avènement du Christ » paru dans la revue Certitudes en 1998. Pour toutes les raisons évoquées ci-dessus, cet Empire romain renaissant pourrait bien être l’Europe en voie d’unification.

« Vous donc, bien-aimés, qui êtes prévenus, soyez sur vos gardes, de peur qu’entraînés par l’égarement des impies, vous ne veniez à déchoir de votre fermeté, mais croissez dans la grâce de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ. À lui soit la gloire, maintenant, et jusqu’au jour de l’éternité ! » (2 Pi 3.17,18)

notes
1 Un paradigme est une représentation du monde, une manière de voir les choses, un modèle de vision du monde qui repose sur des courants de pensée ou des manières de faire. (NdE)
2 D’après l’histoire de Prométhée, empruntée à la mythologie grecque : Prométhée, demi-dieu, vole à Zeus le feu et l’apporte aux hommes. « Prométhéen » se dit d’une aspiration à dépasser sa condition humaine, par l’apport des connaissances et de la technique, en rejet de l’autorité des dieux, ou de Dieu dans le contexte de cet article. (NdE)


Article paru dans Compassion no 66, jan-mars 1995 (avec autorisation)
Version originale publiée par Mainstream Magazine, Angleterre

Ne croyez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre: je ne suis pas venu apporter la paix mais l’épée. Car je suis venu mettre la division entre l’homme et son père, entre la fille et sa mère, entre la belle- fille et la belle-mère et l’homme aura pour ennemi les gens de sa maison. Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi, et celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi: celui qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas, n’est pas digne de moi (Mat 10.34-38).

Dorénavant le mot division est un mot que nous entendrons de plus en plus. Certains voudraient nous faire croire que toutes les divisions qui surviennent au sein de l’Eglise sont l’œuvre du diable. Mais est-ce bien vrai? D’autres attendent qu’une division surgisse mais pour de mauvaises raisons. La confusion règne!

Le «réveil» de Toronto a déjà provoqué bien des divisions. Les gens prennent position pour ou contre avec une ferveur sans précédent. Dans 1’histoire récente de l’Eglise, aucune controverse n’a eu un tel effet. Qu’arrive-t-il donc?

Une ligne de démarcation est tracée

Dieu est en
train d’entreprendre une oeuvre de séparation! Des lignes de démarcation sont en cours de traçage. Chaque chrétien charismatique ou non, réveillé ou endormi, expérimenté ou nouveau converti, est sommé par le Saint-Esprit de prendre position d’un côté ou de l’autre.

De part et d’autre les chrétiens ont de fortes convictions. Chaque groupe prétend avoir la bénédiction de Dieu et être dans Sa volonté. Chaque partie accuse l’autre de tromper et de persécuter la véritable Eglise. L’examen des prétentions des uns et des autres ne peut conduire qu’à la confusion; mais comme nous allons le voir, certaines lignes directrices incontestables nous permettront de prendre la bonne décision.

La situation présente n’est toutefois pas facile à comprendre. Spécialement quand on veut nous empêcher de réfléchir et d’analyser.

Le prédicateur d’ Afrique du Sud Rodney Howard Browne qui est à l’origine de cette «vague de rire» exhorte couramment ceux qui le suivent par ces paroles: «Laissez votre raison de côté et entrez dans le domaine du surnaturel.» Comme si les deux étaient exclusifs.

Dans l’assemblée de Toronto Airport au Canada (le principal centre de cette vague de rire actuelle) on entend ce genre de prophétie: «Je crierai de Sion, dit Dieu. Je rugirai du rugissement de la victoire! Vous dépouillerez le camp de l’ennemi! Je viens! Je suis un homme de guerre!… Ne faites pas attention à ceux qui vous disent: Soyez raisonnables! Soyez rationnels! Tout cela n’est pas logique! Je vous le dis, l’homme naturel ne reçoit pas les choses de l’Esprit de Dieu, car elles sont une folie pour lui. Permettez-moi de vous parler et d’agir au travers de vous».

Dans ces milieux, la logique est présentée comme étant en conflit avec la volonté de Dieu et la Parole écrite comme un obstacle plutôt qu’une aide. Que reste-t-il donc? Uniquement le facteur émotionnel! Mais lorsqu’un chrétien se confie dans ses sentiments et ses expériences plutôt que dans la Parole de Dieu, il commet une erreur dont l’origine remonte au Jardin d’Eden.

Une obsession démesurée de l’expérience

Certains leaders de ce mouvement prétendent avec insistances être semblables aux chrétiens de Bérée qui sondaient les Ecritures. Ce qu’ils avancent n’a toutefois rien d’une démarche biblique cohérente ou d’une théologie confirmée. Il ne s’agit que de textes isolés qui citent des bruits d’animaux ainsi que d’autres sortes de manifestations physiques, comme si le phénomène de Toronto ne se résumait qu’à cela.

L’argument majeur des promoteurs du phénomène de Toronto est le suivant: «Prouvons à nos opposants que les manifestations sont authentiques, et alors tout ira bien». Il s’agit là d’une vue bien limitée et pour le moins superficielle.

Comme un magicien qui fait des tours de passe-passe, Satan cherche lui aussi à concentrer notre attention sur le bruit et sur le tapage. Pendant ce temps-là, il agit par derrière en trafiquant les doctrines de l’Eglise.

Si nous n’y prenons pas garde, l’expérience elle-même captera toute notre attention, et nous en perdrons de vue son but ultime. N’oublions pas que l’histoire ne s’écrit pas par hasard. Dieu a Son plan mais Satan a son complot et il oeuvre fiévreusement en vue d’atteindre un but précis.

Le complot de Satan

Voici brièvement le complot de Satan:
-son but: dominer
-son problème: les différences d’opinions des chrétiens
-sa solution: l’épuration

Succinctement, on peut dire que depuis des années, l’objectif de toutes ces nouvelles églises charismatiques a été la conversion de la plus grande partie possible de la population mondiale, afin d’établir le royaume de Dieu sur la terre avant le retour de Christ. Cette effusion spirituelle actuelle de Toronto n’a rien changé. Bien au contraire ! Pour qu’un tel dessein puisse être réalisé, il faut que ces églises reçoivent toujours plus de «puissance».

Voici deux déclarations relevées au cours d’une réunion qui s’est tenue le 14 octobre 1994 dans l’assemblée d’Airport Vineyard à Toronto:

«Je vais déclarer la chose suivante et e vais la dire publiquement. Le Seigneur a montré à plusieurs prédicateurs qu’il allait engranger un milliard d’âmes en un court laps de temps. Un milliard d’âmes vont entrer dans le royaume de Dieu» (Wes Campbell).

«Oh! Seigneur, nous Te remercions pour cette merveilleuse
vague du Saint-Esprit. Nous Te remercions pour cela, car Tu déverses
Ton Esprit pour que nous ayons la puissance d’être des témoins,
pour pouvoir atteindre les 5,6 milliards de gens qui peuplent la terre. La majorité d’entre eux n’ont jamais entendu parler de Ton nom Seigneur Dieu. Ce ne sont pas les manifestations qui importent, mais c’est la puissance du Saint-Esprit pour gagner le monde entier afin que toute la terre soit remplie de la gloire de Dieu. Il faut que tous les royaumes de ce monde deviennent les royaumes de notre Dieu, et que la terre entière puisse être remplie de Ta gloire puissante» (Bob Weiner).

On parle déjà d’une «nouvelle vague» à venir. Ce serait un temps de repentance, de sainteté et de plus grande unit&eacueacute; dans toutes les églises et qui conduirait au réveil mondial tant attendu.

Séduisant n’est-ce pas? L’idée de manger le fruit de l’arbre de la connaissance de Dieu dans le Jardin d’Eden l’était certainement aussi ! (Gen 3.1-6).

Menaces destinées aux chrétiens soi-disant rebelles

Un problème se pose à ceux qui croient que seule une Eglise Mondiale indivisible, harmonieuse et parfaitement réglée est en mesure d’accomplir l’évangélisation du monde. Ce problème est tout simplement celui-ci: tous les chrétiens ne sont pas d’accord avec le programme!

Cette maudite petite bande de chrétiens rebelles, disent-ils, est une épine dans leur pied. Ils ne cessent d’insister sur le fait qu’il faut examiner les nouvelles révélations et les prophéties données à la lumière de la Parole de Dieu. Ils continuent à dire que le salut des nations ne pourra pas se faire avant le retour du Seigneur Jésus.

Ils croient toujours en l’enlèvement et dans le millénium et dis cernent la réalité de la grande tribulation dans les derniers temps annoncés dans les Ecritures. Ils considèrent l’harmonie, l’unité et la restauration mondiale comme une utopie. En dépit de toutes les attaques lancées contre leurs enseignements et malgré l’insistance de leaders charismatiques pour que ces chrétiens rebelles adoptent un changement radical dans leur façon de voir les choses, certains d’entre eux persistent dans leurs «hérésies» .

C’est ainsi qu’un nouveau mouvement se met en place dans beaucoup d’églises charismatiques. Profitant du sentiment de culpabilité déjà répandu dans certains cœurs, une campagne de cure d’âmes et de confession, dont le but est d’éliminer les indécis, va être mise en oeuvre. Ce n’est plus le moment de tergiverser! Celui qui est trop faible pour se déterminer sera mis à l’index! Tous ceux qui demeurent dans des églises contaminées vont bientôt être cernés, sommés de confesser leurs doutes et menac&eacueacute;s du jugement de Dieu.

Faites bien attention au très subtil changement de doctrine de ce mouvement comme le montre la «prophétie» douteuse suivante, donnée à Toronto: «Quand des jours de puissance et de révélation arriveront, quand de nombreux miracles se produiront autour de toi, que des signes et des prodiges se réaliseront, qu’il y aura de grandes effusions de joie et que beaucoup de bonnes choses te seront accordées, le Seigneur te dira: Choisis, choisis, choisis! Seras-tu comme Job, qui disait: Accepterais- je le bien de la part de Dieu et non le mal? Es-tu prêt à accepter le bien et le mal? Je suis en train de te dire que tu dois te saisir de tout ce que tu peux tant que tu le peux, et prendre tout ce que tu peux tant que tu peux l’avoir, car des jours viennent, dit le Seigneur, où une grande division surviendra dans l’Eglise. Un homme aura pour ennemis les gens de sa maison. Tes parents te critiqueront, ils parleront mal de toi et diront que tu t’es engagé dans une secte. Vos fils et vos filles diront que leurs parents sont devenus fous. Ce sera alors la désolation au sein de la maison de Dieu».

«Je vous dis que, au milieu de vous maintenant, certains sont là uniquement pour répandre la discorde parmi les frères. Il y a des choses que le Seigneur hait, qui sont en abomination devant lui. L’une de ces choses, c’est qu’un homme vienne délibérément avec l’intention de semer la division dans son église, cherchant à détruire et à diviser. Ce qu’il a en horreur, c’est un homme qui, au nom de la vérité, abandonne l’amour et fomente la haine et qui ne comprend pas que l’amour couvre une multitude de péchés».

«Le Seigneur déclare que la parole de correction doit être prononcée dans l’amour. Le Seigneur certes est celui qui corrige, et le Seigneur aime la correction et appelle à la correction. Mais le Seigneur hait, Il HAIT la division. Et pour celui qui vient apporter la division, qui vient pour diviser l’Eglise de Christ, pour séparer Ses bras de Ses jambes, et les orteils de Ses pieds, le Seigneur dit que Sodome et Gomorrhe seront mieux traités que cet homme-là au jour du jugement».

«Mais je vous dis que la division surviendra malgré tout, et comme un levain dans l’église, elle est même déjà en train de se lever. En ce moment le Seigneur vous appelle à ne pas voir autre chose que ce que vous voyez, à accepter les miracles dont vous entendez parler et les fruits de Dieu que vous voyez, à considérer toutes ces choses comme étant de Dieu, à persévérer jusqu’à la fin pour être sauvés ou bien à vous confier dans la sagesse humaine et les raisonnements qui tuent la foi et amènent la division».

«Le Seigneur veut que vous preniez position dans votre
cœur ce soir. Il veut que vous sachiez si ces choses sont de Dieu ou non,
et Il veut que vous soyez fermes dans votre engagement, tout comme vous êtes appelés à tenir ferme dans votre confession de foi» (Stacy Campbell, épouse de Wes Campbell, octobre 1994).

Remarquez ici combien les gens de ce mouvement découragent le fait de remettre leurs doctrines et leurs expériences en question et combien ils vous font sentir que cela n’est pas chrétien. Il s’agit dans ce «réveil» d’accepter à la fois le bien et le MAL sans se poser la moindre question.

Dans ce mouvement, on considère que la vérité (le fait de considérer la doctrine biblique avec l’objectivité) est opposée à «l’amour». Chez eux, l’amour dont il est question est d’un type nouveau qui ignore l’erreur au nom de l’unité.

La soumission ou la mort

La conséquence la plus troublante
est que les opposants à ce mouvement sont réellement considérés comme étant en dehors de la foi et condamnés à mourir! Dieu est supposé menacer ceux qui ne se soumettent pas à cette puissance et le sort qui leur est réservé est identique à celui de Sodome et Gomorrhe: une destruction totale! Jésus a prononcé ces paroles à l’encontre de ceux qui le rejetaient comme Sauveur et Messie (Mat 10.14-15). Devons-nous dorénavant supposer que le fait de rejeter le phénomène observé à Toronto s’apparente à un rejet de Dieu Lui-même qui conduit
à la mort?

La lecture du dernier paragraphe de cette «prophétie» donne certes cette impression. On contraint les gens à tenir ferme dans leur approbation de ce qui se passe à Toronto, comme ils sont censés tenir ferme dans leur "confession de foi" en Jésus-Christ. Dans leurs esprits les deux choses sont liées.
Ce raisonnement est extrêmement dangereux!

Le phénomène de Toronto est en train de rapidement devenir un test de loyauté et de conformité doctrinale. Le prédicateur charismatique américain bien connu aux USA Kenneth Copeland par exemple, a suggéré que ceux qui résistent à
cette action de Dieu pourraient bien tomber sur place et mourir!

«Un de ces jours, disait-il à quelqu’un, vous pourriez
très bien être en train de discuter avec des gens leur demandant comment cela s’est passé a l’église dimanche dernier. Ils répondraient alors: Oh! C’était formidable! La gloire de Dieu était si forte que dix infirmes, trente sourds et sept cas de cancer ont été guéris et le frère «grande bouche» et la soeur «querelle» sont morts» (Magazine «VoiceofVictory» d’octobre 1994).

Selon Copeland, les chrétiens ont un choix vital à faire. Il déclare: «Lorsque le feu de Dieu commence à brûler et que les flots de l’Esprit se mettent à couler, le chrétien n’a qu’une alternative: soit il se soumet à l’Esprit et se repent de sa «résistance» à cette «action de l’Esprit», soit il refuse d’y entrer et est violemment emporté».

Quel est donc ce péché qui mettrait les chrétiens en danger de mort? Selon lui ce serait le simple fait de résister à «1’action de Dieu» ! D’après Copeland ceux qui s’unissent dans cette «puissance de réveil» ont l’occasion de «vivre des instants merveilleux» .Lorsqu’il raconte l’histoire d’Ananias et Saphira, Copeland déclare que les chrétiens qui étaient là «vécurent un tel moment de gloire que, même quand Ananias tomba raide mort en face du prédicateur, les chrétiens continuèrent
tout simplement d’adorer».

En réalité le péché d’Ananias ne fut ni de manquer de soumission à l’égard de ses aînés, ni d’éteindre l’Esprit. Mais, il avait menti au Saint-Esprit (Act 5.2-6). Et il retint une partie du prix, sa femme le sachant; puis il apporta le reste et le déposa aux pieds des apôtres. Pierre lui dit: Ananias pourquoi Satan a-t-il rempli ton cœur au point que tu mentes au Saint-Esprit et que tu aies retenu une partie du prix du champ?.. Ce n’est pas à des hommes que tu as menti mais à Dieu. Ananias, entendant ces paroles, tomba et expira. Une grande crainte saisit tous les auditeurs. Les jeunes gens s’étant levés l’enveloppèrent, l’emportèrent, et l’ ensevelirent. Il n’y a pas dans ce récit grand chose de comparable avec ce qui se passe dans les réunions du style de celles qui se déroulent à Toronto
Copeland enseigne néanmoins à partir de ce passage que ceux qui résistent à l’effusion des derniers jours sont en danger de mort. Le message est des plus clairs: la soumission ou
la mort!

Il y a déjà quelques temps que ce message à l’encontre des opposants existe. Il est apparu notamment dans les prophéties et les enseignements des Prophètes de Kansas City. Ceux-ci sont en effet en relation avec des gens qui prêchent la fausse doctrine des «manifested sons» (sorte d’élite chrétienne extrémiste qui se prend pour le sauveur du monde et qui enseigne que la Chrétienté en tant que dénomination est comparable à Babylone, que seuls les saints parfaits de leur nouvel ordre émergeront à la fin des temps comme des élus de Dieu, tandis que Babylone sera vaincue et mourra dans Tribulation
qui doit survenir).

Il y a cependant un fait inévitable. C’est que toute doctrine qui met en avant une certaine élite et qui présente ses membres comme des Sauveurs du Monde aura forcément des opposants.

Le fanatisme

Toute solution humaine aux problèmes du monde
engendre le fanatisme puis la violence. Bien que nous ayons tendance à approuver
les croyances de ceux que l’on a appelés les Puritains (en Angleterre),
on ne peut néanmoins oublier que la guerre religieuse de Cromwell
causa des milliers de victimes. Bien qu’il soit évident que la lutte qui s’est déroulée en Irlande dépasse le cadre religieux, peut-on toutefois approuver le meurtre au nom de la défense de la foi? Peut-on de nos jours justifier de quelque façon que ce soit une guerre sainte? Une cause, si noble soit-elle, peut-elle en elle-même légitimer le fait
de prendre les armes pour la défendre?

Voilà des questions auxquelles il se pourrait bien que nous ayons à répondre bientôt, en particulier si nous sommes confrontés à certains événements qui, ébranlant le monde, requerront une réponse ferme de la part de l’Eglise.

Le péché d’opposition

Les leaders de ce «mouvement
de la vague de rire» préparent activement l’Eglise afin que celle-ci soit apte à remplir sa mission durant les temps de la fin. Ils font appel à l’unité, à la sainteté et à la soumission à Dieu. Tout cela semble avoir une bonne apparence. Mais quelle est la réelle signification de ces mots pour eux? Et quelles seront les victimes de cette sorte de prédication?

Il y aura certainement, parmi eux, des repentances sincères; je n’en ai pas le moindre doute. Mais ce que nous voyons ressemble fortement à une nouvelle définition des notions de repentance et de sainteté et ceux qui refusent ce «réveil» seront montrés du doigt comme s’ils étaient des pécheurs.

Nous voyons déjà une certaine dureté s’installer au milieu d’eux. A Toronto, malgré les directives officielles qui exhortent à l’amour et à l’humilité, la façon dont sont traités les opposants n’a rien à voir avec la douceur de Christ. Cette anomalie est pour le moins déconcertante car s’il s’agissait véritablement d’un authentique réveil comme ils le prétendent, alors l’œuvre du Saint-Esprit produirait des changements dans la nature de ceux qui sont touchés par Sa puissance. Dans un réveil, les fruits de l’Esprit sont manifestes: ce sont l’amour, la bienveillance, la patience, la bonté et le contrôle de soi. Au lieu de cela, un grand nombre de ceux qui sont atteints par la "bénédiction" deviennent agressifs, arrogants et tellement imbus d’eux-mêmes qu’ils ne peuvent tolérer la moindre opposition. C’est bien la preuve que quelque chose ne va pas!

«L’ amour» dont on dit qu’il est le principal fruit
du réveil de Toronto n’est pas là lorsqu’il s’agit de le manifester à l’égard des membres d’autres églises, et encore moins à l’égard des opposants! Leur amour semble se résumer uniquement à un sentiment passionnel à l’égard de Dieu. C’est presque un état d’extase dénué de tout contenu mora1. Cette heureuse condition est sans nul doute très agréable pour ceux qui y participent, mais si elle ne conduit pas à la manifestation d’un amour semblable à celui du Christ, quel résultat durable peut-elle bien avoir?

Ceux qui entretiennent des doutes au sujet de ce réveil sont accusés d’être des entêtés et des pharisiens légalistes; ceux qui éprouvent les esprits (pour voir s’ils sont de Dieu) sont accusés comme résistant au Saint-Esprit; et ceux qui questionnent les responsable du mouvement sont accusés de «rébellion».

La soumission

Deux catégories d’exigences sont généralement
imposées dans ce mouvement: l’acceptation sans réflexion de la puissance spirituelle et l’acceptation aveugle d’autres chrétiens sans considération de doctrine.

La première attitude rejette d’emblée toute éventualité de séduction spirituelle, ce qui est totalement contraire aux Ecritures. La Bible nous exhorte ainsi: Examinez toutes choses; retenez ce qui est bon (I Thes 5.21).

La seconde attitude accepte le compromis avec l’erreur, ce qui est contraire à l’enseignement des Ecriture: Eloignez-vous de tout frère qui vit dans le désordre et non selon les instructions que vous avez reçues de nous (2 Thes 3.6).

Avant toute autre chose, notre soumission à la Parole de Dieu doit être prioritaire. Néanmoins cette réalité est en train d’être complètement mise de côté. On suggère au contraire que les chrétiens vraiment obéissants doivent expérimenter des choses «pour Dieu» sans se demander si elles sont insensées, sans fondement ou génératrices de désordre. On exige même de toute personne qui n’a pas donné satisfaction à ce test ultime de soumission qu’elle se repente!

Il est malheureusement si facile d’inciter les chrétiens sincères à s’engager dans ce genre de sottise. Généralement ce sont les chrétiens qui ont une certaine maturité et qui ont un authentique désir d’obéir à Dieu et de Le servir, que le diable poussera le plus à faire des extravagances. Des siècles de pratique ont convaincu le diable qu’il est bien plus facile de faire dévier les chrétiens par un excès d’obéissance que par une manque d’obéissance.

Une fausse unité

Dans ces milieux, on assiste en outre à une
pression dont l’objectif est l’unité. Il s’agit cependant d’une union
qui ne concerne que ceux qui acceptent les doctrines et pratiques du nouveau
mouvement.

Copeland insinue que la désunion est cause de jugement
et de mort au sein du Corps de Christ, et qu’elle est une entrave à l’effusion de la puissance de réveil. Il dit que «la repentance est obligatoire pour quiconque souhaite faire partie de ce mouvement de Dieu». Il appuie son raisonnement par le récit de la Pentecôte. Selon lui, l’Esprit de Dieu était dans l’impossibilité de descendre sur les disciples tant qu’ils ne se repentaient pas de leur manque d’unité. Il déclare qu’il y avait parmi eux des désaccords mais «qu’à un moment donné ils renoncèrent à leurs différents… et se mirent d’accord entre eux. Et quel en fut le résultat? Le Dieu Tout-Puissant fit Son entrée, et répandit Sa gloire parmi eux».

Copeland déclare aussi que Dieu veut déverser une puissance de Pentecôte plus grande encore: «Nous sommes sur le point de parvenir à la source jaillissante, que toutes les générations précédentes ont langui d’avoir. Que signifie cela pour vous et moi?» demande-t-il. «Si nous bannissons le péché de nos vies, et si nous nous accordons avec nos frères et sœurs, alors en ce jour de gloire, Dieu réalisera des prodiges au milieu de nous. Nous n’aurons pas à nous faire de souci quand la gloire de Dieu nous tuera en frappant notre chair».

Quant aux serviteurs de Dieu qui s’opposent à ce que ce phénomène éclate dans leur église, ils disent d’eux qu’ils font partie du «Old Order» (de l’ancien système), qu’ils seront balayés, qu’ils perdront leur ministère et seront mis de côté. Voilà quelle était la pensée d’une prophétie donnée par le prédicateur américain Rick Joyner, et citée dans le magazine «The Harvest» dans lequel ce-lui-ci a prédit une nouvelle effusion de l’Esprit.

Dans le chapitre intitulé «Otons les barrières et les façades qui nous séparent de Dieu et des autres» Rick Joyner écrit sur ceux qui persévèrent dans «des oeuvres ou vérités individuelles», en marge du Corps unifié des derniers temps: «Ils seront «déchus» du ministère, et la démonstration sera telle qu’une sainte et pure crainte de Dieu s’emparera du Corps de Christ. Cela contribuera à ce que l’Eglise s’achemine vers une authentique adoration spirituelle et une unité fondée sur l’adoration&raraquo;.

Aujourd’hui même, six ans après la publication de
ces paroles, nous constatons effectivement, dans les réunions qui se déroulent à Toronto, l’existence d’une nouvelle unité fondée sur l’adoration. Ces paroles s’accompliront-elles aussi en ce qui concerne le sort des serviteurs de Dieu qui insisteront toujours sur une unité basée sur la Vérité?

Dans une prophétie largement répandue, Marc Dupont, pasteur assistant dans l’assemblée d’Airport Vineyard à Toronto, a déclaré qu’il avait le pressentiment «d’un danger extrême à l’encontre des serviteurs de Dieu qui continuent à résister au Saint-Esprit». Dieu est supposé avoir fait la promesse d’une intensification dans les domaines de l’évangélisation, de l’intercession et de la puissance et en même temps, «ce feu purificateur va s’accroître, pour atteindre en particulier les leaders actuels». Il y aura une division très nette entre ceux qui «obéissent» et ceux qui «p&egegrave;chent», et ces derniers devront «abandonner le ministère, faute de quoi ils attireront le jugement de Dieu sur eux-mêmes et sur leurs églises»

Parlant des flots d’eaux vives qui se répandent de Toronto, Dupont déclare que tous ceux qui s’opposeront au Saint-Esprit «seront réduits en poussière» et il ajoute: «Il n’y aura plus aucune véritable unité au sein des églises tant que celles-ci ne répondront pas à l’appel prophétique du Père».

La division est nécessaire

Si la repentance signifie ne
plus s’appuyer sur la Parole de Dieu; si la sainteté doit s’exprimer
par des bruits d’animaux pour Jésus; si l’unité implique ne pas corriger les fausses doctrines: alors le repentance, la sainteté et l’unité ne sont certes PAS AUSSI BONNES que ce qu’ils disent.

Nous avons besoin de comprendre que la division n’est pas toujours l’œuvre du diable. Jésus savait bien que les gens seraient toujours divisés à cause de la vérité: Pensez-vous que je sois venu apporter la paix sur la terre ? Non, vous dis-je, mais la division (Luc 12.51).

L’apôtre Paul disait que la division met en lumière les différences qu’il y a entre la véritable Eglise et les faux docteurs: Et d’abord, j’apprends que, lorsque vous vous réunissez en assemblée, il y a parmi vous des divisions, et je le crois en partie. Car il faut qu’il y ait aussi des sectes parmi vous, afin que ceux qui sont approuvés soient reconnus comme tels au milieu de vous (1 Cor 11.18- 19). Ils sont sortis du milieu de nous, mais ils n’étaient pas des nôtres," car s’ils eussent été des nôtres, ils seraient demeurés avec nous, mais cela est arrivé afin qu’il fût manifeste que tous ne sont pas des nôtres (Jean 2.19).

L’apôtre Paul ne prêchait assurément pas la tolérance à l’égard des hérésies, et il ne demeurait certainement pas dans la communion avec les faux docteurs. Il avait encore moins l’intention de se repentir de son opposition à leurs enseignements.

Tenir ferme

Si ceux qui ont été formés pour être
des défenseurs de la vérité biblique ne prennent pas
clairement position, le mal se propagera inéluctablement. C’est une situation qui n’avantagera personne d’autre que le diable et
qui reflète davantage la caractéristique d’une secte plutôt
que du christianisme.

En vérité, on peut faire des comparaisons
tout à fait stupéfiantes entre ce qui passe actuellement dans ce mouvement et les activités d’une secte. En premier lieu, il faut citer l’attraction pour les défoulements émotionnels, les liens d’amitié, une cause commune, des expériences spi- rituelles puissantes, et le désir avide de trouver quelque chose «qui marche».

Comme dans ce mouvement on demande aux chrétiens d’assister à toutes les réunions, il devient vite insupportable de résister à cette pression qui a pour objet de vous intégrer au groupe. L’individualisme est sévèrement censuré. On enseigne aux participants qu’ils doivent se méfier de quiconque tenterait de les dissuader; il est suggéré que tous ceux qui sont extérieurs au mouvement sont «ignorants» et «dans l’erreur» .

Le raisonnement, la réflexion et l’étude des opinions contraires sont exclues, tandis que sont encouragées l’activité frénétique, la surexcitation et les soirées tardives. Les enseignements apportés sont présentés comme indiscutables, et toute personne qui y résiste est accusée d’être une «source de rébellion». Le groupe est encouragé à persécuter ces individus jusqu’à ce que ceux-ci capitulent.

D’un autre côté, ceux qui adoptent ces enseignements sont incités à se considérer comme spirituellement supérieurs aux autres. Ils ont alors tendance à se sentir comme des gens spéciaux et tout à fait importants dans le cadre du programme du mouvement.

Vient ensuite la cure d’âme, pendant laquelle on encourage à confesser ouvertement le moindre doute. Le bénéfice de cette pratique est double. D’une part, elle permet aux leaders d’identifier ceux qui sont encore indécis; d’autre part, elle a pour effet de remplir les initiés de la crainte d’être exclus ou rejetés (ou même punis).

Il est en outre insinué, quand ce n’est pas explicitement annoncé, que toute rébellion aura des «conséquences fâcheuses», que ce soit pour les opposants ou pour l’assemblée tout entière. Naturellement, celui qui s’est révolté se sentira pleinement responsable.

Les enseignements fondamentaux les plus étranges ne seront présentés que lorsque ce processus d’endoctrinement aura fait son effet sur l’esprit et les croyances des nouveaux membres. Ceux-ci sont alors devenus trop assoupis, trop ébranlés, trop craintifs et trop soumis pour les rejeter.

Alors que beaucoup penseront que leurs églises n’ont rien en commun avec une secte, d’autres (spécialement les victimes du phénomène de Toronto) pourront facilement se reconnaître dans ce qui est décrit précédemment.

Comment savoir si ce mouvement vient de Dieu?

Le but de toute
secte est de propager de nouveaux enseignements. Ce ne sont pas les EXPERIENCES
qui sont prioritaires, mais la DOCTRINE.

Il nous faut donc véritablement
nous inquiéter de la vague spirituelle qui vient de l’église Vineyard de Toronto, et des églises du mouvement Vineyard (le vignoble) en général dans le monde, d’autant plus qu’elles acceptent sans réaction les doctrines erronées des prophètes de Kansas City, et des deux hommes qui sont à l’origine de ce mouvement de la vague du rire: Benny Hinn et Rodney Howard Browne. Nous devrions tout particulièrement être alarmés du fait que la majorité des églises qui acceptent le phénomène de Toronto tolèrent de graves erreurs doctrinales.

Bien que ce ne soit pas là le seul critère, car Dieu peut utiliser des hommes et des églises en dépit d’un certain degré d’erreur dans la doctrine, la question suivante doit être posée: pour quelle raison la présence de Dieu (si c’est bien d’elle dont il s’agit) ne s’est-elle pas manifestée en réprouvant les erreurs et en appelant à la repentance à l’égard des fausses doctrines? Au lieu de cela, c’est très exactement l’inverse qui est en train de se produire!

Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui demandent: comment pourrai-je savoir si ce mouvement vient de Dieu? C’est très simple! Dieu peut-il être en contradiction avec Sa propre Parole? Après avoir passé de si nombreuses années à dénoncer les fausses doctrines, Dieu déverserait-il maintenant Son Saint-Esprit sur ces mêmes fausses doctrines, les revêtant ainsi de puissance pour être prêchées? Va-t-il maintenant oindre la bouche de ceux qui prêchent l’erreur? Absolument pas; cela est tout à fait impensable.

D’un autre côté, puisqu’un système de contrefaçon religieux doit apparaître dans ces derniers temps et que la Bible prédit l’apparition de fausses doctrines et de faux christs dotés d’une puissance miraculeuse similaire, au point, s’il était possible, de séduire même les élus, ne serait-il pas objectif de supposer que cela puisse se produire par l’intermédiaire d’un réveil contrefait tel que celui dont nous parlons ici?

Les tests du revivaliste Jonathan Edwards

Allons plus loin et
appliquons un autre test. Beaucoup ont certainement pu constater que ce nouveau mouvement se réfère à tort aux méthodes du revivaliste Jonathan Edwards, et qu’il revendique des liens avec le Grand Réveil de 1740.

Le revivaliste Edwards était lui, très prudent à l’égard des manifestations inhabituelles. Dans son livre «Les sentiments religieux», il énumère douze expressions qui peuvent être considérées comme des signes de spiritualité ou non.

Parmi ces douze signes se trouvent les manifestations physiques, l’amour, la joie, le zèle, la louange, la confiance, la liberté d’expression et la ferveur .

Sa liste de preuves atteste que des manifestions viennent réellement de Dieu si elles glorifient Dieu seul. Elles doivent aussi tendre à la perfection morale, à l’humilité, à une transformation de l’être, à la bonté et à l’amour envers les autres, au renoncement à soi-même et à une vie qui se conforme entièrement aux enseignements de l’Ecriture.

Dans un autre ouvrage, il énumère cinq fruits essentiels produits par un authentique réveil:
-Jésus est élevé et honoré
-Les chrétiens sont moins centrés sur eux-mêmes
-Une plus grande faim de la Parole de Dieu
-L’amour de la vérité devient capital
-L’amour des autres est évident.
Nous avons déjà vu à quel point la vérité et l’amour selon Christ ont été déformés par ce nouveau mouvement. Prenons par exemple les trois premiers point ci-dessus:

1. Jésus est-il vraiment honoré?

On entend beaucoup
parler de Jésus dans ce mouvement, mais en réalité quand ce peuple s’approche de moi, il m’honore de la bouche et des lèvres; mais son cœur est éloigné de moi (Es 29.13).

Dans ce mouvement, c’est au Saint-Esprit seul que l’on prête attention; pourtant la Parole de Dieu nous dit bien que celui-ci ne vient pas en son propre nom. On appelle aussi le Saint-Esprit. on l’invoque et lui commande même de «venir» .Certains vont jusqu’à Lui attribuer une volonté propre, en dehors de la Parole écrite de Dieu, parce que, disent-ils, «l’Esprit est souverain, et il peut faire ce qu’il veut».

Parallèlement, Jésus est considéré comme un serviteur, comme un copain qui d&eacueacute;sire s’amuser avec nous, pouffer de rire avec ses camarades. Un homme a raconté qu’il avait eu une vision dans laquelle Jésus s’avançait vers lui avec un grand sourire; cela l’avait tellement fait rire qu’il en était tombé à la renverse. (A quoi cela sert-il?)

2. Les chrétiens renoncent-ils à eux-mêmes?

Tous les témoignages recueillis prouvent que ce qui importe, c’est ce que l’on ressent, ce sont les besoins personnels, et le bénéfice que l’on pourra INDIVIDUELLEMENT retirer de ;cette expérience. Essayer de dire à quelqu’un de ce mouvement qu’il devrait cesser de retourner vers cette quête permanente de drogue spirituelle équivaut à arracher son jouer préféré à un enfant. Pour les gens de ce mouvement, ce n’est pas la logique qui compte, mais les sentiments, les besoins personnels, les désirs sensuels, et le frisson des expériences spirituelles; c’est ce qui inspire leur nouveau zèle et leur nouvelle ferveur.

3. Où est l’amour pour la Parole de Dieu?

Le phénomène
de Toronto n’est pas transmis par une saine prédication biblique, mais
par l’intermédiaire de rencontres et de témoignages. Il y a très peu d’enseignement, et lorsqu’il yen a, il ne s’agit que de métaphores et de symboles tirés de l’Ancien Testament. Certaines réunions sont presque entièrement fondées sur des anecdotes. Wes Campbell, qui se réjouit d’avoir trouvé la puissance à Toronto, a déclaré: «Nous venions juste de regagner notre église et j’ ai commencé à prêcher cela. Je leur ai raconté toutes les histoires que j’avais entendues. Je leur ai raconté toutes les histoires que j’ai pu obtenir. J’ai demandé que l’on m’envoie d’autres histoires par fax. Vous ne le croiriez pas!… J’ai commencé à raconter des histoires, et des histoires, et encore des histoires, comment la gloire de Dieu a touché des gens, et vous ne le croiriez pas. Ces gens ont commencé à s’ouvrir. En trois ou quatre semaines ils avaient la foi, et nous avons alors connu la plus grande effusion de toute l’histoire de notre église».

«A Phnom Penh (Cambodge), ils ont à peine commencé à raconter
ce qui se passait à Toronto que la puissance de l’Esprit a commencé à balayer l’église… En Inde, dès qu’ils ont raconté les récits de ce qui se passait, la puissance de l’Esprit s’est répandue. Ils n’avaient pourtant jamais rien lu à ce sujet; ils ont simplement entendu un récit».

En considérant tous ces récits, il semble bien que pas un seul des cinq tests d’Edwards ne puisse s’applique à ce qui se passe aujourd’hui. Cela devrait interpeller ceux qui se réfèrent à lui pour authentifier ces choses. Se peut-il donc qu’un réveil qui a un fondement si branlant soit véritablement de Dieu?

T.T

Or, tout ce qui a été écrit d’avance l’a été pour notre instruction, afin que, par la patience, et par la consolation que donnent les Écritures, nous possédions l’espérance.
Romains 15.4.


Chronique de livres

Paul Gosselin

Fuite de l’Absolu, volume II, poursuit l’étude (initiée au volume I) des conséquences éthiques du postmodernisme.

Il examine d’abord la question de l’euthanasie ainsi que le sort que réserve le discours postmoderne aux handicapés et aux personnes jugées non productives. Il considère un cas de meurtre par compassion, celui du fermier canadien Robert Latimer qui a tué sa fille Tracy atteinte de paralysie cérébrale.

Les chapitres suivants changent de sujet et abordent une question fondamentale pour l’Occident : une société peut-elle se passer de mythes et de mythes sur les origines plus particulièrement ? Il y a là une question cruciale, car les mythes sur les origines jouent un rôle extraordinairement important et central pour le développement d’une civilisation.

L’essai entreprend un sujet d’envergure, la déconstruction de la cosmologie matérialiste partagée par les systèmes de croyances moderne et postmoderne. Fuite de l’Absolu, vol. II, jette donc un regard décapant et provocateur sur un monument culturel généralement considéré intouchable : la théorie de l’évolution proposée par Charles Darwin. Pour réaliser ce projet, des données provenant à la fois de l’anthropologie sociale aussi bien que de la philosophie de la science sont examinées. Ce processus de remise en question implique un examen des prétentions des héritiers du Siècle des Lumières et fouille la question fondamentale des limites de la science et de la censure qui peut s’exercer en milieu universitaire à l’égard de perspectives cosmologiques jugées non « politiquement correctes ».

Tandis qu’en milieu anglophone le débat sur les origines est large et profond (les remises en question ont commencé dans les années 60), à la même époque, en milieu francophone, le lamarckisme[note]Le lamarckisme est une théorie émise par Jean-Baptiste Lamarck vers 1805, selon laquelle l’environnement, dans lequel vit une espèce végétale ou animale, amène cette espèce à se modifier pour s’adapter. Cette thèse s’opposait à celle du fixisme.[/note] était à peine enterré et le néodarwinisme triomphait. Depuis, en milieu anglophone, même des athées tels que David Stove se sont joints à la bagarre : là, on peut critiquer l’évolution. Chez les francophones, la remise en question du darwinisme provoque l’irritation et l’inquiétude de nos élites. La question reste taboue… La stratégie la plus efficace est d’étouffer tout débat véritable (où l’on pourrait examiner les arguments des critiques de l’évolution) et d’« immuniser » les francophones contre la « contagion » du « dessein intelligent » (intelligent design) et du créationnisme en les gavant de stéréotypes biaisés. Nos élites sont consternées par des sondages qui révèlent régulièrement qu’une part très large de la population américaine (pourtant un des pays les plus avancés sur le plan scientifique et technologique) remet en question la théorie de l’évolution…

Cet ouvrage a le mérite d’examiner deux questions de fond du point de vue de l’anthropologue : Se peut-il que la théorie de l’évolution joue le rôle de mythe d’origine ? L’évolution tire une bonne part de son prestige de sa prétention à être une théorie scientifique ; mais ce statut est-il soutenable face aux exigences de la philosophie de la science ?

Fuite de l’Absolu, vol. II, examine aussi la théorie de l’évolution du point de vue de l’anthropologie sociale et expose les multiples fonctions sociales et idéologico-religieuses de la théorie de Darwin. En milieu francophone, l’incursion dans la philosophie des sciences que propose cet ouvrage, sera inévitablement perçue comme subversive, car elle implique une déconstruction fondamentale du discours issu des Lumières sur la vérité et la hiérarchie des savoirs. Cet essai innove car, même dans le monde anglophone, ces questions n’ont pas été traitées de manière systématique jusqu’ici. Il permet donc de faire le pont entre le débat sur les origines dans le monde anglophone et le monde francophone.

En parcourant ce texte, le lecteur fera la rencontre, entre autres, du romancier Kurt Vonnegut, du philosophe autrichien Karl Popper, de Tracy Latimer (cf. supra), de Charles Darwin, du microbiologiste Richard Lenski, du spécialiste de la mythologie Mircea Eliade, du paléontologue Stephen Jay Gould, du zoologiste Pierre-Paul Grassé, de l’anthropologue Wictor Stoczkowski, du philosophe des sciences canadien Michael Ruse, du biologiste Ernst Mayr, de la philosophe Mary Midgley, du phylogénéticien français Guillaume Lecointre, du biologiste Julian Huxley, du prix Nobel en physique Robert Laughlin et de bien d’autres encore.
C’est un ouvrage intéressant qui fait découvrir l’idéologie matérialiste du postmodernisme de l’Occident et ses mécanismes, qui sont de réels dangers pour l’Eglise.

Paul Gosselin détient une maîtrise en anthropologie sociale. Il est l’auteur de Hors du Ghetto et de Fuite de l’Absolu, vol. I. Il est webmaster du site samizdat. Il a vécu en Nouvelle Écosse, en Californie, sur l’île de Vancouver et réside actuellement à Québec. Il est marié, père de deux enfants.

Titre : Fuite de l’Absolu, volume II
Observations cyniques sur l’Occident postmoderne
Auteur : Paul Gosselin
Éditeur : Samizdat – Sainte-Foy QC, Canada
ISBN : 978-2-9807774-2-4
570 pages avec avant-propos, notes, bibliographie et index des sujets
English version : Escape from the Absolute, volume II : Cynical Observations on the Post-Modern West
Courriel : pogo@novactiv.ca ; site Internet : www.samizdat.qc.ca/publications.
Diffusion en Europe : CLC France, Quartier Pelican, 26740 Châteauneuf-du-Rhône, France ;
site www.clcfrance.com; e-mail : accueil@clcfrance.com


Certains lui donnent deux mille ans ou plus, mais elle ne fait pas son âge. Constamment remise en selle, malgré de mémorables culbutes, elle reste incorrigiblement optimiste. Sous sa forme relookée, elle avoue 57 ans1. En 19572, elle avait déjà six enfants ; elle en exhibe désormais 273. Cette intendante aux larges robes fait de la place à tous ses protégés ; elle regorge de projets impeccables.

« Prospérité, sécurité, liberté, égalité, dignité humaine, paix, tolérance, respect mutuel (et même des minorités), justice, solidarité, développement durable ; lutte contre la faim, la maladie, la pauvreté, le terrorisme, le crime organisé ; démocratie, État de droit, stabilité… et pour faire bon poids, selon sa devise : In varietate concordia (Unie dans la diversité). »

Qui ne voudrait souscrire à un tel programme, dans un monde ravagé par la corruption, par les menaces de désintégration sociale, économique, professionnelle… et morale, par le dangereux déséquilibre nord-sud, par le réchauffement climatique, etc. ?

Qui n’aurait pas envie de faire sien un tel credo, au moment où, malgré les réticences de deux de ses enfants récalcitrants4, cette grande dame peut se targuer de quelques réussites indéniables ? (Les siens ont commencé à circuler tout à leur aise sur ses terres, et à s’y établir à leur gré. Elle est en outre la première puissance économique mondiale.5) Du reste, n’est-il pas préférable d’œuvrer ensemble avec elle plutôt que de rééditer les guerres d’antan ?

Oui, chère grande Europe, toi qui te couronnes de douze étoiles, signe de perfection et de plénitude, qui ne souhaiterait du fond du cœur l’accomplissement de tes rêves ? Pour celui qui vit sous ton parapluie, quel avenir !

À moins qu’il ne faille, avant de s’élancer joyeusement dans ton sillage6, se poser une ou deux questions sur la vraie nature de tes valeurs, de ta liberté sous haute surveillance, de ton salut sans Dieu, de ton évangile sans Christ. Pendant que tu nous le permets encore…

1 9 mai 1950, appel de R. Schuman, acte de naissance de la construction européenne.
2 25 mars 2957, Traité de Rome, à la base du Marché commun et de la CEE.
3 1er janvier 2007, l’Union européenne compte 27 membres.
4 Voir le non des citoyens français et hollandais au projet de Constitution européenne.
5 30,30% du PIB mondial.
6 …come nous y invite ton hymne officiel, l’ « Ode à la joie ».


L’islam dans le contexte passé, présent et futur de la séduction et de l’apostasie

S’il y a deux mots qui s’excluent, ce sont certainement les mots « croix » et « croisade ». Même s’il est difficile à un homme du XXIe siècle de juger ceux qui ont cru défendre la foi en allant combattre en Palestine au XIe siècle, on peut rappeler que Jésus s’est laissé mettre en croix sans opposer de résistance et en priant pour ses ennemis. Tertullien, un des théologiens chrétiens nés en Afrique du Nord, disait que « le sang des martyrs est la semence de l’Eglise ». C’est en souffrant dans les arènes et les prisons que les chrétiens ont vaincu l’opposition de l’Empire romain et du paganisme antique. Il n’est donc pas très légitime de présenter la confrontation du christianisme et de l’islam comme l’un des enjeux géopolitiques de notre siècle ou comme un des combats typologiques de la fin des temps. Il est troublant de constater que l’Apocalypse de Jean insiste davantage sur l’emprise du matérialisme et de la recherche du pouvoir au travers de l’idolâtrie que sur un conflit eschatologique avec telle ou telle religion monothéiste! Jésus met ses disciples en garde contre l’apostasie et les faux docteurs au sein de l’Eglise et la première épître de Jean identifie l’Anti-Christ en révélant qu’il est déjà à l’oeuvre au Ier siècle de notre ère. On pourrait certes reconnaître les invasions arabes et l’arrivée des Turcs au Moyen-Orient dans les cavalcades d’Apocalypse 9. Mais rien qui pointe vers une opposition religieuse!

Si l’islam n’a jamais été aussi médiatisé dans les pays occidentaux, le vrai fait marquant qui doit nous pousser à l’action est plutôt la multiplication des occasions de témoignage et d’échange amical entre chrétiens et musulmans. Les tensions ne sont rien de nouveau, elles doivent nous pousser à prier! Mais la possibilité de parler de Jésus et de montrer ce qu’est une vie chrétienne et une vie d’église, voilà une réalité historique que le monde et les anges observent: qu’ils puissent découvrir par l’Eglise la sagesse de Dieu dans sa diversité «multicolore»!

Comment donc répondre à la présence et au dynamisme des musulmans?

a) L’Église doit confesser le Christ des Ecritures et rayonner de son amour

Lorsqu’on comprend que l’islam s’est toujours développé là où les croyants avaient oublié qui Jésus était vraiment – le Dieu unique et le seul Médiateur – et qu’il s’est enraciné dans des régions où l’Ecriture Sainte n’était pas accessible au peuple ou bien était dévaluée par la Tradition ou la critique, on aura à coeur de nourrir l’Eglise en Terre d’islam et en Occident avec un enseignement rigoureusement fidèle au texte sacré et appliqué dans des vies transformées par l’Esprit de Dieu, ce grand absent dans la religion musulmane. Il ne s’agit pas de déséquilibrer la vie de piété des chrétiens avec des émotions ou des influences souvent confondues avec des dons de l’Esprit. Mais de donner au Saint Esprit tout son rôle dans le développement de l’homme nouveau, par une insistance sur la sanctification progressive et la consécration totale de chaque individu, en vue du service et du témoignage. Si un chrétien se montre dans la vie courante disciple de Jésus et enfant de Dieu – soumis et aimant – et si ses choix et ses attitudes de vie manifestent la présence de l’Esprit Saint, son prochain musulman se sentira introduit dans un temple sacré où il pourra rencontrer Dieu. Il ne sera pas nécessaire de prouver ou d’expliquer la Trinité là où la vie rayonne d’elle-même, sainte et communicative. Un musulman qui a reçu le pardon de ses péchés en priant au nom de Jésus n’est plus choqué par l’expression "fils de Dieu".

Malheureusement, les pays occidentaux étalent davantage leurs doutes et leur manque de foi que leur piété. Et la confusion entre l’Eglise institutionnelle et l’Eglise des rachetés conduit à de regrettables méprises. Mais si le musulman est devenu mon "prochain", ce qu’il verra en moi parlera plus fort que ses préjugés ou ses déceptions. Ce que je suis parlera plus fort que ce que je dirai: à moi d’en tirer les conséquences! Je n’ai pas besoin d’éloquence, je n’ai pas besoin d’avoir tout compris moi-même, mais j’ai besoin d’un coeur pur et d’amour débordant. Je puis les demander à Jésus tout en lui présentant dans la prière ce prochain qu’il m’a fait rencontrer! Et je ferai confiance au Saint Esprit qui travaille dans les coeurs bien mieux que les démonstrations ou les étalages d’oeuvres pieuses. Mais jamais je ne me permettrai de douter de l’Ecriture ou de la relativiser, encore moins de la ridiculiser par des interprétations particulières ou des adaptations aux soi-disant acquis de sciences qui évoluent tous les jours.

b) L’Église doit revendiquer et conserver sa place dans la société

C’est un sujet assez controversé et de nombreux chrétiens sont effrayés par les erreurs du passé au point de souhaiter que l’Eglise n’ait plus aucun rôle dans la politique ou dans la morale de nos pays épris de liberté. C’est le mirage de la laïcité. Autant réclamer du chrétien qu’il soit un pécheur comme les autres… Et c’est tout l’enjeu: le musulman n’hésite pas à se singulariser, par son voile ou sa barbe, par sa nourriture, ses gestes, son nom. Et qu’en est-il du chrétien? Chercherait-il à passer inaperçu dans la société, en louvoyant entre les nouveaux interdits (homophobie, islamophobie…) et les nouveaux droits (droit au divorce et à l’union libre, droit à l’avortement, droit à l’euthanasie, droit à la différence…) ? Dans l’Empire musulman arabe ou turc, le chrétien devait payer un impôt pour conserver le droit à sa religion, à sa propre identité, à ses lois. Mais dans beaucoup de pays aujourd’hui, le chrétien ne semble plus prêt à payer… quitte à perdre ses enfants et son âme!

Nous aimerions bien pouvoir dire que l’islam est un système qui a submergé les pays chrétiens de l’Antiquité et qui menace les nations chrétiennes aujourd’hui, en vertu d’un mystérieux pouvoir de séduction. Nous aimerions bien trouver dans l’Apocalypse un chapitre qui indique clairement les ravages de la nouvelle religion et, le cas échéant, quelque prophétie sur la victoire finale du christianisme. Nous voudrions que les immigrés dans nos pays ou les ethnies musulmanes d’Afrique se convertissent miraculeusement sans que nos Eglises n’aient besoin de quitter leur routine ou d’affronter le redoutable reproche de « prosélytisme ». A moins que nous rêvions d’un « accord global » entre les grandes religions à l’instar de l’Organisation Mondiale du Commerce, pour que nous cessions de chercher à nous convertir les uns les autres… Mais l’Ecriture Sainte ne dit rien de tel, l’histoire nous donne tort et les églises qui se développent dans le monde d’aujourd’hui sont celles qui, comme les apôtres d’autrefois, prêchent et souffrent, en Iran ou en Chine! Lorsque Jean doit préparer à leur sort les chrétiens d’Asie (l’actuelle Turquie), il n’annonce pas la venue de Muhammad, mais il avertit que Jésus viendra lui-même retirer le chandelier de l’Eglise qui a oublié son premier amour! Les Coptes d’Egypte ont appelé au secours les bataillons arabes de l’islam naissant, par peur des persécutions infligées par l’Eglise Orthodoxe.

c) Nous sommes encore dans l’ère de l’évangélisation du monde

Chaque année, les moyens de communication semblent nous rapprocher davantage des extrémités de la terre. Le coût d’une Bible est devenu insignifiant dans les pays industrialisés d’Europe ou d’Amérique. Par le rayonnement d’Internet, nous avons l’impression parfois de faire partie d’un village planétaire, achetant et vendant des biens et des services à l’autre bout du monde sans quitter notre fauteuil. Mais chaque année aussi, de nouveaux pays sombrent dans le chaos de la guerre, des millions d’enfants naissent dans des foyers où le nom de Christ n’est jamais prononcé et nos vieilles nations prennent une ride de plus, perdant jusqu’à la dernière les valeurs chrétiennes qui ont construit naguère de nouveaux mondes. Le nombre des rachetés de l’Agneau croît dans des pays où il était autrefois dangereux de lire une Bible, mais il y a toujours autant d’hommes et de femmes qui ne peuvent pas disposer de la Parole de Dieu dans leur langue. En Asie Centrale où le communisme empêchait hier les chrétiens de se réunir, l’islamisme devient l’idéologie dominante et les nouveaux chrétiens sont persécutés par leurs propres parents. Les hommes ont encore besoin d’entendre le message libérateur de la Croix et il faut encore des hommes et des femmes courageux pour aller parler de Jésus et montrer ce qu’est une vie chrétienne conséquente. Non, le temps des missions n’est pas encore fini: il faut des coopérants pour pénétrer dans les pays fermés aux missionnaires, des producteurs créatifs et ancrés dans la saine doctrine pour pouvoir diffuser de bons programmes d’évangélisation par satellite, des linguistes expérimentés et fidèles pour traduire inlassablement les Ecritures, des pasteurs mûrs et équilibrés pour fonder et nourrir les jeunes Eglises dans des environnements hostiles… Ce n’est pas le moment de baisser les bras ni de nous replier sur nos communautés, mais le temps est venu de nous mettre à genoux pour prier pour le monde, et de nous lever pour Christ partout où il Lui plaît de nous envoyer… même dans les quartiers de notre ville!


"Cette espérance, nous la possédons comme une ancre de l’âme, sûre et solide" (Héb 6.19)

Il y a peu de temps, lors de manifestations de jeunes, des pancartes portaient cette inscription : "No Future" (pas d’avenir"). Un bel héritage de notre société matérialiste. Saviez-vous que la Suisse présente un des taux de suicides parmi les jeunes les plus élevés de la planète ? Pourtant, c’est aussi l’un des pays les plus riches. Mais l’argent ne fait pas le bonheur : téléphone portable, sports et loisirs divers, disco, tout est là pour une vie "cool". La jeunesse a envie de s’éclater, mais elle a perdu le sens de la vie. Pourquoi ? La négation de Dieu dans tous les domaines et, en conséquence, la désintégration de la famille, de l’école, et des valeurs éthiques chrétienne. Parce que Dieu est absent de la vie, le désespoir est devenu l’une des caractéristiques de cette société postmoderne. Pourtant, l’espérance authentique est une réalité pour quiconque a rencontré personnellement Jésus-Christ et pour qui la Bible est devenu un repère solide pour l’avenir.

1. Au coeur de l’espérance: les promesses de Dieu

Selon la définition du Petit Robert, l’espérance est un "sentiment qui fait entrevoir comme probable la réalisation de ce qu’on désire". Mais dans les Ecritures, c’est bien plus que cela. C’est la foi en la Parole de Dieu : cette dernière nous parle de l’espérance comme d’une certitude, celle d’un avenir brillant et glorieux pour le croyant. Tout se réalisera en Christ, car "toutes les promesses de Dieu sont ce oui en lui. C’est donc aussi par lui que nous disons à Dieu l’amen pour sa gloire" (2 Cor 1.20). La fidélité de Dieu est garante de la réalisation de toutes ses promesses. Contrairement aux vaines promesses de ce monde, synonymes d’illusion et de désespoir, celles de Dieu sont l’objet de notre espérance.

2. Trois raisons d’espérer

– La création tout entière aspire à une libération de ses douleurs. Elle souffre, comme nous aussi nous souffrons, à cause de cette soumission à la vanité suite au péché de nos premiers parents. La promesse de Dieu nous remplit pourtant d’espérance d’un avenir glorieux avec Christ.
« La création a été soumise à la vanité – avec une espérance: cette même création sera libérée de la servitude de la corruption pour avoir part à la libération des enfants de Dieu. Or, nous savons que jusqu’à ce jour, la création tout entière soupire et souffre les douleurs de l’enfantement. Bien plus, nous avons les prémices de l’Esprit, nous aussi nous soupirons en nous-mêmes en attendant l’adoption, la rédemption de notre corps. Car c’est en espérance que nous avons été sauvés… » (Rom 8.20-25).
– L’espérance est le moteur qui nous permet de persévérer jusqu’au bout, Dieu ayant formellement promis dans sa Parole des choses glorieuses au delà de cette vie.
– L’espérance, c’est "Christ en nous", celui qui nous console, nous fortifie, nous restaure et implante en nous cette vision glorieuse de l’avenir avec lui:

" Le mystère caché de tout temps, et à toutes les générations, mais dévoilé maintenant à ses saints à qui Dieu a voulu faire connaître quelle est la glorieuse richesse de ce mystère parmi les païens, c’est-à-dire CHRIST EN VOUS, L’ESPERANCE DE LA GLOIRE. C’est lui que nous annonçons, en avertissant tout homme et en instruisant tout homme en toute sagesse" (Col. 1.26-28).

Ce texte est la clé de la compréhension du mystère de la souffrance. Si nous mettons notre confiance en Christ, nous vivons dans une réalité spirituelle nouvelle: Christ est l’espérance de la gloire, car en lui aura lieu le dénouement final. Il est notre espérance pour la vie présente ("Christ est ma vie", Phil 1.20-21) et pour l’avenir ("Dieu ne nous a pas destinés à la colère, mais à l’acquisition du salut par notre Seigneur Jésus-Christ", 1 Thes 5.9).

3. Qu’espérer?

a) L’assurance du salut

Rappelons-nous que "tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu" (Rom 3.23). Cette réalité n’est que trop visible, même si nos contemporains refusent bien souvent de l’admettre. Mais Christ est venu pour accomplir la libération du péché et de la mort par son œuvre rédemptrice à la Croix. Cette œuvre de grâce est suffisante pour tous les hommes, et devient effective pour ceux qui se sont repentis de leurs péchés et ont mis leur confiance en lui. Ils bénéficient alors de la vie et du salut éternel.

" Comme le péché a régné avec la mort, ainsi la grâce règne par la justice, pour la vie éternelle, par Jésus-Christ, notre Seigneur" (Rom 5.21).

Christ a donc effacé totalement nos fautes par son sacrifice. La justice de Dieu a été satisfaite, et la grâce règne sur la base de la justice de Dieu. Nous avons reçu la vie éternelle par Jésus-Christ (1 Jean 5.11-13).

" De même par un seul acte de justice, la justification qui donne la vie s’étend à tous les hommes" (Rom 5.18)

Dieu a aussi pourvu à notre sécurité éternelle. La certitude du salut s’identifie en plus à notre sécurité éternelle en Christ.

" Je leur donne la vie éternelle; elles (les brebis du Seigneur) ne périront jamais, et personne ne peut les ravir de ma main. Mon Père qui me les a données, est plus grand que tous; et personne ne peut les arracher de la main du Père. Moi et mon Père nous sommes un" (Jean 10.28-30).

Ce salut éternel est notre espérance, et nous procure joie et force pour traverser toute épreuve avec cette espérance profondément ancrée dans nos cœurs :

" Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-Christ qui, selon sa grande miséricorde, nous a régénérés, par la résurrection de Jésus-Christ d’entre les morts, pour une espérance vivante, pour un héritage qui ne peut ni se corrompre, ni se souiller, ni se flétrir et qui vous est réservé dans les cieux, à vous qui êtes gardés par la puissance de Dieu, par la foi, pour le salut prêt à être révélé dans les derniers temps. Vous en tressaillez d’allégresse…" (1 Pi 1.3-9).

b) la résurrection

Le salut éternel touche toute la personne, corps, âme et esprit: "Que tout votre être, l’esprit, l’âme et le corps, soit conservé sans reproche à l’avènement de notre Seigneur Jésus-Christ. Celui qui vous a appelés est fidèle, et c’est lui qui le fera" (1 Thes 5.23-24). L’âme va auprès du Seigneur à la mort. Le chrétien qui meurt est "absent de corps, et présent auprès du Seigneur" (2 Cor 5.8). La résurrection touche nos corps physiques.

Cette certitude a comme base la résurrection du Seigneur Jésus-Christ.

– La résurrection corporelle de Jésus-Christ est un fait historique prêché par les apôtres.

Pierre, à Pentecôte, fonde sa prédication sur la mort et la résurrection de Christ :

« Dieu l’a ressuscité, en le délivrant des liens de la mort, parce qu’il n’était pas possible qu’il soit retenu par elle » (Act 2.24).

Paul, de même, prêche aux Athéniens la résurrection de Christ :

" Dieu…a fixé un jour où il va juger le monde selon la justice par un homme qu’il a désigné, et il en a donné une preuve digne de foi en le ressuscitant d’entre les morts" (Act 17.30-31).

– La résurrection corporelle est clairement établie et défendue par Paul dans 1 Cor 15 :
– La résurrection de Christ (v. 1 -12)
– La résurrection des croyants (13-29)
– Notre combat de la foi à cause de la résurrection (30-34)
– La doctrine de la résurrection (v 35 – 58)
– La résurrection des morts est annoncée par Paul (Act 23.6). Il en parle dans son discours au Sanhédrin (Act 24.15), il en parle au gouverneur Félix (Act. 24.21), il la défend devant Agrippa (Act. 26.6-8).
– La résurrection des justes concerne tous les croyants de tous les temps. Maintenant, nous soupirons tous dans nos corps de faiblesse, limités par des épreuves, des souffrances. Mais nous attendons l’adoption, la délivrance de nos corps selon Rom 8.23.
– Cette résurrection aura lieu au retour de Christ quand, en un clin d’œil, les morts en Christ ressusciteront, et nous, les vivants, nous serons enlevés dans le ciel, nos corps étant immédiatement transmués en corps de gloire (1 Thes 4.13.18) :

" Notre citoyenneté est dans les cieux; de là nous attendons comme Sauveur le Seigneur Jésus-Christ qui transformera notre corps humilié, en le rendant semblable à son corps glorieux par le pouvoir efficace qu’il a de s’assujettir toutes choses" (Phil 3. 20-21).

Ce sera un jour merveilleux ! Toutes nos faiblesses, nos souffrances, nos épreuves auront une fin définitive et feront place à une joie indicible, un grandissime triomphe, un bonheur sans fin auprès du Seigneur Jésus-Christ. Nous le contemplerons alors éternellement avec nos corps glorifiés. Et l’Eglise célèbrera l’amour de son Bien-Aimé d’un concert sans aucune fausse note. Ce sera notre entrée dans la gloire, en la présence de l’Agneau de Dieu.

c) Le retour de Christ

Des centaines de textes dans l’A.T. et le N.T. nous parlent du retour de Christ sous divers aspects. Il est au centre de l’eschatologie biblique. Christ revient. Il est "l’espérance d’Israël" (Act 28.20) et celle de l’Eglise (Col 1.2).

Il est venu une première fois pour accomplir l’œuvre rédemptrice à la Croix. Il reviendra pour accomplir les desseins de Dieu à l’égard de tous les siens et du monde. Ce sera le dénouement final pour son Eglise, pour Israël, pour les nations.

La glorification de l’Eglise, la repentance et la conversion d’Israël, sa bénédiction s’étendant aux nations, le jugement des nations et l’établissement de la justice et de la paix milléniales, tels sont les desseins du Dieu souverain et tout-puissant.
Cette venue est précédée de signes dont les textes suivants nous parlent : Mat 24.1-14 ; Marc 13. 1-13 ; Luc 21.1-11 (12-24 le présent, et 25-36 la grande Tribulation et le retour); 2 Thess 2.7-12 ; 2 Tim 3.1-9.

Ce sont :
– des faits physiques et tangibles (catastrophes naturelles, guerres, famines),
– des faits spirituels et moraux (l’Evangile annoncé dans le monde entier, angoisse et peur des hommes face à l’avenir, séductions et apostasie, persécutions et haines).

Nous devons veiller (Mat 24.42), car nous ne savons pas quel jour notre Seigneur viendra. Nous devons nous tenir prêts car le Fils de l’homme viendra à l’heure où nous n’y penserons pas (Marc 13.35-37).

Jésus revient! Soyons prêts!

" Quand tous ces différents signes vont commencer à se manifester, redressez-vous et levez vos têtes, parce que votre délivrance (rédemption) approche" (Luc 21.28).

Le but de cette attente est notre sanctification. Nous devons être "dignes de son appel" dans la marche quotidienne.

" Bien-aimés, nous sommes maintenant enfants de Dieu, et ce que nous serons n’a pas encore été manifesté; mais nous savons que quand il sera manifesté, nous serons semblable à lui, parce que nous le verrons tel qu’il est. Quiconque a cette espérance, se purifie lui-même comme lui est pur" (1 Jean 3.2-3).

Cette espérance est certaine :

" Cette espérance, nous l’avons comme une ancre solide et ferme, pour notre âme; elle pénètre au-delà du voile" (Héb 6.19).

Elle produit joie et hardiesse (1 Pi 1.6-9)

"Ayant donc une telle espérance, nous usons d’une grande liberté" (hardiesse) (2 Cor 3.12);
" C’est à lui que nous devons d’avoir eu par la foi accès à cette grâce, dans laquelle nous demeurons fermes, et nous nous glorifions dans l’espérance de la gloire de Dieu" (Rom 5.2).

Enfin, l’espérance est liée à la récompense pour tous ceux qui auront œuvré pour lui :

" Ainsi, mes frères bien-aimés, soyez fermes, inébranlables, progressez toujours dans l’œuvre du Seigneur, sachant que votre travail n’est pas en vain dans le Seigneur" (1 Cor 15.58).

4. Une espérance à vivre

La vertu de l’espérance aide concrètement l’Eglise à s’attacher au Seigneur et à marcher avec patience vers la demeure céleste. Cette espérance concerne les cieux, l’au-delà, le futur, la réalité spirituelle lors du retour de Christ.

" Nous rendons grâce au Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-Christ à cause de l’espérance qui vous est réservée dans les cieux" (Col 1.3-4).

L’espérance va de pair avec la patience. Les Thessaloniciens la poursuivaient sans se lasser. Ainsi, Paul parle de leur "patience d’espérance" (1 Thes 1.2-3).

Dans nos dialogues avec nos amis non-croyants, laissons jaillir toute la fraîcheur de notre espérance en Christ. Celle-ci devrait susciter des questions de leur part.

" Soyez toujours prêts à répondre à quiconque vous demande raison de votre espérance en vous" (1 Pi 3.15).

Cette espérance s’identifie d’abord avec une Personne, Christ, garant de tout l’héritage auquel nous aurons part lors de son retour glorieux.

5. La délivrance est proche

Les signes précurseurs sont là. Jésus revient. Sommes-nous prêts? Si nous plions sous le poids des années ou des épreuves, redressons-nous et levons nos têtes. Le secours nous viendra d’en haut. Les promesses du retour fabuleux du Seigneur constituent pour le chrétien de tout âge une force et un optimisme réaliste : « Christ en nous, l’Espérance de la gloire ».

" Quand cela commencera d’arriver, redressez-vous, et levez la tête, parce que votre délivrance est proche" (Luc 21.28).

" Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur, je le répète, réjouissez-vous. Que votre douceur soit connue de tous les hommes. Le Seigneur est proche. Ne vous inquiétez de rien" (Phil 4.4-5).

" Celui qui atteste ces choses dit: Oui, je viens bientôt. Amen! Viens, Seigneur Jésus! Que la grâce du Seigneur Jésus soit avec tous" (Apoc 22.20-21).