PROMESSES

« Je ne mettrai rien de mauvais devant mes yeux. » (Ps 101.3)
« Ouvre mes yeux, pour que je contemple les merveilles de ta loi ! » (Ps 119.18)

1. Les écrans sont-ils devenus nos maîtres ?

Nous sommes passés très rapidement de l’époque de la radio et du téléphone à celle de l’audio-visuel. Si, il y a quelques années à peine, la société connaissait surtout deux écrans (la télévision et le cinéma), aujourd’hui les écrans se multiplient et envahissent notre vie quotidienne. Comment les chrétiens vont-ils faire face à un tel déferlement d’images, d’idées et d’influences ?

Vers une nouvelle identité ?

Les médias1, dans tous les domaines, ont entrepris de jouer un rôle clé dans la réussite de nos vies. à tous ceux qui recherchent fiévreusement le bonheur, ils proposent des recettes et des normes nouvelles. Le processus se fait en deux temps : d’abord, on commence par discréditer les vieilles valeurs, taxées de ringardes (le couple, la famille, la foi chrétienne, etc.) ; puis on propose à l’individu désenchanté de se construire une nouvelle identité à travers le sport, la musique, la réalisation de soi, etc.

Pour embrigader l’individu dans ce processus, les médias et leur grande prêtresse, la pub, tablent sur quatre mots d’ordre principaux qui sont des piliers du culte individualiste du plaisir :
– l’instinct de groupe : faites comme tout le monde !
– le culte du héros : identifiez-vous à une personnalité du show-biz ou du sport !
– la prééminence de la nouveauté : ne restez pas en arrière, ne soyez pas ringard !
– l’attrait du plaisir immédiat : éclatez-vous maintenant !

Ces quatre mots d’ordre, qui correspondent aux « valeurs actuelles », se retrouvent dans de nombreux slogans publicitaires : « Faites comme chacun. Imitez la star X. Soyez in. Roulez fun. Achetez la marque A : c’est un must ! » Mais on peut facilement le discerner : un tel discours est profondément irréel. Il tente désespérément de concilier l’individualisme le plus extrême avec le conformisme le plus universel. L’identité nouvelle envisagée par nos médias serait-elle donc désirable ? S’agit-il de valeurs mûrement réfléchies, susceptibles de donner sens à la vie ? Faut-il vraiment adopter la « pensée unique » diffusée sur les écrans ?

La pression de l’« économiquement correct »

Les médias exercent une pression sur les consciences en s’infiltrant dans l’intimité de chacun ; ils génèrent en nous des pulsions exacerbées. Ils nous plongent dans un monde artificiel par la pub et par les nouvelles technologies de communication. La stimulation des désirs ne connaît plus de limites. L’imaginaire débridé outrepasse l’expression naturelle des sentiments humains. Tout semble permis.

Ainsi, notre civilisation, qui s’était patiemment efforcée de définir l’exercice de la liberté individuelle en valorisant le respect de l’égalité, de la solidarité et de la raison, bascule maintenant dans l’individualisme, la libéralisation, la réussite, la mondialisation, au prix de l’exclusion des autres et même de celle de son prochain immédiat.

Il est évident que notre société hédoniste (et ses médias) caresse l’égoïsme individuel dans le sens du poil. Dominés par leurs pulsions, nos contemporains n’ont plus le loisir de réfléchir en profondeur et d’aiguiser leur esprit critique. Ainsi deviennent-ils des proies faciles pour tous les marchands de plaisir.

La pression du « politiquement correct »

Celui qui croit pouvoir s’informer grâce à la télévision (par exemple à travers le journal télévisé) et pense être informé objectivement en puisant directement à la source, se trompe lourdement. Une quantité impressionnante de sélections, de filtrages et de trucages ont été préalablement opérés au gré de toutes sortes de partis pris politiques, idéologiques ou religieux.

Parmi des dizaines de milliers de faits, une sélection très restreinte est ensuite présentée à l’écran. On a procédé à ce tri   selon des directives précises, et en éliminant des centaines d’événements du même ordre et de la même importance, mais les critères de cette sélection ne sont jamais ouvertement révélés.

La pression du « socialement correct »

Sous prétexte d’améliorer la sécurité, la communication, et la cohésion sociale, le monde médiatique nous appelle à modifier nos comportements et à consentir au règne universel des écrans (que nous retrouvons au travail, à la maison, à la gare, chez le médecin, à l’hôpital, à l’école… et bientôt dans les rues de toutes les grandes villes d’Europe, où des caméras surveilleront la population en permanence). On peut douter des bienfaits de cette évolution.

D’une part, depuis que les écrans ont fait leur apparition, on a plutôt constaté une baisse de l’aptitude à communiquer ; les statistiques des drames familiaux nous le prouvent.
– Les écrans renforcent l’isolement de l’être humain ;
– Beaucoup d’enseignants d’écoles secondaires se plaignent de ce que les enfants aient subi des dégâts à cause de la télévision ou d’Internet2, et soient devenus incapables de penser d’une manière suivie, cohérente et critique.3
– L’écran a valorisé l’autonomie de l’individu aux dépens de ses relations avec les autres, qui peuvent être perçues comme contraignantes.

D’autre part, les défenseurs du « tout médiatique », qui font d’une attitude d’ouverture la pierre de touche du « socialement correct », ne se préoccupent guère du contenu moral de cette « ouverture ». À qui ou à quoi faut-il être ouvert ? Aux sports extrêmes, à la Gay Pride, à la vie sexuelle style Loft story ? Au dernier amour de sa vedette préférée, au look de Madonna ? En vérité, on nous presse d’être ouverts à n’importe quoi, sauf à l’essentiel, et ceci au nom de la liberté !

Une course sans fin ?

Si nous prolongeons notre réflexion sur les médias, nous réalisons que nous assistons, ces dernières années, à un maximum de changements en un minimum de temps. D’où cette question : où courons-nous ? Jusqu’à quand l’homme pourra-t-il supporter cette fuite en avant ?

La multiplication des cas d’épuisement (le fameux burn-out ), l’augmentation de la consommation d’alcool, de drogues et d’anxiolytiques traduisent bien ce mal-être dont les médias sont aussi coupables.

Même les acteurs économiques commencent à partager cette révolte et à se rendre compte que cette accélération du temps ne peut que nuire à la production : « Le secteur du business s’est imposé un rythme que lui-même n’arrive plus à suivre », constate Markus Simon, chef du Web service au Crédit suisse. « Plus vite, plus haut, plus loin : l’homme a sombré dans la folie de la vitesse », renchérit Ruth Hafner.4

Quand l’homme stressé d’aujourd’hui se déclare à bout de souffle, n’est-il pas en fait « à bout d’esprit » ? L’élévation du tempo comprime l’esprit et cette compression transforme notre psychisme en fusil à air comprimé. On ne s’étonnera donc pas de vivre une explosion de la violence, une croissance constante des dépressions, ces signes qui jalonnent la course de notre époque, elle-même largement influencée par les films hollywoodiens.

2. Pour un emploi intelligent des médias

Le message de la Bible

Tout d’abord, revenons au message biblique. La Bible condamne plusieurs péchés qui sont complètement banalisés sur les écrans, entre autres le péché de convoitise et le péché de violence.

 Le péché de convoitise

Puisque nous parlons des médias et de l’image, nous devons forcément rappeler l’importance de l’œil humain. C’est par le regard que le mécanisme de la tentation se met en route. Or, savez-vous que « l’œil » ou « les yeux » reviennent 735 fois dans la Bible ?
– ève « vit que l’arbre était bon à manger, agréable à la vue et propre à donner du discernement. Elle prit de son fruit et en mangea » (Gen 3.6).
– Akân a « vu dans le butin un manteau de Chinéar, d’une rare beauté, ainsi que deux cents sicles d’argent et un lingot d’or » (Jos 7.21).
– Le roi David, « comme il se promenait sur le toit de la maison royale, aperçut une femme qui se baignait et qui était très belle » (2 Sam 11.2)

Notre regard n’est jamais neutre5. Chaque chrétien désireux de conformer sa vie à la Parole de Dieu a une immense responsabilité : celle de veiller sur la maîtrise de son regard et de ses pensées, pour ne pas tomber dans la convoitise.

Le péché de violence

Le psalmiste avertit : « L’ éternel sonde ceux qui sont justes, mais il déteste le méchant et l’homme épris de violence » (Ps 11.5). Tuer son prochain n’est pas un geste naturel. La télévision brutalise et désensibilise les enfants comme un sergent-major brutalise et désensibilise ses recrues pendant la guerre !

Nous sommes en train d’élever des générations de barbares qui associent violence et plaisir, comme les Romains applaudissaient et continuaient de manger lorsque des chrétiens se faisaient massacrer.   Or la Bible dénonce cette violence omniprésente : celui qui regarde des images violentes est déjà en porte-à-faux avec le sixième commandement (Ex 20.13).

Quatre facettes des médias du point de vue chrétien

Notre génération est celle des écrans. Il est donc impératif que les chrétiens apprennent à vivre dans ce nouveau monde sans perdre le sens de leur mission ! Nous sommes le sel de la terre, nous sommes là pour redonner goût à la vie. De ce fait, la question qui nous préoccupe est : comment utiliser notre temps sans mettre devant nos yeux des images ou des écrits qui tuent la vie spirituelle?

1. De toute évidence il y a des émissions profanes qui sont en pleine contradiction avec l’éthique chrétienne.

Je fais allusion, par exemple, aux films qui encouragent les citoyens à s’habituer à la violence et à l’immoralité sexuelle.   La violence met en évidence nos mauvais désirs qui sont le résultat direct de notre nature pécheresse (Rom 3.10-12). Voilà pourquoi Dieu déteste celui qui se livre à la violence.

Le chrétien, en tant que « sel de la terre », doit lutter contre la prolifération de la violence dans notre société. Mais nous devons aussi proposer des alternatives à la génération montante. Par exemple, créer des médias chrétiens qui stimulent notre foi en Jésus-Christ et qui soient édifiants pour les églises.  

2.   Il y a des médias profanes qui sont en accord avec l’éthique chrétienne.

Nous pouvons citer ici des reportages intéressants sur l’histoire des pays, des émissions sur la nature, ou certains documentaires scientifiques.

Aujourd’hui, on parle beaucoup de divertissement, mais le chrétien a pour vocation de vivre à la gloire de Dieu. Il ne vit plus pour lui-même mais pour le Seigneur (Gal 2.20). Faisons de nos loisirs un sujet de prière en cherchant premièrement à nous investir pour l’avancement du royaume de Dieu, quitte à renoncer à des plaisirs éphémères (Rom 12.1,2).

Il n’est donc pas interdit de suivre une émission intéressante à la TV pour s’instruire, mais il faut la regarder en se disant : « Si Jésus-Christ était là, avec moi, devant mon écran de PC ou de TV, est-ce que je continuerais à regarder ? » Si vous pouvez répondre « Oui », alors continuez ! Si vous dites « Non », alors cessez de regarder car vous risquez d’être manipulés, voire contaminés par ce que vous voyez.

3.   Il y a des médias chrétiens qui produisent des émissions d’évangélisation.

Le monde des images est devenu incontournable, y compris pour l’ église de Jésus-Christ. Notre responsabilité est d’annoncer l’évangile à notre « génération-écrans ». Il est très réjouissant de savoir qu’il y a de plus en plus de films chrétiens de bonne qualité, pour annoncer l’évangile à nos contemporains.6 Et si l’image est bien faite, elle peut toucher son auditoire d’une façon extraordinaire. Dieu cherche des jeunes hommes et des jeunes femmes prêts à se former en vue de communiquer l’évangile par ces nouveaux moyens. Cependant, bien que la « forme » de l’annonce du message puisse changer, nous devons toujours respecter le « fond » du message. Ne changeons pas son contenu !

4.   Il y a des médias chrétiens qui produisent des émissions d’édification.

De plus en plus de sites chrétiens voient le jour sur le Net : des écoles bibliques, des facultés de théologie, des églises, des œuvres missionnaires, etc., offrent des cours ou des études bibliques solides par correspondance, ou simplement la possibilité de consulter des documents intéressants pour l’édification du corps de Christ.7  

Mais bien qu’Internet ait supprimé les distances, ces nouveaux médias ne peuvent pas remplacer l’intimité émotionnelle et affective d’une rencontre entre plusieurs personnes. Gardons-nous d’une église purement « virtuelle ».

3. Conclusion : Soyons lucides et responsables !

Face à des médias qui ont réussi à nous mettre sous la pression du culte de la nouveauté, nous, chrétiens, avons besoin, plus que jamais, de réfléchir à nos points de repères, en nous enrichissant par l’enseignement de la Bible et son message rédempteur. Soyons donc responsables : responsables de notre comportement face à notre environnement actuel et responsables face à notre mission de proclamation de la bonne nouvelle (Mat 28.19-20).
– Soyons conscients de ce que nous regardons. Retenons ce verset du Ps 101 placé en exergue : « Je ne mettrai rien de mauvais devant mes yeux. » Cela veut dire : si je navigue sur le Net, ou si je me trouve devant l’écran de la télévision : « Seigneur Dieu, aide moi s’il te plaît à éteindre l’image au bon moment ; Seigneur, empêche-moi de souiller mon âme avec des images qui m’éloignent de toi. »
– Faisons attention à ce qui nourrit nos pensées : « Au reste, frères, que tout ce qui est vrai, tout ce qui est honorable, tout ce qui est juste, tout ce qui est pur, tout ce qui est aimable, tout ce qui mérite l’approbation, ce qui est vertueux et digne de louange, soit l’objet de vos pensées. » (Phil 4.8)
– N’hésitons pas à fuir, si besoin est : « Fuis les passions de la jeunesse et recherche la justice, la foi, l’amour, la paix, avec ceux qui invoquent le Seigneur d’un cœur pur. » (2 Tim 2.22)
– Recherchons la sanctification pratique : « Ce que Dieu veut, c’est votre sanctification ; c’est que vous vous absteniez de l’inconduite ; c’est que chacun de vous sache tenir son corps dans la sainteté et l’honnêteté,             sans se livrer à une convoitise passionnée comme font les païens qui ne connaissent pas Dieu. » (1 Thes 4.3-5)

Face à de telles paroles, nous avons de quoi réfléchir, n’est-ce pas ? La liberté en Christ implique une certaine autonomie de chaque être humain pour qu’il ait la capacité de penser par lui-même en se libérant des identités de surface créées de toutes pièces par les modes éphémères telles que les médias nous les proposent. Comme le dit Rom 12.2, « ne vous conformez pas au monde présent, mais soyez transformés par le renouvellement de l’intelligence, afin que vous discerniez quelle est la volonté de Dieu : ce qui est bon, agréable et parfait ». Cette responsabilisation d’esprit ne peut s’éveiller qu’en écoutant la Parole infaillible de Dieu pour nous éduquer dans la justice de Dieu (2 Tim 3.16). Ainsi nous pourrons gérer nos écrans et nos loisirs de façon responsable et à la gloire de Dieu.

1 Les « médias » désignent ici un vaste réseau de communication   qui comprend la littérature, la radio, la télévision, les vidéos et DVD, les jeux virtuels, Internet et le dernier né, la photophonie. Cet article ne procède pas à une analyse approfondie de ces gigantesques moyens de communication audio et audio-visuels. Mon objectif est de vous   sensibiliser à l’impact qu’exercent les médias dans nos vies.
2 Des penseurs et des docteurs en conviennent :
– « L’exposition des enfants et des jeunes à la télévision est un facteur causal dans la moitié environ des homicides qui sont commis aux États-Unis, soit dans quelque 10 000 cas chaque année. » (David Grossman, « Comment la télévision et les jeux vidéos apprennent aux enfants à tuer », Jouvence, 2000, p. 14.)
– L’écrivain Christian Bobin écrit : « Quand on regarde la télévision. par exemple : tu es là, dans ton fauteuil ou devant ton assiette, et on te balance un cadavre suivi du but d’un footballeur, et on vous abandonne tous les trois, la nudité du mort, le rire du joueur et ta vie à toi, déjà si obscure, on vous laisse chacun à un bout du monde, séparés d’avoir été aussi brutalement mis en rapport avec un mort qui n’en finit plus de mourir, un joueur qui n’en finit plus de lever les bras, et toi qui n’en finis pas de chercher le sens de tout ça. » (Christian Bobin, L’Inespérée, Gallimard, Paris, 1994, p. 24-25.)
– Liliane Lurçat, docteur en psychologie à Paris, dit : « La télévision est une voleuse d’enfance. » En vrac, elle lui reproche d’éloigner l’enfant du réel, d’induire une dépendance et de provoquer des phénomènes d’imitation. Exagéré ? « On a tout de même vu des enfants sauter par la fenêtre parce qu’ils se prenaient pour leur héros préféré », rappelle-t-elle ! (Liliane Lurçat, Coopération, n° 35, 27 août 1997, p. 8-9.)
3 Récemment, une jeune fille me disait qu’elle regardait régulièrement des émissions comme Loft Story. à ma question sur sa motivation, elle a répondu : « Je sais, les propos sont banals, voire parfois à la limite de la débilité. Mais c’est rassurant. Et tout le monde en parle. Il faut être de son temps ». Sois de ton temps ! Bien des jeunes ont intériorisé ce nouveau slogan. Ce genre de comportement cautionne une certaine paresse intellectuelle et dispense de réfléchir. L’actualité proposée par les médias devient alors un lieu de vérité absolue : « ça vient de sortir, une foule de gens s’y conforment, on en parle, donc c’est important de voir. » Mais cet état d’esprit est couronné par une absence de marque : celle de l’esprit critique.

4 J. de Coulon, Les enfants du veau d’or, résister à l’ordre marchand par l’éducation, Desclée de Brouwer, Paris, 2002, p. 114.
5 Cf. l’article de Jan-Bert de Mooy, « La télévision », Promesses, 1995.
6 Par exemple, le DVD « L’Espoir », qui fait le tour de la Bible en 80 minutes (www.lespoir.fr).
7 Par exemple, les sites comme celui de Promesses, www.promesses.org, celui des Éditions Clé qui éditent la Bible On-line, www.unpoissondansle.net, ainsi que des moteurs de recherche comme www.topchretien.com ou www.laquarium.org.


Après des études de philosophie et de musique, Fred Mondin travaille au département Communication des éditions A.E.S./E.L.B.

Quand on voit les vanités que parviennent à vendre les publicitaires, ne pourrions-nous pas apprendre de leur efficacité pour promouvoir l’Évangile ? Notre adaptation au monde moderne pourrait-elle affecter le message de la Croix ? Comment penser le rapport entre évangélisation, prédication et techniques de communication ? « Peut-on considérer l’auditeur-spectateur d’un message comme un “client” qui a un certain nombre d’exigences ? Faut-il en tenir compte ? Jusqu’où peut-on aller ? » (Henri Bacher). Commençons par quelques distinctions.

1. De l’information à la communication : une nouvelle ère

a) Qu’est-ce que l’information ?

C’est le message à transmettre (l’objet, le contenu), ce que vous voulez dire : le quoi.

b) Qu’est-ce que la communication ?

C’est la manière dont vous transmettez votre message : le comment.

Elle dépend du canal emprunté (oral, écrit, gestes), du code employé (votre meilleure prose ne touche guère une personne sourde ou étrangère), du contexte (solennel ou informel, professionnel ou familial, etc.) : vous n’enveloppez pas votre message de la même manière face à votre patron ou face à votre enfant. Ne négligez pas non plus d’éventuels obstacles (bruit, stress, fatigue, joie, etc.) Bref, la communication est une sorte de mise en scène autour du message, censée rendre l’information claire et efficace…

c) Qu’est-ce que le marketing ?

Le marketing regroupe les techniques de persuasion de la communication (pour influencer un comportement d’achat, par ex.) Elle promeut un produit en direction d’un client ciblé, au profit du vendeur (… et de l’agence marketing). Ses outils sont la segmentation (ciblage du client), la stratégie créative, la conception et l’évaluation du message, la fidélisation, la stratégie et la planification médiatiques, le suivi réel, etc. La publicité en est une branche.

d) La nouvelle ère du le client-roi

à l’ère industrielle, la communication servait l’information : le but était le message. On retenait le contenu, même long. Dans l’église, le prédicateur avait le monopole de la parole, et pouvait la garder tant qu’il estimait n’avoir pas enseigné « tout le conseil de Dieu ».

Puis les pays occidentaux sont passés à l’ère du service (ou secteur tertiaire). Les réclames (qui vantaient un produit au citoyen) sont devenues des publicités (qui suscitent le besoin du consommateur). La manière de présenter un message a pris de l’importance. Dans l’Église, le prédicateur est observé plus que son message n’est écouté : le contenu deviendrait-il presque secondaire ? Les collèges bibliques enseignent que l’art de prêcher est (au moins ?) aussi important que le contenu de la prédication. C’est que l’auditoire devient exigeant… Et c’est tant mieux. Le hic, c’est que le monde lui a donné l’habitude de croire qu’il est le décideur… parce qu’il le vaut bien !

2. Techniques et méthodes

a) Les techniques sont neutres

Mais alors, le marketing ne servirait-il qu’à la manipulation ? Tirons la chose au clair…

Jésus faisait-il la promotion marketing du royaume de Dieu ?

Prenons l’exemple de la segmentation : les publicitaires tentent de cerner la personnalité et la position sociale de leurs « cibles » pour adapter leur discours. Jésus était théologien avec Nicodème le rabbin (Jean 3). Avec la Samaritaine près du puits (Jean 4), il a abordé des sujets tout aussi profonds, mais il s’est mis à sa portée. Il s’adaptait selon qu’il se trouvait face aux pharisiens, à la foule, à ses disciples, à un jeune homme riche, etc. Il connaissait le cœur des gens et ses paroles adéquates répondaient à leur faiblesse : « Combien est agréable une parole dite à propos ! » (Pr 15.23b)

Associer Jésus et le marketing paraît choquant. Mais oublions la connotation négative du terme pour   « retenir ce qui est bon » : Jésus employait des techniques de communication pour optimiser son message. Son discours incitait l’auditeur à changer de comportement. Il intriguait par des questions orientées, retenait l’attention par des histoires simples. Cependant, il n’a jamais forcé les foules à le suivre, il n’a jamais choisi à leur place… Au contraire : ovationné pour ses miracles, il a durci le ton et beaucoup sont partis (Jean 6.60, 66).

Quid de la Samaritaine : n’a-t-il pas joué sur les mots pour susciter sa curiosité ? Cependant, il n’a pas créé son besoin, mais lui a offert ce qu’elle recherchait au fond d’elle. Ses techniques de communication servaient donc son destinataire ; il ne manipulait pas.

En résumé, le marketing lucratif du monde viserait à créer un besoin souvent futile (souvent inexistant), tandis que le marketing social de Jésus consisterait à révéler un besoin fondamental (souvent inconscient, voilé par le péché). Le marketing selon le monde séduit pour mieux influencer un individu lambda. à la flatterie du monde, Jésus oppose un soin bien différent de la personne humaine : sans concession sur sa nature pécheresse, il fait preuve d’une compassion infaillible.

Ce danger m’interdit-il d’utiliser les techniques modernes ?

Pour paraphraser 1 Cor 6.12, disons que « toutes les techniques me sont permises :

1° lorsqu’elles me permettent de cultiver ma communion avec Christ ou les frères,

2° lorsque le plaisir que j’y prends ne m’empêche pas de les abandonner si la cause de Christ l’exige et que je suis pas conséquent capable de m’en passer sans difficulté ». Bref, technique n’est pas maître : « Médias et marketing ont été faits pour servir et non pour dominer » (pour paraphraser Marc 2.27).

b) Les méthodes sont révélatrices

La méthode est la manière dont on emploie des techniques1. La Bible parlerait de « sagesse ». C’est surtout la vision qui accompagne cet emploi. Disons-le tout de suite : les techniques sont neutres, mais la manière de les utiliser exige du discernement. Ce n’est pas l’outil mais son mauvais emploi qui peut corrompre. Les méthodes révèlent l’objet de notre foi : Jésus ou l’outil ?

Ceci dit, le problème n’est que reporté. Où est la frontière ? Par exemple, Jésus aurait-il prêché par la télévision ? Les adorateurs de télévision répondent : « Oui, évidemment ! » Ceux qui l’utilisent comme une technique pensent : « Pourquoi pas ? » Ceux qui se méfient de ses dérives sont plus réservés. Ceux qui rejettent toute évolution « pour ne pas se corrompre » refusent tout net. Il peut être bon de rappeler que Jésus a toujours privilégié ce qui favorise une relation directe, de personne à personne. Il nous lègue ce principe : l’efficacité de notre témoignage repose sur la qualité de nos relations mutuelles dans le nom du Maître (Jean 13.35).

Quand ces techniques outrepassent leur rôle et deviennent une référence, on n’est plus vraiment maître du jeu : on aime utiliser un système qui semble efficace, et l’on pense à son public moins en terme de personnes que de prétextes à jouer avec ces techniques. Sans parler d’une foi dans le Seigneur qui s’amenuise à mesure qu’elle se porte sur le nouveau joujou.

3. Marketing et prédication de l’Évangile

a) Sagesse du monde ou puissance de Dieu ?

Où que ce soit, le public devient plus exigeant : il faut « l’accrocher » et le garder en éveil. Ce problème de motivation se retrouve tout naturellement dans les assemblées. N’est-ce pas là le signe que la plupart subissent une approche marketing de leur religion ? Un membre d’église distingue difficilement entre assemblée et club séculier. Il trouve son exigence dans l’église aussi légitime qu’à la boutique de vêtement. Résultat : le voilà aussi passif devant son prédicateur que devant sa télé. Difficile de demander un effort d’attention… à moins d’en donner l’occasion : il faut être « interactif » de nos jours ! La durée d’un sermon est passée de toute une nuit (Paul) à trois heures, puis à une heure ( xix e s.), et enfin à 45 minutes, voire à 25 minutes, quand ce ne sont pas des « prédications-flashes » de 3 minutes. Jusqu’où peut-on ressembler au monde, incorporer du marketing dans l’Église sans encourager des « églises de consommateurs » ? Prêchons-nous la grâce de Dieu comme on vend du jambon !? Tenterions-nous de « brader » la grâce ?

Puisqu’un chrétien est aussi consommateur, peut-on utiliser son langage pour l’enseigner ? Voire pour évangéliser ? La Bible semble bien sévère contre ce raisonnement : « Ma parole et ma prédication ne reposaient pas sur les discours persuasifs de la sagesse, mais sur une démonstration d’Esprit et de puissance, afin que votre foi fût fondée, non sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu. » (1 Cor 2.4-5) Comprenons Paul : il ne rejette pas les techniques de communication — il en a lui-même employé à profusion2 —, mais sa méthode (sagesse, confiance) se porte sur Christ quant à l’efficacité de sa prédication. Ce qui l’intéresse n’est pas de savoir si un homme maîtrise des techniques de persuasion ou non, mais s’il se confie en Dieu pour marcher par l’Esprit (1 Cor 4.19-20).

b) La place de l’Évangile dans la méthode

Normalement, la communication sert l’information, pas l’inverse. L’emploi d’une technique pour enseigner l’Évangile — dans le monde ou dans l’ église — ne doit pas faire oublier la place centrale de la croix de Christ. Elle n’est pas un sujet interchangeable au service d’une super-méthode. Parce que la croix est une absurdité dans ce monde, c’est sa place dans le discours qui indique où je fais porter ma confiance : oserai-je me glorifier de ce qui me sépare du monde (Gal 6.14) ou bien, pour mieux séduire mon public, en atténuerai-je sa portée ? Pesons bien les mots de Paul : « Christ m’a envoyé, c’est pour annoncer l’Évangile, et cela sans la sagesse du langage, afin que la croix de Christ ne soit pas rendue vaine. Car la prédication de la croix est une folie pour ceux qui périssent ; mais pour nous qui sommes sauvés, elle est une puissance de Dieu. » (1 Cor 1.17-18)

Paul écrit à des Corinthiens imprégnés de culture rhétoricienne. La communication est érigée en art, l’éloquence fait de vous un vrai héros. On se rue pour écouter la dernière joute verbale. C’est à qui la remportera avec le plus d’allure. De quoi y parle-t-on ? Oh, peu importe, l’essentiel, c’est de convaincre : « Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse ! » Qu’importe la destination tant que le chemin me plaît ! On retrouve ici la philosophie des techniques publicitaires de notre temps.

La Bible offre une tout autre perspective : nous devrons rendre des comptes, et il n’y a qu’un seul chemin, Christ. Dans ce verset, Paul dit qu’une évangélisation soucieuse de s’adapter à l’esprit de ce monde risque de dénaturer l’authenticité du message (en rendant inutile notre soumission à Christ : « une foi vaine »). En effet, qui veut d’un Sauveur crucifié ? Qui aime se faire traiter de « pécheur » ? Le message de la grâce insulte la chair ! Combien d’assemblées sont prêtes à faire passer la pilule par toutes les séductions possibles… quitte à adoucir « le scandale de la croix » (Gal 5.11) ! Par exemple, une assemblée parle de repentance et d’obéissance à Christ après que l’intéressé a « pris une décision pour Jésus » (notez qu’ici, le « repentant-client » est le décideur). Son Évangile ne scandalise plus. Les événements qu’elle organise se démarquent à peine d’une quinzaine commerciale, ou d’un concert de show-business (parfois payants !) Si ce n’est quelques slogans d’une couleur moins biblique que sentimentale et valorisante pour l’ego : « Dieu t’aime », « Jésus est vivant », « il veut que tu réussisses ta relation avec Dieu ». Dans l’église, la prédication sera un moment attractif, ludique, où l’on aura pu rire ou pleurer. On se souviendra surtout de l’anecdote racontée par le prédicateur, de son éloquence… mais au fait, quel était le sujet ?

c) Leur philosophie sous-jacente

Les avantages techniques du marketing ne doivent pas nous faire oublier la philosophie derrière la méthode. En utilisant les outils marketing, nous risquons de nous confier dans leur pouvoir de séduction. « Car les armes avec lesquelles nous combattons ne sont pas des paroles d’hommes fussent-elles persuasives. Ce sont les vertus de l’Esprit, moins visibles mais puissantes : la Bible, une vie de prière, et notre moralité en Christ » (paraphrase de 2 Cor 10.4).

à vouloir plaire à l’auditeur-client, on risque de prêcher « un autre Évangile » (Gal 1.7; 6.12a). « Car il viendra un temps où les hommes ne supporteront pas la saine doctrine ; mais, ayant la démangeaison d’entendre des choses agréables, ils se donneront une foule de docteurs selon leurs propres désirs. » (2 Tim 4.3) Pour que le monde vous écoute, il faut parler comme lui, mais vous pourriez le payer cher, car « le monde aime ce qui est à lui » et déteste ce qui ne lui appartient pas (Jean 15) : « Eux, ils sont du monde ; c’est pourquoi ils parlent d’après le monde, et le monde les écoute. Nous, nous sommes de Dieu ; celui qui connaît Dieu nous écoute ; celui qui n’est pas de Dieu ne nous écoute pas : c’est par là que nous connaissons l’esprit de la vérité et l’esprit de l’erreur. » (1 Jean 4.5) Contre la tentation du tout-marketing-car-ça-marche, rappelez-vous que les élus reconnaîtront votre parole et votre prédication. Simple question d’équilibre.

d) Ma motivation sous-jacente

Laissez-moi vous poser une seule question. Comment occupez-vous votre temps et votre énergie : à cultiver votre intimité avec Christ ou bien à découvrir la dernière technique de persuasion en vogue pour l’appliquer à l’Évangile ? à des champions de l’éloquence, Paul affirme son unique motivation : « Car je n’ai pas eu la pensée de savoir parmi vous autre chose que Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié. » (1 Cor 2.2) Se concentrer sur les techniques de ce monde, c’est risquer de négliger sa relation avec Dieu. Dans une relation conjugale, on veut plaire à son conjoint (1 Cor 7). À qui l’Église est-elle mariée : à Christ ou au monde ? Dieu saura bien convaincre des publics variés par l’Évangile, qui est une puissance en soi (Rom 1.16-17). à cause de cela, mettons notre confiance en Dieu et non dans nos œuvres, même quand elles reposent sur des techniques efficaces.

4. En bref…

Beaucoup d’églises vivent encore à l’époque de la Réformation. On veut faire entrer le croyant du xxi e siècle dans une église du xvi e… que de frustrations ! Ne diabolisons pas les techniques modernes : elles nous aident à parler « la langue de notre culture ». En ce qui concerne l’évangélisation ou la prédication, ce n’est pas tant le choix des techniques qu’il importe de discerner que la foi qu’on leur porte.

a) Non à la méthode marketing…
– quand elle séduit au point que l’on se conforme à sa philosophie sous-jacente (Rom 12.2) ;
– quand elle inverse les priorités et cherche à séduire l’homme avant de servir Christ (Gal 1.10) ;
– quand elle flatte pour mieux influencer (Gen 3.5) ;
– quand elle veut rendre l’Évangile enthousiasmant (Mat 7.13-14 ; 1 Cor 1.17 ; Gal 5.11 ; 6.12) ;
– quand elle sacrifie la durée du message pour le seul confort de l’auditeur ;
– quand elle impose de faire du spectacle pour le spectacle et  ne pas ennuyer la « génération zapping » !

b) Oui à la technique marketing…
– quand elle repositionne l’auditeur par rapport à un prédicateur parfois indifférent aux besoins réels de son assemblée : le but, c’est l’édification (1 Cor 14.4,17) ;
– quand elle exige de l’orateur l’effort de communication ;
– quand elle lui rappelle que l’auditeur doit comprendre où est son intérêt ;
– quand elle lui interdit l’ennui : il doit savoir partager sa passion pour Christ — ce qui l’oblige à interroger avant tout sa qualité de communion avec son Sauveur (non son degré de science) : à cette condition, il deviendra un chrétien contagieux, non un fonctionnaire de la Bible ;
– quand elle fait ressurgir un intérêt pour les techniques de communication employées par Jésus (histoires courtes, paraboles, métaphores, images, questions orientées, etc.) ;
– quand Christ tient la place centrale (Phil 3.8).

Conclusion

Nous pouvons employer les techniques de persuasion du monde, mais celui qui persuade, c’est l’Esprit (Jean 16). Paul pouvait dire : « Malheur à moi si je n’évangélise » car il était pleinement conscient de sa vocation d’évangéliste, mais jamais il ne se serait substitué à l’Esprit quant aux fruits de sa prédication. Ce ne sont pas des artifices marketing qui attireront les gens à Dieu, mais la vie transformée de ses enfants et l’action de Dieu (relire 1 Cor 2.4-5). Cette vérité reçue par la foi, nous avons toute liberté de l’appliquer : « Tout est pur pour ceux qui sont purs » (Tite 1.15).

Il y a un marketing qui sert l’Évangile quand on le domine et un marketing qui se sert de l’Évangile quand il domine ses utilisateurs. Ce dernier finira par dénaturer l’Évangile car il rivalisera avec l’Esprit. Prêcher un Évangile authentique n’est pas une activité comme une autre. Il faut beaucoup de sagesse pour utiliser des techniques sans se confier dans l’esprit invisible qui veut les récupérer. Sachons nous consacrer à Dieu avant de nous aventurer dans ce domaine.

Laissons à un prédicateur aguerri le dernier mot : « L’Église recherche de meilleures méthodes, mais Dieu recherche de meilleurs hommes. »3

Soli Deo gloria !

1 à ce sujet, consulter www.pasteurweb.org/Etudes/Commentaires/ReflexionSurLesMethodes.htm.
2 Ne serait-ce que dans l’épître aux Galates, signalons notamment la citation scriptuaire (3.6), la question orientée (Gal 3.2), le raisonnement par l’absurde (2.17), l’imprécation (1.8), l’appel aux sentiments (4.12-16), l’allégorie (4.22-30), les comparaisons tirées de la vie courante, juridique (3.15), agricole (6.6-9), etc.
3 Edwards Bounds (1835-1913), Puissance par la prière.


C’était lors d’un week-end de jeunes en Normandie. Le thème choisi était : « Être témoin aujourd’hui ». Plusieurs ateliers de discussion étaient proposés et je me trouvai cet après-midi-là dans l’atelier : « Les médias ». Bien calée dans le canapé, j’écoutais tour à tour les jeunes gens venus témoigner de leur comportement face aux médias, notamment face à la télévision. Chacun avait de nobles arguments pour s’accorder à dire que rien ne valait un bon dîner en famille sans la télé en marche, véritable obstacle à la communication. Notre intervenant nous recommandait vivement d’utiliser le programme pour sélectionner les bonnes émissions et s’éviter ainsi de tomber sur d’autres, douteuses et peu « chrétiennes ». Sans parler des commentaires peu flatteurs sur la téléréalité. « En tout cas, nous, si on a des enfants, on ne sait pas si on gardera la télé », ajoutait un couple de fiancés.

Qu’allais-je bien pouvoir dire ? à la maison, on a toujours regardé les informations à la télé pendant les repas, ce qui, il faut le reconnaître, arrangeait parfois tout le monde… Deux ans auparavant, je ne ratais pas un épisode de la StarAc’, unique moment « léger » de ma journée après le tumulte du lycée. Enfin, n’avais-je pas encore regardé la veille une émission en dernière partie de soirée ? Je sursautai tout à coup. « édith, qu’en penses-tu, toi, de la télé ? » Parler de cet objet tant décrié, c’était parler de ma vie, me dévoiler. Au début hésitante, je réussis finalement à leur répondre, loin de savoir que mon témoignage en troublerait plus d’un dans cette pièce.

« Eh bien moi, j’ai l’impression d’être tout ce qu’il ne faut pas faire. Je trouve important de se tenir informée. La télé peut être un bon outil. En tant qu’enseignante d’anglais, j’ai besoin de me tenir au courant de l’actualité. Il m’est arrivée plusieurs fois d’enregistrer des programmes pour les passer ensuite devant mes élèves et étoffer un cours. Je pense que, comme toute chose, il faut savoir s’en servir intelligemment, sans excès. » Tout le monde semblait m’approuver quand j’ajoutai aussitôt : « …ce que je ne fais pas »… à la surprise de tous !

Et c’est ainsi que je racontai mes débuts d’enseignante en Seine-Saint-Denis, moi la jeune femme venue tout droit de Montpellier. Mes difficultés à m’adapter à la région, aux élèves, aux souffrances des élèves. Mes journées interminables au lycée, à prendre tout trop à cœur, comme disent les collègues plus anciens, eux qui n’ont pas réalisé que tout ce dynamisme, toute cette énergie, tient seulement à combler le vide d’une solitude pesante. Cette solitude, c’est revenir dans son studio de banlieue le soir et n’avoir que… la télé pour compagnie. Il est facile de critiquer un « outil de communication » quand on a quelqu’un avec qui parler, une famille à embrasser en rentrant du travail, des enfants dont on doit s’occuper, des amis à appeler. Quand on a tout ça mais à 800 km… on est content de pouvoir allumer le poste et entendre des éclats de rire sortis tout droit d’une émission comique, ou bien des gens qui parlent, qui crient, qui s’amusent, qui pleurent,… du bruit, quoi ! La pièce devient moins vide. La télé ? Je ne la regardais pas forcément. C’était plus un fond sonore… c’était une présence tout simplement. Bien sûr, j’avais le Seigneur dans mon cœur, bien sûr, je lisais ma Bible… et elle me réconfortait. Mais, on ne peut pas nier le fait que l’on est humain, que l’on a besoin « physiquement » de contacts, d’échanges… La télé comblait pour moi un silence parfois pesant. C’était facile, il n’y avait qu’un bouton sur lequel appuyer.

Depuis cette soirée en Normandie, des mois se sont écoulés…

Entre-temps, une amie est venue me rencontrer. Elle m’a aidée à découvrir la capitale, a pris l’air avec moi. Dès l’instant où je me suis davantage « engagée » dans l’église locale, où je me suis fait des amis, où j’ai noué plus de contacts, j’avoue avoir eu moins besoin de la télévision.

Je suis maintenant jeune mariée. Mon mari et moi rions parfois des expériences passées. La télé ? On la regarde de temps en temps, sans plus. Nos besoins ont changé, ils ont été surtout merveilleusement comblés par Celui qui nous a réunis.

Il est aisé de critiquer des médias devenus bien envahissants. Les arguments « contre », on les connaît tous. Les arguments « pour » ? Comme pour toute chose, il faut, je pense, être capable d’évaluer les limites, les excès… et compter sur le Seigneur pour vivre notre liberté chrétienne sans en abuser ni juger les autres.


Chaque jour, en France, en moyenne :

  • la télévision est allumée pendant 5 h 36 dans chaque foyer
  • chaque Français la regarde 3 h 24
  • chaque Français écoute la radio pendant 2 h 52
  • 532 630 personnes sont allées au cinéma voir un des 560 films sortis sur 5 302 écrans
  • 282 110 DVD sont vendus, ainsi que 28 164 cassettes vidéo
  • 372 876 CD audio sont achetés
  • environ 13 000 personnes sont allées au théâtre
  • 15 575 entrées sont enregistrées au Louvre
  • 170 000 personnes vont dans un parc de loisirs, dont 34 000 à Disneyland Paris
  • chaque Français lit pendant 25 minutes
  • 143 nouveaux livres sont publiés
  • 1 231 000 livres sont vendus
  • 12,8 millions de journaux sont vendus
  • 5,7 millions de magazines sont achetés

Source : Le Point, Une journée en France, supplément octobre 2005


John Dudeck est missionnaire de la SIM. Il travaille dans leur département international à Charlotte, aux états-Unis, sur des projets informatiques. John a travaillé en Afrique francophone et a étudié dans un institut biblique en Suisse ; il parle français. Il est l’initiateur et le responsable de notre site.

I. Introduction

Promesses est une revue publiée depuis 1967. Les textes publiés représentent un intéressant réservoir d’articles, rédigés pour la plupart en français dans leur version originelle. Malheureusement, les anciens numéros se trouvent sur des rayons de bibliothèque ou dans des placards, mais très peu sont facilement accessibles à ceux qui souhaiteraient en disposer. Je trouvais regrettable que l’ensemble de ces quelque 4 800 pages se perde de cette façon ; c’est pourquoi j’ai proposé un site web qui remette en valeur les archives de la revue en faveur de toute personne intéressée.

II. Historique du site

En novembre 1999, j’ai rendu visite à Henri Lüscher, l’éditeur de la revue. Je lui ai proposé de créer un site web pour Promesses, et d’y insérer les anciens numéros. Le conseil de Promesses a validé ce projet en janvier 2000.

En décembre 2000, j’ai créé un site de démonstration, qui a permis de tester les possibilités du site, mais qui n’était pas totalement satisfaisant. Durant l’année 2001, j’ai donc travaillé sur une nouvelle conception du site.

Enfin, le 14 décembre 2002, le site www.promesses.org a débuté sur Internet, avec les numéros 132 à 143 de Promesses.

Depuis 2003, avec l’aide de plusieurs collaborateurs de Promesses (Fred Mondin, Jean Regard), d’autres numéros ont été ajoutés sur le site ; sa structure a été modifiée et tous les articles déjà parus ont été scannés. Nous continuons à travailler sur la mise en page web des numéros restants1.

III. Objectifs du site

Le premier objectif du site est l’archivage et la préservation de tous les articles publiés dans Promesses depuis le début. Ces articles sont classés pour faciliter la recherche et sont présentés   pour être prêts à imprimer chez le lecteur.

Le deuxième objectif est de pouvoir s’abonner par Internet à la version imprimée de Promesses.

Un troisième objectifest d’offrir aux lecteurs un endroit sur le site où ils puissent s’exprimer.

IV. Buts futurs du site

Nous pensons que le site web ouvre de grandes possibilités pour le ministère de Promesses. En effet, il y a maintenant deux moyens de diffusion pour le journal : il est publié en parallèle sur le site et sur papier. Chaque support possède ses points forts et permet de multiplier les opportunités :

– Le site vaut par son caractère immédiat, par son faible coût d’exploitation et par son accessibilité au monde entier. Nous voulons profiter davantage de ces atouts.

– Par contre, la version imprimée reste valable, parce que le format permet une lecture et une étude plus aisées que sur écran. De plus, pour les gens qui n’ont pas accès à internet, ou qui n’ont pas d’imprimante sur leur ordinateur, ou qui n’ont pas les moyens d’acheter de l’encre et du papier, comme en Afrique, la revue imprimée est souvent leur seul moyen d’accéder aux articles.

Nous avons là des raisons qui nous encouragent à développer davantage le site web.

V. Adresse du site

Rien n’est plus classique que le site http://promesses.local. La page d’accueil qui figure sur votre écran est reproduite dans la figure suivant:

Les diverses options de recherche sont faciles à découvrir et à utiliser.

À noter  : des recherches thématiques ou par mots-clés sont possibles. En haut à droite, cliquez sur « Recherche » ; ensuite tapez un ou plusieurs mots. Apparaîtra alors une liste des articles contenant ces mots.

Les articles sont classés sur le site par numéro de la version imprimée. Lorsqu’on accède à un article, la table des matières du numéro dont il est extrait s’affiche sur la droite de la page. Vous pouvez ainsi naviguer facilement entre les articles d’un numéro.

A bientôt sur le site ! Et n’hésitez pas à nous faire part de vos remarques.

Appel   : la gestion du site, ainsi que tout le travail de rédaction, de correction, de gestion et d’administration de la revue sont effectués par des bénévoles volontaires. Si, parmi nos lecteurs chrétiens, quelqu’un se sentait appelé à rejoindre les rangs des collaborateurs réguliers de Promesses, qu’il fasse parvenir sa candidature à M. Henri Lüscher, rédacteur en chef (voir rubrique « Abonnements »). Merci de votre intérêt.

1 Au moment où j’écris cet article, tous les articles anciens ne sont pas encore disponibles sur le site ; nous espérons qu’ils le seront un jour.


Actes 11.1-18

L ‘homme est parfois réticent devant le changement. à l’extrême, cette attitude peut mener jusqu’au blocage. Il est plus facile, quand une habitude s’est bien installée, de la conserver plutôt que de la changer et de développer de nouveaux comportements. Le changement peut parfois apporter des progrès et, en le refusant, on se prive malheureusement d’améliorations.

Parfois, les circonstances nous imposent des changements que nous n’aurions pas souhaités : maladies, perte d’un emploi ou autres raisons. Il peut s’ensuivre des situations de vie douloureuses. Mais la grâce abondante de Dieu réconforte tôt ou tard le croyant ainsi éprouvé.

Conséquence du changement

Une conséquence du changement est de favoriser l’émergence de deux camps. Cela se voit clairement dans le texte proposé à votre lecture. Certains sont défavorables au changement : ils croient que l’état ancien qui a prévalu pendant longtemps est préférable et qu’il faut le maintenir ; ce sont les conservateurs. D’autres sont favorables au changement : ils en aperçoivent les conséquences avantageuses et désirent aller de l’avant dans cette voie ; ce sont les novateurs.

On ne constate pas seulement ce phénomène dans la Bible, mais d’une manière plus générale dans la vie : en littérature, la « querelle des anciens et des modernes » en est l’illustration. On peut trouver d’autres exemples en pédagogie, en économie, en politique. Disons d’emblée que les novateurs n’ont pas toujours raison — ni les conservateurs d’ailleurs. Chaque circonstance mérite d’être examinée pour elle-même.

Un bouleversement sans précédent…

Dans notre texte, au premier siècle, un énorme changement a lieu, un bouleversement sans précédent. Jusqu’alors, presque exclusivement, le message du salut était annoncé par des Juifs en faveur de Juifs. Cela peut paraître arbitraire, mais Dieu, dans sa souveraineté et dans le déroulement de son plan de salut de l’humanité, en avait décidé ainsi.

Dès le livre des Actes (ch. 10 et 11), tout change : le salut, la grâce deviennent accessibles aux représentants de toutes les races et de toutes les nations. La Révélation n’est plus la propriété exclusive des Juifs. C’est le sens fondamental de la vision de Pierre, et ce sont ces nouvelles dispositions qui l’ont conduit chez le Romain Corneille dans un évident souci d’évangélisation. Dans un premier temps, les leaders de la proclamation du salut vont rester juifs ; un nouvel apôtre, juif encore, va émerger, mais cela ne durera pas et les non-juifs vont prendre le relais. Ainsi Dieu en a décidé et si cela ne plaît pas à certains circoncis de Jérusalem, cela ne changera en aucun cas la volonté de Dieu. C’est grâce à ce changement du premier siècle que nous existons aujourd’hui en tant que croyants et en tant que communauté locale.  

Et l’église ?

En ce qui concerne les églises, qu’en est-il des changements ? Comment les négocier ? Faut-il, en 2006, s’attendre à un bouleversement comme au premier siècle ? Ou au maintien du statu quo ? Ou seulement à des adaptations mineures ? Si oui, lesquelles sont-elles acceptables, lesquelles sont-elles à rejeter ? Dans quelle mesure certains changements peuvent-ils être bénéfiques ? Il faut se poser ce genre de questions et trouver des réponses valables, c’est-à-dire en accord avec la volonté de Dieu. Selon les réponses que l’on donne à ces questions, on obtient les différents types d’églises que nous connaissons.

Le fait suivant est acquis : aujourd’hui, l’évangile est destiné à toutes les races, les nations. Il est impossible de remettre cela en question. Mais le problème demeure : L’Église de 2006 doit-elle fonctionner comme celle de 1950 ou même de 1920 ?   Je ne crois pas que cela soit possible. Bien sûr, une Église forte et fidèle doit être ancrée sur la Parole. Mais sous un autre aspect, son fonctionnement doit tenir compte de la société dans laquelle elle s’insère, sans en accepter évidemment les défauts et les tares. Sinon, elle n’a plus d’impact, devient un bocal étanche et manque son but.

Les Amish ont voulu refuser le changement dans l’Église et maintenir à tout prix la règle d’origine. Le résultat est une absurdité : habits sans fermeture éclair,   téléphone au fond du jardin et petites carrioles noires trop souvent renversées par une voiture dans le ravin, cheval et passagers parfois en piteux état.

Qu’est-ce qui doit être changé aujourd’hui ?

Je suis ici en terrain exploratoire et propose quelques idées pour faire avancer le débat.

L’utilisation des médias modernes peut être une aide (par exemple : la vidéo, l’ordinateur, Internet, la transmission par satellite, l’appui de l’audio-visuel pour les prédications et l’enseignement).

Avec sagesse, il est certainement possible d’introduire dans l’Église quelques techniques de marketing pour améliorer l’efficacité de son témoignage et de son impact. Toutefois, lorsque certains suggèrent d’introduire dans l’Église des modèles tirés du néo-libéralisme, je reste très réservé : j’estime que les abus dénoncés par l’apôtre Jacques (Jac 5.1-6) se retrouvent bien souvent dans ces pratiques.

La mobilité a fait de grands progrès. Faut-il maintenir trois ou quatre églises difficilement viables dans un rayon de 30 km ? Une restructuration ne serait-elle pas envisageable ? Elle permettrait des économies et libérerait des fonds pour d’autres projets.

Je ne vois aucun mal à améliorer l’aspect convivial des églises. Certaines le font déjà. Une collation à la fin du culte enlève une certaine rigidité à l’assemblée et favorise les contacts et la fraternité.

La musique et l’église: un cocktail explosif

Si l’on parle de changement, un des points les plus sensibles actuellement, c’est certainement la musique.

J’ai beaucoup de peine avec quelques formes actuelles de musique chrétienne très rythmées et excessivement amplifiées. Peu doué dans ce domaine, je suis souvent dans l’incapacité de chanter certains cantiques, tout simplement parce que je ne peux pas maîtriser leurs rythmes trop saccadés pour moi. Mais est-ce que j’ai le droit, à 65 ans, de décréter, comme je l’ai déjà entendu, que seule la musique des années 1950, voire 1920, est spirituelle ? Bien sûr que non !

L’Écriture fixe une norme pour la musique utilisée dans les églises (Éph 5.19 ; Col 3.16). Elle doit être spirituelle. La règle est simple, mais son   application est difficile. Ne serait-il pas possible de promouvoir un groupe de travail composé de jeunes fidèles et consacrés responsables de jeunesse et d’anciens à l’esprit ouvert pour se pencher sur cette question importante et trouver des solutions approuvées d’En-Haut ? Mais je ne peux pas affirmer d’emblée que la musique de ma génération est plus spirituelle que celle des nouvelles générations. Et comment juger de la spiritualité des musiques chrétiennes africaines rythmées à souhait et qui ne sont pas basées sur nos gammes ? Mais la norme subsiste. Une musique qui n’est pas spirituelle n’a pas sa place dans l’église. Qu’on le veuille ou non, à l’avenir, il y aura encore des changements dans les styles musicaux, et beaucoup d’incompréhensions.

Je n’ai pas de solution miracle à proposer au sujet de la musique d’église, mais je désire vous raconter une expérience. En 2000, mon épouse et moi avons assisté aux États-Unis à la Conférence Générale des Églises des Frères de la Grâce (Fellowship of Grace Brethren Churches). Comme nous, ces chrétiens ont aussi des problèmes entre jeunes et vieux au sujet de la musique. Voilà comment ils ont essayé de les résoudre. Lors des réunions, un chef dirige une chorale et un orchestre avec amplification (trop forte à mon goût). Certains cantiques sont modernes et très rythmés, mais je dois reconnaître qu’ils ne manquent pas de dignité. Cependant à chaque réunion, on chante aussi un ou deux cantiques anciens parmi les plus fameux du riche répertoire évangélique anglophone. On respecte ainsi les goûts des jeunes, mais aussi ceux des personnes plus âgées. Je ne vois pas comment faire autrement… car on a besoin de la nouvelle génération. Sans elle, pas d’avenir !

Après ces quelques suggestions de changements possibles, voyons maintenant l’autre aspect de la question.

Qu’est-ce qui ne peut pas être changé ?

À nouveau, j’exprime quelques idées sans prétendre à l’infaillibilité.

L’enseignement, la doctrine de Jésus-Christ sont intouchables sous peine que nous devenions infidèles, voire hérétiques.

Doivent garder une place prépondérante dans les églises la Parole de Dieu, la croix de notre Seigneur et son œuvre rédemptrice .

L’esprit de disciple doit être renforcé : la consécration et son prix à payer sont incontournables.

La vie de prière, personnelle et collective, doit être encouragée.

La libéralité, la solidarité, la pratique du témoignage, l’évangélisation, la famille restent des valeurs qui ne peuvent pas être remises en question.

Conclusion

Faut-il appuyer les novateurs dans leurs recherches pour améliorer les méthodes des églises afin qu’elles soient plus efficaces, aient un meilleur impact et portent des fruits plus abondants ? Ma réponse est non si les messages bibliques deviennent plus superficiels, moins profonds, moins puissants que ceux des serviteurs de Dieu qui nous ont précédés. Ceux-ci d’ailleurs n’étaient pas parfaits et ont eu leurs faiblesses. Elle est franchement oui, si la croix de notre Seigneur continue d’être présentée dans la puissance du Saint-Esprit. Dans ce cas, il est possible d’accepter certains changements qui améliorent l’impact, le témoignage, le rayonnement de l’église locale. On ne peut pas se passer de la nouvelle génération, elle doit trouver sa place dans l’église, sinon cette dernière risque tout simplement de mourir, ce qui est tragique. Mais cette dernière pensée est écrite sans tenir compte de la grâce parfois surprenante du Seigneur tout-puissant…


Une priorité absolue

Plus que jamais, l’église est consciencieusement organisée et ses programmes sont bien remplis. Mais ce qui lui manque terriblement, c’est l’adoration. Nous avons perdu la vision de la grandeur de Dieu, de sa majesté et de sa sainteté. « Que ceux qui aiment ton salut disent sans cesse : Exalté soit l’éternel ! » (Ps 40.17). Jésus n’est-il pas venu sur terre « pour transformer les rebelles en adorateurs » ? (E.W. Tozer)

La « définition » de l’adoration

Adorer Dieu, c’est lui attribuer la valeur suprême, car lui seul est absolument digne (Ps 96.7-8). Pour Tozer, adorer, c’est « ressentir dans son coeur », « exprimer ce que l’on ressent » (l’ose-t-on encore dans nos milieux ?), c’est s’approcher de Dieu avec un sentiment de profonde crainte remplie d’admiration.

En fait, la Bible ne définit pas l’adoration, mais elle emploie plusieurs verbes pour en décrire les manifestations. Parmi ceux-ci, dans le Nouveau Testament :
proskuneô : se prosterner, se courber et baiser la main. Pratiquement, s’incliner et se   prosterner devant Dieu pour contempler sa majesté, sa grandeur.
sebomai : craindre, révérer. Pratiquement, craindre Dieu, avoir un profond respect et une admiration sans limite pour Dieu.
– latreuô  : servir, rendre un service religieux.
– aineô : louer, témoigner verbalement ou par écrit de notre grande estime envers quelqu’un.
– hymneô : chanter les louanges de quelqu’un.

Ainsi, louer et adorer Dieu incluront tour à tour la célébration, par nos lèvres, de tout ce qu’il est et de ce qu’il fait ; notre prosternation devant lui, dans une attitude d’humiliation produite par la conscience de   sa grandeur ; le don de notre vie entière à Dieu, notre mise à son service.

La priorité de l’adoration

Le petit catéchisme de Westminster définit ainsi le but de notre vie : « Le but principal de la vie de l’homme est de glorifier Dieu et de trouver en lui son bonheur éternel. » De la Genèse à l’Apocalypse, nous retrouvons ce thème : l’homme a été créé pour adorer Dieu (Gen 22.5 ; Deut 6.5 ; 11.13 ; 30.6 ; Rom 11.36 ; 1 Cor 10.31 ; Col 1.16 ; Apoc 4.10-11). Dieu a créé l’homme à son image (Gen 1.26-27) pour l’aimer, l’adorer et le servir. L’apôtre Paul déclare à trois reprises que nous avons été appelés à célébrer sa gloire ( éph 1.6,12,14). L’homme (le chrétien inclus) qui n’adore pas Dieu devient un idolâtre : il adorera une autre personne ou autre chose que Dieu.  

L’essence de l’adoration

« Dieu est Esprit, et il faut que ceux qui l’adorent l’adorent en esprit et en vérité. » (Jn 4. 24)

– «  En esprit » : du plus profond de notre coeur, soumis au Saint-Esprit, avec un coeur entier pour Dieu et des pensées centrées sur Dieu. Seul le Saint-Esprit peut nous conduire dans une adoration véritable (Phil 3.3).

– «  En vérité » : la Parole de Dieu est la vérité (Jean 17.17). Notre adoration doit être basée sur la révélation de Dieu dans la Bible.

L’expression de l’adoration

L’adoration comprend tous les aspects de la vie du chrétien. Tout appartient à Dieu (1 Cor 10.31). Il n’y a pas de dichotomie entre le sacré et le séculaire : «  à l’ éternel la terre et ce qu’elle renferme, le monde et ceux qui l’habitent » (Ps 24.1).   Nous devons vivre de telle façon qu’ « en toutes choses Dieu soit glorifié par Jésus-Christ » (1 Pi 4.11).

Il y a deux niveaux d’adoration :
L’adoration personnelle : Face aux circonstances adverses de la vie, l’ écriture nous enseigne à ne pas répondre par l’amertume ou la colère, mais à développer une attitude de reconnaissance ( éph 4.31-32 ; Col 3.8,12-17) : « Rendez grâces en toutes choses, car c’est à votre égard la volonté de Dieu en Jésus-Christ » (1 Th 5.18). Aucune situation permise par Dieu ne nous donne le droit de nous plaindre ou d’être amers (1 Cor 10.13). C’est alors que notre vie deviendra un chant de louange à Dieu.
L’adoration dans l’église : L’apôtre Paul insiste sur l’aspect communautaire de l’adoration. La personne qui adore est membre du corps de Christ. Il n’y a donc pas de place pour insister sur ses préférences personnelles. D’ailleurs, Dieu est plus concerné par notre attitude de coeur que par la forme que prend notre adoration (ordre du culte, instruments de musique, etc.). Rappelons-nous que le but de l’adoration n’est pas l’expérience subjective du croyant ; son but est d’attribuer à Dieu toute la gloire qui lui est due. De plus, chaque croyant a un rôle dans le culte d’adoration. Séparer la communauté en une personne qui parle et un corps d’auditeurs passifs est une idée étrangère au Nouveau Testament. Dans l’ église primitive, l’accent était mis sur le fait que les croyants étaient tous ensemble (Act 1.14 ; 2.46 ; 4.24 ; 5.12 ; 15.25). Il y avait unité de coeur et d’esprit (Ac 4.32).

Les conditions pour une adoration véritable

– Une coupure d’avec les idoles de ce siècle : autosatisfaction, matérialisme, recherche des honneurs. Impossible dans ce cas de connaître Dieu intimement.

– I Une juste motivation : recherchons-nous Dieu pour ce qu’il peut nous donner, ou pour ce qu’il est ? Combien souvent Dieu est déçu parce que nous le recherchons pour de mauvaises raisons.

– Le besoin pour chacun de nous de préparer notre coeur : si nous négligeons cet aspect, la présence de Dieu sera moins ressentie, et il n’y aura pas de joie (Ps 24.3-5).

Ce qui met l’adoration en danger

–   Placer l’organisation de l’église avant l’adoration.

– Vouloir tout expliquer (c’est le danger du rationalisme évangélique) et tout maîtriser. Sommes-nous encore capables d’être émerveillés par la personne de Dieu ? Cela va nous conduire à une sainte passion pour Dieu et notre prochain.

–   Tout ministère ou toute activité chrétienne qui ne découle pas d’un esprit d’adoration.

Quelques applications pratiques pour un culte d’adoration selon le N. T. dans nos églises

Le culte doit être centré sur Dieu . L’accent ne sera donc pas mis sur soi (mes besoins) ou sur les autres (leurs besoins), mais sur la personne de Dieu. Pratiquement, cela signifie que nous veillerons à ce qu’il n’y ait pas toujours quelqu’un en chaire qui parle, mais que les fidèles aient l’opportunité durant le culte de s’approcher de Dieu et de l’adorer.   Un bon préalable serait de réserver 5 minutes avant le culte pour permettre aux frères et soeurs de s’asseoir en silence et de se placer devant Dieu pour préparer leur coeur.

Le culte doit être centré sur la Parole de Dieu . évitons deux extrêmes : d’une part, celui où la prédication devient l’unique but du rassemblement des chrétiens ; d’autre part, celui où le partage et la communion fraternelle prennent la place de la prédication. L’un et l’autre ont leur place.

Le culte est l’affaire de toute l’assemblée, pas seulement du pasteur et du président de culte (lorsqu’il y en a un). Tous les membres, avec les dons que le Seigneur a donnés à chacun, devraient avoir la possibilité d’avoir une part active dans le déroulement du culte – louange, prières, lectures bibliques, exhortation, témoignage, etc. (Col 3.16) Le culte ne doit pas être rigide et le Saint-Esprit doit avoir la liberté d’agir et d’intervenir.


Histoire de l’église

à partir de 1545

Introduction

Les articles précédents de cette série considéraient les trois grands réformateurs protestants : Zwingli, Luther, et Calvin. Chacun d’eux avait sommé l’ église de Rome de renier ses erreurs et superstitions, tant dans leurs écrits que dans les débats oraux auxquels ils avaient été confrontés.

Pourquoi l’ église Catholique Romaine (ECR), après tant de siècles de pouvoir suprême, était-elle contestée ? Avait-elle vraiment besoin d’un renouveau spirituel ? La réponse diffère selon la tradition religieuse du commentateur. Par exemple, le pape Adrien VI, en 1522, en parlant de la Réforme allemande inspirée par Luther dit :  « Nous reconnaissons que Dieu a permis cette persécution (sic) de l’ église à cause des péchés des hommes et particulièrement des prêtres et des prélats. » De son côté, le directeur du Séminaire Universitaire de Lyon, J. Colomb, dira en 1947 que Luther a créé une fausse réforme, en déchirant l’ église par des attaques contre le pape, «  le plus grand malheur qui soit arrivé à la civilisation occidentale », selon lui.

Revenons en arrière et évaluons la réalité à la lumière de l’histoire. Au xiii e s., le pape domine sans conteste sur le clergé, les rois et les princes. Il contrôle la politique des états, et commande des expéditions militaires là où il le désire. L’ECR est le centre du monde occidental. Le xiv e s. va modifier la donne :
– Les rois et princes recherchent leur indépendance de l’ECR. Celle-ci élit trois papes en même temps par trois conciles contradictoires, pour gérer leurs pays.
– La guerre de Cent Ans et la peste ravagent l’Europe. La vie est trop courte pour ne pas en profiter.
– Le clergé s’intéresse à l’argent et oublie « le troupeau ».
– L’art, les idées, la littérature de la Renaissance italienne glorifient l’Homme et la Nature, et paganisent toute la société.
– L’évangile est oublié, voire nié.
– L’ECR brille moins par sa sainteté que par ses richesses matérielles ; ses papes commandent de somptueux palais.
– La papauté ne guide plus les peuples selon la Bible.

Le xve s. ne fait pas mieux, mais voit apparaître des individus et de petits groupes qui reconnaissent que l’ECR court à sa perte et nécessite une réforme en profondeur. La papauté s’intéresse moins à ses missions qu’à une vie de luxe, voire d’immoralité, à sa puissance politique (les états papaux), ou aux arts.

La question se pose : comment réformer la papauté pour pouvoir redresser toute l’ECR ?
1. Attaquer la papauté qui existe depuis le temps des apôtres (sic) pour refaire du neuf ?
2. Rester fidèle à l’ECR par une réforme de l’intérieur, parce que le pape est le successeur de Christ, de Pierre, et que les traditions sont bonnes, quoiqu’un peu souillées ? On ne tue pas un malade, on applique des régimes pour le guérir !

Cette dernière option motive Zwingli et Luther… en vain. C’est donc la première solution qui est appliquée sans concession (même si des négociations perdurent entre les « protestants » et l’ECR jusqu’en 1541). Les Réformateurs apportent suffisamment de preuves bibliques et historiques démontrant que l’ECR s’est détournée du chemin évangélique depuis des siècles : il faut revenir aux principes du Nouveau Testament !

La réponse de la papauté est curieuse, parce qu’inconsciente du danger. Les évêques et prélats sont absents de leurs charges. L’ECR ignore le profond mécontentement de la masse populaire. Ce n’est qu’à partir de 1519 que Léon X, puis Adrien VI (en 1522), prennent au sérieux la menace… mais trop tard. Les dés sont jetés en 1520 par la publication de La Captivité babylonienne de Luther. Pour Erasme,  « la brèche est irréparable ! ». Adrien VI (1521-1523) tente de petites réformes, mais il est menacé d’assassinat et d’empoisonnement ! Paul III (1534-1549), lui, est une vraie énigme : il veut une réforme en purifiant la Curie, en s’entourant de conseillers à la bonne moralité (Contarini, Carafa, Pole, Sadolet), en transférant le contrôle de l’Inquisition de l’Espagne à Rome, et en créant le Concile de Trente, mais en même temps, il mène une vie des plus immorales, et promeut tous ses enfants illégitimes !

Des origines plus anciennes que la Réforme

La « Contre-Réforme catholique » démarre vraiment à partir 1545 pour s’achever en 1648. L’ECR préfère à cette expression les termes de « Réforme Catholique » ou de « Renouveau Catholique »… et elle n’a pas tout à fait tort ! Est-elle seulement une réaction à la rébellion protestante en Suisse, en Allemagne, et à Genève ? Non ! On est surpris d’apprendre que l’idée d’une réforme de l’ECR avait débuté au xv e s. dans la très catholique Espagne !

Quelques éléments de réforme et de réveil dans l’ECR précèdent la Réforme protestante. Ces deux Réformes s’opposent sur bien des points, mais offrent quelques similitudes : toutes deux s’appuient sur un passé en commun, elles conduisent à un réveil de la prédication biblique et populaire, elles favorisent un mysticisme pratique1.

En Espagne

Des personnalités comme le cardinal X. de Cisneros, F. de Vitoria ou la fervente reine Isabelle de Castille espéraient ardemment une réforme bien catholique en Espagne. Ils sont plusieurs à constater que l’ECR espagnole est tombée bien bas sur le plan spirituel. Un des sombres aspects de ce pieux désir se manifeste dans les pouvoirs accordés à Tomas de Torquemada vers 1478 pour établir l’Inquisition : tout Espagnol, sans exception, y compris juifs et musulmans, se doit d’entrer dans l’ECR, en se convertissant et en acceptant le baptême. Et gare aux hypocrites, le poteau leur est réservé ! En 1492, les juifs sont expulsés, et plus tard, c’est le tour des Maures.

Fait intéressant, le cardinal Ximénez de Cisneros publie entre 1514 et 1517 la Bible complutensienne polyglotte (d’après le nom latin de la ville, Complutum) : l’AT est en hébreu, en araméen, en latin (la Vulgate) et en grec ; le NT, lui, est en grec. Pourquoi une telle publication ? Tout simplement, parce qu’il veut favoriser un retour à l’étude de la Bible parmi les séminaristes de l’université d’Alcala. Cette université est fondée en 1500, et accueille ses premiers étudiants en 1508.

La réforme espagnole possède donc une base solide. Mais tout cela donne l’illusion que l’ECR retourne à la pureté de l’ère apostolique. Toute dissidence est fortement réprimée.

Une certaine piété médiévale, un mysticisme quiétiste et une scolastique rénovée sont le fer de lance d’une nouvelle force religieuse : un réveil de l’ascétisme et du monachisme. Le mysticisme ascétique minimise l’importance des sacrements et de la médiation sacerdotale. Certains théologiens remplacent la dialectique aride de la scolastique par un retour à l’étude assidue des Pères de l’ église, développant ainsi une nouvelle théologie dogmatique et morale.

Telle est, en résumé, la vie spirituelle en Espagne avant l’apparition de Luther.

En Italie

Contrairement à ce que l’on peut penser, il y a à l’époque des individus et des petits groupes qui espèrent, ici et là, une réforme de la part de la papauté. Par exemple, cinquante prélats et laïcs de convictions diverses se mettent solennellement ensemble dans « l’Oratoire de l’amour divin » en vue de maintenir le catholicisme traditionnel sous la direction de la papauté : ils espèrent faire revivre la spiritualité de l’âme individuelle par la prière, la prédication, l’écoute des sermons, l’emploi fréquent des sacrements et par les « actes d’amour ». Ils regrettent la détérioration progressive de la moralité, l’ignorance et la superstition des masses, le manque de sincérité d’une grande partie du clergé, le paganisme de la vie religieuse et culturelle, et la misère très répandue du peuple que la façade de la Renaissance ne peut plus cacher. Une querelle entre Clément VII (1525-1534) et Charles Quint s’achève par le sac de Rome pendant des semaines, perpétré par l’armée indisciplinée de l’empereur. Clément est emprisonné pendant six mois ! La repentance jaillit dans les cœurs de beaucoup à cause de ce « jugement de Dieu ». L’Oratoire se disperse. Parmi ce groupe, on trouve des évêques (Sadolet, Ghiberti, Carafa), qui décident de monter une campagne de réforme dans leurs diocèses : ils veulent former leur clergé pour que celui-ci assume ses responsabilités religieuses avec discipline, établir des écoles pour éduquer des jeunes, s’occuper des pauvres, lutter contre les maladies vénériennes, modifier et adapter la scolastique à la situation, maintenir l’orthodoxie théologique de l’ECR par l’étude de la Bible ! Sadolet essaie même d’évangéliserGenève à l’époque de Calvin pour la faire revenir au bercail. Tous avaient pleinement conscience qu’une vraie et durable réforme dépendait surtout du nettoyage de la papauté, rien de moins.

Un nouveau monachisme

De nouveaux ordres sont fondés sur des initiatives individuelles entre 1524 et 1540 pour répondre à des besoins religieux et sociaux criants, sous le règne de Paul III (1534-1549). Ces ordres ne seront pas des systèmes clos : leurs activités et leur influence vont largement dépasser le cadre leurs membres.
– Les Théatins (1524) sont des aristocrates qui se consacrent à une vie rude, pauvre et ascétique, pour montrer l’exemple au clergé séculaire par leur prédication, par l’administration des sacrements, par la création d’orphelinats et d’hôpitaux, et en délivrant des prostituées.
– Les Barnabites (1530), aristocrates eux aussi, instruisent la jeunesse et exportent leur réforme personnelle en Allemagne, en Bohème, en France.
– Les Capucins (1525), de couche populaire, sont les rejetons d’une branche des Franciscains observants ; ils savent s’identifier aux pauvres en prêchant dans leur langage et en s’occupant des malades et des miséreux.
– Les Ursulines (1535) se dévouent à l’éducation des filles sans faire de distinction.
– La Société de Jésus, c.-à-d. les Jésuites, est fondée par Ignace de Loyola avec six amis en 1534 à Paris, mais reconnue par Paul III en 1540 seulement. Elle s’occupe des pauvres et des prostituées, établit des maisons pour des ouvriers et des pauvres. Sa réputation est acquise par une éducation stricte et de qualité auprès des jeunes, par sa capacité à faire revenir les couches populaires à l’ECR, et par sa promotion d’une ardeur religieuse personnelle en employant la confession et les « exercices » spirituels.

Le temps des grandes manœuvres

Peu à peu, l’esprit du renouveau pénètre au sein la Curie romaine, y compris sous Clément VII ; mais c’est à Paul III (1534-1549) qu’il revient de lancer une réforme : il convoque enfin un concile digne de ce nom, sous la pression de Charles Quint ; l’empereur veut briser le mouvement protestant, qui perturbe l’unité religieuse et politique de l’Empire. La stabilité de ce dernier dépend d’une ECR unie et puissante. Le pape veut déterminer clairement de quelle réforme a besoin l’ECR avant de se lancer dans cette vaste entreprise. Il crée une commission de neuf cardinaux droits et compétents pour enquêter sur la situation. Les constats effraient Paul III au point qu’il ne les publiera jamais ! Les voici : la papauté est sécularisée, elle croit que son pouvoir est si absolu (déjà une ombre de 18702 !) qu’elle peut vendre des offices pour son seul profit ; la défection des fidèles vient principalement de la vénalité des personnes haut placées ; l’absentéisme des cardinaux de leurs diocèses, les anciens ordres monastiques trop laxistes, la vente scandaleuse des indulgences, le soutien actif à la prostitution à Rome, l’influence païenne dans les écoles, etc.

Pour comble, les protestants ont pu se procurer une copie du document, et l’ont utilisé contre l’ECR ! Paul III a toutefois consenti à purger quelque peu la Curie, et même la ville. Les pays catholiques ont bien apprécié ce début de nettoyage. Après maints obstacles et péripéties, le pape a pu réunir le Concile de Trente en 15453. Paul III fixe au Concile trois objectifs : triompher de la division religieuse des protestants ; réformer l’ECR ; libérer les chrétiens du joug turc. Paul III s’octroie le contrôle de l’Inquisition en fixant à Rome le centre de décision.

à partir de Paul III, tous les papes se concentrent sur l’application des décisions de Trente :
– Pie IV (1559-1565) propose l’idée de l’Index, cette liste de livres que tout bon chrétien ne doit pas avoir entre les mains.
– Pie IV, encore, crée le fameux Catéchisme romain et révise le Bréviaire. Celui-ci est un livre de prières et de lectures à l’usage quotidien du clergé, puis des laïcs à partir de 1971. Il prépare aussi le Missel romain ; c’est un livre de prières et de descriptions des actes liturgiques s’appliquant à la messe pour tous les jours de l’année. Paul VI, cependant, en fera une refonte en 1970, même si le Missel des dimanches est aujourd’hui le plus populaire.
– Pie V (1566-1572) laisse de côté la politique, réforme le clergé, envoie des troupes en France contre les huguenots, aide les catholiques anglais qui essayent de chasser la reine Elisabeth I, félicite le duc espagnol d’Alba pour ses massacres des calvinistes aux Pays-Bas, chasse l’immoralité et la corruption, et supprime l’hérésie protestante à Rome par des autodafés4.
– Grégoire XIII (1572-1585) réforme l’ancien calendrier de la Rome antique. C’est ainsi que nous utilisons « le calendrier grégorien » plutôt que celui de Jules César (utilisé encore par les grecs et russes orthodoxes). Le nouveau calendrier n’a qu’un jour de plus toutes les 3,323 années. Ce pape soutient sans mesure les Jésuites, il crée des universités romaine, allemande, grecque, et anglaise à Rome et aussi des instituts pontificaux pour former des prêtres dans divers pays. Il se réjouit en célébrant un Te Deum aux nouvelles du massacre de la Saint-Barthélemy le 24 août 1572 à Paris, qui a décapité le parti protestant français. Il encourage des révoltes en Irlande contre les protestants, soutient Philippe II d’Espagne et les Guises en France, contre les protestants.
– Sixte V (1585-1590) réforme efficacement les états pontificaux (en Italie du centre), encourage et finance des croisades contre la Turquie, l’Angleterre, Genève, des protestants de Pologne et de Suède. Il pousse le protestant Henri IV à devenir catholique.
– Clément VIII (1592-1605) accomplit des réformes liturgiques, publie une révision érudite de la Vulgate.

Tels sont, en résumé, les actes de quelques-uns des douze papes du xvi e s. qui se sont engagés avec énergie pour réformer l’ECR. Rome considère qu’elle a réussi à préserver l’essentiel de l’organisation, les doctrines et l’esprit des traditions médiévales de la papauté. Toutefois, quant au fond, rien n’est changé.

à la fin du xvi e s l’autorité du pape est fermement rétablie. Il a corrigé les pires abus publics en recrutant de puissantes forces religieuses et culturelles en divers pays pour le bienfait de l’ECR. Il contrôle mieux son administration et la vie spirituelle des peuples.

Pourquoi la Réforme protestante ne perce pas en Italie

Il est impératif pour les protestants que la Réforme triomphe en Italie. Or, ce n’est pas le cas. La désunion politique italienne donne à Charles Quint un motif pour se présenter comme seul défenseur valable de l’ECR, à laquelle il tenait de tout cœur. L’ECR avait une grande et très belle capitale, ce qui, pour les catholiques, prouvait que Dieu avait béni son «  église ». En effet, qu’avaient les protestants de semblable ?! L’Oratoire, créé en 1517, dont le membre le plus important est le cardinal Carafa — qui deviendra plus tard le pape Paul IV — répand son influence au-delà du petit nombre de ses membres déterminés. Paul III fait des meilleurs de l’Oratoire ses conseillers personnels les plus proches, avec succès. Les Capucins, les Ursulines, les Jésuites, se montrent infaillibles dans l’énergie qu’ils mettent pour éduquer garçons et filles, pour sauver les âmes, pour vivre parmi les pauvres une vie exemplaire sur tous les plans. Tout cela contribue à modifier en bien l’image que les Italiens se font de leur église. On veut alors la protéger des idées et des efforts extérieurs pour détruire cette institution qui date de Christ et des apôtres (sic). Ajoutez le fait que les protestants, surtout les chefs, dans le triangle Suisse-Allemagne-France se bagarrent entre eux sur des points de doctrine mineurs, voire s’entretuent (les calvinistes tuent les anabaptistes adultes à cause de la question du baptême des enfants)… Quelle mauvaise publicité ! Les quelques protestants d’Italie ne possèdent aucun grand leader pour les diriger, et surtout ils n’ont pas de force politico-militaire pour les protéger. Résultat : l’ECR reste unie, les anti-papistes sont inconséquents.

La marche de l’Histoire

Ces deux réformes produisirent en Europe un tel creuset de forces et de mouvements opposés, d’idées contradictoires, de guerres meurtrières, de manœuvres et d’alliances politiques complexes, qu’il est impossible de tout relater dans cet article. Il est facile de nos jours de discerner les vérités et les erreurs de tel ou tel acteur de l’histoire, mais il faut bien comprendre que tout arrivait très vite, dans un monde à l’évolution exponentielle sur le plan économique, géographique (découverte du Nouveau Monde), technologique (toujours de nouvelles inventions) ; les échanges d’informations se démultiplièrent aussi grâce à l’imprimerie… Il fallait réagir très vite aux influences extérieures, avant de se faire dépasser par les événements.

Les réformateurs protestants, en tant que pionniers, entamaient leur tâche avec un énorme handicap, souvent seuls, tandis que l’ECR pouvait s’appuyer sur une organisation, une longue histoire et la motivation bien ancrée de sauver le navire. Les catholiques se croyaient sincèrement intègres, tous leurs opposants venant du diable. Ils étaient prêts à tous les sacrifices pour protéger leur « maison » de ces quelques destructeurs. Sur ce point, il est certain que nous, évangéliques, avons des leçons pratiques de détermination et d’engagement à apprendre. Nous vivons en paix actuellement, mais l’ECR — derrière une façade de gentillesse et d’œcuménisme universel — n’a pas modifié sa vision, ni ses buts à atteindre pour régner sur le monde au nom de Christ et de Marie.

Les conséquences internes de la contre-réforme

Finalement, à quoi aboutit la forte réaction réformatrice de l’ECR au protestantisme ?
– Des ruines de l’ECR médiévale ont fleuri une nouvelle piété spirituelle, bien catholique, et une orthodoxie mieux définie, quoique rigide et contraire aux normes bibliques.
– Certains catholiques ont mieux saisi pourquoi ils étaient catholiques par rapport aux protestants, même si l’ECR retient des croyances et des pratiques très souvent anti-bibliques, superstitieuses et médiévales. Tout est devenu cohérent, organisé, et logique pour eux, car ils comprennent pourquoi ils croient ceci ou cela.
– L’expansion missionnaire extraordinaire du catholicisme outre-mer dans les deux Amériques, en Afrique, aux Indes, au Japon, au Sri-Lanka a rencontré des succès fulgurants, le but étant de compenser la perte de larges régions en Europe. L’ECR, ainsi rajeunie, voyait le moyen de retrouver fortune et d’augmenter le nombre de ses membres lui permettant d’influencer la politique et le commerce des pays nouvellement conquis.
– La nouvelle ECR a pu empêcher l’Allemagne et la France de devenir protestants d’une manière écrasante comme en Angleterre, en Ecosse et en Suède. Le renouveau catholique aidait l’Espagne et l’Italie à préserver leurs spécificités religieuse et culturelle.

Conclusion

En tant que protestants évangéliques, les succès de la Contre-Réforme nous attristent, car la proclamation néotestamentaire du salut par la grâce sans les œuvres en a été largement ralentie, voire arrêtée. Le monde évangélique fait face à un « concurrent » exceptionnel qu’il ne peut se permettre de sous-estimer. L’ECR de Benoît XVI peut nous paraître un gentil géant inoffensif. Détrompons-nous, c’est le même colosse qu’autrefois. J’ai entendu le pape actuel, encore Cardinal Ratzinger à l’époque, dire à la télévision française au printemps 2003 que l’Inquisition avait été remplacée par la Congrégation du Saint Office (en 1908), puis par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi (lors de Vatican II, en 1965), mais que l’esprit était resté le même ! Au xvi e s, l’ECR a changé de visage par rapport au Moyen Âge ; mais a-t-elle vraiment changé intérieurement aujourd’hui ?

1 Luther et Ignace de Loyola sont tous deux très touchés par l’Imitation de Jésus-Christ, publiée en 1418 et attribuée à Thomas a Kempis ; 3 000 livres de mystique sont imprimés au xvi e s. en Espagne.
2 En 1870 fut proclamé le dogme de l’infaillibilité pontificale.
3 Un article futur lui sera consacré, car l’ECR du xxi e s. n’est que le prolongement de ce concile, et Vatican II n’a rien changé de très fondamental aux décisions de Trente !
4 Un autodafé était une cérémonie au cours de laquelle les hérétiques condamnés au supplice du feu par l’Inquisition étaient conviés à faire acte de foi pour mériter leur rachat dans l’autre monde.


Chronique de livre
Auteur : Florent Varak1

En mai sortira le film tiré du best-seller de Dan Brown, Le Da Vinci code. L’histoire raconte que « Jésus était marié à Marie-Madeleine, avec qui il eut une fille dont la descendance s’est unie à la dynastie mérovingienne. » Pour garantir sa domination, l’Église tenterait d’étouffer l’affaire en rejetant des évangiles trop explicites, en avilissant l’image de Marie-Madeleine, etc. Néanmoins, des indices seraient disséminés ici et là, comme dans le dernier repas du Christ représenté par Léonard de Vinci.

Dan Brown possède sans conteste des qualités d’écrivain : sa finesse créative et son style romanesque ont séduit des milliers de lecteurs. Ce succès a suscité la publication de plusieurs livres, plus ou moins critiques. Au-delà de l’aspect artistique, F. Varak nous propose de réfléchir sereinement sur les questions que semblent soulever ce roman. Son écriture est épurée et facile à lire. Avec des mots simples, des illustrations pertinentes et des références fiables, l’auteur parvient à confronter les thèses de D. Brown à l’histoire. En cinq chapitres non dénués d’humour, le lecteur se forgera de solides opinions sur le mariage de Jésus ; il comprendra pourquoi quatre évangiles sur quatre-vingts sont admis dans le canon biblique et quelles sont les caractéristiques des apocryphes gnostiques. Il saura s’il y a vraiment complot de l’ église. Il découvrira aussi la véritable épouse de Christ et l’invitation qui lui est faite de participer aux noces !

1. Des faits avérés ?

D. Brown joue sur l’ambiguïté. Malgré la forme romanesque de son récit, il prétend s’appuyer sur des faits avérés. Méfions-nous de vouloir réécrire l’histoire. Comme il est séduisant de clamer : « On vous a trompés sur Jésus » ! L’une de ses principales sources d’informations, le Prieuré de Sion, est une « imposture » créée de toutes pièces par Pierre Plantard en 1956 à Annemasse. De plus, la lecture que fait D. Brown d’un tableau peint quinze siècles après la vie de Jésus n’est pas crédible.

En confrontant les thèses du romancier à ce qu’en disent les spécialistes, F. Varak montre que ses recherches « laissent à désirer » : « De telles erreurs sur des sujets simples et récents jettent le discrédit sur le reste. » Et l’enjeu est de taille : ce que l’on croit de Jésus a des conséquences éternelles. Luc commence son Évangile en revendiquant l’historicité des faits qu’il raconte (Luc 1.1-4) et « Jean donne à ces faits un sens » (Jean 20.31). Qui croirez-vous : la Bible ou le Da Vinci code ?

2. Qui est Marie-Madeleine ?

Dans le Da Vinci code, la figure de Marie-Madeleine est centrale. F. Varak montre que nous savons peu de choses d’elle, si ce n’est sa délivrance des démons par Jésus et sa dévotion. Il nous apprend qu’au vii e siècle, le pape Grégoire le Grand, pour des raisons politiques et religieuses, a associé deux textes bibliques (Luc 7.36-50 et 8.1-3) pour faire de cette femme la figure de la prostituée repentante. à partir de ce moment, des légendes la mentionnent, elle devient « une semi-divinité ».

Jésus pouvait légitimement se marier et engendrer… Seulement, c’est historiquement erroné. Contrairement aux dires de D. Brown, le mariage des trentenaires juifs n’est pas imposé : « Il n’existe pas le moindre indice historique en faveur de cette hypothèse. » Le célibat est envisageable, comme le prouve l’existence de la communauté juive des Esséniens, contemporaine de Jésus.

3. Philippe les a-t-il vus s’embrasser ?

D. Brown affirme que l’empereur Constantin a trafiqué la Bible au concile de Nicée (325). « C’est très mal connaître l’histoire ! », répond F. Varak : ce concile n’a pas touché au canon biblique qui faisait déjà l’objet d’un consensus. Prenons les évangiles : quatre suffisent à raconter la vie et l’enseignement de Jésus. Les autres sont soit de pâles copies (ils n’offrent aucune information complémentaire ou pertinente), soit inexacts ou loufoques (ils dénotent une mauvaise compréhension du monde juif), soit trop tardifs (ils n’existent que pour mieux promouvoir la mouvance gnostique du iii e s.). L’un d’eux, L’évangile selon Philippe, témoigne que Jésus et Marie-Madeleine s’embrassaient souvent ; c’est une « preuve irréfutable » selon D. Brown. Qu’en penser ?

a) Les experts savent bien que ce livre, « comme beaucoup de textes apocryphes, porte le nom d’un apôtre pour lui conférer une certaine crédibilité ». Un faux, écrit « quelque deux cents ans après la vie de Christ, est-ce là la preuve irréfutable ? »

b) Pour les gnostiques, qui dénigrent la matérialité de notre monde, un baiser ne peut avoir qu’un sens spirituel (celui d’une initiation) : « Il est impensable d’y voir les traces d’un mariage, ni même d’une intimité charnelle. » D’ailleurs, dans ce même écrit, le mariage est condamné.

F. Varak ajoute que l’ église n’a jamais tenté de cacher ces évangiles apocryphes. D’ailleurs, nombre de nos traditions et légendes s’y réfèrent, preuve qu’ils étaient lus parfois. Cependant, personne ne serait tombé dans le piège de les sacraliser : à cause de leur écriture tardive, de leurs effets dramatiques peu crédibles et parce qu’ils professent une vision du monde aux antipodes de l’enseignement biblique (en effet, ils « décrient la vie terrestre, dévalorisent les femmes, renient Jésus, etc. »).

4. Jésus élu Dieu en 325 ?

Comme les témoins de Jéhovah, D. Brown renie la divinité de Christ : Jésus aurait été élu Dieu au concile de Nicée parce que ses adeptes auraient mal interprété son enseignement. F. Varak invente une petite histoire désopilante et originale pour nous expliquer ensuite pourquoi cette thèse contredit l’enseignement de l’Ancien et du Nouveau Testaments, celui de Jésus lui-même, ainsi que celui de l’ église des premiers siècles. Il faudrait renier aussi sa résurrection. Or, cet événement « est la signature authentifiant la véracité du christianisme ».

5. Les noces de Jésus

Dans son dernier chapitre, F. Varak rappelle que la Bible décrit le véritable mariage de Jésus (Apoc 19.5-9). L’épouse existe : c’est l’Église ! En choisissant cette image, Dieu nous invite notamment à vivre une relation personnelle et bénie avec Christ, en nous engageant exclusivement pour lui. C’est pourquoi il est si important de discerner le vrai du faux : notre compréhension de la personne de Christ a une portée éternelle.

N’oubliez pas : en mai, tout le monde parlera du Da Vinci code. Pour la sérénité du débat, pour l’intelligence de nos réponses, et pour l’opportunité d’annoncer le véritable Évangile qui sauve, ce livre original, facile à lire, bien documenté et pertinent est essentiel.

Frédéric Mondin

Pour se procurer ce livre, s’adresser à toute librairie évangélique ou aux éditions Clé, 2 impasse Morel, 69003 Lyon, France ; site www.editionscle.com ; tél : + 33 (0)4 37 56 25 00.

1 Florent Varak a grandi dans une famille passionnée de spiritualité orientale. En 1984, il se convertit au christianisme. Marié et père de trois enfants, il est titulaire d’une maîtrise de théologie et pasteur depuis plus de 10 ans.


La mentalité post-moderne qui imprègne notre société doit être évaluée en toute objectivité si l’on veut tirer parti des opportunités qu’elle procure — et se garder de ses pièges. Sous quatre angles différents, nous tenterons donc d’en saisir les aspects positifs et négatifs1 et de relever comment les médias s’en font l’écho.

1. La place du sentiment et de l’expérience

a. Le symptôme post-moderne

« Peu importe qu’une chose soit déraisonnable ; si elle me plaît, si elle me convient, si elle me fait chaud au cœur, elle est bonne. »

b. Des aspects positifs

– La redécouverte des sentiments : l’homme n’est pas qu’une machine, ce qui rééquilibre la pensée par rapport au matérialisme pur qui prévalait à la fin du xix e siècle.
– La critique de la raison toute-puissante de l’homme : le danger du rationalisme s’en trouve ainsi atténué.
– L’accent mis sur la pratique : la théorie doit devenir expérimentale pour être valide et utile.

c. Des aspects négatifs

– Les valeurs objectives sont contestées.
– On recherche éperdument des sensations fortes.
– Les émotions calmes sont délaissées au profit des émotions choc.
– L’enseignement normatif est rejeté au profit de l’expérience, qui fait seule référence.

d. La traduction dans les médias

– TV : Il faut toujours plus de sensationnel. Le journal télévisé se nourrit des images les plus « chocs », parfois vraiment atroces, et cela à des heures de grande audience. Les journalistes sont partagés entre leur déontologie et la pression de l’audimat.
– Radio : L’analyse objective du fait est de plus en plus délaissée au profit de « radio trottoir », même sur ces radios dédiées à l’information comme France-info : l’important n’est pas pourquoi tel événement est arrivé, mais comment Mme Michu l’a vécu.
– Pub : Il faut d’abord susciter l’émotion. Une publicité pour un café mettra en scène les élans torrides d’un couple au petit matin, plutôt que de décrire les qualités du produit.

e. L’antidote biblique

Le Seigneur a averti : « Celui qui boit de cette eau aura de nouveau soif » (Jean 4. 13). La femme samaritaine avait essayé avec au moins six hommes de trouver le sens de sa vie dans les sentiments. Vaine recherche. La recherche effrénée de sensations fortes est une escalade sans fin. Quel bonheur de savoir que Jésus seul peut répondre pleinement à notre soif d’expériences ! En le suivant et le servant, la vie est tout sauf théorique et tiède.

2. La remise en cause des absolus

a. Le symptôme post-moderne

« Toutes les opinions, toutes les religions se valent ; l’important, c’est d’être convaincu ; ma vérité n’est pas forcément la tienne ; pourvu qu’on soit sincère, à chacun sa vérité ; tout est relatif »

b. Des aspects positifs

– Par rapport à la société d’autrefois, où la parole du patriarche ou de l’autorité ne souffrait aucune remise en cause ou critique — même positive et constructive —, nous écoutons mieux aujourd’hui les opinions divergentes.
– Les seuls arguments d’autorité ne suffisent plus : il devient nécessaire d’étayer ce que l’on croit et la place d’autorité d’une personne ne lui confère plus le droit de me dicter ma conduite.
– Il est nécessaire d’avoir une réflexion personnelle pour être pleinement persuadé des absolus auxquels on tient.

c. Des aspects négatifs

– La morale est de plus en plus déterminée par le consensus populaire : est « bien » ce qui est accepté comme tel, ici et maintenant2.
– Le relativisme se généralise. On n’a plus de référentiel fixe (politique, syndical, religieux, etc.) pour orienter sa vie.
– Le christianisme authentique, qui a l’audace de se présenter comme étant « la » vérité (Jean 14.6) est dévalorisé. On tolère tout, sauf une chose : affirmer un absolu.

d. La traduction dans les médias

– TV/radio : Lors de débats, l’expression de plusieurs opinions est obligatoire, même si elles ne reflètent qu’une infime proportion des auditeurs3. Les arguments sont mis sur le même pied et, de plus en plus, il n’y a pas de conclusion au débat. Après tout, « c’est mon choix ».
– TV : Une des séries culte de ces dernières années est X-Files, bâtie sur l’idée que « la vérité est ailleurs », dans un endroit à jamais inaccessible.
– Journaux : Toute opinion peut être exprimée, même la plus indéfendable a priori. Les seules refusées sont souvent les idées chrétiennes : par exemple, on a récemment refusé une annonce pour un calendrier chrétien dans un journal d’annonces distribué gratuitement.
– Pub : La succession de spots courts et leur imbrication dans le rédactionnel conduit à mettre tous les thèmes sur le même plan : on passe du yaourt bio à   l’affiche électorale, puis à un appel de fonds pour une ONG…

e. L’antidote biblique

« La vérité est en Jésus. » (Éph. 4. 21) N’ayons pas peur de lever notre drapeau : au fond, l’homme recherche un fondement sûr et nous le connaissons !

3. La critique de l’autorité et des institutions

a. Le symptôme post-moderne

« Les institutions ne doivent pas limiter ma liberté et mon épanouissement. Par exemple, le mariage, c’est ringard ; vive la vie bohême (bobo ?) et à bas l’ordre bourgeois ! »

b. Des aspects positifs

– La possibilité de la critique permet une remise en cause parfois salutaire d’institutions déviantes. L’opposition sociale ou politique constructive a permis des avancées dont nous bénéficions tous dans notre société occidentale.
– On n’obéira plus aveuglément à un « supérieur » dont les ordres vont contre ses convictions propres4.

c. Des aspects négatifs

– L’autorité publique est dévalorisée : sondage après sondage, on mesure la perte de crédibilité des institutions politiques.
– Les règlements et les lois ne sont plus respectés : on ne suivra le code de la route que par crainte des radars ; qui se préoccupe de se conformer à la loi Évin5 dans les gares ? les règlements des lycées sont contournés de mille manières. Plus encore, on est fier d’avoir pu biaiser avec la règle et de n’avoir pas été pris !
– Plus généralement, l’ordre est remis en cause : on y attache des relents de dictature, « d’ordre moral », etc.

d. La traduction dans les médias

– TV : Chaque jour, sur une chaîne française, les « Guignols de l’info » ridiculisent toute autorité (de Bush au pape, en passant par l’entraîneur de l’équipe de France de foot). Comme cette « relecture » de l’actualité est la seule source d’information pour beaucoup de jeunes, comment s’étonner que tout ce qui représente l’autorité soit combattu, jusqu’aux pompiers et aux médecins, comme lors des récentes émeutes en banlieue parisienne ?
– Journaux : Le « Canard enchaîné » est un journal satyrique français qui dénonce à juste titre des abus, mais qui, en même temps, ridiculise quasi-systématiquement le pouvoir, quel qu’il soit.
– Pub : La 806 est « la voiture que choisissent les enfants ». De nombreux spots incitent les enfants à imposer leurs choix et les parents à écouter leurs enfants, qui sont censés faire de meilleurs choix qu’eux !6

e. L’antidote biblique

« Il n’y a point d’autorité qui ne vienne de Dieu, et les autorités qui existent ont été instituées de Dieu. C’est pourquoi celui qui s’oppose à l’autorité résiste à l’ordre que Dieu a établi, et ceux qui résistent attireront une condamnation sur eux-mêmes. Rendez à chacun ce qui lui est dû ; l’honneur à qui vous devez l’honneur » (Rom. 13. 1-2, 7) Relisons soigneusement ce verset, examinons dans nos propres vies où nous manquons à le mettre en pratique et apprenons-le à nos enfants.

4. La valorisation de l’individu et la recherche de son épanouissement personnel

a. Le symptôme post-moderne

« Je peux bien prendre du temps pour moi ; il faut vivre ma vie ; j’ai le droit de m’épanouir ; je veux me réaliser. »

b. Des aspects positifs

– Tout n’est plus sacrifié au collectif, comme dans certaines sociétés traditionnelles où la personne passe après le groupe. Cela rejoint d’ailleurs des notions bibliques : tout individu compte comme personne devant Dieu et chacun est sauvé individuellement.

c. Des aspects négatifs

– La valorisation exacerbée du « moi » conduit à des comportements foncièrement égoïstes.
– La société devient de plus en plus individualiste : c’est le règne du « chacun pour soi ».
– Plus subtilement, cela se traduit aussi par le refus de tout engagement durable dans des structures « altruistes » (syndicats, associations, églises, …) : on veut bien s’impliquer, mais pour un temps et si cela n’empêche pas de vivre pour soi par ailleurs.

d. La traduction dans les médias

– TV : La starisation à outrance devient omniprésente : on entend presque plus parler de certaines stars que de sujets de fond.
– Journaux : Tout magazine féminin se doit de consacrer régulièrement des dossiers au thème de l’épanouissement personnel, comme : « Comment garder du temps pour soi », « Comment s’épanouir », etc. Psychologies, un magazine dédié presque exclusivement à ces sujets, est un des succès journalistiques de ces dernières années en France.
– Livres : On a relevé une statistique récente selon laquelle 87 % des livres évangéliques seraient consacrés aux problèmes du « moi » ! Il n’est que de consulter la liste des best-sellers ou des derniers livres parus dans les maisons d’édition chrétiennes pour mesurer qu’on cherche Dieu aujourd’hui avant tout pour ce qu’il peut m’apporter à moi comme épanouissement dans ma vie personnelle.

e. L’antidote biblique

« Que chacun de vous, au lieu de considérer ses propres intérêts, considère aussi ceux des autres. Ayez en vous la pensée qui était en Jésus-Christ. » (Phil. 2. 4-5) Le bonheur du chrétien n’est pas d’être centré sur lui, mais sur Dieu et sur les autres. C’est ainsi qu’il s’épanouit vraiment !

Conclusion

Notre société post-moderne, en dépit de certaines caractéristiques positives, comme nous l’avons vu, s’éloigne chaque jour un peu plus de ses fondements judéo-chrétiens et les médias lui forment une caisse de résonance à l’influence d’autant plus pernicieuse qu’ils influencent les classes dirigeantes et les classes populaires, prenant ainsi dans un étau les classes « moyennes », où le christianisme reste encore le plus implanté. Et c’est dans cette société que le Seigneur nous appelle à vivre et à témoigner. Soyons donc lucides, faisons provision d’antidote dans la Parole de Dieu et ne laissons pas aux médias le soin de modeler notre pensée.

1 Il nous semble important de ne pas négliger de relever les aspects positifs de notre société. Le sage d’autrefois avertissait : « Ne dis pas : D’où vient que les jours passés étaient meilleurs que ceux-ci ? Car ce n’est point par sagesse que tu demandes cela. » (Ecc 7.10) Toute société et toute culture comporte des côtés positifs et il serait injuste et faux de ne voir que les dimensions négatives de notre époque. Pour autant, la Bible nous enseigne également que le monde va plutôt de mal en pis (2 Tim 3.1-5). Pour des études sur le post-modernisme, voir les articles déjà parus dans notre revue sur le site www.promessses.org, ainsi que le livre d’A. Kuen, Les défis de la postmodernité, Emmaüs.
2 En conséquence, la morale évolue. Par exemple, au début des années 70, les relations sexuelles entre personnes du même sexe comme celles entre enfants et adultes étaient prônées dans certaines sphères avant-gardistes. Actuellement, la pédophilie est — justement — abhorrée, alors que l’homosexualité est plus que tolérée, encouragée.
3 L’attraction des médias — et de la télévision en particulier — pour les pratiques marginales ou déviantes est frappante, d’autant que, d’après plusieurs témoignages, c’est dans le milieu du spectacle que les mœurs sont les plus dépravées.
4 à cet égard, le procès de Maurice Papon pour avoir obéi aux ordres de l’occupant pendant la Seconde guerre mondiale a été significatif : on lui reprochait en fait de ne pas avoir désobéi !
5 Loi française qui interdit l’usage du tabac dans les lieux publics.
6 Le même phénomène est courant au cinéma : des films comme E.T., Chérie, j’ai rétréci les gosses ou La petite sirène dévalorisent les parents, présentés comme bornés et incapables de comprendre, et glorifient la désobéissance des enfants.