PROMESSES
Les réflexions qui paraissent et paraîtront sous ce titre s’inspirent du magistral ouvrage de Frederick Dale Bruner: «A Theology of the Holy Spirit – The Pentecostai Experience and the New Testament Witness» (Une théologie du Saint-Esprit – L’expérience pentecôtiste et le témoignage du NT), Hodder & Stoughton, London 1970, 390 p. A ceux qui savent l’anglais, nous ne pouvons que chaleureusement en recommander la lecture. Ce livre est aussi actuel aujourd’hui qu’au jour de sa publication.
La réception du Saint-Esprit est devenue sujet à controverse depuis l’apparition du pentecôtisme avec son prolongement charismatique. Il est impératif que l’Eglise soit édifiée, aussi en ce qui concerne ce point primordial, uniquement sur la base de l’Ecriture sainte, l’expérience ne pouvant être un fondement valable, pour deux raisons: elle n’est jamais normative; étant subjective, elle n’est pas nécessairement authentique quant à son origine et ses manifestations.
I. Recevoir l’Esprit: la condition
A. L’enseignement du NT
La condition principale pour recevoir le Saint-Esprit est énoncée ainsi par Jésus: Celui qui croit en mot des fleuves d’eau vive couleront de son sein, comme dit l’Ecriture. Il dit cela de l’Esprit qu’allaient recevoir ceux qui croiraient en lui (Jean 7.38-39).
Ces paroles sont simples et claires: l’Esprit de Dieu est donné en réponse à la foi, sans aucune adjonction. Pourtant, même avant cette réception par la foi, il fallait qu’une condition fondamentale soit remplie: la glorification de Jésus, à savoir sa mort, sa résurrection et son ascension (Jean 12.16,23-24; 16.17). La condition préalable est donc l’oeuvre de Christ.
Il fut donné à l’apôtre Paul de développer les raisons théologiques pour lesquelles l’oeuvres de Christ devait précéder le don de l’Esprit. Comment l’incompatibilité entre la condition de l’homme (pécheur) et la justice de Dieu (saint) pouvait-elle être surmontée? Tout le message chrétien dépend de la réponse à cette question.
Gal 3.10-14 joue ici un rôle de première importance: Tous ceux qui dépendent des oeuvres de la loi sont sous la malédiction, car il est écrit: «Maudit soit quiconque n’observe pas tout ce qui est écrit dans le livre de la loi pour le mettre en pratique.» Et que nul ne soit justifié devant Dieu par la loi cela est évident puisque: «Celui qui mettra ces choses en pratique vivra par elles.» Christ nous a racheté de la malédiction de la loi, étant devenue malédiction pour nous – car il est écrit: «Maudit soit quiconque est pendu au bois» – afin que, pour les païens, la bénédiction d’Abraham se trouve en Jésus-Christ et que, par la foi, nous recevions la promesse de l’Esprit.
Paul examine la possibilité d’obtenir la vie et les dons de Dieu par l’obéissance à la loi. Il constate que comme personne n’est capable d’observer toute la loi sans faille, il se trouve condamné par elle. Car les exigences de la loi sont absolues; la loi doit être mise en pratique dans sa totalité par l’homme qui veut vivre par elle, sinon aucune justification n’est possible. Il en découle que croire qu’on a Dieu parce qu’on a à son actif des actes d’obéissance à la loi constitue une malédiction.
Au lieu de pousser à une plus grande obéissance à la loi, comme le faisaient les frères judaïsants en Galatie, Paul démontre que par la loi personne ne peut être justifié et recevoir les dons de Dieu, dont le Saint-Esprit. La justification est obtenue par la foi en l’oeuvre accomplie par Jésus-Christ. C’est pourquoi Paul pouvait écrire aux Romains: Christ est la fin de la loi, en vue de la justice pour tout croyant (10.4).
En recevant Jésus-Christ par la foi, il vient à nous avec le don gratuit de la plénitude de l’Esprit. En d’autres termes: ce n’est pas l’homme qui par son obéissance à la loi atteint à l’Esprit, mais c’est l’Esprit qui vient à l’homme à cause de l’oeuvre de Christ accomplie dans l’obéissance parfaite. La bénédiction d’Abraham se trouve en Jésus-christ. C’est lui qui a racheté l’homme de la malédiction de la loi. Ainsi la condition de base a été remplie pour que l’homme puisse recevoir le Saint-Esprit par la foi seulement.
Il y a donc deux chemins différents: l’un est le chemin de l’homme vers l’Esprit, où il s’agit d’accomplir des oeuvres pieuses et bibliquement fondées; l’autre est le chemin de l’Esprit vers l’homme, sur la base de l’oeuvre parfaite accomplie par Christ. Le premier chemin monte de l’homme à Dieu; le deuxième descend de Dieu à l’homme. Le premier consiste en actes faits par l’homme; le deuxième est sur la base de l’oeuvre faite par Christ selon le témoignage de l’Ecriture. Le premier chemin est impraticable; seul le deuxième correspond à la réalité spirituelle. Car l’homme ne peut aller à l’Esprit; c’est l’Esprit qui vient à l’homme.
La vie dans l’Esprit vécue par la foi accomplit doublement la loi: La foi attribue à Dieu l’honneur pour toute l’oeuvre du salut; la foi en la pleine suffisance du salut en Christ dirige le regard loin de soi-même vers les autres pour les aimer comme on est aimé par Dieu.
En résumé: Le don de Dieu par l’obéissance parfaite de Christ est la condition déjà accomplie pour la réception du Saint-Esprit. En et avec Christ, le croyant reçoit le don parfait du Saint-Esprit, qui le rend capable de vivre la justice dans l’obéissance.
Le Saint-Esprit est la source et non le but de la vie du croyant. C’est la rédemption de la loi opérée par Christ, et non l’effort de l’homme pour l’accomplir, qui est la condition pour la réception du Saint-Esprit, don gratuit de Dieu aux hommes qui croient en Jésus-Christ.
B. Enseignement erroné
L’Esprit étant donné sur la base de la foi comme don gratuit de Dieu, la réception de l’Esprit ne peut être envisagée comme étant conditionnée par quelque mérite que ce soit de la part du récepteur.
Il apparaît que le pentecôtisme prône un enseignement selon lequel il faut d’abord passer par une purification de tout «péché connu» avant de pouvoir recevoir l’Esprit. Cela équivaut à un renversement de la séquence biblique: la grâce est suivie et non précédée de l’obéissance.
Cette erreur a sa racine en une compréhension défectueuse du pardon de tous les péchés accordé par la grâce seule. L’erreur consiste à penser que le pardon des péchés ne joue un rôle déterminant qu’à la conversion et cesse ensuite d’être efficace. Or la réception de l’Esprit ne dépend aucunement de la dignité du croyant (qui aurait réussi à bannir tout péché), mais uniquement de la foi en la justice totale d’un autre, le Christ.
La thèse pentecôtiste est que le péché et le Saint-Esprit ne peuvent cohabiter dans un même coeur. Pourtant, l’Esprit et le péché habitent bel et bien dans le coeur du croyant, sinon il serait sans péché; affirmer cela ferait de lui un menteur (1 Jean 1.8).
D’ailleurs, comment quelque croyant que ce soit saurait-il bannir le péché de son coeur sans le Saint-Esprit? Et qu’en est-il des péchés inconnus? Un péché est-il moins péché pour n’être pas connu? Le pardon reçu par grâce est complet: nous sommes délivrés des péchés (connus et inconnus) par son sang (Apoc 1.5).
Il n’y a aucune distinction à faire entre les expressions Christ pour nous et Christ en nous, car si Christ est pour nous, il est aussi en nous, sans quoi il ne serait pas vraiment pour nous. Pas besoin «d’abandon» spécial ou «d’appropriation» particulière; l’Evangile ne connaît que la réception du Christ tout entier par le simple moyen de la foi.
La passion pentecôtiste et charismatique pour avoir «plus» (surtout plus d’expériences spirituelles) est la conséquence d’une sous-estimation du pardon de tous les péchés accordé dès la conversion par la grâce de Dieu, pardon qui entraîne l’adoption comme fils de Dieu. Le croyant est adopté par Jésus-Christ (Eph 1.5); il a reçu un Esprit d’adoption par lequel il crie: Abba! Père! (Rom 8.15) La puissance du Saint-Esprit consiste en rien de moins ni rien de plus que la mise en oeuvre du miracle de l’adoption.
«La justification du pécheur par Dieu est le message centrai du NT. Et la sanctification du pécheur justifié montre qu’il prend la justification au sérieux. La compréhension profonde du sens du pardon des péchés est la signification essentielle du don Saint-Esprit» (Bruner p. 234).
Prétendre que «en tant que pécheurs nous acceptons Christ, et en tant que saints nous acceptons le Saint-Esprit» revient à séparer l’Esprit du Christ. Or recevoir Christ, c’est recevoir l’Esprit de Christ, qui est identique avec le Saint-Esprit de Dieu, comme cela ressort clairement de Rom 8.9-10: . . .vous êtes sous l’emprise de l’Esprit, si du moins l’Esprit de Dieu habite en vous. Si quelqu’un n’a pas l’Esprit de Christ, il ne lui appartient pas. Et si Christ est en vous, …l’esprit est vie à cause de la justice.
Recevoir Jésus-Christ, c’est recevoir le Saint-Esprit et devenir enfant de Dieu, ce dont l’Esprit témoigne dès la conversion (Jean 1.12; Rom 8.16).
Vouloir séparer la réception de Jésus-Christ de la réception de l’Esprit est totalement étranger à l’enseignement du NT.
- Edité par Schneider Jean-Pierre
Chaque décision ferme est l’expression d’un choix parmi plusieurs possibles. Des options différentes se présenteront d’elles-mêmes au dépens des autres. Avant d’arriver à Corinthe, Paul prit une décision résolue: «J’ai décidé dit-il de ne savoir parmi vous autre chose que Jésus-Christ et Jésus-Christ crucifié». (1 Cor 2.2). Quelque part derrière la décision de Paul se cachait donc une alternative: la tentation de prêcher Christ sans la croix, ou alors ne pas prêcher Christ du tout mais plutôt la sagesse du monde.
Pourquoi Paul devait-il prendre une telle décision en arrivant à Corinthe? Qui étaient ces Corinthiens qui l’intimidaient au point qu’il vint vers eux «dans un état de faiblesse, de crainte et de grand tremblement»? (1 Cor 2.3). Quelles objections avaient-ils envers le message du Christ et de la croix?
Je croix très important d’approfondir ces questions car, se faisant, nous mettrons à jour les principales objections que l’Evangile soulève aujourd’hui. Nous verrons clairement aussi pourquoi nous avons besoin d’adopter une décision semblable à celle que Paul prit il y a plusieurs siècles.
Une décision cruciale – suite.
Une objection intellectuelle
La première objection à laquelle Paul dû faire face est d’ordre intellectuel. – La folie de Christ crucifié -. Il avait déjà rencontré cette objection à Athènes (Actes 17) et les Philosophes de là-bas ne l’avaient pas ménagé.
Ils l’avaient appelé «picoreur» (spermologos) car ils pensaient qu’il prenait de-ci de-là des fragments de connaissance et qu’il n’avait pas en tête d’idée originale.
Ils le raillaient: «Qu’est-ce que veut dire ce picoreur?» et lorsqu’à la fin de son discours il parla de la résurrection des morts, il se moquèrent et rirent aux éclats. […]
Il y a peu de doute que les Corinthiens réagirent de la même manière quand Paul a prêché Christ et la croix. D’ailleurs Paul nous dit que la croix était une folie pour ceux qui périssaient (1 Cor 18.23).
Pour les Juifs incroyants il était inconcevable que le Messie meure sur un bois, lieu de la malédiction divine; pour les grecs incroyants, il était grotesque qu’un Dieu immortel puisse mourir.
Inutile de préciser que le message du Christ et de son sacrifice est du point de vue intellectuel autant détesté aujourd’hui qu’il l’était au premier siècle à Athènes ou accordant. Ce message est qualifié de primitif, injuste, immoral, barbare et non crédible.
Nietzsche qui vénérait la puissance, détestait Jésus pour sa faiblesse et il réserva ses invectives les plus amères pour la conception chrétienne d’un Dieu qui serait «Dieu des malades, Dieu béquille»; ainsi que pour le Messie qu’il rejette avec mépris comme «Dieu sur la croix».
Le professeur Alfred Ayer, philosophe de la linguistique à Oxford, a dit qu’il y a de bons arguments pour considérer le Christianisme comme la pire des religions d’importance historique. Pourquoi? Parce que, dit-il, elle repose sur les doctrines conjointes du péché originel et de l’expiation vicaire qui sont méprisables intellectuellement et outrageantes moralement. […]
N’espérez pas être un prédicateur à la mode si vous prêchez Christ crucifié. La croix du Christ est encore folie aux yeux du sage selon ce monde.
Une objection religieuse
Une deuxième objection était d’ordre religieux: c’est le caractère exclusif de l’Evangile. Corinthe n’était pas moins idolâtre qu’Athènes […] On y honorait plusieurs dieux, et ces dieux se toléraient réciproquement en une amicale coexistence. Les Corinthiens n’auraient pas élevé d’objection si les chrétiens s’étaient contentés d’ajouter Jésus à leur panthéon. Il n’y avait pas de limite au nombre de dieux qu’ils étaient prêts à adorer.
Mais l’apôtre Paul avait autre chose en tête. Il voulait que Corinthe, avec tous ses habitants et tous ses dieux, se prosterne et adore le seul Jésus. Il vint à Corinthe pour annoncer Jésus comme l’unique Sauveur des pécheurs et le seul Seigneur à adorer. Il déclara que bien qu’il y ait plusieurs «dieux» et plusieurs «seigneurs», il n’y a en fait qu’un Dieu, le Père, par qui et pour qui toute chose existe, et il y a un seul Seigneur, Jésus-Christ, par lequel naquit l’univers et à travers lequel nous existons (1 Cor 8.56). […]
La situation religieuse du monde n’a pas beaucoup changé. Il est vrai que les anciens dieux grecs ou romains ont été oubliés depuis longtemps, mais il y a de nouveaux dieux qui les ont supplantés.
Le caractère pluraliste de la religion en Europe va croissant. Non seulement les anciennes religions orientales connaissent une résurgence mais de nouveaux cultes émergent comme ce qu’on nomme le mouvement du «Nouvel Age». Ce que les gens veulent en Europe c’est un syncrétisme facile, une trêve dans les conflits religieux et un amalgame de ce que chaque religion offre de meilleur.
Mais nous, chrétiens, nous disons non! Nous prétendons que Jésus-Christ est unique et définitif, car il n’a ni successeur, ni semblable, ni rival.
Il est le seul médiateur entre Dieu et l’homme, homme lui-même, qui donna sa vie en rançon pour la multitude. (1 Tim 2.5-6) et il n’y a de salut en aucun autre (Actes 4.12). Il a été élevé pour que tout genou fléchisse devant lui et que toute langue le confesse comme Seigneur (Phil. 2.9-11).
Cette prétention à l’exclusivité concernant Jésus provoque aujourd’hui un profond ressentiment. Elle est considérée comme intolérablement intolérante et comme la marque d’une excessive étroitesse d’esprit.
Une objection personnelle
En troisième lieu, il y avait une objection de type personnel, à savoir la résistance à l’abaissement de l’orgueil humain.
L’idée que les êtres humains sont parfaitement capables d’accomplir leur propre salut est commune à toutes les religions – excepté le christianisme. Par l’accumulation de leurs mérites ils peuvent gagner le salut qu’ils recherchent. Or cette doctrine d’un salut par soi-même est très flatteuse pour notre estime personnelle, très séduisante pour l’orgueil humain. Les Corinthiens ne faisaient pas exception: Ils étaient très fiers de leur ville, de leur commerce, de leur prospérité, de leur bien-être, de leur intelligence, de leur culture et de leur religion. […]
Quand Paul arriva, il eut l’effronterie de dire à ces fiers Corinthiens que ni leur sagesse, ni leur richesse, ni leur religion, ni rien ne pouvait les sauver du jugement de Dieu, excepté Jésus-Christ, Ils ne pouvaient en rien contribuer à leur salut, c’est d’ailleurs la raison pour laquelle Christ était mort pour eux; sans lui ils périraient.
Pour qui Paul se prenait-il pour insulter les Corinthiens de cette manière?
La croix était une retentissante humiliation pour un peuple orgueilleux. Elle l’est aujourd’hui encore. Comme Emil Brunner l’a dit dans son ouvrage «Le Médiateur», dans toutes les autres religions «il est épargné à l’homme l’humiliation finale de savoir que le Médiateur devra subir le châtiment à sa place… il n’est pas mis radicalement à nu». Mais l’Evangile nous met à nu et nous déclare «en faillite». La seule manière de venir à Christ, c’est les mains vides, dans l’attente de la grâce.
Christ est mort pour nous. S’entendre dire cela est une offense pour notre orgueil car nous ne pouvons pas gagner notre propre salut.
Une objection éthique
Quatrièmement, Paul rencontra une objection d’ordre moral, liée à l’appel à la repentance et à la sainteté.
Corinthe était un centre commercial florissant. Elle commandait les routes du commerce vers le nord, le sud, l’est et l’ouest. La ville était pleine de marchands, de voyageurs et de marins. Etant étrangers dans cette ville étrange, ils se souciaient peu de retenue morale. De plus la déesse Aphrodite, que les Romains appelaient Vénus, la déesse de l’amour, rassemblait ses courtisans dans son temple sur l’Acro-Corinthe.
Elle encourageait la promiscuité sexuelle parmi ses adeptes en fournissant même un millier de prostituées qui marchaient la nuit dans les rues de Corinthe. […]
Dans une ville immorale comme Corinthe, vous pouvez difficilement vous attendre à ce que les gens accueillent l’Evangile de Christ, avec ses appels à la repentance, ses avertissements à ceux qui se livrent à de telles pratiques et par conséquent n’hériteront pas du royaume de Dieu (1 Cor 6.9). Avec encore son insistance sur le fait qu’après la justification vient la sanctification et avec la sanctification vient la glorification, lorsque le mal aura été aboli.
Le monde actuel n’est pas plus complaisant envers l’Evangile que ne l’était Corinthe. En effet ne dit-il pas: «Des absolus moraux, cela n’existe pas. Il n’y a pas de morale sexuelle, tout au plus des préférences sexuelles: Si cela vous tente, faites-le. Ce n’est qu’une affaire de mode, ce sont les manières d’aujourd’hui. De plus, nous savons de nos jours qu’il est mauvais de se retenir et que la permissivité est bonne. Le christianisme avec toutes ses interdictions est l’ennemi de la liberté.»
Telle est l’objection morale à l’Evangile que nous rencontrons aujourd’hui.
Une objection politique
En dernier lieu s’élevait une objection politique: la souveraineté de Jésus-Christ. Il y avait beaucoup de ferveur patriotique, voire même de fanatisme politique dans l’empire romain. Les procurateurs romains loyaux l’encouragaient et agissaient avec violence pour briser toute tentative de rebellion contre Rome. La Palestine le savait à ses dépens.
Il est bon de se souvenir que Jésus a été condamné dans un tribunal romain pour un délit politique – sédition – pour avoir prétendu qu’il était un Roi alors qu’il n’y avait qu’un seul Roi, César.
Paul et Silas à Thessalonique ont été accusés de défier les décrets de César en disant qu’il y avait un autre roi qui s’appellait Jésus (Actes 17.7).
Ces accusations étaient-elles fondées ou infondées?
Les deux à la fois, suivant comment vous les comprenez. Ni Jésus, ni les apôtres n’ont fomenté une rebellion armée contre Rome. Ils n’étaient pas des Zélotes, ils ne croyaient pas en la violence. Mais ils proclamaient que Jésus était Roi et que Dieu l’avait élevé au-dessus de toutes les principautés et puissances dans le ciel et sur la terre, et qu’il dominait même César.
Les premiers chrétiens refusaient de répandre l’encens sur le feu qui brûlait devant le buste de César et de dire «César est Seigneur».
Non, disaient-ils «Jésus est Seigneur». Ils étaient prêts à être jetés aux lions plutôt que de renier l’autorité suprême de Jésus.
De nos jours encore, la chose essentielle qu’un régime totalitaire ne peut supporter est de se voir refuser la soumission totale qu’il exige.
Les chrétiens doivent se soumettre à l’Etat tant que leur conscience le leur permet; mais bien sûr, la désobéissance civile existe dans la Bible. Si l’Etat nous commande de faire ce que Dieu interdit, ou nous interdit de faire ce que Dieu demande, nous devons désobéir à l’Etat pour obéir à Dieu. Nous ne pouvons pas adorer l’Etat, faire à son égard acte d’allégeance inconditionnelle.
Jésus est mort et ressuscité afin d’être Seigneur des vivants et des morts. Il nous a sauvés et fait siens, de manière à ce que nous lui donnions notre allégeance suprême. Nous ne la donnerons pas à l’Etat, ni à personne d’autre.
Voici donc cinq objections à l’Evangile de Christ et de Christ crucifié, objections que Paul s’attendait à rencontrer à Corinthe. Il savait que son message serait considéré comme stupide intellectuellement – incompatible avec la sagesse – religieusement exclusif – incompatible avec la tolérance: personnellement humiliant – incompatible avec l’estime de soi; moralement exigeant – incompatible avec la liberté; et politiquement subversif – incompatible avec la loyauté envers César.
Rien d’étonnant à ce Paul ait à prendre une décision. Rien d’étonnant à ce qu’il soit venu à Corinthe dans la faiblesse, rempli de peur et de tremblements. Il devait prendre une décision positive pour prêcher Christ, l’Evangile de Dieu concernant Jésus-Christ et particulièrement sa crucifixion, et il devait prendre une décision négative contre la sagesse du monde et toutes les alternatives terrestres à l’Evangile.
Ces Corinthiens du 1er siècle sont représentatifs: le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui est tout aussi hostile à l’Evangile. Nous nous abusons nous-même si nous imaginons que nous pouvons rendre populaire l’Evangile authentique.
Ne vous méprenez pas sur le sens de mes paroles: l’Evangile véritable est une musique aux oreilles des pécheurs qui savent qu’ils sont moralement en faillite et n’ont rien à offrir en compensation.
Il promet le repos à celui qui est faible, la paix à celui qui est dans la crainte, le pardon au coupable et la liberté à ceux qui sont en esclavage. Mais pour les orgueilleux, il ne sera jamais populaire.
L’Evangile est trop simple en une époque de rationalisme, trop étroit à l’âge du pluralisme, trop humiliant à l’âge de la confiance en soi; trop exigeant à l’âge de la permissivité et trop peu patriotique à l’époque des nationalismes aveugles.
Nous devons prendre ainsi une décision entre la sagesse du monde, qui est folie aux yeux de Dieu, et la folie de la croix qui est la sagesse de Dieu. Paul a pris sa décision.
Nous devons prendre la nôtre. Qu’allons-nous partager avec nos amis? Le véritable Evangile ou un évangile qui a été corrompu dans le but de satisfaire l’orgueil humain? Nous ne pourrons pas échapper à cette décision.
«Car j’ai décidé de ne rien savoir parmi vous, sinon Jésus-Christ et Jésus-Christ crucifié.» (1 Cor 2.2)
Avec la permission de Dr Stott.
* Extraits d’un exposé biblique que John Stott a donné à Wurzburg, Pâques 1988, au Congrès Européen de l’IFES, consacré à l’évangélisation, paru dans IFES Overvicw 88/89 sous le titre «Crucial Decision ». Ce texte a été traduit par Louis Jeanjean (Lausanne).
- Edité par Stott John
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