PROMESSES
Ce livre est d’abord le témoignage de l’auteur — qui nous permet de découvrir quel athée il a été, pour mieux comprendre un certain système de référence, ou une manière de se représenter l’humain, l’origine et la destinée du monde, le sens de la vie. Ainsi, Guillaume Bignon, qui a grandi dans le catholicisme pour s’en détacher à son entrée au lycée, était un « athée scientifique », se préoccupant de ce qui est observable (et pas des « choses invisibles »). La science et la raison étaient, semble-t-il, « ses dieux ». D’où sa question récurrente tout au long du livre : « Faut-il être bête pour croire en Dieu au XXI e siècle ? »
Ce livre est aussi un ouvrage de vulgarisation apologétique, se voulant accessible au non-initié, et comportant des discussions importantes sur l’existence de Dieu, la fiabilité de la Bible, la relation entre foi et raison, les raisons de croire ou de ne pas croire, le décalage entre « dire » et « faire », la moralité, le sens de la vie, la réussite, la création et l’évolution, la science et la connaissance, ou encore la réfutation des objections de certains essayistes sceptiques [note] Notamment les médiatiques Michel Onfray, André Comte-Sponville, Luc Ferry.[/note] contre la foi chrétienne.
Il a été indispensable à Guillaume Bignon de résoudre ce qu’il appelle « ses puzzles intellectuels », pour en arriver à accepter que la foi chrétienne n’est pas irrationnelle, et le cœur a fini par suivre la tête.
Un chrétien ne fait pas que croire intellectuellement que Dieu existe et que Jésus est ressuscité.
En fin de compte, pour Guillaume Bignon, la foi a (ses) raison(s). Et la foi en la puissance et l’amour de Dieu a eu raison de lui !
Ce livre, agréable à lire et souvent drôle, nous permet de (et encourage à) comprendre le système de référence d’un athée pour mieux lui parler de Jésus-Christ et pour qu’il prenne conscience d’avoir besoin du Dieu qui a changé notre vie.
- Edité par Dode Nicolas
La foi chrétienne est-elle un amalgame d’éléments contenus dans d’autres religions qui n’aurait rien d’authentiquement singulier ? Si tel était le cas, une décision exclusive en sa faveur ne paraîtrait pas appropriée.
La méthode comparative est l’une de celles qui prévaut dans les milieux académiques et dans les produits de vulgarisation sur l’histoire des religions. Elle adopte comme présupposé que le judéo-christianisme n’est autre qu’un amalgame d’apports qu’il est possible de distinguer les uns des autres en remontant jusqu’à leur source. La foi en la résurrection existe dans le christianisme, mais elle vient de Perse ; l’idée d’un rédempteur qui vient du ciel est une idée gnostique, associée par l’apôtre Paul à des éléments du judaïsme palestinien ; quant aux sacrements, ils sont un emprunt aux religions à mystères des Grecs, etc.
Une grande partie de l’énergie des spécialistes biblistes de la tradition libérale critique ou universitaire non croyante se dépense à chercher où tel auteur biblique a pris ce qu’il nous dit.
1. Quelques remarques de principe et de méthode
En guise de remarque préliminaire, je voudrais mettre en garde contre une réaction qui consisterait à foncer tête baissée vers le discours opposé. Il nous faut savoir discerner le piège.
Totalement dissemblable ?
Pour certains, pour que le christianisme ait le droit de réclamer une adhésion entière et exclusive, il faut qu’il soit spectaculairement original. Mais est-ce nécessaire ? Rappelons-nous que le faux imite le vrai. L’opposition fondamentale du vrai et du faux n’est pas forcément apparente au premier regard. Il se pourrait donc que le christianisme ressemble beaucoup aux autres religions ou à telle religion et qu’il y ait pourtant tout l’abîme qualitatif qui sépare la vérité unique de mensonges habiles.
Une apologétique qui se développe dans le sens de la ressemblance n’est pas dépourvue de fondements bibliques. Elle présente le christianisme comme le couronnement, l’accomplissement des aspirations humaines : avec lui, enfin, le tâtonnement des différentes religions aboutit ! Dans cette perspective, il est normal qu’il y ait des ressemblances. Dans toutes les religions, on peut voir des ébauches, ou des nostalgies — si l’on pense que l’état premier était un état de vérité — que le christianisme reprend et fait parvenir au plein resplendissement de la vérité.
Cette apologétique a été développée, dans l’Antiquité, par l’École d’Alexandrie, avec Clément d’Alexandrie et Origène et garde une place de choix dans le catholicisme. Deutéronome 4 développe cette pensée : les nations païennes diront, en prenant connaissance de la Loi que Dieu donne à Israël : « Cette nation est un peuple absolument sage et intelligent ! » (Deut 4.6) En Actes 17, l’apôtre Paul mise sur ce même type de relation : il emploie l’image du tâtonnement pour parler des religions humaines, qui avaient conduit les Athéniens à ériger un autel à un dieu inconnu. L’apôtre cite, à propos de cette proximité, des paroles de poètes et de philosophes du stoïcisme grec et présente le message chrétien comme l’accomplissement de cette recherche : « Ce que vous vénérez sans le connaître, je vous l’annonce ! » (Act 17.23) Les ressemblances ne doivent pas nous embarrasser et ne cherchons pas à les escamoter.
L’affirmation biblique de la différence
Cependant, la Bible elle-même semble plus souvent opposer la foi biblique et la religion des nations. En Deutéronome 4, Moïse souligne qu’aucune autre nation n’a un dieu qui a fait pour elle ce que Dieu a fait pour Israël, intervenant de manière aussi grandiose, aussi efficace, en se rendant si proche (Deut 4.7).
Il est aussi un Dieu qui s’est fait connaître par sa Parole, en plus de ses actes (Deut 4.8), car sans parole, il reviendrait aux hommes d’interpréter les actes de Dieu comme ils le pourraient. Le N.T. réitère la même affirmation : toute la sagesse du monde est passée à côté du « mystère » de Dieu, du secret de son plan accompli en Jésus-Christ. Ce mystère est révélé par l’Esprit à ceux qui aiment Dieu et reçoivent le fruit de l’œuvre de Jésus-Christ (1 Cor 2.6-16). Ces textes mettent incontestablement en avant le contraste.
Les motifs de la différence
Pourquoi l’apologétique de l’accomplissement, pratiquée par l’École d’Alexandrie, n’est-elle pas dominante dans l’Écriture ? La première raison est la gravité du péché. Les religions expriment bien les tâtonnements et les aspirations des humains qui ont été faits pour connaître Dieu comme la destination de leur humanité ; mais si les hommes sont aussi loin de ce qu’ils cherchent, c’est à cause du péché. Ils tâtonnent, mais en même temps ils ne cherchent pas loyalement au fond d’eux-mêmes, inconscients de ce refus, simultané avec leur recherche, du vrai Dieu.
Du coup, ils déforment, ils reportent leur besoin de Dieu sur la créature, ils se fabriquent des idoles.
Cette gravité du péché est sous-estimée par les tenants d’une apologétique de l’accomplissement ; c’est pourquoi les religions ne sont pas dénoncées comme les aberrations qu’elles sont effectivement devenues par la faute du péché.
La deuxième raison est que le péché est subtil, capable d’habileté et d’imitation, mais jusqu’à un certain point seulement. Le diable est un faussaire suprêmement habile et intelligent, mais seulement jusqu’à un certain point. Il n’a pas été capable de faire quelque chose de totalement ressemblant. Lorsque les hommes sont les instruments de ce faussaire, ils perdent quelque chose de l’agilité, de la finesse, de la capacité à faire « beau ». Ajoutons que nous allons vers l’imitation suprêmement ressemblante : en profitant de l’apport du christianisme dans l’Histoire, le diable va réussir à susciter une « singerie » plus séduisante que toutes les autres : l’Antichrist. Mais lors de ce paroxysme, le Seigneur Jésus interviendra pour faire lui-même directement échec à l’Impie, et le détruire par l’éclat de son avènement (2 Th 2.8).
En attendant, dans la grande épreuve qui précédera ce moment final, il fera en sorte que l’Antichrist ne séduise pas ses élus (Mat 24.24). Armons-nous de vigilance et de discernement pour n’être pas séduits.
L’articulation des traits communs et des différences
Comment alors articuler les deux aspects d’analogie et de différence ? Grosso modo, on peut dire que les traits communs sont du côté de la « langue » et les traits différenciateurs du côté de la « parole ». La distinction entre « langue » et « parole » est fondamentale dans la linguistique moderne : la langue est le système d’expression de la pensée ; la parole est l’usage de la langue pour dire quelque chose de particulier. La Bible est écrite dans une langue commune, mais elle nous adresse une Parole, unique. L’opposition entre la vérité et le mensonge ne réside pas dans la langue, mais dans la parole, qui se sert de la langue.
À titre d’illustration, constatons que toutes les religions offrent un riche déploiement de symboles, car le symbole n’est pas simplement linguistique, il est aussi esthétique, rituel. Les symboles utilisés sont du ressort de la langue et la Bible peut bien avoir les mêmes que ceux que l’on trouve ailleurs.
Les différences apparaissent dans l’usage qui en est fait, dans la « parole » qui est dite par ce moyen.
Quelques remarques complémentaires
• Des éléments ressemblants peuvent avoir des sens très différents, selon les ensembles où on les trouve. Dans la comparaison entre le christianisme et les autres religions, par faute de méthode, c’est souvent ici que l’on se trompe : on ne voit pas qu’un élément repris change de sens dans son contexte biblique.
• L’A.T. n’est pas la révélation achevée. D’après l’enseignement biblique lui-même, Dieu a fait des compromis provisoires avec la religion ordinaire des hommes. Paul utilise la même expression, « l’asservissement aux principes élémentaires du monde », pour parler du danger de la philosophie païenne (Col 2.8) et du retour au judaïsme (Gal 4.9). Ne tirons donc pas trop rapidement des conclusions à partir de l’A.T. comme s’il était un aboutissement. L’A.T. est entièrement Parole de Dieu, mais il exprime une pédagogie divine où des éléments analogues à ceux du paganisme sont utilisés comme des images, à titre provisoire, qui annoncent la venue de Jésus-Christ.
• Ne confondons pas le christianisme biblique, dont nous voulons être témoins, avec le christianisme de dix-neuf siècles d’histoire après le temps des apôtres. On peut concéder qu’il y a eu une paganisation du christianisme historique majoritaire, dans le temps des pères de l’Église.
Ce christianisme ressemble par certains traits aux religions païennes, mais ce n’est pas lui que nous défendons.
2. Les principales singularités de la foi chrétienne
L’historicité
La première singularité de la foi chrétienne, qui frappe d’emblée, est son historicité. Aucune autre religion ne présente un salut opéré une fois pour toutes, au centre de l’histoire — et de l’histoire datée.
L’Évangile se présente comme une « nouvelle », une annonce : « C’est accompli, le salut est offert à tous parce qu’il a déjà été réalisé ! » L’A.T. rappelle maintes fois l’intervention de Dieu dans l’histoire lors de l’exode. Puis, après cette préparation dans le judaïsme, l’Évangile proclame la plénitude de son intervention.
La gratuité du salut
Le salut s’obtient par la foi seule, et non par un système d’œuvres rituelles, morales, ou mystiques. Parce que le salut est déjà pleinement opéré dans l’histoire, il est offert gratuitement. La tradition catholique l’avait oublié, à cause de la repaganisation du christianisme, mais la Réforme l’a remis en lumière. La gratuité du salut, grâce au prix payé par Dieu lui-même, est unique au christianisme.
Le mal est une réalité éthique et non métaphysique
S’il peut y avoir un salut accompli, c’est que le mal est une réalité historique. Il correspond à un usage de sa liberté par l’homme et n’est pas une donnée première dans la création, comme la corporalité.
Si le mal était consubstantiel à la création, ce n’est pas un événement qui permettrait de résoudre la question. La solution ne pourrait pas être accomplie une fois pour toute mais devrait conduire l’homme à se dépouiller de son corps.
Ce caractère éthique et non métaphysique du mal a pour conséquence que l’éthique et la religion ne peuvent pas être séparées, contrairement à la plupart des religions. Le Dieu biblique ne veut rien d’autre que le bien, et le bien est la volonté du Dieu biblique.
Dans l’A.T., Dieu avait rajouté, à titre provisoire, des purifications rituelles qui n’avaient rien à faire avec la morale, qui sont abrogées dans le N.T., où « tout est pur pour ceux qui sont purs ». L’Évangile opère une coïncidence parfaite de l’éthique et de la piété, du bien et de la volonté de Dieu.
L’indépendance de Dieu par rapport au monde
Si le mal était dans la constitution même des choses, il serait un mal métaphysique, et le monde serait partagé entre un côté négatif et un côté divin.
Dieu lui-même serait en quelque sorte le summum du monde, mais il ne serait pas indépendant du monde, lié par l’opposition dualiste elle-même. Cela correspond à l’idolâtrie, où le sens du divin se porte sur un élément ou un aspect du monde, qui est idolâtré, absolutisé. Le seul Dieu qui soit distinct du monde, et sans dualisme, donc vraiment indépendant et Seigneur du monde, est le Dieu biblique. On peut également montrer qu’il ne peut l’être que parce qu’il est Trinité. La Trinité, telle
qu’enseignée dans la Bible, est encore originalité radicale qui ne se retrouve nulle part ailleurs.
Le double accent sur l’universel et l’individuel
Un autre point, moins intimement lié aux précédents, est la capacité de la foi chrétienne à accentuer à la fois l’universel et l’individuel. On trouve ailleurs la volonté de maintenir à la fois l’universalité et l’individualité, mais sans y arriver : l’un des deux côtés est toujours privilégié. La « réussite » de l’Écriture dans ce domaine est absolument remarquable. Pensons en particulier à Jésus, second Adam.
* * *
On pourrait chercher d’autres traits spécifiques.
Mais ceux que nous avons relevés, et qui sont si étroitement associés, montrent que le christianisme est ce qu’aucun humain, même au plus habile de ses capacités d’invention, n’a réussi à imaginer. Il transcende absolument toute capacité et toute intelligence de la créature. Il peut donc à bon droit réclamer notre adhésion entière et notre engagement total.
- Edité par Blocher Henri
Nous avons tous été — ou nous serons tous — confrontés à la situation suivante : un ami athée vient de perdre un de ses proches dont tout laisse à penser qu’il n’était pas croyant lui-même. Comment témoigner à cet ami ? Il est difficile de donner une réponse universelle à cette question délicate car beaucoup d’éléments dépendent de la situation particulière.
Quelle attitude avoir ?
Ne pas se mettre un fardeau excessif
La nouvelle naissance est toujours un miracle, indépendante du mérite et de la circonstance. Les humains sont spirituellement morts, et à moins que le Saint-Esprit ne vienne les réveiller pour les convaincre de péché, de justice et de jugement (Jean 16.8-11), ils ne croiront pas, en sorte que l’on peut et doit prêcher l’Évangile sans imaginer que nos seuls arguments gagneront les cœurs. Ou pire, que nous serions responsables de leur perdition si nous ne nous exprimons pas correctement. Dieu a prévu de sauver par la prédication mais ni la justesse ni la pertinence de nos paroles ne sont à ce point décisives. Le salut reste toujours une œuvre de Dieu et il n’existe pas de recette magique pour convaincre quelqu’un de notre foi et lui donner le désir de se convertir. En tant que serviteurs de Dieu, faisons de notre mieux, mais laissons le résultat entre les mains de Dieu.
Montrer un amour concret
Face à une personne accablée par un deuil, le plus important est d’être présent et de lui montrer de l’amour. Pour témoigner de l’Évangile, mieux vaut souvent commencer par un silence actif, par une présence pleine d’attention et d’affection. Un coup de fil régulier, des encouragements, des services rendus, c’est certainement le témoignage d’un amour vrai qui reflète en cela l’amour bienveillant et généreux du Sauveur.
Prier et être disponible
Dans ces circonstances, je ne forcerais pas une discussion sur l’Évangile, mais je prierais dans le secret de ma chambre avec insistance pour qu’elle soit possible. Si je devais sentir que le moment est opportun pour parler de l’Évangile, je le ferais en posant des questions pour tester à la fois de l’intérêt de la personne et pour voir quelles sont ses propres questions afin de répondre à ses préoccupations premières. Il est toujours tentant de dérouler un schéma préétabli, mais les conversations recensées dans les Évangiles sont beaucoup plus ciblées.
Comment répondre sur le fond ?
Voici quelques objections ou questions qui peuvent surgir dans ce contexte, avec quelques éléments de réponse.
« Comment pouvez-vous dire qu’il est perdu ? »
Personne ne peut savoir avec une totale certitude qui est sauvé ou qui est perdu, Dieu seul le sait. Dieu est capable de se révéler au dernier soupir. Nous ne savons pas ce qui se passe lors des derniers moments de vie. Certains peuvent confesser une confiance en Jésus-Christ dans leur dernier souffle, comme le brigand sur la croix qui a été le premier converti.
« Que penserait-il si je me tournais vers un Dieu qu’il rejetait ? »
Un collègue pasteur avait été sollicité pour les obsèques d’une personne qui avait ouvertement rejeté la foi. Tous les assistants le savaient et se demandaient ce que le pasteur allait bien pouvoir dire à son sujet. Il a commencé humblement, comme je viens de l’évoquer : « Très sincèrement je ne peux pas vous dire s’il est en enfer ou s’il est au paradis, cela appartient à Dieu, et on ne sait pas ce qui se passe dans les cœurs au dernier moment. »
Puis il a ajouté : « Quoi qu’il en soit, quel que soit l’endroit où il se trouve maintenant, il aimerait que je vous dise ceci… » Cette approche était pertinente et courageuse. En effet, Jésus, au travers du récit du riche et de Lazare, montre une personne séparée de Dieu, aujourd’hui dans le séjour des morts, qui souhaite que ses proches vivants et incrédules ne le rejoignent pas dans sa souffrance (cf. Luc 16.27-28).
« Puisqu’il est en enfer, je voudrais l’y retrouver. »
Hélas, l’enfer n’est pas un lieu de fraternité ni de communion. Les liens qui unissent aujourd’hui les personnes seront très différents après la mort. Il ne faut pas anticiper une sorte d’amitié pendant le séjour éternel dans l’enfer. L’égoïsme des cœurs humains sera amplifié en l’absence de toute grâce commune de Dieu qui permet aujourd’hui aux humains de vivre de belles relations, même sans la foi. Le regret de n’avoir pas saisi l’Évangile demeurera probablement source de la plus grande tristesse, de la plus grande souffrance.
Aucun compagnon d’infortune ne pourra apporter le moindre réconfort de cette tragédie d’opportunités perdues.
« Je ne veux pas faire partie de ceux que Dieu inclurait si d’autres en étaient exclus. »
La personne qui tient ces propos se présente faussement en humaniste, revendique de vivre avec ceux qui seront rejetés comme si c’était une sorte de lettre de noblesse. Mais cette prétention est au fond orgueilleuse et arrogante : elle cherche à mettre en avant une bonté naturelle qui n’est pas réelle (cf. Jean 3.17-19). Elle se voit ainsi que les autres comme dignes du Seigneur, lui attribuant une terrible injustice. De fait, cette personne révèle sa vraie conception de Dieu, un Dieu dur et méchant qu’il vaut mieux fuir et loin duquel on se trouve mieux (cf. Mat 25.24-25).
Dieu dit en substance : « Qu’il te soit fait selon la compréhension que tu as de moi. »
« C’était un bon gars, il a fait beaucoup de bien. »
Les mérites du défunt qui va en enfer sont dérisoires aux yeux du jugement du Dieu pur, sage et parfait. Pour ceux qui restent, le réaliser permet d’être apaisé par rapport au jugement à venir. Au paradis, nous n’aurons ni tristesse ni amertume face au sort de nos bien-aimés qui seront en enfer. Parce qu’à ce moment-là, nous aurons une juste vue du péché dans toute son horreur, une juste vue du jugement de Dieu dans sa parfaite justice, et une juste vue de l’amour de Dieu qui a tant fait pour sauver. Nous serons pleinement en accord avec Dieu. Le Saint-Esprit peut donner à une personne la sagesse de comprendre que la destinée de tout homme est entre les mains du Dieu créateur, totalement juste, totalement bon.
« Il n’a pas eu l’occasion d’entendre l’Évangile. »
Qui peut savoir comment telle personne aurait réagi à la présentation de l’Évangile ? Quand l’Évangile est prêché, nombreux sont ceux qui répondent : « Je n’en veux pas. Je ne souhaite pas cette grâce imméritée de Dieu. » On ignore aussi les occasions que cette personne a pu avoir dans son passé de lire un Évangile qu’elle aurait consciemment rejeté. Il y a une invitation permanente à chercher Dieu dans le spectacle de la nature et dans les méandres de notre conscience. Dieu sera juste pour révéler ce que les uns et les autres ont vu sans vouloir croire…
« S’il avait connu l’Évangile, je suis sûr qu’il l’aurait accepté. »
Malheureusement, j’ai eu le triste honneur de parcourir l’Évangile avec plusieurs non croyants qui n’ont jamais répondu par la foi. Ils n’ont pas placé leur confiance en Jésus malgré leur compréhension des données de l’Évangile. Tenir de tels propos est téméraire et sans fondement. Je remarque que mes pronostics sur qui répondrait positivement et qui rejetterait Christ ont reflété des perspectives que Dieu a souvent démenties !
Conclusion
Le sujet est terriblement triste. Ce qui me console, parfois, c’est de réaliser qu’une personne qui rejette Dieu serait triste au paradis, parce qu’en réalité, Christ en est le personnage central. Les gens qui ont rejeté Dieu, alors que la gloire de Dieu est manifeste, ne serait-ce que dans la création (cf. Rom 1.18-20) seraient en colère d’être forcés à admirer celui qu’ils ont rejeté toute leur vie. Le salut de Dieu est un sauvetage extraordinaire, donné par une grâce imméritée, selon une foi qui se démontre dans une adoration et un amour de Dieu.
Ceux qui ne l’ont pas exprimée sont totalement et légitimement éloignés de Dieu. Cela reflète en fait le profond désir intérieur du cœur humain depuis la chute : l’indépendance. Adam a voulu choisir pour lui-même ce qui est bien et ce qui est mal.
Imposer à ses fils et à ses filles de venir dans un lieu où tout, au contraire, reflète une profonde confiance, dépendance et obéissance à Dieu, serait la pire des tortures.
L’Esprit saint est capable de conduire celui ou celle qui a perdu dans la mort un être cher. L’excuse de ne pas croire à cause de son sort lui paraîtra, à un moment ou à un autre, comme une forme d’usurpation de l’autorité de Dieu qui seul est juge — et sauveur.
- Edité par Varak Florent
Si vous demandez à un jeune occidental ce qui peut le détourner de la foi chrétienne, vous obtiendrez des réponses diverses. Certains avanceront l’incompatibilité entre la science et la foi ; d’autres se diront choqués par l’intolérance des chrétiens ; d’autres encore reprocheront aux chrétiens l’absence de cohérence entre leur doctrine et leur pratique [note] D’autres articles de ce numéro traitent de ces sujets.[/note] . Mais plusieurs évoqueront sans doute l’hostilité de certains chrétiens vis-à-vis de mouvements qui militent pour moins d’injustices, moins d’inégalités, moins de discriminations. Même s’il existe des associations chrétiennes à visée sociale, leurs membres ne semblent pas s’engager dans ces mouvements de lutte et s’y opposent parfois fermement en les affublant du terme de « wokisme », contribuant ainsi à leur rejet de la foi chrétienne.
L’impératif actuel d’être éveillé
Un bref historique
Le terme « woke » signifie « être éveillé ». Dès les années 1930, puis lors de la lutte pour les droits civiques aux États-Unis dans les années 1960 (dont Martin Luther King Jr fut un des fers de lance), ce mot désignait un « éveil » au fait qu’il existait des injustices raciales. Le terme s’est largement répandu dans les années 2010 au travers des réseaux sociaux et des cercles militants : « to stay woke » signifie rester vigilant face aux discriminations raciales et sociales. La mort de plusieurs jeunes Afro-américains dans cette période, qui a donné naissance au mouvement Black lives matter en 2013, a popularisé la notion. S’y est ensuite agrégée la lutte contre les abus sexuels portée par le mouvement #MeToo à partir de 2017. Sur un plan universitaire, les études sur la théorie critique de la race, sur le genre ou sur la condition féminine se sont rapidement développées, en partant des grandes universités des côtes est et ouest des États-Unis.
Dans le monde professionnel, nombre de grandes entreprises ont pris des mesures de discrimination positive en faveur des minorités qui les ont fait désigner comme du « capitalisme woke ».
Un mouvement multi-dimensionnel
Aujourd’hui, le wokisme se définit avant tout comme un ensemble de mouvements qui visent à lutter contre :
• les discriminations raciales,
• le colonialisme,
• le patriarcat et la domination masculine,
• les injustices économiques et sociales,
• l’homophobie,
• l’opposition à la théorie du genre.
Il est important de noter que le terme « wokisme » est récusé par les défenseurs de ces différents mouvements de lutte : selon eux, il est péjoratif et stigmatisant et il est employé à tout-va pour les discréditer. Au lieu de se dire woke, ils préfèrent utiliser les termes « éveillés » ou « conscientisés ».
Par respect pour cette sensibilité, nous préférerons donc utiliser le terme « éveillé ».
Un terme fréquemment utilisé dans les débats autour de ces sujets est « l’intersectionnalité » [note] Il s’agit d’une notion complexe, parfois mal comprise, qui ne fait pas consensus parmi les spécialistes.[/note] : il désigne la situation de personnes subissant simultanément plusieurs types de discriminations.
Par exemple, une femme à peau noire, pauvre et lesbienne.
Une autre expression liée est celle de « cancel culture » ou culture de l’effacement. Elle vise à dénoncer publiquement, pour les rejeter, les personnes, les groupes ou les institutions dont le comportement ou les paroles sont jugés offensants par des groupes discriminés. Cela conduit par exemple à débaptiser des rues portant le nom de personnages historiques ayant soutenu des causes jugées inadmissibles à l’aune des standards du XXI e siècle ou à déboulonner leurs statues.
De graves excès
Comme dans tout mouvement, des personnes ou des groupes « éveillés » sont allés loin, très loin, trop loin dans la dénonciation des injustices et des discriminations, au point parfois de sombrer dans le ridicule ou dans un dogmatisme totalitaire.
Pour certains, les mathématiques seraient racistes et sexistes car les grands mathématiciens étaient dans leur grande majorité des mâles blancs.
Pour des raisons comparables, on récuserait la biologie scientifique, voire la pure logique. Il serait impossible de parler sur le féminisme si l’on n’est pas une femme, sur la pauvreté si on ne l’a jamais connue, etc. Il faudrait changer le titre de livres écrits des décennies ou des siècles auparavant, voire en réécrire certains passages, etc. [note] Le changement du titre du célèbre roman d’Agatha Christie, Dix petits nègres en Ils étaient 10 , a défrayé la chronique.[/note]
Sur le genre, certains ne s’arrêtent pas à la dénonciation des discriminations, mais portent un discours normatif sur l’absence de détermination biologique qu’ils voudraient imposer à toute la société.
Des violences injustes qui perdurent
Ces outrances sont faciles à dénoncer — et à juste titre [note] Voir Jean-François Braustein, La religion woke, Grasset, 2022.[/note] . Il est aussi inquiétant de voir le sectarisme, voire l’intolérance absolue, de plusieurs leaders de ces mouvements [note] Voir Nathalie Heinich, Le wokisme serait-il un totalitarisme ?Albin Michel, 2023.[/note] — tout comme celui de certains mouvements dits « anti-wokes ».
Cependant, les injustices qu’ils dénoncent ne sont hélas que trop réelles. Oui, le racisme perdure, même dans les pays qui prônent en théorie que tous les humains sont égaux. Oui, il y a des injustices économiques criantes entre les pays et dans un même pays entre nantis et démunis. Oui, beaucoup de femmes subissent des violences physiques ou psychologiques de la part des hommes. Oui, trop de gens s’autorisent encore des propos injustifiables sur des personnes à tendance homosexuelle.
Sans attendre l’émergence de ces groupes dits « éveillés », des hommes et des femmes se sont levés dans le passé avec courage et ont œuvré pour lutter contre ces pratiques. L’actualité médiatique remet aujourd’hui à juste titre au premier plan la dénonciation de ces violences, de ces injustices et des souffrances qu’elles engendrent.
Dieu est « éveillé »
Les points de contact existent entre la notion d’éveil au sens biblique du terme et sa version actuelle — même si des différences majeures demeurent.
Dieu s’intéresse particulièrement aux opprimés
Dans toute la Bible, notre Dieu est sensible aux injustices. Limitons-nous à quelques exemples tirés du début de l’Écriture :
• Dès la Genèse, Dieu au travers de l’Ange de l’Éternel, vient porter secours à Agar en fuite car elle était maltraitée par Saraï sa maîtresse.
• Le chapitre 38 du même livre souligne le machisme injustifiable de Juda.
• Au début de l’Exode, « l’Éternel dit : J’ai vu la souffrance de mon peuple qui est en Égypte, et j’ai entendu les cris que lui font pousser ses oppresseurs, car je connais ses douleurs. Je suis descendu pour le délivrer » (Ex 3.7-8).
• Etc. !
Dans toute la Bible, notre Dieu est du côté des faibles, des opprimés, des victimes :
• Le Psaume 94 dénonce : « Ils égorgent la veuve et l’étranger, ils assassinent les orphelins. » (Ps 94.6) Et Dieu assure ailleurs qu’il en prendra soin personnellement (Jér 49.11).
• Les prophètes ne cessent de dénoncer les injustices sociales. Les réquisitoires d’Amos sont parmi les plus vigoureux pour stigmatiser des écarts de richesse honteux au sein du peuple d’Israël.
• Dieu s’occupe des victimes. Il va se substituer aux mauvais bergers d’Israël pour être le bon berger des brebis maltraitées de son peuple (Éz 34).
Et dans toute la Bible, Dieu approuve ceux qui sont sensibles aux injustices. À tous ceux qui ont « faim et soif de la justice », Jésus annonce dans la 4 e béatitude du Sermon sur la montagne qu’« ils seront rassasiés ».
Jésus est sensible aux injustices
Jésus, Dieu fait homme, prolonge et personnalise « l’éveil » (au vrai sens biblique !) que Dieu démontrait tout au long de l’Ancienne alliance :
• Ses paraboles valorisent des Samaritains discriminés.
• Le récit du riche et de Lazare est également une dénonciation de la dureté de cœur du premier (Luc 16.19-31).
Dans son ministère, Jésus est lui aussi du côté des faibles, des opprimés, des victimes :
• Son attitude vis-à-vis des femmes tranchait par rapport au machisme ambiant de l’époque. Il suffit de penser à son attitude vis-à-vis d’une femme stigmatisée, la Samaritaine [note] Elle cumulait les sources de rejet dans la société juive de l’époque : femme, en concubinage, Samaritaine… (selon le vocabulaire woke, elle était « en situation d’intersectionnalité »). [/note].
• Veuves, étrangers, pauvres, sont les objets privilégiés de ses soins, de ses guérisons, de ses consolations.
L’Église n’a souvent pas été éveillée
Des dénonciations à écouter
Les personnes « éveillées » reprochent volontiers à l’Église comme institution d’avoir été plutôt du côté des oppresseurs que des opprimés, des dominants que des dominés.
Limitons-nous à quelques exemples historiques :
• les conversions violentes et forcées de l’expansion du christianisme constantinien à partir du IV e siècle,
• la colonisation des Amériques au XVI e siècle et la position officielle des dirigeants de l’Église pour mettre fin aux missions jésuites au Paraguay [note]Voir le magnifique film de Roland Joffé, Mission(1986) sur ce sujet.[/note] ,
• l’étonnante bonne conscience d’industriels chrétiens richissimes face à leurs ouvriers miséreux dans l’Angleterre de la révolution industrielle,
• plus près de nous historiquement, la position officielle de l’Église catholique en Espagne ou en Amérique du sud en soutien à des dictatures,
• l’appui d’une large partie des Églises réformées d’Afrique du sud à l’apartheid,
• tout au long de l’histoire, la justification d’une emprise masculine indue dans le couple en tordant certains textes bibliques,
• etc. !
Les critiques qui nous sont adressées ne sont pas dénuées, hélas, de fondement… Alors qu’allons-nous faire ? Balayer ces heures sombres d’un revers de main ? Faisons plutôt face à notre histoire et reconnaissons que l’Église de Jésus-Christ a trop souvent porté honte à son Chef. Plutôt que d’ignorer ces critiques ou de les discréditer, entrons dans un processus de repentance (cf. Dan 9).
Des avancées indéniables…
Mais, me direz-vous, c’est aussi ignorer tout ce que le christianisme a apporté comme bienfaits et comme améliorations à la société pendant des siècles. Cela est vrai. Déjà, au cours des trois premiers siècles, l’expansion de l’Église est largement due à son souci particulier des personnes rejetées par la société antique, en droite ligne de l’enseignement du Maître [note] Voir Rodney Stark, L’essor du christianisme, Excelsis, 2013.[/note] . Plus généralement, l’historien anglais Tom Holland a démontré l’impact des chrétiens dans une fresque historique remarquable [note]Tom Holland, Les chrétiens, comment ils ont changé le monde, Saint-Simon, 2019.[/note] ; pour lui, « le christianisme est l’événement le plus transformateur de l’histoire de l’Occident. Aujourd’hui, même ceux qui abandonnent en nombre croissant la foi de leurs ancêtres et considèrent la religion comme pure superstition, en portent toujours la marque distinctive. »
Il suffit de citer la création des hôpitaux, la lutte contre l’esclavage, les prêtres ouvriers, les missions de réconciliation, etc.
… mais trop peu souvent à la hauteur du véritable évangile
En effet, pour un William Wilberforce qui a lutté jusqu’à sa mort pour abolir l’esclavage, combien d’esclavagistes « bons chrétiens » qui utilisaient la Bible des esclaves dûment expurgée des passages qui auraient pu conduire leurs esclaves à se rebeller [note] Lire https://www.reformes.ch/religions/2018/11/la-bible-des-esclaves-une-legitimation-de-la-domination-esclavage-bible-etats[/note] ? Pourquoi tant d’églises cultivent l’entre-soi, alors que l’Église rassemblera éternellement des gens de « toute nation, de toute tribu, de tout peuple et de toute langue » ? Pourquoi tant de dirigeants d’églises, partout dans le monde, continuent à défendre mordicus un statu quo social, économique ou racial à rebours de l’enseignement de l’évangile ? Pourquoi encore tant d’attitudes de supériorité vis-à-vis de nos sœurs, alors qu’elles représentent souvent la majorité et sont les plus impliquées en pratique dans nos communautés ?
Le chrétien se doit d’être « éveillé »… de la bonne manière
Que faire face à ces constats ? Que répondre à ceux qui dénoncent l’apathie des chrétiens pour des causes qui leur tiennent à cœur ? Que le chrétien doit en effet être le premier « éveillé » — au vrai sens biblique du terme et non selon une idéologie d’ « éveil » souvent pernicieuse.
1. Remettons en évidence les nombreux textes bibliques qui vont dans le sens de la justice et de la critique des discriminations
Méditons Ésaïe 58, le prophète Amos, l’Épître de Jacques parmi tant d’autres textes.
2. Insistons sur l’apport unique de l’Évangile
• L’Évangile est universel : Il adresse le même message à tous : d’abord, il nous éveille au péché car « tous ont péché » et sont sous le coup de la juste condamnation de Dieu, les opprimés comme les oppresseurs ; ensuite, « quiconque » est invité, tous sont exactement au même niveau devant Dieu par l’œuvre de Christ (Gal 3.28). • L’Évangile est unificateur : La grande défaillance du « wokisme » est de diviser la société et de mettre les gens dans des cases. D’un côté, les dominés, de l’autre les dominants. Chaque groupe revendique en fonction de ses propres souffrances, quitte à rejeter l’autre ou à méconnaître ses souffrances à lui. Or dans l’Église, il ne devrait pas y avoir (et il n’y aura pas éternellement) la moindre discrimination.
• L’Évangile est restauratif : Non seulement il ouvre vers l’espérance de nouveaux cieux et d’une nouvelle terre où la justice habite, mais il rétablit dès aujourd’hui chacune et chacun dans son statut de créature unique, porteuse de l’image de Dieu, admise à une relation d’enfant avec le Père.
3. Revoyons notre regard sur « l’autre »
L’altérité nous déstabilise souvent. Comment approcher cette personne d’un contexte social, ethnique, économique, etc. si différent du nôtre ?
Allons plus loin encore : les mouvements d’éveil font la part belle aux idéologies prônant la légitimité de la pratique homosexuelle ou la théorie du genre. Ces courants de pensée hérissent spontanément de nombreux chrétiens qui vont rejeter leurs défenseurs. Mais comment croyez-vous qu’un certain nombre d’homosexuels de Corinthe ont été convertis par Paul (cf. 1 Cor 6.11) ? A-t-il eu un discours stigmatisant, excluant, culpabilisant — ou bien s’est-il approché de ces personnes, en alliant douceur et compréhension avec vérité et non-compromission, pour leur apporter l’Évangile transformant de Jésus-Christ ? [note] Lire à ce sujet Marie-Noëlle Yoder, Quand genre, culture et foi s’entrechoquent, Éditions Mennonites, 2023.[/note]
4. Mettons en valeur l’approche chrétienne
• Basée sur le pardon et non la vengeance : Les « éveillés » se disent eux-mêmes « en guerre » pour faire triompher leurs idées [note]Écouter à ce propos les propos de François Cusset, dans le podcast Répliques, « Qu’est-ce que le wokisme ? », https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/repliques/qu-est-ce-que-le-wokisme-3619967[/note] ; certains veulent tout détruire, y compris leurs oppresseurs. Jésus, qui a subi la plus grande violence, a pardonné à ses bourreaux et nous invite à faire de même. La vengeance ne fera que perpétuer le cycle funeste de l’injustice. Mais la force du pardon est la gloire du christianisme.
• Basée sur une ouverture au dialogue : Les mouvements d’éveil ont tendance à se replier sur eux par communauté, refusant le dialogue avec ceux qui ne subiraient pas les mêmes injustices ; les dominés refusent de parler aux dominants.
Au contraire, le chrétien sait avec une humble assurance que la vérité dont il est le témoin n’a rien à perdre d’une confrontation honnête.
• Basée sur la consolation de Dieu : Même si je n’ai jamais été pauvre, je peux parler à une personne pauvre de la consolation de Dieu (pas la mienne !) car « par la consolation dont nous sommes l’objet de la part de Dieu, nous pouvons consoler ceux qui se trouvent dans l’affliction ! »(2 Cor 1.4)
5. Plaidons pour une église vraiment accueillante
Qu’elle soit particulièrement accueillante :
• Pour les femmes, trop confrontées à de multiples discriminations, pour qu’elles trouvent leur place, leur rôle, un accueil, une écoute, un soutien.
• Pour les minorités, souvent exclues du mouvement général, à cause du handicap, de la barrière linguistique, des habitudes différentes, .etc.
• Pour les personnes dans le besoin, avec un accueil non empreint de supériorité ou de paternalisme.
• Pour les personnes mal dans leur sexualité ou leur genre : c’est sans doute le plus sensible pour nous, car nous pensons immédiatement à des textes bibliques en opposition, mais cherchons à développer une approche pastorale délicate ; l’Évangile n’est-il pas la meilleure aide pour nous établir dans notre pleine identité de filles et fils de Dieu ? [note] Lire Rachel Gilson, « Sex: Telling a Better Story », in Before You Lose Your Faith: Deconstructing Doubt in the Church, sous dir. Ivan Mesa, The Gospel Coalition, 2021.[/note]
6. Ne nous trompons pas de combat
Notre lutte devrait être avant tout contre les injustices (même s’il peut y avoir place pour une dénonciation étayée des idéologies contraires à la révélation de Dieu) [note] Voir Tevin Wax, Is Wokeness the Greatest Threat to the Gospel?, https://www.thegospelcoalition.org/blogs/trevin-wax/is-wokeness-the-greatest-threat-to-the-gospel/[/note] ! Bien sûr, nous savons que seul le retour de Jésus-Christ mettra un terme définitif à toutes les injustices, toutes les discriminations, toutes les dominations indues. Mais, sel et lumière du royaume qui vient, il nous revient d’œuvrer autant que nous le pouvons pour atténuer les tristes conséquences du péché. Ainsi nous ferons honneur à la doctrine que nous prônons (Tite 2.10 ; 3.8,14).
7. Mettons-nous toujours sur un chemin d’éveil personnel
Les auteurs de ces lignes, privilégiés sur bien des plans, sont sans doute mal placés pour percevoir la douleur des discriminations subies par beaucoup, diront certains. Notre prière est que Dieu ouvre dans notre cœur un chemin d’éveil personnel pour plus de compassion vis-à-vis des souffrants, davantage d’ouverture vis-à-vis de l’autre dans sa différence, plus de zèle pour orner l’évangile par nos attitudes.
- Edité par Prohin Joël
Beaucoup aujourd’hui considèrent que science et religion s’opposent, et que la science a largement prouvé qu’il n’est plus possible de croire en Dieu — du moins pas dans le Dieu que les chrétiens proclament. Et bien sûr, s’il y avait opposition, ce serait la science qui serait le guide le plus sûr vers la vérité. Or, comme nous allons le voir, 1° la science ne peut pas embrasser toutes les facettes de l’expérience humaine et 2° la pratique de la science a besoin d’un fondement qui doit lui venir de l’extérieur, et la foi en Dieu, Créateur de l’univers, permet de lui assurer ce fondement.
1. Les limites de la science
Les réussites extraordinaires de la science ne doivent pas nous rendre aveugles. La science s’impose à elle-même des limites sévères. Elle exige comme preuve une expérience répétable. Par une démarche analytique, le scientifique cherche à isoler des situations expérimentales simples, qu’il peut maîtriser tout en gardant une distance critique par rapport à l’objet de son étude. Cette pratique s’est avérée extrêmement féconde. Mais ce cadre ne permet pas de rendre justice à toute la richesse de l’expérience humaine. Voici quatre exemples de domaines où la démarche scientifique ne convient pas.
La rencontre personnelle
Au début d’une relation interpersonnelle, il peut y avoir place pour une certaine « mise à l’épreuve ». Mais une attitude détachée d’expérimentateur ne peut, en fin de compte, que détruire une relation. Celle-ci implique un engagement de la personne et une confiance réciproque.
Les règles éthiques
La science ne permet pas de fonder l’éthique. La science décrit ce qui est, l’éthique ce qui doit être.
Il est impossible de déduire des règles morales de la science. On a cherché à fonder l’éthique dans la théorie de l’évolution, mais en vain. La société n’est pas prête à renoncer à des règles de conduite objectivement valables, comme : « il est moralement condamnable de torturer des enfants », ou : « les nazis ont eu tort de vouloir exterminer les Juifs ». La science ne permet pas de fonder de tels jugements.
Plus encore, la science ne permet même pas de justifier sa propre existence : pourquoi serait-il souhaitable de comprendre le comportement de la nature ?
L’expérience esthétique
Pratiquement tous les humains sont réceptifs à l’expérience de la beauté, même si, suivant les personnes, la sensibilité varie, tout comme les critères de ce qui est ressenti comme beau divergent. Il est possible de décrire scientifiquement un tableau (longueur d’onde de la lumière reflétée aux divers endroits du tableau), ou un morceau de musique (longueur d’onde du son). Mais l’expérience esthétique transcende la description scientifique. Le diagramme qui donne les chiffres représentant les longueurs d’ondes de la lumière (ou du son) ne permet pas d’exprimer la beauté ressentie.
La pensée
Même si l’argument est controversé et sans nier les liens étroits entre la pensée et le cerveau, il me semble que la science n’épuise pas ce qu’est la pensée. Car si on réduit l’intelligence humaine à des processus qui suivent un déterminisme « aveugle », on ne voit plus comment elle peut arriver à des conclusions vraies (ou fausses) sur la réalité. Descartes avait déjà souligné que « la compréhension critique de la vérité, ainsi que la juste évaluation des arguments, ne peut être qu’une action libre et volontaire » [note] René DESCARTES, Les principes de la philosophie, I, 36-39.[/note].
Ainsi la science ne peut pas — ne doit pas — avoir la prétention de rendre compte de l’ensemble de la réalité. Contrairement à l’impérialisme scientifique prêché par certains (qui est plutôt du scientisme que de la vraie science), il y a donc place pour d’autres pratiques humaines que la science — par exemple la religion. Cela seul ne suffit pas pour légitimer la religion comme une pratique humaine, mais montre qu’on ne peut pas invoquer la science pour détruire la religion. Il existe d’autres démarches à côté de la science, et il faut les considérer toutes ensemble si l’on veut espérer rendre justice à la richesse de la réalité.
2. Les présupposés de la démarche scientifique
La foi dans le Dieu Créateur permet de rendre compte de plusieurs présupposés fondamentaux de la science.
L’ordre régissant la nature
Le mathématicien et philosophe Alfred Whitehead écrit : « Il ne peut exister de science vivante sans une profonde foi instinctive en l’existence d’un ordre des choses, et en particulier, d’un ordre de la nature. » [note]Alfred North WHITEHEAD, La science et le monde moderne , 1994, p. 20.[/note]Pour l’homme moderne, l’affirmation que la nature suit un ordre bien établi paraît l’évidence même. Mais cette confiance largement partagée de la pratique de la science moderne n’existait guère dans l’Antiquité. Par exemple, les Babyloniens avaient réalisé des observations astronomiques précises, sans jamais tenter de « construire des modèles géométriques susceptibles de rendre compte des mouvements célestes » [note] Geoffrey E.R. LLOYD, Magie, raison et expérience : origines et développement de la science grecque, 1990, p. 236.[/note] . La conviction d’un ordre naturel universel est à l’origine de la science moderne, avant que ses succès ne justifient cette conviction après coup. Il faut croire à un ordre naturel, descriptible en termes mathématiques, pour scruter patiemment des mesures astronomiques en vue d’y déceler des lois.
Sans une telle conviction, Kepler n’aurait jamais pu établir les trois lois qui portent son nom et décrivent le mouvement des planètes. Pour faire de la science, il ne suffit pas de penser qu’une partie des phénomènes naturels suivent une certaine régularité approximative. Tous les hommes de tous les temps en ont certainement été convaincus. On s’attend à ce que le soleil se lève le lendemain, à ce que la moisson tombe à peu près à la même époque l’année suivante ; mais seules des observations précises et des calculs serrés montrent que l’année solaire ne compte pas 365 jours. L’approche scientifique présuppose un ordre précis s’étendant à tous les phénomènes naturels.
Comment peut-on alors en arriver à la conviction de l’universalité des lois de la nature ? La réponse spontanée à cette question se réfère à l’observation : il suffit de bien regarder pour s’en rendre compte. C’est le mérite de David Hume (1711-1776) d’avoir mis en avant le caractère illusoire d’une telle réponse : au mieux, l’observation peut constater certaines régularités statistiques mais elle ne permet jamais d’en déduire une loi universelle.
La dinde nourrie généreusement tous les jours jusque-là peut, certes, formuler l’hypothèse qu’il en sera toujours ainsi ; mais cela ne lui garantit pas de survivre à la veille de Noël, bien qu’elle ait raisonné d’après toutes les règles de l’art de l’induction !
La foi au Créateur fournit un fondement à ce présupposé de la science. Dieu est un Dieu d’ordre, qui a tout créé avec sagesse et dont l’action providentielle garantit l’ordre naturel (cf. Ps 119.89-91 ; Job 28.25-27).
L’universalité des lois naturelles découle en fait directement du monothéisme biblique. Comme le Seigneur seul est Dieu, rien ni personne ne peut se soustraire à son règne. Ni les étoiles (souvent divinisées chez les voisins d’Israël), ni la mer (symbole des forces du chaos à cause de son mouvement d’apparence irrégulière) n’échappent au contrôle divin. De plus, le Dieu unique réunit en son sein des attributs ordinairement dissociés dans les religions polythéistes. Il est à la fois sage et puissant. Ainsi, aucun obstacle ne peut l’empêcher d’instaurer l’ordre qu’il a décidé dans sa sagesse.
L’ordre intelligible pour l’homme
Einstein a dit : « Ce que le monde a et aura toujours d’inconcevable, c’est qu’il soit concevable. » Pour que la science soit possible, il ne suffit pas qu’il y ait un ordre dans la nature, il faut en plus que cet ordre soit accessible à l’homme qui doit pouvoir le saisir et le décrire, pour communiquer ses résultats à d’autres.
La connaissance de la nature n’est possible que si l’être humain entretient avec elle une double relation : il doit en être à la fois solidaire et distinct.
D’un côté, aucune science n’est possible sans point de contact. Comment l’homme serait-il capable de saisir quelque chose de l’ordre naturel, si rien dans la structure de son intelligence n’y correspondait ?
Comme Dieu a créé la nature et l’esprit humain, leur origine commune garantit que l’homme peut comprendre au moins certaines facettes de la nature. La vision biblique explique l’harmonie entre la raison humaine et la nature, nécessaire au savoir scientifique.
D’autre part, il faut aussi poser comme principe une certaine distance entre l’homme et la nature. Car la connaissance présuppose un vis-à-vis entre sujet connaissant et objet connu. Si la raison humaine était entièrement déterminée par les lois physico-chimiques, on ne verrait pas pourquoi elle devrait être capable d’arriver à des conclusions qui seraient de surcroît vraies. Ainsi le philosophe Karl Popper affirme : « Le déterminisme “scientifique” rend illusoire la rationalité. C’est ainsi qu’il implique la réfutation par elle-même d’une évaluation trop optimiste de la raison humaine. » [note]Karl POPPER, L’univers irrésolu : plaidoyer pour l’indéterminisme, 1984, p. 72.[/note]
Genèse 2 exprime cette capacité d’une manière imagée quand on voit l’homme donner des noms aux animaux (v. 20). Donner un nom, c’est décrire le caractère d’un être. Peut-être trouve-t-on ici le prototype de l’activité scientifique.
La vision biblique établit la possibilité de la connaissance scientifique ; mais elle récuse le scientisme : la science n’explique pas l’ensemble de la réalité. La connaissance scientifique reste donc partielle. Et comme toutes les entreprises humaines, la science est faillible, provisoire, appelée à se réformer à la lumière de nouvelles expériences.
L’approche expérimentale
Dans la science d’inspiration grecque, qui domine encore tout le Moyen-Âge, les expériences servent à étayer des positions déjà adoptées, en référence à la tradition et sur la base d’arguments spéculatifs.
Elles n’ont pas pour objet de faire évoluer les convictions, de faire accepter de nouvelles idées.
Mais, depuis le XVII e siècle, la science confère à l’expérience un rôle décisif dans l’élaboration de nouvelles théories.
On peut relier l’approche expérimentale à la création par trois aspects et montrer ainsi qu’elle convient au croyant :
1. La liberté du Créateur
D’abord, l’idée de création met en lumière la souveraineté et la toute-puissance divines, contrairement à d’autres conceptions de l’origine du monde. Pour le croyant de la Bible, Dieu peut faire tout ce qu’il veut. Dieu n’était pas obligé de créer le monde, ni de lui donner la forme qu’il a décidé de lui donner. Du coup, la pure spéculation rationnelle ne peut pas découvrir les lois qui régissent la nature, comme si la création n’était affaire que de pure logique. L’homme doit rester « à l’écoute » de la nature, pour découvrir l’ordre que Dieu a décidé librement de créer. Mais liberté ne veut pas dire volonté arbitraire ; la souveraineté divine n’est pas un despotisme aveugle. Dieu crée avec sagesse, de sorte que l’homme peut découvrir un ordre naturel, qui lui paraîtra cohérent. La science vit de ces deux éléments : l’expérience et la réflexion. Seule leur union permet d’enfanter la compréhension scientifique de la nature.
2. L’esprit de conquête
L’attitude moderne est essentiellement active, non contemplative. Le savant n’attend pas que la nature lui révèle quelque chose, mais il planifie des séries d’expériences ; il pose, pour ainsi dire, des questions précises à la nature.
Certes, il est des domaines où le savant rencontre des limites techniques ou éthiques, comme en astronomie ou en médecine. Mais même dans ces domaines, il essaie d’élargir activement sa connaissance. Par exemple, il affine les moyens techniques (jusqu’à envoyer des instruments de mesure dans l’espace) ou encore il remplace les expériences prohibées d’un point de vue éthique par des expériences analogues, moins délicates (par exemple les autopsies). L’esprit de conquête, plus que la contemplation, caractérise définitivement l’attitude du chercheur moderne devant la nature.
Il est évident que l’attitude active du savant face à la nature n’est guère possible si la nature est considérée comme divine, comme c’est le cas par exemple dans l’animisme ou le panthéisme.
Si la nature (et les forces qui s’y déploient) est divine, l’homme ne peut pas se dresser en juge pour l’interroger. Mais lorsqu’il reconnaît le monde comme la création de Dieu, il refuse de voir dans la nature une divinité. Et alors le savant peut faire des expériences.
3. L’appréciation du monde matériel
En Grèce antique, beaucoup opposèrent esprit et matière et méprisèrent le monde matériel et, avec lui, le travail manuel. La conception biblique valorise au contraire le travail manuel ; car il façonne la création divine et répond à la vocation adressée à l’homme dès avant la chute (Gen 2.15).
La Réforme, en réhabilitant la valeur du travail « séculier », a favorisé la naissance de la méthode expérimentale moderne.
Conclusion
Comme la Bible et la création trouvent toutes deux leur origine en Dieu, il est exclu qu’elles se contredisent. Dieu est véridique ; ce qu’il annonce dans le livre de ses paroles est en parfaite harmonie avec ce qu’il dit dans le livre de ses œuvres. En théorie, il ne devrait donc pas y avoir de conflit entre science et théologie.
Mais il ne faut jamais oublier que la théologie repose sur notre interprétation de la Bible et que la science est notre interprétation de la nature.
Ainsi, théologie et science sont des entreprises humaines, et donc provisoires, partielles, faillibles, voire, à certains égards, fausses. Il n’est donc pas étonnant que des conflits surgissent. Il est possible de les limiter si, à chaque fois, nous revenons sur les arguments qui appuient nos affirmations, pour en évaluer la solidité. Ainsi, nous pouvons nous rendre compte d’erreurs, ou simplement de lacunes qui nous obligent à suspendre notre jugement. Mais on ne peut pas s’attendre à résoudre tout conflit : notre théologie et notre science ne participent pas de la perfection divine ! Il en va pourtant de notre dignité d’hommes et de femmes créés « en image de Dieu » de n’abandonner ni la démarche théologique ni la démarche scientifique. Ne nous dérobons pas à la responsabilité qui est la nôtre de rechercher la vérité par tous les moyens mis à notre disposition. Ce n’est que lorsque nous sommes en route que nous pouvons avancer — dans notre relation à Dieu et dans notre compréhension du monde.
- Edité par Jaeger Lydia
Lorsque Thomas rencontra les autres disciples, il dit : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je n’y mets pas mon doigt et si je ne mets pas ma main dans son côté, je ne croirai pas. » (Jean 20.25, S21) Est-ce que votre foi a aussi besoin de raisons ou de preuves ? J’ai remarqué que pour certaines personnes, la foi vient facilement. D’autres, par contre, doivent y trouver une logique avant d’accepter de croire. La foi doit s’inscrire d’une manière ou d’une autre dans leur vision du monde.
Normalement, je crois fermement en l’existence d’un Dieu bon, créateur et personnel. Mais parfois je passe par des situations qui me font douter, par exemple lorsque Dieu fait ou permet certaines choses avec lesquelles je ne suis pas d’accord. Lorsque je doute, et même lorsque je ne doute pas, je trouve que certains arguments fortifient ma foi.
Que pouvons-nous prouver au sujet de Dieu ? Que recherchons-nous ?
Que pouvons-nous nous attendre à trouver ? Je vois dans ce monde physique et dans la nature les traces d’un être extérieur puissant et ntelligent.
1. La cause
Dans l’univers connu, tout a une cause. L’univers lui-même a donc aussi besoin d’une cause. Même le Big Bang, s’il a effectivement eu lieu, doit avoir eu une cause. Nous pouvons choisir d’appeler cette cause initiale « Dieu ».
2. La complexité
Notre corps est une machine très complexe ! Il est fascinant de réaliser combien notre monde est complexe. Il y a tellement de détails nécessaires à son fonctionnement. La complexité que je trouve dans la nature me remplit d’admiration et me pousse à croire en l’existence d’un concepteur intelligent. Nous pouvons choisir d’appeler ce concepteur « Dieu ».
3. Le bien et le mal
Qu’est-ce qui est bon ? Qu’est-ce qui est mal, faux ou mauvais ? L’éthique peut-elle être simplement le produit de l’évolution de l’opinion publique ? Le fait que la plupart des gens, si ce n’est tous, sont conscients du bien et du mal suggère que l’éthique et la moralité vont au-delà du comportement socialement acquis. Une certaine sorte de code moral semble gravé sur chaque « disque dur » humain, ce qui suggère l’existence d’un législateur moral. Nous pouvons choisir d’appeler ce législateur « Dieu ».
Il me semble donc raisonnable de croire en l’existence d’une cause initiale puissante, d’un concepteur intelligent et d’un législateur universel. Vous pouvez appeler cette « grande entité » Dieu ou lui donner un autre nom. Que pouvons-nous découvrir d’autre sur cette « grande entité » ? Est-il susceptible d’être une chose, comme l’énergie, ou une personne, comme vous et moi ?
4. La logique
Une personne me semble supérieure à la matière et à l’énergie. Je remarque aussi que c’est le plus grand qui crée le plus petit. Par exemple, une personne crée un ordinateur, un oiseau construit un nid, mais jamais l’inverse. Qui ou quoi pourrait créer des gens comme vous et moi ? Notre créateur doit également avoir une « personnalité » égale ou d’une certaine façon supérieure à la nôtre.
5. La beauté
Pourquoi voyons-nous et profitons-nous de tellement de couleurs différentes ? Pourquoi un coucher de soleil peut-il être si beau ? Pourquoi notre planète possède-t-elle une telle diversité de fleurs ? Pourquoi y a-t-il tant de saveurs et d’arômes attrayants ? Pourquoi la musique existe-t-elle ? Tout ce qui se trouve dans notre univers n’est pas indispensable. Puisque la beauté fait partie de cette création, elle doit également être appréciée d’une manière ou d’une autre par son concepteur. L’appréciation de la beauté est un trait de la « personnalité ». Le fait que la beauté existe me suggère que Dieu est une personne, qui peut aussi l’apprécier et en profiter.
6. Les vertus
Le processus que nous appelons l’évolution est un processus sans valeurs intrinsèques. Un univers simplement mécanique ne laisse pas de place aux vertus, il n’a pas besoin de la morale. Mais quelque chose en nous sait que les vertus telles que l’amour, l’humilité, l’empathie, le don de soi, la générosité et le pardon sont réelles. Leur existence nous montre quelque chose du Créateur. L’éthique et les vertus sont des choses appréciées par des personnes. Le fait que des vertus existent suggère que Dieu est une personne qui les apprécie également.
Une caractéristique importante des « personnes » est qu’elles ont un désir profond de communiquer avec les autres. Si Dieu est une personne, il ne devrait pas sembler étrange qu’il veuille communiquer avec nous. En fait, nous devrions même nous y attendre. Les chrétiens croient que Dieu a communiqué à plusieurs reprises avec les humains et que sa révélation suprême est venue en la personne de Jésus-Christ. Comment Jésus nous aide-t-il à croire en Dieu ?
7. Jésus
Une personne appelée Jésus a-t-elle vraiment existé ?
Était-il un mythe ? La plupart des historiens croient en un Jésus historique tout autant qu’en un Aristote ou un Constantin. L’Église a-t-elle rendu Jésus divin ? Jésus était lui-même au clair concernant sa propre identité. Il est venu sur cette terre avec une mission. Les disciples de Jésus ont été petit à petit convaincus que Jésus était Dieu sous une forme humaine : « Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu. […] Et la Parole a été faite chair, et elle a habité parmi nous. » (Jean 1.1,14). Voilà pourquoi les ennemis de Jésus l’ont accusé de blasphème et ont voulu le tuer. La vie de Jésus et ses paroles m’aident à croire en Dieu.
8. La résurrection de Jésus
Les amis et les ennemis de Jésus étaient d’accord pour dire que son tombeau était vide. Comment a-t-il pu le devenir ? Les évangélistes disent que Jésus est ressuscité d’entre les morts. Les autres explications sont peu convaincantes. En outre, après la résurrection, beaucoup de gens ont vu Jésus vivant (1 Cor. 15.6-7). La résurrection physique de Jésus-Christ est la meilleure explication des faits, et elle me permet de croire que Jésus était la véritable révélation de Dieu.
9. Les changements positifs
À Jérusalem, la ville où Jésus a été crucifié, 3000 personnes ont cru au message chrétien quelques semaines seulement après la résurrection. Cette explosion du christianisme et le témoignage de millions de vies transformées encore aujourd’hui ne peuvent pas être expliqués sans la résurrection physique et réelle de Jésus-Christ. De plus, je constate parfois des réponses extrêmement improbables à la prière, inexplicables autrement. Le Dieu de la Bible continue à être actif aujourd’hui.
Pour croire, Thomas voulait des preuves. Jésus ressuscité lui apparut et lui dit : « Avance ton doigt ici et regarde mes mains. Avance aussi ta main et mets-la dans mon côté. Ne sois pas incrédule, mais crois ! » Cela était-il une preuve que Jésus était Dieu ?
Non, mais cela y a contribué. « Thomas lui répondit : Mon Seigneur et mon Dieu ! » (Jean 20.27-28, S21)
Cette certitude quant à la résurrection a aidé Thomas à croire que Jésus était Dieu. Comme Thomas, nous n’avons aucune preuve formelle que Dieu existe, mais l’évidence et le raisonnement nous aident. La foi est une décision, pour ou contre Dieu (cf. Héb 11.6).
10. Le sens de la vie
La foi chrétienne est une foi raisonnable. Elle n’est pas une marche aveugle dans l’obscurité. Elle est sensée. Elle est digne de confiance. De plus, le christianisme authentique fonctionne et il satisfait le besoin fondamental de l’être humain : il m‘apporte l’espoir face à ce monde brisé, il donne un sens et une direction à ma vie, et je suis convaincu qu’il fait de moi un homme meilleur. Lorsque Jésus a affirmé : « Moi, je suis venu afin que les brebis aient la vie, et qu’elles l’aient en abondance » (Jean 10.10), il disait la vérité.
Pour aller plus loin, consulter l’e-book gratuit de Philip Nunn, Les raisons de croire : http://philipnunn.com/fr/2015/11/02/reasons-to-believe/
- Edité par Nunn Philip
Comment réussir à défendre notre foi chrétienne de manière pertinente et adaptée à notre auditoire ? On se voit proposer des « masterclass » partout sur internet ; le principe est simple : un expert dans une discipline nous partage son art et son expérience, dans le but de nous inspirer à sa suite. L’apôtre Paul est assurément un maître en matière d’apologétique. Son discours devant les Athéniens en Actes 17 reste la masterclass la plus inspirante qu’il nous ait laissée. Il réussit à établir un lien avec son public sans diluer la vérité, et à présenter l’Évangile sans abandonner la raison. Parcourons ce discours en essayant de tirer de chaque argument quelques clés applicables à l’évangélisation dans notre contexte.
Pont culturel, religieux ou philosophique (v. 22-23, 28b)
Paul commence par s’intéresser à la culture et à la religion des Athéniens avant de leur témoigner sa foi. Il est d’abord choqué par leur idolâtrie (v. 16) et ne minimise pas sa gravité. Pour autant, il commence son discours à l’Aréopage en soulignant un point positif : ils sont très religieux ! Il mentionne avoir vu un de leurs autels
dédié « Au Dieu inconnu ». Par un coup de maître, il leur déclare que c’est précisément ce Dieu qu’il vient leur faire connaître ! Il cite ensuite un de leurs philosophes (v. 28), reconnaissant ainsi certaines valeurs dans leur vision du monde. Paul réussit ainsi à créer le lien avec ses auditeurs.
Il est primordial de rechercher le bien de celui à qui l’on s’apprête à témoigner de notre foi. Cet amour pour notre prochain devrait nous pousser à essayer de nous mettre à sa place. Il faut donc s’intéresser à son arrière-plan philosophique ou culturel. Quels sont les raisonnements qui peuvent l’empêcher de croire et comment peut-on l’aider à « renverser [ses] forteresses » intellectuelles ou spirituelles ? (2 Cor 10.4) Si je m’adresse à un athée, à un musulman ou à un bouddhiste, le moyen utilisé pour l’aider à « abaisser le pont levis » de son château cognitif ne sera pas le même.
Dieu créateur et cause première (v. 24-26)
L’apôtre des Gentils (non-Juifs) va ensuite décrire ce dieu inconnu aux Athéniens. Il le présente comme le Créateur du monde. Contrairement à leurs dieux, il est complètement autonome et transcendant sur sa création.
On peut avoir vite fait de sauter au message du salut sans avoir expliqué le rapport de Dieu avec notre terre et l’humanité, mais le message risque d’être bancal. Notre explication de l’origine du monde est pourtant bien plus raisonnable que les visions alternatives athées par exemple. Richard Dawkins et Stephen Hawking, deux célèbres scientifiques connus pour leur athéisme militant, ont déclaré qu’ils croyaient que l’univers pouvait s’être créé spontanément à partir du néant. La génération spontanée n’a jamais été constatée pour la moindre molécule ; affirmer alors que l’ensemble de l’univers soit le fruit de « rien » ressemble à un suicide intellectuel. A contrario, la nécessité d’une cause première semble s’imposer par le fait que l’univers n’est pas éternel. L’existence d’un être « nécessaire », éternel et immatériel ayant créé l’univers semble l’hypothèse la plus simple et intuitive. N’importe quel touriste qui regarde la Sagrada Familia [note] Une célèbre basilique de Barcelone dont l’architecte est Antoni Gaudi.[/note] sait qu’un architecte de génie l’a d’abord pensée. À plus forte raison, la complexité et la beauté du monde révèlent le divin architecte (Rom 1.20).
Dieu accessible et relationnel (v. 27-28a)
Après avoir présenté un Dieu transcendant, Paul n’en reste pas à une vision déiste du monde qui plaît parfois aux philosophes. Il montre combien Dieu s’intéresse à sa créature et cherche à avoir une relation avec l’homme. Ce Dieu délicat n’impose pas la relation mais a laissé assez de preuves pour se laisser trouver.
Nous n’avons pas qu’une théorie à présenter aux personnes à qui nous annonçons la bonne nouvelle. Si nous sommes « de la race » de Dieu, faits à son image, nous pouvons mettre au défi nos contemporains de lui demander de se révéler à eux !
Jésus a promis que « celui qui cherche trouve, et l’on ouvre à celui qui frappe » (Mat 7.8). Il ne manquera donc pas de se révéler à toute personne qui le lui demande sincèrement.
Réfutation logique de la position adverse (v. 29)
Une fois que le lien est établi avec l’auditeur, et que les fondements de la vision chrétienne du monde sont posés, Paul juge bon de réfuter logiquement le polythéisme des Athéniens.
Le pont culturel permet à notre interlocuteur d’abaisser de manière pacifique le pont levis de sa forteresse mentale. Après l’avoir franchi, sans utiliser de bélier qui serait contre-productif, il peut s’avérer nécessaire d’inspecter la tour du château. On peut montrer que ses fondations sont instables, comme celles de la tour de Pise. Il faut alors se concentrer sur les points susceptibles de freiner notre auditeur dans sa recherche de la vérité. Le but de l’échange n’est pas de casser la tour nous-même, mais de l’amener logiquement à reconsidérer l’aspect bancal de l’échafaudage de sa vision du monde. Ici encore, notre compréhension et notre réel intérêt pour la position adverse permettront de ne pas la caricaturer. Nous serons alors plus pertinents pour aider la personne à prendre du recul.
Une morale et une justice objectives (v. 30-31a)
Enfin, Paul se dirige vers le cœur de l’Évangile. Il montre que tous les hommes ont un problème avec le péché, qui nécessitera un jour le jugement de Dieu. Les hommes doivent se repentir et mettre leur confiance dans « l’homme qu’Il a désigné ».
Les Athéniens ne semblent pas trop perturbés par cette notion de repentance. Leur conscience, mise dans le cœur de tous les hommes par Dieu, les accuse certainement (Rom 2.15). Faire prendre conscience à l’autre qu’il est sous l’emprise de son péché, comme nous-mêmes, est un défi majeur de l’évangélisation. Réussir à le faire sans se positionner soi-même en juge, mais comme étant sous le même jugement, est une des clés pour ce faire.
L’argument de l’objectivité de la morale est aussi une preuve de l’existence de Dieu particulièrement intéressante pour nos contemporains. Dostoïevski a dit justement : « Sans Dieu, tout est permis. » [note] Paroles condensées de Mitia (Dimitri) dans Les frères Karamazov de Dostoïevski, 4 e partie, Livre XI, chapitre 4.[/note] Des athées célèbres comme Nietzsche et Sartre ont repris à leur compte cette idée. En effet, il est logique de reconnaître que sans grand Arbitre, et sans « mètre étalon », la morale est affaire de subjectivité. Chaque individu devient sa propre référence. Comment mon voisin ou même l’État pourrait alors me dire ce qui est bien ? On voit bien que l’athéisme cohérent devrait pousser à une société sans norme morale, où règne la loi du plus fort. Heureusement, la plupart des athées ne sont pas cohérents sur ce point. Il n’en demeure pas moins que l’on peut questionner les gens sur la légitimité de l’éthique à géométrie variable de la société, qui évolue au gré des envies du peuple ou des dirigeants.
Une foi testable et historique (v. 31b)
Le discours se termine abruptement lorsque Paul affirme que Dieu a donné la « preuve certaine » de l’identité et de la mission de Jésus en le ressuscitant. La résurrection peut sembler irrationnelle d’un premier abord, c’est pourquoi la plupart des Athéniens arrêtent d’écouter et se moquent.
Si l’apôtre le plus habile en parole a été confronté à ce genre de réaction, attendons-nous à y faire face aussi. Pourtant, il n’y a rien d’irrationnel à croire dans la résurrection. S’il existe un Dieu créateur, il n’y a rien d’illogique au fait qu’il puisse suspendre les lois qu’il a lui-même décrétées. C.S Lewis a très bien défendu rationnellement ce point dans son livre Miracles. De plus, les théories imaginées par les historiens athées pour essayer de contourner la résurrection de Jésus ont un degré de probabilité quasi nul. L’hypothèse de l’hallucination collective des disciples n’est pas tenable : les médecins décrivent le phénomène d’hallucination comme étant individuel. Des centaines de personnes ne peuvent décrire la même hallucination avec des détails si précis. Même des opposants à Christ comme Paul ont vu Jésus ressuscité, alors que ça ne les arrangeait pas ! L’hypothèse d’un mensonge des disciples n’a pas de sens non plus : les chrétiens ne se seraient pas laissé persécuter et tuer dès le commencement de l’Église pour un mensonge inventé consciemment ! [note]Voir Lee Strobel, Jésus l’enquête, Vida, 2015, pour plus d’arguments sur l’historicité de la mort et de la résurrection de Jésus.[/note]
Les fruits du discours (v. 34)
Comme Paul, nous devons être prêts à défendre notre espérance (1 Pi 3.15). Si ce discours magistral semble avoir eu moins d’impact que celui de Pierre en Actes 2, il a quand même convaincu plusieurs personnes, dont Denys un responsable de l’aréopage qui avait dû entendre toutes les écoles de pensées de l’époque.
Comme l’apôtre, faisons tous nos efforts pour que notre message soit délivré de manière fidèle et adaptée à l’auditeur. Les résultats ne nous appartiennent pas, Dieu poursuivra le travail dans les cœurs.
- Edité par Combe Silvain
Le mot français « apologie» vient du grec apologia qui signifie « justification, défense ». L’apologétique chrétienne est la discipline dont le rôle est de défendre la foi chrétienne. Son but premier est de gagner à Christ des opposants, et non de remporter une joute verbale (cf. 1 Pi 3.15). Elle peut aussi soutenir et fortifier la foi des croyants (cf. Luc 7.22). Ces deux buts peuvent être atteints de deux façons différentes :
• en réfutant les objections élevées contre le christianisme (l’apologétique défensive ou négative),
• et en donnant des arguments qui viennent étayer la vision chrétienne du monde (l’apologétique offensive ou positive).
1. Les fondements bibliques de l’apologétique
La Parole de Dieu exhorte à être prêt à réfuter les contradicteurs (Tite 1.9), à les corriger avec douceur pour qu’ils parviennent à la connaissance de la vérité (2 Tim 2.24-25). L’Écriture encourage les croyants à être prêts à donner raison de leur espérance avec douceur et respect, en ayant bonne conscience (1 Pi 3.15).
Sur un plan plus concret, Dieu lui-même, au travers de la bouche de son prophète Ésaïe, suit une démarche apologétique : il s’appuie sur le fait qu’il annonce à l’avance ce qui va se réaliser pour démontrer qu’il est le seul vrai Dieu et que les idoles ne sont rien (És 45.21).
Jésus aussi fait œuvre d’apologète lorsqu’il affirme que ses œuvres témoignent qu’il est envoyé du Père (Jean 5.36), quand il invite à croire en lui à cause des œuvres qu’il accomplit (Jean 10.37-38) ou lorsqu’il reproche à ses disciples de ne pas croire ce qu’ont dit les prophètes, et leur montre comment les prophéties se sont réalisées en lui (Luc 24.25-27).
Les auteurs bibliques agissent aussi à diverses reprises en apologètes :
• L’évangéliste Luc affirme avoir vérifié avec soin ses sources, afin que le destinataire de son écrit puisse avoir la certitude des enseignements qu’il a reçus (Luc 1.3-4).
• L’apôtre Jean rapporte dans son Évangile les miracles de Jésus, pour qu’on croie qu’il est le Christ et qu’on ait la vie éternelle (Jean 20.30-31) ; dans sa première Épître, il cherche à montrer que son témoignage est fiable, en soulignant qu’il est un témoin direct de ce qu’il rapporte (1 Jean 1.1-3).
• L’apôtre Paul démontre d’après les Écritures que Jésus devait ressusciter (Act 17.2-3), et cherche à persuader ses auditeurs de ce qui concerne le royaume de Dieu ou Jésus (Act 19.8 ; 28.23).
Il défendait l’évangile (Phil 1.7,16) et cherchait à démolir les raisonnements qui s’élevaient contre la connaissance de Dieu, afin d’amener toute pensée captive à l’obéissance de Christ (2 Cor 10.4-5).
• Pierre affirme qu’il n’affabule pas, mais qu’il s’exprime en tant que témoin oculaire et auditif (2 Pi 1.16-18).
Le message du salut en Jésus-Christ s’adresse à tous les hommes, et c’est uniquement par une conviction et une foi personnelles qu’on peut s’approprier ce salut (Jean 3.16) : d’une certaine façon, la démarche apologétique permet de rendre plus responsable la démarche de la foi.
Un autre point qui soutient également l’apologétique chrétienne est l’affirmation biblique selon laquelle il existe une vérité absolue (Jean 17.17). En effet, nier cela aboutit logiquement à une vision relativiste ; alors il n’y aurait plus de sens à défendre une vision du monde parmi d’autres, puisque, en dernière analyse, toutes les visions du monde se vaudraient.
2. Les limites de l’apologétique
Les référentiels peuvent différer
Réalisons que même une argumentation qui nous semble extrêmement convaincante peut n’avoir aucun effet sur certaines personnes.
Comment décider de la validité ou non d’un argument ? Pour cela, il y a nécessité d’une norme qui pose les règles de la pensée et du savoir, comme la loi de non-contradiction, la loi du tiers exclu [note] Ces lois philosophiques sont des principes logiques du raisonnement. Loi de non-contradiction : il est impossible d’affirmer à la fois « A est vrai » et « non A est vrai ». Loi du tiers exclu : il est impossible d’affirmer que ni « A » ni « non A » ne sont vrais.[/note] , etc.
Lorsque deux personnes n’ont pas les mêmes règles, ce qui peut paraître un argument de poids pour l’une, peut n’avoir aucun sens pour l’autre.
Comment donner du sens à un fait ou un événement ? Cela dépend du « cadre interprétatif » adopté. Il est illusoire de penser que les événements ou les faits sont porteurs d’un sens évident, qui serait le même pour tout le monde. Des arguments basés sur des faits historiques n’auront probablement pas de poids face à un système de pensée qui considère que la réalité est illusion, ou relativement peu de poids dans une culture occidentale post-moderne où toute vérité est relative.
Démontrer de façon incontestable la véracité de la Bible est illusoire
Comme le message chrétien trouve sa source dans la Bible, vouloir démontrer la véracité du christianisme [note]Nous parlons ici du christianisme en tant que reflet exact de l’enseignement biblique, et non du christianisme en tant que religion humaine.[/note] revient à vouloir démontrer la véracité de la Bible.
Pour cela, il faut faire appel à l’autorité même de la Bible. Puisque cette dernière se présente comme étant la Parole d’un Dieu souverain omniscient éb 4.13) qui ne ment pas (Tite 1.2), nous devons renoncer à faire appel à toute autre autorité que la Bible elle-même pour prouver que son message est bien la vérité. Autrement, nous placerions l’autorité de la logique, de l’histoire, etc., au-dessus de celle de Dieu. Or, comme le souligne fort bien J.-M. Nicole, « tous les arguments visant à démontrer l’autorité absolue de quelque chose doivent tôt ou tard faire appel à cette autorité pour asseoir leur légitimité : autrement cette autorité ne serait ni absolue ni souveraine ». [note] J.-M. Nicole, Précis de doctrine chrétienne, IBN, 1994, p. 30.[/note]
L’être humain est fini et marqué par le péché
• Il n’est pas omniscient : Pour affirmer sans aucun doute possible que ce que nous croyons est la vérité, il nous faudrait être omniscient. En effet, seule une connaissance exhaustive du passé, du présent et du futur permet d’être certain que ce que nous croyons est bien en cohérence avec la globalité du réel. Puisque cette omniscience n’est pas humaine, il est dès lors évident que, sur un plan purement logique, nous ne pouvons démontrer de façon irréfutable que ce que nous croyons est bien la vérité [note]D’ailleurs, cette affirmation ne se limite pas à la foi chrétienne, mais est vraie pour toute croyance humaine : lorsqu’un non-croyant exige de l’apologétique chrétienne qu’elle démontre avec une fiabilité absolue ce qu’elle défend, il est en train d’exiger une chose que ne vérifient pas dans l’absolu ses propres croyances ! [/note].
• Sa raison ne peut être source de vérité absolue : Puisque l’être humain est marqué par le péché dans toutes les dimensions de son être, le péché conduit l’homme à interpréter de façon erronée les éléments qu’il a à sa disposition et qui témoignent de Dieu : face au témoignage de la création les hommes « se sont égarés dans des raisonnements absurdes, et leur pensée dépourvue d’intelligence s’est trouvée obscurcie » (Rom 1.21, BDS). Face aux miracles de Jésus certains ont conclu qu’il agissait par le prince des démons (Mat 12.24), et malgré le témoignage de leur conscience, les hommes appellent parfois le mal bien (És 5.20), etc.
• La création où il vit est déchue : Suite à la chute en Éden, la création a été soumise aux effets du péché (Rom 8.20-21) : l’univers qui s’offre à nos yeux est donc « un chef d’œuvre endommagé » [note] J.-M. Nicole, Précis de doctrine chrétienne, IBN, 1994, p.16.[/note], qui témoigne de façon imparfaite de son Créateur. « La nature humaine déchue est obligée de réfléchir sur une création déchue, ce qui introduit une double distorsion. Elle a pour effet de compromettre l’immédiateté naturelle de Dieu. En effet, l’œil qui observe est faussé, ainsi que l’objet observé. Cela ne signifie pas qu’aucune connaissance de Dieu ne soit accessible à l’homme, ou que celui-ci ne puisse avoir aucun sentiment de sa présence. C’est simplement reconnaître que cette connaissance est imparfaite, tronquée, confuse et assombrie. » [note] K. J. Clarck dans S. B. Cowan (dir), Five views on apologetics, Zondervan, 2000, p. 140-143.[/note]
• L’être humain est limité par ses présupposés [note] K. J. Clarck dans S. B. Cowan (dir), Five views on apologetics, Zondervan, 2000, p. 140-143.[/note] :
Accepter de croire une hypothèse sur la base de preuves demande non seulement que cette hypothèse explique les données à notre disposition bien mieux que n’importe quelle autre hypothèse, mais aussi que l’hypothèse en question nous paraisse plausible. Si l’affirmation présentée ne nous paraît absolument pas plausible, alors même si nous n’avons pas de meilleure explication à proposer, il va nous sembler raisonnable de la rejeter à cause de sa trop grande improbabilité. Or ce qui détermine la plausibilité de l’hypothèse examinée, ce sont nos croyances les plus profondes, c’est-à-dire nos présupposés. Par exemple, pour croire en l’existence des miracles, il faut, au moins, que la possibilité de leur existence ne nous paraisse pas complémentent exclue. Si tel n’est pas le cas, alors il sera impossible de croire dans les miracles ! En d’autres termes, une personne qui aura comme présupposé le fait que tout doit avoir une explication naturelle ou que le surnaturel n’existe pas, n’acceptera jamais de croire que Jésus est ressuscité, même s’il s’agit de la seule « hypothèse » à même d’expliquer tous les faits à sa disposition à ce sujet. Cette personne préférera rejeter l’explication de la résurrection, même si elle n’en a pas de meilleure à proposer.
La démarche apologétique reste pourtant valide
Ces diverses limites ne doivent pas nous décourager !
La démarche apologétique repose sur des appuis bibliques (cf. § 1). De plus, les arguments apologétiques peuvent être des instruments dans la main de Dieu pour amener une personne à la foi, ou pour affermir le croyant dans sa foi. Ils créent un climat qui rend la foi attrayante, mais ne la suscitent pas. « Croire que » est une question intellectuelle qui peut s’appuyer sur des éléments rationnels, alors que « croire en » est une question existentielle pour laquelle il n’existe pas de test objectif de la vérité ; la foi n’est pas un simple assentiment intellectuel, c’est aussi et surtout une soumission de cœur.
C’est pourquoi, sans l’œuvre de l’Esprit dans le cœur, nos arguments les meilleurs et les plus convaincants resteront inefficaces pour amener au salut. Paul, fin apologète, souligne la nécessité que l’homme soit éclairé par l’Esprit de Dieu pour recevoir ce qui vient de Dieu (1 Cor 2.14). En fait, le message chrétien sera d’autant plus convaincant que notre perception de la réalité, de Dieu et de nous-mêmes sera correcte.
C’est pourquoi il faut que l’Esprit agisse en nous pour « annuler » les effets du péché et nous convaincre de la véracité de la vision biblique du monde.
3. Quelques principes apologétiques
Il n’existe pas de démarche apologétique universelle
Bien qu’il y ait un seul et unique véritable évangile (Gal 1.8), sa proclamation peut revêtir des formes assez différentes en fonction des interlocuteurs.
Paul se fait Juif pour les Juifs (1 Cor 9.20-22) et discute avec eux à partir des Écritures pour établir que Jésus est leur Messie. En face d’une foule païenne qui le considère comme un dieu parce qu’il vient de guérir un infirme, il leur parle du Dieu créateur. Face à des philosophes à Athènes, il s’appuie sur leurs croyances et cite certains de leurs poètes pour leur annoncer le message de l’Évangile (Act 14.8-18 ; 17.18-34).
L’apologète doit être à l’écoute de son interlocuteur afin de trouver des points de contact qui lui permettront d’adapter son argumentation pour qu’elle puisse être un outil le plus efficace possible dans les « mains de l’Esprit ». De façon générale, « les meilleurs apologistes pour une société donnée ont toujours été les produits de cette société, et non des gens qui se sont imposés à elle. Ceux qui vivent au sein d’une société partagent ses espérances, ses craintes, ses opinions et ses images. Ils peuvent donc sentir de façon quasi intuitive les points de contact sur lesquels ils pourront appuyer l’Évangile. » [note] Alister McGrath, Jeter des ponts l’art de défendre la foi chrétienne, La Clairière, 1999, p. 45.[/note]
L’apologétique doit s’appuyer sur une vie vécue avec Christ
L’apologète doit chercher à « bâtir des ponts » mais avec amour (1 Cor 8.1). Ainsi les apôtres exhortent à entreprendre une telle démarche avec douceur, respect, et honnêteté (1 Pi 3.15 ; 2 Tim 2.25) : douceur et respect envers la personne qui a des convictions différentes des nôtres, ainsi que sincérité dans l’argumentation proposée.
Cette sincérité conduit :
• d’une part, à faire preuve de suffisamment d’humilité pour reconnaître qu’on n’a pas d’explication pleinement satisfaisante à donner à tout ;
• d’autre part, à vivre en cohérence avec la foi défendue.
Limiter l’apologétique à des arguments purement intellectuels c’est oublier qu’une grande partie de sa force réside dans le vécu des croyants. Le cadre nécessaire à l’exercice d’une apologétique raisonnée est une « bonne conduite en Christ », une vie selon l’évangile (1 Pi 3.16). Ce n’est qu’ainsi que notre apologétique raisonnée pourra avoir toute sa force devant les non-croyants qui nous voient vivre. Sinon nos paroles risquent d’être perçues comme le reflet d’une certaine hypocrisie et perdront leur crédibilité !
Alors que la vérité objective de Dieu ne dépend pas des croyants, sa démonstration contemporaine semble bien en dépendre !
L’apologétique n’est pas une discipline avant tout intellectuelle. Le monde nous reconnaîtra comme disciples de Jésus si nous nous aimons (Jean 13.35).
Notre foi se démontre par nos œuvres (Jac 2.17-18).
C’est pourquoi l’apologète chrétien devrait être au moins autant concerné par son incarnation de l’Évangile — que ce soit dans sa vie personnelle ou dans sa vie collective — que par sa faculté à développer une argumentation intellectuelle. Il nous semble d’ailleurs que c’est dans les moments de vie les plus difficiles, qu’une incarnation cohérente du message de l’Évangile revêt une force apologétique particulièrement puissante.
En conclusion nous dirons que la meilleure apologétique est celle qui témoigne d’une intégrité intellectuelle et existentielle de l’Évangile ; il s’agit de celle de l’ensemble du peuple de Dieu parlant et agissant en loyaux disciples de Jésus-Christ, argumentant, vivant et mourant comme des sages témoins du chemin, de la vérité, de la vie.
3 grandes approches
1. L’apologétique classique
Cette approche se confie dans la raison humaine, qui est considérée comme étant universelle et capable de comprendre avec vérité la révélation naturelle de Dieu. Dieu a fait connaître aux hommes ses perfections invisibles, sa puissance et sa divinité par le biais de la création (Rom 1.19-20).
La méthode comprend deux étapes :
1- commencer par établir le théisme (existence de Dieu et de certains de ses attributs) à partir de la création,
2-démontrer que le véritable théisme est le christianisme à partir de l’histoire (faits relatifs à la résurrection de Jésus, prophéties réalisées, véracité de la Bible, etc.)
Quelques promoteurs : Thomas d’Aquin (1224/25-1274), W. L. Craig, J.-P. Moreland, N. L. Geisler, et en France C. Michon et P. Clavier.
Quelques faiblesses de cette approche
• Une confiance excessive dans la raison, qui a aussi été affectée par le péché qui l’obscurcit, rendant ainsi difficile l’accès à la vérité par elle.
• Des preuves qui sont plus des arguments ou des probabilités en faveur du christianisme, que des preuves dans le sens scientifique du terme.
• Des arguments en faveur de l’existence d’un être suprême insuffisants pour prouver que cet être suprême correspond bien au Dieu de la Bible.
• Une approche inopérante dans un cadre de pensée où la réalité est considérée comme étant une illusion (le bouddhisme par exemple).
2. L’apologétique empiriste
Cette approche part de l’expérience objective, principalement des faits historiques, pour en déduire l’existence de Dieu et la véracité du christianisme.
Cette démarche ne vise pas à donner des « preuves scientifiques », mais plutôt à montrer que la vision chrétienne du monde est plus probable que toute autre vision.
La méthode est inductive : à partir des faits, elle dégage des arguments, qui, en se complétant, pointent en faveur de la plausibilité de la vision chrétienne du monde. Implicitement, nous l’utilisons dans une multitude de domaines où nous nous contentons d’une connaissance vraisemblable, basée sur des données non prouvées, que nous jugeons plus probables que d’autres.
Quelques promoteurs : J. Mc Dowell, J. W. Montgomery, C. Pinnock.
Quelques faiblesses de cette approche
Les faits bruts ne sont pas porteurs de sens en eux-mêmes, et ce n’est que dans le cadre d’une vision du monde, et donc de certains présupposés, qu’ils peuvent être interprétés d’une façon ou d’une autre. Par exemple, l’examen des faits relatifs à la résurrection de Jésus présuppose de ne pas avoir exclu de sa vision du monde la possibilité du surnaturel.
3. L’apologétique présuppositionaliste
Cette approche insiste sur le rôle des présupposés : quelle que soit la vision du monde adoptée, elle s’appuie sur des présupposés, conscients ou inconscients. Or pour pouvoir penser correctement, l’homme doit penser selon les présuppositions bibliques. Cette approche met la foi à l’origine du raisonnement, et non à son aboutissement (cf. Prov 1.7). Elle évite de croire dans l’illusion d’un système de pensée qui serait neutre. Toute vision du monde repose sur des présupposés indémontrables et démarre donc par un pas de foi (dans certains présupposés). Même si le non-croyant ne veut pas le reconnaître, il est créature de Dieu ; c’est pourquoi même s’il déforme la vérité (Rom 1.18), il est obligé d’en retenir certains aspects pour pouvoir vivre au sein de cette création. Cela signifie qu’il est obligé d’accepter certaines incohérences internes à son système de pensée, ainsi qu’entre son système de pensée et sa façon de vivre. Le premier obstacle à la croyance en Dieu semble plus être d’ordre moral que d’ordre intellectuel, et l’humilité semble plus appropriée que les preuves pour conduire à la croyance en Dieu.
Quelques promoteurs : C. Van Til, G. Bahnsen, G. Clark, J. M. Frame, F. Schaeffer, K. J. Clark, A. Plantinga, N. Woltersstorff, etc.
Personnellement, il nous semble qu’une approche présuppositionaliste équilibrée donne un bon cadre théologique général au sein duquel l’ensemble des arguments développés dans les autres approches peuvent être utilisés. Il n’y a pas assez de preuves scripturaires pour dire que l’une ou l’autre des approches est la vue biblique, et il nous faut laisser mille fleurs apologétiques s’épanouir, en sachant adapter notre approche à nos interlocuteurs, tout en faisant preuve de droiture, d’humilité et de respect intellectuel.
- Edité par Juston Philippe
Les chrétiens sont appelés à témoigner de leur foi : c’est l’une des grandes vocations que Jésus nous adresse. Mais est-ce que tous les moyens sont bons pour témoigner ? Devons-nous chercher à tout prix à faire accepter que Jésus est « le chemin, la vérité, et la vie » ? Ne préférons-nous parfois pas avoir raison plutôt que de témoigner avec grâce et compassion ?
Lorsque je dis que je suis professeur d’apologétique, les chrétiens avec qui je parle ont parfois l’impression que j’enseigne aux étudiants comment avoir toujours raison. Je ne peux pas leur en vouloir. C’est probablement une attitude qui est nourrie par les débats auxquels nous assistons dans la société française. Avez-vous déjà vu un débat présidentiel ? Quel est le but ? De comprendre l’autre ? De répondre avec précision et modération ? J’en doute. Et les débats entre invités sur le plateau d’une émission télé ? C’est encore pire. C’est parfois à la limite d’une suite d’insultes et de provocations. Le débat, c’est avoir toujours raison.
Et ceci, dans le meilleur des cas ! En 1864, le philosophe allemand Arthur Schopenhauer a écrit un court ouvrage intitulé L’Art d’avoir toujours raison. En anglais, le sous-titre du livre est « l’art de gagner un argument ». Cela vous dit tout ce que vous devez savoir sur ce petit livre. Si vous devez utiliser tous les moyens pour gagner, y compris détourner l’attention de la vraie question, alors je ne m’étonne pas que « gagner un argument » soit quelque chose d’aussi négatif. Le débat, c’est écraser et humilier l’autre.
Défendre la foi chrétienne semblera trop souvent se réduire à cela : gagner un argument. Et c’est vrai, cela peut arriver. Il y a de nombreuses manières de gagner le débat… mais de la mauvaise manière. En discutant avec un ami, ou un parfait inconnu, nous pouvons trop facilement trahir la foi que nous essayons de défendre. Il est même parfois plus facile de gagner l’argument que de gagner les personnes.
Comment trahir la foi
Lorsque quelqu’un essaie par exemple d’attaquer notre foi en ridiculisant Jésus, la Bible, ou ce que nous croyons, il est très naturel de répondre de la même manière. Nous pouvons par exemple ridiculiser la pensée athée. Dire qu’elle ne répond pas aux besoins de l’homme (besoins d‘identité, de sens, etc.) est bon et légitime. La ridiculiser ? Non.
Un bon exemple nous vient d’un débat fameux qui eut lieu en Angleterre en 1860 à Oxford. Ce débat opposait Samuel Wilberforce, un apologète chrétien, et Thomas Huxley, défenseur athée de l’évolution darwiniste. Perdant toute maîtrise de soi, le chrétien explosa : « Monsieur Huxley, est-ce par votre grand-père ou votre grand-mère que vous descendez du singe ? » Ce à quoi Huxley a répondu : « Je n’aurais pas honte d’avoir un singe pour aïeul, mais bien d’être apparenté à un homme qui utilise son talent pour obscurcir la vérité. » Imaginez que dans l’audience il y ait eu des personnes qui n’étaient pas convaincues par la foi chrétienne. Même dans l’Angleterre du XIX e siècle, il y en avait beaucoup !
Qu’ont-ils pu penser ? J’avoue que si cela avait été moi, là dans cette salle, j’aurais trouvé les chrétiens prétentieux.
Cet exemple nous rappelle que tout ce que nous faisons et disons rejaillit sur notre Seigneur. Nous sommes les témoins de Jésus. Nous sommes ses porte-parole, ses ambassadeurs. Imaginez un ambassadeur français qui insulte un de ses hôtes étrangers. Quel sera le résultat ? Embarras. Honte. Crise diplomatique. L’ambassadeur n’aura pas simplement perdu la face. Il aura aussi fait perdre la face à son président et à son pays. Il en va de même pour nous. Lorsque nous échouons à parler de notre foi sans la trahir, ce n’est pas simplement nous qui perdons. Ce sont tous les autres chrétiens. C’est Jésus lui-même.
Répondre au ridicule par le ridicule, à l’injustice par l’injustice… donner coup pour coup. Tout cela est naturel, mais ce n’est pas justifié. Tout ce que nous disons devrait être pétri d’amour et de compassion.
Nous pouvons bien sûr défendre la foi, c’est une exhortation biblique. Nous devons cependant veiller à la manière. Être arrogant est une trahison de notre foi. Vous voyez à quel point présenter et défendre la foi est un défi ! Nous sommes appelés à la fois à donner les raisons de notre espérance et à faire preuve de douceur et de compassion !
« Perdre » les personnes
Trahir la foi, c’est déjà sérieux, mais il y a pire. La foi chrétienne n’est en effet jamais une simple question d’argument. Lorsque nous présentons et défendons la foi chrétienne, il ne s’agit jamais de seulement montrer que nous avons raison. Après tout, nous pourrions avec douceur et compassion toujours chercher à avoir raison. Est-ce ce à quoi nous sommes appelés ? Est-ce cela l’apologétique ? Donner des raisons ? Oui, bien sûr. Présenter des arguments ? Oui, une fois encore. Est-ce que nous sommes appelés à cela pour montrer la vérité de ce que nous croyons ? Oui, n’en ayons pas honte.
Pourquoi ? C’est là que nous devons faire attention.
C’est parce que ce que nous croyons est fondé sur une personne. Que ce que nous croyons fermement être vrai concerne essentiellement Jésus, ce Dieu venu pour sauver, avec grâce et compassion.
Lorsque nous défendons la foi chrétienne, que devons-nous garder à l’esprit ? Si notre foi peut être présentée de manière raisonnée, elle n’est pas une simple affirmation rationnelle. La foi chrétienne essaie de tracer devant les yeux de notre interlocuteur la voie du salut ouverte par Jésus. Il ne s’agit en fin de compte de rien d’autre.
Nous devons garder à l’esprit que, témoins de Jésus, nous sommes les ambassadeurs de la réconciliation (2 Cor 5.20). Nous devons présenter et défendre une foi qui réconcilie les humains avec Dieu.
Que se passe-t-il si nous trahissons cette foi en gagnant un débat par des moyens discutables ? Nous trahissons Jésus, et nous empêchons notre interlocuteur de marcher avec le Seigneur sur la voie du salut. Vous avez bien lu. Nous devenons un obstacle pour son salut ! Qu’arrivera-t-il alors, lorsque le Seigneur reviendra ? Il nous demandera de rendre compte. Il nous demandera pourquoi nous avons été infidèles, obscurcissant la vision de Jésus. Nous aurons, littéralement, perdu une personne en gagnant un débat.
L’apologétique est un combat spirituel
C’est pour cela que l’apologétique est un combat spirituel : il y a plus qu’une présentation rationnelle, bien que celle-ci soit nécessaire. L’apologétique, c’est d’abord présenter et expliquer ce qu’est la grâce salvifique de Dieu. C’est présenter la personne et l’œuvre de Dieu en Jésus, par son Esprit. Cela exige de démontrer les fruits de l’Esprit en tout ce que nous disons.
Présenter et défendre la foi chrétienne demande de la patience et de la persévérance. Peut-être que quand nous expliquerons pour la première fois ce qu’est la foi chrétienne, nous aurons l’impression d’un échec total. Nous ne serons peut-être même pas arrivés à parler de Jésus ! À quoi bon alors ?
Soyons patients avec nos faiblesses, mais aussi avec nos contemporains. Peut-être que nous devrons expliquer, encore et encore, les mêmes choses.
Soyons patients.
Et de plus, gardons le contrôle de nous-mêmes.
Ne répondons pas aux critiques par la colère et la frustration. Demandons à l’Esprit de nous donner le calme et la douceur qui ne peuvent venir que de lui. Je suis parfois impressionné par le calme que peuvent garder certains évangélistes et apologètes : ils entendent les mêmes critiques à longueur de journée, de mois, et d’années… mais ils répondent toujours clairement et calmement !
Nous gagnons un débat (ou une discussion), sans perdre la personne, lorsque nous démontrons aussi la bonté et la douceur. Nous devons être bienveillants, même avec celui qui s’oppose à Jésus. Nous pouvons faire cela en ne cherchant pas à détruire notre interlocuteur. Nous pouvons lui montrer que son rejet de Jésus le conduit à la mort, mais nous ne cherchons pas à l’anéantir, mais à lui montrer la voie du salut.
Enfin, nous sommes témoins fidèles de Jésus lorsque nous vivons l’amour. C’est la grande motivation du témoin de Jésus-Christ. L’amour pour ceux qui rejettent parfois avec sarcasme Jésus prend une forme, celle de la compassion. À chaque fois que nous savons devoir présenter et argumenter en faveur de la foi, prions pour que Dieu nous donne de la compassion, la même que le Seigneur a démontré envers les pauvres, les malades, les riches et les pharisiens.
L’amour est le signe que nous sommes les témoins de Jésus (Jean 13.35). C’est la motivation et la grande marque d’une défense fidèle de la foi chrétienne.
Dieu est à l’œuvre, soyons ses témoins
Si l’amour est la plus grande caractéristique de notre défense de la foi, l’espérance est ce qui nous aide à aller de l’avant. En effet, que notre témoignage soit reçu ou rejeté, que Jésus soit accepté ou non, nous continuons à témoigner de manière fidèle. Pourquoi ? Parce que Dieu fait son œuvre. Voilà la seule espérance pour celui qui témoigne de Jésus. Dieu fait son œuvre. Si ce n’était pas le cas, alors nous serions tentés soit de désespérer, soit de croire que nous « sauvons » les autres. L’espérance nous encourage à continuer de témoigner, tout en sachant que, en fin de compte, nos actions ne font pas la foi. Dieu fait son œuvre ! Et Dieu désire le salut des hommes. Répondons ainsi à l’appel que Dieu nous adresse à être les témoins du Fils donné pour nous sauver. Demandons-lui de le faire, habités de tous les fruits de l’Esprit, afin qu’en gagnant un débat, nous ne perdions pas une personne.
4 livres de référence sur l’apologétique

- Edité par Imbert Yannick
Défendre la foi, pourquoi ? Dieu est le Tout-Puissant, il n’a pas besoin qu’on le défende ! Mais si la foi chrétienne est attaquée, faut-il plaider en sa faveur ? Et si ma foi est contestée, vais-je me sentir personnellement atteint et dois-je me défendre ?
Attention, ne nous trompons pas de combat et avant d’attaquer, de débattre, de confronter… — au risque de défendre un christianisme qui s’éloignerait des véritables valeurs de l’Évangile et de « perdre » notre interlocuteur — posons-nous et réfléchissons, à travers ce numéro de Promesses :
- aux différentes approches apologétiques au cours de l’histoire,
- à la spécificité de notre foi en Jésus-Christ,
- à ses relations avec la science,
- à la manière dont l’apôtre Paul s’y prenait pour créer des ponts avec les Athéniens païens,
- à l’interpellation que nous lancent des mouvements de défense des opprimés,
- à nos raisons de croire en Dieu,
- etc.
Puis, avec « la douceur et la débonnaireté du Christ », nous pourrons prendre les armes — spirituelles ![note]2 Cor 10.1,4 (Darby)[/note] — en sachant qui nous croyons[note]Cf. 2 Tim 1.12[/note] et en entretenant notre relation à notre Père céleste, car « de l’abondance du cœur la bouche parle » [note]Mat 12.34.[/note]. Et quand c’est « le temps de se taire » [note] Ecc 3.7. [/note], nous continuerons à montrer Jésus dans nos attitudes et nos actions (nos actes parlent plus que nos paroles !).
Prions pour que beaucoup comprennent que la parole de la croix n’est pas folie mais puissance de Dieu [note]1 Cor 1.18.[/note] et qu’ils soient ainsi « gagnés », non par nous mais par l’action du Saint Esprit, pour la gloire de Dieu et pour l’agrandissement de son royaume.
- Edité par Prohin Anne
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