PROMESSES

Le titre de ce numéro de Promesses porte en lui-même le thème de cet article : il y a des pauvres et des riches, et donc des inégalités. À partir de quelques données statistiques, nous essayerons de fournir des éléments de cadrage sur le partage des ressources, tant en termes de flux (les revenus) que de stock (le capital possédé), entre pays et au sein d’un même pays. Pour chaque thème, nous ébaucherons une appréciation chrétienne basée sur les principes bibliques.

Les inégalités de revenus entre pays

Le développement économique a été très inégal suivant les pays au cours de l’histoire. Au Moyen-Âge, on estime que la richesse produite était plus élevée en Chine qu’en France. Les découvertes du XVe siècle et le développement commercial qui a suivi, puis les révolutions industrielles ont propulsé l’Europe loin devant, ainsi que plusieurs de ses anciennes colonies (États-Unis, Canada, Australie, Nouvelle-Zélande). Plus récemment, la manne pétrolière a placé plusieurs pétromonarchies du Moyen-Orient parmi les pays les plus riches.
Le plus frappant est que l’échelle des pays selon leur PIB ne coïncide pas avec celle de leurs ressources naturelles : plusieurs pays parmi les mieux dotés (par exemple, la RDC) sont parmi les plus pauvres.
Le Qatari moyen a produit en 2019 une richesse 183 fois plus importante que l’habitant moyen du Burundi.
Ces inégalités sont source de tensions internationales qui vont aller croissant en raison de la mondialisation (qui fait miroiter sur le smartphone les pays occidentaux comme des paradis faciles) et de la croissance démographique de certains pays (en particulier en Afrique sub-saharienne).

L’appréciation chrétienne

La Bible relie parfois la prospérité avec la sagesse du gouvernant (cf. Prov 29.4 ; Ecc 10.17). Cette règle souffre de nombreuses exceptions, mais on peut constater que l’incurie des gouvernants explique une partie significative des inégalités entre pays. L’exploitation coloniale a laissé des traces durables, mais ne suffit pas à tout expliquer.
Le chrétien prendra à cœur la situation de pays, même lointains, où les conditions de vie sont difficiles ; il gardera intacte sa capacité d’indignation quand la justice et l’équité sont bafouées. Une attention à la provenance de sa consommation, l’intérêt porté au commerce équitable, etc., sont des petits pas pour aider à réduire ces inégalités. Sur un plan plus collectif, des initiatives chrétiennes comme le Défi Michée ou le SEL[note]Voir les sites : https://www.selfrance.org/ et http://michee-france.org/[/note] visent à interpeller et à sensibiliser sur les traitements injustes dans le monde.

Les inégalités de revenus à l’intérieur d’un pays

Qu’il y ait des inégalités de revenus en fonction de la responsabilité endossée, des efforts fournis, des capacités, etc., n’est pas en soi choquant. C’est l’amplitude des écarts qui pose question.
La part des revenus des plus riches tend à s’accroître dans un même pays :

Un indicateur est la croissance vertigineuse des rémunérations des grands patrons : il y a ne serait-ce que 20 ans, il était souvent de l’ordre de 20 fois le salaire moyen de l’entreprise. Aujourd’hui des multiples de 100 fois ne sont pas rares !
Les mesures prises par les gouvernements libéraux (surtout anglo-saxons) au début des années 1980 pour relancer la croissance après les deux chocs pétroliers ont conduit à baisser le taux de prélèvement maximal des plus riches. La théorie douteuse du « ruissellement » supposait que l’enrichissement des plus aisés conduirait à l’enrichissement des autres strates de la société ; il a été démontré qu’elle était fausse.

L’appréciation chrétienne

Le chrétien est à juste titre révolté par les écarts entre riches et pauvres. Avec lucidité, il comprend que ces différences sont liées aux « structures de péché » induites par la condition actuelle de l’homme. Au-delà d’une éthique personnelle qui a toute son importance sur ce thème, il promouvra les politiques visant à réduire ces inégalités et il se réjouit de l’existence dans de nombreux pays de mesures correctrices, qui visent, par des procédés de redistribution, à combler une (petite) partie des écarts de revenus (cf. 2 Cor 8.15).

Les inégalités de patrimoine

Ce qui est vrai des revenus l’est aussi du patrimoine — et dans une proportion souvent supérieure. Une étude de 2017 menée par l’ONG Oxfam et le Crédit Suisse aboutit à des différences vertigineuses[note]Les critiques méthodologiques qui ont pu être relevées contre cette étude ne remettent pas en cause la pertinence des constats.[/note] :

  • La concentration des richesses est extrême : 62 milliardaires posséderaient autant que la moitié des humains, soit 3,5 milliards de personnes.
  • La plupart des habitants de la Terre n’ont presque pas (ou pas du tout) de patrimoine : 80 % de la population mondiale devrait se contenter de posséder 5,5 % des richesses.
  • Les écarts tendent à s’accroître : 82 % de la richesse créée en 2017 a profité aux 1 % les plus riches : les politiques accommodantes menées par les banques centrales depuis la crise de 2008 ont conduit à une inflation du prix des actifs[note]Ce terme désigne l’ensemble des biens (immobilier, actions, or, liquidités, etc.).[/note] qui a bénéficié avant tout à ceux qui avaient déjà des actifs.

Les pays en développement sont ceux où ces inégalités de patrimoine sont les plus criantes : le patrimoine détenu par les 1 % les plus riches représentait 58 % du total des patrimoines du pays en Inde ou au Brésil, contre 18 % au Japon, 25 % en France et 42 % aux États-Unis.

L’appréciation chrétienne

Accumuler à l’excès est un travers humain que les prophètes (És 5.8), Jésus (Luc 12.18) ou les apôtres (Éph 5.5) ont dénoncé[note] Cette dénonciation ne s’oppose pas à une épargne de précaution mesurée, que d’autres textes bibliques encouragent plutôt.[/note]. Même si, dans certains pays, les impôts sur la fortune, les taxes sur les successions ou sur les biens immobiliers, réduisent un peu les écarts, les disparités restent choquantes. Les dispositions relatives au jubilé qui visaient pour Israël à corriger les biais inévitables vers l’accumulation sont difficiles à transposer aujourd’hui, mais montrent la voie.

La réduction globale de la pauvreté dans le monde

Si les constats précédents sont plutôt désespérants, il convient néanmoins de relever que la pauvreté a fortement reculé ces dernières décennies. En 25 ans (1990-2015), la proportion des personnes vivant en « absolue pauvreté »[note]L’ « absolue pauvreté » est une condition dans laquelle le revenu du ménage est inférieur au niveau nécessaire pour maintenir un niveau de vie de base (nourriture, logement, logement). La Banque mondiale estime ce niveau à 1,90 $ par jour (en parité de pouvoir d’achat).[/note] est passée de 37 % à 9,6 % des humains (soit quand même 700 millions de personnes de trop !). Sur une plus longue échelle, la réduction est encore plus spectaculaire :

 

Cette baisse est d’autant plus remarquable qu’elle s’inscrit dans une dynamique démographique sans précédent : entre 1820 et 2015, la population mondiale est passée de 1,1 à 7,5 milliards d’individus ! Elle a été spectaculaire en Asie — moindre en Afrique qui concentre aujourd’hui la majorité des plus pauvres.

L’appréciation chrétienne

La concomitance de la réduction de la pauvreté et de l’augmentation de la population a démenti les prophéties pessimistes de Malthus (un pasteur anglican !). Par la grâce généreuse de notre Dieu, il a été possible à des milliards de personnes de manger désormais à leur faim et d’accéder aux biens indispensables — même si ce fut au prix d’une consommation des ressources naturelles à un rythme effréné et non soutenable. Le chrétien s’en réjouit, sans se faire d’illusions sur une hypothétique abolition de la pauvreté ; il se rappelle la parole du Maître : « Des pauvres, vous en aurez toujours autour de vous. » (Marc 14.7, Semeur)

Conclusion

La Bible (et surtout le N.T.) insiste davantage sur les comportements individuels que sur les réformes structurelles. Les appréciations qu’en tant que chrétiens nous pouvons porter sur les grands enjeux actuels concernant les richesses nous conduisent à œuvrer, chacun dans notre mesure, dans le sens du « bien » et du « mieux ». Elles ne doivent cependant faire de nous ni des juges « externes » d’un système que nous estimerions condamné (nous y participons tous, nolens volens !), ni des zélateurs ardents de réformes destinées à retrouver le « paradis sur terre » (dont nous savons l’impossibilité tant que le règne effectif de Jésus ne sera pas établi).


Le sujet que je présente est difficile car il est indéniable qu’il y a dans les mouvements liés à l’évangile de la prospérité des choses bonnes et attrayantes, de superbes prédications sur internet, des prédicateurs doués, etc. Toutefois n’oublions pas que le mensonge « tient » uniquement par la part de vérité qu’il contient et que la séduction se doit d’être séduisante.

L’image publique du mouvement

Les promoteurs les plus connus du mouvement[note]

Selon le rapport du CNEF, les personnalités marquantes actuelles du mouvement, aux États-Unis, sont : Kenneth Hagin (Rhèma Bible Church, Tulsa) ; Kenneth & Gloria Copeland (Forth Worth, Texas) ; Robert Tilton (Word of Faith Church, Texas) ; Joël Osteen (Lakewood Church, Houston) ; Jerry Savelle (associé de Copeland) ; Charles & Frances Hunter (City of Light, Texas) ; Charles Capps (Arkansas), Joyce Meyer (Hand of Hope, Saint-Louis), Creflo Dollar (C.D.Ministries). On doit aussi citer les noms de Oral Roberts, Peter Wagner, John Wimber, George Otis Jr., T.L. Osborn…

En 2017, Benny Hinn, le leader mondial des miracles et de l’évangile de la prospérité, menant un train de vie royal (vacances à Dubaï à 25 000 dollars la nuit), a été lâché par son neveu et collaborateur qui a dénoncé sa théologie hérétique : https://www.youtube.com/watch?v=SljEaO9RD3I. Suite à une crise cardiaque et à un rêve où il n’était pas reçu au ciel par le Seigneur, Benny Hinn se remet en question : il vient d’abandonner la pratique de l’évangile de la prospérité qu’il dénonce dorénavant comme « une folie et une offense au Saint Esprit ». Attendons pour voir s’il va restituer au peuple de Dieu les dizaines de millions de dollars détournés…[/note]possèdent de somptueuses villas, de grosses voitures de luxe, des universités, des hôpitaux, des chaînes de télévision avec des millions de téléspectateurs, ils annoncent « leur évangile » dans tous les coins du monde grâce à leur jet privé, lors de « croisades de miracles et de guérisons » qui réunissent des dizaines de milliers d’auditeurs, ils pensent être la quintessence, le flambeau et la gloire des chrétiens des temps de la fin… Ce sont les « hommes du plein évangile », en clair de « l’évangile de la prospérité ». Ils semblent avoir réussi un exploit que notre Seigneur Jésus Christ déclarait lui-même impossible : servir Dieu et, en même temps les richesses.

L’évangile de la prospérité

L’évangile de la prospérité a ses racines dans l’avidité naturelle du cœur humain. S’il trouve son origine dans l’église pentecôtiste aux États-Unis[note]Selon le rapport du CNEF, les personnalités marquantes actuelles du mouvement, aux États-Unis, sont : Kenneth Hagin (Rhèma Bible Church, Tulsa) ; Kenneth & Gloria Copeland (Forth Worth, Texas) ; Robert Tilton (Word of Faith Church, Texas) ; Joël Osteen (Lakewood Church, Houston) ; Jerry Savelle (associé de Copeland) ; Charles & Frances Hunter (City of Light, Texas) ; Charles Capps (Arkansas), Joyce Meyer (Hand of Hope, Saint-Louis), Creflo Dollar (C.D.Ministries). On doit aussi citer les noms de Oral Roberts, Peter Wagner, John Wimber, George Otis Jr., T.L. Osborn…En 2017, Benny Hinn, le leader mondial des miracles et de l’évangile de la prospérité, menant un train de vie royal (vacances à Dubaï à 25 000 dollars la nuit), a été lâché par son neveu et collaborateur qui a dénoncé sa théologie hérétique : https://www.youtube.com/watch?v=SljEaO9RD3I. Suite à une crise cardiaque et à un rêve où il n’était pas reçu au ciel par le Seigneur, Benny Hinn se remet en question : il vient d’abandonner la pratique de l’évangile de la prospérité qu’il dénonce dorénavant comme « une folie et une offense au Saint Esprit ». Attendons pour voir s’il va restituer au peuple de Dieu les dizaines de millions de dollars détournés…[/note], il a grandi avec les télévangélistes américains et a inondé le monde grâce à la mouvance pentecô-charismatique dite de « la troisième vague ».  Ce mouvement, très hétérogène, comporte de nombreuses « écoles », si bien que chacun pourra contester en bonne conscience l’un ou l’autre des aspects sur lesquels j’attire votre attention.

Le principe de base est souvent le « dominionisme[note] Cf. https://soyonsvigilants.org/dominionisme-theologie-de-la-domination/ Selon les nombreuses nuances de « l’évangile de la prospérité », certains ne relient pas automatiquement la possession des richesses à l’objectif de « dominer le monde ».[/note] » tiré de Genèse 1.28 : « Dominez sur les poissons de la mer et sur les oiseaux des cieux, et sur tout être vivant qui se meut sur la terre. » L’explication est la suivante : Il y a une « guerre spirituelle » entre Dieu et ses anges, et Satan et ses démons. Le chrétien devrait aider Dieu dans cette guerre et accéder au pouvoir spirituel et politique. L’Évangile devrait être « puissant » et se manifester obligatoirement par des « signes et prodiges », sans oublier « le nerf de toute guerre », l’argent. « L’argent appartient à Dieu » mais, comme nous sommes des « enfants de Dieu », nous nous devrions de ne plus mener une vie de pauvreté et de misère qui déshonore Dieu, mais une « vie de princes » car c’est à cela que nous serions appelés.

Originaire d’un « pays riche » (l’Amérique), l’évangile de la prospérité a généré rapidement des émules et suscité de nombreuses convoitises de la part de « ceux qui estiment que la piété est une source de gain » (1 Tim 6.5). De nombreux pays sont touchés et même des « pays pauvres » — comme en Afrique — car la formule « Salut, Guérison, Richesses » est une « formule gagnante » aussi simple que séduisante.

Essayons de comprendre le fonctionnement de ce nouvel évangile inconnu de la Bible et des apôtres.

La logique de la prospérité

Elle s’appuie principalement sur deux interprétations tendancieuses de la Bible :

  • La richesse est acquise au chrétien, avec le salut. Elle est l’une des composantes de la « bénédiction d’Abraham » accordée aux païens par l’œuvre de Christ (Gal 3.14). Dieu veut que ses enfants prospèrent matériellement (3 Jean 2), et qu’ils connaissent la réussite, y compris financière (Jos 1.8 ; 1 Chr 20.20 ; Néh 2.20 ; Ps 1.3). « La pauvreté vient de l’Enfer. La prospérité vient du Ciel.[note]Benny Hinn, TBN du 6 novembre 1990.[/note]
  • La doctrine dite de la « compensation ». La technique est de planter un « don semence », « une semence de foi » (cf. Luc 6.38 ; Marc 10.28-30). Dieu se devrait non seulement de vous la rendre, mais de vous la rendre au centuple : « Apprenez à planter l’argent dans le service de Dieu, et il vous rendra une moisson abondante d’argent »[note]T.L. Osborn, La vie comblée, p. 161, cité par Jean-Claude Chabloz et Paul Arnéra, « Le faux évangile de la prospérité », ICHTHUS n° 75 avril-mai 1978, p. 27.[/note]. « Plantez une grosse semence, confessez le résultat, et vous libérez les forces surnaturelles de Dieu. [note]Benny Hinn, TBN du 6 novembre 1990.[/note]

Les ressources financières

  1. L’Église et la dîme

Il n’y a pas que des mouvements charismatiques qui imposent cet impôt aux membres de leurs églises. Mais en ce qui concerne les leaders, ils sont en général à la tête de « megachurches » de milliers de membres. Prenons une église « moyenne » de 5 000 membres. Sur la base d’un salaire moyen de 2 000 euros, cela représente 12 millions d’euros de revenus par an ! L’enseignement est limpide : « Si on n’est pas fidèles dans nos dîmes, on est en train de déshonorer Dieu. Chaque fois qu’on écrit sur un chèque notre dîme Dieu le voit. La dîme c’est un principe divin qui amène la bénédiction dans notre vie terrestre. [note]Jérémy Sourdril, « Prières inspirées ». https://emcitv.com/jeremy-sourdril/video/la-recompense-de-ceux-qui-donnent-dime-offrandes-45823.html et d’autres émissions sur le même thème.[/note]

Les Épîtres ne mentionnent jamais la dîme car le chrétien est sous un régime différent de celui de l’A.T. (1 Cor 16.2)[note]Voir sur ce sujet l’article de D. Shutes dans ce numéro.[/note]

  1. La télévision et internet

Il suffit de faire des appels précis sur sa chaîne de télévision[note] Jimmy Swaggart, un télévangéliste pentecôtiste très connu avait 500 millions d’auditeurs…[/note]. Voici un exemple récent : Pour financer l’achat de son dernier avion, estimé à 54 millions de dollars, le prédicateur Jesse Duplantis a fait un appel aux dons dans une vidéo diffusée le 21 mai 2018 sur son site internet : « Nous croyons en Dieu pour un Falcon 7X tout neuf pour aller partout dans le monde sans escale », affirme le télévangéliste, qui se tient devant des photos de ses trois avions…[note]https://www.20minutes.fr/monde/2281463-20180531-etats-unis-televangeliste-veut-acheter-jet-prive-lance-appel-dons[/note]

  1. Les croisades de guérison et de miracles

Le Seigneur et ses apôtres ont fait de très nombreuses guérisons et Dieu est toujours puissant pour faire des guérisons aujourd’hui, selon sa souveraineté mais il n’y a aucun exemple biblique nous autorisant à « prêcher la guérison ». C’est une dérive dangereuse. Au cours de ces réunions, on place généralement la collecte avant le moment de guérison et on pousse indécemment à la générosité : « Je veux réunir ces 80 000 F ce soir ! … je veux vous mettre au défi… “Donnez et l’on vous donnera” … il ne s’agit pas de donner ce que vous pouvez donner ! Donnez ce que vous ne pouvez pas. Si vous pensez que vous pouvez donner 500 F mais pas 1000, donnez-en 1000. C’est là que se trouve la bénédiction et cela est vrai. »[note]Kenneth E. Hagin, Rachetés de la pauvreté … de la maladie … de la mort, 1986, p. 7-8.[/note]

Beaucoup de ces guérisons sont des illusions qui ne tiennent pas dans le temps et qui ne résistent pas aux contrôles.

  1. Les éditions de livres, vidéo, gadgets évangéliques, etc.

Plusieurs ont, en parallèle, des maisons d’édition où une multitude de livres aux titres alléchants, sont publiés… et parfois même diffusés par nos « librairies évangéliques ».[note]

Voici quelques titres (à ne pas recommander !) en relation avec notre sujet :

Les clefs bibliques de la prospérité financière, de Kenneth Hagin,

La prospérité est la volonté de Dieu, de Gloria Copeland,

Les finances surnaturelles du royaume, de Tijo Thomas…[/note]

Ces livres, parfois diffusés par millions d’exemplaires, sont un apport financier certain. De plus ils participent activement à la diffusion de cet évangile séducteur.

Les dérives doctrinales de l’évangile de la prospérité

Il s’agit d’une synthèse qui regroupe l’ensemble des dérives les plus graves de ces mouvements sur des points fondamentaux. Précisons bien que tous ne peuvent pas être accusés de toutes ces dérives blasphématoires. Ces dérives touchent à :

  • La Bible : Elle est officiellement reconnue comme la Parole de Dieu mais, en pratique, les discours des leaders, les diverses prophéties et visions supplantent l’enseignement clair de la Bible. Il n’y a pas d’étude sérieuse de la Parole mais une manipulation de quelques versets hors contexte pour soutenir l’enseignement donné.
  • Dieu : Il est parfois présenté comme « non trinitaire »[note]De Branham qui était modaliste unitarien à Benny Hinn qui disait qu’il y a 9 personnes en Dieu… (émission du Orlando Christian Center, 13 octobre 1990). Cité par http://www.amourdelaverite.com/Benny%20Hinn%20-%201e%20Partie.shtml   [/note]. Dans le meilleur des cas Dieu, ayant perdu sa puissance et sa souveraineté[note] « Dieu ne peut rien faire sur cette terre si nous ne lui donnons pas la permission par la prière. »  Frederick Price, cité par Gary E. Billey          .  http://www.rapidnet.com/~jbeard/bdm/Psychology/char/more/w-f.htm[/note], est au service de l’homme.[note]Ken L. Sarles, « A Theological Evaluation of the Prosperity Gospel », Bibliotheca Sacra, October-December 1986, p. 343 : « Dans le mouvement de la prospérité l’homme est devenu celui qui commande et Dieu celui qui sert. »[/note] Les dérives principales sont en rapport avec le Saint-Esprit souvent assimilé à une « onction puissante » qui n’a pas de rapport avec l’Esprit de notre Dieu. On va jusqu’à vouloir la récupérer parfois en se couchant sur la tombe d’anciens leaders charismatiques ![note]Cf. https://soyonsvigilants.org/pratique-consistant-a-chercher-lonction-sur-des-tombes/Benny Hinn a fait de même. https://lesarment.com/2015/07/lonction-des-cimetieres-nouvelle-derive-de-lhyper-charismatisme/#_ftn1  https://www.youtube.com/watch?v=vHcRI60j0HI&feature=youtu.be[/note]
  • L’homme : Il est parfois divinisé : « Je suis un homme-Dieu ! … Cet homme spirituel qui est en moi est un homme-Dieu… Dites : Je suis né d’en haut ! Je suis un homme-Dieu ! Un homme-Dieu ! Sur le modèle de Jésus ! Je suis un surhomme ! »[note]Benny Hinn, Trinity Broadcasting Network, le 6 décembre 1990, http://www.tbn.org.[/note] « Tout ce que Jésus était, nous le sommes ! »[note]] Benny Hinn, The Berean Call, 1992, Media Spotlight Special Report, février 1994.[/note]
  • Jésus Christ : Il est le « Fils de Dieu » mais pour certains il n’est pas « Dieu le Fils ». Pour d’autres il s’est vidé (kénose) entièrement de sa divinité. Quant à son œuvre : « Le sang qui été répandu des veines de Jésus ne nous a pas rachetés… »[note]Kenneth Copeland, Personal letter from Kenneth Copeland, Forth Worth, Texas, mars 1979, cité par Simon Keglo, « La théologie de la prospérité : un salut bradé ? », FacRéflexion, n° 42-43, p. 11-12.[/note] mais il a été le premier être humain à naître de nouveau … quand il était en enfer.[note] https://craigbrownsreformedtheology.files.wordpress.com/2011/09/clip-7-joyce-meyer.mp3 Suite à des protestations, Joyce Meyer a renoncé à enseigner cette hérésie.[/note]
  • Le salut : Il doit se concrétiser par des expériences spirituelles tangibles dont, pour beaucoup, la première est « le parler en langues » qui est la porte d’entrée obligatoire pour accéder aux manifestations spirituelles[note]Toutefois, ceux qui promeuvent le « parler en langues » ne soutiennent pas tous l’évangile de la prospérité.[/note]. Malgré cela le salut n’est jamais définitif, il peut toujours se perdre.

Les effets pervers de l’évangile de la prospérité

« Le succès est disponible ici et maintenant… Il dépend de vous de venir et de le recevoir. Si vous n’avez pas le succès, c’est votre faute et non celle de Dieu. […] Vous déterminez votre niveau de succès. Vous faites le choix… Dieu a placé la balle dans votre camp. C’est vous qui donnez le mouvement. »[note]Robert Tilton, God’s Laws of Success, Word of Faith Publications, 1983, p. 28, 60.[/note]

Les effets d’un tel message sont destructeurs pour beaucoup.

  • Non seulement la déception est au rendez-vous pour ceux qui se laissent prendre mais on y ajoute une culpabilité intolérable. Voici le discours tenu : « Vous avez donné 100 euros et vous n’en avez pas reçu 10 000 ? Il y a deux possibilités : soit vous n’avez pas donné tout ce que vous pouviez donner et nous vous invitons à le faire sans tarder, soit c’est parce que vous n’avez pas la foi, car pour nous ça marche ! »[note]Cf. Gloria Copeland, God’s Will is Prosperity, 2012.[/note]
  • La Parole de Dieu est discréditée. On lui fait dire ce qu’elle ne dit pas et on dit aux déçus de « voir directement avec Dieu » car c’est lui qui a fait la promesse !
  • L’ensemble des chrétiens sont discrédités aux yeux des incrédules à cause des scandales financiers, des scandales sexuels, des faux miracles, des fausses prophéties[note]Pierre Grenard, « Argent et sexe… Ils ont cassé la tirelire du bon Dieu », Paris Match, 10 juillet 1987. C’est le moment de la généralisation des « télévangélistes » en Amérique et de l’éclosion des « empires financiers » sur les traces d’Oral Roberts. Il en est toujours de même. http://www.connaitre-la-verite.com/yonggi-cho-condamne-pour-detournement/[/note] ou des « paroles d’autorité » creuses, aussi fausses que prétentieuses, dont la dernière, à l’heure où j’écris ces lignes, est : « J’arrête le coronavirus, au nom de Jésus Christ. »
  • L’Église pauvre et souffrante est totalement méprisée quand elle n’est pas tout simplement ignorée. Les pays en guerre, les chrétiens persécutés, les camps de réfugiés, les pauvres qui sont toujours avec nous (Marc 14.7) sont ignorés ; ils ne sont pas une terre de mission car peu propices à la récolte de fonds. Ces gens-là seraient sous la malédiction de Dieu.[note]Kenneth Hagin, Rachetés de la pauvreté … de la maladie … de la mort.[/note]
  • C’est une exploitation savante et éhontée de la crédulité humaine à des fins mercantiles, c’est le glissement de la foi biblique vers la superstition religieuse. Nous sommes appelés à partager avec les pauvres (2 Cor 8.13-15) mais dans ce faux évangile les pauvres sont toujours dépouillés au profit des riches (Jac 5.1-3).
  • C’est une des nombreuses séductions de la fin des temps ; c’est une caractéristique de l’église de Laodicée qui proclame : « Je suis riche et je me suis enrichie » (Apoc 3.17) et qui ne se rend pas compte que le Seigneur est dehors et qu’il frappe encore à la porte d’un cœur.[note] C’est l’expérience de Costi Hinn qui reconnaît qu’il n’était pas né de nouveau lorsqu’il était assistant de son célèbre oncle, Benny Hinn. http://www.ultimechoix.net/de-levangile-de-prosperite-a-jesus-christ-le-neveu-de-benny-hinn-raconte-sa-conversion/[/note]

Le message de la Bible est clair : « … des hommes corrompus dans leur intelligence et privés de la vérité, qui estiment que la piété est une source de gain. Or la piété avec le contentement est un grand gain […] alors ayant nourriture et vêtement nous serons satisfaits […] Mais ceux qui veulent devenir riches tombent en tentation et dans un piège […] C’est une racine de toutes sortes de maux que l’amour de l’argent ; pour s‘y être livrés certains se sont égarés de la foi […] Mais toi, ô homme de Dieu, fuis ces choses. » (1 Tim 6.5-11)

Y a-t-il des aspects positifs dans l’évangile de la prospérité ?

  • La puissance financière énorme de ces milieux leur donne des moyens d’action exceptionnels. Au sein d’un mélange subtil de bonnes choses et de mauvaises choses, certains auditeurs, par la grâce de Dieu, acceptent le message de la réconciliation avec Dieu par l’œuvre de Jésus Christ…
  • Une partie des sommes considérables collectées sont utilisées pour « l’œuvre » qui peut parfois apporter — comme au Brésil et parfois ailleurs — une amélioration sociale significative : mise en place de cantines, d’écoles du dimanche ou simplement d’écoles. Il y a aussi la diffusion d’une morale chrétienne et une entraide entre « croyants ». Ceux qui n’ont pas d’argent à donner viennent aider gratuitement à la construction de leur église ou à toute autre œuvre au profit de la mission… et cela crée un lien social positif.

* * *

Alors que conclure ? Si Paul, privé de liberté, dans les tristesses, les privations et les afflictions, trouvait sa joie « dans le Seigneur », nous devons l’imiter et, face au faux évangile de la prospérité, dire avec lui : « Toutefois, de toute manière, soit comme prétexte, soit en vérité, Christ est annoncé ; et en cela je me réjouis et aussi je me réjouirai. » (Phil 1.18)


Dans la Bible, il est souvent question d’argent et, notamment, des croyants qui donnent de l’argent. Dans les églises aussi, il est souvent question d’argent ; mais trop souvent, toutefois, ce qui se dit dans la Bible et ce qui se dit dans les églises ne s’accordent pas trop.
La première chose qui ressort d’une étude de la dîme dans la Bible est le peu d’information qui existe sur le sujet. Quelques passages dans la Loi expliquent le principe (et pas toujours d’une manière particulièrement claire), quelques passages dans les livres historiques, deux seulement dans les prophètes. Comparé à ce que la Bible dit sur les sacrifices, la louange, la sainteté, les idoles, ou tant d’autres sujets, celui-ci n’est vraiment pas développé, surtout comparé à l’importance qu’il prend dans l’enseignement de certaines églises chrétiennes.

La dîme : la finance publique de l’époque

La dîme n’est pas du tout propre à la Bible ou au judaïsme ; c’était la « taxe » la plus courante dans beaucoup de sociétés de l’époque. Elle semble avoir été pratiquée le plus souvent dans le domaine religieux mais aussi politique (1 Samuel 8 met le peuple en garde contre la dîme que leur prélèverait un roi).
La seule structure mise en place par la loi de Moïse pour l’organisation et la gestion de la société est la structure lévite [note]La loi prévoit la possibilité pour le peuple de se donner un roi (Deut 17.14-20), mais n’en instaure pas un.[/note].
Les deux grandes erreurs commises le plus souvent par les églises, dans leur enseignement sur la dîme, consistent
– d’une part à oublier que le peuple payait la dîme aux Lévites et non aux seuls sacrificateurs (qui, eux, s’occupaient du culte),
– d’autre part, à négliger l’importance de toutes les responsabilités des Lévites en dehors du culte.

Les fonctions financées par la dîme

Les Lévites constituaient le seul « gouvernement » ou la « fonction publique » de la société israélite. Il n’y avait pas de « taxes » ou « impôts » à payer, selon la Loi de Moïse, en dehors de la dîme, puisque les Lévites étaient censés faire pour ainsi dire tout ce qui relèverait de « l’État » :
1. Le culte proprement dit dont s’occupaient les sacrificateurs (qui font partie des Lévites) : l’idée de séparation de l’État et du culte n’existait pas et le culte était censé être le principe unificateur de tout Israël.
2. Certains aspects de la religion : même si les Lévites n’intervenaient pas directement dans le culte lui-même, à l’époque du Tabernacle, ils étaient chargés du transport du Tabernacle et de tout le matériel utilisé dans le culte (Nom 3.17-38). Plus tard, dans le Temple de Salomon, ils avaient d’autres responsabilités, en tant que portiers (1 Chr 23.5), chanteurs (cf. 1 Chr 15.16-22 ; 9.14-34), etc.
3. Les Lévites étaient chargés aussi de veiller à ce que personne ne touche le Tabernacle ou les choses saintes (Nom 1.53). Cette charge est en rapport avec la religion, mais aussi avec la sécurité publique.
4. Il n’y avait pas vraiment de fonction « médicale » dans la société à l’époque, mais l’examen des malades et les mises en quarantaine de la personne « impure » relevait des sacrificateurs (Lév 13).
5. Les Lévites d’une manière plus générale avaient de nombreuses responsabilités qui relèveraient, de nos jours, d’un rôle juridique (1 Chr 23.4) : veiller à ce que les poids et mesures soient justes, pour éviter de l’escroquerie sur le marché (1 Chr 23.29) ; juger dans des disputes (Deut 17.8-13 ; 21.5 ; 2 Chr 19.8) ; administrer les « villes de refuge » (Nom 35.6) ; déterminer la culpabilité d’une personne (Nom 35.10-28).
6. L’aide aux pauvres, aussi, était financée en partie par la dîme (Deut 14.29).[note]Certains pensent que la dîme en question ici venait en plus de la dîme payée aux Lévites, mais comme aucun texte biblique ne parle de deux ou trois dîmes différentes, il est fort probable que ceci veut dire simplement qu’une année sur trois, la dîme était consacrée aux pauvres (c’est vraisemblablement cette dîme dont il est question dans Amos 4.4). Certains justifient ainsi le fait de demander aux croyants de donner 20 ou même 30 % de leurs revenus pour l’église.[/note]

Les structures publiques changent et le financement aussi

La structure dont il est question dans la Loi est une théocratie où le principe unificateur essentiel du pays est l’attachement universel et obligatoire à la religion. Dès qu’il est question d’une autre structure, même en Israël, le financement change.
Le premier changement majeur et officiel est l’institution d’une monarchie en Israël. La dîme ne suffit plus pour financer toutes les dépenses. C’est d’ailleurs le fait que les charges devenaient de plus en plus lourdes qui a provoqué le schisme en Israël et a conduit à deux monarchies différentes. Mais en plus de la multiplication de taxes et de charges, le gouvernement sous l’autorité du roi prend forcément en charge certaines responsabilités qui, auparavant, relevaient des Lévites, notamment tout ce qui relevait du système juridique.
Avec la disparition de la monarchie au retour de l’exil, les structures anciennes sont remises en place dans une large mesure, ce qui veut dire que le financement ancien doit l’être aussi. Là où les autres prophètes, à l’époque des rois, n’avaient pas spécialement à reprendre le peuple dans ce domaine (non parce que le peuple payait fidèlement la dîme mais parce que les fonctions essentielles de la société étaient prises en charge par le gouvernement), Malachie doit faire prendre conscience au peuple que l’infidélité dans la dîme empêche l’œuvre de Dieu de se faire (Mal 3.8).
La situation change radicalement de nouveau quand la Judée n’est plus qu’une simple province romaine, sans autonomie locale et que la quasi-totalité des fonctions publiques sont sous l’autorité des Romains, à la seule exception du culte. Du vivant de Jésus, alors qu’il est toujours question d’Israël plutôt que de l’Église chrétienne, il est très peu question de la dîme. Jésus fait remarquer que les pharisiens payaient scrupuleusement la dîme (Mat 23.23 ; Luc 11.42), mais ses paroles montrent clairement qu’il ne considère pas cela comme un des aspects les plus importants de la Loi de Moïse.

Qu’en est-il de la dîme dans l’Église chrétienne ?

Comme les chrétiens vont vivre dans toutes sortes de sociétés différentes, avec un secteur public organisé et financé de manières extrêmement diverses selon les pays, il est totalement impossible de dire combien un chrétien doit payer pour financer ce qui devait être couvert par la dîme sous l’ancienne alliance.
Déjà, le culte est séparé le plus souvent du secteur public. Et le maintien de la société n’est pas de la responsabilité des chrétiens. Ils n’ont ni à financer le domaine de la santé publique, ni le domaine juridique. Même l’aide aux pauvres n’est plus la responsabilité des seuls chrétiens ; d’autres structures existent aussi pour cela.
Ajoutons que le culte de Dieu n’est plus obligatoire. Jésus envoie ses disciples dans un monde où le culte devient volontaire ; son financement l’est donc aussi. Au lieu de financer le culte par une « taxe » mandatée par la loi, c’est aux croyants de donner volontairement (2 Cor 8.4,10 ; 9.7), selon leurs moyens (1 Cor 16.2 ; 2 Cor 8.11-12), pour faire vivre le culte (1 Cor 9.7-14) et pour aider les pauvres qui sont à charge de l’église (Rom 12.13 ; 1 Tim 5.4-10).
Le N.T. ne reprend donc pas le principe de la dîme pour les chrétiens. On ne peut pas « chiffrer » combien chacun doit donner. Quel pourcentage de ce qui, selon la Loi de Moïse, était financé par la dîme, l’est de nos jours par les programmes sociaux, par le ministère de la justice, par le ministère de la santé, etc. ? Qui peut le dire ?
Le N.T. reste donc sur le principe d’offrandes volontaires, sans essayer jamais de donner un chiffre. Il n’y a pas de contrainte (2 Cor 8.8 ; 9.7) et ce que chacun est censé donner dépend, non d’un pourcentage imposé à tout le monde, mais de ses propres moyens (1 Cor 16.2 ; 2 Cor 8.12). Ce pourcentage variera aussi selon les dispositions de l’église locale ; une église qui veut un bâtiment doit le financer mais le N.T. n’impose nullement à une église locale d’avoir un bâtiment. Une église qui a les moyens de faire plus d’œuvres sociales aura besoin de plus de financement pour cela, mais le N.T. ne donne aucune indication sur son implication, puisque cela va varier selon les pays et les moyens des églises. Le chrétien est appelé simplement à comprendre l’importance de l’œuvre de Dieu et y contribuer, selon ses moyens. Il le fait par la prière, par sa participation active, et par l’argent qu’il met à disposition de ceux qui gèrent cette œuvre.

Qu’est-ce qui est obligatoire pour les chrétiens ?

Aujourd’hui comme hier, il faut bien financer la société d’une manière ou d’une autre. Mais la manière de la financer varie énormément. De nos jours, dans la très grande majorité des pays, le secteur public est financé en grande partie par les impôts, taxes et charges (en plus du financement par les usagers.) Pour les chrétiens, ce financement est obligatoire. En effet, un croyant doit payer taxes, charges et impôts fixés par la loi, comme tout le monde (cf. Mat 22.17-21 ; Rom 13.5-7).
Dans la plupart des pays occidentaux, la participation au financement du culte n’est pas obligatoire, selon la loi ; il relève de ceux qui se rattachent au culte en question. Cela veut dire que c’est aux chrétiens de financer l’œuvre chrétienne, en plus de leurs impôts [note]Bien que beaucoup de pays, dont la France, permettent de déduire des revenus imposables les sommes données pour le culte, ce qui veut dire que, dans un certain sens, les fonds de l’État contribuent indirectement au financement du culte.[/note].
Cela étant dit, si la participation au financement du culte est libre pour un croyant donné, il est obligatoire pour l’ensemble de la communauté chrétienne. Comme l’État ne finance pas directement le culte, si les croyants ne le font pas, il n’y aura pas de culte. En s’appuyant sur la Bible, une église ne peut pas fixer un taux de participation dans le financement de l’église et l’imposer à tout le monde. Mais une église peut bien en parler, pour faire comprendre à tous les croyants qu’ils constituent sa seule source de revenus.
Mais si la participation est libre sur le plan individuel, si ce n’est pas une obligation, pourquoi une personne donnée y participerait ? La raison est simple : par amour pour le Seigneur et, par extension, pour son œuvre. Si le croyant a des priorités bibliques, l’avancement de l’Église de Jésus-Christ est important pour lui. Il ne le fera pas par obligation, ni par crainte de punition s’il ne le fait pas, mais parce qu’il désire que cette œuvre puisse continuer et il sait que, pour le faire, il faut de l’argent.
Remarquons néanmoins que l’argent n’est pas le seul moyen de participer à l’œuvre du Seigneur. Dans les temps anciens, la dîme se payait non seulement en argent mais aussi en nature. De même, les croyants peuvent contribuer à l’œuvre du Seigneur par leur temps, leurs compétences, ou par leurs biens matériels. Même une personne qui a peu de moyens financiers peut ainsi montrer que l’œuvre du Seigneur est sa priorité.

Y a-t-il des bénédictions promises à ceux qui donnent la dîme aujourd’hui ?

Même dans certaines églises où le principe d’offrandes volontaires est bien compris et enseigné, il y a parfois une tendance, malgré tout, à « encourager » fortement les croyants à donner, en leur promettant une compensation financière de la part de Dieu s’ils donnent, en s’appuyant souvent sur Malachie 3.10 : « Apportez à la maison du trésor toute la dîme, afin qu’il y ait des provisions dans ma Maison ; mettez-moi de la sorte à l’épreuve, dit l’Éternel des armées. (Et vous verrez) si je n’ouvre pas pour vous les écluses du ciel, si je ne déverse pas pour vous la bénédiction, au-delà de toute mesure. »
Or l’utilisation de ce texte montre une confusion majeure entre une promesse collective et une promesse individuelle : il ne s’agit nullement d’une « récompense » pour leur fidélité, comme si Dieu leur disait : « Si vous me donnez ceci, je vous donne cela en retour. » Une telle notion relève entièrement de la religion païenne et non de l’optique biblique. Ce n’est pas une « promesse » dans le sens d’une récompense, mais un simple principe : si l’ensemble d’un pays agit selon la loi de Dieu, le pays en sera plus fort. Si le peuple triche massivement en évitant de payer la dîme, le gouvernement est forcément affaibli.
Mais il y a pire que cela : promettre la prospérité à ceux qui paient la dîme change totalement la motivation du croyant. Au lieu de donner — et se donner — pour le royaume de Dieu, simplement parce qu’il veut voir le royaume de Dieu avancer, il le fait pour ce qu’il peut en tirer. Son but fondamental est égoïste — et Dieu est censé récompenser cet égoïsme ! Dans 1 Timothée 6.3-5, Paul dénonce très fortement ceux qui « considèrent la piété comme une source de gain ». Un véritable enfant de Dieu soutient l’œuvre de Dieu par amour pour Dieu et non par amour pour les bénédictions matérielles qu’il pense recevoir en retour pour sa fidélité.

Conclusions pour les Églises chrétiennes

L’Église a toujours, et aura toujours, la responsabilité d’évangéliser et de veiller à l’édification des croyants. Elle aura souvent un rôle dans l’aide sociale ou de santé, mais ce rôle est variable selon les pays. Dans certains pays du monde, les chrétiens sont pratiquement la seule source de développement d’une aide médicale urgente.
Voici six principes pour résumer l’essentiel de l’approche biblique en ce qui concerne la dîme et les offrandes :
1. Dans la mesure où la dîme représentait le financement public, les croyants ont toujours cette obligation : chacun doit payer ce que lui impose la loi.
2. Il est nécessaire pour les croyants de donner, financièrement, pour l’œuvre de Dieu [note]Bien que beaucoup de pays, dont la France, permettent de déduire des revenus imposables les sommes données pour le culte, ce qui veut dire que, dans un certain sens, les fonds de l’État contribuent indirectement au financement du culte.[/note].
3. Les croyants peuvent aussi contribuer à l’œuvre de Dieu par d’autres moyens que le financement : nous pouvons aussi donner du temps, faire des efforts, utiliser nos connaissances, etc.
4. Il est impossible de fixer un pourcentage précis pour la contribution de chacun : la situation est trop variable selon les systèmes économiques de chaque pays, les situations personnelles, etc. Le sentiment de la grâce reçue sera la première motivation.
5. De toute manière, la dîme n’appartient pas à l’église locale : Si une église voulait appliquer la Loi de Moïse à propos la dîme, elle devrait aussi utiliser cette dîme pour financer non seulement le culte mais aussi des fonctions juridiques, médicales et sociales !
6. Le financement du culte n’existe surtout pas uniquement pour enrichir le pasteur. Paul dit : « Je n’ai convoité ni l’argent, ni l’or, ni les vêtements de personne. » (Act 20.33) et il savait vivre avec très peu de moyens (Phil 4.11-13). Dans certains pays africains, un enseignement pernicieux prétend, non seulement que chaque membre de l’église doit payer la dîme, mais que cette dîme appartient directement et personnellement au pasteur. Cet enseignement n’a absolument aucun appui biblique. Un pasteur ou un conseil d’église qui insiste sur les offrandes (même s’il ne s’agit pas précisément de la dîme) en vue de s’enrichir, est totalement à côté de l’enseignement biblique. Le Seigneur Jésus, aussi, vivait avec très peu de moyens (Mat 8.20). À nous d’imiter cet exemple.


La grande misère est un scandale. Si nous n’en sommes pas tous directement témoins, les médias et les associations nous en présentent des images volontairement choquantes, dans l’objectif de toucher le cœur et si possible le porte-monnaie de personnes comme vous et moi, potentiels donateurs. On peut avoir des réticences sur la méthode, des doutes sur l’usage qui est fait des dons, il n’en reste pas moins que la grande misère est une réalité, un scandale au sein de l’humanité depuis l’origine des sociétés. C’est un fléau mortel, car les pauvres meurent plus jeunes, de faim, de maladie, de multiples complications de leur détresse sociale.
Nous nous habituons tous aux manifestations du mal, tant qu’il ne frappe pas trop cruellement à notre porte. Il arrive que l’irruption d’un événement marquant notre vie personnelle nous « réveille » douloureusement. Je me rends bien compte que l’épreuve de la grave maladie de notre fille m’a éveillée à l’injustice de la difficulté de l’accès aux soins pour des parents moins privilégiés. Sans cette grande épreuve, je n’aurais probablement pas contribué à créer une ONG caritative dans un bidonville de Beyrouth.

Pourquoi nous est-il si difficile de savoir comment agir ?

Bien agir sans être manipulés ni abusés

Nous nous sentons parfois manipulés. Nos frontières personnelles sont envahies par ces appels multiples qui s’imposent dans nos vies et nous donnent mauvaise conscience. Devons-nous donner de l’argent au mendiant dans la rue ? L’argent sera-t-il mal employé, pour acheter alcool ou drogue ? L’argent donné à un enfant ira-t-il dans la poche d’un adulte qui le bat, ou, pire encore, dans l’escarcelle d’un réseau de trafic humain ? A chaque fois que nous donnons sans savoir ce qui est fait de notre argent, nous encourageons, nous nous faisons en quelque sorte complices de tels abus. Mais comment ne pas avoir pitié de cet enfant de la rue ? De ce mendiant en mauvaise santé ? La réponse se trouve, à mon avis, dans la sagesse collective. J’y reviendrai plus bas. Si nous savons agir avec discernement, nous saurons résister à de telles pratiques qui abusent de notre sentiment de culpabilité, et nous serons beaucoup plus efficaces dans notre action.
Dans les « États-Providence » tels que la France, nous participons à la solidarité publique par nos impôts. Nous en profitons également. Ce système prévu pour réduire les inégalités ne saurait être remis en question. Mais les chrétiens croient en une Providence plus puissante, celle de Dieu, qui est qualitative aussi bien que quantitative : être le prochain, ce n’est pas seulement donner par obligation, c’est prendre soin, prier, soutenir dans la durée, prendre des nouvelles, comme l’a fait le bon Samaritain.

Bien agir doit être bien réfléchi

L’enseignement de Jésus dans l’histoire du bon Samaritain est universel et tout à fait révolutionnaire. Jésus place son interlocuteur, un enseignant de la loi juive, dans la position de l’assisté plutôt que celle de l’aidant, qui, lui, est un quelconque non-juif de passage. Dans cette histoire, un étranger vient en aide au « nanti » rendu vulnérable par les aléas de la vie. Transposé à notre époque, cet exemple suggère que le migrant sans papier sera peut-être celui qui me sauvera un jour d’une grande détresse. Je réalise alors qu’il est pleinement mon prochain. L’objectif de cette parabole n’est pas de nous donner mauvaise conscience si nous n’amenons pas chez nous tous les blessés de la vie rencontrés sur notre chemin, mais plutôt de nous montrer que notre prochain n’est pas celui que nous aurions attendu ou choisi.
En pratique, l’aide au prochain est plus compliquée qu’il n’y paraît. Nous ne sommes plus au premier siècle et nous ne pouvons évidemment pas appliquer à la lettre les détails de cette histoire. L’enseignement reste le même, la mise en pratique va être différente. Nos sociétés modernes occidentales, dans un souci d’organisation et de sécurité, compliquent les actions spontanées. Ainsi, malgré un élan généreux naturel devant une situation de grande détresse, nous ne pouvons pas prendre la responsabilité d’héberger sur le champ un enfant de la rue, ni même d’emmener à l’hôpital dans notre propre voiture un blessé de la voie publique alors que les secours tardent. Les conséquences de nos actes spontanés pourraient en effet être désastreuses, à la fois pour celui que nous voulons aider et pour nous-même. Il nous faut être très prudents dans ce domaine et agir de façon réfléchie et collectivement, plutôt qu’impulsivement et seul. Le Samu social estime qu’un tiers environ des SDF, en France, souffrent d’une pathologie psychiatrique sévère. Il est donc probablement illusoire, forts de notre sentiment de compassion uniquement, de vouloir aider utilement et durablement une personne qui vit dans la rue. Une action concertée, professionnelle et pluridisciplinaire est nécessaire. Agir seul est souvent inefficace, parfois dangereux.

Bien agir doit être bien motivé, dans le respect de nos priorités

Lorsque nous trouvons difficile d’aider notre prochain, interrogeons-nous sur nos motivations : ai-je une conviction profonde et motivée par la Parole de Dieu que je peux faire mieux, ou plutôt un sentiment momentané de culpabilité, peut-être alimenté par les médias ?
Je me souviens d’un incident qui m’a marquée dans mon enfance : mes parents, ma sœur et moi étions invités chez un oncle et une tante. Nous ne les avions pas vus depuis très longtemps, car ils habitaient loin de chez nous. Au moment de préparer son repas, ma tante ouvre le frigo et constate, éberluée, que le rosbif prévu a disparu ! L’oncle avoue alors qu’il l’a donné à un mendiant rencontré la veille. Mon oncle était croyant et a jugé que le mendiant avait plus besoin de manger de la viande que sa propre famille. Objectivement, il avait raison. Mais il n’avait pas mesuré l’embarras qu’il a causé à son épouse incapable d’assurer un repas à ses invités ! Son intention était bonne, le moyen de venir en aide n’était sûrement pas le meilleur.
L’exemple semble extrême, mais réfléchissons : dans mon désir de bien faire, mes priorités sont-elles respectées ? Est-ce que j’assume mes responsabilités envers mes proches : mon conjoint, mes enfants (même en cas de séparation ou de divorce) ? Mes parents âgés ont-ils besoin de mon aide pratique ou tout simplement d’une communication affectueuse ? Est-ce que je réponds de façon émotionnelle et impulsive à un reportage médiatique ou ai-je bien réfléchi et prié au sujet de mon engagement pour une œuvre que je sais digne de confiance ?

Bien agir avec justice et intégrité

Si nous n’avons aucun moyen de contrôle sur nos dons à des œuvres, il est légitime de nous demander s’il n’est pas mal employé, voire détourné. Les pauvres des pays du Sud sont au bénéfice d’aide publique par la communauté internationale. Celle-ci est malheureusement insuffisante, d’autant qu’il est estimé que plus de la moitié de cette aide est employée au fonctionnement des institutions chargées de la mettre en œuvre ou à des annulations de dette purement comptables. Les ONG privées, et parmi elles les ONG chrétiennes, prennent le relai de cette aide publique. Elles jouent un rôle essentiel dans le combat contre la pauvreté. On attend d’elles qu’elles agissent avec intégrité et rigueur, et on doit s’en assurer avant de s’engager, autant qu’il est possible.
J’ai résidé avec ma famille pendant 14 ans au Liban. J’y ai fondé, avec une amie, l’ONG Tahaddi (« le défi »). Cette œuvre a beaucoup grandi, dans un contexte de grande insécurité régionale. La guerre en Syrie a amené au Liban plus d’un million de réfugiés. Tahaddi fait face chaque jour avec les habitants d’un bidonville de la banlieue de Beyrouth aux défis de l’extrême pauvreté : l’accès aux soins primaires, à l’éducation, à la dignité sociale. Les trois valeurs fondamentales de Tahaddi sont : Compassion, Justice, et Intégrité. Ces valeurs fondées sur les enseignements de Jésus doivent être traduites en actes quotidiennement.
Depuis des siècles, les communautés religieuses s’occupent des pauvres au Liban. Dans de nombreux villages on trouve des dispensaires et des orphelinats. Ces communautés tentent de remédier à la carence de l’État, lui-même très démuni, en raison de la corruption et d’une structure clanique de la société. La majorité des hôpitaux sont privés et chers. Une grande partie de la population n’a pas d’assurance médicale, et se trouve donc privée d’accès aux soins. Ce système d’assistance par les communautés religieuses est précieux, mais il présente des faiblesses : le service rendu est presque toujours à l’intérieur d’une communauté religieuse et ethnique, il entretient une allégeance à un pouvoir local. Ainsi, les plus défavorisés, les sans-papiers et les réfugiés, ceux qui ne votent pas et ne sont reconnus par aucune communauté, en sont très difficilement bénéficiaires. Dans certains cas, des œuvres religieuses mettent une grande pression sur les patients pour qu’ils se convertissent. C’est une sorte d’abus de pouvoir, incompatible avec le libre choix de conscience. Notons bien que dans l’histoire du bon Samaritain, il n’est pas question d’enseignement religieux, mais seulement de compassion au-delà des frontières humaines.

La place de l’Église

Agir chacun avec son don

Nous l’avons souligné, il est préférable de ne pas agir seul, mais de façon réfléchie et concertée. C’est là que l’Église, la communauté de croyants, a toute sa place. Répondre au commandement de Dieu d’aider les pauvres n’est pas une simple option. Comme dans l’Église primitive, un comité social (les « diacres » dans les Actes, mais aussi les associations culturelles de nos églises) organisera les actions soutenues par l’assemblée des croyants. Tous sont concernés, et les dons de l’Esprit peuvent et doivent s’exprimer. Certains sauront se renseigner sur des ONG et missions dignes de confiance, ou pourront même faire partie de leur assemblée générale ou bureau. D’autres sauront présenter la question à l’assemblée, d’autres auront des ressources financières et donneront avec générosité. Quelqu’un pourra être appelé à partir en mission à l’étranger ou à servir une œuvre solidaire près de chez lui. Celui qui a un don d’hospitalité sera heureux d’inviter une famille démunie de sa connaissance à dîner. Tous, nous n’avons pas les mêmes dons, mais tous, nous avons le devoir de ne pas rester indifférents à la grande question de la pauvreté dans le monde. L’important est de le faire, comme le dit Jésus, de tout notre cœur, comme pour lui-même. Même sans beaucoup de moyens financiers, nous pouvons agir : notre sourire, notre écoute, notre amour peuvent redonner dignité et courage à ceux qui en manquent.

Agir en choisissant les œuvres

Une église bien préparée à traiter le problème de la pauvreté choisira soigneusement les œuvres qui seront ses « outils appropriés » auprès des plus démunis. L’église locale restera en liaison avec ces œuvres, lisant attentivement les lettres de nouvelles et priant pour les actions entreprises. Ce pourra être un orphelinat, une soupe populaire, un foyer d’accueil pour migrants, un ministère d’aumônerie de prison. Des spécialistes y travaillent, nous avons la responsabilité de les soutenir, nous sommes dans la même équipe, celle des ouvriers de Dieu ! Ainsi, nous aiderons beaucoup plus sûrement un enfant de la rue à être recueilli dans un foyer, ou un SDF à bénéficier d’un repas gratuit équilibré. L’église choisira de même soigneusement les missions qui porteront son propre ministère à l’étranger.

Agir de différentes manières

Cette collaboration comportera un investissement financier, mais aussi en temps, par la prière et le suivi des projets. Nous ne pouvons pas être de tous les combats, même en tant qu’église. Cela implique de soutenir un nombre limité de projets, mais avec une attention soutenue. Pour les raisons évoquées plus haut, l’action sociale ne peut pas en bonne conscience être associée à une évangélisation « agressive ». Un témoignage respectueux de notre foi est toutefois souvent bien reçu. Pour concilier l’aide au prochain et le commandement de faire des disciples, une église peut choisir de soutenir une œuvre qui fait de l’évangélisation directe, telle que la traduction ou la distribution de la Bible, ou l’implantation de nouvelles églises, et une autre œuvre, à caractère plus social, telle que l’aide aux plus démunis. Un chrétien individuel peut aussi soutenir directement une œuvre qu’il a choisie soigneusement, sans toutefois négliger son engagement envers son église locale.

* * *

L’Éternel nous fait l’honneur de nous utiliser comme partenaire pour son action dans le monde, soyons à son écoute ! La puissance du Saint-Esprit est à notre disposition, puissance qui a énergisé les chrétiens du premier siècle et de nombreux héros de la foi depuis eux.
Avec l’aide du Saint-Esprit, apprenons à voir nos frères humains les plus vulnérables comme Jésus les voit, lui qui s’est pleinement identifié à eux dès les circonstances de sa naissance. Appliquons-nous, dans nos églises locales, à choisir soigneusement les moyens appropriés pour manifester généreusement notre solidarité avec les plus petits de ses frères.

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Résumé d’un livre à paraître en juillet 2020

« Tahaddi, sacré défi ! »

Septembre 1991 : après 15 ans de guerre, le cessez-le-feu tient depuis quelques mois à Beyrouth. Un traité libano-syrien a été signé le 22 mai à Damas, légitimant la tutelle syrienne sur le Liban. Agnès Sanders débarque de Paris, pour assister au mariage de ses amis libanais dans leur pays meurtri. Une grand aventure commence, celle de Tahaddi, où vont se croiser des destin improbables : Avec Agnès, Myriam, jeune institutrice suisse revenue à ses racines moyennes-orientales ; Bouddika, arrivée du Sri-Lanka en quête d’un avenir au Liban et rapidement prise au piège de l’esclavage moderne ; Samir, jeune médecin libanais qui rêve de ressembler à Che-Guevara ; Salma qui se marie avec son cousin palestinien pour échapper à un père meurtrier ; Yasmine, une enfant têtue dans le Kurdistan syrien ; Waafa, belle gitane mariée à douze an et Joëlle, fille de la bourgeoisie beyrouthine, victime de la guerre et de l’héroïne.

Un fil conducteur tisse un imbroglio d’histoire qui, avec le recul du temps, forment une tapisserie toutes en ombres et lumière, où prédominent espérance, foi et amour.


Le sage et les pauvres

Les sages bibliques ont un regard aiguisé sur les pauvres et les situations qu’ils rencontrent.

Quand le pauvre est sage…

Un passage de l’Ecclésiaste nous aidera à nous mettre en route :

« J’ai aussi vu sous le soleil cet exemple de sagesse qui m’a paru remarquable : Il y avait une petite ville, avec peu d’hommes ; un roi puissant vint contre elle, l’investit et bâtit contre elle de grands ouvrages de siège. Il se trouvait là un homme pauvre et sage qui délivra la ville par sa sagesse. Et personne ne s’est souvenu de cet homme pauvre. J’ai dit : Mieux vaut la sagesse que la vaillance. Cependant la sagesse du pauvre est méprisée, et ses paroles ne sont pas écoutées. » (Ecc 9.13-16)

L’enseignement de ce passage est double : le pauvre peut être sage ; mais il y a peu de chance qu’on lui prête attention de toute façon. De manière générale l’avis des pauvres n’est pas pris en compte ou du moins pas autant que celui des autres. L’« exemple de sagesse » décrit dans notre texte le montre : voilà une situation dans laquelle la sagesse d’un pauvre se trouve être le facteur déterminant pour faire sortir sa ville d’une situation de crise grave. Que se passe-t-il alors ? Les traductions du texte divergent : certaines[note]Comme la Bible en français courant qui rend le verset 15 ainsi : « Un homme pauvre mais sage y vivait. Il aurait pu sauver la ville grâce à sa sagesse.
Cependant personne ne songea à s’adresser à un homme pauvre comme lui. »[note]  comprennent que le pauvre délivre sa ville, mais qu’il est oublié par la suite ; d’autres qu’il aurait pu délivrer la ville, mais que personne n’a pensé à faire appel à lui[note]Comme la Bible en français courant qui rend le verset 15 ainsi : « Un homme pauvre mais sage y vivait. Il aurait pu sauver la ville grâce à sa sagesse. Cependant personne ne songea à s’adresser à un homme pauvre comme lui. »[/note] . Dans les deux cas on voit d’abord le pauvre au lieu de voir le sage et la conséquence est que l’on renonce à se mettre à son écoute et à apprendre de lui ou à reconnaître ce qu’on lui doit.
Dans certains cas cependant, la sagesse du pauvre parvient à se manifester malgré les apparences :

« L’homme riche se croit sage ;  un pauvre qui est intelligent peut le mettre à l’épreuve. » (Prov 28.11)

Être riche n’empêche pas d’être sage, mais la richesse, le pouvoir, la célébrité ou l’influence peuvent donner l’illusion de la profondeur. Celui qui s’en sort bien dans la vie est souvent tenté de s’attribuer une part trop importante du mérite en l’affaire et de faire comme si le seul fait d’être riche rendait nécessairement son avis plus intéressant ou plus pertinent. Confronté à un pauvre intelligent, un riche superficiel fera pâle figure si le pauvre trouve le moyen de faire entendre ce qu’il a à dire.

Les ressources du pauvre

Celui qui s’intéresse aux textes bibliques parlant de l’attitude à adopter envers les pauvres connaîtra bien sûr ces passages de la loi concernant le glanage et le grappillage : chacun était censé laisser un coin de son champ ou de sa vigne pour le pauvre et l’immigré (Lév 19.9-10 ; Deut 24.19-22). Il ne s’agissait pas directement de donner ces produits de la terre, mais de laisser le pauvre les prendre, ce qui impliquait un effort de sa part. On a souligné à juste titre qu’une loi de ce type s’inscrivait dans une perspective de responsabilisation de ceux qui en étaient les bénéficiaires.
Si l’on médite la portée de ce texte, il change aussi le regard que nous sommes parfois tentés d’adopter envers le pauvre : le pauvre n’est pas bon uniquement à recevoir. Il ne possède peut-être ni champ, ni vigne, mais il peut glaner et grappiller et ainsi contribuer au bien de sa famille comme la veuve Ruth a su le faire pour sa belle-mère Noémi (veuve elle aussi). La bonne attitude à l’égard du pauvre est certainement de partager avec lui… mais pas seulement ! Dans de nombreux cas, lui aussi peut faire quelque chose. De même dans une conversation, le pauvre peut contribuer à la discussion et n’a pas seulement à écouter ceux qui sont plus riches ou plus puissants que lui.

Le pauvre est un être humain comme un autre devant Dieu

« Le riche et le pauvre se retrouvent : c’est le SEIGNEUR qui les fait tous deux. » (Prov 22.2)

Celui qui compare le riche et le pauvre verra sans doute d’abord les différences entre eux parce qu’elles sautent aux yeux : différences imaginaires car, ainsi que nous venons de le voir, les apparences sont quelquefois trompeuses, ou différences réelles si l’on considère leurs conditions de vie. Mais placés dans la perspective de la création et de la providence, riche et pauvre apparaissent soudain beaucoup plus proches l’un de l’autre que ce qu’ils auraient eux-mêmes pensé. Les deux ont été créés par Dieu, sont radicalement dépendants de lui et vivent leur vie devant lui qu’ils le sachent ou non et qu’ils le veuillent ou non.
Le pauvre est un être humain comme un autre : voilà l’une des grandes leçons enseignée tant par la sagesse biblique que par le bon sens. Si nous sommes tous d’accord en théorie, il est plus difficile de nous débarrasser de nos préjugés et de nos réflexes spontanés dans la pratique. Le sage selon la Bible regarde si son interlocuteur est intelligent, même si son apparence n’est pas brillante ; il discerne son potentiel et sait saisir les éléments de sagesse d’où qu’ils viennent. Nous gagnerions à écouter davantage ceux qui vivent dans la pauvreté et ceux qui paient de leur personne au quotidien pour travailler avec les pauvres. Dans la société occidentale contemporaine, ceux qui sont le plus capables de se faire entendre sont les experts qui possèdent les diplômes autorisés ou ceux qui savent faire du « buzz » . N’avons-nous pas bien du mal à écouter les paroles de personnes sages quand il s’agit de personnes pauvres ou marginalisées ?

Le danger de l’idéologie

Si le pauvre est un être humain comme un autre, cela veut dire que nous pouvons apprendre de lui comme de n’importe qui d’autre et que c’est une attitude répréhensible que celle qui consiste à refuser d’écouter le pauvre parce qu’il est pauvre, à le mépriser, ou encore à le condamner par principe à n’être qu’un bénéficiaire de notre générosité et de notre sagesse.
Faut-il aller plus loin et dire que nous avons quelque chose de particulier à apprendre des pauvres précisément parce qu’ils sont pauvres ? La pauvreté est-elle une garantie de sagesse, place-t-elle les humains dans une situation privilégiée en termes spirituel, moral ou de sagesse par rapport aux autres et plus particulièrement face aux riches qui se croiraient tous sages, mais ne le seraient pas ? L’expérience de la pauvreté (ou de toute autre forme de souffrance) donne-t-elle à la personne concernée une perspective plus autorisée qui tend à disqualifier le point de vue de ceux qui n’ont pas vécu la même chose ?
La réponse à cette question demande de faire preuve de nuances. Il convient de relever que la Bible n’idéalise ni la pauvreté, ni les pauvres. Tout un pan de la tradition chrétienne a valorisé la pauvreté et la figure du pauvre en tant que telles. Le protestantisme a généralement été assez méfiant à l’égard d’une telle attitude. À juste titre ! On peut y discerner un lien suspect avec l’idée de contribuer à son salut (ou à celui des autres) par le moyen de ses propres souffrances au lieu de se confier uniquement dans l’œuvre de la croix. D’autre part, si l’enseignement biblique concernant les pauvres traite prioritairement de l’exigence de compassion et de justice à leur égard, quelques passages, peu nombreux mais significatifs, rappellent que le pauvre peut être responsable de la situation dans laquelle il se trouve, précisément en raison de son manque de sagesse (cf. les textes des Proverbes sur le paresseux, 6.6-11 par exemple). Tous les pauvres ne sont pas des sages !L’Écriture parle souvent des pauvres en lien avec le thème de la justice. Les droits des pauvres sont souvent bafoués et ils n’ont pas les moyens d’obtenir ce qui leur est dû, d’où les exhortations fréquentes : « Faites droit au faible et à l’orphelin, rendez justice au pauvre et au déshérité, faites échapper le faible et le pauvre, délivrez-les de la main des méchants. » (Ps 82.3-4) Comme les pauvres sont souvent opprimés, il convient de marteler l’importance de respecter leurs droits. Mais la loi de Moïse contenait aussi cette injonction surprenante : « Tu ne favoriseras pas le pauvre dans son procès. » (Ex 23.3) Cette prescription prévient une tentation, peu fréquente peut-être mais réelle, de donner systématiquement raison au pauvre, comme si par principe le droit se trouvait de son côté.
Ce qui est vrai d’un contexte strictement judiciaire (le procès) vaut de manière plus générale de toutes les situations dans lesquelles il s’agit de donner raison ou tort à quelqu’un. Puisque la parole des pauvres est si souvent dévalorisée, il importe, par mesure corrective, d’y être plus particulièrement attentif. Soyons prêts à écouter et à apprendre de ce que les pauvres ont à nous dire ! Mais n’allons pas tomber dans le piège inverse consistant à croire que le pauvre a raison uniquement parce qu’il est pauvre. Il vaut la peine d’insister sur ce point car certains semblent croire aujourd’hui que tout ce que les pauvres disent doit nécessairement être considéré comme juste, pertinent ou intéressant et estimer que toute remise en cause (surtout si elle vient d’un Occidental) devrait être suspectée de paternalisme ou de (néo)colonialisme. Dans certains cas, la bonne compréhension d’un contexte exige le recul de celui qui n’est pas directement impliqué ou dont les perspectives sont plus larges. Avec les pauvres, comme avec tous les autres humains, sachons être à l’écoute avec discernement.

Heureux les pauvres…

Et pourtant, même si elle n’idéalise ni la pauvreté ni les pauvres, la Bible contient plusieurs affirmations étonnantes, comme celle-ci : « Heureux êtes-vous, vous les pauvres, car le royaume de Dieu est à vous ! » (Luc 6.20)
La pauvreté de certaines personnes dans le monde nous dit quelque chose de la situation de toute l’humanité après la chute.
Nous avons vu que les personnes en situation de pauvreté sont capables de faire quelque chose et non pas uniquement de recevoir. Cela est vrai de façon générale et dans une perspective à long terme. On peut néanmoins constater un autre aspect de la pauvreté ou de certaines de ses formes : le pauvre est celui qui n’est pas en mesure d’offrir à celui qui partage avec lui quelque chose de socialement équivalent. Si vous l’invitez à manger chez vous, il ne peut pas vous inviter chez lui en retour (peut-être n’a-t-il même pas de chez lui), comme le souligne Jésus (Luc 14.12-14). Dans les situations les plus extrêmes, il sera réduit à la mendicité pure et simple et ne pourra pas faire grand-chose pour aller mieux. C’est cette extrême pauvreté-là qui décrit le mieux la situation de l’humanité devant Dieu : nous sommes tous des mendiants incapables de donner quelque chose en échange de notre salut. Les invités de la parabole sont des pauvres, des estropiés, des aveugles et des infirmes (Luc 14.21). Reconnaissons-le honnêtement : il n’y a rien là qui soit particulièrement valorisant pour les pauvres. Quand la Bible compare à des pauvres ceux qui sont appelés par l’Évangile ou l’ensemble du peuple de Dieu, c’est pour exalter la bonté de Dieu plutôt que pour mettre les pauvres en avant. Dieu manifeste son amour à celui qui renonce à jouer au riche devant lui et qui fait appel à lui dans la détresse, comme un mendiant qui n’a aucun espoir en ses propres ressources. Or l’expérience montre que ceux qui se tournent ainsi vers Dieu sont souvent des pauvres au sens économique du terme et que la richesse donne fréquemment à celui qui la possède l’illusion qu’il peut se passer de Dieu. D’où les paroles de Jésus sur la difficulté pour les riches d’entrer dans le Royaume de Dieu (par exemple Marc 10.24-27) ou l’affirmation de Paul selon laquelle Dieu a choisi des choses folles, faibles, viles, méprisées « de sorte que personne ne puisse faire le fier devant Dieu » (1 Cor 1.27-29).
Lorsque Dieu intervient en faveur de quelqu’un, il le relève vraiment et il fait de lui une nouvelle création. Il ne le laisse pas dans une situation d’« extrême pauvreté » spirituelle, même si nous restons dépendants de la grâce de Dieu tout au long de notre vie. Il l’équipe pour qu’il soit capable de donner quelque chose de valeur aux autres.
Or la Bible décrit plusieurs fois Dieu comme celui qui relève le pauvre (voir le Psaume 113 par exemple) ! Les pauvres qui mettent leur confiance en Dieu ont beaucoup à nous apprendre sur la vanité de ce à quoi nous nous accrochons bien trop souvent, sur ce qu’est la vraie foi qui s’attend à Dieu au jour le jour sans savoir ce qu’il y aura dans l’assiette au prochain repas, là où nous serions peut-être dévorés par l’angoisse. L’apôtre Paul s’émerveille aussi de ce que les chrétiens démunis de Macédoine manifestent un tel zèle pour participer à la collecte destinée à d’autres chrétiens, pauvres eux aussi (cf. 2 Cor 8.1-5). Les pauvres sont parfois beaucoup plus ouverts au partage que les riches !
N’imaginons pas cependant que, s’il est difficile pour un riche de mettre sa foi en Dieu, ce soit nécessairement simple pour un pauvre. La pauvreté a aussi ses tentations et ses luttes, mais celui qui sait tenir bon dans la détresse, y compris matérielle et économique, a certainement beaucoup à nous apprendre.


D’après Dan Graves

Pendant sa jeunesse, Abraham Lincoln, l’un des présidents américains les plus connus, se moquait des Écritures. Après la mort de son fils préféré, Willie, il a cherché un espoir qui pourrait lui apporter du réconfort. Sa femme Mary et lui ont assisté à des séances de spiritisme; mais ils y ont finalement renoncé en réalisant que c’était de la supercherie. Les soucis et les épreuves de la guerre ont rapproché Lincoln de plus en plus de sa Bible.

Beaucoup des messages de Lincoln font allusion à Dieu. Dans une lettre personnelle, il écrit : « Nous espérions que cette terrible guerre s’achèverait plus tôt de façon heureuse ; mais Dieu connaît le meilleur et en a décidé autrement. » Il se voyait de plus en plus comme un instrument de la volonté du Seigneur, aussi impénétrable soit-elle.

Il a ardemment cherché à comprendre pourquoi le Nord continuait à perdre, alors que la cause qu’il défendait — l’abolition de l’esclavage et le maintien de l’union du pays — semblait être la plus défendable. Finalement, dans un message privé, Lincoln a conclu : « Que la volonté de Dieu l’emporte. Les deux côtés ont peut-être tort ; dans la guerre civile actuelle, il est bien possible que l’objectif de Dieu soit bien différent de celui de chaque partie. »

Il y avait autant de péché pour provoquer la colère de Dieu sur l’Union que sur la Confédération esclavagiste. Le 12 août 1861, Lincoln a publié un appel dans les États du Nord à une journée d’humiliation publique, de prières et de jeûne « qui devait être observée par la population des États-Unis avec une gravité religieuse. […] Il est particulièrement approprié que nous reconnaissions la main de Dieu dans ces circonstances terribles et que, dans le souvenir douloureux de nos propres fautes et de nos crimes, en tant que nation et en tant qu’individus, nous nous humiliions devant lui et implorions sa grâce. »

Le jeûne fût observé le 26 septembre 1861. Les combats continuèrent pourtant pendant trois années encore. À la fin, Lincoln lui-même fût assassiné. Il nous reste le témoignage de ses paroles solennelles.


C’est en 2003 que je suis entré au conseil communal de Ballaigues, une petite commune suisse frontalière à la France et sise dans le Nord vaudois. L’organisation politique suisse prévoit qu’à chaque échelon institutionnel, communal, cantonal et fédéral, il y ait à la fois un organe législatif et un organe exécutif. Dans le canton de Vaud, le conseil communal (ou conseil général) est l’organe législatif d’une commune. La commune de Ballaigues compte environ 1200 habitants, autant d’emplois sur son sol, et gère un budget d’environ 8 millions de francs suisses.

Les tâches d’un législatif

À Ballaigues, le conseil communal se compose de 35 membres élus et se réunit environ 8 fois par année en séance plénière. Il approuve le budget de l’année à venir, les comptes de l’année écoulée, fixe le taux d’imposition communal, examine la gestion de l’exécutif et décide des investissements communaux (réseaux d’eau et d’épuration, bâtiments communaux comme salle de spectacle, salle polyvalente, poste, restaurant, chalets d’alpage, église, etc.). Il vote également des règlements de portée communale (règlement de police, déchetterie, épuration, cimetière, etc.) et suit l’implication de la commune dans des associations intercommunales (par exemple pour la gestion de la forêt et l’école pour ce qui nous concerne).

Servir la communauté

Depuis très longtemps, je me souviens avoir eu un intérêt pour la chose publique, suivant l’actualité tant régionale que nationale ou internationale par le moyen des journaux. L’implication de mon père dans ce même organe depuis 1983, de mon grand-père de 1943 à 1969 et de mes ancêtres dans la vie villageoise ont contribué à mon attachement à ma commune et au désir de servir mes concitoyens de cette manière. Le conseil communal comporte diverses commissions chargées d’examiner en profondeur certaines thématiques et de produire un rapport en vue du vote sur l’objet en question. J’ai le plaisir de siéger dans la commission des finances depuis 2006 : cela me permet de mettre les compétences acquises dans mes études d’économiste et dans mon activité professionnelle, au bénéfice de la commune.

Je vois mon engagement comme une forme de service en faveur de la communauté. Il est rendu d’autant plus facile que l’aspect partisan n’est pas présent (il n’y a pas de partis politiques), ce qui n’empêche pas que chaque membre du législatif ait sa propre sensibilité politique. Il est particulièrement agréable de ne pas avoir à suivre la ligne d’un parti, au risque d’être parfois en désaccord, mais de pouvoir voter et élire dans cet organe en toute liberté, sans pression aucune, en accord avec sa conscience.

Le conseiller communal a aussi la possibilité de faire des propositions par le biais de divers instruments. Il m’est ainsi arrivé d’intervenir plusieurs fois pour faire des propositions dans les domaines de la circulation ou de l’économie. Ainsi, servir, c’est pour moi faire des propositions, notamment dans deux domaines qui me tiennent particulièrement à cœur : améliorer la vie des villageois et prévoir l’avenir économique d’un village périphérique.

Un service qui forme le caractère

Dans ce service à la communauté, je souhaite donner le meilleur de moi-même et honorer Dieu : « Faites tout pour la gloire de Dieu » (1 Cor 10.31). C’est pourquoi je souhaite dépendre de lui et puiser en lui les forces pour agir avec droiture, justice et honnêteté. En fait, comme dans toute autre activité, c’est la responsabilité du chrétien de montrer le fruit de l’Esprit qui est « l’amour, la joie, la paix, la patience, la bonté, la bienveillance, la foi, la douceur, la maîtrise de soi » (Gal 5.22). Et c’est un exercice pour moi, car j’aime le débat et les joutes verbales, et aurais tendance, parfois, à m’emporter et à faire preuve d’impatience, de bien peu de bienveillance et de douceur. Rigoureux dans ma vision des finances communales, je dois aussi apprendre à accepter d’autres manières d’envisager les choses. Finalement, cela requiert de l’humilité : accepter, par exemple, que les propositions faites ne passent pas la rampe du vote ou que le point de vue que l’on a défendu soit minoritaire. Au final, comme l’ensemble de la vie chrétienne, c’est un service qui exerce ma foi et me permet de progresser, avec l’aide de Dieu, dans la formation de mon caractère.


En France, on a coutume de dire que si on ne veut pas gâcher l’ambiance d’un repas familial, il ne faut pas parler de politique. Depuis quelques mois ou années, on pourrait dire aussi qu’il ne faut pas aborder le sujet de l’immigration ! Même entre chrétiens ayant une pensée commune sur de nombreux sujets, on trouve des divergences de vue importantes quand on parle immigration. Et pourtant, il nous faut bien, non seulement réfléchir à ce sujet, mais aussi pouvoir échanger avec d’autres, sous peine de rester avec nos convictions personnelles empreintes d’idées reçues. Et ce, d’autant plus qu’en tant que chrétiens, nous devons essayer de comprendre comment notre foi va influer sur ce sujet.

L’immigration, un sujet politique…

Bien que ce numéro de Promesses soit consacré à la politique, il est impensable dans ces lignes de prendre parti politiquement. C’est un sujet éminemment complexe. Les guerres civiles (en Syrie, au Soudan, en Afghanistan, etc.), les désordres climatiques, l’extrême pauvreté, la persécution religieuse, poussent beaucoup de personnes hors de leur pays . Et si beaucoup de migrations ont lieu entre pays du Sud, celles qui vont du Sud vers le Nord amènent notamment les pays d’Europe à des prises de position diverses, depuis l’accueil « à bras ouverts » à la fermeture des frontières. Cette situation entraîne des tensions internes aux pays concernés mais également entre les différents États. On constate la montée du nationalisme et l’avènement au pouvoir de partis d’extrême droite.
Le sujet est également brûlant dans certains quartiers où il y aurait beaucoup à dire sur le manque d’intégration d’une partie de la population, sur le communautarisme parfois indéniable, sur l’avancée de l’islam, etc.
Mais si ce n’est pas le lieu pour prendre position par rapport aux choix politiques des différents gouvernements, ni pour dicter un choix politique personnel à quiconque sur ce sujet, est-ce une bonne excuse pour ne rien en dire ?

… mais également un sujet d’éthique personnelle

Si nous ne cherchons pas à nous dédouaner de nos responsabilités de chrétiens face à ce sujet, Dieu nous montrera quelle attitude avoir, en commençant par nous changer nous-mêmes.
En premier lieu, nous pouvons prier pour tous ces gouvernements qui sont devant des choix difficiles, voire cornéliens.
En second lieu, n’abordons pas seulement le sujet d’un point de vue théorique et extérieur à nous : nous resterions froids et distants. Abordons-le d’un point de vue pragmatique et personnel : quelle personne d’origine étrangère est-ce que je côtoie quotidiennement ou ponctuellement ? –quelle attitude ai-je envers elle ? D’un coup, le sujet va nous concerner davantage ! Et nous aurons peut-être à reconsidérer certaines de nos positions…

Un sujet à examiner à la lumière de la Parole

Dès la Genèse, Dieu prend le parti du plus faible, de celui qui a moins. C’est ainsi qu’il demande au peuple d’Israël de faire attention au pauvre et à l’étranger : « Vous traiterez l’étranger en séjour parmi vous comme un indigène au milieu de vous ; vous l’aimerez comme vous-mêmes » (Lév 19.34). Pourtant il est surprenant de voir certains chrétiens montrer un racisme évident envers les personnes d’origine étrangère. Peut-être pourraient-ils relire les mentions de l’étranger dans l’A.T. et les instructions que donne l’Éternel à leur sujet.
Pour autant, si Dieu mentionne à plusieurs reprises les droits des étrangers sur le sol israélite, il n’oublie pas de rappeler leurs devoirs : « Vous aurez la même loi, pour l’étranger comme pour l’indigène » (Lév 24.22). Que cela nous incite à être équilibrés, en leur rappelant parfois les règles de vie de leur pays d’accueil.
Il est aussi instructif de voir l’attitude de notre Seigneur Jésus envers les personnes étrangères au peuple élu. Il n’hésite pas à s’entretenir avec une femme samaritaine, ce qui était choquant pour un Juif de cette époque (voyez la réaction de ses disciples quand ils le voient avec elle, Jean 4.6-42).Alors, si notre Seigneur n’hésitait pas à se « compromettre » avec des étrangers qui sommes-nous pour les éviter, les mépriser, voire les rejeter ?

Un sujet sur lequel mettre notre foi en pratique

L’un des premiers mots qui nous vient à l’esprit au sujet des étrangers est « différence ». Bien sûr, entre compatriotes, nous constatons une grande variété entre nous mais ces disparités peuvent être encore plus fortes quand nous sommes de pays différents, voire très éloignés. Mais acceptons de nous laisser déranger dans nos habitudes et ce sera un bon exercice pour manifester notre foi pratiquement :
  •  En manifestant l’amour envers notre prochain qui nous est ordonné par le Seigneur. Lorsque la Parole nous demande d’aimer notre prochain comme nous-mêmes, il ne s’agit pas seulement de celui qui nous ressemble…
  •  En ne jugeant pas hâtivement et sur l’apparence. Les différences de culture ou d’éducation nous égarent parfois sur les intentions de nos interlocuteurs. Par exemple, dans certaines cultures, il est habituel de rire lorsque l’on est gêné, ce qu’en tant que Français nous pourrions prendre dans certaines situations pour de la moquerie.
  •  En cherchant à découvrir les qualités de quelqu’un, en passant outre ce qui nous rebute au départ. Cela prendra peut-être plus de temps que pour quelqu’un qui nous ressemble davantage, mais si nous avons vraiment envie de nouer une relation profonde, nous découvrirons des « perles » dans l’être intérieur d’une personne vers qui nous ne serions pas allés spontanément.
  •  En ne nous immisçant pas abruptement dans la vie de personnes dont nous ne sommes pas proches. Quand nous faisons connaissance avec un étranger, assez vite nous voudrions comprendre pourquoi il a émigré et nous aurions tendance à apprécier les raisons de son départ à l’aune de nos propres critères. Gardons-nous de le faire car cela touche à son intimité et peut faire resurgir des souvenirs douloureux. C’est seulement quand une relation de confiance s’est nouée que ce sujet viendra peut-être.
  •  En témoignant de notre foi chrétienne auprès de personnes d’horizons très variés et que nous n’aurions jamais rencontrées si elles n’avaient pas immigré dans notre pays. Une des conséquences bénéfiques de ces flux de populations est le fait que des musulmans venant de pays fermés à l’Évangile vivent maintenant dans des pays où ils peuvent entendre la Bonne Nouvelle librement, occasion dont beaucoup de chrétiens ne manquent pas de profiter !
  •  En aidant les étrangers concrètement (cours de français, distribution alimentaire, etc.), si nous nous sentons appelés à cela. Notre mobile est notre amour pour Dieu et pour notre prochain et nous « prêchons » donc l’Évangile ainsi. Notre rôle sera peut-être simplement de faire changer de regard les musulmans : ils se méprennent souvent sur les chrétiens, qu’ils assimilent aux Occidentaux, qui selon eux ne croient pas en Dieu.
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Au lieu de le voir comme une menace pour nous, regardons l’étranger comme notre prochain et nous serons surpris de tout ce qu’il nous apporte !

Florent Varak et Philippe Viguier Éditions CLÉ, 2015

Ayant tous deux exercé des fonctions pastorales, Florent Varak et Philippe Viguier proposent un court essai, simple et pratique, inspiré par leurs prédications sur le thème des rapports entre l’Église et l’État. À l’origine de leur réflexion se trouve l’interrogation suscitée par les prises de position publiques de responsables d’églises au moment des élections françaises de 2012 et des débats sur la question de l’ouverture du mariage aux couples de même sexe. Néanmoins, loin de se limiter à une étude de cas, l’ambition de cet ouvrage est de conduire le lecteur, à la fois citoyen et chrétien, à s’interroger sur le rôle des croyants (pris individuellement) ou de l’Église (en tant qu’entité collective) vis-à-vis du pouvoir politique.

Pour cela, le premier chapitre présente une typologie des interactions entre l’Église et l’État. Outre les illustrations historiques qui étayent utilement le propos, les auteurs évaluent les forces et les faiblesses de chacun des modèles présentés à l’aune de la Parole de Dieu. Des croyants ont pu souhaiter imposer un « royaume chrétien » (modèle théocratique) ou exercer des pressions en vue d’établir des lois conformes à une perspective chrétienne. Par ailleurs, des actions politiques ont pu avoir une influence positive sur la société, grâce à l’influence de personnalités qui ont agi poussées par leur foi. Mais il convient, selon les auteurs, de distinguer les vocations individuelles de celle de l’Église, qui est d’abord et surtout de « refléter le corps de Christ » et d’ « incarner le message de l’Évangile », qui seul peut transformer les cœurs. Sans l’Évangile, il est vain de vouloir imposer au monde une éthique ou un mode de vie « chrétiens ». Pour autant, une séparation trop stricte entre les sphères spirituelles et politiques n’est pas non plus souhaitable. En restreignant exclusivement leur service à l’évangélisation et aux nécessités des chrétiens, les croyants courent le risque d’ignorer les souffrances et les besoins de leurs contemporains et se ferment à la possibilité d’avoir une quelconque influence sur les évolutions sociales. Ainsi, sans essayer de dominer l’État, mais sans y être passivement assujettis non plus, les croyants rassemblés en Église chercheront-ils à témoigner de Jésus-Christ afin que le monde perçoive ses caractères.

Ce témoignage se fera non seulement en parole, par l’annonce de l’Évangile, mais aussi par l’exemple donné, au sein de l’Église, d’une vie communautaire radicalement différente de celle du monde. Enfin, c’est par leur capacité à contribuer au bien de la société par un engagement séculier conforme à la vocation qu’ils ont reçue, que les chrétiens pourront incarner le message de l’Évangile.

Ces différents axes du témoignage sont ensuite développés à partir d’une étude détaillée des recommandations formulées par l’apôtre Pierre dans sa première Epître (1 Pi 2.11-17). « Étrangers et voyageurs », les croyants sont néanmoins appelés à accomplir les œuvres que leur foi produit et, désirant toujours connaître davantage le Seigneur, ils seront également conduits à le faire connaître. Pour cela, l’amour du prochain passera toujours au-dessus d’objectifs politiques particuliers.

Ainsi, plutôt que d’être remarqués pour ce à quoi ils s’opposent, les croyants sont-ils encouragés à se signaler par une présence positive et active dans le monde. En manifestant la bonté de Dieu par leurs propres bonnes œuvres et en recherchant « la paix de la ville » (Jér 29.5-7), voilà comment les chrétiens « réduiront au silence » leurs détracteurs (1 Pi 2.15). Cette mission, chacun la reçoit personnellement et pourra, en étudiant l’exemple laissé par le Seigneur Jésus, trouver le service qui lui permettra de faire resplendir la lumière de l’Évangile dans les ténèbres de ce monde.

Ces œuvres, fruits manifestes de leur foi, les chrétiens ne peuvent les pratiquer que parce qu’ils ont été libérés des liens du péché par le sacrifice de Christ. « Libres » (1 Pi 2.16) dans un monde asservi, les chrétiens montrent la voie. Mais leur liberté est aussi celle de désobéir aux autorités lorsque la liberté de conscience ou l’éthique biblique sont menacées, sans toutefois jamais se soustraire au respect dû aux gouvernements institués par Dieu. En toute chose, c’est la Parole qui guidera l’action du croyant et lui donnera le courage de ne pas couvrir le mal pour choisir au contraire d’annoncer les vertus de Dieu. Enfin, quel que soit leur degré d’engagement dans la société, les chrétiens doivent veiller à l’impact que celui-ci pourrait avoir pour l’Église et marcher sur terre avec prudence, dans la crainte de Dieu, qui évaluera chacun de leurs pas.

Invitant les chrétiens à prendre du recul sur les questions sociales, souhaitant qu’ils soient connus avant tout pour leur attachement à Christ et à la manière dont ils vivent l’Évangile, les auteurs évitent l’écueil d’une approche trop directive sur un sujet souvent polémique. Le propos est didactique et, notamment à l’aide des questionnaires proposés, le lecteur pourra prendre conscience de la nécessité d’approfondir l’étude de ce thème afin d’en comprendre pleinement les enjeux.

Recension par Thibaud Harrois


Thierry Le Gall, au CNEF, le Conseil national des évangéliques de France, vous êtes responsable du service pastoral auprès des parlementaires de l’Assemblée nationale et du Sénat. Pouvez-vous d’abord nous retracer votre parcours ?

J’ai grandi dans une famille catholique pieuse influencée par la doctrine sociale de l’Église. Converti à 15 ans, j’ai mené pendant 17 ans une carrière dans la communication au sein d’un groupe agro-alimentaire.
Le désir de servir Dieu m’a conduit ensuite à devenir pasteur au sein des Assemblées de Dieu. J’ai aussi développé la communication de ce groupement d’églises, puis en 2011, le CNEF m’a contacté pour devenir leur directeur de la communication.
J’ai eu ensuite avec mon épouse la conviction qu’il serait utile d’avoir un ministère pastoral auprès des parlementaires. Après deux ans de réflexion et de prières, après décision du CNEF de créer un service d’aumônerie évangélique parlementaire j’ai commencé en 2015 un ministère à mi-temps auprès d’eux, qui s’est transformé ensuite en un service à temps plein. J’ai bénéficié de l’expérience de Georgina Dufoix, ancienne ministre de François Mitterrand, ainsi que de mes homologues à Berne et de Dick Forth qui a été en poste à la Maison Blanche pendant des années.
L’an dernier, j’ai suivi une formation certifiante à SciencesPo, Emouna, lancée avec le concours du ministère de l’Intérieur, qui rassemblait 30 représentants de divers courants religieux, du catholicisme au bouddhisme. Cette formation m’a permis de mieux comprendre le cadre républicain français ainsi que le fonctionnement de ces autres religions et surtout d’établir des contacts intéressants. Aujourd’hui, en France, le christianisme n’est plus qu’une proposition parmi d’autres et, même si je suis pleinement convaincu que Jésus est le chemin, la vérité et la vie, je dois réapprendre à le dire. J’ai dû adapter mon témoignage face à des personnes qui ont des convictions aussi fortes que les miennes.

En quoi consiste votre service auprès des parlementaires ?

J’ai une attitude proactive, empreinte de bienveillance et de respect de l’identité de chacun. Je sollicite des rendez-vous ou l’on me sollicite directement. L’entretien commence souvent par une clarification : qui sont vraiment les évangéliques ? C’est l’occasion pour moi de décrire la nature du monde évangélique, le mode de formation des pasteurs, le financement des églises, les origines ethniques, les positions éthiques, etc. — et de tordre le cou aux clichés qui nous desservent !
Souvent, l’entretien glisse vers des sujets plus personnels et mon rôle devient plus « pastoral ». D’un entretien qui implique en général les assistants du parlementaire, on passe alors au tête à tête et « quand la porte se ferme, le cœur s’ouvre ». Il voit alors en moi non plus uniquement un représentant du monde évangélique mais un simple pasteur, un aumônier qui accompagne l’élu dans son humanité. La soif de spiritualité est réelle dans ces sphères.
Mon rôle n’est cependant pas de faire du lobbying pour les thèses évangéliques : quand je suis interrogé par un parlementaire sur la vision des évangéliques sur un sujet donné, après une information générale, je me contente de le mettre en relation avec les personnes ou les structures compétentes, comme Portes Ouvertes sur la persécution des chrétiens dans le monde, le CPDH sur des questions de fin de vie, les associations familiales protestantes ou de lutte contre l’exclusion qui sont membres du CNEF, etc. Ces différentes instances sont découvertes et appréciées par les élus qui sollicitent ces dernières pour les aider à structurer leur réflexion ; cet échange peut à terme déboucher sur des amendements. Mais mon rôle à moi reste essentiellement pastoral.

Comment ce travail s’articule-t-il avec l’action du CNEF et les églises adhérentes ?

Il a déjà fallu une certaine dose de persuasion pour convaincre les responsables d’unions d’églises du CNEF de l’utilité d’une telle aumônerie.
L’enjeu est de développer la visibilité publique des évangéliques pour éviter qu’ils soient victimes de stigmatisations. Nous sommes d’ailleurs en partie responsables de ces dernières car le piétisme qui est largement à la base de notre théologie nous a enseigné pendant des décennies à nous séparer du monde et nous avons compris cette séparation non seulement comme une vie séparée du péché, mais aussi comme une vie coupée de la société. Cette perception évolue et de plus en plus d’évangéliques, en particulier parmi les jeunes, s’engagent dans les milieux associatifs ou dans les conseils municipaux.
Je travaille également à faciliter les relations entre les églises locales et les élus locaux qui ont longtemps été inexistantes, d’où une méfiance réciproque. J’encourage mes collègues pasteurs à aller voir non seulement leur maire (ce que plusieurs font déjà) mais aussi leur député ou leur sénateur. Les évangéliques ont tout à y gagner. Je relaie ce message en interne, dans les réunions institutionnelles du CNEF ou vis-à-vis des délégués.
Je reçois aussi des demandes de conseil pour des questions juridiques sur lesquelles le CNEF est bien équipé.
Je fais également des sensibilisations à la laïcité. Beaucoup de chrétiens s’auto-censurent en pensant que la laïcité est du laïcisme qui interdit de parler de ses opinions en public. À ce sujet,les petits livrets de vulgarisation que le CNEF a publiés, Libre de le dire, listent nos droits. D’autres chrétiens font des erreurs, par exemple en parlant de leur foi pendant le temps de travail, ce qui est interdit. Les pasteurs sont très demandeurs de ces présentations, ce qui témoigne d’une prise de conscience et d’un souci de formation de leurs équipes ou de leurs églises, dans une optique de changement de paradigme dans le rapport à la cité.

Que dites-vous aux chrétiens évangéliques qui pensent qu’il vaut mieux se tenir éloigné de la politique car elle représente « le monde » qui est sous l’influence du diable ?

Je suis souvent invité pour présenter mon ministère dans les églises locales et je rencontre en effet ce type de réaction. Ma réponse s’appuie sur trois textes bibliques :
– Matthieu 25.40 : Je comprends le terme « frères » au sens large, sans le limiter aux seuls croyants. Les chrétiens ont joué et doivent continuer à jouer un grand rôle dans les gestes de solidarité dans le monde.
– Jérémie 29.7 : Comme les croyants exilés en Babylonie, nous avons une responsabilité vis-à-vis de nos élus et de nos dignitaires. J’insiste sur le fait que nous avons à ne pas céder au biais bien français de critique de nos élites et d’insistance sur nos droits en oubliant nos devoirs…
– 2 Chroniques 7.14 : Il faut prendre conscience que la communauté des chrétiens a un rôle spirituel et prophétique à jouer dans le pays où elle est placée. Si les chrétiens français se mobilisent pour prier pour la nation, il se passera des choses !
Je constate également une tendance opposée, poussée par une minorité assez militante, qui voudrait que les chrétiens soient au pouvoir pour faire adopter des lois chrétiennes. Ils sont dans une vision prophétique illusoire de l’installation d’une théocratie. Je les sensibilise alors au fait que ce que nous voulons pour nous doit être recevable et bon pour l’ensemble de la population. Comment alors imposer une religion à tous sans en arriver à des dictatures et des persécutions qui sont des perversions de la doctrine chrétienne ?
Le positionnement du CNEF est donc missionnaire — être « sel et lumière » — mais non partisan ni militant.