PROMESSES

Nous sommes aux alentours de l’an 30 de notre ère à Jérusalem. C’est l’automne et, comme chaque année, tous les fidèles qui l’ont pu ont fait le chemin jusqu’à Jérusalem pour fêter les récoltes, se réjouir devant Dieu pendant une semaine en logeant sous des tentes. Ces toiles tendues rappellent le séjour des pères au désert, leur libération d’Égypte et leur entrée dans la terre promise. C’est la fête de la liberté et des fruits de cette liberté !

Dans le temple, au centre de la fête, Jésus fait des déclarations surprenantes : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive ! » (Jean 7.37), « Je suis la lumière du monde » (8.12) et, faisant référence à la révélation du nom de Dieu à Moïse (Ex 3.14) : « Si vous ne croyez pas que moi, JE SUIS, vous mourrez dans vos péchés. » (8.24) Devant ses affirmations de sa divinité, de nombreuses oppositions se lèvent… mais, contre toute attente, Jean nous dit que « beaucoup crurent » (8.30).

C’est à ces croyants que Jésus va donner un enseignement sur la liberté (8.31-47) et l’effet explosif de ce message va conduire ces « croyants » à prendre des pierres pour lapider celui en qui ils avaient cru (8.59) ! Comment en est-on arrivé là ? Voici la parole de Jésus qui a mis le feu aux poudres : « Si vous demeurez dans ma parole, vous êtes vraiment mes disciples, vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libres. » (8.31-32)

Libres ou esclaves ?

Jésus promet à ses disciples la liberté : quelle bonne nouvelle ! Le problème réside dans le mot qu’il utilise pour qualifier cette libération : c’est celui qui désignait la libération des esclaves. Jésus sous-entend ainsi que ses auditeurs, bien que juifs croyants, ne sont pas libres, mais esclaves.

La réaction ne se fait pas attendre : « Nous sommes la descendance d’Abraham et nous n’avons jamais été esclaves de personne. Comment peux-tu dire : ‘Vous deviendrez libres’ ? » (8.33) Quelle ironie : ces Juifs oublient leur passé d’esclaves en Égypte alors qu’ils célèbrent justement la fête de leur libération par Dieu ! Mais ne leur ressemblons-nous pas ? Il n’est pas facile pour nous non plus d’entendre que nous avons besoin d’être libérés.

Du temps de Jésus, les esclaves formaient près d’un tiers de la population de l’empire romain. Ils n’avaient aucun droit, ni pour se marier, ni sur leurs enfants : ils étaient entièrement sous la domination de leur maître. On comprend mieux la difficulté pour un homme libre d’être comparé à un esclave.

Aujourd’hui encore, l’esclavage est une réalité. Qu’on pense à Henriette Akofa, jeune fille du Togo à qui on a fait miroiter l’Occident et qui s’est retrouvée esclave domestique en France1. Ou Nadia, étudiante à l’université en Moldavie, enlevée, vendue, violée et contrainte à la prostitution2. Ces deux femmes ont pu être libérées, mais combien d’autres sont encore esclaves ? On estime leur nombre à 27 millions aujourd’hui, plus qu’à n’importe quelle autre époque de l’histoire. La traite des êtres humains rapporterait 31 milliards de dollars par an3 Rien que pour la Suisse, entre 1 500 et 3 000 personnes seraient esclaves à des fins d’exploitation sexuelle4. Ces chiffres sont terribles ; combien plus les tragédies qu’ils révèlent !

Mais alors comment Jésus peut-il utiliser une réalité si dure pour l’appliquer à la vie spirituelle ? N’est-ce pas une insulte envers ceux qui souffrent de l’esclavage dans leur chair ?

Esclaves du péché

Si Jésus se permet ce parallèle entre la terrible réalité de l’esclavage et notre état spirituel, c’est que la situation dans laquelle nous nous trouvions est véritablement dramatique ! En effet, tout esclavage humain a pour origine un autre esclavage plus grave encore : celui du péché. Plus profond, plus répandu et aux conséquences encore plus terribles, cet esclavage asservit tout humain qui se laisse prendre au piège du péché : « Toute personne qui commet le péché est esclave du péché. » (8.34)

Si les auditeurs de Jésus réagissent si fort à ces affirmations, c’est qu’ils sont touchés dans leur orgueil d’hommes « libres » : impossible pour eux de reconnaîtr?e qu’ils puissent être esclaves ! Mais n’est-ce pas pareil pour nous ? Face au péché et à ses tentations, combien de fois nous sommes-nous bercés de l’illusion de nous en sortir seul, d’arriver, par la force de notre volonté, à gagner notre liberté. Dans ce monde d’illusion, Jésus nous invite à avoir un regard lucide sur notre situation : si nous commettons le péché, nous sortons du chemin tracé pour nous par Jésus, et nous devenons esclaves du péché. Le péché devient notre maître, il nous emprisonne et nous empêche même de vouloir ce qui est bon et bien. Petit à petit, l’esclave ressemble à son maître, jusqu’à devenir un « fils du diable » (8.44) !

Une fausse conception de la liberté

Ce qui nous pousse à penser que nous pouvons nous en tirer tout seul, c’est une fausse conception de la liberté. Nous pensons qu’être libres, c’est faire ce que nous voulons, ne dépendre de personne dans nos choix et dans notre vie. Mais la réalité est bien différente ! Nous sommes tous des êtres dépendants, car Dieu nous a créés ainsi : nous sommes des êtres relationnels, ce dont nous sommes dépendants imprime en nous une marque, nous modèle, nous fonde. La liberté ne consiste donc pas à n’être dépendant de rien — ce qui est une illusion car nous ne pourrions pas y survivre — mais la liberté consiste à choisir de qui nous voulons être dépendants.

Le choix de dépendances positives (Dieu, amis chrétiens, choses bonnes selon Phil 4.8, etc.) pourra produire en nous davantage de liberté. Mais le choix de dépendances négatives (péché, amis mauvais, drogues, impureté sexuelle, occultisme, etc.) diminuera notre liberté et fera grandir notre esclavage.

Jésus nous propose d’être dépendants de lui, car lui seul peut nous apporter la vraie liberté. Tout choix en dehors de lui et de sa volonté est synonyme de perte de liberté et d’esclavage !

Être disciple

Être libre, c’est donc d’abord ne pas être esclave du péché, en se détournant de lui pour ne plus le commettre, et faire la volonté de Dieu en devenant disciple de Jésus. C’est ce que J?ésus affirme : « Si vous demeurez dans ma parole, vous êtes vraiment mes disciples, vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libres. » (8.31-32) Jésus décrit ici le portrait de l’homme libre en l’appelant disciple. Mais qu’entend-il par là ? Dans l’Évangile selon Jean, Jésus n’utilise que trois fois le terme de disciple : – en 8.31, le disciple est celui qui demeure dans la parole de Jésus ; – en 13.35, celui qui a de l’amour pour les autres disciples ; – en 15.8, celui qui porte beaucoup de fruit pour Dieu. Être disciple, c’est donc plus qu’une simple confession de foi, une adhésion intellectuelle au contenu de l’Évangile. Le disciple est celui qui a une foi vivante, nourrie de la parole de Jésus et qui porte du fruit dans l’Église et au dehors !

Cette parole dans laquelle le disciple est appelé à demeurer n’est autre que la révélation du cœur de Dieu dans la vie de Jésus, Parole de Dieu faite chair (Jean 1.14,18). Le disciple est donc invité à suivre les traces de son Maître sur le chemin de la volonté de Dieu qui conduit au Père.

La liberté du Fils

En emboîtant le pas à Jésus sur le chemin de la volonté de Dieu, la connaissance de la vérité augmente, et la liberté également. Car la libération du péché dans notre vie chrétienne n’est pas une simple abstraction intellectuelle, aux effets instantanés. Si la justice de Dieu nous est acquise une fois pour toutes, la libération du péché s’étale dans le temps : c’est le chemin de la sanctification.

Mais quelle est alors cette vérité qui libère ? De quelle doctrine s’agit-il ? Quelle vérité faut-il que nous proclamions pour obtenir la libération ?

La vérité qui libère n’est pas un énoncé doctrinal, une affirmation abstraite. C’est un acte concret accompli par Jésus lui-même. Il en parle en ces mots : « Si donc le Fils vous libère, vous serez réellement libres. » (8.36) Nous ne pouvons nous libérer seuls du péché dont nous sommes prisonniers : nous avons besoin d’un libérateur qui nous apporte la vérité. D’abord la vérité sur nous-mêmes : la conscience de notre esclavage du péché. Puis la vérité sur l’œuvre et l’identité du libérateur. C’est ce que Jésus explique : « Quand vous aurez élevé le Fils de l’homme [sur la croix], alors vous reconnaîtrez que moi, JE SUIS. » (8.28) Ce n’est que Jésus, Dieu fait homme (JE SUIS) et donnant sa vie pour payer à la croix le prix de notre liberté, qui peut nous libérer !

La vérité vous rendra libres

Que cela nous plaise ou non, Jésus nous dit que nous sommes esclaves du péché ! Mais il ne s’arrête pas là. Il nous propose un chemin de liberté : sa Parole. Celui qui y demeure connaîtra la vérité. Et la vérité le rendra libre du péché.

Pour demeurer dans ce chemin, pour être disciple de Jésus, il ne suffit pas de croire en Jésus. Car être disciple n’est pas une simple confession de foi, comme celle des Juifs qui ont « cru » en Jésus (8.30).

Être disciple de Jésus, c’est une vie de foi, qui commence par le désir d’être libéré par lui, se savoir esclave, lié par le péché, et chercher la liberté en Jésus seul et dans son œuvre à la Croix. C’est, libéré de l’esclavage du péché, une marche constante dans cette liberté en Jésus-Christ, « le chemin, la vérité et la vie. »

  1. Elle raconte son histoire dans son livre UN ESCLAVE MODERNE, Paris, Robert Laffont,2000
  2. Nadia a été recueillie et aidée par la Mission Chrétienne pour les pays de l’Est (www.ostmission.ch)
  3. Selon l’ONG Free the slaves (www.freethesleves.net), voir aussi le Comité contre l’esclavage moderne (www.esclavagemoserne.org)
  4. Chiffres de l’Office Fédéral de la Police suisse pour 2002 (www.fedpol.admin.ch]

Écrit par


Combien de chrétiens, après la joie de la conversion, sont accablés parce qu’ils continuent de pécher. Dans le meilleur des cas, ils prennent de bonnes résolutions, mais retombent vite dans l’ornière et, dans le pire des cas, ils se résignent à une vie médiocre et insatisfaisante.
Pourtant ce n’est pas du tout le plan de Dieu pour l’homme. Notre Seigneur Jésus n’est pas venu seulement pour nous délivrer de la punition de nos péchés, mais aussi de la puissance du péché et du joug de l’Ennemi qui veut nous garder sous son esclavage.
Le dossier de ce numéro veut nous faire entrer dans ce merveilleux dessein de Dieu pour nous. Il ne s’agit pas de proposer des recettes, cela se saurait !
Il importe de connaître ce que la Bible nous dit sur le plan rédempteur de Dieu pour l’homme. Mais la connaissance théorique, quoiqu’indispensable, n’est pas suffisante ; il faut la foi pour croire cela, pour se l’approprier.
Enfin, cette délivrance ne se fera pas sans nous. Pour que le Saint Esprit nous fasse profiter de sa puissance, il faut choisir chaque jour de vivre pour Dieu et avec lui. La puissance n’est pas en nous, mais les choix dépendent de nous. Comme Dieu a délivré Lionel de la drogue, il est encore puissant pour nous délivrer chacun de nos propres chaînes.
Aspirons à faire des progrès pour connaître une vie de sainteté qui reflète toujours plus les caractères de notre Dieu. Jésus a pu dire : « Celui qui m’a vu a vu le Père. » À notre tour de le refléter autour de nous.

Écrit par


1. Hier, lorsque nous avons cru, nous avons été délivrés de la punition du péché : « Il était blessé pour nos péchés, brisé pour nos iniquités ; le châtiment qui nous donne la paix est tombé sur lui, et c’est par ses meurtrissures que nous sommes guéris. » (És 53.5)

2. Aujourd’hui, nous pouvons être délivrés du pouvoir du péché : « Il n’y a donc maintenant aucune condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ. En effet, la loi de l’Esprit de vie en Jésus-Christ m’a affranchi de la loi du péché et de la mort. » (Rom 8.1-2)

3. Demain, lorsque nous serons au ciel, nous serons délivrés de la présence du péché : « Voici le tabernacle de Dieu avec les hommes ! Il habitera avec eux, et ils seront son peuple, et Dieu lui-même sera avec eux. Il essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus ; il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur, car les premières choses ont disparu. » (Apoc 21.3-4)