PROMESSES

1. Un réconfort :

Dieu m’a élu avant que le monde existe. Quel encouragement et quelle assurance extraordinaires quand je vois la réalité de mon cœur, ses méandres, ses difficultés, sa complexité à vivre la foi chrétienne. Je n’ai aucun mérite, je ne peux que recevoir une grâce qui m’est donnée librement, gratuitement, parce que Dieu désire le faire ainsi : notre salut dépend de Dieu.

2. Une louange :

Je suis émerveillé par l’amour de Dieu pour moi, par le fait qu’il m’ait choisi. J’ose dire que, si j’étais Dieu, je ne me serais pas choisi. Mais Dieu a manifesté sa grande bienveillance envers moi, tel que je suis. À lui la gloire !

3. Une intercession active :

L’élection suscite une prière active pour ceux et celles qui nous entourent et ne connaissent pas encore Jésus-Christ. C’est précisément parce que nous croyons que Dieu œuvre dans les cœurs pour susciter la foi que nous lui demandons d’agir. Nous pouvons donc prier, intercéder pour tous les hommes et supplier Dieu d’intervenir.

4. Une évangélisation possible :

L’évangélisation n’est possible que parce que Dieu en est l’acteur principal. Comme nous ne savons pas qui Dieu a élu, il a décidé que nous serions les porte-paroles de son Évangile, en incarnant ses valeurs, en parlant de notre foi, et que cela attirerait un certain nombre d’individus — ceux-là mêmes que Dieu a destinés à la vie éternelle.

5. Des relations humaines saines :

Je peux aimer très librement mon voisin, mon prochain, mes connaissances, qui ne sont pas chrétiens, parce que je sais que ce n’est pas en faisant pression sur eux qu’ils viendront au Seigneur. Je vais bien sûr saisir toutes les opportunités pour être témoin de Christ, mais sans la tension intérieure qui me rendrait responsable de leur salut.


Cet article est la conclusion d’un article plus long « Calviniste, arminien, intermédiaire ou éclectique » disponible sur le site internet animé par David Shutes : www.davidshutes.fr

La logique humaine et ses limites

Dans un domaine aussi compliqué, où il y a tant de textes qui vont dans un sens ou un autre, et dans lequel on est en train d’essayer de comprendre,ce que Dieu fait et comment il le fait, il ne serait pas du tout réaliste de penser que tout le monde pourrait être du même avis. Mais je voudrais, néanmoins, encourager chacun à se positionner, en donnant un maximum de place à ce que dit la Bible – toute la Bible, et non uniquement les textes qui vont dans le sens de ce qu’on pense déjà – plutôt que de déformer le sens clair de la Bible en faveur de ce qui semble « raisonnable » à l’esprit humain. Je ne cherche surtout pas à discréditer l’utilité de la logique. D’une part, j’ai été formé en mathématiques avant d’aborder sérieusement la théologie et j’apprécie beaucoup la rigueur de la logique. Elle permet d’éviter bon nombre d’erreurs évidentes. D’autre part, il y aurait certainement moins de bêtises proférées au nom de la théologie si tous les théologiens avaient une formation de base en logique. Elle a une validité incontestable. Néanmoins, la logique a aussi ses limites. Nous ne savons pas tout. Nous ne pouvons pas être sûrs, dans ces conditions, que nos raisonnements soient justes. J’irais encore plus loin : nous pouvons être sûrs, dans certains cas, que nos raisonnements ne sont pas justes. Il existe des paradoxes logiques qui, autant qu’on puisse voir, ne permettent pas d’explication. Nous pouvons montrer de façon claire qu’un raisonnement logique, aussi rigoureux soit-il, ne peut pas donner des résultats fiables si les informations dont nous disposons sont insuffisantes. Pour toutes ces raisons, je ne rejette pas la logique comme moyen d’appréhender la vérité, mais je n’ai pas non plus une confiance absolue en elle. Seul Dieu sait tout, et il nous a révélé, dans sa Parole, ce dont nous avons besoin pour nous approcher de lui. Sa Parole est infaillible, justement parce qu’elle vient d’un Dieu infaillible. Quand un ou deux textes de la Bible semblent dire quelque chose qui va clairement à l’encontre du reste de la Bible, il nous est permis – il est même nécessaire – d’utiliser notre capacité de raisonner (que Dieu nous a donnée, après tout) pour essayer de résoudre la contradiction apparente. Parfois un verset ne veut pas dire ce qu’il semble dire, et tenir compte du reste de l’enseignement biblique peut nous aider. Mais quand de multiples textes montrent quelque chose de manière assez claire, c’est que Dieu nous l’a révélé. Si cela semble contredire d’autres vérités, révélées elles aussi de manière claire dans de multiples textes, tout ce que cela veut dire, c’est que nous avons trouvé les limites de la logique humaine. Le principe de base est donc celui-ci : Je refuse de m’appuyer sur ma logique humaine, que je sais faillible, pour invalider l’enseignement clair de la Parole de Dieu, que je sais infaillible. Quand la Bible n’est pas claire, ou si un texte semble dire quelque chose qui contredit le reste, oui, je suis prêt à utiliser mon raisonnement humain pour essayer de résoudre la contradiction ou comprendre la vérité. Mais quand Dieu nous révèle un principe dans sa Parole, de manière répétée, je dois l’accepter. Tant pis si cela me pose des problèmes de compréhension. L’homme n’a pas besoin de tout comprendre et de tout résoudre. Il a besoin de s’appuyer sur la Parole de Dieu, pour se laisser guider par la seule personne dans l’univers qui peut tout comprendre et tout résoudre. Le calvinisme et l’arminianisme présentent, tous les deux, des raisonnements cohérents. À condition de commencer avec une position donnée sur le premier point, tout le reste découle logiquement de ce point de départ. Mais les deux doctrines, en s’appuyant sur la logique humaine, nous conduisent à des idées aberrantes. L’arminianisme nous présente un Dieu qui sauve « les meilleurs », au moins en ce qui concerne leur disposition à se détourner du péché et accepter le salut, ce qui veut dire que le salut est basé, au moins en partie, sur le mérite humain. Le calvinisme nous présente un Dieu qui pourrait sauver des millions de personnes, mais qui choisit de ne pas le faire, un Dieu qui manque donc manifestement d’amour envers une grande partie de ses créatures. Ces deux idées sont inacceptables, et tant pis pour la « logique » qui permet de les étayer.

La Parole infaillible de Dieu

À différents moments de ma vie, j’ai cru – et défendu – ces deux optiques. Élevé dans l’arminianisme pur, je suis devenu calviniste quand j’ai constaté les insuffisances de l’arminianisme. C’était par défaut : Comme il n’y a que deux positions, si l’une est fausse, l’autre doit être vraie. Mais quelque temps plus tard, j’ai constaté les insuffisances du calvinisme. Je ne l’ai jamais entièrement rejeté, mais je ne pouvais plus l’accepter entièrement non plus. J’ai donc essayé, très sérieusement, de trouver une optique qui tienne compte de l’ensemble de la Bible, et qui ne contienne pas de contradictions internes. Je voulais ce dernier point aussi bien en tant que théologien qu’en tant que mathématicien. Mais je n’ai jamais réussi. C’est pour cette raison qu’après des années et des années de réflexions, d’étude, et de débats avec d’autres et avec moi-même, je suis arrivé à la conclusion que nous n’avons pas besoin de tout résoudre. Nous pouvons simplement accepter l’enseignement de la Parole de Dieu, et faire confiance à son Auteur pour résoudre ce qui nous semble incompatible. La Bible nous montre clairement que l’homme pécheur n’a absolument aucun mérite dans le salut, qui est entièrement l’œuvre de Dieu, d’un bout à l’autre. La Bible nous montre un Dieu d’amour qui répète à maintes reprises qu’il aime toutes ses créatures et désire profondément leur rédemption. Tant pis pour notre logique, qui semble « prouver » que ces deux idées s’excluent mutuellement. Dans le fond, ce dont j’avais besoin était une bonne dose d’humilité : Le fait d’accepter que Dieu n’a pas besoin de tout expliquer pour avoir raison, et que je n’avais pas besoin de tout comprendre pour accepter sa Parole. Quelque part, il n’est pas du tout étonnant que les êtres humains, créatures bien limitées que nous sommes, ne puissent pas tout comprendre au sujet de Dieu. Quand nous essayons de le faire, quand nous sommes obligés de déformer de manière sérieuse l’enseignement clair de la Bible, c’est que nous exaltons le raisonnement humain – qui, de toute façon, est manifestement faillible – au-dessus de la Parole infaillible de Dieu. Je ne dis pas que tout le monde doit partager exactement les mêmes conclusions que moi. Ce serait même étonnant, si cela se faisait, étant donné que nous sommes tous obligés de « tâtonner dans le noir » dans ce domaine. Mais j’encourage tout le monde à utiliser le même principe de base : Donner raison à la Bible, au moins dans les principes qu’elle enseigne clairement de manière répétée. Laissons la Bible nous parler, sans rejeter de multiples textes parce que nous ne voyons pas comment réconcilier leur enseignement avec d’autres passages, tout aussi clairs. Pour moi, deux principes ressortent clairement de la Bible par rapport à ce débat, et je choisis de les accepter pleinement tous les deux, tout en renonçant à les réconcilier sur le plan logique : Dieu aime toutes ses créatures et désire profondément le salut de tout le monde (c’est le sens de l’amour de Dieu), et l’homme n’a strictement aucun mérite dans le salut, qui est entièrement l’œuvre de Dieu d’un bout à l’autre (c’est le sens de la grâce de Dieu). Cela suffit pour moi. Les deux montrent la grandeur de la personne de Dieu, et il n’y a rien dans l’univers de plus beau que l’amour de Dieu qui se manifeste dans la grâce de Dieu.


Le malentendu de la tension entre souveraineté de Dieu et liberté de l’homme

D’un côté, l’Écriture affirme sans réserve la souveraineté de Dieu et d’un autre, elle exige avec insistance la mise en œuvre d’une décision de l’homme. Dans la Bible, aucune tension ne s’exprime entre les deux notions ; il ne nous est même pas demandé de les garder toutes deux malgré une discordance douloureuse. Pour prendre Philippiens 2.13-14, il ne nous est pas demandé de travailler avec crainte et tremblement à notre salut « bien que » Dieu opère en nous le vouloir et le faire, mais « parce que » il les opère.
La première raison du malentendu non biblique tient à l’influence de l’idéologie humaniste de la liberté, qui a rendu l’homme aveugle au sens biblique de la liberté. La liberté selon la Bible n’est pas première, mais, dans son essence, elle est donnée ; elle n’est pas indépendance, mais elle est dépendance filiale qualitativement privilégiée.
La seconde raison vient d’une imagination déformante. La détermination par Dieu est pensée à l’image des forces de la nature. En effet, la liberté s’asphyxie et la raison devient vaine, si les événements de l’histoire et mes décisions sont régis par une impersonnelle nécessité. Il y a viol de la personne dans un déterminisme universel impersonnel. Si la loi de ce déterminisme est le mécanisme universel, ou une évolution tout englobante, ou la dialectique de la matière ou celle de la raison, il est bien vrai que ma liberté s’évanouit et que ma propre action n’est qu’illusion. Mais telle n’est pas la détermination par Dieu : Nous ne rencontrons pas un destin fataliste, nous rencontrons la volonté d’un Dieu personnel. Il est capable avec un tact infini de susciter en nous « le vouloir et le faire » sans léser notre liberté. Il faut creuser plus profond pour trouver les différences fondamentales entre les déterminations aliénantes des forces de la nature et la détermination personnelle, infaillible et libératrice de Dieu. Si les images tirées des actions que les créatures exercent les unes sur les autres nous égarent, c’est que notre rapport à notre Créateur est unique, tout autre. Car c’est en lui que nous sommes. Alors que toutes les créatures sont métaphysiquement extérieures les unes aux autres, et qu’ainsi l’action d’une créature sur une autre risque toujours de violer son intimité, « Dieu nous est plus intérieur que le plus intime de nous-même » (Augustin). La distinction de Dieu d’avec le monde et sa présence radicalement fondatrice de Créateur permettent au Dieu biblique de produire en nous un vouloir qui soit un vrai vouloir. Nul autre que lui ne le pourrait et lui le peut justement parce qu’il est notre Créateur.
Dieu a créé l’homme à son image, partenaire de son alliance. Il ne l’a pas créé comme un petit dieu, c’est-à-dire un agent indépendant ; il ne l’a pas créé non plus comme un tronc ou une pierre, purement passif sous sa souveraineté ; il l’a créé « image de Dieu », c’est-à-dire liberté seconde mais réelle. La réalité de la liberté dans la dépendance, c’est le mystère même du statut de la créature humaine. Je parle de « mystère » car nous ne dominons pas intellectuellement ce rapport, nous ne perçons pas le « comment » de cette liberté dans cette dépendance — et comment le percerions-nous ? C’est ce qui nous constitue nous-même. Mais c’est un mystère harmonieux, sans contradiction, sans antinomie, sans douleur pour l’intelligence, si elle se laisse réformer par l’Écriture. Ainsi, loin d’exclure la décision de l’homme, la souveraineté du Dieu trinitaire l’implique.

La réalité de la liberté humaine grâce à la souveraineté de Dieu

Cette décision humaine est non seulement possible, importante pour Dieu, mais elle n’est possible que par la souveraineté de Dieu. Sur quoi reposerait la décision indépendante de l’homme, sinon sur le vide ? Quelle consistance, quel poids pourrait-elle avoir hors du Dieu en qui nous sommes ? Comment serait brisée la servitude de la volonté qui se livre au péché (Jean 8.34) ? Cette servitude n’est pas une contrainte externe, c’est le cœur lui-même qui est endurci, ce cœur de pierre (Éz 36.26). C’est dans la volonté rebelle que gît l’incapacité de plaire à Dieu. L’homme naturel est incapable de connaître les choses de Dieu (1 Cor 2), il ne le veut pas. Seul le Dieu qui peut œuvrer à la racine de notre être peut libérer le serf-arbitre. Comment aussi seraient contrecarrées l’influence aveuglante des puissances des ténèbres et la propagande d’un monde corrompu, si Dieu n’était pas à l’œuvre ? Comment, quand les sciences humaines mettent en évidence les conditionnements de nos choix, serions-nous assurés qu’ils sont libres et responsables ? Quand la sociologie, la psychologie nous montrent tout ce qui détermine les choix humains, il est facile de sombrer dans une espèce de scepticisme à l’égard de la réalité même de la liberté humaine et des penseurs en vue en doutent désormais ou carrément la nient. Notre certitude est que c’est le Seigneur qui me fait libre devant lui ; c’est lui qui protège et garantit la réalité de ma décision en la suscitant lui-même et en dosant parfaitement les pressions du dehors sur le vouloir pour qu’elles ne l’écrasent ni ne l’étouffent. C’est la certitude que Dieu produit en moi « le vouloir et le faire » qui me rend certain qu’il y a en moi un vrai vouloir et non pas un épiphénomène de mécanismes inconscients. En notre temps de folie libertaire ou de dissolution de l’homme dans le physico-chimique, il faut le proclamer : Le rempart, le rocher de la décision humaine, c’est la souveraineté du Dieu de la Bible.


1. Introduction

La relation entre la doctrine de l’élection et son application missionnaire est importante à aborder car une corrélation entre les deux existe. En effet, le témoignage apporté à quelqu’un qui ne connait pas le Seigneur en sera inévitablement impacté. Nous n’entrerons pas ici dans les détails de savoir si la doctrine de la prédestination ferait perdre un certain entrain au témoignage, Dieu n’ayant pas besoin de nous pour sauver ceux qu’il a choisis. Cette vision discutable du grand mandat de Matthieu 28.18-20 a déjà été abordée ailleurs[note]Par exemple sur ce blog : https://www.reveniralevangile.com/lelection-nous-encourage-a-levangelisation/[/note] . Aujourd’hui seule une minorité de chrétiens suivent cette ligne de conduite quant à l’application missionnaire de la doctrine de l’élection.
En revanche, le plus grand nombre s’accorde à dire que, dans le contexte missionnaire, l’important n’est pas de savoir comment la personne trouve Dieu ou pourquoi une personne s’ouvre au Seigneur, mais bien que la relation entre la personne et Dieu soit rétablie, par Jésus-Christ et sous l’action du Saint Esprit. L’accent est mis sur la personne que Dieu veut ramener à lui et le message qui lui est délivré pour qu’elle comprenne le salut.
Cet article abordera donc la relation entre la doctrine de l’élection et son application missionnaire dans son aspect général, en partant du postulat suivant : Quelle que soit notre position (prédestination, prescience de Dieu ou libre arbitre), le mandat missionnaire est approuvé par tous. En d’autres termes, le disciple de Christ se doit d’aller faire des disciples dans toutes les nations du monde.

2. Annoncer un message simple et sans détours

Cette base commune est justement l’application principale de la doctrine de l’élection à la mission. Paul était avant tout un missionnaire pionnier et ses écrits sont des comptes rendus du travail sur le terrain plus que des documents théologiques rédigés à des fins académiques. À cet effet, il écrit à Timothée de guider les chrétiens loin des controverses sans fin pour se recentrer sur le message de l’Évangile (2 Tim 2.10-14). Le terme « supplier », au verset 14, parfois traduit par « recommande solennellement » (Semeur) aide à saisir toute l’intensité de ce conseil de Paul à Timothée et combien le fait de garder le message de l’Évangile simple et sans détour dans un but d’évangélisation est capital. Ces versets, sont en effet écrits, « afin qu’eux aussi obtiennent le salut qui est en Jésus-Christ, avec la gloire éternelle » (2 Tim 2.10b).
C’est de cela dont la personne en recherche de Dieu a besoin : Entendre le message de l’Évangile, de la part d’un ami, d’une connaissance, d’un membre de la famille, d’une étrangère, d’un disciple fidèle au commandement de Jésus d’aimer et de faire à son tour un disciple. Toutefois, l’évangélisation n’a pas pour but de convertir par tous les moyens, mais d’être fidèle dans le partage de l’Évangile et de laisser le Saint Esprit faire son œuvre selon le plan de Dieu.
Une première application missionnaire de la doctrine de l’élection est donc de se rappeler que notre rôle est de transmettre le message auquel tous chrétiens croient, et moins de regarder à qui est sauvé ou en passe de l’être. Cela appartient à Dieu. Dans ce contexte missionnaire, nous devrions donc communiquer l’assurance du salut plutôt que de savoir comment on l’obtient ; l’assurance d’une relation rétablie avec Dieu par Jésus, plutôt que de se demander comment nous sommes choisis ; l’assurance d’une vie changée en Jésus, plutôt que de savoir quand et comment le changement s’opère.

3. Annoncer le message de l’Évangile : Conséquence de l’élection

Si la première application s’oriente vers l’extérieur, la deuxième application va vers une introspection, sur le pourquoi de notre élection. Christopher Wright, dans son livre The Mission of God [note]Wright Christopher J.H., The Mission of God: Unlocking the Bible’s Grand Narrative (Nottingham England: IVP, 2006), pp581[/note] mentionne que c’est mal comprendre le sens biblique de la doctrine de l’élection si elle devient une base d’explication mystérieuse pour définir qui est sauvé et qui ne l’est pas. Wright donne l’exemple de l’appel et l’élection d’Abraham qui n’a pas tant à voir avec son salut, mais plutôt avec son rôle de père spirituel, de qui descend toute personne rachetée et sauvée après lui. La mission d’Abraham était d’être l’instrument par lequel Dieu allait rassembler un peuple nombreux, celui par lequel « les familles de la terre seront bénies » (Gen 12.3b). Communément comprise en théologie systématique, la doctrine de l’élection se rapporte à notre salut, mais Wright conclut qu’avant tout nous sommes élus pour la mission[note] Ibid., p. 263-264[/note]. En effet, à la lumière de 1 Pierre 2.9 nous comprenons que l’Église a été élue pour être une nation sainte (mise à part) afin d’adorer Dieu et de témoigner de lui en proclamant ses louanges.
Cette idée est bien loin de celle qui affirme que Dieu n’a pas besoin de nous pour sauver ceux qu’il a élus. Nous voyons maintenant que personne ne peut accomplir la mission de propager l’Évangile si ce n’est les élus et que c’est justement pour cette raison que l’on a été élu. L’élection devient ici un gage de qualité, un sceau d’authenticité, une sorte d’accréditation qui nous permettrait d’avoir l’honneur de prendre part, en tant que disciple, à la mission que Jésus a donnée aux premiers disciples avant nous. Quel privilège, dans cette perspective, d’avoir été élu pour l’action plutôt que pour le contentement !
En résumé, comme deuxième application missionnaire de la doctrine de l’élection, nous devons nous rappeler que notre élection marque le début de notre mission de faire des disciples dans tous les peuples et non une finalité de salut sur lequel on pourrait se reposer.

4. Conclusion

La doctrine de l’élection fait sens pour les chrétiens nés de nouveau lorsqu’ils regardent en arrière et peuvent rendre gloire à Dieu pour la façon dont ils sont venus à choisir Christ. Dans le contexte missionnaire, l’accent est à mettre sur le fait que Dieu nous aime, veut que nous nous réconciliions avec lui en Jésus pour avoir une relation personnelle et quotidienne avec nous. En cela, nous sommes responsables, nous qui lui appartenons de propager ce message humblement et sans peur (Act 18.9-10) en croyant que Dieu veut nous utiliser pour ramener à lui beaucoup de gens qui le cherchent encore aujourd’hui.


« Et l’Éternel lui dit : Deux nations sont dans ton ventre, et deux peuples se sépareront au sortir de tes entrailles ; un de ces peuples sera plus fort que l’autre, et le plus grand sera assujetti au plus petit. » (Gen 25.23)
La question qui se pose face à cette prophétie est celle-ci : Est-ce que Dieu annonçait simplement selon sa préconnaissance ce qui allait arriver ? Ou bien est-ce que cette prophétie était une promesse, un engagement de Dieu envers Jacob ? Les réponses à ces questions, c’est Paul qui va les donner dans l’épitre aux Romains.

1. À qui Paul s’adresse-t-il ?

Paul est identifié comme l’auteur de l’épître aux Romains (1.1 ; 16.22). Dans cette lettre, il s’adresse aux croyants de Rome (1.7). L’histoire et les preuves internes à la lettre indiquent que l’église de Rome était formée à la fois de croyants des nations et de Juifs (voir 2.17). Ainsi, les chapitres 2 à 4 comportent une argumentation pour montrer aux Juifs qu’ils sont aussi coupables que les païens et ont autant besoin de la grâce de Dieu manifestée en Jésus-Christ.

2. Paul aime les Juifs (v. 1-5)

Paul exprime d’abord son amour pour les Juifs et la tristesse qui est la sienne en pensant à ceux qui ont rejeté Jésus alors qu’ils sont pourtant ses frères, ses parents selon la chair et sont le peuple élu de Dieu pour recevoir l’adoption, les alliances, la loi et diverses promesses.
Plus loin, il précise même que l’une de ses motivations pour le ministère parmi les païens, c’est de rendre les Juifs jaloux afin de les amener à Christ (11.13-14). Il n’y a aucun doute : Paul aime les Juifs !

3. Qui sont les vrais croyants ? (v. 6-9)

Tous les descendants d’Abraham ne sont pas Israël. Dieu n’a jamais promis que tous les Juifs seraient les enfants de Dieu. Ainsi, plusieurs Juifs ont rejeté le Messie. Parmi les descendants d’Abraham, tous n’ont pas été choisis pour faire partie du peuple de Dieu. Isaac a été choisi et non Ismaël. Ce n’est donc pas notre sang qui va faire de nous des enfants de Dieu. D’ailleurs Paul l’avait déjà exprimé un peu plus tôt lorsqu’il avait dit : « Mais le Juif, c’est celui qui l’est intérieurement ; et la circoncision, c’est celle du cœur, selon l’esprit et non selon la lettre » (2.29).

4. De qui la prophétie parle-t-elle ? (v. 10-13)

Le verset 12 est une citation de Genèse 25.23 : le texte de Genèse compare deux peuples ou nations dont l’une surpassera l’autre. Le verset 13, lui, est une citation de Malachie 1.2 et le contexte parle également du sort réservé par Dieu aux descendants d’Ésaü. Ainsi, cette prophétie mentionnée dans les versets 12 et 13 au sujet de Jacob et Ésaü concerne les nations qui seront issues d’eux. Louis Segond traduit le mot grec « meizon » par « aîné ». En réalité il aurait fallu traduire par « le plus grand » (Darby), car il s’agit bien des peuples d’Ésaü et de Jacob comme cela est traduit en Genèse 25.
Au-delà des personnages de Jacob et d’Ésaü, il est question ici des nations qui sont issues d’eux. Ainsi, nous pouvons mieux comprendre qu’il ne s’agit pas du choix de Dieu pour le salut de Jacob et Ésaü, mais de son choix pour celui qui allait devenir le père de la nation d’Israël et qui introduira le Sauveur du monde.
Paul utilise cet exemple pour montrer que, déjà par le passé, Dieu n’avait choisi qu’une partie de la descendance d’Abraham pour en faire la nation d’Israël. Et de la même manière qu’il le fait aujourd’hui pour le salut, il a fait en sorte que son choix pour Jacob ne dépende pas des œuvres mais uniquement de sa grâce, afin que ni Jacob ni ses descendants ne puissent s’en glorifier. Ce n’est pas à nous de dire à Dieu qui il doit choisir. Ça n’a jamais été un droit que de faire partie du peuple de Dieu, mais au contraire, cela a toujours été une grâce selon le bon plaisir de sa volonté. Et il en est de même pour le salut aujourd’hui, ce n’est pas un droit que nous pouvons obtenir par nos œuvres, mais une grâce de Dieu pour celui qui croit.
Ce n’est pas parce qu’Ésaü n’a pas été choisi pour être le père de la nation d’Israël qu’il n’avait pas droit au salut. En effet dans l’Ancien Testament nous voyons plusieurs exemples de personnes ne faisant pas partie du peuple d’Israël mais que Dieu a tout de même greffées à la nation en raison de leur foi[note]Rahab prostituée cananéenne (Héb 11.31) et Ruth la Moabite toutes deux greffées à la généalogie de Jésus (Mat 1.5)[/note].
Enfin, il faut bien interpréter le sens de « haïr »[note]La Bible en français courant traduit « j’ai repoussé Ésaü », la Bible du Semeur « j’ai écarté Ésaü ». [/note] . « Le mot haïr perd une partie de son aspérité si nous nous souvenons qu’il constituait un antonyme de « aimer » et qu’il servait de comparatif. Dans Genèse 29.31, le texte dit littéralement que « L’Éternel vit que Léa était haïe », or, au verset précédent, il est dit simplement que « Jacob aimait Rachel plus que Léa ». Quand les Hébreux comparent une affection plus forte à une autre plus faible, ils appellent la première « amour » et la deuxième « haine ». Nous retrouvons cette particularité de la langue hébraïque dans Luc 14.26. Il est clair que dans ce passage Jésus ne veut pas nous demander de haïr ceux que la Parole de Dieu nous demande ailleurs d’aimer ou d’honorer .[note]Alfred Kuen, Encyclopédie des difficultés bibliques[/note] »

5. C’est Dieu qui choisit à qui il fait miséricorde (v. 14-18)

Plus tôt, Paul nous a dit que la Parole de Dieu n’est pas restée sans effet parce que tous les descendants d’Israël ne sont pas Israël, et que c’est Dieu seul qui peut décider qui a le droit d’obtenir le salut, de la même manière qu’il a choisi par le passé Jacob pour être père de la nation d’Israël. Dieu est libre de fixer les conditions du salut. Il a choisi de limiter les conditions à la foi pour que nous soyons toujours sauvés par grâce et non par nos œuvres, parce que la foi n’est pas une œuvre. En Romains 4.16, nous voyons bien que Paul dissocie la foi des œuvres : « C’est pourquoi les héritiers le sont par la foi, pour que ce soit par grâce, afin que la promesse soit assurée à toute la postérité, non seulement à celle qui est sous la loi, mais aussi à celle qui a la foi d’Abraham, notre père à tous ». La foi n’est pas une œuvre parce qu’elle ne donne pas gloire à l’homme : avoir la foi ne donne aucun mérite. Avoir la foi c’est placer sa confiance en Dieu que nous savons capable d’accomplir ce qu’il nous promet[note]Voir Rom 4.20-22[/note] . La gloire revient donc à Dieu, nullement à nous ! Car nous, nous savons que nous sommes sauvés par grâce.
Dieu est en train de dire : j’ai le droit de choisir qui sera sauvé, j’ai le droit d’inclure des non-Juifs, et j’ai le droit de rejeter des Juifs. De la même manière j’ai le droit de choisir le critère que je veux pour offrir mon salut. Et le critère que j’ai choisi c’est la foi et : « Ainsi donc, cela ne dépend ni de celui qui veut, ni de celui qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde » (9.16). Est-il juste que Dieu rejette des Juifs zélés pour la loi de Moïse et les traditions du peuple d’Israël et qu’il accepte ces gentils qui ont simplement cru au Christ après des générations d’idolâtrie ? Ne doit-il pas quelque chose à la nation juive pour tout son dur labeur ? Paul répond à cette question au verset 15 : « Je ferai miséricorde à qui je fais miséricorde et j’aurai compassion de qui j’ai compassion ».
Si Dieu peut choisir de faire miséricorde à qui il veut, il se donne aussi le droit d’endurcir qui il veut ! Mais cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de critères. Pour la miséricorde Dieu avait choisi la foi comme critère. Ainsi, Dieu aussi n’endurcit pas qui il veut au hasard : « Comme ils ne se sont pas souciés de connaître Dieu, Dieu les a livrés à leur sens réprouvé, pour commettre des choses indignes » (1.28). L’endurcissement est donc donné à ceux qui ont volontairement rejeté la connaissance de la vérité. D’ailleurs dans le récit de l’Exode, lors des cinq premières plaies, c’est le Pharaon lui-même qui a endurci son cœur avant que Dieu intervienne pour le livrer à ses sens réprouvés et endurcir lui-même son cœur.

6. La responsabilité des vases (v. 19-23)

Paul anticipe la contestation de certains qui pourraient dire : « Une fois que Dieu a endurci le cœur du Pharaon, pourquoi le blâme-t-il encore ? Car qui résiste à sa volonté ? » Paul répond : « Qui es-tu pour contester le jugement de Dieu ? Pour remettre en question ce qu’il veut faire ? Est-ce à toi de dire à Dieu comment il doit agir ? Dieu n’a-t-il pas le droit d’agir comme il veut avec sa création ? N’a-t-il pas le droit de punir ceux qui s’entêtent à faire le mal et à résister à Dieu ? »
Puis Paul utilise l’image du potier. Il fait référence au texte de Jérémie 18.6. Au verset 4, nous lisons : « Si le vase qu’il façonnait était raté, ce qui arrive parfois avec l’argile entre les mains du potier, il en refaisait un autre, comme il le jugeait bon » (BFC).
Dans ce verset, qu’est-ce qui ne réussit pas ? Est-ce le potier ? Où est-ce le vase ? L’argile ? Si vous remarquez bien, Jérémie ne dit pas : « le potier ne réussit pas son vase… ». Ici la faute est rejetée sur l’argile, sur le vase ! Pas sur Dieu ! Autrement dit : Dieu fait en fonction de nous. Le contexte de Jérémie 18, notamment les versets 7 à 11, exprime clairement que la nation d’Israël avait une décision à prendre. La désobéissance entraîne la discipline, alors que l’obéissance entraîne la bénédiction. Dieu souhaite faire de nous des beaux vases, mais parfois c’est nous qui ne le voulons pas. Alors, il fait de nous des vases de colère, destinés au jugement. Et quoi qu’il en soit, que nous soyons de l’argile rebelle ou docile, Dieu va nous utiliser pour sa gloire, comme il a utilisé le pharaon pour sa gloire (9.17). Dieu supporte les vases avec une grande patience… Comme avec le Pharaon à qui il a laissé beaucoup d’occasions de se soumettre avant d’endurcir lui-même son cœur. Avait-il eu l’occasion de changer de voie ? Bien sûr ! Au choix de Dieu s’ajoute donc la responsabilité de l’homme.
Parce que Dieu est juste, il doit exprimer sa colère envers ceux qui ont manifesté péché et rébellion face à lui. À noter que le verbe grec traduit par « formés » pour la perdition est à la voie moyenne. Le sujet du verbe indique ainsi que le sujet est partie prenante de l’action. La colère de Dieu se déversera donc sur les vases de colère, en conséquence de leur choix confirmé de se placer devant Dieu dans une telle position[note]Voir Election and predestination pp. 272-273 de Peter A. Kerr[/note]. Le texte de 2 Timothée 2.20-21 indique la responsabilité de l’homme quant à son choix « Si donc quelqu’un se conserve pur, en s’abstenant de ces choses, il sera un vase d’honneur, sanctifié, utile à son maître, propre à toute bonne œuvre ».

7. La provenance des appelés (v. 24-29)

Dans cette section, Paul indique que les élus peuvent venir à la fois d’Israël et des nations. Quoiqu’ils ne viennent pas tous d’Israël, certains des nations, les élus seront appelés fils du Dieu vivant. D’un point de vue quantitatif, si les descendants de Jacob sont aussi nombreux que le sable de la mer, seule une petite quantité sera sauvée par la foi.8.

Conclusion (v. 30-33)

Les croyants issus des nations qui n’étaient pas partenaires de l’alliance que Dieu avait faite avec son peuple, ont obtenu la justice par leur foi en Jésus-Christ.
Bien entendu, toutes les nations ne se sont pas tournées vers Jésus-Christ pour recevoir par la foi le salut en Jésus-Christ.
Les Juifs qui cherchaient leur salut en accomplissant la loi ont été incapables de l’accomplir. Bien entendu, d’autres Juifs ont été sauvés à cause de leur foi, le chapitre 11 des Hébreux en donne toute une liste.
Alors, qu’est-ce qui a fait la différence? La foi. Les uns ont cherché leur salut par leurs propres œuvres, les autres l’ont reçu simplement par la foi, car ils ont été rendus justes par pure grâce. Que l’on soit Juif ou issu des nations, la foi fait toute la différence.
Aujourd’hui quiconque refuse d’accepter la justice de Dieu par la foi en Jésus-Christ sera un vase voué à la destruction. Mais « celui qui croit en lui (Jésus-Christ) ne sera pas confus ».


Nous publions ici un extrait du livre paru en 2020 « Election and predestination : looking for answers not arguments » aux Éditions Everyday Publications Inc. 

Le mot « bachiyr » pour « choisi » ou « élu » apparaît 13 fois dans l’Ancien Testament, avec des traductions différentes selon la version choisie. Chacune des occurrences a donc été examinée avec le double objectif de cerner qui était « élu » et dans quel but. La mise en perspective scrupuleuse des contextes et des références bibliques permet par ailleurs à la Parole de parler d’elle-même.
Chronologiquement, les premières mentions de ce mot se trouvent dans le livre des Psaumes et font référence à David, à la nation d’Israël, et à Moïse. Le plus surprenant est peut-être qu’aucune ne fait référence à l’élection individuelle pour le salut du pécheur ! […] Au contraire, l’image qui émerge ainsi de l’élection dans l’A.T. est celle du choix par Dieu d’une personne, ou d’un groupe, dans un objectif particulier et/ou afin de confier un honneur particulier.

1. Le choix de Moïse

Il n’y a qu’un seul endroit dans la Bible où Moïse est explicitement désigné comme « élu » de Dieu : Psaume 106.23. Il a eu l’honneur d’être le porte-parole de Dieu (Ex 3.14-17 ; 4.12). Dieu l’a assuré de sa présence et de sa puissance (Ex 3.12). Dieu l’a appelé et lui a dit : « Je t’enverrai auprès de Pharaon, et tu feras sortir d’Égypte mon peuple, les enfants d’Israël » (Ex 3.10). Le but pour lequel Dieu a choisi Moïse était de conduire les Israélites hors de l’esclavage en Égypte jusqu’à l’entrée en terre promise[note]À cause de sa désobéissance, Moïse n’a pas été autorisé à entrer dans le pays : cet aspect de son élection ne s’est donc par réalisé[/note] . Il a été envoyé pour témoigner que Dieu avait entendu leurs cris, et pour attester, par des signes et des prodiges, que le Dieu d’Israël est le Dieu vivant, vrai, et tout-puissant.

2. Le choix de David

« J’ai fait une alliance avec mon élu. Voici ce que j’ai juré à David, mon serviteur : J’affermirai ta postérité pour toujours, et j’établirai ton trône à perpétuité » (Ps 89.3-4).
En 1 Samuel 16.1, l’Éternel dit à Samuel : « Quand cesseras-tu de pleurer sur Saül ? Je l’ai rejeté afin qu’il ne règne plus sur Israël. Remplis ta corne d’huile, et va ; je t’enverrai chez Isaï, Bethléemite. Car j’ai vu parmi ses fils celui que je désire pour roi ». Le mot « vu » traduit ici l’hébreu « ra’ah » qui peut signifier « voir, regarder, inspecter, percevoir, considérer ou sélectionner ».
Alors qu’un par un les fils de Jesse se présentent devant Samuel, Dieu déclare à Samuel : « L’Éternel n’a pas choisi celui-ci » et lui révèle que son critère de choix n’est ni l’apparence physique ni la taille, mais l’état du cœur. Et ce jusqu’à la présentation de David, pour lequel le Seigneur dit : « Lève-toi, oins-le, car c’est lui ! » (v.12) Le Psaume 78.70 éclaire et confirme ce choix : « Il choisit David, son serviteur, et il le tira des bergeries.
»Dieu a choisi David pour être roi sur Israël. C’est lui qui est mentionné dans 1 Samuel 13.14 pour remplacer Saül : « L’Éternel s’est choisi un homme selon son cœur, et l’Éternel l’a destiné à être le chef de son peuple ». « J’ai choisi David pour qu’il règne sur mon peuple d’Israël » (1 Rois 8.16). La responsabilité insigne de David est d’occuper la position de roi du peuple de Dieu, pour laquelle il est investi de la présence et de la puissance de Dieu. Samuel a oint David, et « L’Esprit de l’Éternel saisit David, à partir de ce jour et dans la suite » (1 Sam 16.13 ; cf. 2 Samuel 7.9).
Comme la référence au Messie dans Ésaïe 42.1, David est appelé « Mon oint » et « Mon serviteur » (Ps 89.3-4). Dieu a fait une alliance avec David, pour établir sa descendance (lignée) et son trône (dynastie) pour toujours. « Ta maison et ton règne seront pour toujours assurés, ton trône sera pour toujours affermi » (2 Sam 7.16 ; cf. 1 Chr 17.11-14 ; 2 Chr 6.16).
Le Messie viendrait de la lignée de David, plus précisément de la tribu de Juda, et établirait un royaume qui durerait éternellement. Les objectifs de l’alliance davidique, les responsabilités et les honneurs associés, sont réitérés à maintes reprises dans les Écritures[note]Ps 132.11 ; Jér 23.5 ; 30.9 ; És 9.7 ; 11.1 ; Luc 1.32,69 ; Act 13.34 ; Apoc 3.7[/note] .Pourquoi Dieu a-t-il choisi David ? David était « un homme selon son cœur » (1 Sam 13.14), et il « a observé [ses] commandements et [ses] lois » (1 Rois 11.34).

3. Le choix du Messie

À l’examen de l’enseignement biblique concernant l’élection du Messie, il apparaît que son privilège insigne est d’être le délice de son Père. Il occupe la fonction de Serviteur de Jéhovah et est doté de la puissance de l’Esprit de Dieu, et c’est par lui que s’accomplissent tous les desseins de Dieu concernant la rédemption. Sa responsabilité est de « relever les tribus de Jacob » et « ramener les restes d’Israël (És 49.6), « pour annoncer la justice aux nations » (És 42.1). Son témoignage est d’être « la lumière des nations, pour porter mon salut jusqu’aux extrémités de la terre » (És 49.6).

4. Le choix d’Israël

Mes études m’ont permis d’en découvrir beaucoup plus sur l’élection d’Israël mais, même au début, ce qui suit me semblait évident :
La nation d’Israël a été choisie collectivement par Dieu avec des privilèges et des responsabilités :
i) Occuper la position à part, hautement privilégiée, d’être la propriété de Dieu, son peuple spécial, sa nation préférée « L’Éternel, ton Dieu, t’a choisi pour que tu sois un peuple qui lui appartienne entre tous les peuples qui sont sur la face de la terre. » (Deut 7.6) « Vous m’appartiendrez entre tous les peuples » (Ex 19.5).
ii) Être au bénéfice de la puissance divine, qui les protégerait et pourvoirait à tous leurs besoins. Le Seigneur était pour eux Jehovah-Jireh, la force d’Israël, un bouclier et une haute retraite [note]Ex 13.3 ; 15.2 ; 1 Sam 15.29 ; 2 Sam 22.3 ; Ps 18.3, 27.2[/note].

Israël a également été choisi par Dieu pour des buts spécifiques
:i) Tenir un rôle d’ambassadeur représentant Dieu : « Vous serez pour moi un royaume de sacrificateurs et une nation sainte. » (Ex 19.6)
ii) Être un témoignage pour le monde, lui transmettant la vérité de Dieu et sa personne : « C’est moi, moi qui suis l’Éternel, et à part moi, il n’y point de sauveur. C’est moi qui ai annoncé, sauvé, prédit. Ce n’est point parmi vous un dieu étranger ; vous êtes mes témoins, dit l’Éternel, c’est moi qui suis Dieu. » (És 43.11-12)

Israël a été choisi pour constituer un trophée saint de la grâce de Dieu, rendant les autres nations jalouses de la bonté et des bénédictions de Dieu. Le but du sacerdoce d’Israël était d’être un médiateur entre Dieu et le monde, invitant le reste du monde à faire confiance et à suivre ce Dieu vrai et vivant (Ex 19.5-6 ; És 45.17-25).
Cela ouvre la voie à une découverte profondément merveilleuse : l’élection souveraine d’Israël par Dieu est à la fois exclusive et non-exclusive.
Elle est exclusive au sens où Dieu a choisi d’étendre son amour expressément sur Israël, et de conclure un pacte avec eux, les établissant comme son peuple, à part parmi toutes les nations. Aucune autre nation ne pourrait revendiquer ce privilège pour elle-même.
Et l’élection d’Israël n’est pas exclusive car elle n’implique pas que seul Israël pouvait croire en Dieu ou avoir une relation avec Dieu.
En fait, l’élection d’Israël avait incontestablement un double objectif : une mission de représentation devant le monde, et une mission de témoignage à la bonté de Dieu en la faisant rayonner, de sorte que des personnes d’autres nations puissent être amenées à croire en Dieu et le servir – et c’est ce qui s’est produit.
Il existe dans les Écritures des exemples clairs de personnes qui ne faisaient pas partie par leur naissance de la nation élue et qui ont néanmoins choisi de croire en Jéhovah et de rejoindre Israël, intégrant ainsi le peuple élu. Ils sont devenus élus avec les élus et sont devenus récipiendaires de toutes les promesses, bénédictions, pactes et héritage donnés à Israël en tant que peuple élu. On peut notamment évoquer l’inclusion providentielle de Rahab et Ruth dans la lignée ancestrale de Jésus-Christ.
Cette prise de conscience débouche sur deux autres constats :

A. De nombreux individus au sein de la nation élue d’Israël se sont rebellés contre le Seigneur, l’ont rejeté et se sont éloignés de lui. Bien qu’ils aient été tous choisis par Dieu, tous n’ont pas choisi de le suivre comme Seigneur. Peu d’entre eux lui ont vraiment fait confiance et ont cru en lui. Nombre de ces élus n’ont pas rempli le but assigné par Dieu avec leur élection. De nombreux Israélites, bien qu’élus, ont été complètement désobéissants et seront éternellement perdus. Pourtant, ils font toujours partie des élus collectivement, en tant que nation physique d’Israël. Cela indique donc que l’élection d’Israël de l’Ancien Testament n’était pas une élection quant au salut, mais plutôt une élection basée uniquement sur leur descendance physique d’Abraham, d’Isaac et Jacob. Tout Israël a été élu, mais tout Israël n’a pas choisi le Seigneur.

B. Un parallèle comparable peut être établi entre Saül et David. Tous deux sont appelés « l’élu de Dieu ». Chacun d’entre eux avait été expressément élu par Dieu pour la même mission insigne : être roi d’Israël. Tous deux en ont reçu la puissance, le Saint-Esprit étant venu sur eux les armer pour remplir leur mission et leur élection.
Pourtant, les différences dans leurs choix personnels sont flagrantes. La fin de la vie de Saül a été marquée par la désobéissance et la rébellion. Le Seigneur a pu dire de David, qu’il avait trouvé un homme selon son cœur, un homme qui accomplirait toute sa volonté (Act 13.22 ; voir aussi 1 Sam 13.14). David a été choisi pour continuer la lignée du Messie, et son trône a été désigné comme le trône du Messie, le trône éternel. Pourquoi le privilège d’un si grand dessein a-t-il été accordé à David et non à Saül ? Simplement parce que David a choisi le chemin de la foi et de l’obéissance, au contraire de Saül. Alors que Saül et David avaient tous deux été choisis par Dieu, seul David a choisi Dieu. David a embrassé les bénédictions et les responsabilités auxquelles le Seigneur l’avait appelé. Saül aurait pu faire un choix similaire et aurait pu bénéficier de la plénitude de la bénédiction du Seigneur, car nous lisons que le Seigneur « aurait affermi pour toujours [son] règne sur Israël » (1 Sam 13.13). Bien au contraire, Saül « a rejeté la parole de l’Éternel » et a donc été rejeté par le Seigneur (1 Sam 15.23).
Dans tout cela, nous voyons clairement que les élections de David, de Moïse, du Messie et d’Israël ont comporté chacune un but précis et un privilège, en incluant la responsabilité d’une mission et d’un témoignage et la bénédiction associée à la position et à la puissance.

Tableau de synthèse de l’utilisation du mot hébreu « bachiyr »

Référence Mot français Qui est élu ? Élection individuelle ou collective Élu/s pour quoi ?
Ps 89.4 Mon élu David Individuelle Pour être roi et appartenir à la lignée messianique
Ps 105.6 Ses élus La nation d’Israël Collective Pour être serviteur de Dieu
Ps 105.43 Ses élus La nation d’Israël Collective Pour recevoir des possessions, des bénédictions et un héritage
Ps 106.5 Tes élus La nation d’Israël Collective Pour recevoir des possessions, des bénédictions et un héritage
Ps 106.23 Son élu Moïse Individuelle Pour être le conducteur du peuple, un médiateur entre Dieu et son peuple
2 Sam 21.6 L’élu de l’Éternel Saül Individuelle Pour être roi
És 42.1 Mon élu Le Messie Individuelle Pour apporter le salut aux nations
És 43.20 Mon élu La nation d’Israël Collective Pour publier mes louanges
És 45.4 Mon élu La nation d’Israël Collective Pour être serviteur de Dieu
És 65.9 Mes élus Israël restauré Collective Pour recevoir des bénédictions futures
És 65.15 Mes élus Israël restauré Collective Pour recevoir des bénédictions futures
És 65.22 Mes élus Israël restauré Collective Pour recevoir des bénédictions futures
1 Chr 16.13 Ses élus La nation d’Israël Collective Pour être serviteur de Dieu

L’article ci-dessous est un condensé d’un chapitre de son livre « Programmé par Dieu ou libre de choisir ? », Les Éditions l’Oasis.

La Bible ne présente pas la prédestination comme un « mystère ». Dans les passages où figurent les mots « destinés » ou « prédestinés », il n’est pas question d’individus sauvés pour le ciel ou condamnés à l’enfer.
Dans Romains 8.29-30 nous lisons : « Car ceux qu’il a connus d’avance, il les a aussi prédestinés à être semblables à l’image de son fils, afin que son fils soit le premier-né de beaucoup de frères. Et ceux qu’il a prédestinés, il les a aussi appelés ; et ceux qu’il a appelés, il les a aussi justifiés ; et ceux qu’il a justifiés, il les a aussi glorifiés. »
Ce texte s’applique de façon collective à la multitude de ceux qui croiront en son nom. Dieu a prévu que les croyants deviendront frères et sœurs de Jésus par adoption et lui ressembleront de plus en plus. Pour montrer que Calvin n’a pas toujours suivi la pensée d’Augustin concernant la vraie signification de la prédestination, voici ce que Calvin écrit dans son commentaire sur Romains 8.29 :
« L’autre mot grec [proorizo] mis ici, qu’on traduit communément prédestiner, se rapporte à la circonstance du présent passage. Car St-Paul entend seulement que Dieu a ainsi déterminé et ordonné que tous ceux qu’il a adoptés, autant qu’ils sont, porteraient l’image du Christ. Au reste, il n’a pas dit simplement à être conformes à Christ, mais à l’image de Christ, afin de montrer qu’en Christ est le patron dépeint au vif, qui est proposé pour imitation à tous les enfants de Dieu. Voici maintenant le sommaire de ceci : que l’adoption gratuite, en laquelle consiste notre salut, ne peut être séparée de cet autre décret et arrêt qui nous a assujettis à porter la croix, parce que nul ne peut être héritier des cieux, sans qu’auparavant il ait été fait conforme au fils unique de Dieu. »
Remarquons qu’ici, à propos de la prédestination, Calvin met l’accent où il le faut, c’est-à-dire sur la nature et la qualité de la vie chrétienne, et non sur le premier pas dans cette vie. Que dire de cette déclaration : « En lui Dieu nous a élus avant la fondation du monde, pour que nous soyons saints et irréprochables devant lui ; il nous a prédestinés dans son amour à être ses enfants d’adoption par Jésus-Christ, selon le bon plaisir de sa volonté » ? (Éph 1.4-5)
L’apôtre dit qu’avant la fondation du monde, Dieu avait décidé que le salut s’opérerait en Jésus et par lui et qu’il se caractériserait par une vie d’amour et de sainteté pratiques. L’accent porte avant tout sur la qualité de la relation et sur la nécessité de mener une vie sainte en tant qu’enfants d’adoption dans sa famille, et non en tant qu’esclaves. La même pensée se trouve dans Éphésiens 1.11-12 : « En lui nous sommes aussi devenus héritiers, ayant été prédestinés suivant la résolution de celui qui opère toutes choses d’après le conseil de sa volonté, afin que nous servions à la louange de sa gloire, nous qui d’avance avons espéré en Christ. »
Puisque Dieu veut que personne ne périsse, il est bien entendu que l’expression « toutes choses » inclut sa résolution souveraine de préserver une authentique liberté de choix de l’être humain et de responsabilité à l’égard de tout péché connu. Ces passages révèlent qu’avant le commencement du temps, Dieu a prévu les moyens de nous faire entrer dans cet héritage merveilleux. Ils nous seront accordés par Jésus-Christ, et tous ceux qui décident de croire en lui deviennent par sa grâce frères et sœurs de Jésus ; des enfants d’adoption, et non des esclaves. Dès à présent, nous devons vivre à la louange de sa gloire au lieu de vivre pour nous-mêmes, et lui ressembler chaque jour davantage.
La prédestination ne précise pas qui est destiné à devenir chrétien, mais ce que le chrétien est destiné à devenir.
Du temps de Paul, un homme réduit à l’esclavage pouvait retrouver la liberté par une décision de clémence du pouvoir en place. Il n’était alors plus la propriété de qui que ce soit, et il aurait de nouveau ultérieurement pu redevenir esclave. Une personne pouvait également redevenir libre grâce à la rançon payée par une autre. Elle était délivrée de l’esclavage, sans être pour autant adoptée dans la famille de son bienfaiteur. Dans le meilleur des cas, le bienfaiteur achetait la liberté de l’esclave et l’accueillait non comme esclave, mais comme un membre à part entière de la famille. L’individu en question était alors à la fois libéré, sauvé et adopté.
Dieu ne nous a pas prédestinés en tant qu’individus à la rédemption ou à la condamnation, mais dans sa grâce et son amour immense, il a décidé que si nous acceptions son offre miséricordieuse, il ne nous sauverait pas seulement de nos péchés, mais qu’il nous adopterait de plus dans sa famille. Quelle plénitude de vie de résurrection nous avons en Christ ! En Romains 8.15, Paul rappelle que nous avons reçu un Esprit qui fait de nous non des esclaves, mais des fils et des filles d’adoption du Roi des rois.
La prédestination indique le but, le destin que Dieu a fixé, avant le commencement du temps, pour ceux qui croient en lui.
Remarquons que cette adoption est envisagée sous l’angle du futur en Romains 8.23 : « Et ce n’est pas elle seulement ; mais nous aussi, qui avons les prémices de l’Esprit, nous soupirons en nous-mêmes, en attendant l’adoption, la rédemption de notre corps. » Nous jouissons dès à présent et ici-bas des bienfaits de la délivrance garantie du pouvoir du péché, mais l’entrée en pleine jouissance de l’héritage de l’adoption doit encore attendre la résurrection de notre corps glorifié et le bannissement définitif du péché. C’est un indice supplémentaire que le salut et l’adoption ne sont pas la même chose.
1 Jean 3.1 indique l’essence de la prédestination : « Voyez quel amour le Père nous a témoigné, pour que nous soyons appelés enfants de Dieu ! » Nous sommes héritiers du royaume parce que nous sommes ses enfants, et pas simplement ses esclaves. « Or, si nous sommes enfants, nous sommes aussi héritiers : héritiers de Dieu, et cohéritiers de Christ, si toutefois nous souffrons avec lui, afin d’être glorifiés avec lui » (Rom 8.17). Dieu souhaite que nous devenions des membres à part entière de sa famille, et héritiers de toutes ses richesses par Jésus-Christ : « Ainsi tu n’es plus esclave, mais fils ; et si tu es fils, tu es aussi héritier par la grâce de Dieu » (Gal 4.7).
Par conséquent notre objectif fixé d’avance ne concerne pas l’œuvre par laquelle Dieu nous sauve, mais celle par laquelle nous devenons frères et sœurs de Jésus, transformés à sa ressemblance et vivant pour sa gloire. Si la prédestination ne se réfère pas aux individus particuliers que Dieu a décidé de sauver, l’un de ses buts est d’encourager les chrétiens par l’assurance que le but fixé est la ressemblance à Jésus-Christ. Celui qui est l’auteur de notre foi est également celui qui la mène à la perfection (Héb 12.2). Dieu nous donne ainsi l’assurance qu’un jour nous lui ressemblerons lorsque nous le verrons face à face, quand bien même aujourd’hui nous nous sentons bien imparfaits spirituellement. « Bien-aimés, nous sommes maintenant enfants de Dieu, et ce que nous serons n’a pas encore été manifesté ; mais nous savons que, lorsqu’il paraîtra, nous serons semblables à lui, parce que nous le verrons tel qu’il est » (1 Jean 3.2).
Dieu a fixé dès avant la fondation du monde la nature, le but, la qualité et la destinée véritables de la vie chrétienne authentique.
Le secret est éventé ! Il ne peut y avoir aucun doute ! Nous sommes tous invités à faire partie de la maisonnée de Dieu, non comme des serviteurs, mais comme des frères et des sœurs de Jésus. D’autres facettes de la rédemption sont peut-être encore cachées à nos yeux, mais le fondement solide central sur lequel nous pouvons tous nous édifier mutuellement est le fait immanquable suivant : nous pouvons tous être marqués par une sainteté attrayante grâce à l’œuvre rédemptrice de Christ en notre faveur.

 


« Toutes choses travaillent ensemble pour le bien de ceux qui aiment Dieu, de ceux qui sont appelés selon son propos. Car ceux qu’il a préconnus, il les a aussi prédestinés à être conformes à l’image de son Fils, pour qu’il soit premier-né entre plusieurs frères. Et ceux qu’il a prédestinés, il les a aussi appelés ; et ceux qu’il a appelés, il les a aussi justifiés ; et ceux qu’il a justifiés, il les a aussi glorifiés. »  (Rom 8.28-30, Darby)

Introduction historique

Depuis les débuts de l’histoire de l’Église, la question de la conciliation de la souveraineté de Dieu et de la liberté humaine se pose et donne lieu à de nombreuses interprétations. Pour parler du salut, les auteurs bibliques parlent à la fois de prédestination, de choix divin mais aussi de la responsabilité des hommes à ne pas s’endurcir et à s’engager dans la vie chrétienne. Les passages en question font souvent la part belle à l’une ou l’autre des perspectives, selon le contexte, et peuvent donner l’impression que l’apôtre Paul (qui est le seul à utiliser le terme de prédestination avec Luc) ne cherche pas à harmoniser ces deux réalités. Certains pensent que la souveraineté divine et le libre-arbitre se situent sur deux plans différents, comme le Christ est à la fois pleinement Dieu et pleinement homme, et qu’on ne peut concilier intellectuellement ces deux réalités. Ces aspects du salut seraient comme deux droites parallèles qui ne se rencontrent pas. Mais Paul semble réussir à concilier pleinement les deux aspects ; n’a-t-il pas laissé un indice permettant de les relier ?
C’est avec Augustin, père de l’Église très influent du IVe siècle, que la controverse va prendre de l’importance et une tournure philosophique autant que théologique. Dans ses polémiques avec les manichéens, il affirme d’abord haut et fort le libre-arbitre humain comme principale cause du péché et du mal. Puis, dans sa célèbre controverse avec le moine Pélage, qui nie la doctrine du péché originel et affirme que l’homme peut faire de lui-même les bons choix pour arriver au salut, il va développer sa doctrine de la prédestination qui semble ne plus laisser aucune place au libre-arbitre humain. Pélage va être condamné par l’Église, mais pour autant la doctrine de la prédestination inconditionnelle d’Augustin ne sera pas véritablement ratifiée comme un dogme de l’Église (jusqu’à aujourd’hui, ce point fait débat dans l’église catholique comme chez les protestants).On remarque que, dans les contextes de forte polémique, les discours se durcissent et que ce n’est pas toujours là qu’on trouve la vision la plus équilibrée sur une question. Au moment de la Réforme, on se retrouve dans une situation similaire : l’hérésie du salut par les œuvres et du commerce des indulgences doit être enrayée. Luther (moine de l’ordre augustinien) puis Calvin vont s’approprier la vision augustinienne de la prédestination, comme condition sine qua non du salut par la grâce seule, sans aucun mérite de l’homme. Calvin fait même un pas de plus en assumant pleinement le côté négatif associé au choix divin et parlera de double prédestination : les uns sont choisis pour la vie, les autres destinés à la mort, selon le bon plaisir divin.[note]Institution de la Religion Chrétienne, Jean Calvin ; livre 3, chapitre 21 : « De l’élection éternelle : par laquelle Dieu en a prédestiné les uns à salut, et les autres à condamnation. »[/note]
Dès les débuts de la Réforme protestante, Érasme (qui restera du côté catholique) va remettre en cause cette vision en polémiquant avec Luther. Mélanchton, le grand théologien et ami de Luther, d’abord fervent défenseur de la vision augustinienne, va progressivement nuancer son propos jusqu’à redonner à l’homme une véritable responsabilité face à la souveraineté divine. Un peu plus tard, Arminius, disciple réputé de Calvin, suivra le même chemin.
Ainsi, nous aborderons un des nœuds de la question sur laquelle l’interprétation des réformateurs diverge. La prédestination divine est-elle inconditionnelle, comme l’affirment Luther et Calvin ? Ou bien la prédestination est-elle conditionnée par la prescience divine de l’acceptation ou du rejet de la foi ? C’est ce que défendent Mélanchton et Arminius. On appelle souvent la première position « calviniste » ou « réformée », et la deuxième position « arminienne » ou « wesleyenne » (en référence à Jacobus Arminius puis John Wesley qui ont soutenu ces interprétations).
Nous nous concentrerons donc principalement sur l’articulation entre les concepts de prédestination et de prescience dans la Bible.

Les références à la prédestination

Le mot « prédestiné » correspond dans le grec à « proorizo », qui est composé de « pro » (avant) et « orizo » (marquer les frontières ou limites / déterminer, décréter, cf. Luc 22.22).Ce sujet a fait couler beaucoup d’encre, et pourtant ce mot n’apparaît que six fois dans la Bible :

• Deux fois, il concerne directement le conseil divin éternel (ou décret) d’envoyer Jésus pour notre salut (Act 4.28 ; 1 Cor 2.7)
• Quatre fois, cela concerne les chrétiens directement. Cette notion est alors rattachée à la préconnaissance divine dans les deux premiers versets, et à Jésus Christ dans les quatre versets. Aucune mention d’une prédestination négative (réprobation) dans ces passages (Rom 8.29,30 ; Éph 1.5,11).

Le terme de prédestination est souvent utilisé comme synonyme du mot élection (« ekloge » en grec) qu’on retrouve sept fois dans le Nouveau Testament et du verbe associé « eklegomai » (dix-neuf mentions). Il faut cependant être très prudent et les replacer dans leur contexte, car ces termes ne sont pas toujours relatifs au salut individuel des hommes. Par exemple, Judas a été « choisi » par Jésus (Jean 6.70). De même l’élection d’Israël ne peut pas être comprise comme la parfaite analogie de la prédestination au salut des hommes, car c’est d’abord une vocation temporelle (le peuple « lumière des nations » duquel devait sortir le Sauveur). Nous ne détaillerons pas ici tous les emplois de ces mots.

Les références à la prescience ou préconnaissance

Ces termes n’apparaissent que sept fois dans le Nouveau Testament :

  • Le terme « prognosis » n’apparaît que deux fois. La première fois en Act 2.23 à propos du salut en Jésus et la deuxième en 1 Pi 1.2 à propos des élus. Nous comparerons ces deux passages plus loin.
  • Le terme « proginosko » apparaît cinq fois dans la Bible. Trois fois il concerne indubitablement une simple connaissance de fait à l’avance (Act 26.5 ; Rom 11.2 ; 2 Pi 3.17), une fois il concerne Jésus (1 Pi 1.20) et une fois les croyants (Rom 8.29).

La définition qu’on donne au mot proginosko influe grandement sur l’interprétation des textes. La position calviniste donne à ce mot un sens uniquement relationnel et électif. Si tel est le cas, alors il peut être pris comme synonyme du mot « prédestiné » dans cette position (ce qui rend le développement de l’apôtre en Rom 8.28 redondant). Le choix des élus serait alors arbitraire, ayant son fondement mystérieux en Dieu qui ne ferait nullement appel à son omniscience. La position de Frédéric Godet, théologien et exégète du XIXe siècle, me paraît la plus équilibrée :
« Il n’y aura donc rien d’arbitraire dans le décret de la volonté divine, dont Paul parle dans ce passage : car il repose sur un acte d’intelligence. C’est un décret dicté par la sagesse divine, non un pur acte d’amour. L’amour non fondé sur une connaissance ne serait pas même de l’amour ; ce ne serait qu’une simple attraction instinctive, dont l’idée est indigne de Dieu.  Sur quoi porte cette préconnaissance ? Serait-ce uniquement sur la future personnalité des élus, indépendamment de toute qualification morale de leur personne ? Cette réponse nous ramènerait à l’arbitraire du bon plaisir que Paul lui-même veut écarter.»[note]» [/note]

 L’articulation entre la prescience et la prédestination

Étudions maintenant le rapport qui existe entre la prédestination et la prescience divine par les textes bibliques :

  • Actes 2.23 : « ayant été livré par le conseil défini (grec : boule orizo) et par la préconnaissance de Dieu, – lui [Jésus], vous l’avez cloué à une croix. »

Pour Jésus, le conseil défini, autrement dit le décret déterminé d’éternité par Dieu, est logiquement placé avant la prescience de Dieu. En d’autres termes, Dieu détermine d’abord le moyen de notre salut en Jésus, et il sait d’avance que les hommes le rejetteront et permettront l’exécution du plan par leur méchanceté.
Observons maintenant les deux versets qui concernent les croyants :

  • Rom 8.29 « Car ceux qu’il a préconnus, il les a aussi prédestinés »
  • 1 Pi 1.2 : « élus selon la préconnaissance de Dieu le Père »

Pour les élus c’est l’inverse, Dieu connaît d’avance quelque chose qui n’est pas nommé ici, ce qui conduit à les élire (ou choisir). Cette préconnaissance de quelque chose est la seule explication biblique qui nous est donnée pour éclairer le choix des élus par Dieu. Quelle pourrait donc être cette raison sur laquelle Dieu s’appuie pour faire un choix éclairé et non arbitraire ? Serait-ce la prescience des éventuelles bonnes œuvres futures des hommes ? Non, car « nulle chair ne sera justifiée devant lui par des œuvres » (Rom 3.20). Que reste-t-il qui nous relie à Jésus (puisque nous sommes choisis en lui d’après Éph 1) et qui ne soit pas basé sur les œuvres ? La foi, évidemment. La foi est le moyen par lequel Dieu veut mettre en œuvre son plan de salut (Phil 3.9). S’il est vrai que la foi n’est pas directement nommée en 1 Pi 1.2 par l’apôtre, elle est le thème central des versets suivants (1 Pi 1.5 à 13). En conclusion, il y a bien un déterminisme, un choix divin, de sauver des individus mais ce choix est éclairé par sa préconnaissance de la foi de chaque individu, que Dieu contemple car Il est hors du temps.

La foi : un don de Dieu ?

La foi (grec : pistis) revient à deux cent vingt-huit reprises dans le Nouveau Testament ! Le concept désigné par ce mot est donc plus difficile à cerner car son usage est large.
Pour éviter tout mérite à l’homme, la position réformée affirme que la foi est un pur don de Dieu, et qu’elle n’est donnée qu’aux élus. Ce décret devrait alors se formuler ainsi selon Godet : « Toi tu croiras ; toi, tu ne croiras pas » alors qu’il propose une formulation bien plus biblique « Tu adhères par la foi à celui que je te donne pour Sauveur ; il t’appartiendra donc tout entier, et je ne te laisserai point que je ne t’aie rendu parfaitement semblable à Lui, l’homme-Dieu. »
Godet conclue ainsi : « Non seulement donc, dans la pensée de saint Paul, la pleine liberté humaine dans l’acte de croire n’est pas exclue, mais elle y est même impliquée. Car elle seule motive la distinction clairement établie entre les deux actes divins de la préconnaissance et de la prédestination. »
Rien n’indique dans les passages que nous avons étudiés une telle prédétermination de la foi chez les individus. Le verset souvent avancé pour justifier cette vision du don de la foi est celui d’Ephésiens 2.8,9. Nous citerons une partie de la réponse du théologien contemporain Egbert Egberts :
« Qu’est-ce qui est le don de Dieu, la foi, ou le fait que Dieu sauve par le moyen de la foi ?  Le « cela » ne correspond pas forcément à la foi, mais s’explique mieux pour l’ensemble de la phrase qui précède. Si Paul avait voulu rendre très clair qu’il parlait de la foi comme étant le don de Dieu, il se serait servi du pronom démonstratif féminin. Le pronom neutre, traduit par « et cela », qu’il utilise, a un sens correspondant à notre « et tout ça ». La foi deviendrait alors une œuvre ? À Dieu ne plaise ! La foi est l’opposé même des œuvres au verset 9. Si cela venait de nous, et donc de nos œuvres, nous aurions de quoi nous vanter ? Mais il n’y a aucune raison de se vanter, car le salut que l’on reçoit par la foi est un don de Dieu. [note] Une « tulipe » peu ordinaire, Le Calvinisme en question, Egbert Egberts, Editions l’Oasis, 2016[/note]»
Un deuxième problème de la vision de la foi comme un pur don divin est le retournement du concept de la foi exposé dans la Bible. Dans la vision calviniste, la régénération (nouvelle naissance) est nécessaire pour qu’un homme puisse avoir la foi. La foi devient une sorte de moyen second alors que le travail divin a déjà été entièrement accompli en l’homme. La Bible montre au contraire que la foi précède la régénération comme l’expliquait très bien Paul-André Dubois,[note]La nouvelle naissance précède-t-elle la foi ?, Paul-André Dubois, Promesses, 2011[/note].
Nous ne pourrons pas détailler ici tous les aspects de la foi biblique, mais il semble parfaitement biblique d’admettre une coopération entre Dieu qui fait naître la foi, la fortifie et l’homme qui y obéit ou la rejette (Rom 1.5 ; 1 Tim 4.1 ; 6.10 ; Héb 3.19 ; 4.2, etc.). Nous pensons que c’est cette possibilité qui fonde une véritable responsabilité humaine. Sinon, comment Jésus, sachant que Dieu n’a pas voulu donner la foi à certains, pourrait-il affirmer : « Celui qui croit en lui n’est pas jugé, mais celui qui ne croit pas est déjà jugé, parce qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu. » (Jean 3.18) Jean Chrysostome l’exprimait ainsi : « Dieu attire celui qui veut être attiré. »

Conclusion

Si l’on ne veut pas admettre que Dieu prédestine selon la prescience de la foi des hommes mais que ce choix trouve sa source en Dieu seul, sans faire appel à son omniscience, on tombe inéluctablement dans le concept de double prédestination. Certains tenteront, de manière louable, d’amoindrir et de dissymétriser l’élection positive et la damnation, mais Calvin lui-même parlait assez durement de ces personnes dans son Institution de la Religion Chrétienne, où il affirme haut et fort la symétrie évidente de ces choix. En effet, si Dieu choisit de donner la foi à certains, qu’il n’est empêché par rien de donner cette foi aux autres mais ne le fait pas, les deux choix vont naturellement de pair comme l’affirme Calvin. Le réformateur exhorte alors à arrêter toute enquête pour comprendre ce choix et à l’accepter simplement.  Certes, Dieu serait juste même s’il agissait ainsi, car tous ont péché et méritent la mort. Cependant, ne serait-ce pas une auto-limitation importante de sa miséricorde ? Pour quelle raison ne sauverait-il pas tout le monde ? Le sacrifice de Jésus ne serait pas suffisant pour la propitiation de tous les hommes ? Dieu ne veut-il pas que tous les hommes soient sauvés ? (1 Tim 2.4) N’est-il pas le sauveur du monde (Jean 4.42), de tous les hommes, et en particulier des croyants (1 Tim 4.10) ? [note]La position calviniste tente d’échapper à ces objections en limitant la portée du mot ‘tous’ en le définissant comme « tous les genres d’hommes » à la suite d’Augustin. Plusieurs, comme le pasteur John Piper, imaginent deux volontés distinctes en Dieu, qui voudrait et ne voudrait pas sauver tous les hommes sous différents aspects. Pour une réponse détaillée à ces objections, consulter par exemple le livre d’Egbert Egberts déjà mentionné.[/note]
On voit bien que la réprobation ne doit être fondée que sur la responsabilité humaine. Ce n’est que cette responsabilité pleine et entière, et non un décret hypothétique de réprobation qui peut expliquer que tous ne soient pas sauvés si l’on ne veut pas tordre les versets qui montrent que la grâce de Dieu n’est pas un cadeau privé, réservé à des privilégiés.
Deux visions de Dieu s’opposent alors. Du côté calviniste, Dieu contrôle et décrète tout ce qui arrive, dans les moindres détails. Cela donne l’impression qu’il auto-limite son amour aux seuls élus pour faire éclater sa gloire et montrer qu’il n’est pas obligé d’accorder son pardon à tout le monde. Dans une vision arminienne, Dieu semble auto-limiter sa souveraineté par amour, il attire l’homme tout en lui laissant le moyen de le rejeter. Par sa prescience, il reste cependant parfaitement au contrôle du monde et de son plan.
Enfin, un des problèmes principaux de la vision calviniste soulevé par Arminius est celui de l’origine du mal. Dans la vision calviniste, Dieu détermine et décrète tous les évènements. Le mal, chaque péché et même la chute de l’homme ont été décrétés par Dieu. Pour Arminius, cela fait de Dieu l’auteur du mal, car la chute n’est pas seulement permise et prévue avec ses conséquences, mais voulue et décrétée. Une cohabitation est heureusement possible malgré ces divergences. Il faut se rappeler que les motivations de ces deux interprétations sont bonnes. La vision calviniste cherche à garantir la souveraineté et la gloire de Dieu, et ne cherche pas en général à faire de Dieu l’auteur du mal. La vision arminienne cherche à accentuer l’amour universel de Dieu pour les hommes, elle ne cherche pas à accorder un quelconque mérite à l’homme mais plutôt à le responsabiliser pleinement dans son rejet de Dieu.
Pour finir, rappelons-nous que la doctrine de la prédestination doit rester source d’encouragements, d’assurance et non de doute. Nous pouvons louer Dieu de nous avoir prédestiné à un tel avenir glorieux en Christ.


Augustin, Luther, Calvin, de Bèze… Arminius : autant de serviteurs de Dieu remarquablement consacrés et attachés à l’Écriture, de défenseurs de la gloire de Dieu, mais autant d’hommes vulnérables que les attaques incessantes de l’Ennemi jetèrent parfois dans de pénibles désaccords touchant des articles essentiels de la foi chrétienne. Nous essayerons ici de rappeler comment a germé l’une de ces pommes de discorde, celle de la prédestination. Nous nous pencherons ensuite sur les objections bibliques que le nommé Arminius a soulevées à l’égard de cet enseignement.

Un peu d’histoire

Transportons-nous au IVe siècle après J-C. Avant sa conversion, l’influent évêque d’Hippone, Augustin, avait adhéré à des religions et philosophies païennes[note]Le stoïcisme, le néoplatonisme et le gnosticisme manichéen.[/note]  qui avaient un point commun : la croyance en un ordre déterministe (voire fataliste) du monde, et en une libre volonté très diminuée. Lorsque, devenu chrétien, Augustin constate que l’Évangile subit l’assaut de faux docteurs, il se mue en apologète passionné. C’est ainsi qu’il s’oppose à un certain Pélage qui enseignait que l’être humain est bon par nature et que c’est l’imitation qui le corrompt. Selon Pélage, l’homme est capable et responsable de choisir librement de bien faire, de vivre saintement selon les commandements de Dieu et d’obtenir ainsi son salut. Entre 387 et 395, pour contrer Pélage et les manichéens, Augustin rédige son De libero arbitrio, un ouvrage qui établit que le libre choix de la volonté est réel, mais que depuis la Chute, « nous faisons le mal par le libre arbitre de la volonté » sans que Dieu puisse être tenu pour l’auteur du mal.[note]De libero arbitrio, Livre 1, chap.16[/note]  Dès 412, Augustin durcit ses arguments contre Pélage. Il insiste sur le péché qui affecte tragiquement tout homme dès sa conception, caractérisant cet état de péché originel. Il alourdit cette doctrine des concepts déterministes mentionnés plus haut[note]À ce sujet, l’ouvrage de Ken Wilson : The Foundation of Augustinian-Calvinism (Regula Fidei Press, 2019) apporte une compréhension nouvelle de la genèse de la prédestination augustinienne.[/note]    et en forge le dogme de la prédestination : Dieu a décidé que des pécheurs seraient sauvés (les élus) et d’autres perdus, sans aucune considération des œuvres futures des uns ou des autres, ni même de leur foi. Désormais, l’évêque professe que le « libre arbitre » de la volonté n’est pas libre, car l’homme naturel ne peut que tendre vers le mal. La possibilité d’adhérer spontanément à la cause de Dieu est exclue.

Pendant le millénaire qui suit, le libre arbitre sera cependant peu à peu réhabilité (Pierre Lombard, Thomas d’Aquin), mais très diversement compris.[note]Calvin le rappelle bien : Institution de la Religion chrétienne, Livre 2, chap. 2, § 4.[/note]  Le débat revient sur le devant de la scène avec Érasme, qui défend subtilement le libre arbitre, et avec Luther, qui le réfute. Du côté protestant, Calvin, puis Théodore de Bèze, pensent trouver dans la prédestination augustinienne une alliée de choix contre un libre arbitre surdimensionné, tel que le conçoivent les humanistes ou les catholiques.[note]Cf. Calvin, op. cit. Livre 3, chap. 21, § 5[/note]  Selon ces réformateurs, c’est une intervention divine qui opère la conversion de l’élu, puis donne la capacité de croire et une volonté restaurée en vue de l’obéissance à Dieu et de la communion avec lui.[note]Interprétation confirmée par les Canons de Dordrecht, Art. 3-4, § 10 et ss[/note]   Dans son Commentaire sur l’Évangile de Jean (Jean 1.13), Calvin déclare : « La foi ne provient point de nous, mais c’est un fruit de la régénération spirituelle… La foi est donc un don céleste… La foi découle de la régénération comme d’une fontaine. »

Arminius

Entre 1582 et 1586, un jeune et brillant théologien hollandais séjourne deux fois à Genève et se forme sous l’égide de Théodore de Bèze, successeur de Calvin, encore plus radical que ce dernier à propos de la prédestination.[note]Th. de Bèze défendait une prédestination supralapsaire, que le Synode de Dordt va entériner au siècle suivant. Celle-ci se résume ainsi : Dieu, sans tenir compte des bonnes ou mauvaises œuvres des hommes, a résolu, par un décret éternel antérieur à la chute d’Adam, de sauver les uns et de damner les autres.  [/note]   Cet étudiant remarqué par ses professeurs pour sa piété et pour ses aptitudes adhère largement à la théologie de Calvin. Au cours des années qui suivront, il continue à approfondir sa connaissance de la Bible, tout en élargissant le champ de ses études à la littérature théologique de son temps : « Pères » de l’église, surtout Augustin dans sa période initiale ; les docteurs catholiques ; et bien sûr, les Réformateurs. Il est familier des subtilités de la scolastique. Bref, il ressemble à beaucoup d’autres Réformateurs par sa culture et par ses pratiques exégétiques. Il partage aussi largement leurs convictions.

Mais voilà : estimant que la prédestination calviniste fait de Dieu l’auteur du mal[note]Arminius savait que Calvin refusait catégoriquement de voir en Dieu l’auteur du mal, mais il trouvait que la doctrine de la prédestination rendait la position de Calvin indéfendable. [/note]  et trouvant étrange que le pécheur soit tenu pour responsable de refuser la grâce alors même qu’il ne peut vouloir l’accepter, Arminius va être entraîné dans d’âpres controverses. Ses activités de prédicateur, de pasteur et de professeur de théologie (Amsterdam, Leyden) lui assurent la solide estime de beaucoup, mais les adversaires réformés ne manquent pas. Les plus acharnés d’entre eux, comme Plancius, Kuchlinus et Gomarus, vont l’accuser tour à tour de pélagianisme, d’affinités avec le catholicisme ou avec le molinisme.[note]Le jésuite Molina (1535-1601) défendait le libre arbitre et une prédestination arrêtée selon les mérites de l’homme. [/note]
Arminius meurt de la tuberculose en 1609, âgé d’à peine 50 ans. Trois mois plus tard, ses partisans publient ce qu’ils estiment être la réponse biblique à la question : Comment parvient-on au salut ? Ce sont les Cinq Articles des Remontrants, auxquels les autorités politiques et religieuses calvinistes répondront par les Canons du Synode de Dordt (achevé en 1619) et par des persécutions. Comparons ces fameux textes.

Doctrines relatives à
la souveraineté de Dieu et à la responsabilité humaine dans l’œuvre du salut individuel
Arminianisme classique

Condensé des Cinq Articles des Remontrants (1610)

 

Calvinisme strict[note]Les Cinq points du Synode de Dordt radicalisent la théologie de Calvin. Ils entraîneront une focalisation des controverses sur ces doctrines, ainsi que des dissidences dans le monde protestant. Au sein même des courants arminiens et calvinistes, des litiges surgiront entre modérés et puristes.[/note]

Condensé des Canons du Synode de Dordt (1619, dans l’ordre de l’acrostiche TULIP formé par les premières lettres de chaque article en anglais)

Le péché originel
et
la volonté humaine
Question sous-jacente : depuis la Chute, l’homme a-t-il encore un libre-arbitre, une volonté capable de choisir Dieu ?
La corruption totale

 

L’être humain, entièrement corrompu à cause du péché originel, ne peut se sauver lui-même. Sa volonté (sa capacité autonome de décision) est esclave du péché, comme toutes ses autres facultés.

Seule l’action du Saint Esprit et de la Parole, prédisposant le pécheur à la repentance et à la foi, peuvent le convaincre de se tourner librement vers Dieu, le régénérer et donner à sa volonté la capacité d’obéir à Dieu.

1. La corruption totale

(Total depravity)

Idem pour le premier §

 

 

 

 

La régénération, puis la conversion donnent à la volonté la capacité de croire en Dieu et de choisir de lui obéir.

L’élection L’élection conditionnelle 

 

Dieu a décidé de toute éternité de sauver tous ceux qui croiront en Jésus-Christ pour lui obéir : leur élection est scellée par leur foi.

Dieu a aussi décidé que tous ceux qui ne croiront pas demeureront sous son jugement.

2. L’élection inconditionnelle 

(Unconditional election)

Dieu a déterminé de toute éternité de sauver des pécheurs (les élus) et de maintenir tous les autres (les réprouvés) dans leur état de perdition.

C’est la doctrine de la (double) prédestination.

L’expiation
et
la justification
L’expiation pour tous 

 

Christ est mort pour tous.

Quiconque croit en Christ pour son salut reçoit le pardon de ses péchés et la justification.

3. L’expiation limitée 

(Limited atonement)

Jésus est mort à la croix pour expier les péchés des seuls élus.

La justification est accordée en raison de la foi qu’ils ont reçue.

La grâce
et
la conversion
La grâce résistible

 

Lorsque l’Esprit et la Parole ont convaincu le pécheur de se repentir et de se convertir à Christ, sa volonté est rendue capable et responsable d’un libre choix : accepter ou refuser la grâce.

Une résistance persistante mène à la perdition éternelle.

4. La grâce irrésistible 

(Irresistible grace)

La régénération, puis la conversion sont l’œuvre de la grâce irrésistible réservée aux élus.

La régénération et la conversion précèdent la foi.

La persévérance dans la foi
et
l’apostasie
La persévérance possible

 

Dieu donne au croyant tous les moyens pour vivre par la foi et ne pas douter de son salut.

En 1610, les Remontrants ne prennent pas position quant à l’éventualité d’une apostasie qui mènerait à la perte du salut. Cette possibilité sera plus tard admise par certains arminiens.

5. La persévérance des saints 

(Perseverance of the saints)

Par décision divine, les élus persévéreront dans leur fidélité à Christ jusqu’à la fin.

Ceux qui renient la foi ne font pas partie des élus : ils ne sont pas nés de nouveau.

À première vue, le survol de ces deux positions fait apparaître des points d’accord, qui seraient nettement plus nombreux si l’on comparait l’ensemble des commentaires théologiques des deux Réformateurs. Mais les désaccords restent importants.

Évaluation des Canons de Dordt

Les Canons de Dordt furent-ils la bonne réponse à la compréhension arminienne de l’Écriture ?  Résumons les positions d’Arminius en gardant à l’esprit chacun des points du Synode de Dordt.[note]Je m’inspire des travaux de Roger Liebi. Je le remercie de son autorisation. Voir (en allemand) : https://www.rogerliebi.media/mp4/BST-%20Bestätigt%20oder%20widerlegt%20Röm%209-11%20den%20Calvinismus.doc.pdf[/note]

1. La corruption totale

Arminiens et calvinistes la comprennent de la même manière (cf. Éph 2.1-3 ; Rom 3.9-12 ; 5.12). Cependant, les Remontrants divergent quant aux implications. Ils soulignent que :
– Dieu a tout engagé pour conduire tous les hommes à la repentance et au salut (1 Tim 2.1-4 ; 2 Pi 3.9 ; Tite 2.11 ; 2 Cor 5.19).
– Dieu veut sauver (Rom 10.17-20). Il invite à venir à lui.
– Pour autant, le pécheur peut ne rien vouloir de cet appel (Mat 23.37 ; Rom 2.4ss ; Rom 10.16,21) C’est donc la réponse du pécheur qui fait la différence, non uniquement le fait d’être éclairé par la Parole et par l’Esprit quand Dieu appelle à croire en Christ.

2. L’élection inconditionnelle

Selon Arminius, la prescience de Dieu (sa connaissance de tout événement présent ou futur) lui confère de savoir de toute éternité qui accédera au statut d’élu(e) en Christ (1 Pi 1.2). Mais cette prescience inclut la réponse, positive ou négative, du pécheur à l’offre de la grâce. Et cette réponse confirme l’élection en Christ, ou la retire (cf. Luc 7.30).
La prédestination et l’élection auxquelles il est fait référence en Éphésiens 1 et Romains 8.28-30 dévoilent le plan de Dieu pour tous ceux qui croient. L’expérience du croyant passe par les étapes suivantes : appel de Dieu -> écoute de la Parole -> foi (et repentance) -> nouvelle naissance -> entrée dans l’héritage réservé aux croyants et dans le plan de sanctification qui y est attaché (l’élection en Christ est ainsi confirmée) -> gloire de Dieu (Éph 1.3-6,11-14). Par ailleurs, il n’est nulle part question de prédestination à la réprobation éternelle.

3. L’expiation limitée

Les Remontrants n’admettent pas ce dogme en raison des évidences bibliques suivantes :
– L’Agneau de Dieu est mort pour le monde entier, en faveur de tous les pécheurs (Jean 3.16 ; Tite 2.11 ; Jean 1.29 ; 1 Jean 2.2).
– Jésus a payé le prix de la rançon en faveur de (gr. hyper) tous les hommes, et non seulement de tous les élus (1 Tim 2.5,6).
– Jésus a donné sa vie comme la rançon de (gr. anti, à la place de) plusieurs : c.-à-d. de tous ceux qui s’identifieront à lui dans son sacrifice et dans sa résurrection (Marc 10.45 ; Héb 9.28 ; Gal 2.20 ; Rom 6.1-4).
– La Bonne Nouvelle offre le salut à tous les hommes de toutes les nations ; dans ce sens elle est universelle (Mat 28.18-20 ; Marc 16.15 ; Luc 24.46-49 ; Act 1.8).
– Il est possible de se perdre soi-même en reniant Celui qui a racheté l’humanité (2 Pi 2.1). C’est alors le pécheur qui annule à ses dépens le bénéfice de l’expiation.

4. La grâce irrésistible

Les Remontrants font valoir plusieurs déclarations bibliques pour démontrer qu’il est possible de résister à la grâce : – Dieu a résolu d’envoyer son Esprit pour convaincre le monde de la réalité du péché, de sa justice et du jugement. Par la révélation de Jésus-Christ, il attire et éclaire tout homme. Il rend la volonté déchue capable de répondre librement à son appel, ou de le repousser (Jean 16.8 ; Héb 10.26 ; 6.6 ; 2 Pi 2.20 ; Jean 1.4-12 ; 12.32). – L’endurcissement volontaire, le cœur qui refuse de se repentir, la rébellion et le choix d’obéir à l’injustice sont autant de manifestations de résistance à la grâce (Rom 2.4-5,8-9).

5. La persévérance des saints

Pour les Remontrants, l’énoncé est globalement juste : rien, ni personne, ne peut séparer le croyant de son Dieu ou lui faire perdre son statut d’enfant de Dieu (1 Pi 1.3-5 ; Rom 8.36-39 ; Jean 10.27-29). En ce sens, ils sont d’accord avec Calvin. Mais après 1610, certains d’entre eux estimeront que des textes tels que Héb 6.4-8 ; 10.26-27 ; 2 Pi 2.20 ; Jean 6.66, indiquent une possibilité d’apostasie et de perte du salut : selon eux, ce naufrage atteindrait ceux qui, de leur propre gré et sans retour, renieraient le Sauveur dont ils se réclamaient (cf. Héb 10.39 ; 1 Jean 2.18-20). Les arminiens, mais aussi beaucoup de mouvements protestants ou évangéliques, ont été divisés au cours des siècles à propos du statut spirituel des apostats. Ceux-ci avaient-ils passé par la nouvelle naissance ou non avant leur abandon de Christ ? Leur apostasie est-elle définitive ? Arminius a humblement confessé : « Je n’ai jamais enseigné qu’un vrai croyant peut, totalement ou finalement, se détourner de la foi et périr ; cependant, je ne cacherai pas qu’il existe des passages de l’Écriture qui me paraissent revêtir cet aspect, et les réponses que j’ai pu considérer ne sont pas de nature à s’approuver sur tous les points, selon ma compréhension. »[note]Declaration of the Sentiments and the Perseverance of the Saints, produite devant les autorités hollandaises le 30 octobre 1608 ;  The Works of James Arminius, traduction de J. Nichols et W. Nichols, Baker Books House, 1986[/note]

Conclusion

Il subsistera toujours des mystères dans le message de l’Écriture. Le paradoxe de la souveraineté divine et de la responsabilité humaine demeure. Dans ce débat, l’apport des Remontrants en 1610 constitue pour le moins un indispensable contrepoids aux thèses calvinistes. Il est bibliquement infondé de reprocher à ces chrétiens d’avoir dévalorisé la souveraine volonté de Dieu ou surfait la liberté de la volonté humaine. Pour autant, connaissant les turbulences théologiques par lesquelles arminiens et calvinistes ont passé au cours des siècles, évitons de nous ranger sous la bannière d’un nom humain. Efforçons-nous plutôt de rester des disciples de Christ persuadés que si Dieu nous a un jour révélé l’Évangile et nous a permis de choisir librement ce trésor, la gloire n’en revient qu’à lui, et à lui seul.


Avant d’entrer dans le sujet, il est utile de faire quelques remarques générales :

  • La compréhension du sujet demande de ne négliger aucun verset important, sans aller au-delà de ce qui est écrit. Commençons toujours par les Écritures et non par l’étude des écrits de théologiens, si bons soient-ils.
  • Nous devons reconnaître qu’il nous est impossible de tout connaître du plan glorieux de Dieu — comme d’ailleurs sur n’importe quel autre sujet. Dieu a le droit de se réserver des aspects non révélés (cf. Jean 16.12) et il a choisi de ne pas tout nous expliquer (Deut 29.29).
  • Même si nous ne sommes pas d’accord avec Dieu (car l’homme, par nature, est rebelle), Dieu ne changera ni son plan ni sa manière de faire pour nous plaire.
  • Enfin, ayons confiance en Celui qui est totalement bon et juste.

1. Le fondement du plan de Dieu : la doctrine de Dieu

Dieu est « l’Éternel » : il n’est soumis ni au temps ni à l’espace et il existe en dehors de la création étant son Créateur souverain et immuable (Ex 3.15 ; Apoc 4.8-9). Dieu domine sur tous les aspects et les êtres de sa création (Dan 4.35 ; 1 Tim 6.15-16).Dans sa nature, Dieu est juste (Apoc 15.3), plein d’amour (1 Jean 4.8,16) et saint (És 6.3 ; 1 Pi 1.16). Il est libre de planifier et décider selon sa volonté souveraine, juste et pleine d’amour, et cela sans nous demander sur un quelconque sujet : « Cela vous plaît-il ? »

2. La définition du plan de Dieu

Les théologiens emploient le mot « décret » pour désigner l’ensemble du projet divin. D’autres termes synonymes sont utilisés dans le même sens : dessein, plan, décision, conseil arrêté… Ces mots affirment que l’Éternel Dieu a établi souverainement un plan global pour tout le déroulement de l’histoire humaine en accord avec le conseil de sa volonté. Ce mot « décret » ou « plan » est souvent mis au pluriel pour souligner que le plan de Dieu s’applique dans des domaines très variés. Le N.T. emploie plutôt le singulier pour mettre en relief l’unité et l’harmonie de la volonté de Dieu. Il a un seul plan composé de parties variées, qui recouvrent tout ce qui se passe dans notre univers en dehors de la Trinité. Dieu est ainsi la cause première de tout en dehors de lui-même.

3. Les caractéristiques du plan de Dieu

Le dessein divin est :
– unique et « simple », c’est-à-dire ni confus ni compliqué du point de vue de Dieu (Éph 1.11 ; Rom 8.28),
– sage (Rom 11.33 ; Éph 3.10),
– libre (Ps 115.3) ;
– éternel dans sa conception, sans évolution chronologique du point de vue de Dieu car il n’existe pas un passé, un présent, et un futur en Dieu — même s’il est bien évident que la réalisation du plan dans l’histoire est une succession d’événements, car nous vivons dans le temps et dans l’espace (Ps 33.9,11) ;
– immuable et inconditionnel (Éph 1.11 ; Jac 1.17) ;
– efficace (És 43.13 ; Prov 19.21).Le plan de Dieu inclut la stabilité de l’univers (Ps 119.89-91), tout événement (Dan 4.34-35 ; Act 17.26), les circonstances et la durée de la vie (Job 14.5 ; Ps 139.16), les événements « fortuits » (Mat 10.29-30), les actes libres des croyants (Éph 2.10 ; Phil 2.13) comme les actes libres des méchants (Act 2.23 ; 13.29).

4. Le but du plan de Dieu

L’Éternel décide et agit pour sa gloire. Lui, qui est parfait dans sa nature et dans ses attributs, a tout prédéterminé afin que sa gloire soit reconnue, que sa création reconnaisse qui il est et lui laisse la place qui lui est due de droit (Éph 1.6,12,14 ; Héb 13.21 ; Rom 11.36). L’être humain aime se poser la question : « Pourquoi Dieu a-t-il fait ou permis ceci ou cela ? » Le plus souvent nous n’avons pas de réponse. Le problème devient aigu lors d’une catastrophe ou d’un crime horrible. Le chrétien, quoiqu’il reste ignorant des raisons profondes et éternelles de tel événement précis, sait au fond de lui que c’est pour la gloire de Dieu.
Trois raisons font que nous avons de la difficulté à accepter que tel événement soit pour la gloire de Dieu :
– nous ne pouvons pas le voir du point de vue de Dieu ;
– nous n’avons pas tous les éléments en main pour comprendre ni pour juger l’affaire d’une manière adéquate et honnête ;
– nous ne pouvons pas connaître le but final planifié par Dieu.
Laissons à Dieu « le bénéfice du doute ». Si l’Éternel est Dieu, nous n’avons pas d’autre choix, étant donné ce que nous sommes, corrompus et ignorants des raisons souveraines de ses actes. Un jour, là-haut, nous comprendrons tout, et nous nous demanderons pourquoi nous avons été si vexés, si attristés, si contrariés, si incrédules, si critiques. Apprenons à laisser Dieu être Dieu !

5. Le plan de Dieu et le péché

Quel est le rapport entre le plan de Dieu et le péché ? Comment Dieu, qui est bon et veut le bien-être de tous, a-t-il pu permettre le péché ? Dieu est-il l’auteur du péché du fait qu’il est la cause première de tout ? Pourquoi le mal existe-t-il ?
Ces questions sont légitimes, car Dieu a fait de l’homme un être rationnel, même si sa raison sera toujours « abîmée » par sa nature pécheresse. L’homme qui cherche une explication adéquate pour l’aider dans sa foi de croyant la trouvera. L’homme qui pose des questions afin d’essayer de blâmer Dieu, parce qu’il ne veut pas accepter la solution offerte dans la Bible, n’aura jamais une réponse satisfaisante pour sa logique tordue. Le principe divin demeure : il faut croire avec l’œil de la foi pour pouvoir comprendre. Avant d’entamer ce sujet, que chacun examine son cœur : dans quel état suis-je spirituellement ? ouvert ou fermé, obéissant ou rebelle, humble ou orgueilleux, adorateur ou critique ?
Voici quelques éléments de réponse, à examiner ensemble, sans les séparer :

    • La Bible place toute responsabilité du péché personnel sur le pécheur. Toute personne honnête reconnaît qu’elle est responsable pour ce qu’elle dit et fait.  Au jour du jugement, toute bouche sera fermée et l’homme pécheur n’aura aucune excuse pour ce qu’il est, ni pour ce qu’il a fait. Il ne pourra jamais accuser Dieu pour ses propres œuvres de péché (Apoc 22.12 ; Ecc 12.16).
    • Dieu hait le péché qui est contre sa nature et contre ses commandements pour le bien-être de l’univers (Ps 5.5-7).
    • La crucifixion du Christ fut prévue avant la fondation du monde (Act 2.23 ; 1 Pi 1.19-20 ; Éph 3.11 ; 2 Tim 1.9). La croix répondit à un besoin précis, ôter le péché (1 Jean 3.5) ; elle fut donc « planifiée » !  Si elle fut planifiée, il est logique de déduire que le péché fait aussi partie du plan. À cause de l’Agneau immolé, présent dans les pensées de Dieu le Père avant la fondation du monde, nous savons que Dieu a été « au courant » du péché et l’a intégré dans son plan.
    • Dans son omniscience, Dieu aurait pu créer un plan dans lequel n’aurait pas figuré le péché. Il a délibérément choisi autrement. Donc Dieu a un certain rapport, incompréhensible, avec le péché, et ceci en sachant que l’introduction du péché allait lui coûter son propre Fils (Jean 3.16). La présence du péché n’a pas pris Dieu au dépourvu.
    • Dieu a créé des êtres (anges, hommes) libres avec la possibilité d’obéir ou de désobéir. Ceux qui ont désobéi au début sont les vrais auteurs du péché, car le péché n’a jamais commencé avec Dieu, il n’a jamais eu son origine en Dieu.
    • Le plan divin renferme les actes volontaires, même mauvais, des hommes. Dieu a permis au péché d’exister. Pour autant, sa sainteté et sa sagesse divines ne sont pas souillées par l’existence du mal ; elles ne le sont pas par sa décision de permettre le mal. Dieu est donc responsable de la présence de l’idée du péché dans son plan, mais l’homme reste toujours responsable de son acte de péché (cf. Mat 26.24).
    • Dieu ne nous a pas révélé dans les Écritures la raison pour laquelle il a permis le péché. Tout au plus, pouvons-nous constater que l’introduction du mal a permis à Dieu de révéler de cette façon sa justice, sa miséricorde et sa grâce en Jésus-Christ dans le salut du pécheur. Quel mystère ! Incompréhensible, voire invraisemblable et illogique pour notre raisonnement humain ! Mais qui dit que le Créateur doit se soumettre à notre façon de raisonner ?
    • La présence du péché coûta infiniment plus à Dieu qu’à l’homme. L’horreur et la souffrance endurées par le Fils de Dieu incarné sont totalement incompréhensibles à l’homme. Le cri sur la croix (Ps 22.2 ; Mat 27.46) prouve que, s’il y avait eu une autre possibilité pour sauver l’homme, Dieu l’aurait fait. Il démontre donc que Dieu n’agissait ni égoïstement, ni insensiblement, en incluant le mal dans son plan.

6. Quelques observations pratiques sur le plan de Dieu

    • Cette doctrine nous réconforte. Calvin disait que, s’il ne croyait pas à la souveraineté de Dieu, il serait l’homme le plus inquiet du monde, car il passerait son temps à penser à tous les accidents et les malheurs qui pourraient lui tomber dessus. Tout ce qui nous arrive est « couvert » par la souveraineté de Dieu.
    • Cette doctrine nous encourage. Nous pouvons aller de l’avant dans notre vie quotidienne de chrétiens sachant que notre Père céleste nous a déjà préparé de bonnes œuvres pour que nous les pratiquions après notre conversion (Éph 2.10). Cela veut dire que chaque jour a sa « couleur », son utilité, ses leçons, voire ses disciplines, ses récompenses. Ceci enlève la monotonie de la vie : elle est une aventure extraordinaire qui se terminera lorsque nous arriverons à bon port.
    • Cette doctrine influe directement sur notre service de témoins. Dieu a un autre but pour nous, autre que notre bonheur personnel, voire égoïste. Il veut que nous soyons des témoins pour Jésus Christ (Act 1.8 ; Mat 28.19).  Si nous ne croyons pas au plan de Dieu pour nous dans ce domaine, nous serons frustrés et nous aurons mauvaise conscience. En se fiant à lui pour lui être obéissant, le Saint Esprit sera libre en nous pour rendre témoignage à travers nous de la personne et de l’œuvre de notre Seigneur à ceux avec qui il nous mettra en contact.
    • Cette doctrine doit nourrir notre adoration pour notre Dieu si extraordinaire qui doit avoir la première place dans notre vie (Ps 145.21).

7. Conclusion

Ce que nous croyons influence fortement qui nous sommes et ce que nous faisons. Ainsi, ce que nous croyons sur la souveraineté de Dieu influence non seulement notre être entier, mais également nos actions. Prions simplement : « Père Céleste, manifeste ta souveraineté tout au long de cette journée et que je l’accepte ! »