PROMESSES

L’EGLISE AU 21e SIÈCLE

I – Introduction

Le titre indique un sujet qui doit préoccuper chaque chrétien, car le Seigneur Jésus s’y est toujours intéressé de tout son coeur. Il donna sa vie pour que l’Eglise existe et croisse. Ce qui préoccupe le Seigneur doit nous passionner aussi. Est-ce vrai pour vous?

Dans ma lecture du livre des Actes des Apôtres, j’ai été frappé par la croissance de l’Eglise naissante (3.41,47; 4.4; 5.14; 6.7; 9.31; 11.21; 14.21; 16.5; 19.10).

Une question s’est alors peu à peu imposée à mon esprit : «Quels principes généraux puis-je y découvrir, qui aideront mon église locale à vivre conformément au modèle du Nouveau Testament? » Chaque communauté doit veiller à ce que l’ordre d’apporter l’Evangile à son prochain soit maintenu jusqu’au retour du Seigneur (Mat 28.16-20)! Christ, la Tête de l’Eglise, a une multitude de bénédictions en réserve pour chaque église locale, quel que soit son état de santé spirituelle. Mais elle doit les désirer vivement, car elles ne tombent pas toutes seules d’en haut.

Avant de tracer trois étapes du développement de toute église locale, définissons le cadre de notre recherche:
• les Actes donnent un aperçu de presque toutes les composantes du corps de Christ, et ce, pendant un laps de temps assez long, plus de trente ans;
• dans cette brève étude, nous ne traiterons pas directement des interventions spectaculaires du Saint-Esprit, ni des effets merveilleux de la guérison, ni de la grande part que jouent les conversions de certaines personnes-clés, car elles sont exceptionnelles. Ce qui nous intéresse est le travail du Saint- Esprit dans la vie de tous les jours;
• nous ne nous occuperons que de ce qui a trait aux principes pratiques qui, dans les Actes déterminent la croissance de l’Eglise.

Il est évident que cette étude est indicative et non exhaustive, autrement il faudrait écrire un livre. J’aimerais simplement stimuler notre réflexion!

1ère étape : La préparation apostolique pour la croissance

1. Dans Act 1.2-11, nous voyons l’importance de l’enseignement donné par le Seigneur Jésus concernant sa Personne, son ministère, son royaume et son plan d’évangélisation. Traitons-nous ces sujets systématiquement dans notre communauté? Il est impératif de bien les connaître, et d’en aimer la manifestation. Que faisons-nous pour apprendre et enseigner ces vérités d’une manière systématique?

2. Dans Act 1.12-26, nous découvrons deux grandes activités préparatoires, base de toute explosion de vie sur le plan local:

• la prière concertée et intense, ainsi qu’une communion fraternelle limpide dans l’unité (v. 12-14). Or, c’est justement ici que les attaques de Satan sont particulièrement acharnées: elles visent les liens qui nous attachent à Dieu et aux autres. L’œuvre est ainsi cassée avant d’être lancée… Quels moyens spirituels et pratiques avonsnous prévus pour assainir et protéger ces liens?

• La direction de l’œuvre par des hommes qualifiés (v 16-26). Les récits des Actes pourraient ici servir d’illustration aux principes énoncés en 1 Tim 3.1-13 et en Tite 1.5-9. Priez le Seigneur qu’Il donne de tels hommes à votre église. Il ne suffit pas de désirer se mettre au service des autres: la communauté locale a besoin d’hommes désignés par l’Esprit. Evitons donc les critères charnels dans ces choix.

2ème étape : Le commencement et le démarrage

1. La venue du Saint-Esprit se produit (Act 2.1-13) à chaque conversion d’un pécheur à Jésus-Christ, selon 1 Cor 12.12-13. Le converti reçoit définitivement le Saint-Esprit à l’instant où il invite le Seigneur Jésus-Christ, le Fils de Dieu, dans sa vie, et le reçoit comme Sauveur (Eph. 1. 13; 2 Cor. 1.21- 22).

2. La proclamation quotidienne de l’Evangile se fait dans la puissance du Saint-Esprit quand les croyants
• sont consacrés et soumis ( 2.1 ) à la Parole de Dieu ( cf., Act 1. 4-5, 8, 12, 14). Cela nécessite pour nous aujourd’hui une bonne connaissance des Actes et des Epîtres;
• sont unis dans un même esprit et poursuivent les mêmes buts (2.1). Ce sont les anciens ou responsables qui donnent le «ton» et qui annoncent clairement les buts bibliques;
• sont au bon endroit, au bon moment (2.1). Souvent, les croyants sont émotionnellement attachés à un local. C’est souvent le lieu où ils se sont convertis; ou dans lequel ils ont investi beaucoup d’argent… Peut-être aussi est-ce un endroit géographiquement bien placé pour un grand nombre d’entre eux, alors qu’aucune personne résidant aux alentours n’y vient! Avons-nous demandé à Dieu : «Où veux-tu, Seigneur, que nous travaillions»? Aurions-nous le courage de changer de local ou d’essaimer une église soeur, si le Saint-Esprit nous l’indiquait? Quand une communauté locale devient si grande que l’on ne se connaît plus les uns les autres et qu’on ne peut plus prendre soin de chacun, je me demande si le moment n’est pas venu de préparer avec sagesse un essaimage. Il faudra tenir compte alors du nombre de personnes déjà engagées, des responsables doués et spirituellement forts, des objectifs clairs et détaillés et d’un endroit géographique adéquat;
• laissent leurs dirigeants prendre leurs responsabilités (2.14, 41,42; 6.4; 13.1-3; 14.20c-23), en les aidant par la prière et dans le respect;
• prêchent et rendent témoignage à Jésus-Christ par la Bible en exposant les vérités bibliques (2.14-36). N’avons-nous pas tendance à rendre témoignage de nous-mêmes, plutôt que de présenter d’abord le Seigneur? C’est lui qui sauve (Jean 12.32; Act 4.12), et non pas nous ni notre témoignage;
• font une invitation biblique (2.38; 3.19) aux perdus. Trop souvent, l’invitation est si peu biblique et si vague que des «fausses-couches spirituelles » se produisent; et après, on se demande pourquoi telle personne ne marche pas avec le Seigneur. Le travail de suite doit être fait avec soin (2.42; 5.21, 25,42).

3. La vie communautaire était merveilleusement exemplaire (2.42-47), parce qu’elle baignait dans la crainte de Dieu, l’unité, le partage matériel, la joie et la simplicité jointes à l’adoration. Faites une enquête sérieuse dans votre église pour savoir si les onze caractéristiques relevées ci-dessus (elles sont écrites dans la marge de ma Bible!) sont réellement vécues dans votre église. Priez constamment qu’elles le soient.

3ème étape : La vitesse de croisière

Nous allons maintenant relever un certain nombre de principes qui se dégagent de la vie de l’Eglise racontée dans les Actes, et qui restent permanents. Ces principes permettent à une église locale d’entretenir sa vie spirituelle, démontrant ainsi que le Corps de Christ local est un organisme vivant et dynamique.

1. La prédication de l’Evangile (3.12- 26; 4.33; 5.30-32,42; 6.13-14, 7.1-53; 8.4-5,25,40 ; 9.20,28 ; 10.34-43 ; 11.20; 13.16-49 ; 14.3,7; 15.35; 20.20; 26.1-29; 28.31a). Suivons-nous l’exemple apostolique (1 Cor. 15. 3-4)?

2. La fidélité face à la persécution (4.8-12,19-20; 3.29,41; 7.59-60; 13.50; 14.2; 16.22-24; 19.30-31; 20.22-24). Peu d’entre nous avons réellement souffert pour Christ. Je prie depuis des années pour rester fidèle au Seigneur si une persécution devait arriver. Pourquoi? Parce que je n’ai pas confiance en moi-même – en ma chair, et vous?

3. Les actions de grâce au Seigneur dans les moments difficiles (4.23-30; 16.25). Elles témoignent de notre confiance en Lui et révèlent une certaine maturité spirituelle. La louange ancrée seulement dans «le beau temps» est trop facile.

4. Le règlement rapide et efficace des problèmes internes graves (5.1-11; 6.1- 6; 8.18-24; 15.1-29,36-40). Ô combien l’œuvre est retenue et l’énergie dissipée par des problèmes qui traînent en longueur, parce que les responsables ne veulent pas «offenser» le frère Untel ou le fils de Monsieur X ou l’épouse de Monsieur Y! Dans les Actes, l’œuvre est toujours plus importante que l’individu, c’est-à-dire qu’il n’est jamais question de sacrifier l’œuvre pour ménager les sentiments d’une personne ou d’une famille!

5. Les responsables sont bibliquement qualifiés (6.5-6; 13.1-2; 14.23; cf., 1 Tim 3.1-13; Tite 1.5-9). Des lacunes dans ce domaine entravent gravement la croissance spirituelle et numérique de la communauté. Prenons garde! La croissance numérique n’est pas un signe automatique que Dieu est en train de bénir l’église. Dieu recherche la qualité. Priez pour cela.

6. La pratique du partage matériel (4.32b,34-35; 11.27-30; 20.35). Parfois, les raisons données pour s’abstenir d’aider matériellement des nécessiteux légitimes n’ont pas de raison d’être et frôlent le scandale.

7. La flexibilité dans l’évangélisation (8.26-27; 10.9-23,28; 13.51). Sommesnous prêts à changer de style, de méthode, d’endroit, d’horaire ou de jour pour organiser des activités selon la nécessité des besoins?

8. Le témoignage personnel (8.29-40; 16.31-32; 17.17; 23.11; 24.10-21). La véritable œuvre d’évangélisation, c’est que chacun témoigne et évangélise là où il vit et travaille. N’attendez pas la prochaine campagne d’évangélisation et un prédicateur éloquent, mais commencez aujourd’hui à rendre témoignage de Jésus-Christ !

9. Le travail pastoral – ce terme est employé dans son sens biblique (Eph 4. 11-16) et non dans le sens ecclésiastique – (9.32,38-41; 6.1-6; 9.26-28; 14.21-22; 15.41; 16.40; 20.1-2,7). Vous occupez-vous sincèrement et avec dévouement du troupeau? Le troupeau a besoin de soins, de nourriture, de direction, de protection et d’encouragement.

10. Une vision internationale (8.5; 11.27-30; 13.1-13; 16.1-3). Votre église prie-t-elle le Seigneur Jésus pour que l’Esprit suscite des missionnaires parmi vous? Le N.T. ne mentionne aucune prière adressée directement au Saint-Esprit, car Christ est la Tête du Corps, et c’est Lui qui indique à l’Esprit quel rôle Il doit jouer auprès du converti (cf Jean 16.13-15; Act 4.24- 30). Votre communauté s’intéresse-telle à envoyer des missionnaires? Priez-vous concrètement pour les perdus d’un pays étranger ou d’une autre région que la vôtre?

11. L’humilité des responsables (3.6; 8.5,26-27; 10.28,34; 11.25-26; 13.4,13; 14.15a). Etes-vous connu pour votre humilité ou est-ce toujours vous qui avez raison, même dans des domaines secondaires?

12. Une structure gouvernementale locale biblique (14.23; 20.17,28). Vos jeunes savent-ils expliquer, Bible en mains, pourquoi votre église est organisée et gouvernée de telle ou telle façon? Votre structure est-elle biblique ou seulement humaine et traditionnelle?

13. Un enseignement biblique renforcé, équilibré et continu (2 :42; 6.2,4; 19.9-10; 20.20,26,3; 28.31). Je crois que c’est la plus grande lacune générale de l’Eglise partout dans le monde en ce début du 21e siècle! Si cela est aussi vrai chez vous, qu’allez-vous faire pour que cela change? Commencez par prier, puis discutez du problème avec les autres dans le calme et le respect.

14. De la part des croyants, une séparation nette d’avec le péché (19.19-20) comme preuve de la réalité de leur conversion à Jésus-Christ. Une négligence dans ce domaine noircira la réputation de Jésus-Christ et pourrait affaiblir définitivement la communauté. Si nous vivons comme les perdus, ils ne verront jamais la nécessité de la transformation de leur vie par le Seigneur.

15. Le ministère irréprochable des ouvriers à plein temps (20.33-35 ; 24.26). Sommes-nous irrépréhensibles quant au zèle, la libéralité, l’humilité, la maîtrise de nos sentiments et de nos paroles, la mondanité ? Pouvons-nous dire avec une humilité réelle et sans rougir avec qui nous œuvrons ?… Soyez mes imitateurs, comme je le suis moi-même de Christ?

Ô combien le Seigneur a besoin de travailler constamment dans ma propre vie! Que le Seigneur ait pitié de nos lacunes, et qu’Il redresse nos situations!

Conclusion

Comme vous l’avez remarqué, cette étude a simplement touché quelques principes de base de la vie d’une église qui avance normalement. Aucune nouvelle recette ne vous a été proposée! L’homme s’appuie sur les méthodes modernes les plus variées et les plus spectaculaires en espérant aboutir aux meilleurs résultats. Mais la méthode de Dieu est de chercher des hommes et des femmes qui Lui soient entièrement dévoués (11.22- 24).

Je souhaite seulement que ces quelques réflexions puissent servir de tremplin pour des discussions utiles et édifiantes au sein de votre église et parmi ses responsables. Ne restons pas immobiles, avançons dans la direction où le Seigneur nous mène par l’étude des Saintes Ecritures, livre des Actes et épîtres en bonne et due place. Qu’allez-vous faire maintenant?

 


CHRONIQUE DE LIVRES

Genève et le déploiement de la Réforme au 16e siècle

Aux Editions L’Age d’Homme, série Mobiles historiques, Lausanne (123 p.)

Un très bel et court ouvrage vient de sortir de presse sur Calvin, son oeuvre et son influence immense sur son époque qui a marqué l’Eglise et la société jusqu’à nos jours. Le livre a l’avantage d’être facile à lire dans la présentation de l’essentiel sur la Réforme à Genève avec son influence aux niveaux spirituel, culturel, social et politique. Une fois de plus, l’auteur par sa remarquable analyse a su faire vibrer nos cœurs et stimuler notre réflexion pour une application actuelle de ces mêmes principes bibliques, fondement de la Réforme. Il nous semble utile de donner un aperçu détaillé de l’ouvrage.

L’ouvrage contient deux parties principales, précédées d’une introduction. Dans sa première partie, l’auteur brosse le tableau d’une Europe occidentale marquée par le christianisme, mais aussi imprégnée de différentes cultures païennes. La Réforme s’inscrit dans ce contexte pour rayonner depuis Genève dans ces pays, en particulier la France. La seconde partie traite de la Réforme à Genève, avec la formation des pasteurs à Genève, partie des plus instructives pour ce qui concerne le concept biblique d’une vision chrétienne du monde englobant tous les domaines de la réalité de la vie. Dans ce cadre s’insèrent également la souveraineté de Dieu et la responsabilité de l’homme. Le but ultime du travail énorme de Calvin était toujours la gloire de Dieu.

L’Introduction prend le contre-pied de l’idée répandue parmi les Evangéliques que la doctrine de l’élection produit une indifférence au salut des âmes. En effet, entre 1555 et 1562, la Réforme de Genève a donné lieu à la fondation de 2150 «Eglises dressées » (Eglises avec structure et discipline ecclésiales), et cela là où les persécutions sévissaient. Quel rôle Calvin et la ville de Genève ont-ils joué dans tout cela? Comment expliquer que l’enseignement de ces doctrines (« la prédestination, l’entière souveraineté de Dieu et la dépravation totale de l’homme ») considérées souvent de nos temps comme «apparemment débilitantes-, ait amené des milliers d’âmes au Sauveur, établi des centaines d’églises et exercé une telle influence sur la société ? Comment expliquer un des plus grands Réveils de l’histoire de l’Eglise? «Comment se fait-il qu’un tel renouveau de la foi ait été le fruit d’un style de prédication et d’un genre de vie ecclésiastique en si grande contradiction a vec nos stratégies modernes de l’évangélisation du monde..? L’intention de l’auteur est précisément de démontrer combien l’histoire dément ces critiques infondées.

Première partie

Elle contient d’abord un bref aperçu de la vie de jean Calvin, suivi par l’arrière plan politique, culturel et réligieux du ministère de Calvin avec les trois sous-divisions la paganisation de la politique, la paganisation de la culture et la paganisation du christianisme. L’auteur analyse les conditions dans lesquelles la Réforme est née. Toute une série d’éléments jouerait un rôle important dans la paganisation de l’avant-Réforme: l’influence des cultures gréco-romaine, celtique et germanique, et l’introduction de ces éléments païens dans l’Eglise médiévale, dans le domaine de la philosophie et du droit, puis dans ceux de la littérature et des beaux-arts. On lira avec intérêt le développement de cette paganisation dans ces trois domaines de la politique, de la culture et du christianisme en Europe occidentale. Le chapitre sur les origines de la Réforme française est une analyse des racines du grand réveil au Royaume de France au 16e siècle. L’influence de Luther fut immense dans ce retour à la foi biblique. La structure de la première édition de l’Institution de la Religion chrétienne de Calvin (1536) correspond à celle du Petit Catéchisme de Luther (1529). Une autre source d’influence venait de Jacques Lefèvre d’Etaples, pionnier en France du nouvel «évangélisme ». Connaisseur des écrits d’Aristote et de la mystique naturaliste de l’Antiquité il se tourna finalement vers les Ecritures pour y découvrir la vérité et la vie. En approfondissant l’étude de la Bible, il découvrit également le «double sens de l’exégèse littérale », c’est à dire de faire ressortir «le sens naturel » -celui qu’entendaient les auteurs divins et humains -ce qu’il nomma le sens littéral «prophétique » -et le sens littéral «historique » nu, accompli en la personne et l’œuvre du Christ. Il publia en 1509 son premier ouvrage de critique et d’exégèse biblique, Le quintuple psautier; "où nous trouvons solidement établis les principes herméneutiques qui allaient caractériser l’exégèse et la prédication des Réformateurs". Guillaume Farel vint à la foi par le témoignage de Lefèvre et joua un rôle important dans la Réforme en Suisse romande. C’est lui qui introduisit la première imprimerie dans la région de Neuchâtel, où était imprimée et diffusée la première traduction française de la Bible de Louis Olivétan, qui servit de base à la diffusion des Ecritures et de la littérature biblique en France. Dans le dernier chapitre de la première partie, J .-M. Berthoud développe la venue et le combat de Calvin à Genève pour faire triompher l’Evangile. En résumé, «les années entre 1541 et 1555 virent à Genève une lutte spirituelle, doctrinale, morale et politique intense pour obtenir la transformation d’une Eglise plantée. ..en une Eglise dressée. .. une Eglise disciplinée, fidèle et obéissante. à la Parole de Dieu. Toute la structure de l’Eglise selon le concept de Calvin, influencé par Martin Bucer à Strasbourg, fut mise en place. Ce concept s’insérait dans le cadre d’une Eglise institutionnelle et soutenue par l’Etat, tout en gardant son indépendance en matière de foi et de discipline de l’église. On peut ne pas partager ce concept de l’église institutionnelle et certains procédés d’alors, mais il reste néanmoins vrai que le projet était séduisant et l’œuvre de Calvin grandiose pour arriver à une telle Réforme, où finalement l’Evangile avait transformé hommes et mœurs. C’est à cette époque que se situe l’affaire de Michel Servet, hérétique et gnostique, qui combattait les doctrines centrales de la foi chrétienne et fut finalement envoyé au bûcher par le gouvernement genevois. On reproche à Calvin d’avoir été «le dictateur de Genève», ce qui est démenti par les faits de l’histoire réelle, car le pouvoir direct fut exercé par le Conseil de la ville. L’influence de Calvin se fit plutôt par la prédication, et sa capacité de persuasion -donc de manière indirecte -par la seule force de son autorité morale. Calvin avait une vision avant tout ecclésiastique et voulait d’abord rétablir une structure dans l’Eglise avec une doctrine et une discipline selon les Ecritures, capable ensuite de préparer et d’en- voyer des missionnaires prêcher l’Evangile.

Deuxième partie

Au premier chapitre, Calvin et la vigne de Dieu en France, sont développées les convictions de Calvin sur les autorités, la justice et le rôle de l’Eglise dans la société. Sa .prédication impliquait toujours application précise et concrète». Ses enseignements et son influence grandissante allaient forcément à l’encontre du pouvoir des derniers Valois et de l’Eglise de Rome caractérisé par un .absolutisme machiavélique». Cette réforme ne pouvait finalement qu’aboutir à la haine contre la Réforme et à la persécution des Evangéliques en France, car Calvin ne tolérait aucun compromis avec Rome.

Le second chapitre traite de Genève qui forme et délègue des pasteurs aux Eglises réformées en France. Genève se voua dès lors à la formation des futurs pasteurs. Il y avait plus de 300 étudiants en théologie dans l’Académie de Genève fondée en 1559. Cet- te formation théologique était rigoureuse: étude philologique et grammaticale de la Bible, maîtrise du latin, de l’hébreu et du grec, préparation pour la tâche la plus importante: l’étude et l’exégèse de la Bible. A part les examens sur la doctrine, les candidats devaient faire preuve de probité morale et idéologique. Ces disciplines s’exerçaient «en classe», ce qui allait à l’encontre de «l’individualisme exacerbé du protestantisme moderne». Calvin n’était pas pour la violence, et il exhortait les missionnaires en terre de France à la patience dans le combat de la foi au milieu des souffrances et de la persécution. Calvin exigeait une fidélité absolue à la foi chrétienne selon la Parole de Dieu.

Le chapitre trois sur la formation des pasteurs et la prédication de Calvin nous présente le concept et le plan d’une formation pastorale complète selon Calvin. A "l’Académie de Genève», on trouve les deux grands domaines dans lesquels Dieu manifeste sa révélation: d’abord par sa création, puis par sa Parole écrite. Pour Calvin, les «sciences physiques» faisaient partie du programme d’enseignement, étudiées à la lumière de la Parole de Dieu, car la nature aide à comprendre le Créateur, alors que les scolastiques négligeaient cette discipline comme inférieure. L’analyse pertinente de J.-M. Berthoud nous paraît fondamentale pour revenir à une vue biblique du monde, base du grand réformateur. La pensée de Viret et de Calvin s’oppose totalement au dualisme, qui est à la racine de la pensée scientifique moderne, où les sens et la science sont dissociés. Ce dualisme devint dominant au 18e siècle dans l’enseignement de la théologie, qui de ce fait fut totalement dénaturé. Les «outils linguistiques» développés par les humanistes de la Renaissance furent utilisés par l’Académie pour mieux interpréter les Ecritures, afin d’obtenir une exégèse continue de la Bible dans son sens littéral.

Bien que très souvent malade, Calvin prêchait pratiquement tous les jours en plus de son enseignement à l’Académie. En 1561, plus de 1000 personnes fréquentaient régulièrement ses cours. Parfois il était si peu bien qu’il devait se faire porter sur une chaise à l’ endroit où il enseignait. Tous les cours étaient donnés en latin. Il prêchait «sans notes, expliquant la Bible directement à partir du texte hébreu ou grec dont il donnait sur place sa propre traduction». Mais il se préparait toujours soigneusement. L’application du texte biblique à sa propre vie était primordiale pour lui. La nature de la prédication résidait en trois points: D’abord, sa prédication consistait en une exposition suivie du texte biblique. Ensuite, il se servait de tous les outils linguistiques pour serrer le texte sacré de près, tout en les soumettant à son autorité souveraine. Le dernier point consistait en une prédication de caractère rigoureusement antithétique. Tout ce qui était contraire à la Vérité devait être forcément faux. La vraie doctrine était ainsi systématiquement opposée à l’hérésie et entre les deux existait une guerre sans répit. La base du contenu de son enseignement consistait en trois points: la corruption totale de l’homme, la grâce souveraine de Dieu et la justification par la foi seule. La prédication devait avoir des implications pratiques pour la vie du chrétien. La prédestination, la certitude du salut, le combat spirituel et la sanctification, l’édification de l’Eglise et la restauration de la société, formaient le corps des doctrines primordiales. L’activité sanctifiée d’une vie véritablement chrétienne devait s’exprimer par le service, l’amour et la justice, dans la soumission à la Parole et la dépendance du Saint-Esprit.

Dans le chapitre quatre sur la souveraineté de Dieu et la prédication souveraine de l’Evangile, l’auteur démontre qu’il n’y a pas incompatibilité entre la doctrine enseignée par Calvin et la prédication efficace de l’Evangile, et que cette doctrine a pour but ultime la gloire de Dieu. Face à la souveraineté absolue de Dieu, la responsabilité de l’homme serait pour certains une affirmation antithétique. Cette souveraineté ne dispense en aucune façon l’homme de prier et d’agir «comme si l’avenir dépendait de sa seule volonté, comme si son action était susceptible de modeler le monde et l’histoire», C’est le contraire d’une attitude fataliste et passiviste. Cette piété calviniste contient à la fois le zèle missionnaire et la dimension de notre responsabilité face à la création: la foi chrétienne vécue dans tous les domaines de la vie.

L’auteur, dans sa conclusion, nous laisse encore quelques tableaux touchants du caractère et de la piété de Calvin. Dans sa vie, tout est constamment axé sur Dieu et sa Parole. Malgré tous ses dons et toutes ses activités, Calvin est resté humble. Il était d’une grande sensibilité. Tout en ayant été un homme d’action, il nous a légué une oeuvre écrite remarquable et gigantesque. Sa correspondance était immense, donnant des conseils, démêlant des problèmes difficiles et consolant les affligés avec douceur. Son caractère était loin d’être «épouvantable», comme certains l’affirment. Il disait de lui-même à la fin de sa vie: «J’ai eu bien des infirmités que vous avez dû supporter et, en plus, tout ce que j’ai fait n’était d’aucune valeur», Le livre se termine avec deux magnifiques prières de Calvin faites à la fin de ses deux prédications sur 2 Samuel 13.

Nous apprécions la bibliographie étendue et utile pour qui désire approfondir les différents sujets. Les notes en bas des pages facilitent la lecture, évitant au lecteur d’aller les chercher à la fin du livre.

Si nous nous sommes longuement arrêtés sur cet ouvrage, c’est qu’il nous semble résumer deux choses: D’abord, l’héritage important que ce grand Réformateur nous a laissé. Ensuite, les quelques principes et mécanismes qui s’en dégagent pour tirer des leçons. Il peut y avoir des divergences sur certains points dans l’ecclésio1ogie ou le ministère pastoral, mais le but de cet ouvrage n’est-il pas de relever l’essentiel: nous stimuler à une étude sérieuse et approfondie de la Parole de Dieu et porter une plus grande attention à une formation plus poussée de la relève des responsables de nos églises? Il ne s’agit pas de favoriser l’intellectualisme, mais de former une nouvelle génération d’hommes de Dieu capables d’enseigner et d’édifier nos Eglises par des prédications et des études bibliques solidement ancrées dans les Ecritures. Dieu nous a donné un cœur et un cerveau, servons-nous des deux. Tout cela demande du temps, de la réflexion, de la volonté et de la persévérance. Ce n’est pas du «fast food» à la Mc Donald’s dont l’Eglise au 21e siècle a besoin, mais d’hommes de Dieu équipés avec soin: et sérieux. Le livre m’a sensibilisé profondément quant à la question: que faisons-nous dans nos communautés pour former nos responsables? Comment le faisons-nous? Nous recommandons vivement cet ouvrage, ne fût-ce que pour cette raison-là, et demandons à Dieu de richement bénir ceux qui le liront.

H. Lüscher


UNE PAGE D’HISTOIRE

L’autorité des Ecritures

Le témoignage de l’Histoire (2e partie)

J.-H. MERLE D’AUBIGNÉ

L’histoire, par le tableau des égarements du temps passé, prémunit contre ceux du temps pré- sent. […] Il y a trois siècles que l’on remarquait une grande agitation dans la « ville théologique ». – Deux plumes spirituelles qui se sont plus ou moins prononcées en faveur du système anti-scripturaire que nous combattons, ont désigné récemment, sous ce nom, notre cité, avec un peu de malice que nous leur pardonnons de tout notre cour. plût à Dieu que Genève méritât plus réellement ce nom de « ville théologique »! car la théologie, c’est ce qui parle de Dieu. – Il y a donc trois siècles que, comme de nos jours, il y avait une grande agitation dans la ville théologique, et en voici la cause.

Calvin avait connu à Strasbourg, en 1540, un jeune savant, nommé Châtillon, alors âgé de vingt-cinq ans. Plein du désir de réunir dans Genève des hommes éclairés, il y appela ce professeur, nous disent toutes nos annales. Châtillon était doué de talents remarquables, de connaissances variées, de sentiments vifs et d’un esprit très amateur de la liberté. Sa conduite était irréprochable, et il y avait quelque chose d’intéressant dans toute sa personne. « Faveo ingenio et doctrinae », disait de lui Calvin: «]’aime son esprit et sa science.» Mais le Réformateur reconnut bientôt que le savant helléniste manquait de jugement et qu’il avait une confiance immodérée en lui-même. Théodore de Bèze lui donna en conséquence le nom grec d’idiognomon, comme qui dirait un individualiste par excellence, un homme qui ne reçoit pas la lumière qui vient du dehors (par exemple des Ecritures de Dieu), mais qui abonde dans son propre sens. Il y joignait de l’imprudence et peu de ménagements pour ses adversaires; pourvu qu’il frappât fort, peu lui importait qu’il frappât juste. « Ses écrits, dit un biographe de Calvin, étaient marqués au coin de la dialectique la plus touchante et de l’esprit le plus mordant. » Le célèbre historien Schlosser l’appelle « le savant, mais le malheureux, l’orgueilleux et le remuant Sébastien » (c’était son nom de baptême). Un autre historien (P. Henry) dit qu’il était « ganz was die Franzosen », une mauvaise tête « nennen », tout à fait ce que les Français appellent « une mauvaise tête ». Quoique venu de Strasbourg, il n’y était pas né; il y était venu de France (Strasbourg n’était pas alors français). Il prenait habituellement le nom de Castellio ou de Castalio. Il se livra à Genève à des travaux exégétiques, et il publia plus tard, en 1551, une nouvelle traduction de la Bible, avec des annotations, qu’il dédia au roi d’Angleterre, Edouard VI.

La critique dominait la foi dans Châtillon; il niait l’autorité de l’Ecriture, « La Parole, disait-il, ne suffit pas pour décider les controverses religieuses (neque Verbum sufficere); il faut une révélation plus parfaite (ampliorem revelationem) ». Il séparait l’Ecriture de l’Esprit et, selon lui, l’Esprit pouvait éclairer l’homme sans l’Ecriture. Il pensait que tout changerait de face à la suite de la révolution qu’il demandait (car c’était une révolution qu’on voulait opérer). « L’Esprit, disait-il, éclipsera la1umière de l’Ecriture, comme le jour éclipse la lumière d’une lampe: Spiritus splendore suo Scripturae lucem obscurabit ». « Il y avait dès le commencement, dit un historien suisse, un élément mystique dans le caractère de Châtillon, et s’il ne tomba pas dans des rêveries fantastiques, il le dut surtout à sa culture classique très approfondie. »

A ces tendances mystiques, le jeune savant en joignait de rationalistes; il avait de grandes hardiesses exégétiques, surtout pour ce temps. Il retranchait hardiment tel livre du Recueil sacré; c’est ce qu’il fit, au grand scandale de Cal- vin, pour le Cantique des Cantiques.

Calvin, Théodore de Bèze et les autres théologiens genevois combattirent ces doctrines aventureuses. Alors Châtillon ayant perdu, à ce qu’il semble, toute mesure, attaqua ses adversaires dans une congrégation du jeudi; puis il donna lui-même sa démission et quitta Genève. Calvin et ses collègues eurent cependant pour lui de bons procédés. «C’est un ambitieux et un querelleur, écrivait Calvin à Viret, le 26 mars 1544; mais j’estime sa science et aussi son caractère, qui, au fond, n’est pas mauvais.» Calvin lui donna un témoignage dans lequel il déclara que, si Châtillon les quittait, ce n’était ni pour quelque faute de la vie ni pour quelque dogme impie; il exposa les points de leur dernier dissentiment et ajouta: «Nous l’avons conjuré de ne pas attribuer mal à propos à son jugement plus qu’il n’était équitable de le faire, surtout puisque dans toutes ces choses soi-disant nouvelles qu’il proposait (en particulier sur le Nouveau Testament), il n’y avait rien qui ne fût connu et plus que connu bien longtemps avant qu’il fût né.» Châtillon se retira à Bâle, où, en 1553, il devint professeur de grec. Il se jeta toujours plus dans la mystique et publia divers ouvrages des mystiques du Moyen-Age. Il eut la gloire d’être de son temps un des plus chauds défenseurs de la liberté religieuse.

Tel est le premier coup, faible encore, donné dans Genève à l’autorité de l’Ecriture inspirée de Dieu. Cette divine autorité est le fondement sur lequel reposent la foi et la morale du chrétien. Le chrétien évangélique croit une vérité, parce qu’elle est écrite dans les oracles de Dieu; il fait une ouvre, parce qu’elle y est commandée. Si donc vous détruisez ce fondement, il est naturel de penser que vous détruirez par cela même la foi et la morale qui y trouvaient leur appui. Châtillon se contenta d’attaquer la base sans porter la main sur l’édifice; mais voyons si cet édifice subsistera longtemps après lui.

Châtillon n’avait pas encore quitté Genève qu’on y avait vu arriver un homme qui avait ravi toute l’Italie, le général des capucins, Bernardin Ochino, dont l’éloquence avait ému les grandes villes de sa patrie. Il devint à Genève l’ami de Châtillon, et bientôt le petit conseil ayant accordé une chapelle aux protestants italiens près de la cathédrale de Saint-Pierre, on entendit dans notre cité le célèbre prédicateur transalpin. Toutefois, on ne fut pas longtemps à reconnaître dans ses discours si clairs et si vivants, même en général si évangéliques, quelques germes d’un esprit ultra-individualiste et ultra-spiritualiste. «Le Saint-Esprit, disait le grand orateur, éclaire les fidèles, immédiatement et indépendamment de la Parole de Dieu dans la sainte Ecriture!» Il allait même plus loin, et prêchant un jour sur le moyen de connaître les inspirations divines et de les suivre, il disait: «Ainsi donc, c’est l’Esprit de Dieu qui doit être notre règle, et il faut être plus prompt à lui obéir qu’à tous les hommes et les anges, qu’à la propre sagesse et même qu’aux paroles de Christ (imo e che alle parole di Christo).» Remarquons ici l’un des plus grands dangers du système que nous attaquons. Si c’est, non dans l’Ecriture, mais dans nous-mêmes que nous devons chercher la règle de la vérité et de la sainteté, qu’arrivera-t-il? Tandis que c’est la religion qui doit former notre cour déchu, ce sera notre cour déchu qui formera la religion, et nous aurons alors un paganisme peut-être plus subtil, mais aussi dangereux que celui que produisit dans les temps anciens le cour souillé de l’homme. Dès qu’on cesse d’établir l’Ecriture comme source de la religion, on voit s’accomplir cette parole du prophète Jacobi: « Dans tous les temps, la religion de l’homme a été ce qu’était son état moral »; et cette autre parole, profane mais trop vraie (elle est de Voltaire): « Dieu a fait l’homme à son image, et l’homme le lui a bien rendu. » Avec ce fatal système, il n’y a plus de pure religion et plus de pure morale. L’homme, laissé juge de ce qui est bon, trouve toujours que ce dont il a envie est bon, il n’existe plus un péché qui n’ait une excuse; et cette excuse, on la met sur le compte du Saint-Esprit. C’est ce dont l’éloquent Ochino fut, au seizième siècle, un mémorable exemple. Non seulement il tomba bientôt dans de tristes erreurs de doctrine, en particulier sur la divinité du Sauveur, mais encore, selon lui, il suffisait d’avoir une lumière intérieure qui nous poussât à une chose, pour que cette chose fût bonne. « Les bons chrétiens seuls, disait-il un jour dans un de ses sermons, et ceux qui ont une lumière vivante de Dieu, peuvent, sans pécher, prendre les armes et attaquer leur prochain quand ils y ont été inspirés de Dieu ».

Le pauvre Ochino, ayant décliné l’autorité de la Bible, alla même plus loin encore, et il opposa tellement l’Esprit à la Parole de Dieu, qu’il en vint presque à dire que l’Ecriture et l’Esprit s’excluent. Il déclara hardiment qu’il fallait obéir aux inspirations de l’Esprit-Saint, quand même elles étaient contraires à l’Ecriture. Voici ce que nous lisons dans son catéchisme (ces écrits se trouvent dans notre bibliothèque publique). Le ministre dit: « Tu crois donc que les sages-femmes d’Egypte péchèrent en mentant? » L’illuminé (illuminato, c’est le nom dont il se sert), répond: « Sans doute, car Dieu ne leur avait pas inspiré de mentir. Rahab, continue-t-il, ou fut inspirée à mentir, ou pécha (o fu inspirata a mentire, o pecco)… » Le mensonge n’est pas le seul péché qui devienne aussi légitime. Nous lisons dans le même catéchisme: « Et si quelqu’un est inspiré de Dieu à se suicider? » L’illuminé répond: « Il ne pèchera pas (non pecherebbe), comme Samson ne pécha pas. » De tout temps on a vu des mystiques charnels se livrer aux actions les plus désordonnées, parce que, disaient-ils, pendant ces débauches l’Esprit demeurait en eux. L’erreur que nous combattons vient de la chute, et elle est la mère de toute erreur et de tout égarement moral.

Ochino quitta Genève et se rendit à Bâle vers son ami Châtillon.

Châtillon avait été le premier échelon, Ochino fut le second; cet homme illustre, estimable encore à divers égards, avait déjà fortement ébranlé la foi et la morale. Mais continuons courageusement à descendre les marches de cette ténébreuse échelle; elle plonge dans un affreux abîme.

Deux ans environ après que Ochino eût quitté Genève, en 1548, on y vit arriver un homme bien plus important, un jurisconsulte de Sienne, Lélio Socin. « Il était d’un esprit couvert et caché, dit un historien, et se faufilait auprès des personnes les plus considérables. » On lui faisait beaucoup de prévenances parmi les protestants, parce qu’on espérait qu’il travaillerait utilement à la réformation de l’Italie. Peu à peu il s’enhardit. « Après avoir longtemps caché son venin, dit Calvin, il le vomit parmi nous. » Les Socins (Lélio et son neveu Fauste) hésitaient quant à l’inspiration des Ecritures. Quelquefois elle paraissait réelle, émanant d’une influence extraordinaire de l’Esprit-Saint; d’autres fois, elle n’était guère que celle d’hommes qui ont le Saint-Esprit comme tout fidèle a le droit de l’attendre et le devoir de le désirer. En général, aucun des docteurs du seizième siècle n’est allé aussi loin que quelques docteurs de nos jours: aucun d’eux ne s’est contenté de voir dans les Ecritures le noble accent de la voix humaine. Toutefois, les Sociniens se sont rapprochés de ces errements modernes. S’il fallait croire les écrivains sacrés, c’était seulement, selon les Sociniens, parce qu’ils étaient des hommes saints, des chrétiens illustres, et qui avaient vu de près les choses dont ils parlent. Ils trouvaient des contradictions et des erreurs dans la partie historique des Ecritures. Surtout ils déplaçaient l’autorité: au lieu d’être objective dans la Bible, elle était pour eux subjective pour les chrétiens: l’individu devait primer. L’individu ne devait se soumettre à une vérité qu’autant qu’il trouvât en lui quelque chose qui correspondît à cette vérité et qui la confirmât. C’est alors qu’on vit se précipiter cette grande oeuvre de démolition que ces principes subversifs devaient accomplir dans la doctrine chrétienne. Devant les théories mises en avant par Châtillon, Ochino et Socin, il n’y a plus de dogme qui subsiste. L’expérience subjective de Socin rejette le dogme de l’expiation, quand même, dit-il, il se trouverait partout certifié par les paroles les plus claires (ubique clarissimis verbis testatum). Cette expérience subjective rejette de même la divinité du Fils. « Que répondez-vous aux témoignages par lesquels on établit que le Fils est de la même naissance que le Père? » dit-on dans la catéchisme socinien. La réponse est: « Avant que d’examiner les divers témoignages, il faut d’abord que l’on sache que cette génération de l’essence du Père est impossible! » Ainsi, avant même que de lire et d’examiner l’Ecriture, l’individualisme, ennemi de l’inspiration, se prémunit contre elle par l’incrédulité. Vous savez, mes- sieurs, toutes les désolations, les erreurs, les hérésies qui provinrent de ce subjectivisme des Socins. Partout où il a prévalu l’Eglise en a été ébranlée, appauvrie, desséchée, détruite.

Ce vent, qui se faisait sentir alors un peu partout, et qui tendait à renverser les Ecritures de Dieu, après avoir soufflé sur Genève, de France, d’Allemagne, d’Italie, y arriva aussi d’Espagne. Il y vint, en 1553, un homme qui cachait de profondes tendances rationalistes sous des apparences spirituelles, sous un langage métaphysique, mystique et obscur, en quoi il se distinguait des Socins, plus portés vers le rationalisme pur.

Ce nouveau docteur, qui se nommait Michel Servet, s’était échappé des prisons archiépiscopales de Vienne en Dauphiné, où, ne pouvant le brûler en personne, on le brûla en effigie, le 17 juin 1553. Il arriva à Genève vers le milieu de juillet, se proposant, s’il le pouvait, de renverser Calvin et d’accomplir, de Genève, ce qu’il appelait la restauration du vrai christianisme (restitutio christianismi). Il attaquait l’autorité et la nécessité des Saintes Ecritures, et prétendait qu’à la suite de l’affranchissement qu’il méditait, le Saint-Esprit reprendrait dans l’Eglise la place qui lui appartient. « La vraie Eglise du Christ, disait-il, peut subsister sans les Ecritures. La prédication, l’interprétation, la voix vivante de l’Eglise vaut mieux que l’Ecriture morte (vox viva praefertur scripturae mortuae). La doctrine du Christ, disait-il encore, est tout entière spirituelle; n’avons-nous donc pas honte d’appeler ainsi une lettre qui tue (aeque vocare litteram occidentem)?»

Servet, très épris de lui-même, et qui s’imaginait être le restaurateur du christianisme, se plaçait au-dessus de l’Eglise romaine et de l’Eglise protestante, et, au système de ces deux Eglises, il en substituait un troisième, le sien, qui, selon lui, réunissait ce qui restait de vérité dans les deux autres Eglises, tout en rejetant les erreurs. Il s’élevait fort contre l’orthodoxie, prétendant qu’elle n’était qu’un certain intellectualisme. «La foi, disait-il, est une confiance et non une intelligence; c’est une énergie vivante (vivens energia), une action continue (actio continua).» Il couvrait ses doctrines délétères de paroles en apparence spirituelles, qui jetaient de la poudre aux yeux des simples. En s’élevant contre un christianisme dogmatique, il se présentait comme avocat de la voie intérieure. Il parlait beaucoup d’émanations, et voulait que l’idéal de Christ s’imprimât sur tout son être. «Par la foi, disait-i1, Christ prend une forme en nous; son image essentielle, sa vraie idée, sa forme lumineuse, est imprimée dans notre âme (veram in nobis imprimit ideam filii).» Déjà Pierre, dans sa seconde épître, avait demandé davantage: il avait dit que les chrétiens ont communication de la nature divine; mais c’est, selon lui, par les très grandes et précieuses promesses de la Parole que cette communication s’opère. Malgré toutes ses prétentions à une spiritualité sublime, il est évident, pour quiconque a lu les écrits de Servet, que, comme partout où manque le respect pour le témoignage de Dieu, la foi était essentiellement pour lui une croyance théorique, des idées philosophiques, recouvertes d’une fausse spiritualité. Vous savez les funestes erreurs que répandait ce prétendu rèstaurateur du christianisme. Ce qui le caractérise, ce n’est pas seulement un esprit remuant, une tendance mystique, un langage nuageux, mais c’est principalement l’usage de paroles choquantes, cassantes, énormes, que ses amis mêmes condamnaient; c’est ainsi qu’il appelait la sainte Trinité du Père, du Fils et de l’Esprit-Saint, un cerbère à trois têtes. Le gouvernement genevois, ayant pris l’avis de Berne, de Zurich, de Bâle et de Schaffhouse, crut que, s’il ménageait un hérétique, condamné au feu par les papistes, il justifierait les accusations d’hérésie intentées par eux à la Réformation, et, après que Calvin eut intercédé en vain pour adoucir la peine, Servet fut mis à mort par le feu. Cette mort est une tache, un reste de papisme dans notre histoire.

Mais la « ville théologique » ne trouva pas le repos. Il y avait encore un pas à faire. Socin et Servet avaient tiré les conséquences des principes de Châtillon quant à la foi, d’autres devaient se charger de les tirer quant à la morale. Depuis longtemps, un parti actif s’était glissé dans Genève et s’y était emparé même de quelques-uns de ses hommes les plus influents. Un nommé Coppin d’Yssel dans les Flandres, peut être regardé comme le chef de cette secte qui, par de douces paroles, par des discours spirituels, avaient gagné, en Belgique et en France, plusieurs personnes pieuses et de considération. Gruet, qui demeurait au Bourg-de-Four, était à Genève l’un des principaux chefs. La doctrine que nous combattons, et qui nie l’autorité de l’Ecriture dans la sphère religieuse, est en rapport naturel avec les doctrines qui, dans la sphère politique, nient l’autorité du magistrat et de la loi. Ce fut ce rapport entre la sphère politique et la sphère religieuse que la secte réalisa. Elle se proposa d’établir une fausse liberté, c’est-à-dire un horrible désordre dans la politique, la religion et la morale, et, pour cela, elle professa des principes semblables à ceux de Châtillon. Voici les doctrines que ces hommes publiaient alors dans notre cité: « Nous ne devons pas être soumis à la lettre qui occit (qui tue), mais suivre l’Esprit qui vivifie. L’Ecriture, prise en son sens naturel, n’est que lettre morte et qui tue, et partant il faut la laisser, pour venir à l’Esprit vivifiant. Qu’on ne s’arrête pas à ce qui est écrit, pour y acquiescer du tout, mais qu’on spécule plus haut et qu’on cherche révélations nouvelles. » Ces docteurs choisissaient donc dans les Ecritures ce qu’ils voulaient prendre et laisser, ce qu’ils trouvaient vrai ou faux, historique ou fabuleux. Ils se distinguaient dans les discussions par un esprit moqueur uni à une grande présomption, et cherchaient à faire rire leurs auditeurs aux dépens de leurs adversaires. Leur esprit sarcastique, qu’ils donnaient pour l’Esprit divin, allait plus loin et n’épargnait pas même les apôtres. Ils appelaient Paul, « Pot cassé »; Pierre, « Renonceur de Jésus »; Jean, « Jouvenceau et Follet »; Matthieu, « Usurier ». Ils prétendaient en savoir plus long sur la religion que les écrivains sacrés eux-mêmes; ils les corrigeaient en beaucoup de choses, et parfois même, se laissant aller à l’esprit du temps, qui aimait les injures, les appelaient coquins et marauds. Ils s’appelaient eux-mêmes les spirituels, parce qu’ils prétendaient surtout rétablir le règne de l’esprit; on les appela les libertins.

Le spirituel, disaient-ils (c’est-à-dire celui qui prend pour règle de conduite, non l’Ecriture, mais l’Esprit), est devenu comme Adam avant la chute, il ne sait plus rien du péché. Il est libre de toute loi; il n’a pas besoin de se faire une conscience de quelque chose, car c’est l’Esprit qui le pousse; ses désirs et ses ouvres sont les désirs et les ouvres de Dieu. Tout lui est permis, si seulement il se laisse conduire par l’Esprit qui est en lui. Il n’y a plus aucune espèce de liens pour le spirituel; le mariage même ne le lie pas; il peut et il doit former des mariages spirituels avec qui l’Esprit le désire, et le peut aussi longtemps que l’Esprit le veut. En conséquence de ces principes, la femme de l’un des membres du petit Conseil de Genève, Mme Benoîte Ameaux, forma un mariage spirituel avec un libertin. Elle s’excusa en disant que, si cela était contraire à l’Ecriture, cela était conforme à l’Esprit qui l’y avait poussée. Elle fut séparée de son mari, puis condamnée à la prison perpétuelle, et, ensuite, sur la demande de ses parents, relâchée comme folle.

Tel était l’esprit de ténèbres qui, à la suite de tous ces faux docteurs, s’était glissé dans la Réformation. Le papisme était moins à craindre. Sous le voile d’un pieux spiritualisme, sous la forme d’une doctrine nouvelle et plus parfaite, un esprit d’égarement et de désordre s’efforçait de gagner les esprits faibles. L’excellente sour de François Ier, la femme la plus éclairée de son siècle, Marguerite de Valois, endoctrinée par Pocquet, y succomba quelque temps. Une lettre de Calvin la ramena. L’ennemi était venu et semait abondamment l’ivraie parmi le bon grain.

Calvin ne pouvait sommeiller. Il se leva et porta à la fausse spiritualité de son temps des coups qui tombent sur celle de tous les siècles, même sur celle qui demeure dans la mesure de Châtillon et de Servet, sans se jeter dans l’immoralité. « Bien que cette secte, dit le Réformateur, soit bien diverse de celle des papistes, qu’elle soit même cent fois pire et plus pernicieuse, néanmoins toutes les deux ont ce principe commun ensemble, de transfigurer l’Ecriture en allégorie et d’affecter une sagesse meilleure et plus parfaite que celle que nous y avons. »

Tous deux, continua Calvin, tous deux d’un commun accord prennent pour couleur cette parole de Saint Paul que la lettre tue, mais que l’Esprit vivifie. Calvin explique alors le sens de ce passage qui, vous le savez, est souvent al- légué de nos jours. « L’Apôtre, en ce passage, dit-il, compare la loi séparée de Jésus-Christ avec l’Evangile. Il appelle la loi lettre, parce que, sans grâce de Dieu, elle est froide et sans efficace, surtout puisqu’elle n’entre point jusqu’au cour. Il appelle au contraire l’Evangile doctrine spirituelle, parce que Jésus-Christ y est compris, lequel vivifie la Parole, la faisant profiter en nos âmes par son Esprit. La loi, demeurant ainsi littérale, tue, continuait-il, puisque nous ne pouvons trouver en elle que condamnation. Mais l’Evangile vivifie, puisqu’il nous apporte la grâce de Jésus-Christ, par laquelle il fructifie en nous à salut. Voilà le simple sens de saint Paul, qui nous apprend ainsi qu‘il ne faut point séparer la Parole de Dieu de Jésus-Christ, qui en est l’âme. Que nous veulent donc ces bons expositeurs? Ils nous veulent, par ce passage, faire de l’Ecriture un nez de cire, ou la démener comme une pelote. Il est plus que certain que jamais Paul ne pensa à cela. Qu’ils cessent donc de produire un tel témoin pour aider à leur cause. Leur seconde intention, continue notre Réformateur, est encore plus diabolique: ils tâchent de nous égarer hors des limites des Ecritures afin que chacun suive ses propres songes et les illusions du diable, au lieu de la vérité de Dieu. Si Dieu nous a promis son Esprit, ce n’est pas afin qu’en délaissant l’Ecriture nous soyons conduits de cet Esprit et promenés par les nues, mais afin d’avoir la vraie intelligence de cette Ecriture et de nous en contenter.

Les libertins ne sauraient entamer un propos que le mot d’esprit ne soit incontinent par les rangs (c’est toujours Calvin qui parle). Ils appliquent le nom d’Esprit à tout ce que bon leur semble. Comme les curés des villages font quelquefois servir un marmouset qui est en leur paroisse à cinq ou six saints (en sorte qu’il représente tantôt l’un, tantôt l’autre), pour avoir d’autant plus d’offrandes, de même ceux-ci font-ils quant au mot d’esprit: c’est une sauce commune à toutes les viandes. Davantage, il est à noter qu’en appliquant ainsi confusément le mot d’esprit à tout ce qui leur vient à la tête, non seulement ils troublent l’intelligence des auditeurs, en mêlant les choses qui doivent être distinctes, mais aussi les embabouinent, en leur faisant accroire qu’ils sont tout spirituels et divins, et qu’ils sont à demi ravis avec les anges. Si donc quelqu’un de bon zèle tombe entre les mains de ces galants, quand il les entendra ne parler que d’esprit, dire que la Parole de Dieu n’est qu’esprit, et que Jésus-Christ semblablement est esprit, et qu’il nous faut être esprit avec Lui et que notre vie doit être esprit, il lui semblera de prime face que ce soient de bons zélateurs, qui se fâchent de voir la Parole de Dieu ainsi entortillée et mise en opprobre par la méchante vie des faux chrétiens. Etant ainsi amiellé, il concevra d’eux une bonne opinion, qui l’induira à leur porter amour et leur ajouter foi. Mais, puis après, ils viennent dégorger leur venin et tombent de ce haut parler, comme dit saint Jude, à une doctrine brutale. Quoi donc? dira quelqu’un, le nom d’Esprit doit-il pourtant être suspect? Qu’il ne m’advienne de le penser. Mais il nous convient être prudent pour discerner à quel usage on l’approprie. Si donc on aperçoit un homme y aller simplement, montrant que la Parole de Dieu est spirituelle, pour former nos cours à foi et sainte vie, si en reprenant la vanité de ceux qui n’ont la Parole de Dieu que sur le bout du bec, il avertit qu’il faut la prendre en autre usage, qu’on l’écoute de bon cour! Mais si l’on entend quelqu’un parler par ambages, on doit lui couper la broche court et lui demander ce qu’il veut signifier. S’il persévère à tourner à l’entour du pot, et qu’il entortille ses paroles comme une queue de serpent, alors qu’on le tire au jour, quoi qu’il dise, comme si on tirait un larron ou un malfaiteur de sa cachette. Chacun sait comment et à quel titre ces gens ont acquis le nom de spirituels, duquel ils s’enorgueillissent tant, que le nom de chrétiens ne leur est rien au prix.

Pour éviter un tel inconvénient, ajoutait le Réformateur, ne désirons point de rien saisir que ce qu’il a plu à Dieu de nous révéler en son Ecriture. N’assujettissons point la sacrée Parole de Dieu, ni à notre sens, ni à nos concupiscences, mais plutôt rangeons-nous entièrement à ce qu’elle nous dit. Ne soyons point convoiteux de choses nouvelles, et n’ayons point les oreilles chatouilleuses pour nous adonner à curiosité, mais cherchons ce qui est de profit et d’édification. Etant adressés au vrai chemin, tenons-nous-y; ayant la vérité de Dieu, adhérons ferme à icelle. Au reste, que nul ne s’ébahisse ou se trouble de voir des erreurs tant étranges et exorbitantes de toute manière. Que nul ne prenne de là l’occasion de s’ébranler ou de reculer de l’Evangile. Mais plutôt cherchons à nous fortifier en lui, afin qu’il nous soit un appui perpétuel, sûr et fidèle, pour nous soutenir au milieu de tous les troubles et de tous les scandales qui nous pourront accueillir.»

Ainsi parlait, dans Genève, le Réformateur. Mais ces sectaires étaient fortement appuyés: Perrin, Vandel, Berthelier, étaient avec eux. Le 18 mai, les spirituels, à la suite d’un souper où le vin les avait échauffés, entreprirent d’attaquer la maison de Baudichon de la Maisonneuve, où quelques réfugiés et autres Genevois, amis de Calvin, étaient réunis. «Ils se mirent, dit Bonivard, en soupant et faisant collation, à déchiqueter à beaux coups de langue ces Français et porte-Français; et après que la langue eut fait son office, le vin émut les pieds et les mains à faire aussi le leur.» Il y eut une émeute à neuf heures du soir sur la place de la Fusterie. Le syndic Aubert accourut, le bâton syndical à la main. Les spirituels furent saisis en flagrant délit de rébellion, jugés et bannis. Je termine ici l’histoire de cette controverse du seizième siècle dans Genève, controverse que j’ai jugée propre à être remise sous vos yeux. Nous avons achevé de descendre l’échelle: c’est dans la fange qu’elle finit.

Un historien allemand, parlant des faux spirituels qui parurent après la Réformation, a dit: «Le réveil d’un nouveau principe amène toujours quelque chose d’extraordinaire. Quand l’esprit humain est remué par de grandes choses, il s’élance en avant avec la même hardiesse qu’il a mise à renverser les idoles humaines, et il se livre facilement à des idées qui battent tout ordre en brèche.» Ce qui est arrivé au seizième siècle après la Réformation, on ne doit pas s’étonner de le revoir, au dix-neuvième, après le réveil. Vous connaissez tous la parole de Luther, qui comparait l’humanité à un homme ivre à cheval: il tombe d’un côté; on le remet droit, et aussitôt il tombe de l’autre. Voici ce que signifiait cette comparaison. Il y a deux sphères dans la religion: la sphère objective, qui, renferme ce qui est hors de nous (par exemple, l’Ecriture et l’ouvre expiatoire de Christ), et la sphère subjective, qui renferme ce qui est en nous (l’ouvre de l’Esprit et la régénération). Pour que la religion soit vraie et salutaire, il doit y avoir équilibre entre ces deux sphères; mais dès que l’équilibre est rompu d’un côté ou de l’autre, la religion court de grands périls. La Réformation les établit en une parfaite harmonie. Mais, de même que la corruption de la papauté était venue de ce qu’elle s’était jetée du côté objectif et l’avait perverti, le mal des doctrines que nous combattons provint de ce que leurs auteurs se jetèrent du côté subjectif et le dénaturèrent. La tendance subjective, si elle devient exclusive, est une tendance maladive, une fièvre. Cette maladie provient du manque de santé de l’individu, de ce qu’il n’y a pas eu de conversion pour lui, ou, tout au moins, de ce que sa conversion n’a pas été assez profonde. Le moi, qui n’a pas été assez humilié, assez crucifié, se relève tout à coup et se met au-dessus de l’Ecriture de Dieu. On tombe plus facilement dans cette maladie morale, si l’on a cultivé une faculté, l’intelligence par exemple, aux dépens des autres; si l’on a vécu dans son cabinet en dehors des expériences chrétiennes et de la vie chrétienne. « Ah ! nous écrivait tout récemment un pasteur, qui a déjà quelques années d’expérience, et qui est sorti de notre Ecole, que nos frères, les étudiants, entrent seulement dans l’ouvre du ministère; qu’ils s’efforcent de persuader, de convaincre; et, revenant de leur erreur, s’ils ont prêté l’oreille aux nouvelles idées, ils verront bien que, pour faire du bien, ils n’ont pas de plus puissantes armes que les Ecritures de Dieu. »

Messieurs, je redoute cette tendance subjective pour notre époque. Je la redoute, convaincu qu’elle ne peut manquer d’avoir les mêmes développements et les mêmes conséquences qu’elle eut au seizième siècle. Vous aurez remarqué la progression funeste de cette opinion. Châtillon enseigna simplement la doctrine qui substitue l’autorité de l’esprit individuel à l’autorité de l’Ecriture divine. Mais toute semence porte ses fruits. Cette doctrine, professée bientôt par Socin et par Servet, renversa d’abord toutes les doctrines de la foi; puis, interprétée par Coppin, Pocquet, Gruet et les libertins, elle renversa tous les préceptes de la morale. Elle enfanta ainsi de grandes hérésies et un hideux dérèglement. La progression est terrible, mais inévitable. Nous tenons donc à bien l’établir. Si nous nous opposons maintenant aux principes professés parmi nous, ce n’est pas seulement pour défendre l’autorité de la Parole inspirée de Dieu, cela certes en vaudrait déjà la peine, mais nous avons d’autres motifs encore. Nous nous y opposons, parce que (nous en avons la conviction), ce qui est en cause dans cette affaire, ce sont au fond les dogmes chrétiens et la morale chrétienne. Nous devons le répéter, afin que chacun le comprenne: ce qui est en cause dans cette affaire, ce sont les dogmes chrétiens et la morale chrétienne. Nous demander donc, comme on l’a fait, d’admettre ces doctrines pernicieuses, c’est nous demander, non seulement d’abandonner les Saintes Ecritures, mais encore d’abandonner le christianisme, sa foi et ses mours. Autant vaudrait nous demander la vie. Et si l’on nous disait: « Sur quoi basez-vous une opinion si étroite, si étrange, si en arrière du siècle? » nous répondrions: sur le témoignage de Dieu et sur le témoignage des faits. C’est afin de faire, s’il est possible, sauter cette opinion aux yeux des plus incrédules, que nous venons de retracer un chapitre de l’histoire religieuse de Genève. Je crois à la voix de l’Ecriture, et je crois aussi à la voix de l’histoire. Je dois combattre ce dont elles me signalent les redoutables dangers (ich kann nicht anders, je ne puis autrement, parole de Luther à Worms).

Sans doute, Messieurs, les erreurs dont nous sommes maintenant témoins à Genève, pas plus que celles de Châtillon, n’ont aucune ressemblance, sous le rapport moral, avec celles de la dernière catégorie, celles des faux spirituels. Des caractères d’une admirable pureté préviendront, j’en suis convaincu, quelque temps encore, les conséquences fatales de ces principes. On peut même espérer, vu le progrès général, que les excès seront moins grands qu’ils ne le furent il y a trois siècles. L’esprit humain marche en spirale: après un certain temps, il revient au point où il s’est trouvé quelques siècles auparavant. Mais, comme la courbe dont je parle, l’esprit de l’homme, tout en revenant vers le point où il a déjà passé, s’en écarte de plus en plus à chaque révolution qu’il opère. Toutefois, les conséquences des principes que nous combattons sont naturelles, et, je le ré- pète, inévitables. Il ne serait pas nécessaire de sortir de la Suisse pour trouver des gens qui, à cette heure même, tirent ces conséquences et les pratiquent. Quand l’homme est parvenu à abattre, ou du moins, à tourner la digue solide que Dieu a mise à ses doutes et à ses passions, l’Ecriture, il ne trouve plus rien qui l’arrête. Les scandaleux désordres auxquels se livrèrent les spirituels dans Genève, il y a juste trois siècles, sont un avertissement solennel donné à la génération actuelle. Celui qui a voulu que, au commencement de la dispensation évangélique, il y eût des Ananias, des Saphira, des nicolaïtes, pour effrayer les siècles futurs, a voulu aussi qu’au commencement de notre bienheureuse Réformation, il y eût des libertins spirituels pour épouvanter tous ceux qui seraient tentés d’oublier l’autorité unique et souveraine de ce qui est écrit dans la Parole de Dieu.

Quelques-uns mêmes pensent que l’erreur qui se propose de renverser l’autorité de l’Ecriture de Dieu pour lui substituer l’autorité personnelle, a plus de chances de succès de nos jours qu’elle n’en avait au seizième siècle. « Cette erreur, disent-ils, n’était pas dans l’esprit général du seizième siècle; mais elle est tout à fait dans l’esprit du nôtre. » Je dois reconnaître ce qu’il y a de fondé dans cette pensée. Cette doctrine est en effet, pour ainsi parler, le complément théologique de l’idée fausse et funeste de notre siècle qui, à la soumission à une autorité supérieure, substitue partout l’indépendance et l’autorité individuelle. Il y a donc dans la décadence de la société chance pour ces erreurs.

Mais si le mal a progressé, le bien a progressé de même. Si les entendus tombent facilement dans ces doctrines fatales, les simples, les chrétiens vivants ne se laisseront pas entamer. Il en est des enfants de Dieu comme «des corps organisés qui ont la faculté de rejeter toute substance étrangère par le jeu de la vie.» L’Eglise vivante sentira partout que ces erreurs lui sont contraires et les repoussera. Elles ne seront que comme un tamis destiné à séparer ce qui a parmi nous la vraie vie de ce qui n’en a que l’apparence.

Cela est si vrai que nous avons plutôt à craindre une réaction exagérée. Oui, Messieurs, et c’est un fait qui demande toutes vos prières, la nacelle de l’Ecole, et je puis dire de l’Eglise, vogue maintenant entre deux courants opposés: il y a le courant des amis de la science, qui s’oppose à la Sainte Ecriture de Dieu; il y a le courant des amis de la Sainte Ecriture de Dieu qui s’oppose à la science. D’un côté se trouve la beauté intellectuelle du savoir et du talent; de l’autre, la beauté spirituelle de la vie intérieure et de l’activité chrétienne. S’il fallait absolument, pour garder une de ces choses, rejeter l’autre, notre choix ne serait pas douteux: nous abandonnerions l’intellectualisme des savants pour la piété des humbles. Mais, Messieurs, nous ne voulons nous laisser entraîner dans aucun extrême. Nous rejetons la science qui se fait la maîtresse des Ecritures de Dieu, mais nous réclamons celle qui se fait leur servante. Nous voyons de grandes misères pour l’Eglise, si l’on repousse l’un ou l’autre de ces éléments: la science ou la foi. Maintenant plus que jamais, une science vraiment scripturaire est nécessaire pour combattre de subtiles erreurs et ramener sans cesse l’Eglise aux sources primitives de la vie.

Comprenez le bien, si nous voulons conserver les Ecritures, c’est pour conserver la vie, la doctrine, Jésus-Christ lui-même. On a entendu quelques personnes dire que, tout en rejetant les attaques dirigées contre les Ecritures, elles sympathisaient avec d’autres manifestations provenues récemment de la même plume, et croyaient que la vraie sanctification était dans la conformité à l’image de Jésus. Est-ce là, je le demande, ce qui est en question? Les enfants de Dieu de tous les siècles, qui jour et nuit méditent dans la loi de l’Eternel, n’ont-ils pas toujours cherché leur sanctification dans la conformité à l’image de Jésus? Non, la question n’est pas là, mais voici où elle se trouve. Faut-il se conformer à l’image de Christ, telle que nous la donnent les Ecritures inspirées de Dieu, du Christ vrai, du Christ toujours le même, ou bien, faisant un triage dans ces Ecritures, et en retranchant ce qui ne nous plaît pas, faut-il nous conformer à l’image muable du Christ, de nos rêveries, de notre entendement et de notre imagination? Voilà la question.

Messieurs, Christ notre sagesse, Christ notre justice, Christ notre sanctification, Christ notre vie, Christ notre espérance, Christ notre rédemption, voilà Celui qu’il nous faut garder. L’ennemi cherche sans cesse à l’enlever, dût-il même se présenter comme un ange de lumière. Résistons à l’ennemi, et ils ‘enfuira loin de nous. L’Ecriture Sainte maintient seule Jésus-Christ, et l’Esprit seul nous le donne par l’Ecriture. Ah! gardons Jésus-Christ, et pour cela gardons l’Ecriture par le Saint-Esprit!

J.-H. M. d’A.

UNE PAGE D’HISTOIRE

Le témoignage de l’Histoire (1re partie)

Notice biographique: Jean-Henri Merle d’Aubigné, descendant du fameux écrivain protestant Agrippa d’Aubigné, fut un historien et un théologien genevois (1794-1872). Il exerça le ministère de pasteur et de professeur à l’école de théologie protestante fondée par le « Réveil. de Genève ». Il eut entre autres comme collègue Louis Gaussen, dont l’ouvrage sur la Théopneustie des Ecritures contribua fortement à remettre à l’honneur la doctrine de l’inspiration plénière de la Bible.

Nos lecteurs perspicaces ne manqueront pas de remarquer l’entière actualité du discours que nous publions.

Le texte dont nous commençons la publication ci-dessous est le troisième discours de J.-H. Merle d’Aubigné sur le thème de l’Autorité des Ecritures inspirées de Dieu. Les deux premiers sont intitulés:
Le Témoignage de Dieu
Le Témoignage des hommes
Ces discours ont été publiés pour la première fois en 1850 par la Société des Traités religieux de Toulouse. Nous avons utilisé l’édition de 1916 publiée par le Bureau de l’Alliance Biblique à Genève.

Le Témoignage de l’Histoire

1re partie

Le but de la Société évangélique qui nous rassemble aujourd’hui n’est pas un, comme celui d’une société biblique ou d’une société des missions: il est multiple. Cette Société s’occupe à la fois de la dissémination des Saintes Ecritures, de l’évangélisation des âmes et de l’ enseignement de jeunes chrétiens que le Seigneur appelle à devenir ministres de sa Parole. Je me suis demandé lequel de ces divers départements devait surtout nous occuper à cette heure, et il m’a paru que le choix n’était pas douteux.

En vous convoquant cette année à cette fête chrétienne, nous avons compris que c’était plus que jamais autour des Saintes Ecritures de Dieu, de leur inspiration, de leur divine autorité, que nous vous appelions à vous réunir. Le Seigneur, en permettant des circonstances qui vous sont connues, a donné lui-même cette indication; nous l’avons acceptée.

Un chrétien d’Allemagne, le pieux et érudit Rieger disait: « Un cour large et une conscience étroite, voilà la devise du chrétien ». C’est la répétition des paroles de Paul: «La vérité dans la charité». Nous nous sommes appliqués à suivre cette voie évangélique dans des circonstances qui ont déchiré nos cours. Les uns ont dit que nous avions agi trop promptement; les autres ont dit que nous avions agi trop lentement. Peut-être ces jugements contradictoires indiquent-ils que nous n’avons agi ni trop promptement ni trop lentement; et nous désirons faire de même à l’avenir. Pour tout ce qui regarde les personnes, nous demandons à Dieu un cour large. Nous pardonnons le mal qui nous a été fait, nous ne disons pas fait à nous personnellement, mais à une institution qui nous est si chère. Toutes les fois que se présentent à nous quelques-unes de ces paroles qui, portant atteinte aux Ecritures de Dieu, nous percent l’âme, nous aimons à diriger aussitôt nos pensées sur des qualités aimables, sur de beaux talents, sur une conviction sincère, pour adoucir notre blessure. Nous n’avons pas même voulu rectifier les rapports inexacts qui ont été faits en divers lieux. Nous avons gardé le silence, disant comme Luther: « Seulement il faut de la foi, de peur que la cause de la foi ne se trouve être sans foi ». Nous eussions fait plus encore, si la conscience nous y eût autorisés. S’il ne s’était agi que de choses secondaires, de nuances sur la doctrine de l’inspiration, nous aurions été heureux de faire des sacrifices à la charité sans compromettre la vérité. Nous voulons qu’une certaine liberté soit maintenue à l’ enseignement théologique. Mais toute liberté a des limites qu’on ne peut franchir sans porter atteinte à l’existence des choses. La question qui a été débattue parmi nous n’était pas une question de nuances; il s’agissait du maintien ou de l’abandon de l’un des principes les plus essentiels du christianisme évangélique: l’inspiration et l’autorité divine des Saintes Ecritures; nous ne pouvions dès lors hésiter. Les vingt-et-un membres de votre comité général ont agi dans toute cette affaire avec la plus parfaite unanimité. Fidèle au principe que nous avons suivi, je désire ne point vous entretenir ici de ce qui s’est passé parmi nous, mais seulement vous présenter la question qui nous occupe, d’abord sous le point de vue de la théorie, ensuite sous le point de vue de l’histoire en vous rappelant quelle fut, il y a trois siècles, la première invasion dans Genève des erreurs qui nous occupent.

Toutefois, il est si important à mes yeux de réserver la liberté de chacun dans le sujet dont il est question, que je rappelle ce qui a déjà souvent été dit: que le discours du président lui appartient en propre, et que la pensée et la responsabilité du comité ne se trouvent que dans les rapports des départements.

I

Il y a des difficultés dans la doctrine de l’inspiration, et chacun doit respecter ici la liberté individuelle de ses frères. Comment Dieu a-t-il agi sur les agents qu’il a employés pour communiquer avec l’homme? A-t-il toujours agi sur eux précisément de la même manière? Quels sont les moyens qui ont mis ces agents en état de distinguer leurs propres mouvements des mouvements de l’Esprit divin? On peut différer sur ces questions et sur beaucoup d’autres; on peut même n’avoir sur elles aucun avis arrêté. Mais il est un fait simple et significatif, un fait d’une souveraine importance, qui doit être admis de tout chrétien évangélique; le voici: « Toute Ecriture est inspirée de Dieu » (2 Tim 3.16).

Il y a dans la révélation écrite, qui est la Bible, comme dans la révélation vivante, qui est Jésus-Christ, deux natures, deux facteurs: Dieu et l’homme; il ne faut omettre ni l’un ni l’autre. Il y a un Emmanuel, DIEU AVEC NOUS, pour la Bible comme pour le Sauveur.

Oui, il y a l’homme dans la Bible. Ce n’est ni une trompette, ni une voix, ni une plume, ni une main que Dieu a employées pour nous donner la connaissance du salut; ce sont des esprits, des volontés, des cours. Les écrivains sacrés n’ont pas été, comme Balaam ou Caïphe, des instruments passifs: ils ont été des organes vivants, agissants, imprimant à leurs écrits le cachet de leur individualité.

Mais il y a aussi Dieu dans la Bible. Si l’enseignement qui s’y trouve n’était pas celui de Dieu même, la présence du péché dans l’homme n’aurait-elle pas empêché les écrivains sacrés de nous transmettre la vérité pure et sans alliage? N’en serait-il pas résulté pour nous le doute, le trouble, l’incrédulité? La révélation n’eût-elle pas ainsi manqué son but?

Et non seulement l’Esprit divin a inspiré aux écrivains sacrés les doctrines, les pensées, il leur a aussi donné l’expression propre, les paroles. Il n’y a pas d’idées sans mots. Si l’Esprit-Saint ne donnait pas les paroles, il eût été possible que l’homme; laissé à ses influences naturelles, se servît de mots qui ne rendissent pas son idée. Quand vous faites faire un message à un ami, supposez même qu’il ne s’agisse que d’une invitation et de l’heure à laquelle vous l’attendez, vous préférez ne pas en charger verbalement votre serviteur, de crainte d’erreur de sa part, et vous lui donnez le message dans un billet écrit de votre main. Et Dieu ne ferait pas pour le salut éternel ce que l’homme fait pour un festin?

Seulement on pourrait ici distinguer deux systèmes: l’un, soutenu en Allemagne au dix-septième siècle, qui s’attacherait avant tout à l’inspiration des mots, et ensuite en déduirait celle des choses; et l’autre qui, s’attachant avant tout à l’inspiration des choses; en déduirait ensuite celle des mots, comme une conséquence nécessaire. C’est ce dernier système que je soutiens.

Mais, si je maintiens l’inspiration des paroles, non pour la lettre, mais en tant que nécessaire à celle du sens, je crois aussi à l’inspiration de toutes les parties de l’Ecriture. C’est un travail fort peu rationnel que celui de vouloir distinguer dans la Bible ce qui est inspiré de ce qui ne l’est pas. Et que devra-t-on exclure de la Bible? Sera-ce la loi, comme étant une économie1 de la lettre? Mais la loi, sans parler de tous ses autres buts, n’est-elle pas aussi « prophétique »? Ne vient-elle pas, par conséquent, de l’Esprit?
Ou bien, voudra-t-on distinguer entre doctrine et histoire? Mais l’Histoire biblique est-elle autre chose qu’une révélation des desseins et du salut de Dieu? Et la manifestation de Dieu en chair par Jésus-Christ n’est- elle pas à la fois histoire, mais doctrine, – doctrine, mais histoire?

Approchons-nous davantage de ce qui fait le sujet de la discussion actuelle.

L’essentiel, pour l’homme, c’est de connaître le salut de Dieu. Quel est le moyen par lequel il y parviendra?

Ce moyen peut être dans l’homme, ou au-dehors et au-dessus de l ‘homme. C’est cette distinction que Luther a faite quand il a dit: « Ce n’est pas sur le roc de la Parole de Dieu, c’est sur le sable de la raison de l’homme que repose l’église du Pape ».

L’Eglise évangélique fait reposer la connaissance chrétienne sur un principe pris en dehors et au-dessus de nous, dans une sainte et infaillible Ecriture. Selon tous les théologiens, il y a deux principes essentiels du christianisme évangélique: 1° la justification par la foi vivante en Christ et 2° la soumission à l’autorité souveraine des Ecritures. Aussi un docteur allemand de nos jours, le professeur Müller, de Halle, dit-il: « Celui qui ne reconnaît pas le dogme de la justification par la foi et l’autorité de la Bible, renonce à l’église protestante ».

Mais, si l’on rejette la Bible comme autorité divine, comme le témoignage qui donne la connaissance chrétienne et sur lequel la foi repose, qu’est-ce donc qu’on lui substituera?

Quatre écoles se sont ici présentées et, éloignant l’Ecriture, que l’Eglise évangélique met en avant, lui ont substitué chacune une autre source de vérité.

D’abord viennent les mystiques, dont les plus exagérés prétendent que le règne de l’Esprit et celui de la « lettre » sont deux règnes hostiles et incompatibles; que la vérité provient d’une illumination intérieure, indépendante de l’Ecriture, et que, quand on est placé face à la Bible, on possède en soi le principe d’un triage spirituel qui enseigne ce qu’il faut en prendre et ce qu’il faut en laisser.

Il est à craindre, d’après notre pauvre nature, que dans ce triage spirituel, chacun ne laisse précisément de la Bible ce que, selon la volonté de Dieu, il devrait avant tout en prendre. C’est le même risque que l’on courrait quand on présenterait à un enfant malade des médecines et des bonbons, et qu’on lui dirait: « Mon enfant, fais le triage selon le principe que tu possèdes en toi »,

Après cette première école, j’indique seulement les trois autres: la rationaliste, qui substitue la raison à la Bible; la catholique, qui compte des adhérents même dans les églises protestantes et qui lui substitue la tradition; enfin, la papiste, qui lui substitue l’infaillibilité du pape. Toutes ces erreurs se touchent. L’école mystique tombe aussi facilement dans la tradition. Un célèbre théologien allemand contemporain, Twesten, combattant les vues que nous combattons nous-mêmes, dit: « Si l’inspiration n’était pas autre chose qu’un certain génie religieux, ne devrions-nous pas trouver juste que les catholiques missent à côté de la Bible les écrits des Pères de l’Eglise, d’un Saint-Augustin, d’un Saint-Bernard, d’un Saint-Thomas d’Aquin, puisqu’on ne peut certainement leur contester le génie religieux? »2 Ainsi parle Twesten, et, en effet, ceux qu’il combat, les mystico-rationalistes, donnent volontiers à des écrits humains, par exemple à l’Epître de Barnabas, la même valeur qu’à la Sainte Ecriture. Le mysticisme et le rationalisme nous ramènent ainsi au catholicisme.

C’est avec l’opinion mystique, mêlée d’une dose de rationalisme et d’une moindre dose de traditionalisme, que nous avons surtout maintenant à faire.

Mais, dira-t-on, n’ont-ils pas raison, les docteurs et les fidèles qui s’élèvent contre la «lettre»? L’action du Saint-Esprit n’est-elle pas l’ouvre importante et par excellence dans le christianisme? Oui, Messieurs, il est aussi très important de placer les choses dans l’ordre voulu de Dieu. Il n’est pas nécessaire d’introduire des termes étranges pour créer de grandes hérésies: il suffit de changer l’ordre des termes que Dieu donne. Par exemple, comment la papauté arrive-t-elle à sa grande hérésie, celle du salut par les ouvres? Elle n’introduit rien de nouveau. Elle trouve deux mots dans l’Evangile: «salut», «ouvres», qui désignent deux choses très nécessaires; et elle se contente d’en intervertir l’ordre. Elle met le premier terme à la seconde place, et le deuxième terme à la première. Tandis que l’Evangile dit: «D’abord le salut, et ensuite les ouvres comme conséquences du salut», Rome dit: «D’abord les ouvres, et ensuite le salut comme conséquence des ouvres». Ce n’est, dira-t-elle, qu’un tout petit changement dans l’ordre des mots dont on se sert. Oui, mais ce petit changement produit une immense hérésie, qui perd les âmes et qui renverse, pour ainsi dire, le ciel et la terre.

Il en est de même dans la question qui nous occupe. La Parole écrite et le Saint-Esprit, voilà les deux termes, les deux organes par lesquels Dieu communique la vérité qui sauve. Mais quel est le rapport entre cette Parole et cet Esprit, selon la Bible et selon les églises évangéliques?

Je préfère ne pas vous indiquer ce rapport moi-même, mais avoir recours pour cela à d’autres théologiens, et je choisirai de préférence des plus libéraux, de ceux que l’on représente (à tort, sans doute) comme des partisans de l’opinion que je combats.

Le premier que je citerai sera le docteur Nitzsch, actuellement professeur à Berlin. Voici ce qu’on lit dans sa Dogmatique, à l’article intitulé: «Parole de Dieu et Esprit»: «Le don de l’Esprit est lié lui-même à la Parole de Dieu qui le précède. Ce rapport ne cesse jamais, en sorte que la connaissance chrétienne ne peut jamais être puisée dans une source purement intérieure, et que chaque appel à la lumière intérieure, avec mépris de la Parole extérieure, aboutit infailliblement à un enthousiasme vide de sens, à une creuse extravagance».

Je vous ai cité le docteur Nitzsch d’autant plus volontiers qu’il est, avec le docteur Müller, que je vous ai déjà nommé, et le savant Néander, fondateur d’un nouveau «Journal allemand de la science et de la vie chrétienne» qu’on dit vouloir modifier les doctrines reçues touchant l’Ecriture. «Toute action de l’Esprit-Saint, dit aussi Twesten dans sa dogmatique, a pour condition, pour organe, la Parole de Dieu dans l’Ecriture».

C’est là, Messieurs, ce qui avait été établi dès les premiers temps de la Réformation. Luther appelle ceux qui disent que l’Ecriture est une lettre morte, et qui ne vantent que l’Esprit: «Tolle Geister, Rottengeister», c’est-à- dire des fous et des brouillons. « La lettre ne donne pas par elle-même la vie, dit-il, mais elle doit être là, afin que par elle l’Esprit-Saint agisse dans le creur. Si l’on parle d’un Esprit que l’on ne reçoive pas par la Parole écrite, ce n’est pas le bon Esprit; c’est le diable tout pur sorti de l’enfer »3. Je le déclare avec la plus ferme conviction, pas un théologien éclairé ne bronchera sur ce point, même en Allemagne.

Müller, Néander, Nitzsch, Tholuck ont trop de science et de bon sens pour tomber dans cette creuse extravagance que l’un d’eux stigmatise. Quelques-uns de leurs disciples peuvent aller plus loin qu’eux, et cela mérite toute leur attention, mais jamais les maîtres n’adhèreront à ce divorce que l’on proclame entre l’Esprit et l’Ecriture. Des nuances séparent notre opinion de celle des théologiens dont je parle, mais entre eux et l’opinion que nous combattons, il y a, ou je me trompe fort, un abîme.

Remarquons qu’il faut distinguer parmi les mystiques deux écoles.

L’une, plus modérée, que j’appellerai mystique-chrétienne, reconnaît l’Ecriture comme inspirée de Dieu, mais seulement admet le Saint-Esprit comme instruisant indépendamment de l’Ecriture; c’est l’opinion du quaker Barklay. Cette erreur a de nombreux dangers, mais ceux qui la professent, il faut le reconnaître, possèdent encore la Parole et l’Esprit.

La seconde école, plus extrême, et que j’appellerai mystique-rationaliste, ne reconnaît pas l’inspiration de l’Ecriture, ne voit dans cette doctrine qu’une «ventriloquie cabalistique», et veut y substituer simplement le «noble accent de la voix humaine». Je désire qu’il y ait quelque exception à la règle; mais je crains que l’on ne doive dire, en thèse générale, que les disciples de cette école n’ont ni la Parole qu’ils rejettent, ni l’Esprit qu’ils revendiquent; car, vous l’avez entendu, l’un est lié à l’autre, et en rejetant l’un on perd l’autre.

Oui, Messieurs, il y a une foi à la Sainte Ecriture, L’Eglise repose sur la conviction vivante des chrétiens que la même puissance de Dieu qui, aux temps évangéliques, donna la Parole et les enseignements des apôtres, a donné aussi alors l’Ecriture, et l’a donné suffisante, parfaite, infaillible, pour manifester clairement et sûrement dans tous les siècles la volonté immuable de Dieu. Cette ferme confiance dans les Saintes Ecritures est une grâce du Saint-Esprit et la mère de toutes les grâces. Celui qui la perd, perd un don de Dieu, et il est en danger de perdre tous les autres.

Vous vous trompez, diront sans doute des personnes inexpérimentées qui adhèrent au nouveau système: nous ne perdons rien. Au contraire, la doctrine que nous recevons est un nouveau soleil qui se lève sur le monde, une seconde réformation, une ère nouvelle de lumière, de liberté et de vie, un moyen de satisfaire ceux qui désirent une catholicité véritable et d’amener à bonne fin l’union de tous les chrétiens.

Ces prétentions, Messieurs, ne sont pas nouvelles. Déjà les mystiques du Moyen-Age annonçaient qu’après l’économie du Père (Ancien Testament), l’économie du Fils (Nouveau Testament), ils allaient, eux, commencer l’économie de l’Esprit. D’autres fois, ils disaient qu’après la période de Paul, puis de Jacques, on allait entrer dans la période de Jean; et le fantasque Swedenborg, qui a des rapports avec la doctrine que nous combattons, annonçait, en 1770, «la nouvelle Eglise, l’accomplissement spirituel de l’Eglise chrétienne, pour former la nouvelle Jérusalem».

En faisant briller ces feux follets, on a de tout temps engagé infailliblement une jeunesse généreuse, mais imprudente, dans des mares dormantes et périlleuses. Il est important de peser la valeur de cette prétention.

Il y a dans le Cours d’histoire ecclésiastique du docteur Néander une réflexion qui m’a toujours frappé, non par sa nouveauté, elle est si évidente que bien d’autres l’ont faite avant et après lui, mais par sa vérité et son importance. Parlant des diverses utilités de l’Histoire de l’Eglise, le docteur remarque qu‘elle sert à nous faire discerner les maux dont nous pouvons être menacés, en nous présentant le tableau de ces mêmes maux dans les siècles antérieurs. « La nature humaine, dit-il, est, quant à ses erreurs, la même dans tous les temps: L’Histoire nous fournit, en conséquence, les meilleurs moyens de combattre de la manière la plus utile les sources du mal qui, de nos jours, paraissent dans l’Eglise, car elle nous montre que ce sont les mêmes causes qui, dans tous les temps, se sont opposées aux effets du vrai christianisme »4.

Au fond, cette parole de Néander revient à celle de Salomon: « Il n’y a rien de nouveau sous le soleil« . J’ai donc pensé qu’il pourrait être utile de vous présenter ici un petit chapitre d’Histoire. Nous savons la nature de l’opinion qui s’est manifestée parmi nous; mais nous ne savons pas encore le rôle qu’elle doit avoir dans l’Eglise. Or, nous pouvons le connaître en considérant cette même opinion dans les siècles antérieurs: ce nouveau soleil, ce système réformateur, ce ne sont, il faut bien le dire, que des idées rebattues et des moins estimables de toutes celles que nous fournit l’Histoire. Nous avons donc ici une règle de trois; il y a un terme que nous ne connaissons pas, mais il y en a trois que nous connaissons, et vous savez qu’avec trois termes que l’on connaît on peut obtenir d’une manière parfaitement exacte le quatrième ou l’inconnu.

Pour essayer l’expérience indiquée par Néander, je voudrais donc fouiller dans nos annales trois siècles en arrière, et voir quels sont les docteurs qui, les premiers dans Genève, ont substitué à l’autorité de Dieu dans l’Ecriture l’autorité individuelle de l’homme, en lui donnant le nom de Saint-Esprit. Permettez-moi de vous offrir comme offrande de bienvenue, dans notre Genève de 1850, un tableau de Genève en 1550, un peu avant et un peu après.

(à suivre)

1 L’auteur emploie le terme ancien « économie » là où nous emploierions le mot « dispensation ». On appelle « dispensations » les différentes périodes que l’on peut distinguer dans l’accomplissement du plan de Dieu. (n. d. l. r.).
2 Twesten: Dogm. I, p. 423.
3 L. Opp., VIII, 1176.
4 Cours du Dr Néander à l’Université de Berlin.

Note de la rédaction: les passages en caractères gras le sont de notre propre initiative.


Constatation

Notre vingtième siècle est aussi le siècle de l’ocuménisme: les « chrétiens » récitent ensemble le Notre Père ocuménique, utilisent la Traduction Ocuménique de la Bible, la T.O.B., participent à des rencontres ocuméniques, assistent à des mariages ocuméniques, célèbrent des « baptêmes » ocuméniques… Une vraie hantise!

Une question

Il m’arrive fréquemment de commencer mes cours ou mes conférences sur l’ocuménisme par la question: « Ce mot se trouve-t-il dans la Bible? » Après quelques moments de silence, on entend un timide « oui » auquel répond un véhément « non ». A l’auditoire impatient, je réponds simplement par l’affirmative. En effet, le mot grec « oikoumenê » se trouve effectivement plusieurs fois dans le texte sacré des Ecritures: Mat 24.14, Luc 2.1 et Apoc 3.10. Il est traduit dans nos versions par le monde entier ou toute la terre. C’est dans ce sens que les premiers conciles de l’Eglise sont ocuméniques.

Que de divisions !

Sans entrer dans les détails de l’Histoire de l’Eglise, nous devons avouer que souvent ceux qui se réclament du Christ sont à l’origine de nombreuses divisions. Dans les premiers siècles, on assiste aux querelles trinitaires (Dieu est-il unique en trois personnes?), puis christologiques (Jésus est-il Dieu, est-il de nature divine ou humaine, possède-t-il les deux natures?). Plus tard vont naître des divergences quant à la succession apostolique, au baptême, à l’autorité dans l’Eglise (Bible ou tradition?).

Deux dates sont à retenir: 1054 voit la chrétienté se diviser en deux blocs, l’Occident reconnaissant l’Eglise catholique Romaine, l’Orient l’Eglise Orthodoxe; 1517 marque le début de la Réformation, berceau des Eglises Protestantes.

Tableau actuel

Avec tristesse, nous devons constater que les « chrétiens » sont divisés et appartiennent à des organisations fort variées.

Un bref aperçu.
Ils sont:
-catholique romains sous la houlette du pape qui se veut successeur de l’apôtre Pierre; leur Eglise est hiérarchisée et convaincue d’être la seule véritable en dehors de laquelle on ne saurait être vraiment sauvé, elle se croit investie de la mission d’établir le Royaume de Dieu sur la terre;
-catholiques indépendants refusant l’autorité papale, tout en célébrant la messe et les sacrements selon le rite romain;
-vieux-catholiques en communion avec l’archevêque d’Utrecht. Ils n’acceptent pas le dogme de l’infaillibilité du pape promulgué en 1870;
-orthodoxes répartis en plusieurs Eglises autocéphales, en communion avec le patriarche de Constantinople; connus pour la vénération des icônes;
-orthodoxes indépendants: coptes, arméniens, syriens, nestoriens, maronites, ruthènes, melkites…
-uniates gardant jalousement leurs particularités liturgiques tout en acceptant l’autorité du pape;
-anglicans dont la foi est résumée dans le « quadrilatère de Lambeth » (autorité des Ecritures, autorité des symboles des Apôtres et de Nicée, pratique des deux sacrements du baptême et de la sainte cène, Soumission à un épiscopat historique). Ils sont en communion avec l’archevêque de Cantorbéry , mais leur chef est la Reine d’Angleterre!
-luthériens qui veulent suivre la Confession d’Augsburg de 1530. Ils gardent deux sacrements et un certain faste dans le culte;
-réformés ou presbytériens ou calvinistes, pratiquant un culte plus dépouillé. Ils ont une organisation démocratique ou presbytérienne synodale;
-baptistes, revenus à la pratique biblique du baptême par immersion des seuls convertis. Leurs églises sont congrégationalistes;
-méthodistes issus du puissant réveil dont l’instrument fut John Wesley, en Angleterre au 18e siècle;
-autres, car la liste pourrait bien s’allonger avec les mennonites, les darbystes, les frères larges, les salutistes, les quakers, les moraves, les pentecôtistes Le tableau se complique encore lorsque l’on sait que, dans chacune de ces dénominations, vous avez des charismatiques et des non-charismatiques!

Efforts ocuméniques du passé en France et ailleurs

Le Colloque de Poissy (1561) en France n’arrive pas à une entente entre catholiques et réformés. Le Synode de Tonneins (1614) accepte le principe d’une réconciliation entre les différentes branches de la chrétienté.

Dès 1804, la Société Biblique Britannique et Etrangère collabore avec différentes Eglises de la Réforme.

Le « Mercure de France » publie un article percutant, invitant Napoléon 1er (!) à réunir tous les cultes… dans l’Eglise Catholique, et ceci en 1806.

En 1822, des chrétiens d’origines ecclésiastiques diverses, créent la Société des Missions Evangéliques de Paris.
Vingt-deux ans plus tard, George Williams veut mobiliser des jeunes appartenant à différentes Eglises: ce seront les Unions Chrétiennes de Jeunes Gens.

Par la suite, nous sommes témoins de deux phénomènes interprétés comme des signes d’unité: le regroupement d’églises de la même dénomination, d’une part; une collaboration plus étroite entre églises différentes, d’autre part.

Quelques dates marquantes:
1855: Alliance Universelle des Unions Chrétiennes de jeunes Gens
1867: Synode pan-anglican et première Conférence de Lambeth
1868: Fédération Luthérienne Mondiale
1875: Alliance Réformée Mondiale
1881: Conseil Méthodiste International
1889: Conférence des évêques vieux-catholiques
1891: Conseil Congrégationaliste International
1892: Conférence de Grindelwald (Suisse) pour les anglicans et non anglicans
1905: Alliance Baptiste Mondiale

Naissance de l’Alliance Evangélique

Dans la liste précédente, une date a été (volontairement) omise, car elle mérite une mention spéciale.

A Londres, en 1846, venant de 52 églises différentes et de 12 nations, 921 chrétiens se retrouvent pour fonder l’Alliance Evangélique. Ces délégués veulent manifester l’unité en Jésus-Christ. Il ne faut plus que les chrétiens se disputent alors que le monde court à sa perdition. A cette rencontre de Londres, l’adjectif « ocuménique » (dans le sens actuel) est utilisé pour la première fois.

Fusions et Fédérations

Désormais de plus en plus, une forme d’ocuménisme vise une fusion pure et simple de dénominations proches. En Allemagne, des églises Luthériennes et Réformées fusionnent en Eglises unies. En France, c’est en 1938, le remembrement de l’Eglise Réformée .regroupant des réformés libéraux, des réformés évangéliques, quelques libristes et quelques méthodistes. Au Canada, les méthodistes, congrégationalistes et presbytériens formeront l’Eglise Unie du Canada. En Inde, on verra en 1947, la fusion d’églises de type épiscopal et d’églises de type presbytérien synodal: ce sera la célèbre « Eglise de l’Inde du Sud ».

Dans de nombreux pays, les Eglises issues de la Réforme se fédéreront et nous voyons naître les Fédérations Protestantes, en France, en Suisse, en Belgique et ailleurs.

Démarrage officiel

Les historiens de l’Eglise sont unanimes: l’ocuménisme officiel à l’échelle mondiale est mis sur rail en 1910 par la grande Conférence missionnaire d’Edimbourg. Cent soixante sociétés missionnaires décident de coordonner leurs efforts en vue de l’évangélisation du monde, sans esprit de concurrence. Le Conseil International des Missions est né.

Deux autres mouvements parallèles voient le jour:
1. Vie et Action: il faut agir ensemble même si doctrinalement l’accord n’est pas réalisable; c’est un christianisme pratique sans doctrine claire. Conférences à Stockholm en 1925 et à Oxford en 1937.
2. Foi et Constitution: il faut confronter les doctrines, en insistant surtout sur tout ce qui unit. Conférences à Lausanne en 1927 et à Edimbourg en 1937.

Un Comité de 14 membres, durant une rencontre à Utrecht en 1938, propose la fusion de Vie et Action et de Foi et Constitution pour former le Conseil Ocuménique des Eglises. La Seconde Guerre mondiale retardera la réalisation de ce désir.

Le Conseil Ocuménique des Eglises

Il voit le jour le 22 août 1947, avec son siège à Genève, 150 Rte de Femey. Voyons rapidement ses grandes assemblées:
1. Amsterdam (1948): des délégués de 147 Eglises de 44 pays se rencontrent pendant 15 jours. Ils élaborent une (sommaire) Confession de foi.
2. Evanston (1954): les quelques 1000 délégués acceptent 16 nouvelles églises et proposent une espérance chrétienne dans le monde d’aujou d’hui.
3. New-Delhi (1961): les églises membres se montent à 198; pour la première fois l’Eglise Catholique a mandaté cinq observateurs. Le Conseil International des Missions est intégré au Conseil Ocuménique, plusieurs Eglises orthodoxes (dont celle de Russie) et pentecôtistes (du Chili) sont reçues comme membres, la nouvelle Confession de foi est acceptée par 383 oui, 36 non et 7 abstentions.
4. Uppsala (1968): cette Assemblée dont le thème est pourtant: Voici, je fais toutes choses nouvelles, s’est penchée plutôt sur le social; la spiritualité est en baisse. Les 235 Eglises membres affichent de profonds désaccords, ce qui a fait dire à un journaliste, et non sans humour: « A Uppsala, ce fut une vraie uppsalade! »
5. Nairobi (1975): pas de faits marquants à signaler.
6. Vancouver (1983): le Conseil Ocuménique prétend représenter 400 millions de chrétiens, il souhaite organiser des rencontres avec des juifs, des bouddhistes, des hindous, des musulmans, des marxistes… et qui encore?
7. Canberra (1991): ce fut une rencontre plutôt mouvementée, avec plusieurs accents nettement syncrétistes.

Et l’Eglise Catholique?

L’encyclique « Mortalium Animos » du pape Pie XI, en 1928, condamne toute participation des catholiques au mouvement ocuménique.

Quatre ans plus tard, l’abbé Couturier de Lyon propose une semaine de prière pour l’unité des chrétiens pour chaque année, du 18 au 25 janvier. Afin de permettre la participation de non catholiques à cette semaine de prière, l’abbé Couturier précise qu’il s’agit de l’unité « telle que Dieu la veut et par les moyens qu’il voudra ».

En 1962, le pape Jean XXIII convoque le Concile Vatican II: 17 églises non romaines (des orthodoxes russes aux unitariens universalistes) sont invitées comme observatrices.

Trois ans après, un cardinal proche du pape visite le siège du Cnseil Ocuménique. Un groupe de travail se forme avec 6 membres de l’Eglise Catholique et 8 du Conseil Ocuménique.

En 1969, le pape Paul VI en personne rend visite au Conseil Ocuménique à Genève.

Les changements depuis Vatican II

Beaucoup pensent que l’Eglise Catholique s’est profondément transformée à la suite de ce concile. Il n’en est rien en ce qui concerne le fond, la doctrine. Comment une institution millénaire qui se veut infaillible peut-elle changer? Il est vrai, beaucoup de changements mineurs, de forme, sont à noter. On a quand même travaillé à Vatican II: 521 votes, 6000 interventions, 16 textes publiés.
Depuis Vatican II, les protestants ne sont plus des hérétiques, mais des frères séparés; la messe n’est plus célébrée en latin, mais en français; le prêtre ne vous tourne plus le dos pendant les célébrations, mais vous regarde en face; les suicidés et les divorcés peuvent à nouveau être enterrés par l’Eglise…

Mais si les protestants sont à présent des frères séparés, ils doivent quand même revenir dans le giron de la Sainte Mère l’Eglise pour jouir pleinement du salut.

Une messe célébrée en latin ou en français est toujours une messe où s’effectue la transsubstantiation. Une erreur dite en latin ou une erreur dite en français est toujours une erreur.

Que le prêtre vous tourne le dos ou qu’il vous regarde en face, il est toujours, pour l’Eglise romaine, l’intermédiaire indispensable entre Dieu et l’homme, aussi important que Jésus-Christ.

Critiques des Evangéliques

L’ocuménisme est séduisant et toute âme sentimentale est touchée par cette unité factice. Mais ne voyons-nous pas dans l’ocuménisme de nombreux compromis, une théologie flottante, plutôt sociale, humanitaire, politique, humaniste, pro-romaine et même jusqu’à ces dernières années, communisante?

Les ocuménisants officiels ont-ils vraiment défini, Bible en main, l’unité, l’Eglise, le chrétien ? Parle-t-on de conversion, de nouvelle naissance indispensable? La collaboration entre multitudinistes (qui croient que tous sont chrétiens par le baptême des nourrissons) et professants (ne sont chrétiens que ceux qui professent une foi personnelle au Christ ressuscité) est-elle vraiment possible? Ne voyons-nous pas des « théologiens » de ce mouvement critiquer des textes bibliques, leur refusant la pleine inspiration et l’autorité souveraine? Peut-on encore parler d’évangélisation si tout le monde « est chrétien »? Et que dire des aides financières à des mouvements révolutionnaires? Et de la théologie de la libération de l’oppresseur, et non du péché? Peut-on unir croyants et incroyants? L’unité est-elle à fabriquer, ou à recevoir comme un don de Dieu? Attention, mes amis, danger! Dans l’Eglise, on n’agit pas comme dans le monde; l’Eglise du Seigneur n’est pas un bric-à-brac, un capharnaüm religieux.

Plaire à Dieu ou plaire aux hommes?

Cette alternative, si chère à l’apôtre Paul (Gal 1.10), reste toujours d’actualité, plus que jamais aujourd’hui. L’ocuménisme est à la mode et il est bien difficile de ne pas être à la mode. L’ocuménisme est le chemin facile et beaucoup le préfèrent. Si vous n’êtes pas pour cet ocuménisme, vous êtes taxés de sectaire (ceci est également à la mode), de borné, de rétrograde, d’intégriste. Plaire à Dieu, c’est faire des choix. Le message d’Elie (1 Rois 18.21) reste bien actuel. Plaire à Dieu, c’est examiner les Ecritures pour voir si ce qu’on nous dit est exact; plaire à Dieu c’est s’éloigner de toute organisation qui n’a pas de base solide, fondée sur la Bible. Oui, la majorité des « chrétiens » prône l’ocuménisme, la minorité le récuse. Il est toujours difficile d’être dans le camp minoritaire.

N’y a-t-il pas un bon ocuménisme?

Se basant sur la prière de Jésus, placée dans le contexte de Jean 17, un peu partout dans le monde, des chrétiens évangéliques veulent manifester l’unité du corps de Christ.

Face au Conseil Ocuménique est né, également à Amsterdam, et quelques jours avant celui-ci, le Conseil International d’Eglises Chrétiennes. Nous pouvons souscrire à sa doctrine, à ses précautions, à sa rigueur, mais pas toujours à ses agissements extrémistes.

Et l’Association des Eglises de Professants, et la Fédération Evangélique de France, et bien d’autres, voient des chrétiens différents vivre en authentique unité chrétienne.

Si nous avons en vue la gloire de Dieu et si le Seigneur nous inonde de sa vérité et de son amour, alors allons-y, soyons ocuméniques (de la bonne manière). Il y a plusieurs demeures dans la maison du Père…

Une proposition pratique

A mon (humble) avis, toute collaboration ocuménique est possible si nous professons les 6 points de la théologie du B.I.C.E.P.S. Il faut se mettre d’accord sur:
1. la même Bibliologie: la doctrine de la Bible, reconnaissant son inspiration plénière et son autorité souveraine;
2. une parfaite Intégrité, avant, pendant et après chaque effort commun;
3. la même Christologie: la doctrine du Christ qui affirme sa pleine divinité et sa pleine humanité;
4. la même Ecclésiologie: la doctrine de l’Eglise dont sont membres les seuls convertis;
5. la même Pneumatologie: la doctrine du Saint-Esprit donné à tous les chrétiens, à leur nouvelle naissance;
6. la même Sotériologie: la doctrine du salut, nous sommes sauvés par grâce, par le moyen de la foi personnelle, seule, et non par les ouvres;

Nous vivons dans une fin de siècle passionnante, mais difficile. Heureusement Dieu veille sur son Eglise, et rien ne peut la détruire. Que nous soyons toujours davantage unis au vrai Cep pour porter les fruits de l’Esprit, dont l’amour…

G. D.


Nous avons déjà parlé de George Whitefield et de Jonathan Edwards. Aujourd’hui, nous continuons nos articles sur Ies Réveils avec John Wesley, un des pionniers du «réveil méthodiste».

Le réveil méthodiste fut l’un des plus grands réveils de tous les temps, mis à part la Réforme. il a eu pour auteurs deux hommes, George Whitefield et John Wesley.

Une Angleterre corrompue

Ce renouveau spirituel a bouleversé la vie de tout un peuple à tel point qu’on a pu dire que Wesley a sauvé l’Angleterre d’une véritable faillite spirituelle et morale! Au début du l8e siècle, le Royaume d’Angleterre vit des moments effroyables. La corruption et la dégradation des moeurs ont atteints des sommets inimaginables et la spiritualité est quasi nulle. La raison de cet état catastrophique s’explique aisément: l’Eglise anglicane a été emportée par la vague de fond du déisme (1). Le déisme est la révolte de l’homme contre le dogmatisme de l’Eglise. La raison humaine s’émancipe et devient autonome par rapport à Dieu et à sa Parole. Les conséquences sont logiques: l’homme cherche à comprendre le monde par sa seule raison. Le déisme croit à l’existence de Dieu, mais il n’interviendrait plus dans les affaires des hommes. La foi au Dieu transcendant et révélé est ainsi évacuée. Les évêques délaissent leurs diocèses et font de la politique, tandis que les fidèles sont livrés à des prêtres qui hésitent à célébrer le culte ou à prêcher.

Si les églises anglicanes vont au plus mal, les autres églises (baptistes, presbytérienne, etc.) subissent les assauts de la philosophie déiste et l’arianisme fait des ravages dans les paroisses. Quant aux pasteurs, ils ont cessé de combattre…

Sur le plan social enfin, c’ est le désordre complet. Le niveau moral des Anglais est très bas, la police est impuissante devant le raz-de-marée de la criminalité. Dans bien des régions, c’est la débauche et la violence, surtout parmi la population ouvrière. Les mineurs de fonds sont qualifiés de «sauvages».

L’Angleterre est-elle perdue? Mais non! Dieu va susciter Whitefield, puis Wesley. Le miracle se produit. Des centaines de milliers de personnes se convertiront à Christ et seront délivrées de l’alcool et la débauche. Ce sera le réveil méthodiste.

L’enfance de Wesley

John Wesley est né en 1703 dans une famille pastorale anglicane. Il était le quinzième des dix-neuf enfants de Samuel et Suzanne Wesley. Son enfance fut marquée à jamais par l’amour et l’abnégation de sa mère. Cette femme admirable, fille du célèbre pasteur Satriuel Annesley et vingt-quatrième enfant d’une famille de vingt-cinq, se consacra tout entière à l’éducation de ses enfants. A l’âge de cinq ans, chaque enfant devait apprendre l’alphabet. Une fois l’alphabet appris, et dès le lendemain, l’enfant apprenait à lire la Bible! Chaque semaine, Suzanne Wesley avait un entretien spirituel avec chacun des enfants.

Chercher la volonté de Dieu en tâtonnant…

Il n’est pas étonnant que le jeune Wesley voulut à son tour servir Dieu. En 1720, Wesley commença ses études au collège de Christ à Oxford où il apprit le latin, 1’hébreu, le grec et le français. En 1725, il fut ordonné diacre et, l’année suivante, il devint suffragant dans la paroisse de son père. En 1729, il devint, enseignant au Lincoln’s College, où il enseigna les lettres.

C’est pendant ce séjour à Oxford que le frère de John Wesley, Charles, fonda une association religieuse d’entraide et de piété religieuse. Bientôt John Wesley en devint le chef. George Whitefield fréquenta également ce groupe dont les membres furent appelés «méthodistes» par dérision.

Mais Wesley voulait aller plus loin. Son zèle missionnaire l’amena en Géorgie. Au cours de son voyage, il rencontra des chrétiens moraves; il fut très impressionné par leur foi et leur sérénité face aux dangers de la traversée. Son séjour en Géorgie fut un échec. Il voulait convertir les Indiens, mais il n’était pas encore converti! Ce fut pour lui une douloureuse remise en question.

L’expérience décisive de Wesley

John Wesley se convertit le 24 mai 1738, quatre mois après son retour d’ Amérique, au cours d’une réunion d’édification. C’est en écoutant un texte de Luther (L’introduction de l’ épître de Paul aux Romains) que Wesley se donna entièrement à Christ. Son coeur se «réchauffa» et il reçut l’assurance du pardon des péchés et du salut.

Wesley était dans l’oeuvre de Dieu depuis treize ans. Son zèle et son dévouement étaient extraordinaires, mais les fruits maigres. Il fallut ni plus ni moins qu’une authentique conversion à Dieu pour que sa vie puisse être transformée. Depuis lors, sa vie et son ministère furent radicalement changés et les fruits abondants.

Un ministère extraordinaire

A partir de ce moment-là, sa vie se confond avec le Réveil méthodiste. John Wesley fut l’infatigable prédicateur du Réveil. Il sillonna sans cesse l’Angleterre. Il parcourut 400’000 km à cheval (soit 9 fois le tour de la terre!). Il prononça pas moins de 50’000 sermons et ses auditoires dépassaient parfois 20 à 30′ 000 personnes, chiffre énorme pour l’ époque, quant on sait que la population en Angleterre atteignait tout juste les huit millions d’habitants.

Bien entendu, le ministère de Wesley suscita une violente opposition. En 1743, à Wednesbury, une émeute frénétique se déclencha contre lui et ce fut par miracle qu’il réchappa à la foule déchaînée. Par ailleurs, il dut se séparer de l’Eglise anglicane. En effet, l’évêque de Bristol lui avait interdit de prêcher dans son diocèse. L’ironie des événements fit que la première chapelle méthodiste fut construite à Bristol!

La controverse arminienne

Nous ne pouvons pas passer sous silence la séparation de John Wesley avec son compagnon de combat, George Whitefield à propos de la doctrine de la prédestination. Wesley était «arminien» (2) tandis que Whitefield état «calviniste». Ce fut Wesley qui mit le feu aux poudres en publiant un traité De la Libre Grâce. Wesley réfutait avec une extrême violence la doctrine de la prédestination. Il déclarait notamment que «cette doctrine est tout à fait blasphématoire», qu’«elle fait se contredire la révélation», qu’«elle rend la prédication vaine», etc. Whitefield répondit avec sagesse et pondération. Malgré cela, les hommes se séparèrent en 1741.

Cette controverse, au demeurant fort regrettable, ne nuisit pas au développement du Réveil. Wesley et Whitefield, chacun de leur côté mais en se respectant mutuellement, servirent Dieu avec beaucoup de zèle. Dieu, en dépit de l’imperfection des hommes, était le vainqueur.

La fin de Wesley

Wesley est mort à l’âge avancé de 88 ans. Jusqu’au bout, il a été actif au service de son Maître. A 80 ans, il se levait à 4 heures du matin pour prier; à 83 ans, il travaillait près de 15 heures par jour; à 87 ans, presque aveugle, il continua de prêcher! Enfin, le Seigneur reprit son serviteur. Ses dernières paroles furent: «Ce qu’il y a de meilleur, c’est que Dieu soit avec nous.»

Wesley a laissé son monumental Journal qui est le journal de bord du Réveil du 18e siècle. Ses oeuvres complètes ne comportent pas moins de 32 volumes! Mais surtout, il a été l’homme qui par son rayonnement spirituel a «sauvé» l’Angleterre d’un véritable naufrage spirituel. On peut estimer, en effet, que près d’un million de personnes ont été touchées par la grâce de Dieu!

Dans une des dernières lettres de John Wesley, il écrivait: «Donnez- moi cent prédicateurs qui ne craignent que le péché et ne désirent que Dieu, et je ne me soucie pas plus que d’un fétu qu’ils soient pasteurs ou laïques; ils ébranleront les portes de l’enfer et établiront le royaume des cieux sur la terre».

NOTES:

(1) Le déisme est la doctrine qui admet l’existence d’un Dieu, sans référence à un dogme ni à une religion révélée.
(2) Arminius (1560-1609 ), théologien hollandais, s’opposait à la doctrine calviniste de la prédestination et de la persévérance finale. Selon lui, la grâce n’était pas irrésistible et l’homme, dans une certaine mesure, pouvait répondre positivement à l’appel de Dieu. La doctrine arminienne fut condamnée au Synode de Dordrecht en 1618. Les fameux «Canons de Dordrecht» explicitent la position calviniste de l’élection et de la persévérance finale.

P.R.


Qui connaît Jonathan Edwards? Peu, de nos jours. Et pourtant, lors d’un sondage d’opinion publique effectué en… 1900, seul Georges Washington, le premier président des Etats-Unis, remporte le plus de suffrages devant le pasteur Jonathan Edwards! Mais qui est cet homme, contemporain de Whitefield, très connu outre-atlantique et pratiquement inconnu dans nos pays francophones d’Europe? D’autant plus étonnant que les superlatifs qui lui sont attribués sont énormes. Jugez plutôt: «le plus grand revivaliste de l’Amérique», «le plus brillant interprète de Calvin» ou encore «le porte-parole du peuple de Dieu en Amérique»!

Une conversion en trois semaines

Jonathan Edwards est né en 1703 dans le village d’East Windsor, dans le Connecticut. Fils et petit-fils de pasteur, seul garçon d’une famille de onze, il a toujours manifesté une piété personnelle. Lorsqu’il était enfant, il aimait construire des cabanes au milieu des champs afin de pouvoir s’y retirer et prier. A l’âge de treize ans, il partit faire des études à Yale. Par la suite il étudia la théologie. Le souvenir que laissa Edwards fut celui d’un étudiant «sobre, renfermé, austère et rigide»…

Après avoir terminé ses études de théologie, il fut invité en 1722 par une petite église presbytérienne de New-York. C’est là qu’il se convertit: Selon ses biographes, sa conversion dura trois semaines! Trois semaines de luttes et de combats qui l’amenèrent à une profonde transformation spirituelle. Sa piété connut une nouvelle ferveur et ce fut pour lui le point de départ d’un ministère fructueux.

Jonathan Edwards quitte New-York en 1723 et devient répétiteur à Yale. Il tombe sérieusement malade et il s’en remettra difficilement. Puis il exercera une suffragance dans le village de Bolton. Enfin, en 1727, il se fixe à Northampton où il devient le pasteur de l’église presbytérienne. C’est là qu’Edwards épousera Miss Sarah Pierrepoint, «une jeune dame animée par ce Grand Etre qui a fait le monde et le gouverne». Les Edwards y vivront un mariage heureux et auront onze enfants.

Le «Grand Réveil»

Au moment de l’installation du pasteur Edwards, la situation religieuse de la Nouvelle Angleterre était catastrophique. Le puritanisme était froid. Par ailleurs, c’était le relâchement religieux et Edwards en souffrait beaucoup. Il cherchait vainement un remède capable de réveiller ses paroissiens…

Jonathan Edwards pria alors pour le Réveil. Il s’imposa une vie sévère et stricte: lever à quatre heures (cinq heures en hiver) et treize heures par jour dans son bureau pour méditer la parole de Dieu et pour prier! Ce qui ne l’empêchait pas de faire des visites et de s’occuper de sa famille. Le résultat ne se fit pas attendre…

Le pasteur de Northampton comprit progressivement que le danger venait de la confusion qu’il y avait entre l’Eglise et le monde. L’Eglise, en perdant contact avec les réalités spirituelles, devient amorphe et insensible aux appels de Dieu. Le libéralisme doctrinal et le relâchement des moeurs en sont les premières conséquences.

En 1734-35, sa paroisse fut touchée par le «Great Awakening». Edwards, saisi par le Réveil, donna alors des sermons qui déclenchèrent toute une série de conversions. La «moisson des âmes» était telle que le village de Northampton devint «une cité sur la montagne». Le message d’Edwards était centré sur deux points: la corruption totale de l’homme et la grâce souveraine de Dieu. Ce qui était extraordinaire, c’est qu’Edwards n’était pas un prédicateur doué de dons vocaux (comme ce fut le cas pour Whitefield), mais sa voix était faible et parfois à peine audible. Ce qui n’empêcha pas ses auditeurs d’être saisis par une profonde conviction de péché, et parfois de crainte et de tremblements…

En 1741, c’est l’embrasement du «Grand Réveil». Toute la Nouvelle Angleterre est enflammée par le feu du Réveil. La venue de George Whitefield va accentuer la flamme et cela va se traduire par un très important mouvement de conversions. De l’avis des historiens, le «Grand Réveil» – qui durera jusqu’à 1760 – a profondément bouleversé le paysage religieux de la Nouvelle Angleterre, et même des Etats-Unis.

Le problème de la Cène

La discipline religieuse était stricte, pour lui comme pour les autres. Cela l’amena à une profonde réflexion théologique qui dura vingt ans. Il étudia en particulier la doctrine de la Sainte-Cène. Il se posa ainsi la question: «Faut-il donner la Cène à tous, convertis et inconvertis» ? Edwards arriva à la conclusion que seuls les régénérés pouvaient prendre le pain et le vin. Ce virage de sa pensée a été le commencement de ses ennuis.

Jonathan Edwards ne donnait plus la Cène à ceux dont la conversion était douteuse et il s’attira de solides inimitiés. Il tint bon et il poussa même à aller scruter la vie personnelle de ses paroissiens! Bien entendu, cela déclencha un tollé, mais le réveil ne s’éteignit pas pour autant.

Ces mesures furent peu prisées par un certain nombre de paroissiens. Après une longue crise, Edwards se résolut à donner sa démission, bien qu’il eût encore huit enfants à charge.., Il vécut alors dans un état de grande pauvreté à Stockbridge. Sa femme et ses filles furent obligées de confectionner des éventails en papier pour les vendre. Malgré cela, Edwards continua son activité d’évangélisation parmi les Indiens. Cependant, l’activité principale d’Edwards fut la rédaction d’ouvrages théologiques de grande valeur (1). Il publia entre autres un traité dans lequel il développa ses vues sur la discipline dans l’Eglise. Incroyable, mais vrai: quelques années après, ce traité fut accepté dans la plupart des églises réformées américaines.

A la fin de l’année 1757, il fut nommé président d’un collège. Il mourut peu après, le 22 mars 1758, emporté par la petite vérole. Sa femme Sarah, qui avait été admirable de courage et d’abnégation, ne lui survivra que quelques mois.

Le message de Jonathan Edwards

Il est impossible de décrire ici la pensée de Jonathan Edwards. Son oeuvre est immense et sa théologie renferme des trésors inestimables (2). Soulignons cependant qu’il a été, comme Whitefield, le proclamateur de la grâce. Toutes ses prédications et ses livres portent la trace indélébile de la grâce de Dieu. Le salut est pure grâce et il est l’oeuvre du Dieu souverain. En d’autres termes, cela signifie qu’Edwards croit en la corruption totale de l’homme. Le revivaliste américain va loin: il dit que la chute n’est pas une «blessure locale», mais un cataclysme! Tout est corrompu chez l’homme, même sa volonté et son intelligence. Edwards met donc en évidence deux points: La souveraineté absolue de Dieu et la dépravation totale de l’homme. Ainsi, Jonathan Edwards se situe dans la lignée de Calvin.

Dieu d’abord

Jonathan Edwards a été tout au long de sa vie le type même du pasteur de réveil. Il a été celui qui a prêché l’équilibre entre la foi du coeur et la raison. Pour lui, le but de la vie chrétienne, c’est de connaître Dieu avec son coeur comme avec son intelligence renouvelés par l’Esprit. En découvrant Dieu et sa volonté, l’homme régénéré manifeste la «vertu parfaite» et glorifie ainsi son Créateur.

Edwards a été un instrument du «Grand Réveil» américain, mais il a payé le prix de sa fidélité à Dieu. Parce qu’il a mis Dieu à la première place, et en particulier à cause de ses positions évangéliques sur la Cène, il a connu des années d’épreuves et de dénuement.

Quelle leçon pour nous? Nous désirons un Réveil? C’est bien. Mais sommes-nous vraiment prêts à en payer le prix? Edwards, Whitefield et bien d’autres l’ont fait. Et nous, sommes- nous prêts à suivre leur exemple?

Notes
(1) Parmi les titres, citons: L’investigation sur le libre arbitre, La défense de la grande doctrine chrétienne du péché originel et surtout L’histoire de l’oeuvre de la Rédemption.
(2)A l’attention de ceux qui lisent l’anglais, nous signalons que la plupart des ouvrages de Jonathan Edwards sont constamment réédités. A quand une édition française ?

P.R.


Note liminaire

Cet article, le premier d’une série consacré aux Réveils, est le résumé d’une conférence que l’auteur a donnée en août 1991, à Champfleuri, près de Grenoble. Les lecteurs de Promesses auront ainsi le «privilège» de lire en avant-première quelques extraits de la Théologie du Réveil que Paul Ranc est en train de préparer.

Un des plus grands hommes de Réveil de tous les temps, et certainement le plus méconnu de tous, du moins dans nos pays francophones, est sans conteste l’Anglais George Whitefield.

Le Réveil du XVlIIe siècle, appelé aussi «Réveil méthodiste», le plus grand mouvement de renouveau spirituel après la Réforme, a pour chef de file George Whitefield, et non John Wesley (1). Certes, nous ne portons pas atteinte à Wesley, mais rendons à César ce qui est à César: Whitefield est le père de l’évangélisation des foules.

Sa jeunesse

George Whitefield est né le 16 décembre 1714 à Gloucester dans une famille d’humble condition. Durant un certain nombre d’années, il aida sa mère à tenir un hôtel, puis ce fut son frère qui assura la gestion de l’établissement.

A l’âge de 18 ans, il fut admis à l’Université d’Oxford, en qualité d’étudiant pauvre. Tout en étudiant, Whitefield devait servir ses condisciples plus fortunés. C’était une obligation. Il mena une vie solitaire, partagée entre l’étude et les austérités.

Il entra enfin en contact avec les frères Wesley(1) qui l’acceptèrent dans leur groupe de prière et de piété. Il en devint un des membres les plus zélés. Trop même, il les surpassa par ses excès! Il finit même par en tomber malade!

En 1735, il se convertit à Christ. Il fit une expérience spirituelle décisive qu’il appela «sentiment de réconciliation». Sur ce point, Whitefield, au contraire de Wesley, se montre très réservé. On ne sait qu’une seule chose: c’est que du jour au lendemain, son message devint percutant!

Il est consacré diacre de l’Eglise anglicane en 1736 et il prêcha son premier sermon dans la cathédrale de sa ville natale.

En 1738, il part aux Etats-Unis, en Georgie, pour évangéliser les Indiens, mais revient en 1739 en Angleterre pour une collecte. La même année, il fut consacré pasteur.

Un prédicateur de Réveil

Il se mit à prêcher le Réveil Pour la première fois, un pasteur de l’Eglise anglicane osa prêcher en plein air, sur un terril ! Aux mineurs de Kirigswood! Un acte de courage inouï: les mineurs étaient redoutés et redoutables. Ils étaient violents, voleurs, vindicatifs, etc. Bref, c’est un vrai «quart-monde», à la puissance 10!

Il prêcha aussi à Bristol à des foules énormes. Les gens de Bristol étaient, si l’on en croit les historiens, «une population grossière et à demi-sauvage»! Il obtient de grandes victoires spirituelles. Les mineurs, les gens les plus méprisés de l’époque, se convertirent par milliers. «Les coeurs étaient touchés» disait Whitefield, les larmes coulaient et les joues noires des mineurs étaient marquées de traces blanches. ..Dieu avait agit de façon souveraine pour l’éternité.

Les auditoires de plus de 20’000 personnes n’étaient pas rares! Sa voix avait une portée extraordinaire: 1 à 2 kilomètres! Le chant à près de 3 kilomètres! ! Plus de 30’000 personnes pouvaient entendre sa voix sans peine…

Un ministère itinérant

Conséquence logique des activités de Whitefield: toutes les portes de l’Eglise anglicane se fermèrent à lui. Le clergé voyait en lui un fanatique. Malgré cela, Whitefield fut magnifique de courage et de volonté. Bien qu’il fût de santé fragile (il fallait parfois le monter sur le cheval tant il était faible!), il continua son ministère itinérant. Très souvent, il parcourait 80 km pour prêcher. Il recommençait le lendemain… Durant 30 ans, il a exercé un ministère itinérant des plus féconds.

George Whitefield était doué d’une éloquence extraordinaire. Même ses adversaires l’admiraient. Très souvent, les larmes aux yeux, Whitefield exhortait les auditeurs à se convertir. Ses appels à la repentance étaient pathétiques et beaucoup de gens étaient saisis d’une profonde conviction de péché et se tournaient vers Christ.

Whitefield traversa six fois l’Atlantique, il créa un orphelinat en Georgie et visita toutes les stations où se trouvaient les Anglais. Partout, il y avait des foules énormes et des milliers de conversions extraordinaires.

En 1741, il se sépare de John Wesley à propos de la doctrine de la prédestination, mais les deux hommes continueront à entretenir des relations fraternelles. Par ailleurs, les Eglises fondées par Whitefield et Wesley poursuivront 1e même travail sous le même nom: «Eglise méthodiste» !

Whitefield meurt en 1770 d’une crise d’asthme, près de Boston laissant derrière lui une oeuvre immense. Son service funèbre fut suivi par une foule en larmes. La veille encore, il avait prêché fort tard et des âmes avaient été sauvées.

L’esprit méthodiste calviniste subsiste encore de nos jours dans le Pays de Galles. ll y a encore des «églises méthodistes calvinistes».

La théologie de Whitefield

George Whitefield, premier prédicateur méthodiste, était un calviniste! C’est sans doute Jonathan Edwards(2) qui l’influença à cette façon de penser. Sa vie comme sa prédication furent empreintes du thème central de l’élection: A ce propos, Whitefield écrivit ces lignes qui résument toute sa doctrine:

«Je bénis Dieu qui, par son Esprit, m’a convaincu de notre élection éternelle par le Père et par le moyen du Fils, de notre libre justification par le moyen de la foi en son sang, de notre sanctification comme en étant la conséquence, et enfin de notre persévérance et notre glorification finales, qui sont le résultat de tout cela. Je suis persuadé que Dieu a soudé tous ces points; ni les hommes, ni les anges ne pourront les disjoindre»(3).

Ainsi donc, la théologie de Whitefield, comme le seront plus tard celles de Félix Neff, César Malan ou Adolphe Monod, est celle de la souveraineté de Dieu. La conversion, la justification, la sanctification et la glorification découlent de la grâce imméritée de Dieu, source de l’élection. On peut donc affirmer sans crainte que Whitefield a été le prédicateur de la Grâce.

La passion des âmes de Whitefield

Whitefield était un homme hors du commun. Sa foi et son rayonnement étaient extraordinaires et manifestaient au sens propre du terme l’enthousiasme. La vue des foules immenses faisait vibrer en lui les cordes de l’émotion et lui inspiraient les accents les plus poignants. Il avait véritablement l’amour pour les âmes perdues, un sentiment que nous aurions tendance à ignorer de nos jours..

Whitefield n’était pas un théologien, ni un organisateur. Il n’avait ni une grande intelligence ni une grande culture. C’était avant tout le prédicateur du Réveil. Mais ses prédications étaient fouillées et surtout profondes. Il savait trouver le mot juste pour convaincre et amener les âmes à la repentance. Dieu avait choisi un homme faible pour en faire un des plus grands prédicateurs de l’histoire de 1’Eglise.

Ce qui manque à notre Eglise aujourd’hui, c’est un Whitefield! Un homme rempli de la connaissance de Dieu, saisi par la passion des âmes qui se perdent et revêtu d’un esprit de sagesse et de force. Prions ardemment pour que Dieu nous envoie un homme de cette trempe! Alors le Réveil sera peut être une réalité…

Notes
(1) Le Réveil méthodiste de John et Charles Wesley fera l’objet d’un article dans Promesses.
(2) Le Réveil de la Nouvelle Angleterre de Jonathan Edwards sera traité dans un prochain numéro de Promesses.
(3) G. Whitefield, Letters, vol. I, 1771, réimpr. The Banner of Truth Trust, 1976, 9. 129.


Rendez grâce au Père, qui vous a rendus capables d’avoir part à l’héritage des saints dans la lumière; Il nous a délivrés de la puissance des ténèbres et nous a transportés dans le royaume de son Fils bien-aimé (Col 1.12,13).

Si quelqu’un est en Christ, il est une nouvelle création. Les choses anciennes sont passées; voici, toutes choses sont devenues nouvelles (2 Cor 5.17).

N’est-il pas vrai que ce sont des versets qui nous transportent de joie et nous rendent infiniment reconnaissants envers l’Auteur de notre salut? Nous nous trouvons placés sur un plan nouveau, où toutes choses sont nouvelles, tournés vers un avenir glorieux. Il semble qu’à partir de ce moment de découverte, bien des chrétiens désirent marcher de l’avant en voulant tout ignorer du passé. Ils savent que leur passé peu honorable, ténébreux,… en un mot sans Dieu, est un problème réglé grâce à l’oeuvre de Christ; mais à cause d’un amalgame souvent inconscient, ils se détachent avec autant de vigueur de leur propre passé que du passé tout court. La vie avec le Seigneur leur apparaît comme une aventure où chaque pas dorénavant leur sera inspiré, et les leçons de I ‘Histoire leur semblent inutiles, ou tout au plus, une curiosité que l’on pardonnera à ceux qui s’y penchent!

Les encouragements dans ce sens semblent même ne pas manquer: Quiconque met la main à la charrue et regarde en arrière, n’est pas bon pour le royaume de Dieu (Luc 9.62). Echappe-toi…, ne regarde pas derrière toi…, de peur que tu ne succombes… La femme de Lot regarda en arrière et devint une statue de sel (Gen 19. 17,26).

Que dire de plus quand on sait que la Bible est à l’origine de ma vie chrétienne et que le royaume de Dieu en sera la conclusion ? Dans ce petit espace-temps, il y a ma propre histoire où je vis par la foi. Celle-ci est sans relation directe avec le monde, et comme «nous ne sommes pas du monde»…

Le rôle de l’histoire

Le problème du rôle de l’Histoire commence à émerger dès l’instant où nous nous posons cette question: «Qu’est-ce que notre foi devrait induire dans nos comportements? Comment traduire en pensées, en paroles et en actes le fait que je suis chrétien?»

Il y a d’abord une réalité. Nous sommes héritiers d’une Histoire faite de culture et de mentalité qui ont modelé les générations qui nous ont précédés. Nous ne pouvons pas faire l’économie de 20 siècles de chrétienté qui ont martelé nos façons de penser. C’est tellement vrai que ceux qui sont extérieurs au christianisme d’Europe ne peuvent connaître ces réalités qu’intellectuellement et non de coeur!

Et pour nous, qu’en est-il? Même si nous n’avons jamais lu les philosophes et côtoyé les penseurs, nous sommes influencés collectivement par ce qui a été transmis à leur époque par des Descartes, Rousseau, Voltaire, Kant, Nietzsche, etc…; nous récoltons bien involontairement ce qu’ils ont semé!

Le chrétien aussi est héritier d’une histoire, mais plus riche encore. Son histoire remonte à l’éternité. Dieu prouve son amour envers nous, lorsque nous étions encore pécheurs, Christ est mort pour nous (Rom 5.8). Il nous a sauvés… à cause de son propre dessein, et de la grâce qui nous a été donnée en Christ-Jésus avant les temps éternels. (2 Tim 1.9). L’histoire du chrétien passe par Christ, et nos racines sont mêlées avec celles de l’Eglise.

A cet égard, il est utile de relever que l’oeuvre de Christ – dans laquelle nous sommes partie prenante – apparaît trop souvent aujourd’hui davantage comme un acte théologique, qui règle le problème du péché et de sa domination, que comme un fait historique, voulu et géré par Dieu. Il n’y a pas de choix: les deux aspects sont à admettre avec autant de force!

De plus, notre nouvelle naissance ne doit pas être un prétexte à nous faire sortir de l’Histoire des hommes, et plus particulièrement de celle de l’Eglise, sous prétexte que nous entrerons dans le royaume de Dieu.

La valeur de l’histoire

S’il est vrai que connaître Dieu par l’écoute de sa Parole est fondamental pour notre vie, il serait impensable de négliger l’Histoire, tout simplement parce qu’elle est le cadre des oeuvres de Dieu. Ainsi la Bible ne nous enseigne pas seulement de saisir tout son fondement par la foi, mais aussi de savoir reconnaître la valeur de l’Histoire. D’ailleurs, le chrétien est un maillon de cette longue chaîne qui a débuté dans la Genèse et traverse les siècles. Il fait partie de cette nuée de témoins – connus ou non – qui jalonnent les Ecritures, puis l’histoire de l’Eglise.

Le danger est de croire que, même inconsciemment, l’aboutissement de cette chaîne, c’est soi-même! Nous nous inscrivons aussi dans l’Histoire, et nous devons être reconnaissants de l’héritage évangélique dont nous bénéficions et qui est chaque jour plus fort. Les lumières successives apportées dans l’Histoire par les hommes de Dieu nous ont rendu le message biblique de plus en plus accessible de ce fait, nos pensées et nos activités en sont chaque jour davantage imprégnées »

Le Seigneur a suscité les réformateurs et bien d’autres hommes pour que le flambeau dont ils étaient porteurs éclaire leur époque. Ils ont oeuvré pour l’avancement de l’Eglise, parce qu’ils parlaient au nom de Dieu. Leur message inspiré ne fait- il pas partie de l’arsenal d’édification dont nous disposons?

L’Eglise est faite de tous ceux qui ont Christ pour Chef, mais sachons aussi qu’elle est riche de tous les témoignages de ceux qui nous ont précédés.


B. Le combat de l’Eglise contre le paganisme

Introduction

La prédication de l’Evangile aux nations pour les amener à l’obéissance de la foi a pour but premier de manifester dans le monde la victoire du Seigneur Jésus-Christ à la croix du calvaire. L’apôtre Paul en écrivant aux chrétiens de Rome les exhorte à être sages en ce qui concerne le bien et purs en ce qui concerne le mal. Il ajoute ces paroles réconfortantes: Le Dieu de paix écrasera bientôt Satan sous vos pieds (Rom 16.19- 20). L’apôtre Jacques nous donne le secret de cette victoire sur les puissances des ténèbres: Soumettez-vous donc à Dieu (c’est-à-dire, obéissez à sa parole, à ses commandements); résistez au diable, et il fuira loin de vous. Et il indique le chemin à prendre pour une vie chrétienne victorieuse, tant sur le plan personnel que sur celui de l’Eglise: Approchez-vous de Dieu, et il s ‘approchera de vous. Purifiez vos mains, pécheurs et nettoyez vos coeurs, âmes partagées. Reconnaissez votre misère, menez deuil, pleurez; que votre rire se change en deuil, et votre joie en tristesse. Humiliez-vous devant le Seigneur et il vous élèvera (Jac 4.7-10).

Paul affirmait, lui aussi, la même chose. Avant de donner aux chrétiens d’Ephèse sa merveilleuse description des armes du chrétien, il écrivait: Au reste fortifiez-vous dans le Seigneur et par sa force souveraine (Eph 6.10).

Démarche qui nous permettra de revêtir toutes les armes de Dieu. Notre foi, nous dit encore l’apôtre Jean, est victorieuse du monde, car l’amour de Dieu consiste à garder ses commandements. Et ses commandements ne sont pas pénibles, parce que tout ce qui est né de Dieu triomphe du monde, et voici la victoire qui triomphe du monde: notre foi. Qui est celui qui triomphe du monde, sinon celui qui croit que Jésus est le Fils de Dieu? (1 Jean 5.3-5).

L’Eglise des apôtres et des martyrs des premiers siècles trouva la force victorieuse dans ses combats les plus difficiles dans le fait qu’elle croyait sans douter aux dernières paroles que le Seigneur Jésus-Christ adressa à ses disciples juste avant son ascension: Tout pouvoir m ‘a été donné dans le ciel et sur la terre. Allez, faites de toutes les nations des disciples, baptisez-les au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et enseignez-leur à garder tout ce que je vous ai prescrit. Et voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu ‘à la fin du monde (Mat 28.19-20).

Car les apôtres et les disciples avaient en fait un christianisme assez simple qui se résumait en la foi en Jésus-Christ, Fils de Dieu fait homme, foi qui se manifestait par leur obéissance aux commandements de Dieu. Ils s’attendaient en conséquence à ce que les requêtes du Notre Père s’accomplissent, que le royaume de Dieu se manifeste déjà ici-bas et que la volonté de Dieu se fasse sur la terre comme au ciel. Ils ne séparaient pas, comme nous le faisons trop souvent, le ciel de la terre, le Royaume futur de sa manifestation partielle présente. Ce Royaume, formé de ceux qui sont nés de Dieu et qui lui obéissent, n’est rien d’autre que les prémices, les premiers fruits de ces nouveaux cieux et de cette nouvelle terre que nous attendons.

Voilà en fait tout le secret de la victoire de la première Eglise sur le paganisme de l’Antiquité et sur la puissance anti-chrétienne de l’Empire romain. Ce que Dieu avait accompli sous l’Ancienne Alliance ne pouvait-il pas encore plus le faire dans la Nouvelle, maintenant que le Christ avait tout mis sous ses pieds, que Satan et son armée avaient été mis en fuite à la croix et que Dieu avait revêtu son peuple de l’autorité même du Saint-Esprit? C’est l’histoire de cette victoire du Christ à la croix manifestée par une Eglise fidèle que nous allons maintenant examiner.

Comment le christianisme a vaincu le paganisme

La rapidité avec laquelle se répandit le christianisme à travers l’Empire romain, et bien au-delà, que décrit le livre des Actes, est un spectacle saisissant. Tel un feu de brousse, le souffle de l’Esprit-Saint envoyé à la Pentecôte, en une seule génération établit la foi chrétienne de l’Espagne à l’Inde, des bords de la Mer Noire jusqu’aux confins de l’Ethiopie. Cela, rappelons-le, à une époque où aucun de nos moyens de communications modernes n’existaient. Malgré la dure persécution d’un Empire pour lequel le culte de l’empereur était le couronnement religieux et politique d’un vaste système syncrétiste et le garant de son unité spirituelle, la foi chrétienne se montra partout victorieuse du paganisme. L’Eglise surmonta victorieusement les assauts violents de Satan. Selon l’expression frappante de Tertullien, le sang des martyrs était bel et bien la semence de l’Eglise. Plus se développait la persécution, plus croissait le nombre des fidèles.

Mais l’Eglise eut également à subir les assauts spirituels du diable, de celui qui, comme nous l’a dit le Christ, est dès le commencement menteur. Le diable, désespérant d’abattre l’Eglise par la violence, l’attaqua au moyen d’hérésies. L’assaut du gnosticisme, mélange très courant à l’époque d’un pseudo-christianisme avec du syncrétisme platonisant à caractère ésotérique, fut victorieusement repoussé dès le 2C siècle par des défenseurs intrépides de la foi orthodoxe comme Irénée de Lyon. Il en fut de même pour les dangers représentés par les tendances judaïsantes dans l’Eglise qui conduisaient à confondre les croyances d’un judaïsme devenu apostat et la véritable foi biblique maintenant libérée des pratiques rituelles juives. Au 4e siècle, l’arianisme, négation ouverte de la divinité de Jésus-Christ, se brisa contre le roc inébranlable de la foi d’hommes de Dieu tels Athanase d’Alexandrie et Hilaire de Poitiers. Plus tard, au 5C siècle, ce fut un Augustin de Hippo qui se dressa vigoureusement contre l’hérésie de Pélage qui préconisait un enseignement trop flatteur pour l’homme déchu, homme qui par ses propres moyens, par ses propres oeuvres, pourrait se sauver avec l’assistance facultative de la grâce. (10)

Mais par-dessus toutes ces hérésies nouvelles, ce fut le paganisme lui-même qui dut céder du terrain partout où était prêché l’Evangile. Après la dure persécution de Dioclétien à la fin du 3e siècle, Constantin proclama la tolérance de la foi chrétienne dans l’Empire. Sous son règne, elle eut même tendance à se substituer au culte solaire alors dominant comme religion semi-officielle de l’Empire. Constantin présida lui-même au Concile décisif de Nicée en l’an 325. (11) Mais ce ne fut que lors du règne de Théodose I (379-395) et sous l’influence décisive d’Ambroise de Milan (340-397), que le christianisme fut déclaré la religion officielle de l’Empire. Théodose mit fin aux sacrifices païens et ferma les temples, mais le paganisme lui-même ne fut pas autrement l’objet de pressions. (12)

Je ne voudrais pas ici discuter les avantages ou les désavantages de l’alliance qui fut ainsi établie entre l’Empire et l’Eglise chrétienne. La manchette publicitaire que j’ai récemment trouvée dans l’ouvrage de H. Lietzmann, «Histoire de l’Eglise Ancienne» (13) est en elle-même éloquente. On y lit en grands caractères rouges: «Comment le christianisme a vaincu le paganisme.» Lorsqu’on lit l’ouvrage de Pierre de Labriolle, «La réaction païenne, étude sur la polémique anti-chrétienne du 1er au 6e siècles», (14) on est singulièrement frappé par l’attitude de plus en plus défensive de la résistance païenne à mesure que se développait le christianisme. Elle dut constamment céder du terrain face au nouveau culte. Il était évident pour tous que par son Eglise le Christ était réellement victorieux des dieux païens de l’Antiquité et de l’apostasie juive.

Mais il y a davantage encore. Au cours du Moyen Age, le christianisme qui s’était si fortement implanté dans l’Empire romain et qui avait remarquablement survécu, tant à la chute de cet empire qu’aux invasions germaniques, continua à affronter avec la même dynamique victorieuse les nouvelles nations païennes qu’il rencontrait. C’est ainsi que les mondes germaniques et slaves passèrent sous l’influence du christianisme.

Je ne voudrais pas cependant minimiser les ombres qui obscurcissent quelque peu ce tableau, en particulier les compromis avec le paganisme qui accompagnèrent cette marche victorieuse. Prenons par exemple la date de la fête de Noël fixée arbitrairement au 25 décembre. Cette date n’est autre que celle de la fête païenne du dieu qui dominait l’Empire à l’époque de Constantin, Sol Invictus, le soleil invincible. Sur un autre plan, nous devons constater le retour en force de certaines tendances judaïsantes à l’intérieur même de l’Eglise, avec la graduelle introduction dans le culte chrétien de cérémonies juives et de règles liturgiques adaptées de l’Ancien Testament. C’est le cas du sacrifice renouvelé, mais non-sanglant, de la messe, du caractère spécial de la prêtrise, de l’importance des vêtements liturgiques, de l’assimilation du pape au grand prêtre, des 70 membres du collège des cardinaux (décalque du sanhédrin), etc. Je ne voudrais pas non plus passer sous silence le fait que ce grand défenseur de la foi, Augustin, fut une excellente courroie de transmission par laquelle des éléments importants de philosophie païenne, surtout du néo-platonisme, pénétrèrent dans la pensée chrétienne. Plus tard Thomas d’Aquin, dans une réaction mal orientée contre les dangers du dualisme augustinien, qui aux 11e et 12e siècles avaient pris des proportions inquiétantes, tenta d’y remédier. Mais, au lieu de revenir à la doctrine biblique de la création et de l’ordre de cette création tel qu’il est révélé dans la loi biblique, il introduisit dans la pensée chrétienne le levain de la philosophie d’Anstote.

Tout cela n’est que trop vrai. Cependant une étude impartiale de l’Europe dans les siècles qui précédèrent et suivirent la chute de l’Empire romain nous oblige de constater l’influence ascendante, puis dominante, du christianisme sur la société et sur la culture toute entière. Tant la famille que les lois, les institutions politiques que la littérature, bref toute la civilisation témoigne du fait que c’est le christianisme qui en était maintenant l’influence spirituelle prépondérante. (15)

On commence aujourd’hui seulement à comprendre, avec l’érosion croissante et toujours plus rapide de la présence chrétienne dans nos sociétés, à quel point fut immense et bienfaisante la victoire du christianisme sur le paganisme. De nombreuses études récentes démontrent clairement quel fut le modèle premier de toute la civilisation médiévale. En effet, la vision du monde de cette période était façonnée sur le modèle biblique. Prenons quelques exemples. L’Empereur Charlemagne avait comme modèle politique et spirituel pour l’exercice de la royauté, non l’Empire romain, mais la royauté de David. Les premiers empereurs saxons du Saint Empire Romain Germanique, les Otto II et III, les Henry II et III, avaient tous une conception hautement biblique de leur fonction. Henry III, par exemple, avait l’habitude, avant de prendre toute décision politique d’importance, de chercher d’abord à se mettre en ordre avec Dieu, confesser ses péchés et prendre la cène. Comme l’écrit Siegfried Ernst dans son beau livre, «A toi est le règne»: Pour lui le besoin d’un renouvellement spirituel constant, un changement profond du coeur et la purification de ses péchés étaient préalablement requis pour avoir l’inspiration et la capacité de maintenir un ordre de gouvernement où Dieu lui-même régnerait à travers ses représentants, roi ou empereur(16)

Cette primauté de la vie spirituelle, cette valeur première du modèle biblique même dans le domaine politique, se retrouve dans toute la vie de l’époque.

Bien plus tard, dans l’immense effort d’évangélisation qui accompagna la colonisation européenne, particulièrement aux 19e siècle, on retrouvera cette puissance de L’Evangile qui renverse les fondements mêmes du paganisme. Partout où s’implantait le christianisme, on a vu reculer le paganisme. Ces victoires s’obtenaient souvent par le sacrifice de leur vie des missionnaires pionniers. Très souvent aussi cet effort d’évangélisation des païens était heureusement appuyé par le pouvoir politique de la puissance coloniale, elle-même soucieuse d’instaurer un ordre juste pour la société sous sa domination. Permettez-moi d’évoquer ici un souvenir d’enfance datant des années quarante. Il se rapporte aux meurtres rituels d’enfants, de véritables sacrifices humains offerts aux idoles pour se procurer des «médicaments» magiques, qui étaient perpétrés pour des chefs tribaux par des sorciers au Lessouto, en Afrique du Sud où mes parents étaient missionnaires. Ces sacrifices religieux d’enfants étaient vigoureusement combattus par les autorités britanniques qui les assimilaient fort correctement à des simples meurtres encore passibles, à cette époque lointaine, de la peine de mort. De tels actes criminels étaient refoulés dans les coins les plus cachés de la société par une répression juridique fondée sur des valeurs bibliques, comme l’étaient d’ailleurs, à la même époque dans nos pays encore christianisés, les avortements qui faisaient heureusement alors encore l’objet d’une répression criminelle. Aujourd’hui, tant dans les pays colonisés qu’en Europe, les choses ont grandement changé grâce à notre abandon croissant de la loi de Dieu comme norme juridique finale. Autant les meurtres rituels dans les pays décolonisés que les avortements chez nous ne sont plus guère réprimes.

Il est utile aussi de rappeler que les forces offensives les plus puissantes travaillant à la repaganisation de l’Occident, l’Islam et l’Hindouisme, sont des religions qui proviennent essentiellement de régions où les autorités colonisatrices (je pense en particulier à l’Angleterre aux Indes et à la France en Afrique du Nord) avaient adopté une politique fortement opposée à tout effort d’évangélisation de populations païennes, et cela dans l’espoir de maintenir une paix sociale à court terme. Comme l’avait si bien compris Christophe Colomb à la fin du 15e siècle, la seule vraie justification de toute entreprise colonisatrice provenant de l’Europe était de favoriser l’annonce de l’Evangile aux nations païennes. Refuser cette vocation faisait disparaître toute légitimité morale et spirituelle et ne pouvait qu’aboutir, à long terme, à la perte des colonies et à la résurgence du paganisme. Charles de Foucauld, par exemple, qui avait consacré sa vie à l’Evangélisation des Touaregs au Sahara, constatait dès avant la première Guerre mondiale que cette démission spirituelle de l’autorité politique de la métropole entraînerait inévitablement la disparition de la présence française en Afrique du Nord. Nous assistons aujourd’hui à la conséquence ultime de cette apostasie, l’invasion de nos pays par le paganisme lui-même. Nous voyons maintenant que trop clairement à quel point fut néfaste la domination exercée par une idéologie pluraliste et syncrétiste (qui était celle de la franc-maçonnerie) sur les couches dirigeantes européennes au 19e siècle. C’est toujours le refus d’évangélisation qui conduit à long terme aux reconquêtes du paganisme.

Notes

(10) Sur l’histoire de ces combats spirituels voyez:
R. J. Rushdoony: The Foundations of Social Order. Studies in the Creeds and Councils of the Early Church
Presbyterian and Reformed, Nutley, 1968
Pierre de Labriolle: Histoire de la littérature latine chrétienne
Les Belles Lettres, Paris, 1920
Aimé Puech: Histoire de la littérature grecque chrétienne
Les Belles Lettres, Paris, 1928-1930, 3 vol.
H. Lietzmann: Histoire de l’Eglise ancienne
Payot, Paris, 1936-1941, 3 vols.
Jeremy C. Jackson: No Other Foundation. The Church Through the Centuries
Cornerstone Books, Westchester, 1980
Henry Chadwick: The Early Church Vol. I: Pelican History of the Church, 6 vol.
Penguin Books, London, 1967
(11) Sur le règne, à bien des égards décisif, de Constantin:
Jakob Burkhardt: The Age of Constantine the Great
Doubleday Anchor, New York, 1956 (1852)
A. H. M. Jones: Constantine and the Conversion of Europe
English University Press, London, 1965(1949)
(12) Sur Ambroise.
Angelo Pavesi: Saint Ambrose. His Life and Times
University of Notre Dame Press, Notre Dame, 1964
Sur le débat fondamental entre le Christianisme et la culture antique voyez l’ouvrage classique de:
Charles Norris Cochrane: Christianity and Classical Culture
Oxford, New York, 1972 (1940)
(13) Lietzmann op. cit. note 10
(14) Pierre de Labriolle: La réaction païenne. Etude sur la polémique anti-chrétienne du 1er au 6e siècle
L’Artisan du Livre, Paris, 1942
(15) Sur l’influence dominante du christianisme dans la civilisation médiévale:
Henri Charlier: Création de la France
Dominique Martin Morin, Paris, 1982 (1971)
R. L. Bruckberger: Lettre ouverte à ceux qui ont mal à la France
Albin Miebel, Paris, 1985
Régine Pernoud: Pour en finir avec le Moyen Age
Seuil, Paris, 1977
Régine Pernoud: Lumière du Moyen Age
Grasset, Paris, 1981 (1944)
Christopher Dawson: Religion and the Rise of Western Culture
Image Books, New York, 1958 (1950)
Christopher Dawson: Medieval Essays
Image Books, New York, 1959 (1954)
Christopher Dawson: The Making of Europe
Meridian Books, New York, 1965 (1932)
Voyez également les ouvrages de:
Michel Villey: La formation de la pensée juridique moderne
Montchrestien, Paris, 1975
Jean Gaudemet: L’Eglise dans l’Empire romain (4e et 5e siècles)
Sirey, Paris, 1958
Jean Gaudemet: Eglise et société en Occident au Moyen Age
Variorum Reprints, London, 1984
R. W. Southern: Western Society and the Church in the Middle Ages
Penguin Books, London, 1970
Georges de Lagarde: La naissance de l’esprit laïque au déclin du moyen âge.
Nauwelaerts, Louvain, 1956-1963, 5 vol.
(16) Siegfried Ernst: Thine is the Kingdom. The Ideologies and the Kingdom of God
Europäische Arzte-Aktion, Postfaeb 1123, D-7900 Ulm, 1984, p. 26