PROMESSES
Une enfance chrétienne
Lorsque j’ai accepté Jésus pour mon Sauveur personnel, j’ai été pardonnée de toutes mes fautes passées et à venir, j’ai changé d’identité en devenant une nouvelle personne, une fille de Dieu, et j’ai reçu l’Esprit de Dieu en moi. C’est une belle phrase que je suis capable de dire maintenant, mais qu’il y a encore un an j’aurais été incapable de vraiment comprendre. Ce qui suit est le témoignage de mon vécu avec Dieu, et comment cette année passée à Buffalo (Etats-Unis) a été la meilleure chose qui me soit jamais arrivée.
Mes parents sont des serviteurs de Dieu. Ils nous ont élevés, ma sœur, mon frère et moi, en nous faisant connaître son œuvre. Ils nous ont présentés personnellement à Jésus et nous l’avons tous reçu. Je ne saurais donc pas dire exactement à quel âge et comment s’est passée ma « conversion » : il ne s’agit pas vraiment d’un changement de direction pour moi, étant donné que, d’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours cru que Jésus s’était sacrifié pour que je sois sauvée.
Il y a eu des petits sursauts dans ma vie avec Dieu (quand je me sentais mal, d’ailleurs) pendant lesquels je me suis mise à le chercher un peu plus. Quand j’ai demandé à être baptisée, par exemple, à l’âge de 18 ans. Mais ces moments de grâce étaient éphémères, et les sollicitations de la vie (comme s’inquiéter pour l’avenir, maintenir mon rang social avec les copines, les études, les garçons, tomber amoureuse, me marier, etc.) reprenaient le dessus. Ma vie de « chrétienne » se limitait à aller à l’église, le dimanche matin, écouter passivement ce qu’on y disait, être émue parfois, m’appliquer à chanter de la façon la plus musicale possible (et m’énerver quand quelqu’un chantait faux). Et attendre la fin du culte pour enfin aller faire ce qu’il y avait d’intéressant : socialiser avec ceux qui me ressemblaient, et ne pas parler à ceux dont la tête ne me revenait pas. Ah oui, il y avait aussi les groupes de jeunes et autres évènements pour les jeunes, où l’on avait plus de chance de passer de bons moments avec des gens de son âge, et où discuter des choses de la Bible était un peu pour moi une façon de m’exprimer, d’échanger avec les autres et d’acquérir de la connaissance. Mais je n’avais jamais, ô grand jamais, compris qui était l’« Esprit saint ».
Une expérience décisive
Et puis, en septembre 2010, avec Christophe, mon mari, nous sommes partis aux États-Unis dans une de ces villes mortes du Nord, pour y passer un an. Pour changer d’air, pour voir autre chose, parce que nous n’étions pas rassasiés. Bien sûr, Buffalo était le dernier de nos choix et le seul disponible sur la liste… On aurait évidemment préféré San Francisco !
En arrivant, on a prié Dieu pour trouver une église, parce qu’on savait que, quand même, c’était important. Alors, on a tapé ‘church + buffalo’ sur Google… La première réponse était : « The church in Buffalo ». On y est donc allés, puis on a essayé plein d’autres églises très différentes, et on est finalement revenu vers la première, même si certaines de leurs façons de faire nous semblaient un peu bizarres. Aujourd’hui, les membres de cette église sont notre famille, et nous les aimons.
Un week-end de février 2011, une conférence pour les jeunes a été organisée par le réseau de cette église sur le thème : « L’appel du chrétien, l’exemple de Paul. » Première conférence. Un jeune d’une trentaine d’année raconte avec beaucoup de force la façon dont Paul a été appelé, avec l’intense lumière, la voix de Jésus qui lui parle directement, et tout et tout. Puis il pose cette question : « Et vous, pensez-vous que tout le monde ici a été appelé par Dieu ? » Heu… non, je n’ai pas l’impression… Des Paul, il n’y en a pas dix-mille, n’est-ce pas ? Mais beaucoup sont montés sur l’estrade et ont donné des témoignages très forts sur leur appel.
Puis, pendant la session en petits groupes qui a suivi, il fallait écrire et lire ensuite à voix haute ce qu’était pour nous le sens de la vie chrétienne, et comment on pensait avoir été appelé par Dieu.
Et là, ce fut le drame. Tous écrivaient, et moi, je n’avais rien à dire. Le blanc total. Pour une simple raison, c’est qu’il n’y avait pas de but dans ma « vie chrétienne ». Et quand vint mon tour de lire mon témoignage, j’ai dû confesser que je ne savais pas. Je me sentais mal, vraiment mal, même si personne ne me jugeait. Toutes ces années sur les « bancs de l’église » à brasser de l’air…
Plus tard, un deuxième jeune prit la parole pour la conférence du soir et lut ce verset : « L’amour du Christ nous étreint, car nous avons acquis la certitude qu’un seul homme est mort pour nous : donc tous sont morts en lui. Et il est mort pour tous afin que ceux qui vivent ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui qui est mort à leur place et ressuscitée pour eux. » (2 Cor 5.14)
En anglais, la première phrase de ce verset donne : « Christ’s love constrains us. » Après avoir lu ce verset, ce jeune commenta : « L’amour de Christ pour toi est tellement fort, qu’il t’étreint, te resserre dans l’espace de ses bras, te contraint en lui. Il t’a acheté à prix fort, et il ne te lâchera pas. Tu ne vis plus pour toi même, mais pour celui qui t’aime et veut que tu reviennes à lui. Voilà pourquoi tu es appelé(e), que tu le veuilles ou non : il est mort pour toi, pas pour que tu prennes ton passeport pour l’éternité et te barres en virée avec tes potes ensuite, mais pour que tu établisses une relation avec lui. Voilà pourquoi il est mort, et voilà ce que cela signifie “être appelé”. Il t’appelle pour que tu parles avec lui. »
Quand l’orateur a eu fini de parler, je suis sortie. J’ai pris une Bible, et j’ai lu le livre des Actes en entier, pour la première fois. Il était très tard dans la nuit. Puis je suis allée m’enfermer dans une pièce, et je me suis dit que soit je laissais entrer Dieu complètement dans ma vie, soit je lâchais tout. Rester au milieu n’était plus possible. Alors j’ai dit à Dieu :
« Mon Dieu… Je suis fatiguée de vouloir gérer ma petite vie toute seule. Rien n’a de sens. Je me perds dans des passions sans lendemain, je dépense mon temps et mon énergie à des choses complètement inutiles. Je me sens nulle. Je ne suis jamais rassasiée. Alors voilà : maintenant je t’ouvre toutes les portes de mon cœur dont j’avais condamné l’accès, et je te laisse entrer partout. Tu peux entrer, s’il te plaît, entre. Au fond, je ne sais pas qui tu es, mais je veux faire connaissance avec toi. »
À ce moment précis, j’ai senti sa présence m’envelopper. J’ai senti une vague immense au milieu de mon être. Et puis j’étais parfaitement en paix. Toute ma peur de l’avenir, tout ce qui était lourd et qui me pesait, toute la culpabilité que je traînais, tout cela avait disparu. J’ai toujours porté la maladie de ma maman comme un fardeau, chaque jour qui passait. J’en étais parfois venue à penser que j’en étais responsable, et j’avais souhaité plusieurs fois prendre sur moi son mal pour alléger sa souffrance — ce qui était complètement absurde et destructeur, et je le savais en plus ; mais je ne voulais pas lâcher, parce que j’aurais eu l’impression de l’abandonner, de la laisser souffrir seule, ce qui aurait fait de moi une misérable. Et là, j’ai compris que Dieu me disait : « Cette maladie, c’est entre ta mère et moi. Lâche l’affaire. Je sais que tu l’aimes, maintenant laisse-moi le soin de m’occuper d’elle : elle est entre mes mains. Fais moi confiance. Toi, tu dois vivre, et j’ai plein d’autres projets pour toi. »
Désormais, je suis libre ! Je me suis sentie légère comme si je venais de perdre vingt kilos… ! C’est comme si, d’un seul coup, je me réveillais d’un long sommeil, et j’ouvrais les yeux pour la première fois. Plein de passages obscurs dans la Bible devenaient clairs. Je me suis mise à voir comment Dieu agissait dans les autres. Je me suis mise à ne plus être énervée à la moindre frustration. Je me suis surprise en train de réagir gentiment quand quelqu’un me vexait. J’ai complètement arrêté de fumer. En fait, j’étais connectée à l’Esprit saint qui était en moi et je le laissais agir, pour la première fois.
Au service !
Il serait trop long de raconter tout ce que Dieu m’a fait vivre, en si peu de temps.
Voici juste un exemple. Trois jours après la conférence, on se rend plein d’entrain à la réunion de prières du mardi soir. Je priais de toutes mes forces avec les autres : « Seigneur, envoie-moi ! C’est génial ce que tu as fait pour moi, je veux te servir ! »
Soudain toute une caserne de pompiers a débarqué sur le parking de l’église : la maison voisine brûlait. 21 personnes, tous réfugiés congolais, se sont retrouvés à la rue. Des frères leur ont proposé de loger dans l’église, puisqu’il y a un grand appartement à l’étage. La Croix Rouge a débarqué et nous les avons aidés pendant deux semaines, jusqu’à ce qu’ils soient tous relogés. Toutes ces personnes étaient à Christ et parlaient français… J’ai donc été sollicitée comme traductrice pour les formalités administratives, pour l’aide quotidienne et pour les réunions de cultes que l’on faisait désormais ensemble. Depuis, avec Christophe, on a pu apporter notre aide à ceux qui en ont besoin pour leurs démarches auprès de l’immigration américaine, et ils sont devenus des amis. Nous leur avons aussi organisé des cours d’anglais.
Dieu a bien entendu ma prière, ça c’est sûr ! « Tu es enfin prête à travailler pour moi ? Regarde, tu peux être très utile ici ! »
Vivre par l’Esprit
Être en relation vivante avec Dieu par l’Esprit, c’est d’abord prendre conscience du potentiel gigantesque en soi : Dieu lui-même est en toi, tu as accès à lui 24 h sur 24. Et c’est la même puissance qui a ressuscité Jésus d’entre les morts (Rom 8.11) !
C’est ensuite lâcher prise et lui donner le contrôle absolu. L’Esprit ne te force pas, il t’attend, pour que tu sois non pas un esclave, mais un partenaire (Jean 15.15).
Enfin, c’est lui faire confiance, et ne pas s’interposer en y rajoutant du sien parce qu’on a peur que ça ne fonctionne pas : on risque de faire des dégâts ! Il gère parfaitement, il est l’Éternel ! « Car vos pensées ne sont pas mes pensées, et vos voies ne sont pas mes voies, déclare l’Éternel. » (És 55.8) Même si je pense bien faire, je n’ai pas de vue globale sur une situation : Dieu, si. Alors il est mieux placé que moi pour aider quelqu’un ou m’aider moi. « Un serviteur n’est jamais supérieur à son maître, ni un messager plus grand que celui qui l’envoie. » (Jean 13.16, Semeur) Pour ma part, j’ai encore du chemin à faire…
- Edité par Dehon Florine
Chronique de livre
Co-édition Impact – CLE, 2009
Pendant longtemps, les livres de théologie systématique disponibles en français ont été rares. La traduction récente de plusieurs ouvrages de qualité vient utilement combler cette lacune.
Un des derniers parus est l’Introduction à la Théologie de Paul Enns. Ce professeur américain dirige la branche de Floride du Southeastern Theological Seminary.
Cet ouvrage présente la particularité de brosser un tableau des différentes approches théologiques.
1. La théologie biblique
C’est une méthode consistant à étudier les textes bibliques selon une orientation historique, en mettant l’accent sur les spécificités d’une période donnée ou d’un auteur particulier. On étudiera ainsi la « théologie de Paul » ou bien celle du livre des Actes.
Cette approche part de l’exégèse (étude du texte lui-même) pour en tirer des éléments théologiques. Elle met en évidence la révélation progressive de Dieu sur divers sujets et elle tient compte des éléments historiques dans la constitution des doctrines bibliques.
2. La théologie systématique
C’est à elle qu’on pense en priorité lorsqu’on évoque le terme de « théologie ». C’est l’organisation logique et cohérente de l’ensemble des doctrines de la foi chrétienne, fondée principalement sur l’Écriture.
Elle permet, comme le dit Paul Enns, – de bien comprendre les croyances fondamentales de la foi chrétienne, – de relier des éléments doctrinaux disparates et complémentaires parsemés dans toute la Bible. – de défendre la foi chrétienne (l’apologétique), – de protéger des erreurs.
3. La théologie historique
« La théologie historique se veut l’exposition de la théologie chrétienne au cours des siècles. Elle s’intéresse à ses développements, à sa croissance et aux changements qu’elle a connus. Elle examine la formation de ses doctrines cardinales […] pour comprendre comment ces doctrines ont été formulées et rendre compte de leur évolution. » (p. 429)
Paul Enns développe successivement la théologie primitive, la théologie médiévale, celle de la Réforme, la théologie moderne. C’est sans doute une des parties les plus originales de son ouvrage.
4. La théologie dogmatique
La théologie dogmatique est l’ensemble des doctrines théologiques et religieuses formulées de façon formelle et proclamées par une Église (ou un groupe d’églises) qui les soutient de toute son autorité. Elle se distingue de la théologie systématique en ce qu’elle ne reprend que les doctrines officiellement reconnues par un mouvement d’églises. Elle se distingue de la théologie historique en ce qu’elle formule la croyance à un moment donné d’un groupe défini.
Paul Enns reprend ainsi : – la théologie calviniste, – la théologie arminienne, – la théologie de l’alliance, – la théologie du dispensationalisme, – la théologie catholique romaine dogmatique.
Pour chacune d’elle, l’auteur met en évidence les principaux points distinctifs, avant d’en faire une « évaluation », dont la critique va parfois un peu trop loin et reflète un peu trop les préférences doctrinales de l’auteur (baptiste dispensationaliste).
5. La théologie contemporaine
Dans cette dernière partie, Paul Enns développe différents mouvements récents de la théologie (les néo-orthodoxes, le féminisme évangélique, la théologie charismatique, l’église émergente, etc.). Il aurait tout aussi bien pu les ranger dans la partie précédente, mais peut-être ne l’a-t-il pas fait parce que ces théologies sont partielles, pour la plupart d’entre elles, et se concentrent sur quelques aspects de la foi chrétienne (en les exacerbant d’ailleurs). Inutile d’ajouter que l’évaluation qu’en fait Paul Enns est généralement très critique…
* * *
L’ouvrage est complété par un glossaire, un index des auteurs, des sujets et des références bibliques, ce qui le rend particulièrement facile à consulter. Le lecteur qui souhaiterait disposer d’une théologie systématique poussée risque de rester un peu sur sa faim (même si la partie 2 est de loin la plus longue, près de 40 % du texte). Mais il ne trouvera nulle part ailleurs en français un panorama aussi complet sur la théologie.
Chaque chapitre comporte des références bibliographiques en nombre raisonnable (ce qui est loin d’être toujours le cas : qui, hormis quelques universitaires, a le temps de fouiller une bibliographie de plusieurs centaines d’entrées ?). La typographie est agréable, agrémentée de nombreux tableaux très clairs.
Le seul reproche pourrait concerner certains avis trop tranchés de l’auteur, qui aurait gagné à retenir davantage ce qui est bon (1 Thes 5.21). Cela ne nous empêche pas de chaudement recommander cet ouvrage de référence.
- Edité par Enns Paul
QUAND DIEU SEMBLE SE CONTREDIRE (GENÈSE 22)
Après avoir promis à Abraham et à sa femme le fils nécessaire à l’accomplissement de son plan de salut universel, Dieu soumet le couple à une longue épreuve de patience. Alors que les vieux époux sont déjà bien avancés dans le troisième âge, le fils vient enfin au monde. Or, quelques années plus tard, Dieu adresse à son serviteur Abraham une requête inouïe. C’est le récit de Genèse 22. Voilà une fameuse page de la Bible ! Non sans raison, car elle est d’une intensité dramatique exceptionnelle. De plus, sa portée prophétique est du plus grand intérêt.
Une expérience dramatique
1. Une exigence inexplicable
« Va à Morija, offre ton fils unique et bien-aimé en holocauste (sacrifice). » Humainement, on peut trouver beaucoup d’adjectifs forts pour qualifier l’ordre de Dieu : illogique, absurde, cruel, scandaleux, monstrueux… Le même Dieu ne condamne-t-il pas sans appel les nations qui ont coutume d’immoler des enfants en l’honneur de faux dieux ?
En donnant cet ordre à Abraham, Dieu a pour but de l’éprouver. Si le patriarche réussit ce test, il obtiendra une grande récompense. Reconnaissons que Dieu prend parfois l’initiative de nous mettre à l’épreuve. Notre réaction naturelle risque alors de tourner à la panique ou aux récriminations, alors qu’il conviendrait de conserver son calme, et de demander à Dieu la patience et la force de surmonter la difficulté. Et lorsque celle-ci se prolonge, il est bon de savoir anticiper sa fin — son but glorieux et son issue en tous points fructueuse.
La réaction d’Abraham à l’ordre divin est admirable : il ne tergiverse pas. Il se lève tôt, selle son âne, choisit deux serviteurs, prépare le bois, le feu, le couteau, puis s’en va, accompagné de son fils. Quelle obéissance ! Dieu a parlé, Abraham s’exécute sans demander d’explication supplémentaire.
2. Le trajet
De Beershéba, la petite équipe se rend à Morija, la colline de Jérusalem où Salomon érigera le Temple. Aujourd’hui, c’est l’Esplanade des mosquées où sont construites les mosquées du Dôme et d’El Aqsa. J’évalue le trajet à environ 75 km : trois étapes de 25 km. Il fallait donc être bon marcheur, car l’âne bien chargé n’était probablement pas disponible pour être monté.
Le voyage va donc prendre un certain temps et permettra aux participants de réfléchir longuement, surtout en cas d’insomnies pendant les deux nuits.
3. Tempête sous le crâne du père ?
Cette question m’est inspirée par un chapitre des Misérables de V. Hugo. Si Abraham a passé ces trois jours dans le calme et la paix de l’âme, c’est un champion ! Mais pourquoi pas ? S’il s’était posé beaucoup de questions, ce serait normal et humain : « Dieu m’a promis clairement de devenir l’ancêtre d’un peuple aussi nombreux que les grains de sable ou les étoiles. Miraculeusement, il m’a donné un fils dans ma vieillesse, alors que mon épouse était stérile et trop âgée pour enfanter. Et maintenant mon Dieu veut que je sacrifie Isaac, l’enfant de la promesse… Si Isaac doit mourir, comment la promesse se réalisera-t-elle ? C’est illogique, ce que Dieu me demande ! » Nous ne savons pas si Abraham a raisonné ainsi. Pas forcément.
Toutefois, l’Écriture nous éclaire un peu sur les pensées d’Abraham dans cette circonstance. Dans sa réponse à Isaac, il dit : « Dieu se pourvoira lui-même de l’agneau. » (v. 8) Donc, avant le sacrifice, Abraham envisageait déjà la possibilité d’une substitution !
La parole d’Abraham aux deux serviteurs qui doivent s’arrêter avant d’arriver au but nous donne un autre indice : « Nous reviendrons auprès de vous. » (v. 4) Le « nous » implique qu’il ne sera pas tout seul, mais accompagné ! Il sait donc qu’Isaac sera toujours vivant d’une manière ou d’une autre.
Mais il y a plus encore ! Lisons Hébreux 11.17-19 : « Abraham pensait que Dieu est puissant même pour ressusciter les morts ! » Quand y a-t-il pensé ? Sûrement avec une intensité redoublée pendant la marche d’approche en direction de Morija !
Ces indices nous permettent de supposer qu’il n’y a pas eu de tempête sous le crâne d’Abraham et qu’il a pu s’approcher de Morija en faisant pleinement confiance à son Dieu : le patriarche allait retrouver son fils, soit par une substitution, soit par une résurrection. Nous savons que c’est la première éventualité qui s’est produite. Mais admirons la confiance illimitée d’Abraham en son Père céleste. Quant à moi, j’ai énormément à apprendre d’Abraham à ce sujet.
4. Tempête sous le crâne du fils ?
L’angoisse d’Isaac nous est suggérée par la question lucide qu’il pose à son père : « Le bois, le feu, le couteau sont à disposition, mais où est l’agneau ? » Cette absence de l’agneau est troublante : manifestement, Isaac se doute de quelque chose, il sait très bien que pour offrir un sacrifice, une victime animale est indispensable. La réponse du père au sujet de la substitution peut le rassurer. Un peu ? Beaucoup ?
Mais le verset 9 est terrible : Isaac se voit ligoté et allongé sur le bois de l’autel. Abraham va même jusqu’à saisir le couteau. Plus de doute possible pour Isaac, la victime c’est lui. Mais, fait bouleversant, Isaac ne proteste pas, ni même ne se débat. Sa soumission à son père est exemplaire. Il n’en reste pas moins que ces instants ont dû être très pénibles pour le jeune homme, à moins que sa confiance en la parole paternelle concernant la substitution n’ait pas faibli et que Dieu lui ait donné la force de rester dans la paix. C’est possible, mais miraculeux.
Abraham et Isaac à Morija : une préfiguration de la Croix
Cet épisode, au-delà de la formidable démonstration de foi dont il témoigne, sert de cadre à une révélation prophétique plus générale. Hébreux 11.17-19 déclare : « Abraham retrouva son fils, ce qui est une préfiguration. » Le terme préfiguration nous permet de proposer une interprétation symbolique de notre épisode.
Abraham, le père, préfigure Dieu le Père qui n’a pas refusé de donner au monde son Fils unique. Mais le Seigneur Jésus-Christ est mort sur la croix. Pour lui, il n’y a pas eu de substitution. Le Fils bien-aimé a bel et bien souffert le supplice ignoble.
Isaac, le fils, préfigure Jésus-Christ (Gal 3.16), qui se soumet d’une manière parfaite à son Père. Souvenons-nous de ce que le Seigneur a dit dans le jardin de Gethsémané : « Que cette coupe s’éloigne de moi si possible, mais que ta volonté soit faite. » Isaac en route vers Morija ne nous fait-il pas penser à Jésus sur le douloureux chemin de Golgotha ?
Deux fois, il est précisé dans notre texte : « Ils marchèrent tous deux ensemble ». N’est-ce pas la préfiguration de l’unité remarquable entre Dieu et Jésus-Christ ? Le bois porté par Isaac annonce le bois de la croix porté par notre Seigneur. L’autel et le bélier (et les innombrables sacrifices de l’Ancien Testament) préfigurent également le sacrifice unique et parfait du Fils.
Comme pour souligner que cette affaire se joue dans l’intimité du Père et du Fils, le texte de Genèse 22 contient des détails qui ne sont sûrement pas fortuits : les deux serviteurs et l’âne doivent s’arrêter le troisième jour, quand le groupe aperçoit la colline de Morija de loin. Seuls Abraham et Isaac accomplissent la dernière partie du trajet. Pourquoi ? Parce que seuls Dieu et Jésus-Christ étaient en mesure d’accomplir l’œuvre du salut et l’expiation de nos péchés. Aucun homme n’est compétent pour ce travail, car la chair (la nature humaine) est inimitié contre Dieu. Mais à l’image des serviteurs, les rachetés sont invités à considérer le chemin parcouru par le Seigneur. La Parole écrite nous permet en effet de suivre cet itinéraire, d’en saisir les tenants et les aboutissants, ainsi que sa valeur unique. Et, comme les deux serviteurs qui, après l’accomplissement du sacrifice, continuent de regarder vers Morija, puis se réjouissent du retour d’Abraham et d’Isaac, nous continuons de nous souvenir de la Croix, et nous nous réjouissons de la résurrection de Jésus.
Un Souverain exigeant, mais qui pourvoit
Isaac est impressionnant dans sa soumission à son père. Il réussit particulièrement bien le test auquel il a été soumis. À la fin du chapitre 22, Abraham reçoit un rapport au sujet de sa famille restée à Charan. Suit une liste des noms de garçons venus enrichir la famille du patriarche. Seule une fille est mentionnée : Rébecca, qui deviendra l’épouse d’Isaac. Dieu bénit abondamment encore aujourd’hui celui qui réussit le test divin.
Abraham a été fortement marqué par l’épisode de Morija. L’intensité des émotions et des sentiments a été si inhabituelle qu’il donne un nom à ce lieu : Yahvé-Jiré ou Adonai-Jiré, « à la montagne de l’Eternel, il y sera pourvu ! ». Nous pouvons comprendre cela ainsi : « À la colline de la croix, grâce au sacrifice du Seigneur, Dieu pourvoit à nos besoins. » Entre autres : notre besoin de pardon, de salut, de vie, d’espoir, de bénédiction… Si nous sommes en Christ et des disciples fidèles, cette promesse nous concerne. Elle est grandiose. Sachons la saisir !
- Edité par Gibert Aellig
LA GLOIRE DE DIEU ET NOUS
Une femme demande à son mari : « Cela fait longtemps que tu ne m’as pas dit que tu m’aimes. M’aimes-tu encore ? » Il lui répond : « Je te l’ai dit quand on s’est mariés ; je te le dirai si cela change. » Quelle réponse stupide ! Ce qui est vraiment important gagne à être répété, même si rien n’a changé.
De même, la Bible contient des thèmes centraux, qu’il est facile de considérer comme allant de soi, mais qu’il faut rappeler. Un de ces thèmes est « la gloire de Dieu ».
Notre salut et la gloire de Dieu
À la question : « Pourquoi Dieu nous a-t-il sauvés ? », nous répondrions probablement : « Parce que Dieu nous aime ». Et c’est vrai. Mais il y a une autre réponse, tout aussi vraie, et qu’on entend moins souvent : c’est que Dieu s’aime lui-même.
De nombreux versets parlent de l’amour de Dieu pour lui-même :
– « C’est de lui, par lui, et pour lui que sont toutes choses. À lui la gloire dans tous les siècles ! » (Rom 11.36)
– « En lui [le Fils] ont été créées toutes les choses qui sont dans les cieux et sur la terre, les visibles et les invisibles, trônes, dignités, dominations, autorités. Tout a été créé par lui et pour lui. » (Col 1.16)
Ces versets montrent que, au bout du compte, tout dans le monde existe pour la gloire de Dieu.
Ce but ultime de la création a des conséquences très concrètes pour nous : « Soit donc que vous mangiez, soit que vous buviez, soit que vous fassiez quelque autre chose, faites tout pour la gloire de Dieu. » (1 Cor 10.31) Gardons à l’esprit que tout a été créé pour la gloire de Dieu et reflétons dans notre comportement ce but : contribuer à la gloire de Dieu.
C’est aussi pour contribuer à sa gloire que Dieu a élargi le salut aux non-Juifs : « D’abord, le Christ est venu se mettre au service des Juifs pour montrer que Dieu est fidèle en accomplissant les promesses faites à leurs ancêtres ; ensuite, il est venu pour que les non-Juifs, de leur côté, louent Dieu à cause de sa bonté. » (Rom 15.8-9) Dieu a envoyé Jésus parce qu’il voulait davantage d’adorateurs. Bref, Dieu nous a sauvés pour sa gloire.
Cette idée est également présente de façon très claire dans certains passages de l’A.T. Ces textes concernent directement Israël et non pas l’Église ; mais au-delà des différences, le but d’Israël et celui de l’Église sont le même : glorifier Dieu.
– En 1 Samuel 12, Israël a péché en demandant un roi. Le peuple supplie Samuel : « Intercède pour tes serviteurs auprès de l’Éternel ton Dieu afin que nous ne mourions pas, car nous avons ajouté à toutes nos fautes celle de demander un roi pour nous. » Mais Samuel rassure le peuple : « Soyez sans crainte ! Oui, vous êtes bien coupables de ce mal, mais ne vous détournez pas de l’Éternel et servez-le de tout votre cœur. » Puis il donne la raison pour laquelle Dieu ne les abandonnera pas : « Il a plu à l’Éternel de faire de vous son peuple. C’est pourquoi il ne vous abandonnera pas, car il tient à faire honneur à son grand nom. »
– En Ézéchiel 20, Dieu rappelle pourquoi il a sauvé son peuple dans le désert : « La communauté d’Israël s’est révoltée contre moi dans le désert, ils n’ont pas vécu selon mes lois et ils ont rejeté mes commandements qui font obtenir la vie à celui qui les applique. Je me suis proposé alors de déchaîner ma colère contre eux dans le désert pour les exterminer. Mais j’ai agi par égard pour ma renommée, pour que je ne sois pas méprisé par les nations sous les yeux desquelles je les avais fait sortir d’Égypte. »
– En Ézéchiel 36.21, Dieu reprend le même motif : « J’ai eu égard à ma sainte personne que la communauté d’Israël a déshonorée parmi les nations où elle s’est rendue. C’est pourquoi, dis à la communauté d’Israël : Voici ce que dit le Seigneur, l’Éternel : Si je vais intervenir, ce n’est pas à cause de vous que je le fais, ô communauté d’Israël, mais c’est par égard pour moi-même, moi qui suis saint et que vous avez déshonoré parmi les nations chez lesquelles vous êtes allés. Je démontrerai ma sainteté, moi qui ai été déshonoré parmi les nations par votre faute, et ces nations reconnaîtront que je suis l’Éternel — le Seigneur, l’Éternel, le déclare — quand je ferai éclater ma sainteté à leurs yeux par mon œuvre envers vous. Je vous retirerai des nations, je vous rassemblerai de tous les pays étrangers et je vous ramènerai dans votre pays. »
Ces textes pourraient conduire à se poser la question : Dieu serait-il égoïste ? On cite plus volontiers des versets concernant l’amour de Dieu pour nous que ces versets sur l’amour de Dieu pour lui-même. Sans doute est-ce parce que ces textes nous paraissent bizarres. Ils semblent :
– contredire l’amour de Dieu pour nous,
– être à l’opposé de la définition biblique de l’amour qui « ne cherche pas son propre intérêt » (1 Cor 13.5),
– présenter Dieu comme quelqu’un d’égocentrique : si un homme parlait comme Dieu parle dans ces versets, on le traiterait d’égoïste et d’orgueilleux ; il nous semble en effet impossible que quelqu’un cherche sa propre gloire et le bien des autres en même temps.
Mais Dieu est un cas unique. Lui seul peut chercher, en même temps et sans contradiction, sa propre gloire et le bien d’autres personnes. Plus encore, si Dieu ne s’aime pas lui-même en cherchant sa propre gloire, il ne peut pas nous aimer. Chercher sa propre gloire, c’est la manière dont il nous aime.
C.S. Lewis a bien illustré ce paradoxe. Avant de devenir chrétien, il a longtemps buté sur ce sujet. Pour lui, Dieu semblait toujours chercher les compliments : dis-moi combien je suis beau ; dis-moi combien je suis intelligent. Mais ensuite il a pu écrire : « L’essentiel, à propos de la louange — qu’elle concerne Dieu ou d’autres choses — m’échappait curieusement. Pour moi, cela se résumait à dire des compliments, à approuver, à rendre honneur à quelqu’un. Je n’avais pas encore remarqué que tout bonheur déborde spontanément en louanges. Le monde résonne de louanges, l’amoureux complimente l’être aimé, le lecteur fait l’éloge de son poète favori, le promeneur s’extasie devant un paysage, le joueur s’enthousiasme pour son jeu préféré… Ma difficulté à adorer Dieu provenait de mon refus stupide d’admettre, devant celui qui est estimable par excellence, la joie que nous éprouvons à faire certaines choses, joie qui d’ailleurs motive toutes nos actions. Je pense que nous prenons plaisir à louer ce qui nous procure du bonheur parce que la louange ne se contente pas d’exprimer le plaisir ressenti, mais qu’elle le complète. »
Ainsi, quand Dieu nous donne l’ordre de le louer, il exige de nous un acte que nous faisons régulièrement pour d’autres objets auxquels nous attachons de la valeur. De plus, l’acte de louer la chose de valeur est essentiel à la joie que nous en éprouvons. Les louanges sont l’aboutissement de notre joie.
Pour mieux comprendre cette idée, reportez-vous en 1998 quand la France a gagné la Coupe du monde de football. Imaginez qu’avant le match, quelqu’un soit venu vous voir et vous ait dit : « J’ai deux tickets pour la finale et tu peux y aller gratuitement avec un ami, mais à une condition : il faut que tu gardes le silence. Si la France marque, il faut rester silencieux. Si la France gagne, tu ne peux pas crier. Mais, profite bien de ton match quand même ! » Quelle situation ridicule ! Comment puis-je voir mon équipe préférée gagner et garder le silence ? Or quel est plus grand, un match de foot ou Dieu ? Nous louons naturellement des choses de moindre grandeur, et il n’y a rien de plus grand que Dieu. Alors, quand Dieu nous ordonne de le louer, il nous amène à trouver par là l’aboutissement de notre joie.
Notre joie et la gloire de Dieu
Notre joie a une place de choix dans la manifestation de la gloire de Dieu. Cette déclaration peut sembler étrange. Nous venons de voir qu’il n’y a rien de plus important que la gloire de Dieu. Pourquoi maintenant parler de notre joie ?
La Bible ne considère pas notre joie comme quelque chose de superflu : elle l’ordonne même :
– « Mes frères, réjouissez-vous de tout ce que le Seigneur est pour vous. » (Phil 3.1)
– « Goûtez et constatez que l’Éternel est bon ! » (Ps 34.9)
La Bible dit aussi que chercher le bonheur ailleurs qu’en Dieu est un péché : « Cieux, étonnez-vous-en, soyez-en horrifiés et consternés, déclare l’Éternel. Car mon peuple a commis un double mal : il m’a abandonné, moi, la source d’eaux vives, et il s’est creusé des citernes, des citernes fendues et qui ne retiennent pas l’eau. » (Jér 2.12-13) Déjà en Deutéronome 28, Moïse avait averti Israël des malédictions qui les attendaient s’ils désobéissaient : « Toutes ces malédictions viendront sur toi […] pour n’avoir pas, au milieu de l’abondance de toutes choses, servi l’Eternel, ton Dieu, avec joie et de bon cœur. » (Deut 28.45-47)
À notre salut est associée une joie « qu’aucune parole ne saurait exprimer » (1 Pi 1.8) mais qui implique des émotions. Dieu ne veut pas d’adorateurs qui répèteraient froidement des paroles de louange ; il cherche des cœurs reconnaissants et remplis d’allégresse.
Illustrons ce point : la Bible demande aux maris d’aimer leur femme. Imaginez qu’un jour j’arrive avec un beau bouquet pour mon épouse. Surprise, elle me demande : « Merci, qu’il est beau ! Mais pourquoi m’offres-tu ces fleurs ? » Si je réponds : « C’est mon devoir ; comme je suis ton mari, il faut que je fasse quelque chose que tu aimes », que penseriez-vous de ma femme ? Vous vous diriez : elle ne doit pas être exceptionnelle pour lui, parce qu’il ne lui montre pas de sentiments. Mais si je réponds : « Je t’ai apporté ces fleurs parce que je t’aime ; c’est ma joie d’être avec toi », elle ne me jugera pas égoïste d’évoquer ma joie. Sa joie vient de ma joie.
Le même principe opère quant à nos actes pour Dieu. Si on loue Dieu simplement parce qu’il l’exige, Dieu ne sera pas glorifié. Mais, si on le sert parce qu’il nous remplit de joie, il reçoit la gloire qui lui revient.[note]Cette illustration ne doit pas laisser penser que la Bible ne contient pas d’obligations. Il nous faut obéir à Dieu, même si nous n’éprouvons pas d’émotion. Mais il est meilleur d’obéir à Dieu avec un coeur plein de joie et de reconnaissance.[/note]
Quelques conséquences
1. Le fondement de l’amour de Dieu pour nous n’est pas nous-mêmes, mais sa gloire. Illustrons cette idée : mon entraîneuse de basket est sénégalaise. Elle s’intéresse particulièrement à ma femme et à moi. Cela n’est pas lié à mon jeu (je ne suis pas, de loin, le meilleur joueur de notre équipe), mais à un centre d’intérêt commun : le Sénégal. Et pour moi, c’est beaucoup mieux ainsi : si son intérêt était lié à mes capacités pour le basket, il irait diminuant parce que mes capacités diminuent chaque année. Mais notre intérêt commun pour le Sénégal, lui, va perdurer.
De même, l’amour de Dieu pour nous n’est fondé ni sur nos capacités ni sur rien d’autre d’inhérent à notre personne. Tant mieux, car sinon il pourrait diminuer. Mais comme l’amour de Dieu envers nous est fondé sur le désir de glorifier son nom, son amour ne va jamais s’affaiblir parce que Dieu reste éternellement digne de gloire.
2. Notre salut n’est pas qu’une démonstration de son amour pour nous, mais aussi une démonstration de sa gloire dans laquelle éclatent sa justice, sa puissance, sa miséricorde. En le célébrant, ne nous limitons pas au fait que Dieu nous a sauvés de l’enfer, mais rappelons-nous qu’il nous a sauvés pour lui-même, afin que désormais nos yeux soient fixés sur lui.
3. Si la gloire de Dieu est ce qui importe le plus, comment la montrer ? En puisant notre joie en lui, en montrant que nous trouvons en lui plus de satisfaction que tout ce qu’offre le monde (l’argent, les louanges des hommes, etc.), en prouvant que notre religion n’est pas qu’un rituel, mais avant tout une relation vivante avec un Dieu glorieux.
- Edité par Wayne Denny
LE MONDE EST-IL ENCORE SOUS CONTRÔLE ?
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Claude-Alain Pfenniger est membre de la rédaction de Promesses |
La question est de plus en plus d’actualité. Mais il y a bien longtemps que les hommes cherchent à se rassurer.
Dans ce but, les uns ont choisi l’enquête scientifique. Leurs investigations aboutissent généralement à la conclusion que le monde naturel est régi par des lois stables. Les variations passagères, les catastrophes, les phénomènes affligeants (la souffrance, la maladie, la mort) ou les « dégâts collatéraux » de l’activité humaine (pollution, destruction de l’équilibre écologique), ne peuvent empêcher l’ordre de prévaloir. La démarche de ces chercheurs ne les amène pas forcément à admettre Dieu : beaucoup se satisfont de constater que notre univers obéit à une logique immuable et impersonnelle.
D’autres choisissent l’approche historique : observant la famille humaine, ils découvrent qu’il y est surtout question de ruptures, de conflits, de surgissement et d’anéantissement de civilisations. Les fléaux sont récurrents : corruption, exploitation, misère, inégalités criantes, violence, crises, révolutions. Malgré les conquêtes de la science, malgré des réalisations sociales ou techniques étonnantes, l’impression globale est chaotique. D’où leur malaise : mais qui donc gouverne le monde des hommes ? qui mène le jeu ? Les hommes eux-mêmes, un Dieu à la logique incompréhensible, des forces destructrices, le diable ?
Enfin les esprits post-modernes : las de balancer entre les deux positions résumées ci-dessus, ils s’orientent souvent vers l’irrationnel, vers le messianisme mystique du Nouvel-Âge, ou sombrent dans le cynisme.
Et si nous cherchions à savoir ce que dit la Bible sur la souveraineté de Dieu ? La vision d’ensemble la plus cohérente et la plus rassurante ne se trouverait-elle pas plus sûrement auprès de l’ultime Connaisseur de ce mystère ?
- Edité par Pfenniger Claude-Alain
LA SOUVERAINETÉ DE DIEU
Cet article est une adaptation libre d’une longue étude de Paul-André Dubois. Celui-ci, aujourd’hui à la retraite, a exercé des fonctions pastorales au Portugal et en Suisse. Il a également assumé des tâches d’enseignement et de direction à l’École biblique de Genève (actuellement Institut Biblique de Genève). Il est encore actif dans l’enseignement de l’Écriture et dans des tâches rédactionnelles (revue La Bonne Nouvelle).La souveraineté de Dieu : son affirmation
A. La souveraineté de Dieu : son affirmation
De l’ensemble de la Révélation biblique se dégage une évidence massive : Dieu est souverainement élevé au-dessus de tout, revêtu de l’autorité et de la puissance suprêmes. En sa qualité de Roi des rois, de Seigneur des seigneurs, il siège sur le trône céleste, rayonnant de sa majesté de seul Tout-Puissant[note]Le terme « Tout-Puissant » appliqué à Dieu est la traduction de l’hébreux « El Chaddai » ou du grec « Pantokratôr ». Sous forme de nom ou d’adjectif, on trouve cette expression environ 50 fois dans l’A.T. et 10 fois dans le N.T. (NDLR)[/note] .
Mais Dieu ne se contente pas de s’attribuer le titre de Tout-Puissant : il exerce effectivement son autorité. En dépit de tous les éléments qui semblent contredire ce règne, l’Écriture est catégorique : c’est à lui qu’il appartient de gouverner le monde en général, et de nourrir nos pensées en particulier[note]2 Cor 10.5 ; Phil 2.5 ; 4.8.[/note] . Le désordre du temps présent est grand, certainement, mais les événements n’échappent pas au contrôle de Dieu, qui poursuit l’achèvement de son plan dans l’histoire du monde et accomplit sa volonté dans la vie de ses enfants d’adoption, les croyants, car il « opère toutes choses d’après le conseil de sa volonté » (Éph 1.11).
B. La souveraineté de Dieu : sa définition
Dieu est au-dessus de toutes choses, visibles ou invisibles : « L’Éternel a établi son trône dans les cieux, et son règne domine sur toutes choses. » (1 Chr 29.11) Sa volonté et son pouvoir sont absolus. Tout ce qu’il a conçu et décidé s’accomplira[note]Ps 93.3,4 ; 2 Rois 6.14-17 Ps 33.8-11 ; 103.19 ; 115.1-3 ;És 14.24-27 ; 43.11-13 ; 44.28 ; 46.9-11. Cette définition implique que le Dieu éternel soit éternel : Dieu le Père, comme Dieu le Fils et Dieu le Saint-Esprit, n’ont en effet « ni commencement de jours, ni fin de vie » (cf. Héb 7.13).[/note] . Ceux qui lui résistent n’échappent pas à son empire, leur vie continue de dépendre constamment de lui[note]És 36.18-20 ; 37.4-7 ;;Act 12-20-23 ; 17.25-28 ; Job 12.10 ; 34.10-15 ; Dan 5.22,23.[/note] . Derrière tous les événements, ordinaires ou extraordinaires, la main puissante de Dieu est à l’œuvre. Celle-ci ne se relâchera pas, jusqu’à ce que tout genou fléchisse devant le Maître divin, soit dans l’adoration, soit dans le tremblement[note]És 45.22-25 ; Phil 2.9-11 ; Pr 1.25,26,[/note] .
Parce que rien ni personne ne saurait impunément défier Dieu, ce dernier se rit de ses adversaires[note]Ps 2.1-4 ; 37.13 ; Pr 1.25,26.[/note] . Au Jugement dernier, les révoltes, les injustices et les blasphèmes de toute créature rebelle seront sanctionnés, et toute bouche sera fermée devant le Juge suprême[note]Apoc 20.11-15.[/note] .
C. La souveraineté de Dieu : ce qu’elle n’implique pas
1. Dieu n’agit pas arbitrairement
Des passages bibliques comme Ps 115.3 : « Notre Dieu est au ciel, il fait tout ce qu’il veut » n’impliquent nullement l’arbitraire, le caprice, encore moins le despotisme. Contrairement aux dieux païens ou aux tyrans, Dieu ne recourt jamais à sa toute-puissance pour en mal user, ou en abuser. Car s’il est vrai que Dieu agit « selon le bon plaisir de sa volonté » (Éph 1.5), et que personne ne peut le manipuler, il est également vrai qu’il « opère toutes choses selon le conseil de sa volonté » (Éph 1.11), et sa volonté est toujours sage, éclairée et intelligente.
Job, même au sein de l’épreuve, l’admettait : « En Dieu résident la sagesse et la puissance, le conseil et l’intelligence lui appartiennent » ; « À lui la sagesse et la toute-puissance. » (Job 12.13 ; 9.4) Cependant, son expérience nous apprend qu’il y a parfois une grande distance entre la reconnaissance théorique de la souveraineté divine, et l’acceptation des méthodes divines. C’est pourquoi, à la fin de ses tribulations, Job doit s’humilier pour avoir contesté le bien-fondé de la stratégie divine à son égard : « Oui, j’ai parlé, sans les comprendre, de merveilles qui me dépassent et que je ne connaissais pas… C’est pourquoi je me condamne et je me repens… » (Job 42.3b,6) Heureusement pour lui, Job vient de faire en même temps un grand pas en avant dans la connaissance personnelle de son Dieu : « Maintenant mon œil t’a vu. » (Job 42.5b)
2. Dieu n’agit pas injustement
La puissance sans limite de Dieu n’entraîne aucune atteinte à sa sainteté. Contrairement aux puissants de ce monde ou aux démons, Dieu maintient en parfaite harmonie puissance et justice. Dans la sphère des hommes, il faut plutôt reconnaître que « la raison du plus fort est toujours la meilleure » ou bien, comme Pascal le disait avec ironie : « Ne pouvant faire que ce qui est juste fût fort, on a fait que ce qui est fort fût juste. » Dieu n’a pas à choisir entre la force ou la justice : « Tout ce que l’Éternel veut, il le fait, dans les cieux et sur la terre » (Ps 135.6) — sans jamais se départir de sa parfaite justice. Et « si nous sommes infidèles, il demeure fidèle, car il ne peut se renier lui-même. » (2 Tim 2.13 ; cf. Gen 18.22-25 ; Job 8.3 ; 34.10-12,17-19). Le psalmiste Éthan l’a fort bien résumé : « Ta main est puissante, ta droite élevée, la justice et le droit sont la base de ton trône. La bienveillance et la vérité se tiennent devant ta face. » (Ps 89.14b,15)
3. Dieu n’approuve pas les actes répréhensibles, même quand ils servent à l’accomplissement de son dessein
Quelques exemples illustreront ce principe :
– En vendant Joseph aux Madianites, ses frères, mus par la jalousie et la haine, commirent un acte criminel. Les événements ultérieurs montrent toutefois que le plan Dieu s’accomplit à travers ce drame : la présence de Joseph en Égypte contribua à sauver les siens de la famine. Pour autant, la Parole ne laisse jamais entendre que Dieu ait approuvé le forfait ancien (cf. Gen 37 ; 42-45). Au contraire, il utilisa les circonstances pour amener les frères de Joseph à avouer leur faute, et à s’en repentir.
– Schimeï insulta grossièrement David, jusqu’à le maudire, mais, au lieu de se venger lui-même, David remit sa cause à Dieu, car il savait que celui-ci entend les propos malveillants et peut retourner la situation : « Peut-être l’Éternel regardera-t-il ma peine, et me fera-t-il du bien en retour de sa malédiction[note]« sa malédiction » : c.-à-d. celle de Schimeï.[/note] d’aujourd’hui. » (2 Sam 16.12) Le souhait de David fut exaucé. Quant à Schimeï, il fut exécuté plus tard par un serviteur de Salomon (1 Rois 2.8,9,36-46).
– Dieu utilisa les Assyriens pour punir son peuple rebelle. Mais il déclara : « Malheur à l’Assyrien, verge de ma colère. » (cf. És 10.5-16) Pourquoi cette condamnation ? « Je punirai le roi d’Assyrie pour le fruit de son cœur orgueilleux et pour l’arrogance de ses regards hautains. » (v. 12b)
– Dieu avait prévu et déterminé de toute éternité l’incarnation, le ministère et la crucifixion de Jésus-Christ. Ceux qui l’ont mis à mort ont néanmoins commis un crime infâme, inexcusable, dont Dieu les a tenus coupables. Dans la mesure où les instigateurs et les exécutants de ce crime ont reconnu leur faute, ils ont pu entrer dans le plan de grâce du Seigneur, être pardonnés et recevoir le Saint-Esprit. (Act 2.23-41) La trahison de Judas était annoncée, elle était un élément du plan divin (Ps 41.10). Mais Judas a été néanmoins considéré comme coupable de son acte (Luc 22.21-23).
En bref, les actes répréhensibles des hommes, même quand ils servent au dessein de Dieu, n’en sont pas justifiés pour autant, car Dieu ne peut rester indifférent ni aux mobiles de leurs auteurs, ni à leur état d’esprit[note]Ps 90.8 ; Rom 2.14-16.[/note] .
4. Dieu ne traite pas les hommes comme des engins téléguidés
L’homme n’est ni un robot, ni une machine. Dieu ne le manipule pas à son insu. Dès l’origine, l’homme et la femme ont été rendus responsables de leurs choix. Ni Adam et Ève, ni Caïn et ses descendants n’ont été prisonniers d’un déterminisme aliénant. Lorsque la Révélation (orale d’abord, puis écrite) sous l’éclairage du Saint-Esprit sont intervenus dans l’histoire, des choix ont été possibles[note]Quelques textes.clés concernant la responsabilité humaine : Deut 30.15-20 ; 32.4-6 ; Or 1.20-33 ; És 55.6,7 ; Lam 3.39-45 ; Éz 18.23,32 ; 33.10,11 ; Jean 3.14-19 ; 5.39,40 ; Rom 1.18-21 ; 2.1-5 ; 2 Thes 1.6-10 ; 2.9-12.[/note] — et particulièrement le choix capital entre tous : celui qui consiste à se placer volontairement sous l’autorité et sous la grâce du Dieu-Sauveur.
Autrement dit, la souveraineté de Dieu ne s’exerce jamais au détriment de la responsabilité humaine, ni au détriment de la justice ou des décrets divins, ni en contradiction avec l’intelligence, la sagesse, et la vérité qui caractérisent la nature de Dieu. Au lieu de nous en prendre aux mystères de la volonté de Dieu, et d’accuser celui-ci (pour nous blanchir), prenons en exemple l’attitude du péager de Luc 18.13,14 : « Il se tenait à distance, n’osant même pas lever les yeux au ciel, mais se frappait la poitrine et disait : Ô Dieu, sois apaisé envers moi, pécheur. »[note]Deut 32.4-6 ; Lam 3.21-25,39-42.[/note] La parabole souligne que Dieu se plaît à honorer cette disposition du cœur.
D. La souveraineté de Dieu : ses domaines d’application
Dieu, par définition, doit régner en tout, partout, sur tout, ou alors il n’est plus Dieu. C’est ce qu’affirment grand nombre d’écrivains bibliques (voir par ex. Ps 103.19 ; 1 Chr 29.11 ; Lam 3.37). Mais ce règne, comme nous l’avons déjà reconnu, n’est pas encore apparent de manière universelle : le Royaume est en devenir, et à venir. Il constitue l’espérance de tout croyant (« Que ton règne vienne, que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel »), et la Création tout entière soupire après ce jour (Rom 8.19-22).
Quoique partiellement voilée dans le temps présent, la souveraineté de Dieu repose sur des bases solides, de sorte que les germes du Royaume à venir sont déjà profondément plantés dans l’histoire passée. Rappelons-en quelques manifestations :
– La symphonie de la Création, librement composée, orchestrée et exécutée par le Dieu tout-puissant [note]Ps 33.6-9 ; Rom 11.33-36 ; Apoc 4.11.[/note] ;
– La conservation du monde physique, volontairement garantie par le Dieu tout-suffisant[note]Gen 8.22 ; Job 34.13-15 ; Ps 104.10-15,24-30 ; Act 14.16-17 ; Col 1.17 ; Héb 1.1-4.[/note] ;
– L’histoire des nations et de leurs chefs, et l’histoire d’Israël en particulier, souterrainement canalisées par le Roi des rois [note]Ex 9.13-16 ; tout le livrre d’Esther ; Job 34.16-32 ; Ps 2.1-9 ;És 40.12-17 ; 44.24-28 ; 37.21-29 ; Dan 2.20,21,44,45 ;4.24-34 ; Mat 25.31-35 ; Rom 9.17.[/note] ;
– L’histoire du salut, magistralement conduite par le souverain Berger[note]És 44.6-8 ;45.21 ; Act 15.16-18.[/note] ;
– La rédemption de l’humanité perdue, résolument accomplie par le Fils de Dieu au travers de l’offrande de la Croix et de la victoire de la Résurrection[note]1 Pi 1.18-20 ; 2 Tim 1.8-10 ; Luc 2.25-32 ; 24.25-27 44-49 ; Jean 1.29 ; 14.15-17 ; Act 2.32-36.[/note] ;
– La création de l’Église [note]Éph 1.22 ; 2.20 ; 1 Tim 3.15.[/note].
On peut ajouter que Dieu n’a jamais cessé de veiller à la rédaction, à la transmission, et à la conservation de sa Parole révélée, car sans elle nous ne saurions rien de sûr quant à Dieu, quant à ses desseins, quant à nous-mêmes, et à la relation nouvelle dans laquelle nous sommes invités à entrer. Sans la souveraine sagesse, puissance et inspiration de l’Auteur divin, le miracle de la Révélation ne serait pas[note]Jér.1.4-5 ; Marc 1.14,15 ; 1 Cor 2.13 ; Gal 1.15,16 ; 2 Tim 3.16 ; 2 Pi 1.20,21.[/note] .
E. La souveraineté de Dieu : source de bénédiction éternelle
Dans la droite ligne des promesses de bénédiction universelle faites à Abraham et à sa postérité, Jésus-Christ a annoncé l’édification future de son Église, et Paul en a fait connaître la dimension. Le dévoilement de ce « mystère caché de tout temps en Dieu » a rendu possible la réunion en un seul « corps » des Juifs et des païens convertis. La naissance, puis l’extension de l’Église suivent donc un plan issu de Dieu[note]Gen 12.1-3 ; És 49.4-6 ; Mat 16.13-18 ; Marc 16.15 ; Mat 28.19 ; Luc 24.47 ; Act 1.8 ; 13.47 ; Gal 3.8,9,13-16 ; Éph 2.11-18 ; 3.1-7 ; 1 Tim 3.15 ; Apoc 2.3.[/note] .
De même que Satan, les puissances invisibles malfaisantes et les hommes se sont ligués en leur temps pour faire obstacle au ministère et à la suprématie de Jésus-Christ, ces mêmes acteurs se sont promis d’anéantir l’Église et le témoignage à la Vérité. Christ avait annoncé cette lutte sans merci (Mat 16.18), mais avait aussi promis que les desseins de l’Ennemi ne prévaudraient pas, ce dont les apôtres surent se souvenir en périodes de crises internes ou de persécutions[note]Jean 15.18-21 ; 16.1-4 ; Act 5.33-39 ; 2 Cor 2.11,14 ; 2 Tim 3.10-13.[/note]. La Croix et la Résurrection sont les signes de l’écrasante et inéluctable victoire de Dieu, non seulement sur Satan, le péché, et la mort, mais aussi sur tout ce qui s’oppose à la marche en avant de l’Église vers le but glorieux que Dieu lui a fixé[note]Jean 12.31 ; Col 2.15 ; Héb 2.14 ; Éph 10.6-20 ; 1 Pi 5.8,9 ; Jac 4.7 ; Apoc 2.9-11.[/note]. L’autorité de Dieu sur les puissances invisibles est donc réelle et totale dès le début. Elle va sans cesse en se déployant et en s’affirmant.
Le retour et l’avènement de Christ, le renouvellement du monde créé, le règne messianique, puis l’état éternel, dépendent également d’un calendrier et de modalités librement fixés par le Père céleste[note]Rom 8.19-22 ; 2 Pi 3.13 ; Apoc 21.1-4.[/note]. Au moment où l’humanité, se croyant mûre pour prendre seule son destin en mains, passera par les heures les plus sombres de son histoire, au moment où l’apostasie sera globale, où l’Antichrist pensera avoir assujetti la terre entière, Dieu manifestera sa colère de la façon la plus radicale. À aucun instant de cette « fin de partie » catastrophique, le cours des choses et des affaires humaines n’échapperont au contrôle de Dieu. Bien plus, c’est lui-même qui poussera les hommes à aller jusqu’au bout de leur logique impie, et les jettera les uns contre les autres : « C’est Dieu qui a mis dans leurs cœurs d’exécuter son dessein, d’exécuter un même dessein… » (Apoc 17.17)[note]Exemples antérieures de l’histoire : cf. 2 Rois 19.28 ; Job 12.16-25 ; Pr 21.1 ; És 44.25 ; Éz 29.4 ; 38.4 ; 39.2.[/note] Après la grande Tribulation dont parle l’Apocalypse, le Seigneur Jésus-Christ apparaîtra en gloire, fera taire toute opposition, et précipitera l’Antichrist, le faux Prophète, et Satan dans l’abîme[note]Apoc 19.11-20.2.[/note]. Le règne millénaire qui suivra, la dernière révolte globale, son écrasement, le Jugement dernier ainsi que la formation des nouveaux cieux et de la nouvelle terre, puis la venue de la nouvelle Jérusalem, constitueront le prélude à la bénédiction éternelle pour tous les élus[note]Apoc 20.21.[/note] .
F. Et aujourd’hui ?
Chaque étape de la vie du croyant dépend de la grâce et de la souveraine sagesse divines. L’amour et la puissance de Dieu sont en effet nécessaires dans les opérations suivantes :
– l’élection au salut, et la prédestination à tous les fruits qui en découlent[note]Éph 1.3,4 ; 2 Thes 2.13 ; 2 Tim 1.9 ; Apoc 17.8.[/note] ;
– l’appel au salut, appel rendu efficace par la puissance du Saint-Esprit [note]Rom 8.30a ; 2 Thes 2.14.[/note] ;
– la justification et la régénération, rendues possibles par l’œuvre de Christ[note]Rom 8.30b ; Rom 5.1 ; 1 Pi 1.3,22,23 ; Jac 1.18 ; Tite 3.4-7 ; Jean 3.1-7.[/note] ;
– notre sanctification progressive ici-bas, notre transformation à l’image de Christ[note]Phil 1.6 ; 1 Thes 5.23,24 ; 1 Cor 1.8,9 ; 1 Pi 5.10 ; 2 Thes 3.3.[/note] ;
– la glorification finale, la résurrection de notre corps et la vie éternelle en présence de l’Éternel, de tous les rachetés et des saints anges [note]Col 3.4 ; 2 Thes 1.10 ; 1 Jean 3.1-3 ; 1 Pi 5.1 ; 1 Cor 15.20-22 ; 42-44,51,54 ; Phil 3.20,21 ; Apoc 22.3-5.[/note].
Cette œuvre parfaite dont nous bénéficions est résumée magnifiquement en Romains 8. On y trouve synthétisés tous les aspects du plan de notre salut, d’une éternité à l’autre. L’action de Dieu en notre faveur constitue un tout absolument compact et indivisible ; elle est couronnée par un triomphe assuré, quelles que soient les circonstances ou l’opposition.
En résumé, la doctrine de la souveraineté de Dieu est infiniment réconfortante : elle est conforme à la nature glorieuse de Dieu ; elle détourne nos regards de la vanité, de l’absurdité, de la méchanceté, de l’impuissance et du désespoir qui constituent le « fonds de commerce » de l’humanité[note]Lam 3.18-24,38 ; 1 Pi 5.6,7.[/note] ; elle se dresse contre toute prétention hégémonique du diable [note]1 Pi 5.8-10 ; 1 Jean 3.8b ; 5.18-20.[/note] ; elle nous offre une vision de l’avenir dégagée du défaitisme[note]Ps 10 ; 73 : Dans ces deux Psaumes, notez le changement de perception à partir du moment, où le Dieu souverain est reconnu ; Ps 46.[/note] ; elle nous permet d’envisager l’histoire comme un processus guidé par des lois rationnelles (non, le monde n’est pas l’enfant du hasard !) ; elle nous fait voir nos épreuves et nos échecs sous un jour nouveau, car « toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment Dieu », et Dieu fixe les limites de la tentation [note]1 Cor 10.13 ; Rom 5.3,4 ; Jac 1.2-4 ; Héb 12.7-11 ; 1 Pi 1.6,7 ; 2 Cor 4.16-18 ; Jean 10.27.30.[/note] ; elle nous permet de nous reposer en Dieu quant à l’aboutissement de notre propre parcours terrestre, puisque le Père céleste nous tient fermement dans sa main, pour toujours[note]Jean 10.27-30.[/note] .
Dans la mesure où nous saurons reconnaître la souveraineté du Roi de l’univers au gré de notre voyage ici-bas, nous serons heureux de nous ranger parmi ses sujets. S’il est mon Souverain, j’accepte ce qui vient de sa main, et dans cette soumission loyale et filiale, je trouve la vie, la pleine bénédiction, la joie et la paix.
- Edité par Dubois Paul-André
LA PROVIDENCE DE DIEU
Jean Calvin
Le réformateur Jean Calvin (1509-1564) a longuement réfléchi aux implications de la souveraineté de Dieu. Ses recherches bibliques l’ont amené à développer les doctrines qui établissent que notre salut ne doit rien aux mérites ni aux œuvres de l’homme, mais tout à la grâce de Dieu. Ses positions l’ont mis en opposition ouverte avec le système catholique romain, dont les ministres s’étaient arrogé les prérogatives de Christ, et marchandaient un salut conditionné par les bonnes œuvres, par des tributs en tous genres et par d’innombrables pénitences. Mais en menant ce combat, Calvin a poussé des millions d’individus à ouvrir eux-mêmes la Parole de vie, et à y trouver la paix avec Dieu. Une nouvelle transcription en français moderne de l’œuvre majeure du réformateur, L’Institution de la Religion chrétienne, permet d’en goûter de larges extraits. Nous remercions les éditeurs de nous autoriser à publier ces quelques pages (p. 46-49). Nous pouvons pleinement souscrire aux propos qu’elles contiennent, bien que, sur d’autres points, nous soyons réticents à adopter les développements calviniens (double prédestination, baptême des enfants, par exemple).
Extraits du Livre 1, chapitre 16
La providence opposée à la fortune, au destin, au ha sard
1. Imaginer un Dieu qui aurait créé le monde en peu de temps et aurait terminé son ouvrage d’un coup serait une conception froide et étriquée. … La foi doit aller plus loin et comprendre que le Dieu créa teur gouverne aussi, et maintient perpétuellement son ouvrage, non seulement en maîtrisant jusque dans le détail le mouvement de l’uni vers, mais aussi en soutenant et nourrissant toutes ses créatures, en prenant constamment soin d’elles. … Tout ce qui existe est animé par l’intervention secrète de Dieu.
2. La providence de Dieu, telle que 1’Écriture nous la montre, est à l’opposé du hasard et des événements fortuits. Mais comme les hom mes ont été de tout temps, et sont aujourd’hui encore persuadés que les événements sont l’effet du hasard, ce qui devrait mettre en lumiè re la providence de Dieu se trouve non seulement voilé, mais presque enseveli. Si quelqu’un tombe entre les mains des brigands, ou sous la griffe des fauves, s’il est jeté à la mer par la tempête, s’il est écrasé par la chute d’une maison ou d’un arbre ; si un autre, par contre, étant perdu dans le désert trouve de quoi ne pas mourir de faim, ou si les vagues le jettent au port après qu’il a frôlé la mort, notre raison char nelle attribuera au hasard ces événements, bons ou mauvais. Mais tous ceux qui auront appris de la bouche du Christ que les cheveux de notre tête sont comptés , chercheront la cause plus loin ; ils auront la certitude que les événements, quels qu’ils soient, sont conduits par le dessein caché de Dieu.
8. Bien que nous n’aimions pas les querelles de mots, nous ne saurions admettre l’emploi du mot « destin », si cher aux anciens. Nous n’imaginons pas dans la nature, comme les Stoïciens, une fata lité résultant d’un enchaînement perpétuel de causes et d’effets. Pour nous, Dieu est maître et arbitre de toute chose. Il a dès le commence ment déterminé dans sa sagesse ce qu’il devait faire et il exécute maintenant, aujourd’hui, par sa puissance tout ce qu’il a résolu. « Fortune », « destinée », « hasard » sont des mots païens. Ce qu’ils représen tent ne doit point entrer en un cœur fidèle.
9. Toutefois, parce que notre esprit pesant à grand peine à s’élever jusqu’à la haute providence de Dieu, il convient de l’aider en faisant ici une distinction. Nous dirons donc que bien que toutes choses soient en réalité conduites par la volonté de Dieu, à nos yeux elles sont fortuites. Non pas que nous estimions que le hasard gouverne les hommes et met aveuglément tout sens dessus dessous (un cœur chrétien doit bannir une telle extravagance), mais parce que, du fait que l’ordre, la raison, le but et la nécessité des événements sont sou vent cachés dans la volonté de Dieu, nous ne pouvons les discerner. C’est ainsi que le hasard paraît gouverner les faits que nous savons de la façon la plus certaine être régis par la volonté de Dieu.
Extraits du Livre 1, chapitre 17
Signification spirituelle de la providence
1. L’esprit humain étant enclin aux subtilités frivoles, ceux qui ne maîtrisent pas cette doctrine de la providence sont exposés à bien des pièges. Nous dirons donc brièvement en quel sens l’Ecriture nous enseigne que tous les événements obéissent à la volonté de Dieu.
Il faut noter en premier lieu que la providence de Dieu concerne à la fois le passé et l’avenir ; en second lieu qu’elle agit tantôt par moyens interposés, tantôt sans moyens, tantôt contre tous les moyens ; enfin qu’elle tend à montrer que Dieu se préoccupe des hommes et qu’il veille sur son Église avec une sollicitude particu lière.
Mais restons modestes. Ne prétendons pas demander des comptes à Dieu, mais ayons un tel respect pour ses jugements secrets que sa volonté nous soit une raison légitime de tout ce qu’il fait. Au-delà du tumulte et de la confusion du monde, sachons voir la sereine et par faite volonté de Dieu.
2. Celui qui veut avoir la vision claire, et profitable, de la providence de Dieu doit se souvenir que cette doctri ne concerne son créateur, celui qui a édifié le monde, et se pénétrer de la plus profonde humilité.
3. Ceux qui se seront pliés à cette modestie ne feront pas reproche à Dieu de leurs malheurs passés et ne rejetteront pas sur lui la faute de leurs péchés. Ils ne s’abandon neront pas au désespoir et n’attenteront pas à leur vie. Ils n’attri bueront pas leurs actions honteuses au fait que Dieu conduit souve rainement toute chose. Mais ils sonderont l’Écriture pour y trouver ce qui est agréable à Dieu et ils s’efforceront de l’accomplir sous la conduite du Saint-Esprit.
4. Celui qui a fixé les bornes de notre vie nous a aussi com mandé d’en prendre soin, et nous a donné les moyens de la conser ver. Il nous a donné de prévoir les périls pour nous mettre à l’abri des surprises et nous a donné les remèdes pour y parer. Notre devoir est donc évident. Puisque le Seigneur nous a remis la garde de notre vie, ayons-en soin ; puisqu’il nous a donné les moyens de la préserver, sa chons en user ; puisqu’il nous montre les dangers, n’allons pas folle ment nous y jeter ; puisqu’il nous offre des remèdes, ne les méprisons pas.
Dieu a doué les hommes des vertus de prudence et de réflexion pour qu’ils les mettent au service de sa providence en préservant leur vie. À l’inverse, la paresse et la négligence attirent sur eux les misères que Dieu leur destine.
5. Obéir à Dieu, c’est, lorsque nous connaissons sa volonté : nous hâter de la suivre. Dieu ne nous de mande pas autre chose que de nous conformer à ses préceptes Si nous allons contre ce qu’il nous commande, ce n’est jamais obéis sance, c’est toujours révolte et transgression. On viendra me dire que nous ne pouvons rien faire contre la volonté de Dieu. Sans dou te. Mais la vraie question est celle-ci : ce que nous faisons, le faisons-nous pour lui plaire ?
- Edité par Calvin Jean
S’AFFRANCHIR DU DIEU SOUVERAIN : UNE OPTION COMME UNE AUTRE ?
J.M. Boice
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James Montgomery Boice (1938-2000), théologien réformé et enseignant de la Bible, fut aussi pasteur de la Dixième Église presbytérienne de Philadelphie (É.-U.) de 1968 jusqu’à sa mort. Il fut également Président du Conseil international sur l’inerrance biblique, dont les travaux eurent pour fruits les Trois Déclarations de Chicago (1978, 1982, 1986), qui réaffirment les doctrines de l’inspiration et de l’infaillibilité de l’Écriture, tout en rappelant les conditions d’une saine interprétation et application de celle-ci. Bien que nous n’adoptions pas toutes les positions calvinistes de cet auteur, nous croyons utile de publier ici quelques extraits de son livre, Le Dieu Souverain, (éd. Emmaüs, CH-1806 Saint- Légier, 1981), tirés du chapitre : « La providence de Dieu », p. 214-217. |
Dieu fixe les règles du jeu
Lorsque nous lui obéissons, bien sûr, sa providence agit de la manière la plus simple. Dieu dit ce qu’il lui plaît que nous fassions, et la chose est faite, sans nulle hésitation. Mais que se passe-t-il lorsque nous désobéis sons ? Et que se passe-t-il dans le cas du grand nombre des pécheurs endurcis qui, selon toute apparence, n’obéissent jamais à Dieu de plein gré ? Est-ce que Dieu dit : « Allons, je t’aime malgré ta désobéissance et je ne veux surtout pas te faire de peine en insistant ; mettons que je n’aie rien dit » ? Ce n’est pas du tout ainsi que Dieu agit. S’il le faisait, il ne serait pas souverain. Mais il est vrai aussi que Dieu ne dit pas toujours : « Tu vas le faire tout de suite, sans quoi j’abattrai ma main sur toi et il faudra bien que tu le fasses ! » Qu’est-ce qui arrive, en fait, quand nous décidons que nous ne voulons pas faire ce qu’il veut que nous fassions ?
L’essentiel de la réponse est que Dieu a établi des lois qui régissent la désobéissance et le péché, tout comme il a établi des lois qui régissent le monde physique. Quand les gens se mettent à pécher, ils s’imaginent d’habitude qu’ils vont le faire à leur guise. Mais, en fait, Dieu dit ceci : « Quand vous désobéirez, les choses se passeront selon mes lois et non selon les vôtres. »
Nous trouvons dans le premier chapitre de l’Épître aux Romains, tracé en termes généraux, le schéma de ce qui se passe. Après avoir montré comment l’homme naturel refuse de reconnaître en Dieu le Dieu vérita ble, ou d’adorer en lui le Créateur et de lui rendre grâces, Paul montre que cet homme se trouve ainsi engagé sur un chemin qui l’éloigne de Dieu, avec des conséquences funestes, au nombre desquelles est l’avilis sement de son être : « Se vantant d’être sages, ils sont devenus fous ; ils ont changé la gloire du Dieu incorruptible en images représentant l’homme corruptible, des oiseaux, des quadrupèdes et des reptiles. » (Rom. 1.22-23)
Ce qui suit est du plus haut intérêt. Trois fois au cours des quelques versets suivants, il est dit qu’à cause de leur révolte « Dieu les a aban donnés ». Mots terribles. Mais quand le texte dit que Dieu les a aban donnés, il ne dit pas qu’il les a abandonnés au néant, comme s’il s’était contenté de retirer sa main et de les laisser partir au fil du courant. Dans chaque cas, il est dit que Dieu les a abandonnés à quelque chose : dans le premier cas, à l’impureté, en sorte qu’ils déshonorent leur corps (v. 24) ; dans le second cas, « à des passions infâmes » (v. 26) ; et dans le troi sième cas « à leurs sens réprouvés, pour commettre des choses indignes » (v. 28). En d’autres termes, Dieu laissera les impies suivre leur propre voie, mais il a décidé dans sa sagesse que, lorsqu’ils s’éloigneront, ce sera selon ses règles à lui et non selon les leurs.
Si la colère et le ressentiment ne sont pas dominés, ils causent des ulcè res ou de l’hypertension. L’incontinence sexuelle désagrège les foyers et mène aux maladies vénériennes. L’orgueil se détruit lui-même. Ces lois spirituelles sont l’équivalent des lois de la science pour le monde physique.
Ce principe joue pour les incroyants, mais il se vérifie également pour les croyants. L’histoire de Jonas montre qu’un croyant peut désobéir à Dieu : dans le cas présent, avec une telle obstination qu’il faut une inter vention directe de Dieu dans les événements pour l’obliger à rebrousser chemin. Il subit alors les conséquences des lois que Dieu a établies pour maîtriser la désobéissance. Jonas avait reçu la mission de porter à Ninive l’annonce du jugement de Dieu. Cette mission était analogue à la grande mission qui a été confiée à tous les chrétiens, car Dieu lui avait dit :
« Lève-toi, va à Ninive la grande ville et crie contre elle, car sa méchan ceté est montée jusqu’à moi. » (Jon 1.2) Mais Jonas refusa d’obéir à l’ordre de Dieu, comme beaucoup de chrétiens le font aujourd’hui. Il prit donc la direction opposée et s’embarqua à Joppé, sur la côte de Palestine, pour aller à Tarsis, qui était probablement en Espagne. Cela ne lui réussit pas. Nous savons ce qui lui arriva. Il connut bien des misè res, Dieu ayant pris des mesures extrêmes pour le contraindre à revenir. Après trois jours passés dans le ventre du grand poisson, Jonas se décida enfin à obéir et devint le messager de Dieu.
Le cours de l’histoire
Notre étude a fait ressortir plusieurs traits typiquement chrétiens de l’idée de providence. En premier lieu, la doctrine chrétienne est une doc trine de la personne et de la responsabilité morale, et non une doctrine abstraite et amorale. Ceci l’oppose à l’idée païenne de la fatalité. En second lieu, la providence intervient spécifiquement. Dans le cas de Jonas, elle a agi spécifiquement sur un individu, un bateau, un être marin, au service d’une révélation concernant une mission pour Ninive.
Il faut encore dire une autre chose sur la providence de Dieu : elle est orientée. Ceci veut dire qu’elle est dirigée vers un but. L’histoire est une réalité cohérente. Le cours des événements humains a un sens et un objet. Rien, ici, qui soit statique, ou dépourvu de sens. Dans le cas de Jonas, le cours de l’histoire l’a conduit, pour finir, à accomplir, bien qu’à contrecœur, la tâche missionnaire qui a abouti à la conversion du peuple de Ninive. Si on regarde les choses de plus haut, c’est l’histoire du monde qui se déroule en vue de la glorification de Dieu dans tous ses attributs, récapitulés en la personne de son Fils, notre Seigneur Jésus-Christ. Cette idée est bien exprimée dans la définition de la providence que l’on trouve dans la Confession de Foi de Westminster : « Dieu, créa teur de toutes choses, soutient, dirige, dispose et gouverne toutes les créatures, toutes les actions, toutes les choses, de la plus grande à la plus petite, par sa très sage et très sainte providence, selon sa prescience infaillible et selon le conseil libre et immuable de sa volonté, à la louange de la gloire de sa sagesse, de sa puissance, de sa justice, de sa bonté et de sa miséricorde. » (V, 1)
Le cours de l’histoire, qui conduit à la glorification de Dieu, a également pour objet notre bien. Car « nous savons que toutes choses con courent au bien de ceux qui aiment Dieu, de ceux qui sont appelés selon son dessein. » (Rom. 8.28) Quel est donc notre bien ? Il y a certainement beaucoup de bonnes choses dont nous pouvons jouir ici-bas, et ce verset les inclut toutes. Mais notre bien, au sens le plus plein, est d’entrer dans le destin pour lequel nous avons été créés : être façonnés à l’image de Jésus-Christ, et ainsi de « glorifier Dieu et nous réjouir en lui éternelle ment ». La providence de Dieu ne manquera pas de nous y conduire.
- Edité par Boice James
QUI EST DIEU ?
PROMENADE DANS 1 TIMOTHÉE
Dieu est souverain dans la manière dont il choisit de se révéler. La nature nous dévoile sa grandeur et sa sagesse ; notre conscience nous indique, plus ou moins confusément, quelles sont ses attentes morales ; les circonstances permettent de discerner son action. Mais, avant tout, c’est par la révélation écrite, la Bible, que Dieu se révèle souverainement, librement, à l’homme. Et il ne faut pas moins de 66 livres, à la fois divers et complémentaires, pour nous faire (un peu) comprendre, par l’action du Saint Esprit, qui est Dieu.
La Première Épître à Timothée se singularise parmi ces 66 livres canoniques par une proportion particulièrement élevée de versets sur Dieu lui-même. En la parcourant, nous allons découvrir comment Dieu se dévoile dans l’absolu de son être, comment il agit dans sa création, comment il souhaite faire connaître son salut et comment il s’est révélé en Christ.
Que ce soit dans cette Épître que Dieu se révèle avec une clarté spéciale est significatif :
– Son thème majeur est défini en 3.15 : « …tu sauras ainsi comment il faut se conduire dans la maison de Dieu, qui est l’Église du Dieu vivant ». Or nous ne pouvons valablement vivre comme église locale que dans la mesure où notre « théologie » — c’est-à-dire notre vision de Dieu, de ce qu’il est, de ce qu’il fait — est juste. Nos petites querelles intestines, les préoccupations sur tel ou tel détail de notre façon de fonctionner en église, prennent trop souvent le pas sur l’essentiel, l’origine, le « premier » : Dieu. Paul ne s’y trompe pas et rapporte presque tous les sujets qu’il aborde à Dieu lui-même. Plutôt que d’épiloguer sans fin sur des détails, cherchons ensemble, en église, à « voir Dieu » davantage.
– Cette Épître est adressée à Timothée, que Paul avait laissé à Éphèse pour mettre bon ordre dans l’église et pour récuser les fausses doctrines qui s’y étaient insinuées (1.5-6). Comment mieux l’encourager que de diriger les regards de ce frère encore jeune vers le Dieu d’éternité ? Si la tâche dans notre église nous paraît ardue, souvenons-nous que Dieu est là et qu’il agit.
1. DIEU DANS L’ABSOLU DE SON ÊTRE
Parmi les 15 « doxologies »[note]Une doxologie est littéralement un « discours de gloire ». Il s’agit d’une expression de louange à Dieu ou à Jésus-Christ, en général terminée par « Amen ! » Les apôtres sont parfois amenés à interrompre ou conclure leur développement pas un chant de louange, spontanément jailli de leur cœur,saisis par la grandeur de Dieu. Leur dénombrement et leur définition peuvent varier ; nous avons retenu sous cette définition les textes suivants (hors Apocalypse) : Rom 1.25 ; 11.36 ; 16.27 ; Gal 1.5 ; Éph 3.21 ; Phil 4.20 ; 1 Tim 1.17 ; 6.16 ; 2 Tim 4.18 ; Héb 13.21 ; 1 Pi 4.11 ; 5.10 ; 2 Pi 3.18 ; Jude 25. On peut noter que les Épîtres importantes et longues, comme 1 ou 2 Corinthiens n’en comportent pas une seule, alors que 1 Timothée en a 2 pour 113 versets.[/note] des Épitres, deux se trouvent dans 1 Timothée et exaltent Dieu dans ce qu’il est :
« Au roi des siècles, immortel, invisible, seul Dieu, soient honneur et gloire, aux siècles des siècles ! Amen ! » (1.17)
« Le bienheureux et seul souverain, le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs, qui seul possède l’immortalité, qui habite une lumière inaccessible, que nul homme n’a vu ni ne peut voir, à qui appartiennent l’honneur et la puissance éternelle. Amen ! » (6.15-16)
Trois caractéristiques se dégagent de ces louanges :
– Dieu est invisible : De retour du premier vol habité dans l’espace, Youri Gagarine a déclaré : « Dieu n’existe pas ; je ne l’ai pas vu. » L’expression courante de « Dieu qui est au ciel » ne doit pas nous tromper : les « cieux des cieux » ne peuvent le contenir (2 Chr 2.6 ; 6.18). Il est si radicalement différent de nous que nul ne peut le voir et vivre (Ex 33.20). Il est « esprit » (Jean 4.24), sans corps matériel tangible. Cette invisibilité de Dieu va au-delà de notre impossibilité de le voir de nos yeux physiques ; elle tient aussi à l’aveuglement moral dans lequel nous sommes pour discerner ce qu’il est (2 Cor 3.7-4.6). Si Dieu ne se révèle pas à nous, nous ne pourrons jamais le voir tel qu’il est vraiment.
– Dieu est immortel : La même Épître va dire de Dieu qu’il est « le Dieu vivant » (3.15). Dire que Dieu est immortel implique à la fois qu’il est saint, pur, sans péché (car la mort est la conséquence du péché), qu’il reste le même dans son être (la mort étant le changement le plus évident d’un être) et qu’il est le seul à communiquer la vie : la vie corporelle d’abord (« en lui nous avons la vie », Act 17.28), puis la vie éternelle. L’immortalité glorieuse de ceux qui ont reçu l’Évangile (2 Tim 1.10 ; 1 Cor 15.54) ne sera qu’une conséquence de la sienne propre.
– Dieu est bienheureux : Outre la seconde doxologie de l’Épître, ce qualificatif se retrouve ailleurs : « … l’Évangile de la gloire du Dieu bienheureux, Évangile qui m’a été confié » (1.11). Dieu, dans la perfection de son être trinitaire, n’a besoin de rien ni de personne pour être « heureux ». Dans un sens, son bonheur ne dépend en rien de nous, pas plus de notre réponse à l’Évangile que de notre fidélité dans notre marche chrétienne.
Conséquences
La première est l’adoration. Un Dieu si glorieux suscite immédiatement la louange de la part de ceux auxquels il a daigné se révéler. Paul l’a bien compris et ne peut faire autrement que d’exulter en doxologie. Même si notre expression est souvent bien plus pauvre que la sienne, chantons, louons, magnifions les gloires de la personne de Dieu.
La seconde est l’évangélisation. Ce Dieu bienheureux souhaite se faire connaître et c’est pourquoi il est important de proclamer, de « confesser » (6.12,13) la grandeur de son Être éternel. Paul était heureux qu’un tel message lui ait été confié (1.11) ; c’est à nous aujourd’hui de prendre sa relève.
2. DIEU DANS SA CRÉATION
Le grand Dieu que Paul loue s’est également révélé dans sa création. Il est « celui qui donne la vie à toutes choses » (6.13). Non seulement, il a agi par un acte initial, mais c’est lui aussi qui soutient cette vie qu’il a créée par ses soins au quotidien. C’est sans doute ainsi qu’il convient de comprendre l’expression du ch. 4 : « le Dieu vivant, qui est le Sauveur de tous les hommes, surtout des croyants » (4.10). Loin de prôner un universalisme qui serait en contradiction directe avec tant de textes du même apôtre, le sens premier de ce verset concerne le « salut » quotidien apporté par Dieu dans ses soins providentiels pour tous les hommes. C’est lui qui « fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons » (Matt 5.45), qui n’a « cessé de rendre témoignage de ce qu’il est, par ses bienfaits, en vous dispensant du ciel les pluies et les saisons fertiles, en vous donnant la nourriture avec abondance et en remplissant vos cœurs de joie. » (Act 14.17)
Ces soins divins s’étendent ainsi à tous les hommes, qu’ils le reconnaissent ou non. Mais le privilège des croyants est de recevoir ces bienfaits comme venant d’un Dieu dont ils connaissent l’amour. Dans ce sens, ces dons sont reçus comme des réponses spéciales venant d’un Père qui prodigue généreusement le « pain quotidien » à ses enfants. Et ces derniers peuvent remercier pour la nourriture reçue : « Dieu a créé [les aliments] pour qu’ils soient pris avec actions de grâces par ceux qui sont fidèles et qui ont connu la vérité. Tout ce que Dieu a créé est bon, et rien ne doit être rejeté, pourvu qu’on le prenne avec actions de grâces, parce que tout est sanctifié par la parole de Dieu et par la prière. » (4.3-5)[note]Ces versets mettent de côtés les interdits alimentaires qui prévalaient sous l’ancienne alliance. Le chrétien est invité tranquillement à « manger tout ce qui se vend au marché » (1 Cor 10.25)[/note]
Le Dieu créateur est aussi celui qui dirige l’histoire humaine. Il est le maître du temps :
– en son temps (il y a 2000 ans), Jésus est venu pour se donner en rançon (1.15 ; 2.6),
– en son temps (c’est le nôtre !), l’Évangile de la grâce est prêché (2.6),
– en son temps (bientôt, demain ?), Jésus-Christ va apparaître pour régner (6.15).
C’est aussi parce que Dieu a la haute main sur les autorités (Dan 4.32 ; Prov 21.1) que le chrétien est invité à prier pour elles (2.1-2).
Conséquences
La première est de ne pas nous mettre en souci pour notre quotidien. À nous qui sommes riches, le Dieu « qui nous donne avec abondance toutes choses pour que nous en jouissions » (6.17) confie le privilège de l’imiter en faisant part généreusement de nos biens terrestres temporaires. À ceux qui ont moins, ce « fidèle Créateur » (1 Pi 4.19) rappelle qu’avoir le vêtement et la nourriture suffit, pourvu qu’il y ait le contentement (6.8).
La seconde conséquence, valable pour tous, est de donner la priorité à la « piété », terme typique des Épîtres pastorales. La piété, c’est cet élan du cœur vers Dieu, marqué par la confiance en lui et le respect qui lui est dû, entretenu par la méditation de la Bible, la prière et la communion chrétienne. Puisque Dieu prend soin de nos besoins matériels, nous donnerons à Dieu la première place dans nos vies et nos pensées, car la piété est « utile à tout » (4.8). Ainsi nous saisirons « la vie véritable » (6.19).
3. DIEU COMME SAUVEUR
Le salut de Dieu est un des thèmes majeurs de cette Épître : dès le premier verset, Paul parle de « Dieu notre Sauveur » (1.1). Plus loin, il précise : « Dieu notre Sauveur veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité. » (2.3-4) Dieu offre librement ce salut à tous les hommes — non plus à un peuple spécifique, pas davantage à une classe particulière d’élus ni à une certaine caste d’initiés. Son dessein de miséricorde n’exclut personne a priori. Pour autant, cette volonté divine[note]« Vouloir » traduit le verbe grec « thelô », qui a plutôt le sens de « souhaiter », en contraste avec un autre verbe, « boulomai », lui aussi souvent traduit par « vouloir » (par ex. en 2.8), qui a plutôt le sens d’ordonner, de commander. Toutefois, l’utilisation de « boulomai » en 2 Pi 3.9 conduit à ne pas forcer la distinction entre ces deux termes outre mesure.[/note]ne s’impose pas de force : chaque homme reste libre d’accepter ou de refuser ce salut librement offert. La souveraineté de Dieu dans l’élection et le salut n’est en rien atteinte, même si la magnifique affirmation de ce verset contient un paradoxe. Ainsi Dieu ne prend pas plaisir à la mort du pécheur (voir Éz 18.23), mais à son salut pour la vie éternelle. Quelle belle vision d’un Dieu qui appelle, d’un Père (1.2) qui attend le retour des fils égarés, dont le désir d’amour s’émeut du sort du pécheur !
Ce salut ne s’acquiert toutefois que par un seul moyen : la foi en un seul Dieu et en son unique Médiateur. Jésus-Christ est parfaitement Dieu et parfaitement homme ; c’est pourquoi il est le seul à pouvoir être une rançon acceptable à Dieu. Pour ainsi dire, c’est la version paulinienne de l’affirmation de Jésus : « Je suis le chemin, la vérité, la vie ; nul ne vient au Père que par moi. » (cf. 1 Tim 2.5,6)
Parmi tous ceux qui ont répondu à la volonté salvatrice de Dieu, Paul se propose comme exemple : il se qualifie de « premier des pécheurs » (1.15). Son opposition initiale à l’Évangile fait de lui un spécimen signalé de la miséricorde divine. Et nombreux sont ceux qui ont cru à partir du récit de la conversion de Saul de Tarse !
Conséquences
– La prière : Paul incite à prier pour les autorités afin que la propagation de l’Évangile ne soit pas contrariée (et non pas pour que nous puissions mener une « petite vie pépère » !) (2.1-2). À titre personnel ou en église, prions sans relâche pour le salut des âmes et pour la liberté d’évangéliser.
– L’évangélisation : À l’intercession doit se joindre le « témoignage » (2.6). La prédication du salut, que Paul portait avec puissance, passe désormais par nous. L’unicité du moyen de salut (2.5), dans un monde empreint de relativisme et qui érige la tolérance religieuse en vertu suprême, risque fort de ne pas être populaire, pas plus que l’affirmation que l’homme est pécheur (1.15)… Mais le message reste immuable et sa puissance agit encore aujourd’hui !
4. DIEU EN CHRIST
Au cœur de cette Épître, Paul indique le secret de la vie chrétienne, le « mystère de la piété » : « Dieu [note]Les meilleurs manuscrits ont « os » (« celui qui ») au lieu de « theos » (« Dieu ». Le sens n’étant pas vraiment changé pour autant, car seul Dieu peut se : « manifester » en chair : tout homme qui n’est pas d’origine divine est en chair dès sa conception ![/note]a été manifesté en chair, justifié par l’Esprit, vu des anges, prêché aux nations, cru dans le monde, élevé dans la gloire. » (3.16) En Christ seul, Dieu s’est montré dans la plénitude de son être moral. C’est lui qui est « venu dans le monde » (1.15) pour s’approcher de nous. Nous ne pouvons pas connaître le Dieu infini, éternel, invisible sans passer par celui qui « révèle le Père », notre Seigneur incarné, mort, ressuscité et glorifié. C’est cette vérité, la plus fondamentale de toutes, que l’Église du Dieu vivant est appelée à porter haut, dans un monde qui en a tant besoin mais qui méconnaît tant la gloire de Jésus de Nazareth.
Conséquence
Quel Dieu magnifique cette Épitre nous présente-t-elle ! Le Dieu vivant qui se révèle dans l’infini de son être, le Dieu bienfaiteur qui prend soin de sa créature, le Dieu miséricordieux qui veut le salut des hommes pécheurs, le Dieu proche qui s’est incarné en Christ. Qu’il grandisse à nos yeux au fur et à mesure que nous le connaîtrons mieux, pour l’aimer davantage et mieux le servir ! Et nous deviendrons à notre tour des « hommes de Dieu » (6.11).
- Edité par Prohin Joël
À QUI LE DIEU SOUVERAIN FAIT-IL GRÂCE ?
Aujourd’hui comme par le passé, beaucoup de croyants sont entraînés dans des controverses autour de la question : « Si notre salut dépend entièrement de la souveraine volonté de Dieu, qui peut y prétendre ? Comment des êtres totalement déchus à cause de leur nature corrompue peuvent-ils entrer dans les vues de Dieu, y adhérer, et aimer un Dieu contre lequel ils sont naturellement révoltés ? » Évidemment, les réponses divergent, même si les chrétiens exaltent généralement la souveraine volonté de Dieu, et sa grâce imméritée.
Parce qu’apparemment des hommes moralement supérieurs (tel le « jeune homme riche ») se rebiffaient à l’idée de suivre Christ, les disciples eux aussi étaient troublés. Dieu refuserait-il le salut aux hommes de bonne volonté ? son amour serait-il préférentiel ? Ils demandèrent à Jésus : « Alors qui peut donc être sauvé ? » Celui-ci leur répondit : « Aux hommes cela est impossible, mais à Dieu tout est possible. » (cf. Mat 19.16-30 ; Marc 10.17-27 ; Luc 18.18-27) Que la « parabole » qui suit puisse aussi en rassurer quelques-uns.
Le jeune Morosus, esprit critique, inquiet, mais assez droit, rencontre par quatre fois son oncle Beatus, qui a sa petite conviction sur le sujet.
1er entretien
Morosus – Certains prétendent, mon oncle, que Dieu ne sauve que quelques individus. On surnomme ceux-ci les « élus ». J’ai l’impression que je n’en suis pas, et ça me dérange.
Beatus – Tu souhaiterais donc que Dieu s’intéresse à ta destinée éternelle ?
M. – Je n’en sais rien. Mais je ne me sens pas beaucoup de sympathie à l’égard d’un Dieu incapable d’assurer le bonheur de la majorité de ses créatures. Et s’il n’est pas indifférent à leur sort, quels sont alors ses sentiments envers elles ? Est-il fâché, ou enclin au favoritisme ?
B. – C’est vrai que les relations entre la race humaine et Dieu portent les traces d’un très ancien malheur. Car, selon le Livre de Dieu, l’histoire humaine a mal tourné lorsque nos premiers parents, traités avec tous les honneurs par leur Maître divin, lui ont grossièrement désobéi. Le Créateur les avait pourtant prévenus : la transgression entraînera votre mort. Depuis cette lointaine offense, Dieu a fermé l’accès direct à sa glorieuse présence, et tous les hommes naissent pour mourir, au terme d’une existence terrestre menacée par la peur, la douleur, l’incompréhension et la haine. Ton trouble proviendrait-il du souvenir de cette rupture ?
M. – Oui, peut-être… mais mon oncle, si le Roi divin a mis sa menace à exécution en étendant la punition à toute la descendance d’Adam et Ève, s’il s’est enveloppé d’une indignation éternelle, nous abandonnant à notre sort, pourquoi quelques-uns finiraient-ils par échapper au verdict ?
B. – Avant de te répondre, cher neveu, je te demande de considérer ceci : ta vie jusqu’à ce jour a été relativement épargnée. Il y a aussi eu des jours pleins de soleil, des fêtes et des rencontres joyeuses, de bonnes choses à goûter, de belles contrées à découvrir, tu as appris un métier ; et, le mois prochain, tu épouses Alba, la plus douce des fiancées.
M. – Que veux-tu dire par là ? Notre vie actuelle serait-elle comme un sursis accordé à des condamnés qui s’ignorent, ou pire, une illusion de succès avant la nuit éternelle ?
B. – Je te prie plutôt de reconnaître que Dieu n’a pas exterminé notre race dès ses débuts peu probants ; on dirait même qu’il s’est efforcé de la conserver malgré elle.
M. – N’aurait-t-il donc pas eu le courage de sa sévérité ?
B. – Hypothèse non recevable : au temps de Noé, il a fait disparaître toute l’humanité, sauf huit personnes. Sa colère à l’égard des méchants est une réalité terrifiante.
M. – Mais, mon oncle, si Dieu n’a pu se résoudre à nous anéantir tout à fait, et en gracie même quelques-uns, a-t-il été contraint de se renier lui-même, ou de se contredire ?
B. – Non, si Dieu était inconstant, il ne serait plus Dieu. La Bible nous laisse cependant comprendre que Dieu n’est pas seulement mû par sa volonté de justice et de vérité ; la compassion et le désir de faire du bien à ses créatures sont en lui. Il est aussi Père dans l’âme.
M. – Dans ce cas, mon oncle, et pour prévenir tout ennui, Dieu eût été bien inspiré de créer des hommes capables d’obéir au doigt et l’œil…
B. – … comme des oiseaux migrateurs, des nuages, ou des machines, en somme. Mais voudrais-tu ressembler à ceux-ci, mon neveu ?
M. – Assurément pas. Toutefois je les envie de pouvoir remplir exactement la mission pour laquelle ils ont été faits. Pas de mauvais choix, pas de regrets, pas de questions impossibles !
B. – Là, je te rejoins : remplir sa mission, atteindre le but sans détour, sont des objectifs que tout esprit sensé peut approuver, n’est-ce pas ?
M. – Oui, mais en ce qui me concerne, je ne me connais pas de mission, et quant à ma raison d’être…
B. – Nous voici au bon niveau. Je crois que je peux maintenant revenir à ta question : « Si Dieu en veut à la race humaine, pourquoi certains échappent-ils au verdict ? » La Bible entière démontre que tous les hommes sont par nature également pécheurs et privés de toute prétention à la faveur de Dieu. Nul ne saurait donc se croire le droit d’être élu sans se tromper lourdement. Mais allons, mon neveu, je sais que tu ne te fais pas assez d’illusions sur toi-même pour croire que Dieu te doive sa faveur particulière. Toutefois, tu doutes des critères, des intentions et des méthodes de Dieu. Et si je t’annonçais que Dieu, lui, croit en la possibilité de ton salut, et qu’il cherche à t’en convaincre ?
M. – Des preuves, mon oncle, des preuves.
B. – Eh bien, tu ne me caches pas ton malaise existentiel, tu t’avoues en manque de lumière, tu n’es pas satisfait de ton fragile bonheur quotidien.
M. – Je ne vois pas le rapport !
B. – Admettre sa pauvreté, son ignorance, c’est déjà la porte ouverte à une intervention extérieure. Et logiquement, pour rétablir une relation normale avec le Dieu offensé, il faut être prêt à lui laisser l’espace et l’initiative d’une réconciliation.
M. – Qui te dit que mon cas l’intéresse ?
B. – Je le prends au mot. Laisse-moi te citer son Livre : « Dieu, notre Sauveur, veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité »[note]1 Tim 2.3b,4[/note] ; « [Le Seigneur] ne veut pas qu’aucun périsse, mais que tous arrivent à la repentance »[note]2 Pi 3.9b[/note] ; et par la bouche de son prophète, il s’écrie : « Est-ce que je désire avant tout la mort du méchant ? […] N’est-ce pas qu’il se détourne de sa voie et qu’il vive ? »[note]3 Ez 18.23[/note] En d’autres termes, Dieu nous appelle tous, toi y compris, à passer de la condition de pécheurs perdus à celle de sauvés pardonnés.
M. – Tu cherches ainsi à me convaincre que je peux librement choisir d’entrer dans le cercle restreint des élus, et cela pour la seule raison que Dieu le désire et qu’il me suffit d’y consentir ! Ton système est séduisant, mais je ne vois pas comment je changerais de conduite au point de me comporter en saint irréprochable. Du reste, je n’ai pas même envie de ressembler à un saint, ou de me soumettre à un Dieu parfait. Tout ça me dépasse, et ne me ressemble pas. Au revoir, mon oncle, il faut que je me change les idées…
2ème entretien (trois jours plus tard)
M. – Cette fois, je tiens le problème par le bon bout ! Des amis alternatifs m’ont donné un tuyau inédit : ils m’ont conseillé de changer de « paradigme », histoire de voir les choses sous un autre angle. Il paraît que je dois laisser tomber les questions métaphysiques traditionnelles. D’après eux, le vrai salut, c’est de s’ouvrir à l’instant présent, au « cosmos » et au divin en nous. Nous sommes donc tous élus, et tous ces discours sur le péché et sur un Dieu fâché contre nous ne font que voiler la réalité de notre immense potentiel humain.
B. – Je t’ai rarement vu si enthousiaste, mon neveu. Te voilà donc comblé.
M. – Oui, mon oncle, et même soulagé.
B. – Pourtant, en grattant un peu, je discerne dans tes propos révolutionnaires un a priori bien plus âgé que le christianisme ou que les premiers textes bibliques.
M. – Sois plus clair.
B. – Ça s’appelle l’idolâtrie, ou si tu préfères, l’installation de soi sur le trône de Dieu. Tu deviens délibérément ton propre arbitre, ton propre sauveur, ta propre fin. Ce que tu ne sais pas, c’est que tous ceux qui s’enferment dans ce « culte » se constituent bourreaux d’eux-mêmes, car immanquablement l’ « orgueil précède le désastre. »[note]Prov 16.18[/note]
M. – Toujours le verset à propos… Mais c’est vrai que jusqu’à ces derniers jours, je n’avais jamais vraiment réussi à positiver mon image de moi-même. Je me demande comment j’en suis arrivé à un si rapide changement. Quelque chose au fond de moi a sans doute trouvé la philosophie de mes amis rassurante, et je l’ai prise pour moi.
B. – Pour ma part, je ne m’étonne pas que tu aies vite jugé cette vision du monde très à ton goût.
M. – Là, tu m’étonnes ! Suggères-tu que j’ai choisi la voie de la facilité ?
B. – Évidemment ! La conversion par laquelle doivent passer les humains pour atteindre au salut est tout bonnement surhumaine, hors de ta portée ou de la mienne. Elle implique un changement de nature, une nouvelle naissance spirituelle. C’est ce que Jésus a expliqué à un théologien qui présumait qu’il pouvait entrer dans la sphère de Dieu par ses propres capacités, moyennant un certain respect, bien sûr. Il ressort de cet entretien que tout candidat au salut, même un spécialiste en religion, doit recevoir la vie spirituelle qui lui manque, car nous sommes par nature sourds et aveugles aux pensées de Dieu, et nous cherchons plutôt à esquiver sa justice souveraine.[note]Jean 3.3-12[/note] Souviens-toi : tu m’as dit que tu ne te sentais pas l’envie de devenir un saint ou de te soumettre à un Dieu parfait. Signe que ta conscience (et non mes discours uniquement !) te perturbe : elle t’avertit qu’il n’y pas de communion ni d’harmonie profonde entre ton monde et celui de Dieu, et tu ne sais comment réduire la fracture — à moins d’évacuer Dieu, si c’était possible.
M. – Hélas, mon oncle, l’harmonie avec le « cosmos », avec les autres, et avec soi-même est déjà un projet colossal, alors s’arranger avec Dieu…
B. – J’ai bon espoir pour toi. Il faut seulement que tu désespères de toi-même, et que tu donnes enfin à la notion de salut sa seule et unique dimension.
M. – J’y réfléchirai, mon oncle, car j’ai un peu peur que la découverte du divin en moi me demande plus de temps que je n’en ai encore… Et pour ce qui concerne l’harmonie avec les autres et avec le « cosmos », je redoute que mon mariage avec Alba ne soit pas la garantie d’un bonheur sans nuages : quand on voit tous ces divorces, ces crises et ces catastrophes…
3ème entretien (trois jours plus tard)
M. – Pardonne-moi, mon oncle, car je t’ai déjà beaucoup cassé les oreilles avec mes palabres. Je reconnais que ma nouvelle philosophie n’a pas de fondement plus crédible que n’importe quelle forme d’auto-persuasion. Autant se prendre pour la réincarnation de Napoléon ! Je m’en veux d’être pareillement inconsistant. J’ai parfois le sentiment d’être capable de vouloir une chose, et l’instant d’après son contraire. Je veux et je ne veux pas. Dieu me préoccupe et m’irrite. Je lui reproche de ne pas accorder d’office le salut à toutes ses créatures (mais à vrai dire, je ne suis pas au clair sur ses intentions, et de toute manière, je n’ai pas un très grand souci de « justice sociale » ou « d’égalité de traitement ») ; en même temps, je recule devant la possibilité de rejoindre les élus.
B. – Le Dieu dont je te parle a envoyé son fils pour sauver le monde[note]Jean 3.17[/note] ; plus précisément, « Christ est venu pour sauver les pécheurs »[note]1 Tim 1.15[/note] , car ces derniers sont perdus. Perdus pour l’éternité, mais aussi dans le temps présent : désorientés, déconnectés de la vie de Dieu, malheureux.
M. – Je ne refuserais pas que ce Dieu me donne la volonté de croire à tout cela, et la capacité de vivre selon ses désirs. Peut-être que si je pouvais me convaincre que je suis perdu, je trouverais l’élan nécessaire pour y croire.
B. – Ce n’est pas à toi de te fabriquer une sincérité, une conviction, une persuasion. Sais-tu qui était Jésus-Christ ?
M. – Le plus grand élu probablement, le Fils unique de Dieu, un homme exceptionnel, à ce qu’on raconte. Il paraît qu’il est allé sur la Croix à cause d’une erreur judiciaire, et qu’il est ressuscité.
B. – Sais-tu quelles furent ses dernières paroles avant de mourir ?
M. – Entre autres, quelque chose comme : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »
B. – Il a donc appris ce que signifie se sentir rejeté, disqualifié par les hommes, momentanément privé de sa parfaite communion avec Dieu. Et quelles paroles encore ? Te souviens-tu : « Tout est accompli » ? Et si ce « tout » incluait réellement tout ce qu’il nous est impossible d’accomplir ? Réfléchis donc : si les hommes pouvaient se sauver eux-mêmes, comme le prétendent les humanistes ou tes amis alternatifs, Jésus aurait pu se contenter de rester au Ciel, et s’épargner la Croix. Mais qu’a-t-il porté en versant son sang ? Non ses propres fautes, mais nos péchés. Non ses inconséquences, mais nos trahisons lamentables. Non, sa volonté défaillante d’obéir au Père, mais la nôtre. Non son incapacité à faire l’œuvre de Dieu, mais notre impuissance à agir justement. Non son insensibilité à l’Esprit de Dieu, mais notre dureté de cœur. Non sa capitulation devant la mort, mais notre néant. Et qu’a-t-il obtenu par sa résurrection et son retour auprès du Tout-puissant ? Ô pauvre Morosus, écoute-moi : le droit d’offrir à tous les hommes le salut, la purification et le pardon acquis à ce grand prix, et de devenir leur bon Berger, leur Seigneur tout suffisant, en les conduisant jusque dans l’intimité de son Père céleste.[note]Col 1.13,14,21,22[/note]
M. – Si Jésus a vraiment réalisé cet exploit, comment se fait-il que si peu en profitent ? Dieu avait-il réellement besoin d’un tel sacrifice, devait-il s’infliger pareil supplice pour ne sauver que quelques-uns ?
B. – Il l’a fait pour deux raisons, mon neveu : premièrement, parce que le sauvetage d’une seule âme d’homme ne peut être opéré sans la mort expiatoire d’une victime parfaite. Ainsi en a décidé le Juge suprême ; ainsi le sacrifice a-t-il été offert par le Dieu de miséricorde. Deuxièmement, parce que Dieu aime tous les hommes : il a donné ce qu’il avait de plus cher pour qu’aucune âme ne se sente exclue de cet amour. Il a donc payé pour tous, afin que la lumière luise pour tous, que tous soient attirés à lui, et que « quiconque croit en lui ne périsse pas, mais ait la vie éternelle ».[note]Jean 3.16[/note]
M. – L’idée de l’amour et de la grâce Dieu, aussi réels que sa souveraine justice ou que sa force, cette idée me frappe et m’arrête, mon oncle. Il me semble que c’est exactement ce dont j’ai besoin, et en même temps, ce message me semble encore trop beau pour moi. Je crains sérieusement de ne pas être éligible, car, comme le déclarait un pasteur, il y a beaucoup d’appelés, mais peu sont élus.[note]Mat 22.14[/note]
B. – Dieu donne la foi à ceux qui la lui demandent. Par le Saint-Esprit, il peut te convaincre de péché, de justice et de jugement ; plus encore, il peut aussi t’accorder un cœur nouveau qui te permettra d’appeler Dieu « Père » et de l’aimer à ton tour. Puisque tu ne peux franchement écarter l’idée de Dieu, pourquoi ne ferais-tu pas cette prière d’un homme qui voulait croire, mais pensait ne jamais pouvoir le faire avec la sincérité requise : « Je crois, Seigneur, viens au secours de mon incrédulité »[note]Marc 9.24[/note] ? Le Seigneur l’exauça.
M. – Et si je fais comme lui, qui me garantit que je saurai vivre comme un saint par la suite ? Est-ce que ma « nouvelle naissance » fera de moi un surhomme, un serviteur qui obéit toujours avec le plus parfait dévouement ? L’Esprit de Dieu me mènera-t-il de manière irrésistible par les chemins de Dieu ?
B. – Dieu promet à ses fils et à ses filles d’adoption de se charger de leur éducation : par son Esprit bien sûr, mais plus spécifiquement par sa Parole, dans la prière, par les circonstances, par d’autres croyants, par les épreuves, par les victoires — par sa victoire et sa grâce surtout. Qu’il te suffise de le croire. Mais sache que de la même manière que Dieu incline ton cœur et tes pensées vers sa solution dans l’affaire de ton salut éternel, de la même manière il dirigera tes voies et ton âme tout au long de ton voyage : Dieu sera avec toi dans la barque, mais ta confiance sera exercée, afin que tu te fortifies en lui. C’est à cela même que les hommes sont appelés et élus.[note]Eph 1.3-14[/note]
M. – Quel privilège, mon oncle, mais quel impressionnant programme ! Ces choses me tarabustent … et je crois que j’ai besoin d’être seul pour y réfléchir.
4ème entretien (un jour plus tard)
M. – Mon oncle, j’ai craqué. J’ai compris, très tard dans la nuit, que Dieu voulait me sauver de moi-même et de la ruine éternelle. En parcourant l’Évangile que tu m’avais offert, j’ai été saisi par l’insistance de Jésus : « Venez à moi » ; « Pourquoi ne me croyez-vous pas ? » ; « Suivez-moi ! », et beaucoup d’autres appels semblables. Dieu m’a poussé à lui confesser toute ma misère, toutes mes résistances, toute mon incrédulité et mes nombreux péchés, et je l’ai fait, avec l’espérance qu’il m’entende. Aujourd’hui, j’ai une certitude inconnue jusqu’à présent : Dieu m’a pardonné et a fait de moi son enfant !
B. – C’est pour cet instant que j’ai prié, mon cher neveu. Tu as bien fait de ne pas douter de la réalité de l’amour de Dieu envers toi, malgré toutes tes réticences, et ta réponse de foi lui permet désormais de déverser sur ta vie la plénitude des promesses réservées aux élus, car, comme le dit l’Écriture, le « juste vivra par la foi ». Par la foi en Christ seul, en Dieu seul. Pour fêter ce recommencement, je t’appellerai désormais Optimus.
M. – Va pour Optimus ! Et moi je vais de ce pas en informer mon Alba bien-aimée.
- Edité par Pfenniger Claude-Alain
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