PROMESSES

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On donne parfois des « petits noms » à des enfants : « petit chérubin », « innocent ». Ces termes affectueux se comprennent… mais ils ne sont théologiquement pas très fondés !
En fait, tout homme est pécheur dès sa naissance. Déjà David en avait eu l’intuition quand il s’écrie : « Voici, je suis né dans l’iniquité, et ma mère m’a conçu dans le péché. » (Ps 51.7 ; cf. Ps 58.4) Paul précise dans l’Épître aux Romains : « C’est pourquoi, comme par un seul homme le péché est entré dans le monde, et par le péché la mort, et qu’ainsi la mort s’est étendue sur tous les hommes. » (Rom 5.12) Comme représentant de toute la race humaine, Adam a entraîné à sa suite ses descendants qui reçoivent tous à la naissance la trace du péché qu’il a commis. La preuve en est que les bébés peuvent mourir dès leurs premières minutes de vie ; la mort, conséquence du péché, démontre la présence de cette racine de mal. Tout enfant a donc en lui une corruption héritée, une propension innée à mal faire.
Pour autant, cela ne veut pas dire ces bébés soient responsables : le même Paul, dans la même lettre aux Romains évoque la promesse faite à Rebecca en ajoutant à propos de Jacob et Ésaü : « ils n’avaient fait ni bien ni mal » (Rom 9.11).
À quel moment se manifeste de façon visible l’existence de cette racine du péché ? Il est difficile de le dire… Mais qui n’a pas vu un petit bambin de 18 mois perché sur sa chaise haute à qui l’on dit de ne plus souffler sur la cuillerée d’épinards et qui, avec un regard narquois, se précipite pour souffler encore plus fort la prochaine fois qu’on l’approche de sa bouche ?
La fixation de « l’âge de responsabilité » a fait couler beaucoup d’encre. Il correspond au moment où l’enfant ou l’adolescent devient personnellement responsable devant Dieu. Il dépend assurément de nombreux facteurs (maturité personnelle, connaissances bibliques, contexte familial, etc.) et seul Dieu le sait avec certitude. Que cela nous encourage en tout cas à présenter l’Évangile aux enfants dès leur plus jeune âge !

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Les trois premiers chapitres de l’Épître aux Éphésiens développent dans une synthèse brillante la situation du croyant en Christ.

Individuellement, il est élu de toute éternité, adopté par Dieu et fait partie du bienveillant dessein de Dieu de récapitulation en un de toutes choses sous le Christ ; il est vivifié avec le Christ et assis dans les lieux célestes avec lui ; il attend l’héritage promis dont la présence de l’Esprit saint est un avant-goût. Il partage toutes ces bénédictions avec tous les chrétiens.

Collectivement, il fait partie de l’Église dont Christ est le chef, qui réunit les croyants de toutes origines en un seul homme nouveau en Christ ; cette Église est aussi comparée à un temple où Dieu habite par son Esprit et elle croît de façon harmonieuse à la gloire de Dieu. Grâce à l’Église, le monde invisible peut connaître la sagesse infiniment variée de Dieu.

Individuellement et collectivement, le croyant progresse dans la connaissance de l’amour de Christ pour être rempli « jusqu’à toute la plénitude de Dieu », grâce à l’action puissante de « celui qui peut faire infiniment au-delà de tout ce que nous demandons et pensons ».

Quelle vision de ce qu’est le chrétien en Christ ! Mais Paul n’arrête pas son Épître à la fin de ce panorama grandiose. La présentation de notre position en Christ ouvre à celle de notre action. À l’enseignement succède l’exhortation. Le chrétien est spectateur et bénéficiaire du plan divin, mais il est aussi acteur de sa conduite. S’il est « assis », il doit aussi « marcher » et ce verbe scande la partie suivante de la lettre (ch. 4 à 6) : à cinq reprises, l’apôtre va nous exhorter à mettre en œuvre concrètement dans nos vies la position glorieuse qui est la nôtre en Christ par une « marche » au quotidien à la hauteur de notre vocation.

Ce verbe « marcher » 1 se trouve déjà deux fois dans la première partie de l’Épître. Paul avait déjà évoqué notre marche précédente (2.2) : bien que morts dans nos péchés (c’est-à-dire sans relation vivante avec Dieu), nous « marchions » autrefois sous l’influence du monde et du diable, son chef. Que ce soit dans nos pensées ou dans nos actes, notre vie d’autrefois ne pouvait qu’attirer la colère de Dieu. Mais, sauvés par la grâce seule saisie par la foi, nous pouvons désormais « marcher » dans les bonnes œuvres que Dieu a préparées pour nous. Quelles sont-elles ? C’est précisément ce que les mentions du verbe dans la seconde partie vont préciser.

1.Marcher dans l’unité (4.1-16

« Je vous exhorte donc, moi, le prisonnier dans le Seigneur, à marcher d’une manière digne de la vocation qui vous a été adressée, en toute humilité et douceur, avec patience, vous supportant les uns les autres avec amour, vous efforçant de conserver l’unité de l’Esprit par le lien de la paix. » (4.1-3)

Si, du côté de Dieu, l’Église se construit dans l’unité et la cohésion (2.21), nul n’est besoin de fréquenter longtemps une communauté chrétienne pour se rendre compte que, du côté humain, il est nécessaire d’y mettre du nôtre ! D’où l’exhortation de Paul à « conserver » une unité qui est faite par l’Esprit de Dieu et qui repose sur les sept éléments ou personnes que nous avons en commun (4.4-6) : un seul Dieu en trois personnes, une seule église dont témoignent notre foi et notre baptême et une même espérance.

L’Église n’est jamais optionnelle dans la vie du chrétien et peut-être est-ce pour cette raison que Paul commence par cet aspect de notre marche. Face aux difficultés inhérentes à la vie collective, nous pourrions être tentés de nous réfugier dans l’individualisme. La profusion de cultes retransmis sous YouTube, de messages bibliques en podcast, de moyens de communication entre chrétiens via les réseaux sociaux, etc., pourrait d’autant plus facilement aujourd’hui conduire à vivre une foi connectée mais individuelle. Il est plus facile d’allumer son ordinateur quand on le souhaite que d’avoir la discipline d’arriver à l’heure aux réunions d’une église locale. Ou d’arrêter un tchat que de se « coltiner » chaque dimanche telle sœur (ou tel frère) un peu pénible…

Mais notre vocation est nécessairement collective. C’est avant tout dans le cadre de l’église locale que s’exercent les dons de grâce qui produisent la croissance de l’Église dans son ensemble (4.7-16). Alors il vaut la peine de vivre semaine après semaine avec des frères et sœurs certes imparfaits, qui exercent notre patience et notre support. Notre vie collective forme ainsi notre caractère moral et nous amène à imiter Jésus dans son amour, sa douceur, son humilité.

2.Marcher dans la sainteté (4.17-32)

« Voici donc ce que je dis et ce que je déclare dans le Seigneur : Vous ne devez plus marcher comme les païens, qui marchent selon la vanité de leurs pensées. Ils ont l’intelligence obscurcie, ils sont étrangers à la vie de Dieu, à cause de l’ignorance qui est en eux, à cause de l’endurcissement de leur cœur. Ayant perdu tout sentiment, ils se sont livrés au dérèglement, pour commettre toute espèce d’impureté jointe à la cupidité. Mais vous, ce n’est pas ainsi que vous avez appris Christ, si du moins vous l’avez entendu, et si, conformément à la vérité qui est en Jésus, c’est en lui que vous avez été instruits à vous dépouiller, par rapport à votre vie passée, du vieil homme qui se corrompt par les convoitises trompeuses, à être renouvelés dans l’esprit de votre intelligence, et à revêtir l’homme nouveau, créé selon Dieu dans une justice et une sainteté que produit la vérité. » (4.17-24)

La deuxième mention de la marche est mise en contraste avec celle du monde. Paul décrit de façon critique la vie des païens de son temps — et il pourrait sans aucun doute en faire de même aujourd’hui. L’articulation entre les pensées obscurcies et les actions impures est particulièrement importante : l’inconduite des hommes a son origine dans leurs présupposés. Qu’il en soit conscient ou non, chaque homme est influencé par des schémas de pensée, des idéologies sous-jacentes, véhiculées par l’éducation reçue, les politiques menées, les médias…

Nous devons donc « désapprendre » pour « apprendre Christ » (4.20), lui qui seul est « la » vérité (4.21a). Paul utilise une image : c’est comme si notre esprit devait quitter un vieil habit qui devient tout pourri pour se vêtir d’un nouvel habit lumineux (4.21b-24). Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons vivre non pas (ou non plus) dans l’impureté, la cupidité, les convoitises trompeuses, mais dans la sainteté, la justice et la vérité.

Pour rendre plus concrètes ces vérités que d’aucuns peuvent juger un peu abstraites, Paul prend cinq exemples dont l’aspect terre à terre peut nous étonner (4.25-32). Il est inutile de se gargariser de notions hautement spirituelles si nous manquons à les appliquer dans notre quotidien le plus concret ! Pour chaque exemple, il exhorte à renoncer à une conduite négative, à adopter une conduite positive et il donne une justification :

– la vérité : ne plus mentir, mais dire la vérité, car nous sommes membres du même corps ;

– la colère : ne pas laisser une colère perdurer ou se transformer en péché, car sinon le diable pourrait en profiter ;

– le vol : ne plus voler, mais bien travailler afin de pouvoir donner ;

– la parole : substituer de bonnes paroles aux mauvaises, afin de contribuer à l’édification mutuelle et de ne pas attrister l’Esprit ;

– les sentiments : faire disparaître les sentiments négatifs qui se traduisent en actions violentes ou méchantes, mais cultiver les sentiments positifs, à l’image de la façon dont Dieu a agi envers nous.

C’est ainsi que nous marcherons dans la vraie sainteté pratique.

3.Marcher dans l’amour (5.1-6)

Devenez donc les imitateurs de Dieu, comme des enfants bien-aimés ; et marchez dans l’amour, à l’exemple de Christ, qui nous a aimés, et qui s’est livré lui-même à Dieu pour nous comme une offrande et un sacrifice de bonne odeur. Que la débauche, ni aucune impureté, ni la cupidité, ne soient pas même nommées parmi vous, ainsi qu’il convient à des saints. (5.1-3)

La troisième mention commence par une exhortation a priori inatteignable : imiter Dieu ! Mais Dieu nous a adoptés comme ses « enfants bien-aimés » — mieux, il nous a rendus participants de sa propre nature (2 Pi 1.4) et, dans la mesure où nous vivrons près de lui, petit à petit nous nous mettrons à lui ressembler. Or Dieu est amour et c’est donc en aimant (un peu…) comme lui que nous l’imiterons. Cet amour se traduira en pardon réciproque (4.32), et en dévouement sacrificiel pour les autres (5.2). L’exemple de Christ, dans sa vie et dans sa mort, dans ses actes et ses paroles, est une source inépuisable d’inspiration pour le chrétien qui veut imiter le Dieu qui s’est pleinement révélé en Jésus.

Paul attire cependant l’attention sur les contrefaçons de l’amour — ô combien d’actualité ! L’inconduite sexuelle, la passion non contrôlée2, l’amour de l’argent (5.3) sont des formes dévoyées d’amour, à l’opposé du vrai agape biblique : on veut avoir, prendre, posséder au lieu de donner librement sans attendre en retour. Encore une fois, les idéologies sous-jacentes peuvent nous séduire (5.6) pour justifier des pratiques à l’opposé de la nature du vrai Dieu.

4.Marcher dans la lumière (5.7-14)

Autrefois vous étiez ténèbres, et maintenant vous êtes lumière dans le Seigneur. Marchez comme des enfants de lumière ! Car le fruit de la lumière consiste en toute sorte de bonté, de justice et de vérité. (5.8-9)

Le chrétien a été « illuminé » par la connaissance du vrai Dieu et il est désormais en opposition avec le monde qui l’entoure. L’apôtre marque ce contraste par trois oppositions successives :

sur sa position (5.7-8) : au lieu d’être dans les « ténèbres » (terme imagé de l’étendue et du pouvoir du péché), il est « lumière dans le Seigneur », à la fois en théorie, mais aussi en pratique dans la mesure où Jésus est vraiment « Seigneur » sur sa vie ;

sur sa conduite (5.9-11) : il cherche à plaire au Seigneur, ce qui l’oblige à rompre radicalement avec la façon de vivre de ses contemporains, en « démasquant » les actions qui ne concourent pas à produire le bon fruit de la lumière, à savoir la bonté, la justice et la vérité ;

– sur sa transparence (5.12-14) : le chrétien ne fait rien en cachette et aime à se tenir dans la lumière de Dieu pour voir dans quel domaine il s’est peut-être assoupi et doit être réveillé.

5.Marcher dans la sagesse (5.15-21)

Prenez donc garde afin de vous conduire avec circonspection, non comme des insensés, mais comme des sages ; rachetez le temps, car les jours sont mauvais. C’est pourquoi ne soyez pas inconsidérés, mais comprenez quelle est la volonté du Seigneur. Ne vous enivrez pas de vin : c’est de la débauche. Soyez, au contraire, remplis de l’Esprit. (5.15-18)

La dernière exhortation relative à la marche chrétienne concerne la sagesse. Loin d’être une réflexion spéculative, la sagesse biblique est « l’art de se conduire selon Dieu » dans le détail de nos vies, comme l’illustre si bien le livre des Proverbes. Heureusement nous avons l’Esprit en nous, cet Esprit que la Bible relie si souvent à la sagesse3, qui nous permet de « comprendre la volonté du Seigneur ». Bien souvent nous recherchons davantage la volonté spécifique de Dieu (est-ce ce garçon avec qui je dois me marier ou celui-là ? dois-je aller ici ou là ?), alors que la volonté du Seigneur est avant tout une sphère morale dans laquelle nous pouvons choisir librement dans le cadre fixé par Dieu, confiants dans l’action de son Esprit sur notre esprit pour nous diriger.

Nous ne sommes donc pas appelés à une vie indisciplinée, mais marquée par la plénitude de l’Esprit. Contrairement à ce que disent certains, cette plénitude ne se montre pas par des miracles impressionnants ou des discours aussi enflammés qu’incompréhensibles. Connaissez-vous quelqu’un qui aime chanter des cantiques, qui encourage les autres, qui cultive la reconnaissance et qui se soumet volontiers aux autres ? Eh bien, c’est un chrétien rempli de l’Esprit !

* * *

L’Épître ne s’arrête pas là : dans la section qui suit (5.22-6.9), l’apôtre propose des applications immédiates de cette quintuple marche dans les domaines les plus immédiats de nos vies — ceux où nous passons le plus clair de notre temps : la vie de couple (5.22-33), la vie de famille (6.1-4) et la vie au travail (6.5-9). C’est dans ces sphères où nous avons avant tout à montrer notre amour, notre lumière, notre sainteté, notre sagesse, notre souci de l’unité — et c’est souvent là où cela nous est le plus difficile…

Deux remarques complémentaires :

  • Notre position en Christ nous met en relation avec Dieu lui-même. Les cinq exhortations à « marcher » peuvent être reliées avec la nature même de Dieu. Jean enseigne que Dieu est
    – amour (1 Jean 4.8 — 3e exhortation),
    – lumière (1 Jean 1.5 — 4e exhortation),
    – esprit (Jean 4.24 — 5e exhortation qui nous enjoint d’être remplis de l’Esprit).
    Il est aussi le Dieu « saint » (2e exhortation) qui se révèle comme un seul Dieu en trois personnes (1re exhortation à l’unité dans la diversité).
  • Chacun des cinq paragraphes étudiés commence par la coordination « donc » (4.1,17 ; 5.1,7,15), reliant chaque exhortation à « marcher » au texte qui précède. Autrement dit, notre vie chrétienne forme un tout et un chrétien ne peut pas se « spécialiser » dans un de ces cinq aspects en délaissant les autres. Mais nous trouvons un encouragement particulier dans le premier de ces « donc » ; il suit la doxologie de la fin du chapitre 3 : c’est Dieu qui agit en nous avec puissance pour produire cette marche à sa gloire. Comme toujours, l’exhortation (bien réelle !) va de pair avec l’affirmation de l’action de Dieu en nous : « Dieu donne ce qu’il ordonne. » Ce rappel nous évitera un souci mal placé de ne pas « être à la hauteur » : c’est parce que nous sommes déjà pleinement favorisés par la grâce de Dieu dans son Fils bien-aimé (1.6) que nous avons la motivation à lui plaire.

  1. Le verbe traduit par « pratiquions » dans la NEG est le même que « marcher ». Suivant les versions et les versets, ce même verbe est aussi rendu par « se comporter », « se conduire », « vivre en accord », « avoir la vie dirigée par », etc. « Au sens figuré, il désigne l’ensemble des activités de la vie individuelle » (Vine), la conduite pratique, le style de vie.
  2. Le terme « impureté » n’est pas seulement relatif au domaine sexuel. Il désigne aussi les relations impures avec une idole — pour nous, toute passion immodérée pour une activité, une personne, une idéologie qui prend la place de Christ dans notre cœur.
  3. Parmi de nombreuses références, retenons Ex 28.3 ; Deut 34.9 ; És 11.2 ; Act 6.3,10 ; Éph 1.8 ; 2 Tim 1.7 (où il prend la nuance de « bon sens » et de modération).

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Que va-t-il arriver à notre terre ? Le réchauffement climatique ou la pollution vont-ils la rendre inhabitable ? Allons-nous devant une catastrophe nucléaire ? Des ressources essentielles à notre civilisation vont-elles manquer bientôt ? Ces questions taraudent nos contemporains. Elles sont à l’origine de grandes inquiétudes mais aussi d’engagements courageux.

La Bible ne nous donne pas beaucoup de détails sur la nouvelle création, mais elle trace des grandes lignes de façon suffisamment claire pour nous permettre d’avoir une idée sur l’avenir de la création.

Le crépuscule de la création actuelle

Sortie parfaite des mains du Créateur, la création actuelle a été irrémédiablement entachée par le péché de l’homme. Le sol maudit continue à souffrir tant que le mal est présent (Gen 3.17-18).

Plus encore, il semble que la Parole fasse un lien plus étroit qu’on ne le pense souvent entre la moralité d’un peuple et les conséquences écologiques sur son territoire :

  • Après avoir donné une liste d’interdictions de relations sexuelles illicites, l’Éternel conclut : « C’est par toutes ces choses que se sont souillées les nations que je vais chasser devant vous. Le pays en a été souillé ; je punirai son iniquité, et le pays vomira ses habitants. » (Lév 18.24-25).4
  • Par la bouche d’Osée le prophète, Dieu fait un lien direct entre la situation écologique d’Israël et la violence et l’injustice de ses habitants (Osée 4.1-3).
  • Un peu plus tard, Jérémie a le même message pour Juda : « Jusqu’à quand le pays sera-t-il dans le deuil, et l’herbe de tous les champs sera-t-elle desséchée ? À cause de la méchanceté des habitants, les bêtes et les oiseaux périssent. » (Jér 12.4)

Comme la Bible annonce une recrudescence du mal avant le retour de Jésus-Christ, il est difficile de conserver un grand optimisme quant à l’évolution écologique de la terre.

Jésus annonce qu’il « y aura en divers lieux des famines et des tremblements de terre » (Mat 24.7). L’Apocalypse mentionne à de multiples reprises des catastrophes comme des tremblements de terre, des orages d’une intensité exceptionnelle, des disparitions de végétation, des pollutions de l’eau, etc. — même s’il est difficile de faire la part entre le symbolique et le littéral dans le langage de ce livre. Ce que nous observons avec inquiétude aujourd’hui ne semble donc être qu’un « commencement de douleurs ». La responsabilité de ces catastrophes semble incomber, au moins en partie, à l’action humaine puisque, au moment d’introduire le royaume, la louange s’élève à Dieu qui va détruire « ceux qui corrompent la terre » (Apoc 11.18).

En parallèle, la nouvelle création a déjà commencé dans le cœur d’êtres humains sauvés par grâce (2 Cor 5.17) que Dieu appelle ses fils et ses filles. Mais ce n’est que lorsque Christ établira son royaume éternel de gloire, quand les « fils de Dieu » verront ce renouvellement reconnu publiquement, que la création pourra être délivrée de la servitude dans laquelle elle se trouve (Rom 8.18-23).

Le passage de la première création à la nouvelle création

Dieu ne va donc pas laisser les choses en l’état mais il va introduire une nouvelle création. Plusieurs textes des deux Testaments évoquent ce changement :

  • « Je vais créer de nouveaux cieux et une nouvelle terre ; on ne se rappellera plus les choses passées, elles ne reviendront plus à l’esprit. » (És 65.17)
  • « Comme les nouveaux cieux et la nouvelle terre que je vais créer subsisteront devant moi, dit l’Éternel… » (És 66.22)
  • « Le ciel et la terre passeront. » (Mat 24.35)
  • « Toi, Seigneur, tu as au commencement fondé la terre, et les cieux sont l’ouvrage de tes mains ; ils périront, mais tu subsistes ; ils vieilliront tous comme un vêtement, tu les rouleras comme un manteau et ils seront changés. » (Héb 1.10-12)
  • « Maintenant il a fait cette promesse : Une fois encore j’ébranlerai non seulement la terre, mais aussi le ciel. Ces mots : une fois encore, indiquent le changement des choses ébranlées, comme étant faites pour un temps, afin que les choses inébranlables subsistent. » (Héb 12.26-27)
  • « Par la même parole, les cieux et la terre d’à présent sont gardés et réservés pour le feu, pour le jour du jugement et de la ruine des hommes impies. […] Le jour du Seigneur viendra comme un voleur ; en ce jour, les cieux passeront avec fracas, les éléments embrasés se dissoudront, et la terre avec les œuvres qu’elle renferme sera consumée. […] le jour de Dieu, jour à cause duquel les cieux enflammés se dissoudront et les éléments embrasés se fondront ! Mais nous attendons, selon sa promesse, de nouveaux cieux et une nouvelle terre, où la justice habitera. » (2 Pi 3.7,10,12-13)
  • « Je vis un grand trône blanc, et celui qui était assis dessus. La terre et le ciel s’enfuirent devant sa face, et il ne fut plus trouvé de place pour eux. » (Apoc 20.11)
  • « Je vis un nouveau ciel et une nouvelle terre ; car le premier ciel et la première terre avaient disparu. » (Apoc 21.1)

Re-création, changement, disparition, dissolution… — tous ces termes indiquent l’introduction d’une nouvelle création en lieu et place de l’actuelle.

Un débat agite depuis longtemps les théologiens : y aura-t-il remplacement ou renouvellement ? Devant la force des textes listés ci-dessus, la charge de la preuve semble incomber à ceux qui soutiennent un renouvellement sans disparition de la création actuelle. Plusieurs arguments sont avancés :

  • Des arguments textuels : l’adjectif utilisé pour « nouveau » dénote plutôt la qualité que la jeunesse5. Le mot « éléments » semble désigner aussi bien des éléments concrets que des puissances spirituelles ou des idées6.
  • Des arguments analogiques : le passage à la nouvelle création est mis en parallèle avec le déluge. Or la terre issue du déluge est la même que celle du commencement mais elle a connu un renouvellement complet.
  • Des arguments théologiques : Dieu a déclaré que la création initiale était bonne, très bonne, et il semble difficile qu’il veuille la mettre complètement de côté.
  • Des arguments christologiques : le corps de résurrection de Jésus-Christ était adapté à une vie sur la terre actuelle même s’il avait les caractéristiques nouvelles.
  • Des arguments bibliques : certains textes semblent indiquer que la terre demeure éternellement (Ps 104.5 ; 119.90 ; Ecc 1.4).

La thèse de l’anéantissement a la faveur des luthériens ; les réformés retiennent plutôt celle de la transformation. Les dispensationalistes sont plus partagés. Pour certains, penser que la création actuelle va disparaître et être brûlée complètement fait courir le risque d’une attitude plus négative envers elle et conduirait à en prendre moins soin. Toutefois le mandat de Genèse 1 et 2 s’applique à tous, quelles que soient les options eschatologiques !

Quelques aperçus de la nouvelle création

Très peu de détails nous sont donnés sur la nouvelle création et il est donc hasardeux de spéculer sur ce qui ne nous est pas révélé. Le langage d’Apocalypse 21 et 22, que nous prenons pour essentiellement symbolique, ne doit pas nous égarer. Par exemple, lorsqu’il nous est dit que la mer n’est plus, cela n’est pas une indication sur l’hydrographie de la nouvelle création ; la mer symbolise ici avant tout l’agitation des peuples opposés à Dieu (cf. És 57.20).

Retenons simplement trois caractéristiques :

  • La matérialité : contrairement à ce qui est dit parfois, sans doute sous l’influence de quelques restes de pensée platonicienne, la nouvelle création sera matérielle. Nos corps ressuscités seront « spirituels », parfaitement adaptés à une vie remplie par l’Esprit, mais ils seront tout aussi tangibles que le corps de Jésus ressuscité.
  • La diversité : la variété des pierres précieuses de la muraille et l’analogie que Paul fait entre les corps ressuscités et les différentes étoiles suggèrent qu’il y aura au moins la même diversité dans la nouvelle création que dans l’actuelle ( 1 Cor 15.37-41).
  • La beauté : la description de la sainte cité fait appel aux plus beaux matériaux connus à l’époque. Si la première création, pourtant entachée du péché, nous émerveille, à combien plus forte raison pouvons-nous nous attendre à être subjugués par la nouvelle !

Sous un angle plus théologique, la nouvelle création marquera l’harmonie retrouvée entre Dieu et ses œuvres. Le Nouveau Testament l’exprime sous trois aspects :

  • La réconciliation : « Il a voulu par lui tout réconcilier avec lui-même, tant ce qui est sur la terre que ce qui est dans les cieux, en faisant la paix par lui, par le sang de sa croix. » (Col 1.20)
  • La récapitulation : « … le bienveillant dessein qu’il avait formé en lui-même, pour le mettre à exécution lorsque les temps seraient accomplis, de réunir toutes choses en Christ, celles qui sont dans les cieux et celles qui sont sur la terre. » (Éph 1.9-10)
  • L’habitation : « Voici le tabernacle de Dieu avec les hommes ! Il habitera avec eux, et ils seront son peuple, et Dieu lui-même sera avec eux. » (Apoc 21.3)

Dans cette nouvelle création, tout sera pleinement inondé de la lumière de la présence du Dieu créateur qui fera « toutes choses nouvelles ». Quel bonheur d’être déjà « les prémices de ses créatures » (Jac 1.18) !

  1. Il est frappant ­— et paradoxal — que les partis écologistes soient les plus en pointe pour promouvoir des pratiques sexuelles explicitement condamnées dans ce chapitre et parmi les plus libéraux sur les sujets sociétaux.
  2. Kainos et non neos.
  3. Cf. Gal 4.9 ou Col 2.8.

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Sans chercher à reprendre systématiquement tous les thèmes de la théologie de Pierre, cet article vise à relever quelques points de ses principaux accents — avant tout sa christologie, sa sotériologie et son eschatologie (sa vision de l’avenir).

1. Christ dans les Épîtres de Pierre

Pour Pierre, Christ est Dieu

  • Une affirmation directe : Face aux attaques répétées dont la divinité de Christ a fait l’objet depuis 20 siècles, le chrétien est toujours à l’affût de textes définitifs. Nous en trouvons un dans la salutation de la Seconde lettre : « par la justice de notre Dieu et Sauveur Jésus Christ » (1.1)7.Pierre n’a aucun doute que l’homme qu’il a côtoyé pendant trois ans était Dieu lui-même. Quelle force a ce témoignage !
  • Plus indirectement, Pierre traduit des textes de l’A.T. en substituant sans hésiter « Christ » ou « le Seigneur » à « l’Éternel » : par exemple, « sanctifiez dans vos cœurs Christ le Seigneur » (1 Pi 3.15) reprend Ésaïe 8.13 : « C’est l’Éternel des armées que vous devez sanctifier. »
  • Implicitement, par des parallélismes, Pierre indique que Jésus Christ est digne de la même louange que Dieu lui-même. Il suffit de comparer ses trois doxologies : deux sont à Jésus (1 Pi 4.11 et 2 Pi 3.18), l’autre dans des termes similaires à Dieu (1 Pi 5.11).

Pour Pierre, l’œuvre de Christ et son attitude pendant ses dernières heures sont la motivation du croyant pour sa conduite

  • En 1 Pierre 1, l’apôtre exhorte ses destinataires à être saints dans toute leur conduite (1.15) et à se conduire avec crainte ici-bas (1.17). Et quelle motivation présente-t-il ? Le sacrifice de l’Agneau sans défaut et sans tache. Si notre salut a coûté ce prix, pourquoi donc continuerions-nous à vivre comme autrefois ? Lorsque nous sommes tentés par le péché, souvenons-nous de ce que Christ a dû endurer pour nous en racheter.
  • En 1 Pierre 2, l’apôtre s’adresse aux domestiques. Certains d’entre eux vivaient sous la coupe de maîtres pénibles qui les faisaient souffrir. Pierre leur présente le modèle que Christ nous a laissé : lui aussi a accepté de souffrir injustement, jusqu’à porter même nos péchés sur la croix pour nous. Peut-être certains lecteurs vivent-ils des situations pénibles dans leur travail ; que l’exemple de notre Seigneur les encourage à persévérer.
  • En 1 Pierre 3, l’apôtre évoque les calomnies auxquelles sont en butte ses lecteurs, alors même qu’ils s’appliquent à faire le bien. Là encore, il met devant eux le chemin de Christ : il a souffert injustement car il était parfaitement juste, mais il a accepté ce chemin qui l’a conduit jusqu’à la gloire et au repos (3.22-4.1). Nos épreuves actuelles ne sont pas le fin mot de Dieu qui, nous aussi, nous « a appelés en Jésus-Christ à sa gloire éternelle » (5.10).

2. Le salut dans les Épîtres de Pierre

Pour Pierre, le salut est complet, du début à la fin

Le terme « salut », fréquent chez Pierre, a une acception bien plus large que celle que nous lui donnons souvent, le restreignant au salut « initial », par lequel nous sommes justifiés devant Dieu :

  • Pierre est très clair sur le fait que les croyants sont sauvés, parce qu’ils ont été « élus selon la prescience de Dieu le Père » (1 Pi 1.2). Plus que cela, ils sont désormais « participants de la nature divine » — extraordinaire expression, unique dans le N.T., pour décrire le changement radical que la régénération divine a produit (cf. 1 Pi 1.23).
  • Mais notre salut ne s’arrête pas là. Les épreuves que Dieu permet pour affiner notre foi contribuent largement à notre croissance spirituelle, ce « salut des âmes » —âmes pourtant déjà sauvées dans le sens du salut initial (1 Pi 1.7-9). Notre appétit spirituel pour la Parole de Dieu et pour la communion avec le Seigneur, que Pierre compare à l’ardeur d’un bébé à vouloir têter, va aussi nous permettre de croître « pour le salut » (1 Pi 2.2) : notre salut doit se développer et ne pas rester embryonnaire !
  • Enfin, la révélation de Jésus Christ et notre entrée dans la gloire seront le parachèvement de notre salut : il est « prêt à être révélé dans les derniers temps » (1 Pi 1.5) et nous sommes exhortés à attendre patiemment ce moment (2 Pi 3.15). Alors nous serons définitivement délivrés de la « fournaise de l’épreuve » (1 Pi 4.12,18).

Si nous distinguons parfois ces trois phases du salut (initial, « de la course », final), notons que Pierre a plutôt tendance à les unifier, comme un processus qui va de notre élection jusqu’à notre glorification. L’œuvre de Dieu pour nous et en nous est une seule et même œuvre. De quel grand salut sommes-nous bénéficiaires ! « C’est pourquoi, frères, appliquez-vous d’autant plus à affermir votre vocation et votre élection ; car, en faisant cela, vous ne broncherez jamais. » (2 Pi 1.10)

Pour Pierre, le salut ne peut pas se perdre

La lecture du deuxième chapitre de la Seconde Épître en a arrêté plus d’un. Pierre avertit ses lecteurs par rapport à de « faux docteurs » qui renient « le maître qui les a rachetés ». Or la suite du chapitre montre que tout dans leur conduite laisse à penser qu’ils ne sont pas rachetés. Ils ont « connu la voie de la justice » et s’en sont détournés (2 Pi 2.21). Comment concilier ces deux aspects ? Est-il possible de croire, puis ensuite d’apostasier et perdre son salut ?

Le dernier verset du chapitre donne la clef : Pierre y cite deux proverbes, l’un biblique, l’autre populaire, pour indiquer que ces faux docteurs sont en fait retournés vers leur vraie nature : la truie était peut-être bien propre, mais elle était restée truie. Nous retrouvons ici une note fréquente dans plusieurs des Épîtres générales : il est possible que des personnes vivent et agissent pendant un temps au sein de l’Église comme si elles étaient vraiment converties avant de se détourner, soit en rejetant leur foi ouvertement, soit en la reniant par une conduite incompatible avec leur profession (cf. 1 Jean 2.19 ; Jude 19 ; Héb 6 ; 10). En réalité, ils n’ont pas perdu le salut puisqu’ils ne l’ont jamais vraiment eu, quelles qu’aient été les apparences !

En revanche, la persévérance de ceux qui sont réellement sauvés est assurée : nous sommes « gardés par la puissance de Dieu au moyen de la foi pour un salut prêt à être révélé dans les derniers temps » (1 Pi 1.5). La puissance même de Dieu agit pour fortifier notre foi — si besoin est, par diverses épreuves — et nous accompagnera jusqu’au bout (1 Pi 5.10-11). À nous de rester fermes en croissant « dans la grâce et dans la connaissance de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ » (2 Pi 2.18).

3. L’avenir dans les Épîtres de Pierre

Pour Pierre, l’espérance est le moteur de la vie chrétienne

Dans la louange qui débute sa première lettre, Pierre bénit Dieu : premièrement pour l’espérance qu’il nous donne et deuxièmement pour l’héritage qu’il nous réserve au ciel. Cet héritage, comme souvent lorsqu’il s’agit du ciel, est décrit avant tout par ce qu’il n’est pas : en contraste avec la mort, le péché et les imperfections qui marquent notre présent, notre futur, lui, ne pourra ni se corrompre, ni se souiller, ni se flétrir (1 Pi 1.5) !

Ce thème de l’espérance forme comme un fil d’or qui court le long de ces deux Épîtres. Mais si cette espérance est aussi certaine que l’est le fait historique de la résurrection de Christ qui la fonde, elle est aussi à saisir en pratique : c’est pourquoi Pierre, juste après, exhorte à « avoir une entière espérance » (1 Pi 1.13). Nous développerons cette espérance en vivant sobrement et en mobilisant nos facultés intellectuelles pour qu’elles soient dirigées vers le ciel et non vers des désirs purement terrestres.

Pour Pierre, l’heure du jugement va venir

Jésus est prêt à l’exercer car il est celui qui va « juger les vivants et les morts » (1 Pi 4.5). À ce moment, la séparation finale aura lieu. Le jugement (au sens d’examen purificateur) par lequel passent actuellement les chrétiens au travers de diverses épreuves qui peuvent aller jusqu’à la persécution, se prolongera par le jugement (au sens cette fois-ci de condamnation) des « impies et des pécheurs » (1 Pi 4.17).

En ce jour, la vérité sera enfin rétablie : les incrédules qui calomnient les chrétiens seront obligés de rendre gloire à Dieu pour les bonnes œuvres qu’ils n’ont pas voulu reconnaître à l’époque (1 Pi 2.12 ; 4.4-5).

Pour Pierre, la gloire va être révélée

  • Le retour de Christ en gloire sera un moment de joie incomparable : si le chrétien est encouragé à se réjouir aujourd’hui au sein même de ses souffrances parce qu’il suit ainsi le chemin de son Maître, la joie se transformera en allégresse à l’apparition du roi (1 Pi 4.13).
  • Le retour de Christ sera aussi le moment de distribution des récompenses, en particulier pour les anciens qui auront bien pris soin du troupeau (1 Pi 5.1,4).
  • Le retour de Christ marquera enfin la fin des souffrances:si nécessaires et pédagogiques soient-elles, soyons assurés que nos épreuves ne sont pas le mot final de Dieu et ne durent qu’« un peu de temps » — même s’il nous paraît long ! — au regard de l’éternité (1 Pi 5.10).

Pour Pierre, l’attente actuelle aboutit à une nouvelle création

Ébauchée par le prophète Ésaïe (65.17 ; 66.22), la perspective des « nouveaux cieux et de la nouvelle terre » trouve son plein développement dans la description qu’en donnent les deux derniers chapitres de la Bible (Apoc 21.1-22.5). Nous sommes heureux de trouver également l’annonce de la nouvelle création sous la plume d’un autre auteur : cette doctrine importante est ainsi confirmée par la règle des « deux témoins ».

Pierre annonce que :
– « les cieux et la terre d’à présent sont gardés et réservés pour le feu »,
– « en ce jour, les cieux passeront avec fracas, les éléments embrasés se dissoudront, et la terre avec les œuvres qu’elle renferme sera consumée »,
– « nous attendons, selon sa promesse, de nouveaux cieux et une nouvelle terre, où la justice habitera » (2 Pi 3.7,10,13).

Mais Pierre ne s’arrête pas à cette annonce. Il en tire immédiatement une exhortation à une attente active qui peut même hâter la venue de ce jour tant attendu ! Comment ? En ayant une conduite sainte (en contraste avec la corruption que Dieu va juger) et une vie pieuse (dirigée vers le Dieu qui nous appelle à partager son éternité). Quelle motivation pour ne pas vivre uniquement pour des biens matériels qui vont tous finir dans le feu !

Y a-t-il une théologie propre à l’apôtre Pierre ?

La question est légitime, car, en parcourant rapidement ses deux lettres, le lecteur ne manquera pas d’être frappé par les nombreux points de contacts avec les autres écrits du N.T. : avec les lettres de son « bien-aimé frère Paul », en premier lieu, mais aussi avec Jacques, Jude bien sûr, l’Épître aux Hébreux, voire l’Apocalypse ou l’Évangile selon Jean. Ce constat est rassurant : la cohérence des théologies des neuf auteurs du N.T. l’emporte de beaucoup sur leurs différences. Pour reprendre les termes de Paul, « que ce soit moi, que ce soient eux [i.e. les autres apôtres], voilà ce que nous prêchons, et c’est ce que vous avez cru » (1 Cor 15.11).

Néanmoins les accents proprement pétriniens ne doivent pas être sous-estimés. Et tout d’abord le contexte éthique global dans lequel Pierre inscrit sa théologie. C’est avant tout comme un « pasteur », obéissant à la mission que Jésus lui a laissée (Jean 21), que l’apôtre rédige ses deux lettres. Son objectif est d’encourager des croyants souffrants (Première lettre) et d’enseigner des croyants en danger d’être entraînés par de fausses doctrines (Seconde lettre). Pour étayer son propos, Pierre fait de nombreuses incises riches d’une théologie profonde, mais rendue parfois compliquée par la concision de ses expressions (pensons à la fin de 1 Pierre 3 !).

  1. De façon très surprenante, la NEG, que Promesses utilise en général pour ses citations, traduit différemment : « par la justice de notre Dieu et du Sauveur Jésus Christ » contrairement à la plupart des autres versions françaises courantes (S21, BFC, NBS, PDV, Darby, etc.). Or en grec « Dieu » et « Sauveur » sont liés par un seul article, indiquant que Pierre parle bien d’une seule et même personne, d’autant qu’il a soin d’utiliser deux articles quand il dissocie les deux personnes divines (e.g. immédiatement après 2 Pi 1.2).

Écrit par


Beaucoup des lecteurs de Promesses vivent dans des pays démocratiques où les élections sont le « moment politique » qui concerne toute la population8 .

Dans certains pays (comme la Belgique), le vote est obligatoire ; d’autres pays (comme la France) permettent l’abstention9 .

Cet article examinera quelques enjeux liés au vote. En effet, certains chrétiens sont fermement opposés au fait qu’un croyant puisse voter, tandis que d’autres voient dans le vote une obligation pour tout citoyen, chrétien ou non.

1. L’enjeu de la citoyenneté

Arguments favorables à l’abstention

Ce sont les citoyens d’un pays qui votent et le chrétien se définit avant tout comme un ressortissant d’un royaume « qui n’est pas de ce monde » :
– « Nous, nous sommes citoyens des cieux » dit Paul (Phil 3.20).
– Nous sommes « comme des étrangers et des voyageurs sur la terre » dit Pierre (1 Pi 2.11).
La vraie patrie du chrétien est le ciel ! Un commentateur écrivait : « Le chrétien n’est pas appelé à se mêler de quelque manière que ce soit à la politique du monde ; mais il a à marcher comme pèlerin, en se pliant patiemment aux lois humaines pour l’amour du Seigneur. » En s’impliquant dans la situation présente temporaire, le chrétien court le risque d’oublier sa vraie destinée future.

Arguments favorables au vote

Pour autant, le chrétien reste soumis aux autorités terrestres. Paul n’hésite pas à revendiquer sa citoyenneté romaine à plusieurs occasions. Lui qui se définissait comme citoyen du ciel savait utiliser son droit sur la terre.
Aux Juifs exilés en Babylonie, Jérémie recommande de rechercher le bien de la ville où ils sont (Jér 29.7). Le croyant est un peu comme eux : exilé loin de sa vraie patrie, mais ayant le devoir de s’impliquer dans son pays temporaire.

2. L’enjeu de la relation au monde

Arguments favorables à l’abstention

Le chrétien doit se séparer du monde. Paul dit : « Ceux qui usent du monde comme n’en usant pas, car la figure de ce monde passe » (1 Cor 7.31). Voter signifie dans une certaine mesure s’associer à un système opposé à Dieu.

Arguments favorables au vote

La séparation du monde ne se limite pas à refuser de toucher d’une quelconque manière à la politique. Combien de chrétiens se sont fait un point d’honneur à ne pas toucher à la chose publique, tout en usant abondamment du monde par ailleurs, par exemple sous son aspect économique en développant leurs affaires selon les mêmes principes que les autres. L’hypocrisie est vite arrivée et la séparation du monde souvent bien sélective…
Si nous ne sommes pas « du monde » (cf. Jean 17), nous sommes « dans le monde » et c’est dans le monde que nous sommes appelés à marcher dans les bonnes œuvres préparées d’avance (Éph 2.10) et à briller comme des flambeaux (Phil 2.15). La séparation du monde nous a fait parfois oublier l’amour du prochain. Or le contexte politique peut ou non favoriser l’action de l’Évangile ; voter pour un candidat qui veut maintenir la liberté de culte ou d’évangélisation peut marquer notre souci d’œuvrer dans le monde.

3. L’enjeu des objectifs et du programme

Arguments favorables à l’abstention

Les hommes politiques présentent tous un programme pour améliorer la situation. Or le croyant sait qu’il est impossible d’améliorer le monde qui est entièrement « sous la puissance du malin » (1 Jean 5.19). De plus, la Bible laisse même penser que les choses vont plutôt aller de mal en pis (cf. 2 Tim 3).
Le christianisme n’a jamais prôné la révolution, comme le prétend la théologie de la libération, mais par la transformation des cœurs il a amené une évolution tranquille qui a été souvent plus efficace sur le long terme.
De plus, un des points les plus délicats quant au vote est le mélange dans les programmes des candidats. En tant que chrétien, nous pouvons être en accord avec certaines de leurs idées ou avec certaines des mesures qu’ils voudraient mettre en œuvre, mais « en même temps » fermement opposés à d’autres propositions qui vont à l’encontre de l’Évangile. Les programmes ne seront jamais en tout point conformes à l’Évangile. Le reconstructionnisme10  n’est pas une option viable. Aussi, devant l’impossibilité de faire une juste balance entre les deux côtés, mieux vaut sans doute s’abstenir.

Arguments favorables au vote

Tout chrétien lucide est bien convaincu que la politique ne peut pas résoudre tous les problèmes du monde. Mais en même temps, nous sommes ici-bas pour être « le sel de la terre » (Mat 5.13). Le « ce qui retient » de 2 Thessaloniciens 2.6 peut être interprété comme désignant les structures politiques actuelles qui ont pour fonction de limiter le mal. Comme Français, nous pouvons nous réjouir de vivre sous un régime démocratique, où le droit est largement maintenu.
Une autre raison peut inciter à voter : c’est l’occasion d’« annoncer la justice » (Ps 40.10). Nous avons la responsabilité d’œuvrer pour la justice à titre individuel, mais ce n’est pas suffisant : certaines actions ne peuvent être entreprises que collectivement. Pour ne prendre qu’un exemple, l’abolition de l’esclavage a nécessité une action politique ; la bonne volonté de quelques propriétaires éclairés ne suffisait pas.
La question du mélange à l’intérieur d’un programme électoral est pertinente. Mais ce dilemme est inhérent à notre situation hybride actuelle qu’il nous faut accepter : nous ne sommes pas encore dans la clarté du ciel, mais dans l’ambivalence de notre position d’aujourd’hui dans un monde pas encore racheté. Acceptons que tout programme reste imparfait et insatisfaisant. À chacun de « pondérer » les divers éléments du programme des candidats en fonction de sa compréhension des priorités du christianisme11. Certains mettront les aspects d’amour du prochain et de justice sociale avant les enjeux sociétaux ou moraux ; d’autres feront le choix inverse.

4. L’enjeu du candidat

Arguments favorables à l’abstention

D’après Romains 13.1, le détenteur de l’autorité est un choix souverain de Dieu. Il n’appartient donc pas au chrétien de choisir à la place de Dieu ! Comment gérer le désaveu implicite que constitue l’élection d’un candidat différent de celui qui semblait le « moins mauvais » d’un point de vue évangélique ?

Arguments favorables au vote

Il est possible de distinguer entre la volonté permissive de Dieu et sa volonté directrice : par exemple, Dieu permet que des dirigeants corrompus ou immoraux accèdent au pouvoir, mais pour autant cela ne valide pas leur comportement !
En votant, le chrétien choisit en conscience devant Dieu de se porter en faveur d’un homme ou d’une femme, certes faillible, certes imparfait(e), certes dont l’action décevra forcément s’il (ou elle) est élu(e), mais ce faisant il a la possibilité d’accomplir son devoir de citoyen et d’orienter dans une mesure la situation vers le « mieux ». Et si son candidat n’est pas élu, qu’il accepte sans critiquer ce que la souveraineté de Dieu a permis.

En guise de conclusion

De bons arguments peuvent être apportés en faveur ou contre le vote. Il appartient donc à chaque lecteur ou lectrice, sans doute aussi en fonction de son contexte national, de se positionner sur ce sujet — et d’éviter de porter l’anathème sur ses frères et sœurs qui adoptent la position contraire. En effet, le vote fait partie de ces sujets sur lesquels le Nouveau Testament ne donne pas d’instruction contraignante, (il a été écrit à une époque où le régime politique n’était pas démocratique !) ; ne s’agissant pas d’un point fondamental de doctrine chrétienne, chaque croyant choisira une position selon sa conscience en cherchant à agir« pour le Seigneur » (cf. Rom 14).
Rappelons en terminant que le sujet du vote n’est que temporaire : tous les chrétiens attendent un régime où il n’y aura plus besoin de voter, lorsque le Roi des rois prendra enfin la domination universelle. « Que ton règne vienne ! »

  1. La situation en Suisse est singulière, puisque des « votations » sont souvent organisées pour se prononcer sur des sujets concrets. Dans la plupart des autres pays démocratiques, à l’exception de rares referendums, le vote concerne avant tout l’élection des représentants du pouvoir législatif ou du pouvoir exécutif. Le vote porte alors non pas sur la réponse à une question particulière, mais sur le choix d’un candidat ou d’une liste de candidats. Cet article s’intéresse donc à ce cas général.
  2. Mais même dans le cas du vote obligatoire, il reste généralement possible de voter « blanc » sans se positionner pour aucun candidat, ce qui revient de facto à s’abstenir.
  3. Mouvement évangélique américain qui visait à transposer dans le monde politique les lois bibliques.
  4. Peu avant l’élection présidentielle française de 2017, un hebdomadaire chrétien a publié une série d’interviews dans lesquelles des croyants engagés justifiaient leur vote par leurs convictions chrétiennes— et chacun d’eux votait pour un programme différent !

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Les livres historiques de Josué à Rois 12 forment un ensemble important de 147 chapitres, soit 23 % environ du texte de l’A.T. Le canon hébraïque l’inclut dans la deuxième division de l’A.T., les Nebiim, et les désigne sous le titre « les premiers prophètes13 » . Ce long développement expose l’histoire du peuple d’Israël de son entrée en Canaan jusqu’à la déportation de Juda à Babylone.
Dans ces chapitres, nous trouvons nombre d’histoires riches d’applications morales — comme l’appel de Gédéon, David et Goliath, les miracles d’Élisée, etc. Toutefois, si intéressants que soient les récits particuliers, il faut se souvenir qu’ils s’inscrivent dans un grand mouvement d’ensemble, dont une section du Deutéronome donnait en quelque sorte le sommaire par avance.
Le Deutéronome, ou « deuxième loi », donne les instructions que le peuple d’Israël devait suivre dans le pays où il allait entrer. Au cours du livre, Moïse va évoquer une suite d’« institutions » selon Dieu qui vont permettre au peuple de « fonctionner ». De Deutéronome 16.18 à 18.2214 , trois catégories d’autorités sont mentionnées successivement :

  •  les juges et les sacrificateurs (16.18-17.13) ;
  •  le roi (17.14-18.8) ;
  •  le prophète (18.9-22).

Jusque-là, pendant toute la traversée du désert, Moïse jouait à la fois le rôle de « roi en Israël » (Deut 33.5) et de prophète (Deut 18.18, « un prophète comme toi »), tandis que la sacrificature était confiée à Aaron son frère.
Après leur décès, Josué d’un côté et Éléazar de l’autre vont prendre leur suite pour faire entrer le peuple dans le pays. Le livre de Josué se termine par la double mention de la mort de Josué (Jos 24.29-31) et d’Éléazar (Jos 24.33). Les porteurs de la conquête disparaissent, et les institutions prévues par Dieu vont devoir prendre la suite.

1. La décadence de la sacrificature et des juges

De façon significative, le livre des Juges commence par rappeler la mort de Josué (Jug 1.1), avant de donner deux introductions successives. La première (Jug 1.1-2.5) surprend : les fils d’Israël n’ont pas chassé les Cananéens, alors que la fin de Josué suggérait que la conquête avait été achevée ; la mission de Josué n’avait pas été totalement remplie. La seconde (Jug 2.6-3.6) donne le résumé du cycle qui va se répéter au cours des siècles qui suivront sous les 12 juges : les fils d’Israël rejettent Dieu ; Dieu envoie un ennemi pour les asservir ; les Israélites implorent Dieu ; Dieu suscite un juge pour les délivrer et opérer un retour temporaire vers lui. Ces cycles vont aller de mal en pis, en particulier quant à l’attitude du peuple vis-à-vis du juge — jusqu’à Samson, rejeté par son peuple qui prend son parti de la domination des Philistins (Jug 15.11).
Dans cette période, Dieu prend soin de son peuple au travers de la sacrificature et des juges : Israël est alors une théocratie directe, comme l’indique le dernier verset du livre : « En ce temps-là, il n’y avait point de roi en Israël. Chacun faisait ce qui lui semblait bon » (Jug 21.25).
Mais cette médiation de la sacrificature et des juges entre Dieu et le peuple a failli. Les juges ont été incapables de ramener durablement le peuple à Dieu. Quant à la défaillance de la sacrificature, elle est exposée dans les deux conclusions du livre (Jug 17-18 et 19-21). La première narre le dévoilement de la sacrificature par un homme qui, via un Lévite, va établir son propre culte en détournant ce que Dieu avait institué pour y substituer une idole. La seconde conclusion rapporte l’histoire très glauque d’un autre Lévite et témoigne de l’épouvantable décadence morale qui sévissait parmi le peuple ; or ce récit ne se situe pas à la fin de la période des Juges, mais au début puisque Phinées, successeur d’Éléazar, est encore vivant (Jug 20.28) ; la faillite de la sacrificature a donc été très rapide, et même la présence du champion de la sainteté selon Dieu qu’est Phinées (cf. Nom 25) ne suffit pas à éviter l’horreur décrite dans ces chapitres. La sacrificature, parce qu’elle était confiée à des humains faillibles, n’a pas été capable d’assurer la bénédiction du peuple de Dieu.

2. La faillite de la royauté

Le livre de Samuel s’ouvre par l’histoire d’Elkana, le père de Samuel. Samuel joue un rôle important dans cette métahistoire, puisqu’il est à la fois un Lévite et un juge. Il fait l’intermédiaire entre la période des juges-sacrificateurs et celle des rois. Même s’il est personnellement fidèle, ses fils ne le sont pas (1 Sam 8.3-4) et le peuple exige un roi. Ce faisant, les Israélites rejettent la théocratie directe en vigueur jusque-là : « Écoute la voix du peuple dans tout ce qu’il te dira ; car ce n’est pas toi qu’ils rejettent, c’est moi qu’ils rejettent, afin que je ne règne plus sur eux » (1 Sam 8.7).
Même si Dieu, dans sa souveraineté, avait déjà prévu dans le Deutéronome la demande du peuple (Deut 17.15), il ne dédouane pas pour autant Israël de sa responsabilité. Ce dernier doit assumer pleinement son mauvais choix.
Le premier roi, Saül, ayant tôt fait de montrer qu’il ne faisait pas l’affaire, Dieu choisit un autre roi, David, « selon son cœur » (1 Sam 13.14). Après de multiples péripéties, David devient enfin roi (2 Sam 5.4). Peu après, l’Éternel annonce à David une magnifique promesse : « J’élèverai ta postérité après toi, celui qui sera sorti de tes entrailles, et […] j’affermirai pour toujours le trône de son royaume. Je serai pour lui un père, et il sera pour moi un fils. » (2 Sam 7.12-14) Arrivés à ce point, nous pourrions penser que la royauté est enfin la solution, puisque Dieu a établi une dynastie « pour toujours ».
La suite du livre révèle qu’il n’en est rien : David, infidèle, doit fuir devant son fils Absalom, l’héritier auto-proclamé. Le roi finit son règne fatigué et guère perspicace 15.
La promesse de Dieu envers le fils de David semble s’accomplir en Salomon. Si David a, en partie, failli, le début du règne de Salomon est brillant : le roi met en œuvre la sagesse qu’il a demandée et reçue de Dieu dans ses affaires intérieures (1 Rois 3.16-28), dans ses relations extérieures, dans ses écrits (1 Rois 4.29-34), dans ses réalisations (1 Rois 5.1-12). La dédicace du magnifique temple qu’il construit pour Dieu est l’apogée de son règne. L’institution de la royauté aurait-elle réussi là où l’institution précédente avait failli ? Hélas non et la triste fin du règne de Salomon le démontre : contrairement aux recommandations du Deutéronome, il accumule femmes, chevaux et or ; pire encore, il tombe dans l’idolâtrie.
La suite de la royauté s’enfonce dans la décadence jusqu’à la reconstruction de Jéricho sous Achab (1 Rois 16.34) qui ramène le peuple avant la conquête, au début du livre de Josué. C’est comme si tout ce qui avait été construit pendant tous ces siècles s’écroulait.

3. L’échec de la prophétie

Dieu introduit alors le ministère prophétique avec Élie le Thischbite. Autant David a symbolisé la royauté 16 , autant Élie a incarné la prophétie17 . Puisque la sacrificature et la royauté ont failli, la prophétie est instaurée pour ramener le peuple à Dieu — et en premier lieu, à travers Élie et Élisée, le royaume du nord, Israël, qui s’était le plus éloigné. En dépit de leur ministère puissant, la décadence continue jusqu’à la déportation du royaume du nord en –722 par les Assyriens. « L’Éternel fit avertir Israël et Juda par tous ses prophètes, par tous les voyants, et leur dit : Revenez de vos mauvaises voies, et observez mes commandements […] Mais ils n’écoutèrent point. […] Les enfants d’Israël s’étaient livrés à tous les péchés que Jéroboam avait commis ; ils ne s’en détournèrent point, jusqu’à ce que l’Éternel ait chassé Israël loin de sa face, comme il l’avait annoncé par tous ses serviteurs les prophètes.» (2 Rois 17.13-14,22).
Le royaume du sud connaît la même fin tragique, en dépit de deux rois fidèles, Ézéchias et Josias, qui essayent de réveiller le peuple, et des prophètes qui se succèdent pour avertir (cf. 2 Rois 24.2). La prophétie n’a pas eu plus de succès que la sacrificature ou la royauté pour maintenir le peuple près de Dieu. Toutes ces institutions, pourtant établies par l’Éternel, n’ont pas apporté la solution.

4. La seule solution

De façon surprenante, le livre des Rois ne se termine pas sur la fin de Jérusalem, mais par le rétablissement partiel de Jojakin, l’héritier direct de la couronne de David (2 Rois 25.27-30). Du tronc d’Isaï qui paraissait complètement mort sort un tout petit rejeton… qui allait permettre à la lignée de continuer et à un descendant de David de remplir enfin un jour la promesse de 2 Samuel 7 (És 11.7).
Car si la sacrificature, la royauté et la prophétie ont failli, c’est parce que Jésus est le seul espoir. Toutes ces longues pages de l’A.T. nous sont données pour nous prouver qu’aucune solution humaine ne peut réussir : tout ce qui a été essayé a été insuffisant et a échoué. Si Jésus-Christ n’était pas venu pour changer le cours de l’histoire dans le cœur des hommes, il n’y aurait aucune solution. Ce ne sont pas des institutions humaines, si bien pensées qu’elles puissent être — et comment auraient-elles pu être mieux pensées que données directement par Dieu — qui ouvriront une solution au drame de l’humanité. Israël est le prototype choisi par Dieu, mais si Dieu avait choisi une autre nation, le résultat aurait été exactement le même.
Chacun de nous avons besoin d’intérioriser profondément ce constat : Jésus est la seule solution — tant pour l’humanité en général que pour notre vie individuelle. Confusément, nous espérons toujours en « l’homme providentiel » :
 lors d’une élection, nous attendons le dirigeant politique providentiel qui remettra l’économie, la société, les institutions en bon ordre — et nous sommes toujours déçus, comme autrefois le roi décevait toujours ;
 les « prophètes » d’aujourd’hui, qu’ils soient sociologues, économistes, penseurs ou autres, ont peut-être de bonnes idées qui nous séduisent, mais elles ne pourront pas être appliquées efficacement, parce que la « matière humaine » n’est pas bonne ;
 dans notre vie personnelle, nous mettons si vite notre espoir en un médecin, un psychologue, un conseiller, en oubliant qu’ils ne sont que des hommes faillibles ;
 ce constat vaut aussi pour l’église. N’arrive-t-il pas que nous attendions beaucoup, trop, d’un « pasteur providentiel », d’un prédicateur puissant ?
Jésus est, lui, l’homme providentiel, à la fois le parfait sacrificateur, le parfait roi et le parfait prophète. Pour chaque homme en salut et pour chaque croyant dans le quotidien de son chemin, Jésus est le seul espoir. Telle est une leçon fondamentale de ces livres historiques.

  1. Hors Ruth, qui est classée dans la Bible juive parmi les « 5 rouleaux ».
  2. Les « derniers prophètes » regroupent Ésaïe, Jérémie, Ézéchiel et les 12 petits prophètes. Le nombre de mots de ces livres représente aussi 23 % du texte de l’A.T.
  3. La partie centrale du Deutéronome (12-25) donne des lois détaillées qu’il est possible de relier successivement au Décalogue (voir Eugene H. Merrill, Deuteronomy, NAC). La portion 16.18-18.22, sur les autorités dans le pays, se rattache au 5e commandement, l’autorité dans la famille. Le juge puis le roi puis le prophète ont joué historiquement un rôle de « père » pour la nation (cf. 1 Sam 24.12 ; 2 Rois 2.12 ; 6.21)
  4. Voir par exemple son jugement hâtif concernant Méphibosheth (2 Sam 19.29).
  5. Les rois de Juda sont estimés par rapport à David tout au long du livre des Rois.
  6. C’est ainsi que le N.T. le présente à maintes reprises.

Écrit par


Dieu a créé les êtres humains avec une infinie variété de personnalités. Si ce constat est évident pour la première création, il vaut aussi pour la nouvelle création. Chaque croyant a sa propre relation avec le Seigneur, sa propre façon de vivre la commune foi, sa propre spiritualité.
Il est possible, au risque d’une schématisation excessive, de distinguer quelques grands types de spiritualités au sein du christianisme et, plus particulièrement, au sein du mouvement évangélique. Ce dernier se caractérise par la force de sa référence à la Bible et par son insistance sur une expérience personnelle avec Dieu. Toutefois, l’accent mis sur la spiritualité des mouvements en vient parfois à « gommer » la diversité des approches au sein même des évangéliques. Nous allons tenter de les regrouper en quelques grandes catégories.18

Cinq types polaires de spiritualités

La spiritualité d’orthodoxie

Le croyant proche de cette spiritualité met l’accent sur la doctrine, sur la rigueur de la formulation théologique. Il est très attentif à « garder le bon dépôt de la foi ». Il cultive une relation avec le Dieu de vérité, au travers d’une étude suivie et réfléchie de l’Écriture.
Ses livres bibliques de prédilection se trouvent plutôt du côté des Épîtres de Paul, en particulier l’Épître aux Romains. Il s’intéresse à l’apologétique et à la théologie systématique. Il aime à conceptualiser sa foi. Sa vie de prière est nourrie de références à l’Écriture. Il aime chanter les credos ou les textes bibliques mis en musique.
Les points forts de cette approche tiennent à la fidélité à la révélation divine, au maintien de la foi apostolique dans un contexte où elle est remise en question.
Elle n’est cependant pas exempte de danger : facilement, le chrétien « intellectualisant » peut prendre ses propres chevaux de bataille pour le cœur de l’évangile et mettre sur le même plan des points secondaires, (parfois basés sur un seul verset), avec des points fondamentaux (attestés, eux, par de nombreux textes clairs). Il peut adopter une attitude de supériorité vis-à-vis de ceux qui sont moins « éclairés » que lui, ou cultiver le syndrome du dernier des fidèles ou du rempart de la vérité.

La spiritualité de sainteté

Le croyant met l’accent sur l’exigence d’une vie de disciple consacrée et sur la poursuite de la sainteté pratique. Il examine volontiers sa conduite et cherche à se conformer aux nombreuses injonctions pratiques qu’il trouve dans la Bible. Plus que sur la doctrine, il insiste sur la mise en pratique et cherche à vivre pour plaire à son Seigneur « à tous égards ».
Il est particulièrement sensible au sermon sur la montagne de l’Évangile selon Matthieu ou au livre des Proverbes. Sa vie de prière fait une belle place à la confession. Il apprécie les chants de consécration inspirés du piétisme.
Ses points forts tiennent au fait que la doctrine, si elle n’est pas traduite en pratique, est morte. Celui qui reconnaît Jésus comme son Sauveur personnel, qui se sait justifié éternellement devant Dieu, doit également accepter Jésus comme son Seigneur et « poursuivre la sainteté », dans un engagement constamment renouvelé du quotidien.
Le risque est alors d’adopter un code de règles par lequel il croit plaire à Dieu et à l’aune duquel il juge tout autre chrétien qui y déroge. Il peut aussi chercher désespérément à atteindre un niveau de perfection qu’il n’aura qu’au ciel et s’enfoncer dans un perfectionnisme frustrant et desséchant.

La spiritualité contemplative

Le chrétien cherche à établir une relation intime et directe avec Dieu. Sa foi le pousse à méditer sur Dieu, à chercher à ressentir sa présence, son onction. Il peut voir Dieu dans la création quand il s’arrête pour contempler un beau soleil couchant. Il passe volontiers du temps à méditer sur la croix ou sur le ciel.
Il relit volontiers les dernières paroles de Jésus à ses disciples dans l’Évangile selon Jean et cherche à « demeurer en lui ». Le Cantique des cantiques l’inspire dans sa relation presque « amoureuse » avec son Seigneur. Il apprécie les expressions poétiques des chants romantiques ou les invocations répétées sur la grandeur de Dieu. Ses prières peuvent facilement s’interrompre pour faire place au silence et à la contemplation.
Le chrétien contemplatif comprend que Dieu n’est pas réductible à un corpus doctrinal, si juste soit-il, ou à une conduite irréprochable ; la relation avec Dieu est une relation de personne à personne, qui doit être réellement vécue et qui doit nécessairement toucher les sentiments.
Néanmoins, il est possible de s’abîmer tellement dans la contemplation qu’on en oublie les contingences actuelles, la réalité de la vie dans ce monde à laquelle nous sommes appelés. Les élans mystiques sont parfois trompeurs et peuvent faire dévier d’une saine et sobre prise de conscience de la distance qui demeure entre le Dieu infini et sa créature limitée.

La spiritualité charismatique

En prenant le terme dans un sens plus large que le seul courant qui porte ce nom, la spiritualité de type charismatique englobe les chrétiens qui cherchent à voir Dieu à l’œuvre. Ils sont sensibles à son action à travers des réponses à des prières, des paroles fortes reçues comme des messages directs du Seigneur, des directions face aux décisions à prendre, etc.
Ces frères et sœurs apprécient de relire le livre des Actes ou le livre de l’Exode. Ils font monter à Dieu des prières hardies, en demandant son intervention directe et immédiate. Ils chantent des hymnes de victoire et de confiance.
Ils alertent les autres chrétiens sur le danger de limiter l’action de Dieu à la petitesse de notre foi. Ils connaissent un Dieu agissant, proche de ses enfants. Ils montrent le chemin d’une foi vivante, alimentée par les réponses reçues et basée sur la victoire qu’ouvre l’œuvre de Christ sur le mal et le diable.
Toutefois ils risquent de valoriser exagérément l’expérience et de la placer au-dessus de la révélation objective de Dieu. Ils peuvent être très déstabilisés par la survenance d’épreuves ou de contretemps qui ne rejoignent pas leur attente de l’action divine.

La spiritualité de l’action

Un croyant attiré par ce type de spiritualité est très sensible à l’action du chrétien dans le monde. Il s’implique dans des actions humanitaires, cherche à pousser les réformes de société qui vont dans le sens d’une plus grande justice et d’une meilleure égalité et peut s’engager concrètement dans la vie politique. Il est conscient des enjeux écologiques et milite volontiers pour la paix et l’égalité entre les sexes.
Il aime relire l’Évangile selon Luc où l’accent est mis sur les pauvres, les exclus, les femmes. Les reproches d’un Amos font écho en lui. Il intercède volontiers pour les autorités, même si sa vie de prière et de chant n’est pas toujours sa priorité.
Son point le plus positif tient à la cohérence entre son amour envers Dieu et son amour envers son prochain. Dire qu’on aime Dieu sans le traduire en actes concrets est un leurre.
Mais, du fait de toutes ses activités, il peut en arriver à oublier de prendre du temps de ressourcement avec le Seigneur, à brusquer les autres sous prétexte d’efficacité et à penser que son action va amener le royaume de paix sur terre, alors qu’il faudra attendre le retour du Seigneur pour qu’il soit effectif.

Une spiritualité ou des spiritualités ?

Sans doute vous êtes-vous un peu reconnu dans ces divers portraits, rapidement brossés. Ou bien avez-vous pensé que, bien équilibré, vous preniez finalement le meilleur de chaque spiritualité ? Ne nous leurrons pas : personne ne peut viser au parfait équilibre. L’important n’est d’ailleurs pas de rejeter la spiritualité qui nous attire le plus : Dieu nous a créés différents et il est normal qu’il en soit ainsi ; ce n’est qu’au travers de la diversité et de la complémentarité des personnalités et de leurs spiritualités dans l’Église de Jésus-Christ que « la sagesse infiniment variée de Dieu » est connue par les dominations et les autorités dans les lieux célestes (Éph 3.10).
Il importe cependant que nous soyons conscients de trois éléments importants :

  • Le crible de toute spiritualité est la norme établie par l’Écriture. Non pas que la spiritualité d’orthodoxie soit supérieure aux autres, mais parce que ce n’est que la Bible qui peut d’une part nous éclairer sur ce qui plaît à Dieu et sur la façon dont il souhaite entrer en relation avec nous, et d’autre part nous garder des excès. L’expérience doit toujours être contrôlée par la doctrine.
  • C’est pourquoi il est primordial d’être lucide sur les dangers que nous fait courir le type de spiritualité qui nous est le plus proche. Veillons aux dérives toujours possibles et écoutons ceux qui, peut-être parce qu’ils sont moins sensibles à cette approche, en discernent mieux les écueils.
  • Enfin, même si la maturité chrétienne ne signifie pas le changement total de notre personnalité, restons ouverts aux spiritualités qui nous sont les moins proches et cherchons à apprendre à rencontrer Dieu d’une manière un peu différente de celle qui nous est la plus familière.
    Ne négligeons pas, non plus, l’influence que peut avoir sur notre spiritualité personnelle celle qui se rencontre le plus fréquemment dans l’église locale que nous fréquentons. Une église de type pentecôtiste sera sans doute plus accueillante pour une personne sensible à la piété charismatique, tout comme une communauté de l’Armée du salut plus proche d’une spiritualité de l’action, pour ne prendre que deux exemples. Toutefois, il serait dommage que les églises locales ne soient pas (ou plus) capables d’accueillir et de laisser prospérer tous les types de spiritualités : quel enrichissement quand un frère plus « charismatique » encourage un frère plus « orthodoxe » à attendre l’action de Dieu et quand ce dernier, à son tour, montre au frère charismatique, qui s’étonne de ne pas recevoir de réponse à sa prière, que nous ne sommes « pas encore » dans le temps de la pleine manifestation de la puissance du Seigneur.

L’exemple de Jésus-Christ

Puisque nous sommes « chrétiens » (« petits christs ») et cherchons à suivre l’exemple du Maître, nous osons poser la question : quelle était la spiritualité de l’homme Jésus ? Nous partons du postulat, étayé par tant de textes irréfutables de l’Écriture, que Jésus fut le seul homme parfait, sans péché, absolument équilibré qui ait vécu sur terre. Aussi n’est-il pas étonnant que nous trouvions dans sa spiritualité des éléments des cinq types recensés plus haut. En témoignent des récits des Évangiles, dans la mesure où les Évangélistes ont pu percevoir la forme de piété de Jésus. En témoignent aussi des expressions des Psaumes, dont les citations fréquentes dans le N.T. montrent qu’ils peuvent valablement être compris, pour une large part, comme des paroles de Jésus :

  • Les fréquentes allusions que Jésus fait dans ses discours à l’A.T. montre qu’il se laissait enseigner : « Ta loi est au fond de mon cœur » (Ps 40.9) ; « Il éveille, chaque matin, il éveille mon oreille, pour que j’écoute comme écoutent des disciples. » (És 50.4) Toute sa vie était en conformité avec la parole divine qu’il interprétait comme nul autre (cf. Jean 8.28)
  • Quant à la sainteté, Jésus pouvait dire à ses détracteurs : « Qui de vous me convaincra de péché ? » (Jean 8.46) Absolument « saint, innocent, sans tache », il n’a jamais bronché — en rien.
  • Comme homme dépendant, nous le voyons souvent en prière, prenant de longues heures pour cultiver la communion avec son Père, dans un lieu désert (cf. Luc 4.42).
  • Jésus s’attendait aussi à une action directe, immédiate de Dieu : par exemple, juste avant de ressusciter Lazare, il rend grâces car il se sait déjà exaucé (Jean 11.41). Sur la croix, il cite le Psaume 31 : « Je remets mon esprit entre tes mains » — et le Psaume continue : « Tu me délivreras, Éternel, Dieu de vérité ! » — ce qui fut le cas par la résurrection.
  • Enfin, il a toujours porté une attention touchante aux besoins de ceux qui l’entouraient. Jusque sur la croix, où il oublie ses propres souffrances pour donner l’assurance du salut au brigand repentant et réconforter sa mère.

La norme du Maître sera toujours inaccessible sur terre, mais encourageons-nous à progresser vers « l’état d’homme fait, à la mesure de la stature parfaite de Christ » (Éph 4.13), dans une spiritualité toujours plus riche et plus équilibrée.

  1. Cet article s’inspire librement en grande partie de réflexions glanées dans des messages donnés par Louis Schweitzer et Philippe Fournier. Qu’ils en soient remerciés.

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Il y avait un homme riche, qui était vêtu de pourpre et de fin lin, et qui chaque jour menait joyeuse et brillante vie. Un pauvre, nommé Lazare, était couché à sa porte, couvert d’ulcères, et désireux de se rassasier des miettes qui tombaient de la table du riche ; et même les chiens venaient encore lécher ses ulcères. Le pauvre mourut, et il fut porté par les anges dans le sein d’Abraham. Le riche mourut aussi, et il fut enseveli. Dans le séjour des morts, il leva les yeux ; et, tandis qu’il était en proie aux tourments, il vit de loin Abraham, et Lazare dans son sein. Il s’écria : Père Abraham, aie pitié de moi, et envoie Lazare, pour qu’il trempe le bout de son doigt dans l’eau et me rafraîchisse la langue ; car je souffre cruellement dans cette flamme. Abraham répondit : Mon enfant, souviens-toi que tu as reçu tes biens pendant ta vie, et que Lazare a eu les maux pendant la sienne ; maintenant il est ici consolé, et toi, tu souffres. D’ailleurs, il y a entre nous et vous un grand abîme, afin que ceux qui voudraient passer d’ici vers vous, ou de là vers nous, ne puissent le faire. Le riche dit : Je te prie donc, père [Abraham], d’envoyer Lazare dans la maison de mon père ; car j’ai cinq frères. C’est pour qu’il leur atteste ces choses, afin qu’ils ne viennent pas aussi dans ce lieu de tourments. Abraham répondit : Ils ont Moïse et les prophètes ; qu’ils les écoutent. Et il dit : Non, père Abraham, mais si quelqu’un des morts va vers eux, ils se repentiront. Et Abraham lui dit : S’ils n’écoutent pas Moïse et les prophètes, ils ne se laisseront pas persuader même si quelqu’un des morts ressuscitait. (Luc 16.19-31) 

Le texte de Luc 16.19-31 laisse volontiers le lecteur perplexe : quels sont les éléments à prendre littéralement et ceux qui ressortent de l’allégorie ? quelles conclusions en tirer sur les sorts éternels des âmes ? etc.

Jetant une lumière assez unique sur ce qui se passe après la mort, ces paroles de Jésus, à la fois prenantes et solennelles, revêtent une importance capitale ; aussi allons-nous essayer de répondre à certaines des interrogations qu’elles soulèvent.

Quelle est la base du salut ?

À première lecture, selon la réponse d’Abraham (16.25), il semblerait que ce texte postule une inversion des rôles dans l’au-delà  : le riche a eu son plaisir sur la terre et il paye ensuite ; le pauvre voit ses malheurs présents contrebalancés par une éternité bienheureuse19. Le salut ou la perdition ne seraient-ils alors qu’une contrepartie au sort actuel ?

Il nous faut néanmoins dépasser cette lecture :

– L’ensemble de la révélation biblique va à l’encontre d’une automaticité de cette inversion. Il a existé et il existe des croyants riches et des pauvres impies.

– La fin du récit précise que le seul moyen pour les frères du riche de ne pas le rejoindre dans le lieu de tourments est d’écouter Moïse et les prophètes — en d’autres termes, d’accorder foi à la révélation qu’ils ont reçue. Et s’ils écoutent, leur richesse n’est pas un obstacle.

Évitons cependant d’esquiver la difficulté de la lecture : l’évangéliste Luc stigmatise souvent les riches : « Malheur à vous, riches, car vous avez votre consolation ! » rapporte-t-il dans sa version du sermon sur la montagne (Luc 6.24). Le contexte immédiat de ce récit pointe vers la même dénonciation : la parabole de l’économe infidèle (16.1-13) était destinée à attirer l’attention des disciples sur le danger de la poursuite des richesses : « Vous ne pouvez pas servir Dieu et Mammon. » (16.13) Et l’avarice des pharisiens est lié à la permanence d’une loi qu’ils ne mettaient pas en pratique (16.14-18). Contrairement à la pensée largement répandue chez les Juifs, la richesse n’était pas forcément un signe de la bénédiction divine et la pauvreté une preuve de leur éloignement de Dieu.

Si le riche avait vraiment écouté la loi et les prophètes, il lui aurait été impossible de continuer à festoyer alors que Lazare restait dans le dénuement total  : tant la loi (Deut 15.4) que les prophètes (pensons à Amos) s’insurgeaient devant une piété qui ne s’accompagnait pas d’un souci des pauvres. Ainsi, par son absence totale de considération pour Lazare (qu’il connaît bien, puisqu’il le nomme facilement dans la suite), le riche démontre qu’il n’a pas la foi dans la révélation de l’A.T. qui était à sa disposition. C’est pour cela qu’il est envoyé dans les tourments.

Ce récit porte donc l’attention sur les œuvres qui doivent immanquablement accompagner la foi pour qu’elle soit réelle.  Malgré son insistance par ses trois « Père Abraham », le riche n’était pas automatiquement fils d’Abraham, le père des croyants ; la naissance ou la bénédiction extérieure ne sont pas une garantie pour l’au-delà : seule la foi confiante, dont le nom du pauvre Lazare témoigne20.

Quelle est la nature des tourments ?

La situation exacte des incrédules après la mort reste mystérieuse. Selon Apocalypse 20.11-15, le sort final ne sera scellé qu’après la seconde résurrection de jugement (cf. Jean 5.29). Toutefois, d’après notre récit, il semble bien que les « tourments » commencent immédiatement après la mort.

La première demande du riche concerne sa soif. Le texte la dépeint littéralement ; nous pouvons aussi y voir plus symboliquement l’aridité d’un cœur sans Dieu. Créé à son image, tout homme pécheur a en lui-même, qu’il en soit conscient ou non, une soif que seule une relation vivante avec Dieu peut étancher  (cf. Jean 4.13-14). Tragiquement, le riche ne souhaite pas aller vers Abraham, mais apaiser sa soif là où il est — ce qui, par principe, est impossible, étant donné qu’il est loin de Dieu.

La deuxième source de tourments est sans doute le souvenir des occasions manquées. Abraham lui rappelle le sort privilégié qui fut le sien et les maux qui accablaient Lazare. Peut-être les « pleurs », si souvent associés par Jésus à l’enfer (Mat 8.12 ; 13.42,50 ; 22.13 ; 24.51 ; 25.30 ; Luc 13.28), font-ils référence aux regrets qui tourmenteront ceux qui auront laissé « passer le temps ».

Une autre source de tourments est décrite ailleurs, en parallèle avec les pleurs : les « grincements de dents ». Cette image semble faire allusion à une révolte et une rage qui continueront éternellement. Le riche semble ici bien poli envers Abraham, mais il le contredit pourtant : même en enfer, il préfère sa théologie à celle du patriarche !  De plus, il continue de se considérer très au-dessus de Lazare, à peine bon à venir l’aider maintenant : quelle ironie, alors que sur terre il n’a pas aidé « celui que Dieu aide » ! Son identité profonde repose dans sa richesse, son statut et même là, les leçons qui nous semblent évidentes à la lecture ne sont pas apprises — et elles ne le seront jamais.

Y a-t-il une seconde chance ?

Un même sort atteint tous les hommes : la mort (Ecc 3.19). « Il est réservé aux hommes de mourir une seule fois, après quoi vient le jugement. » (Héb 9.27) Que Lazare meure, quoi de plus normal : il était bien malade, avec ses ulcères. Mais le riche « aussi » mourut. Que l’enterrement du second ait été somptueux n’influe en rien : Lazare va d’un côté, dans la bénédiction, et le riche dans la flamme.

Rien dans ce texte — pas plus que dans le reste de l’Écriture — ne laisse suggérer qu’il puisse y avoir une seconde chance : le « grand abîme » qui sépare les deux groupes est infranchissable dans les deux sens,  Abraham est formel. « Si un arbre tombe, au midi ou au nord, il reste à la place où il est tombé. » (Ecc 11.3)

De façon surprenante, le riche ne demande pas d’aller vers le lieu de la félicité de Lazare : il préfère que ce dernier vienne de son côté ! Même dans les tourments, le désir de Dieu n’existe pas plus qu’autrefois.

Un point positif pourrait cependant être mis au crédit du riche : son souci des siens. Serait-ce un indice ténu de meilleurs sentiments ? Malheureusement, il témoigne encore de son égoïsme : peu importe que Lazare jouisse maintenant du repos ; il n’est bon qu’à aller vers la propre famille du riche.

Non seulement il n’y a pas de seconde chance possible, mais serait-elle même proposée, elle serait refusée  : « l’enfer est simplement l’identité qu’un être humain choisit librement d’avoir en dehors de Dieu, sur une trajectoire qui mène à l’infini »21. L’égoïsme et la suffisance du riche continuent dans l’au-delà. C.S. Lewis disait : « En chacun de nous, il y a quelque chose qui grandit et qui sera l’enfer s’il n’est pas tué dans l’œuf. »22

Que pouvons-nous faire après avoir lu ce texte ?

  1. Croire au sérieux des tourments éternels

Qu’il est difficile aujourd’hui de croire, et plus encore, d’affirmer qu’il y a un enfer ! Des chrétiens évangéliques sérieux, choqués par la perspective des peines éternelles mais désireux d’éviter le travers universaliste ambiant selon lequel « nous irons tous au paradis », ont cherché des échappatoires :

– l’annihilationisme stipule que le châtiment des incrédules s’arrêtera par un anéantissement pur et simple ;

– le restaurationnisme prétend que tous seront finalement sauvés après une période de châtiment ;

– le conditionalisme postule que l’âme ne continue à exister qu’à condition d’avoir reçu la vie éternelle.

Malheureusement, notre texte n’offre de support à aucune de ces trois théories. Les tourments sont et seront une épouvantable réalité. Jésus est venu apporter l’amour de Dieu, mais il est aussi celui qui a le plus parlé de l’enfer… et il nous est impossible de « trier » les paroles de celui qui est « la vérité ». Acceptons de soumettre humblement notre esprit à ce qu’il nous révèle, si dure que cette perspective nous paraisse.

  1. Prêcher la Parole

Abraham est très clair : un retour du royaume des morts n’emporterait pas la conviction. Un autre Lazare est d’ailleurs revenu des morts à la même période et la réaction des chefs des Juifs n’a pas été de croire en Jésus, mais de chercher à faire mourir à nouveau Lazare (Jean 12.10) ! Un miracle en tant que tel n’a pas de pouvoir salvateur, pas plus qu’une soi-disant expérience post-mortem.

Aussi demander une effusion spéciale de l’Esprit pour qu’il se produise des miracles, des signes et des prodiges et qu’ainsi les conversions abondent est-il inutile ; si Dieu les accorde, il est souverain. Notre responsabilité est de prêcher la Parole : « La foi vient de ce qu’on entend, et ce qu’on entend vient de la parole de Christ. » (Rom 10.17) Et nous avons plus que Moïse et les prophètes : s’y ajoute tout le N.T. qui jette, par ce texte et par d’autres, une lumière plus vive sur l’au-delà ; elle est loin d’être totale, mais elle est suffisamment claire pour avertir ceux qui, sinon, suivront le chemin du riche.

  1. S’occuper des pauvres

Si nous avons personnellement ajouté foi à la Parole présentée, nous avons l’assurance que notre destinée est la même que celle de Lazare : la félicité dans la communion éternelle avec Dieu.

Mais l’enseignement à tirer de ce texte ne doit pas s’arrêter là. Même si nos biens terrestres sont moins abondants que ceux du riche, il y a sans doute autour de nous de très nombreuses personnes moins favorisées que nous. La certitude de notre espérance doit se traduire par une préoccupation envers les pauvres.  Paul, dont la fortune a connu des hauts et des bas, s’y employait (Act 20.35) et exhortait les fidèles à être les « premiers dans les bonnes œuvres » (Tite 3.8,14). Sommes-nous sensibles à la misère de tant d’humains, aux injustices subies par un si grand nombre ? Ou bien tombons-nous sous le reproche de Jacques : « Et vous, vous avilissez le pauvre ! » (Jac 2.6) Cherchons donc à vivre plus simplement pour ne pas oublier les pauvres.

  1. Le « sein d’Abraham », dans lequel est porté Lazare, symbolise la félicité et la proximité des élus dans le banquet messianique attendu par les Juifs. Les repas de fête se prenaient couché sur des lits bas ; le convive le plus honoré se trouvait allongé à côté du maître de maison, sa tête étant alors près de la poitrine de ce dernier. C’était la place de Jean l’évangéliste lors de la dernière Pâque (Jean 13.23). Dans la symbolique juive, Abraham présiderait le banquet messianique (cf. Mat 8.11 ; Luc 13.28).
  2. Le nom « Lazare » signifie « celui à qui Dieu vient en aide ».
  3. Tim Keller, La raison est pour Dieu, CLE, p. 103
  4. Cité dans Tim Keller, La raison est pour Dieu, CLE, p. 104

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Abraham occupe dans la Bible une place de choix : dépositaire de promesses inconditionnelles de Dieu, chef de la lignée à l’origine du peuple d’Israël, héros de la foi. Dans la liste des hommes et femmes de foi en Hébreux 11, l’expression « par la foi » introduit quatre rappels que Dieu se plaît à faire de la vie d’Abraham et de Sara. En mettant en parallèle les textes historiques de la Genèse et les réminiscences de l’Épître aux Hébreux, nous verrons que, dans ces quatre occasions, Abraham a compris, par la foi, qu’il devait laisser quelque chose pour son Dieu et que cet abandon était paradoxalement la meilleure façon de préparer son avenir. Et sa foi va même plus loin, jusqu’à entrevoir son avenir éternel.

  1. Par la foi, Abraham… laisse son pays et sa parenté

« C’est par la foi qu’Abraham, lors de sa vocation, obéit et partit pour un lieu qu’il devait recevoir en héritage, et qu’il partit sans savoir où il allait. » (Hébreux 11.8)

Dieu avait appelé Abraham alors qu’il vivait à Ur, en Chaldée, au milieu d’une civilisation brillante et évoluée : « Quitte ton pays et ta famille, et va dans le pays que je te montrerai. » (Act 7.3) Abraham obéit… mais en partie seulement. C’est son père qui prend l’initiative du voyage et qui part avec Abraham, sa femme et Lot, l’un de ses petits-fils (Gen 11.31). Abraham laisse bien son pays, mais pas sa parenté.

Le point de départ de notre vie de foi est toujours le même : quitter notre « pays », c’est-à-dire laisser moralement derrière nous le monde dans lequel nous avons vécu jusque-là pour aller vers l’inconnu, en suivant l’appel de Dieu. Pour certains, cet abandon peut coûter cher : les avantages matériels et intellectuels d’Ur étaient incomparablement plus grands que la vie précaire d’un nomade. Se décider pour Dieu, c’est donc faire le choix de partir pour un pays inconnu ; mais parce que c’est Dieu, le « Dieu de gloire », qui nous y appelle, nous y allons.

La famille d’Abraham ne va pas jusqu’au pays promis, mais elle s’arrête à Charan, à mi-chemin entre Ur et Canaan, jusqu’à la mort du père. Alors Dieu dit à Abraham, non plus : « Viens », mais : « Va-t’en » (Gen 12.1) ! Pour pouvoir progresser sur le chemin de la foi, Abraham doit aussi laisser sa parenté.

Pour ceux d’entre nous qui ont eu des parents chrétiens, et donc une enfance protégée, il est souvent moins difficile de laisser notre « pays » ; mais nous avons aussi à apprendre un jour à ne plus compter sur nos parents pour avancer sur le chemin de la foi. Il nous faut devenir autonomes et avoir désormais une relation directe avec Dieu. Par exemple, notre lecture de la Bible devient personnelle et ne se limite plus à la lecture en famille ou aux réunions. Nous laissons le confort d’appuis familiaux qui nous ont été très utiles pendant un moment, pour aller seuls vers l’inconnu. Mais comme pour Abraham, une riche bénédiction nous attend.

  1. Par la foi, Abraham… laisse les richesses

«C’est par la foi qu’il vint s’établir dans la terre promise comme dans une terre étrangère, habitant sous des tentes […]. Car il attendait la cité qui a de solides fondements, celle dont Dieu est l’architecte et le constructeur. » (Hébreux 11.9-10)

Abraham est parti d’une des plus riches cités de l’époque pour devenir nomade. Après une fâcheuse expérience en Égypte, voilà Abraham devenu très riche. Comme souvent lorsque vient l’abondance, les difficultés arrivent : ses bergers et ceux de son neveu Lot se disputent. Abraham a une sage réaction et propose à Lot qu’ils se séparent. Contrairement à l’ordre normal, c’est lui, l’aîné, qui laisse le plus jeune choisir. Notons bien qu’Abraham n’a pas choisi la montagne ; il laisse Dieu choisir pour lui, sans craindre de se retrouver dans la plaine. Il est libre face au choix de son neveu (Gen 13.9). Le drame pour Lot n’est pas de choisir la plaine mais vient du motif de son choix : il regarde à l’apparence matérielle (la plaine est bien arrosée) plutôt qu’à la portée spirituelle de son acte (il va aller vivre à proximité de « grands pécheurs contre l’Éternel »).

Plus tard, alors que le patriarche demeure toujours dans des tentes, Lot habite à Sodome, où il est pris dans les agitations politiques du moment (Gen 14.12). Abraham le délivre et se voit offrir à nouveau des richesses par le roi de Sodome. Va-t-il, lui aussi, succomber, cette fois-ci ? Non, il reste à la fois ferme (il refuse tout butin) et juste (il réclame une part pour ses compagnons de bataille). Derrière les questions matérielles, il discerne un enjeu spirituel. C’est alors que Dieu se présente devant lui comme sa richesse suprême : « Je suis ta très grande récompense. » (Gen 15.1, Darby)

Lorsque nos biens matériels sont en jeu, que ce soit par rapport à d’autres frères dans la foi (Gen 13), ou à des incrédules (Gen 14), savons-nous montrer le même désintéressement, la même fermeté, la même liberté qu’Abraham pour laisser le choix à Dieu ? Ou bien notre vision spirituelle est-elle appesantie par notre attachement excessif aux choses matérielles ou par la peur de manquer dans le futur ? Ne nous leurrons pas : si notre échelle des valeurs personnelle ne nous fait pas d’abord considérer Dieu et les « insondables richesses » qu’il nous donne en Christ comme nos seuls biens « meilleurs et qui durent toujours » (Héb 10.34), nous risquons de manquer de foi au moment de prendre une décision. Abraham attendait la cité céleste ; c’est pourquoi il pouvait facilement laisser les richesses terrestres. Est-ce notre cas ?

  1. Par la foi, Abraham… laisse sa femme libre

«C’est par la foi que Sara elle-même, malgré son âge avancé, fut rendue capable d’avoir une postérité, parce qu’elle crut à la fidélité de celui qui avait fait la promesse. » (Hébreux 11.11)

Une nouvelle étape s’ouvre dans la vie du patriarche : Dieu scelle avec lui son alliance par le signe de la circoncision. De plus, il change son nom : Abram (père élevé) devient Abraham (père d’une multitude). Il ajoute ensuite : «Tu ne donneras plus à Saraï, ta femme, le nom de Saraï; mais son nom sera Sara. » (Gen 17.15) Certains traducteurs font remarquer que l’infime différence d’orthographe entre ces deux noms est riche de sens : Saraï (ma princesse) devient Sara (princesse).

Jusque-là, Abraham considérait sa femme comme sa possession. Certes, il l’estimait et la trouvait très belle (Gen 12.11), mais au même moment il n’hésitait pas à la prostituer auprès du Pharaon pour assurer sa propre sécurité (Gen 12.19) ! Aussi n’est-ce pas directement à Sara, mais à son mari que Dieu annonce ce second changement de nom. C’est Abraham qui a besoin de voir sa femme sous un nouveau jour : non, elle n’est pas qu’à lui ; elle a une valeur personnelle pour Dieu et une autonomie quant à sa vie de foi, elle aussi.

Le Nouveau Testament se fait l’écho de ce changement et cite deux traits remarquables de cette femme : sa foi (le verset cité en en-tête) et sa soumission (1 Pi 3.6). En comparant le récit de la Genèse avec ce témoignage de l’Épître aux Hébreux, on est peut-être un peu surpris, car Sara semble avoir montré davantage d’incrédulité que de foi (Gen 18.12-15). Mais Dieu a œuvré dans son cœur et lui a donné la force, à près de cent ans, de mener à terme une grossesse : quelle prouesse ! Son rire d’incrédulité s’est changé en un rire de joie qu’elle veut faire partager (Gen 21.6). Illuminée par sa maternité, c’est elle qui y verra clair pour chasser Ismaël (Gen 21.12).

Ces récits nous parlent, maris chrétiens : comment considérons-nous notre femme ? comme notre possession ? comme quelqu’un dont la vie spirituelle dépend nécessairement de la nôtre ? Ou bien lui laissons-nous son autonomie de chrétienne à part entière, dont le discernement est parfois bien meilleur que le nôtre ? Abraham a dû attendre des décennies de vie commune avant de recevoir cette leçon ; essayons de la comprendre à notre tour et préparons-nous ainsi une suite de vie de couple enrichie.

  1. Par la foi, Abraham… laisse son fils

« C’est par la foi qu’Abraham offrit Isaac, lorsqu’il fut mis à l’épreuve, et qu’il offrit son fils unique, lui qui avait reçu les promesses, et à qui il avait été dit : En Isaac, tu auras une postérité appelée de ton nom. Il pensait que Dieu est puissant, même pour ressusciter les morts ; aussi, il retrouva son fils, ce qui est une préfiguration. » (Hébreux 11.17-19)

Un jour, la voix divine, familière, se fait entendre à Abraham avec un message surprenant : « Prends ton fils, ton unique, celui que tu aimes, Isaac ; va-t’en au pays de Morija, et là offre-le en holocauste. » (Gen 22.2) Nous laisserons de côté la portée symbolique de ce récit, qui préfigure de façon si saisissante le sacrifice du Fils de Dieu, pour nous intéresser aux relations entre Abraham et Isaac. On peut s’étonner que Dieu ne désigne pas d’abord Isaac par son nom ; au contraire, il met en avant la relation d’Abraham avec lui : « ton », « ton », « tu » : Dieu lui demande d’offrir ce qu’il a de plus précieux. Quant au « va-t’en », ne lui en rappelle-t-il pas un autre, environ 40 ans avant (Gen 12.1) ? De la même manière qu’Abraham, au début, avait dû laisser sa parenté, il doit maintenant laisser son fils.

La foi d’Abraham atteint ici son point culminant : sans hésiter, il obéit. Nous connaissons bien sûr l’issue de cet épisode, mais Abraham, lui, ne la connaissait pas ! Il est persuadé que Dieu le conduira jusqu’au bout, et c’est la perspective de la résurrection possible de ce fils de la promesse qui le soutient dans cette épreuve. Et c’est seul qu’il revient vers ses serviteurs (Gen 22.19). Son fils est devenu autonome.

Notre foi est-elle assez forte pour, le moment venu, laisser nos enfants devenir autonomes ? Comptons-nous sur la puissance de Dieu qui peut les garder dans le futur bien mieux que nous le ferions et tout autant qu’il nous a gardés nous-mêmes ? Ne cherchons pas à faire dépendre leur avenir de nous, mais laissons-les aller vers l’autonomie, même si cette séparation nous coûte forcément.

  1. Par la foi, Abraham a entrevu son avenir éternel

Les promesses de Dieu à Abraham tournaient autour 1° d’un pays promis à sa descendance, la terre de Canaan qui deviendra le pays d’Israël et 2° d’un héritier promis, son fils Isaac. Mais la foi d’Abraham lui a permis d’entrevoir un avenir qui allait bien au-delà d’un territoire physique et d’une descendance immédiate.

Loin de se limiter à la perspective de voir ses descendants posséder la terre où il avait planté sa tente (Gen 13.15), il attendait une patrie céleste, « la cité qui a de solides fondements, celle dont Dieu est l’architecte et le constructeur » (Héb 11.10,14,16). Il se considérait comme « étranger et voyageur sur la terre », un pèlerin dont la destinée allait bien au-delà du tangible, vers l’invisible, vers la cité préparée, vers Dieu lui-même. Ses descendants physiques, qui se disputent tant le territoire où Abraham a vécu, devraient reconsidérer la perspective qui fut celle de leur ancêtre.

De même, la promesse d’un fils tant attendu s’élargissait pour Abraham à une seule descendance, en qui se réaliseraient les promesses de bénédiction universelle que Dieu lui avait faites : Christ (Gal 3.16). Jésus a affirmé à des Juifs, si fiers d’être des enfants d’Abraham : « Abraham, votre père, a tressailli de joie de ce qu’il verrait mon jour : il l’a vu, et il s’est réjoui. » (Jean 8.56) Même si les modalités de cette perception anticipée de la venue de l’Héritier des promesses nous échappent, le témoignage même du Seigneur nous montre que le patriarche avait une foi qui pointait vers un avenir bien plus vaste que celui que les textes de la Genèse suggèrent.

C’est en cela qu’Abraham est le « père des croyants », « l’ami de Dieu » et que « Dieu n’a pas honte d’être appelé » le « Dieu d’Abraham » (Héb 11.16).

Privilégiés par la plénitude de la révélation de Dieu et par la présence intérieure de l’Esprit, nous pouvons, encore mieux qu’Abraham, envisager notre avenir éternel : non pas un endroit où habiter, si beau soit-il, non pas des enfants, si bénie que soit leur présence — mais une cité céleste irradiée de la présence de Dieu et de l’Agneau (Apoc 21). Notre avenir ne pourra jamais se limiter à une vie personnelle riche, à une vie de couple heureuse, à l’éducation réussie de nos enfants ; il va au-delà, jusque dans une éternité où nous attend une joie incomparable. Et cette espérance sera l’aliment de notre vie de foi d’aujourd’hui.

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« Qu’est-ce que demain va m’apporter ? » Que nous l’exprimions ou non, cette question est souvent présente à notre esprit. Les hommes dépensent des sommes considérables pour sonder l’avenir, par des moyens très variés, qui vont des études sérieuses de prévisionnistes aux illusions proposées par tant de charlatans qui se prétendent devins.

Le chrétien se pose aussi la même question, mais il possède déjà des réponses : la confiance qu’il a mise dans la mort et la résurrection de Jésus Christ l’assure d’un avenir ultime, éternel, dans la maison de son Père céleste. Plus encore, il y sera récompensé en fonction de sa fidélité dans son service ici-bas (cf. l’article de Florent Varak).

Pour l’immédiat, il sait que sa destinée est dans la main de son Dieu (Ps 31.16), qui a pour lui des projets de paix (Jér 29.11) — même si, avec l’article de Chris Blumhofer, nous verrons que ce verset doit être bien compris. Il se confie dans son Seigneur pour son avenir professionnel, pour sa vie personnelle (marié ou célibataire), pour son service chrétien, pour ses décisions — comme le développent divers articles de ce numéro.

Ainsi, le chrétien « ne craint point les mauvaises nouvelles ; son cœur est ferme, confiant en l’Éternel. » (Ps 112.7) Et cette attitude tranquille sera en elle-même un témoignage dans un monde de plus en plus inquiet pour son avenir.

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