PROMESSES

Le mot « dîme » vient du mot latin decimus et signifie un « dixième ». Historiquement, nous trouvons cette pratique du prélèvement d’une partie de la récolte, de revenu ou encore de butin chez les Phéniciens, les Carthaginois et d’autres peuples de l’Antiquité. Les Egyptiens durent même donner jusqu’à 20 % de leurs récoltes au Pharaon pendant les sept années d’abondance précédant les sept années de famines annoncées par Joseph (Gen 41.34 ; 47.24-26).

La dîme sous la loi de Moïse

Sa destination

Dans la loi donnée à Moïse, la dîme était intimement liée au service des Lévites. Si Aaron et sa descendance avaient été mis à part pour le service de la sacrificature, une seule famille ne pouvait s’occuper de tout ce qu’impliquait cette charge. Tous les premiers-nés du peuple d’Israël, qui avaient été épargnés en Egypte du jugement de Dieu grâce au sang de l’agneau (Ex 12.12-13), auraient pu accomplir le service du tabernacle puisqu’ils étaient la propriété de l’Eternel (Ex 13.1-2). Au lieu de les charger de ce service, Dieu prit à leur place les descendants de Lévi (Nom 3.5-13, 45 ; 8.16-18 ; 18.6-7) en raison de leur engagement pour lui (Ex 32.26-29). Leur action était en faveur du peuple, et ils y consacraient tout leur temps, sous la responsabilité d’Aaron et de ses fils (Nom 18.22-23). En contrepartie de leur service à la tente d’assignation, les Lévites recevaient la dîme.

Sa fonction

La dîme était en quelque sorte un impôt1. Lors du passage au pays de Canaan, la tribu de Lévi ne reçut pas d’héritage, car l’Eternel était son héritage (Nom 18.20-24 ; Deut 10.8-9 ; Jos 13.14). Ils étaient appelés à vivre de foi en comptant sur Dieu. Leur revenu dépendait entièrement de la réponse du peuple à l’ordre établi par Dieu pour chaque Israélite : offrir à l’Eternel la dîme de sa récolte des produits de la terre, des premiers-nés de son bétail, ainsi que certaines parts d’offrandes et de sacrifices2.

Son origine

Les Israélites ne devaient pas oublier que le vrai donateur était Dieu lui-même (Deut 8.7-11).

L’ordre des choses

Les fils d’Israël donnaient la dîme à l’Eternel (Nom 18), qui, à son tour, donnait aux Lévites, ses serviteurs, les biens apportés au tabernacle. De cette manière, le Lévite n’était pas redevable à son frère, mais à Dieu seul, et le peuple ne pouvait user de sa libéralité pour intervenir dans le service des Lévites ou les tenir en otage par ce qui leur était compté comme revenu.

La façon de la donner

Le livre du Lévitique insiste particulièrement sur la joie de donner et la solidarité manifestée à travers la dîme (Lév 27.30).

Son lien avec le culte

Après avoir fait l’expérience de la bonté de Dieu, l’Israélite venait devant Dieu pour lui rendre culte et, à cette occasion, il donnait aussi la dîme (Deut 26.12-15).

La dîme dans le reste de l’A.T.

Dans la vie des patriarches

Abraham et Jacob, bien avant la loi et sans que ce soit lié à un ordre divin formel, offrirent la dîme : Abraham donna à Melchisédek la dîme de « tout » (Gen 14.20) et Jacob promit à Dieu de lui donner la dîme lors de son vœu à Béthel (Gen 28.22). Par ce geste, ils symbolisaient le don de leurs possessions au Dieu qui les bénissait.

Lors des réveils

Sous Ezéchias et Néhémie, le peuple de Dieu apporta d’une manière volontaire des dîmes en abondance (2 Chr 31.5-6 ; Néh 10.37-38). Un réveil, d’abord spirituel, touche jusqu’aux aspects les plus concrets de la vie !

à la fin de l’Ancien Testament

En contraste, du temps de Malachie, le peuple frustrait Dieu par une libéralité rétrécie, qui n’était qu’un acte d’avarice (Mal 3.8). Dieu encouragea alors le peuple à le « tester » : si le peuple mettait sa confiance en lui, Dieu tiendrait parole et lui donnerait une abondance de ressources.

L’application actuelle

Quand nous recherchons les mentions de la dîme dans le N.T., nous constatons qu’elles sont relatives à des personnes vivant sous la loi ou avant le don de la loi. Le chrétien n’est plus sous la loi et n’a pas l’obligation de donner 10 % de son revenu. Le N.T. ne mentionne jamais la dîme comme un impératif3. Toutefois, les versets de l’A.T. cités ci-dessus donnent d’utiles leçons, confirmées par des versets explicites du N.T. :
– il est légitime que ceux qui se consacrent au service de Dieu, comme autrefois les Lévites, soient soutenus par des dons (Gal 6.6) ;
– l’état du cœur des donateurs est primordial : il doit être marqué par la spontanéité et la joie, et aller de pair avec un engagement personnel (2 Cor 8) ;
– le don est à proportionner en fonction de la bénédiction reçue (2 Cor 9) ;
– l’adoration spirituelle va avec la générosité matérielle (Héb 13.15-16) ;
– mettre de côté, en vue de donner le moment voulu, doit être un exercice de cœur quotidien (1 Cor 16.1-3).

Ainsi, dans la période de la grâce, la dîme est remplacée par un principe plus élevé : ce n’est pas la dîme, mais la totalité de nos biens et de nos revenus qui appartiennent à Dieu. Et c’est lui-même qui nous dit comment et dans quelle proportion les partager. Jésus confirme la pensée de la vie de foi trouvée chez les Lévites dans l’A.T. : en contraste avec les manières des pharisiens (Luc 21.1-4), il met en évidence le don de la veuve, qui, en quelque sorte, se donne elle-même à Dieu et montre ainsi qu’elle compte uniquement sur lui. Notre survie n’est pas basée sur ce que nous possédons — « la vie d’un homme ne dépend pas de ses biens, serait-il dans l’abondance » (Luc 12.15) — mais sur Dieu — « mon Dieu pourvoira à tous vos besoins selon sa richesse, avec gloire, en Jésus Christ » (Phil 4.19).

L’apôtre Paul développe le sujet de la bienfaisance et des collectes lorsqu’il écrit aux Corinthiens (2 Cor 8-9). Pour stimuler leur amour envers les frères et sœurs dans le besoin, il leur donne l’exemple des assemblées de Macédoine : malgré les difficultés, elles s’étaient montrées très généreuses (2 Cor 8.2). Quel était leur secret ? Les croyants macédoniens s’étaient « d’abord donnés eux-mêmes au Seigneur » (2 Cor 8.5), par amour pour lui. Pour Dieu, la valeur d’un don, quel qu’il soit, dépend de la manière dont il est fait et de l’état de notre cœur. Il n’est donc plus question pour nous de donner quelques pourcents de ce qui est entre nos mains, mais de donner notre être tout entier.

Conclusion

En conclusion, retenons que la dîme est une règle de l’ancienne alliance, qui n’est plus littéralement en vigueur. Le principe néotestamentaire est plus grand : Dieu souhaite que nous nous donnions entièrement à lui, corps, âme, esprit, biens, temps, etc. — et pas simplement 10 %, de façon à garder jalousement 90 % pour nous ! Dieu nous montrera, alors, comment attribuer nos ressources, qu’elles qu’elles soient. Pour le savoir, il est nécessaire d’être en relation avec Dieu et de vivre par la foi. Une optique de vie laxiste, poussera le chrétien à considérer ce sujet comme peu important et à négliger un nécessaire exercice de foi quant à la juste répartition de ses ressources. A contrario, une optique de vie légaliste laisserait tomber l’exercice de foi pour appliquer rigidement la règle des 10 %.

Peut-être peut-on considérer la dîme comme une indication humaine de proportion ; cela pourrait aider quelques-uns à fixer un but à leur libéralité, en l’adaptant avec sagesse à chaque situation et en l’appliquant sans esprit de légalisme. L’essentiel ici, comme dans tous les domaines de la vie chrétienne, est une relation de dépendance vis-à-vis de Dieu. N’oublions pas qu’un jour le Seigneur nous demandera compte de l’usage que nous aurons fait de ce qu’il a mis entre nos mains (Mat 25.14,19). Savez-vous comment Dieu vous demande de gérer les ressources qu’il vous a données ?

1Voir l’argumentaire convaincant sur ce sujet de John MacArthur dans Donner selon Dieu.
2Au-delà de la dîme, obligatoire, l’Israélite donnait aussi libéralement, selon son cœur : des sacrifices de paix, des holocaustes, des matériaux pour la construction du tabernacle ou du temple, etc. Dès l’A.T., la liaison entre la consécration de la personne et le don des biens matériels est présente (cf. 1 Chr 29).
3Les seules mentions de la dîme concernent 1° l’exemple historique d’Abraham (Héb 7.2-9) et 2° les pratiques orgueilleuses des pharisiens (Mat 23.23 ; Luc 11.42 ; 18.12).


LE SERMON SUR LA MONTAGNE

Mat 5.13-16

« C’est vous qui êtes le sel de la terre. Mais si le sel devient fade, avec quoi le salera-t-on? Il n’est plus bon qu’à être jeté dehors et foulé aux pieds par les hommes. C’est vous qui êtes la lumière du monde. Une ville située sur une montagne ne peut être cachée. Que votre lumière brille ainsi devant les hommes, afin qu’ils voient vos œuvres bonnes et glorifient votre Père qui est aux cieux. »

Par les béatitudes, Jésus a décrit ce qui doit caractériser le chrétien dans le monde. Il continue par décrire quelle est la fonction du chrétien, comment il doit fonctionner dans le monde. Il doit être :

1. Le sel de la terre

Si la terre a besoin de sel, c’est qu’elle est fade et insipide. Jésus accentue le « vous », dans un monde qui est corrompu. Aucune philosophie, aucun système religieux, social, ou politique ne produit des hommes bons ; seul le chrétien est bon. Notons qu’il est dans le monde et non isolé. Il agit contre la putréfaction (le sel est antiseptique !). Et — surtout — il donne de la saveur. La vie sans Christ étant insipide, on recherche les plaisirs de la chair : au moins cela !

C’est un avertissement contre l’adaptation à l’environnement. Le chrétien doit oser affirmer les vérités et combattre les erreurs, les hérésies qui foisonnent autour de lui. Il annonce le salut en Christ seul, et la perdition éternelle sans Christ.

Il doit combattre l’œcuménisme, car il est inconcevable d’œuvrer, pour ne citer que cet exemple, avec l’église catholique romaine, dont certaines doctrines sont d’inspiration païenne, niant la seule médiation et la toute suffisance de Jésus-Christ. Il doit aussi rejeter le syncrétisme, qui s’imagine qu’il y a d’autres chemins vers Dieu que Christ seul. Le chrétien qui tombe dans l’œcuménisme et le syncrétisme a perdu sa saveur et n’est plus bon à rien.

2. La lumière du monde

De nouveau, le « vous » est accentué : seuls les chrétiens peuvent éclairer le monde, qui est dans les ténèbres. Le XVIIIe siècle est nommé « siècle des lumières » à tort, car c’est un siècle d’obscurantisme. La « haute critique » a multiplié les attaques contre la Bible, se permettant d’en contester l’autorité divine sans aucune base solide. Citons trois hommes dont les écrits ont contribué à obscurcir la vérité :

Voltaire (1694-1778) n’admet pas de Dieu personnel, bien que la raison (qui est le dieu des « lumières ») exige qu’il y ait une « intelligence supérieure ». Je cite Voltaire : « L’univers m’embarrasse, et je ne puis songer que cette horloge existe et n’ait point d’horloger. » Sans admettre l’existence du Dieu personnel, il estime que croire en Dieu est cependant utile à la société.

Diderot (1713-1784) est athée. Il estime que l’idée de Dieu est impensable parce qu’incompatible avec l’existence du mal, et que croire en Dieu risque de dénaturer l’homme, d’être un obstacle à son bonheur. Pourtant Diderot est un moraliste ! Il a fait entrer ses idées dans sa célèbre Encyclopédie, imbue d’humanisme, qui déclare l’homme autonome.

Rousseau (1712-1778), au détriment de toute religion « révélée », prône une religion « naturelle » propre à chaque société. Selon lui, l’homme est bon mais a été corrompu par la société (ou civilisation) ; on se demande comment l’homme « bon » a pu causer la corruption de la société… Au contraire de Voltaire, qui se moque de Jésus, de sa naissance et sa mort expiatoire, Rousseau admire Jésus, mais sans croire en lui comme Fils de Dieu ou Sauveur.

Dans son ensemble, le « siècle des lumières » est un refus de la Bible comme révélation divine, et donc du Dieu et du salut qu’elle proclame en Christ. Un des résultats fut la fiction de l’évolution, dont Darwin fut l’interprète le plus influent avec son livre L’origine des espèces (1859), que tout scientifique sérieux, depuis la découverte des gènes, rejette aujourd’hui comme impossible — ce qui n’empêche pas que l’évolution soit encore enseignée dans les écoles. Le récit de la création dans Genèse 1 est abaissé au rang de légende et le hasard est élevé au rang de créateur (voilà à quelle absurdité aboutit l’incrédulité). Cela arrange tous ceux qui rejettent l’idée du Dieu créateur, parce que de telles positions les libèrent de toute responsabilité morale, puisqu’il n’y a de comptes à rendre à personne. L’aboutissement est le slogan inventé par Nietzsche : « Dieu est mort ».

Dans notre monde de déchéance morale sur tous les plans, seule la lumière de Christ peut dissiper les ténèbres en éclairant le monde plongé dans l’obscurité. Il n’y a aucune autre lumière que celle des chrétiens vivant dans la foi en Jésus-Christ ; eux seuls en sont les porteurs.

Jésus dit qu’elle se révèle par les « œuvres bonnes », autrement elle reste « sous le boisseau ». Elle y reste aussi quand les vérités bibliques sont escamotées (par exemple, par la théologie libérale). Tant que la lumière n’apparaît pas, le monde ne sait même pas qu’il vit dans les ténèbres. « Le peuple assis dans les ténèbres a vu une grande lumière. » (Mat 4.16) Quand les chrétiens ne sont pas en contraste avec le monde, il n’y a pas de lumière, ce qui est tragique : l’homme, pécheur dès sa naissance, « aime les ténèbres plus que la lumière » (Jean 3.19).

En fin de compte, l’homme n’a pas besoin de plus de lumière, il a besoin de nouvelle naissance, car seul l’homme né de Dieu aime la lumière.

1L’auteur de cet article, et des articles qui suivront sur ce thème, s’est partiellement inspiré de l’ouvrage du Dr Martin Lloyd-Jones, The Sermon on the Mount.


Histoire de l’Eglise

Introduction : la situation en Suisse

Cet article traite un sujet peu connu par la majorité des protestants. En effet, non seulement le personnage central, Huldrych Zwingli (1483-1531), est chronologiquement encadré par deux géants de la Réforme, Luther et Calvin, mais il est mort relativement plus jeune qu’eux. Néanmoins, ce Suisse a été le premier grand réformateur non-luthérien.

Pour saisir la particularité du début de la Réforme suisse, il est nécessaire d’avoir un aperçu de la situation politico-religieuse de l’époque, qui ne ressemblait pas à celle de l’Allemagne de Luther.

Au début du XVIe siècle, les Suisses sont le seul peuple libre en Europe, même s’ils sont considérés comme faisant partie du Saint Empire romain germanique depuis 1291, quand trois cantons ont créé une Confédération, à laquelle dix autres cantons ont progressivement adhéré. Cette Confédération est une sorte de république modérée, permettant à chaque canton de gouverner ses propres affaires intérieures. Pour toute affaire extérieure touchant l’ensemble des cantons, la Confédération est gouvernée par une diète. Chaque canton y est représenté par le même nombre de députés, malgré les différences de population entre les cantons1.

L’Eglise de Rome en Suisse est totalement corrompue, non seulement par de fausses doctrines mais aussi par un clergé ignorant, superstitieux et immoral à outrance. Le peuple est souillé de diverses manières par la pratique des mercenaires issus de ses rangs et mis à disposition de puissances étrangères ; à cette époque, les meilleurs soldats européens proviennent des cantons pauvres de Suisse2. Les villes sont exploitées financièrement par la papauté.

Parallèlement, l’humanisme exerce une puissante influence sur la Confédération, surtout par la présence de son plus illustre représentant, Erasme, à Bâle. Cette ville intellectuelle, au carrefour de trois nations, est un centre européen pour l’imprimerie : le premier Nouveau Testament grec y fut imprimé en 1516. A l’université de Bâle, le professeur Thomas Wyttenbach attaque entre 1505 et 1508 les indulgences, la messe, la justification par les œuvres, et le célibat forcé du clergé. La République suisse se trouve au croisement de son existence au début du XVIe siècle : elle vit le déchirement des rivalités entre cantons et entre des grandes villes ; elle se corrompt par les effets du système des mercenaires ; elle méprise Rome à cause de ses papes trop « gourmands » et de son clergé méprisable. Quelque chose doit changer !

I. Zwingli

De la prêtrise au salut

Ce « quelque chose » se personnifie dans le prêtre suisse germanophone H. Zwingli (1484-1531). Né d’un père magistrat, élevé en bon catholique et fervent patriote des libertés suisses, diplômé deux fois de l’Université de Bâle, il est aussi poète et un musicien accompli (il joue de six instruments) ; il a aussi mémorisé le grec du N.T. à partir de 1516. C’est un jeune intellectuel, influencé par l’humanisme d’Erasme et le biblicisme de Wyttenbach. Résultat ? Zwingli est un personnage complexe, polyvalent, humaniste, autodidacte dans le domaine biblique, penseur et écrivain religieux, grand patriote ; ce patriotisme à l’extrême lui coûtera la vie. L’empreinte d’Erasme et de Wyttenbach ne s’effacera jamais dans la vie ni dans l’œuvre de Zwingli.

Zwingli débute sa prêtrise en 1506 à Glaris, où il plonge dans l’étude des Ecritures, des Pères de l’Eglise et des philosophes païens. C’est un pasteur diligent, un collègue amical, un étudiant studieux, un prédicateur efficace, très apprécié pour ses expositions du texte biblique.

Pendant son séjour de dix ans à Glaris, il attaque progressivement, mais avec modération, à travers ses écrits, les abus évidents touchant à tout ce qui mine la vie personnelle, sociale, religieuse et politique du peuple suisse. Son réveil spirituel commence à cette période, sûrement sous l’influence antérieure de Wyttenbach. Peut-on pointer du doigt le moment exact où Zwingli se convertit à Christ, puis son passage du réformiste au réformateur ? Non ! Car à Glaris, il met en avant son humanisme biblique, comme en témoigne son interprétation des épîtres de Paul à la lumière du Sermon sur la Montagne et de Platon ! Ce bon catholique pacifiste chemine lentement vers le salut. Ce processus intellectuel et spirituel ne s’achève qu’après son arrivée à Zurich, à partir de 1519. Il cherche diligemment « la voie » dans le N.T., guidé par les mots d’Erasme qui affirmait vers 1514-1515 que Christ est « la source de tout bien, sauveur, consolateur et trésor de l’âme ». Il n’a aucune intention à cette époque ni de détruire l’influence de Rome, ni de la quitter. Il espère seulement l’améliorer. Malheureusement, cet homme intense qui est « en chemin » ne triomphe pas de son penchant pour la chair, une pratique très commune parmi les prêtres… Cela trouble toutefois sa conscience, malgré le dicton : « Si non caste, saltem caute ! » (Si tu n’es pas chaste, au moins sois prudent). Heureusement, il est victorieux de ces penchants après avoir reçu l’assurance de son salut et s’être marié à Zurich.

Zwingli, si efficace pour s’insurger contre les mercenaires de la Confédération, se voit cependant « remercié » par ses paroissiens. Il s’installe à Einsiedeln, un lieu de pèlerinage où l’image noire de la mère du Seigneur est adorée. Là, il critique les « cérémonies judaïsantes » de Rome, l’adoration de Marie, la vente des indulgences. Chose étrange, le nonce papal le fait aumônier papal (1518) avec pension annuelle ! Faux-pas qu’il regrettera amèrement bien plus tard à Zurich (1522). Zwingli discerne le besoin de réforme, lui qui n’a pas été encore réformé par Christ !

Sa célébrité considérable dans toute la Confédération comme prédicateur et patriote fait de lui le candidat idéal pour devenir le prêtre principal de l’église principale de Zurich (Gross-Münster). Le 1er janvier 1519, il prend ses fonctions à Zurich et y reste jusqu’à sa mort « prématurée » le 11 novembre 1531. A partir d’août 1519, la peste tue en deux mois un tiers des Zurichois ; Zwingli manque d’y passer ! Sa réflexion sur cette expérience (parce qu’il craint la mort), puis ses lectures de Luther complètent le processus de son salut ; il reconnaît alors que le salut vient par la grâce, non par les œuvres.

Le temps du changement

Convaincu que seule la prédication des Ecritures triomphe des abus, Zwingli assouvira pourtant son désir de réforme par la force ! Son but : une réformation totale, ecclésiastique, morale, politique et civile. Sa popularité ne l’empêche pas d’avoir des ennemis, ni d’être souvent menacé d’assassinat. Mais il poursuit ouvertement son œuvre : supprimer la messe, rejeter la papauté et sa hiérarchie, abolir les monastères, détruire les statues, dénoncer les monopoles des compagnies marchandes, abolir la dîme imposée sur tous, arrêter le trafic des mercenaires, traduire la Bible et la liturgie en suisse-allemand, rénover l’enseignement et la formation théologiques, renforcer le rôle des « laïcs » dans la vie de l’église, introduire un système disciplinaire ecclésiastique applicable par les autorités civiles (!), autoriser le mariage des prêtres, supprimer les honoraires pour les baptêmes et les enterrements. Zwingli se considère prophète d’un état politico-religieux, à l’instar de l’Israël de l’A.T. : c’est pour le Royaume de Dieu qu’il prêche, et le conseil municipal doit faire appliquer ses principes bibliques par tous les moyens à sa disposition !

Il est facile de critiquer cet homme, avec la connaissance biblique que nous avons accumulée depuis le XVIe siècle — et, certes, il est critiquable pour certains actes ! Toutefois, rappelons-nous qu’il n’a aucun modèle à imiter dans l’histoire de l’Eglise catholique romaine ! Même les cas des pré-réformateurs (Valdo, Wyclif, Hus, Savonarole, etc.) diffèrent. Zwingli est un vrai pionnier dans le vrai sens du terme !

L’autorité politique zurichoise estime nécessaire un débat public pour déterminer quel système politico-ecclésiastique suivre. Elle organise ce débat en 1523 entre Zwingli et ses ennemis catholiques : doit-on suivre Rome ou la réforme de Zwingli ? Zwingli a préparé un document, Les soixante-sept thèses, mettant en évidence le salut par la foi, la seule autorité de la Bible, Christ seule tête de l’Eglise, le droit au mariage des prêtres, la condamnation de toute pratique catholique non-biblique. Le conseil municipal le déclare vainqueur. La ville adopte légalement la Réforme zwinglienne. Les gouvernements de Zurich et du canton lient l’Eglise « réformée » et l’Etat dans une sorte de théocratie. Par la suite, la Réforme gagne certaines grandes villes comme Berne, Bâle, Schaffhouse, Saint-Gall, etc., et certains cantons importants. Le tout est organisé comme une sorte de synode d’églises évangéliques suisses.

Des guerres à la neutralité

Les cantons ruraux, restés catholiques, en saisissent les dangers. Ils s’organisent en « Union chrétienne des cantons catholiques ». Après des manœuvres politiques des deux côtés en 1528-1529, la guerre contre l’Union est déclarée par Zurich sous la pression de Zwingli en juin 1529.

Les soldats suisses n’aiment pas combattre entre eux ; une paix est donc signée le 26 juin 1529 à Kappel, procurant pour chacun avantages et inconvénients. Malheureusement, Zwingli considère qu’il a le droit de soumettre de force les cantons catholiques à la Réforme. Lorsqu’il cherche l’appui de Genève, les catholiques ont attaqué le canton de Zurich à Kappel, parce que le blocus alimentaire impulsé par Zwingli les pousse à la famine. La guerre commence le 11 octobre 1531 et s’achève en pratique le même jour ! Zwingli, l’aumônier, est tué avec les meilleurs hommes de Zurich. La paix de Kappel du 20 novembre 1531 apaise toute la Confédération.

Zwingli avait raison de défendre la prédication de l’Evangile dans les cantons catholiques, mais aucune conversion ne naît par la force. La victoire des réformés aurait été une véritable catastrophe pour ces « protestants » et pour cette mouvance, car il y aurait eu une réaction massive de tous les pays catholiques autour de la Confédération. La Diète comprit que la voie de la neutralité face à tout pays étranger serait la seule solution pour la survie politique de la Confédération. Ce point nous aide à mieux comprendre la ténacité moderne de la neutralité suisse.

Après Zwingli

Zwingli meurt, mais ses idées perdurent dans les cantons réformés grâce à des leaders valables et courageux. Ces idées ont aussi fait leur chemin dans le sud de l’Allemagne, en Hongrie, en Moravie et, en suivant la vallée du Rhin, jusqu’aux Pays-Bas, pour finalement parvenir en Angleterre plus tard.

Aujourd’hui chaque né de nouveau en Christ bénéficie des convictions de Zwingli : l’autorité et le caractère vivifiant de la Parole de Dieu, l’œuvre du Saint-Esprit pour illuminer le lecteur, la souveraineté de Dieu, la cène comprise comme uniquement un mémorial. Dieu dans sa sagesse impénétrable, a choisi un homme qui reconnaissait sa propre imperfection pour retrouver certaines vérités bibliques pour sa plus grande gloire. Retenons ce qui est bon dans l’œuvre de Zwingli, mais profitons aussi de ses erreurs pour pouvoir les éviter.

II. Les Anabaptistes3

Un survol historique

L’histoire, qui ne ment jamais, serait parfois plus acceptable si nos « héros » évangéliques ne remplissaient leurs armoires de « squelettes» ! L’histoire de Zwingli et de la mouvance anabaptiste est une véritable tragédie, les chrétiens zwingliens tuant les chrétiens anabaptistes au nom du baptême romain des enfants, mais aussi pour d’autres raisons. Le tout sous l’impulsion du Réformateur !

En 1525, deux disciples de Zwingli se séparent de lui en disant que le N.T. n’enseigne pas le baptême chrétien des enfants, trop jeunes pour se repentir et se convertir. En privé, Zwingli reconnaît le caractère non biblique du baptême des enfants, mais très vite, il le juge nécessaire pour la survie du système Eglise-Etat, même réformé ! Il voulait donner au Royaume de Dieu une forme physique et matérielle à Zurich et dans la Confédération. Le baptême systématique des nouveaux-nés place la ville et le canton du côté non plus catholique mais réformé. Comment n’a-t-il pas compris qu’il employait exactement la même méthode que Rome pour assurer sa pérennité?! Comme le baptême d’eau néo-testamentaire ne lave pas le cœur de ses péchés et ne correspond nullement sur le plan spirituel à la circoncision vétéro-testamentaire, Zwingli n’aura que des païens baptisés, mais des païens quand même ! Il accepte l’application par le conseil de Zurich de la punition suprême. Le 5 janvier 1527, le premier anabaptiste est noyé. D’autres cantons « réformés » appliquent la même sentence par la suite.

Des milliers d’anabaptistes sont mis à mort ou sévèrement punis. Beaucoup fuient dans des pays environnants où souvent ils sont tués par les catholiques. En quatre ans, la mouvance anabaptiste est pratiquement éradiquée de Suisse.

Le sang des martyrs pour des vérités bibliques n’est jamais versé en vain. Les idées de base de la mouvance ont survécu et trouvent, en général, leur expression parmi les Mennonites, les Baptistes en Angleterre, aux Etats-Unis d’Amérique et partout dans le monde. Bien de ces convictions se trouvent parfois dans d’autres groupes de convertis.

Un survol doctrinal

L’histoire de l’anabaptisme au XVIe siècle, au sens large, n’est pas faite d’un bloc. Elle est plutôt comparable à la roue en bois d’une charrue de cette époque : du moyeu s’étendent des rayons qui s’éloignent de plus en plus du centre et les uns des autres. Le moyeu est communément appelé « la Réformation radicale » ou « l’aile gauche de la Réforme ». Luthériens, zwingliens et catholiques acceptaient tous le principe du lien entre l’Eglise et l’Etat, ainsi que le baptême des enfants — ce que les anabaptistes récusaient. Ces dissidents ou radicaux se répartissent en trois grandes catégories : (1) les anabaptistes proprement dits, (2) les « spiritualistes », (3) les rationaux anti-trinitaires. Laissons de côté ces deux dernières tendances, carrément hérétiques et éloignées de l’enseignement du N.T., et concentrons-nous sur la doctrine des anabaptistes « normatifs ». Voici quelques croyances communément admises parmi eux :
1. Une église locale est formée uniquement de personnes nées de nouveau.
2. Le baptême est réservé à l’adulte qui est né de nouveau, en passant par la repentance et par la foi (Act 20.21). Ainsi, le baptême d’un enfant est-il anti-scripturaire.
3. Le principe néo-testamentaire du renoncement à soi et de l’entraide communautaire apportée dans l’amour aux nécessiteux est primordial dans la conduite du converti.
4. La symbiose de l’Eglise, comme institution nationale, avec l’Etat, est totalement rejetée, car la liberté de conscience religieuse est fondamentale, et l’Etat n’a pas le droit d’ingérence dans le domaine qui ne concerne que la conscience de l’individu. Cependant, l’Etat a le droit d’attendre la soumission de ses citoyens à une loi civile juste et équitable pour tous sans distinction aucune.
5. Le chrétien, vu la nécessité de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, ne doit pas exercer une responsabilité dans le système judiciaire. Un juge tranche jusqu’à condamner son prochain, alors que seul Dieu est Juge ; le chrétien doit-t-il prendre le place de Dieu ?
6. La participation à la guerre, même d’une manière défensive, est une horreur, contraire à l’exemple de Christ et à l’esprit de l’Evangile.
7. La peine capitale est antichrétienne.
8. L’individu est parfaitement libre de croire ou non. Aucun cas ne justifie l’emploi de la force.
9. La cène est l’acte le plus solennel auquel un adulte puisse participer. Pour cela, l’individu doit être converti à Christ, baptisé, et en règle avec le Seigneur.
10. Les décisions concernant la doctrine et la discipline sont prises par toute l’église locale après une discussion publique et libre.
11. La prestation de serment doit être rejetée selon Matt 5.34-35. Toutefois, servir de témoin assermenté devant un tribunal est acceptable, puisqu’il s’agit d’accomplir son devoir de dire la vérité.
12. L’établissement d’une sorte de communion des églises interdépendantes ayant la même assise doctrinale est une bonne chose.

Cela dit, nous ne voulons pas laisser l’impression que tout anabaptiste « normatif » depuis le XVIe siècle a toujours vécu une vie chrétienne exemplaire sur tous ces points, ni que ces points récapituleraient les doctrines et les pratiques du N.T. Par exemple, les points 5 et 6 ne sont pas acceptés aujourd’hui par tous les chrétiens dans le monde. Chacun est libre devant Dieu pour décider pour lui-même. Le but de cette partie de l’étude est de nous informer que bien des croyances et des pratiques des lecteurs de Promesses ont eu leurs origines dans la Réformation, dite « radicale », encore plus que dans la Réforme « classique ». Même si chaque mouvance pouvait inclure certaines particularités, manies, voire hérésies, qui éloigneraient des gens peu fondés des principes du N.T., nous pourrions profiter du passé en reconnaissant ce qui est bien et ce qui est moins bien.

Conclusion

En lisant l’histoire des grands réformateurs, leurs paroles et leurs actes, nous pouvons nous demander : « Comment de tels hommes osaient-ils professer Christ comme leur sauveur et agir ainsi ? ». La question est légitime. Si tous ces hommes avaient été parfaits après leur conversion, nous serions sûrement plus à l’aise à leur sujet. Les voies de Dieu et son plan sont mystérieux et ne sont pas de notre ressort. Le salut est un acte privé entre l’individu et son Sauveur ; lui seul décide qui est sauvé ou non.

Aimons ces hommes pionniers, et leur fidélité courageuse : ils nous ont tracé le chemin du désir de plaire au Chef de la vraie Eglise. Dans beaucoup de domaines nous ne sommes pas dignes de porter leurs souliers !

1Ainsi, une majorité à la Diète peut aller avec une minorité en nombre d’électeurs. Ce système permettra à la Diète d’empêcher la pénétration du protestantisme dans les cantons catholiques jusqu’en 1848 ! Il sera modifié en 1848, puis amélioré, pour suivre à peu près le modèle américain.
2Aujourd’hui encore, ils sont la garde rapprochée du pape.
3Le mot « anabaptiste » signifie « baptisé à nouveau ». Le nom d’« anabaptiste » était péjorativement donné par les luthériens, les zwingliens, et les catholiques à tous ceux qui n’étaient pas de « chez eux ».


Auteur : Ronald E. Diprose, professeur et docteur en théologie

Recension : Scott McCarty

Éditeur : La joie de l’Éternel, B.P. 27, 25660 Saône, France ; 255 pages ; 18 EUR ; 28,40 CHF ; E-mail : burgatjp@wanadoo.fr

Évaluer le livre de Ronald Diprose n’est pas tâche facile, car la critique présuppose une érudition et une compétence reconnues de la part de celui qui juge. L’auteur de cet article ne peut se reconnaître qu’une autorité très modeste en cette matière. Qu’on l’en excuse.

Une lecture attentive de l’avant-propos, de la préface de l’auteur, de la table des matières et de la bibliographie crée l’impression que l’auteur a voulu asseoir son étude sur une documentation et une démarche aussi sérieuses que possibles. Dans l’avant-propos, Donald Tinder relève que l’ouvrage de R. Diprose démontre de manière convaincante que l’attitude de l’Église à l’égard d’Israël a façonné des pans entiers de la théologie, mais qu’on a trop rarement étudié ce sujet.

Dans sa préface, l’auteur déplore que depuis des siècles, les théologiens chrétiens se soient divisés en deux camps diamétralement opposés au sujet d’Israël :
· celui des réformés orthodoxes qui, dans la ligne de la tradition catholique, affirment avec vigueur que le corps de Christ, l’Église, a hérité en tant qu’institution de toutes les promesses et bénédictions que Jahweh avait réservées antérieurement à son peuple de l’Ancienne Alliance. À cause de son rejet du Messie, le peuple d’Israël aurait donc été remplacé par l’Église, d’où le nom de « théologie du remplacement » qu’on utilise pour résumer leur système ;
· celui des dispensationalistes, qui affirment fortement qu’Israël, en tant qu’entité ethnique, a un avenir glorieux, au même titre que l’ensemble des rachetés.

Qui a raison ?

Diprose ordonne sa matière de façon chronologique, ce qui permet non seulement au lecteur de suivre l’évolution du débat sur Israël, mais surtout de saisir les arguments bibliques érudits qui établissent que les interprétations des neuf passages avancés par les théologiens du remplacement comme « preuves » (sic) de leur théorie, relèvent plutôt de l’eiségèse2que de l’exégèse.

Son traitement de Romains 9-11 démontre que la théologie du remplacement ne prend pas au sérieux l’enseignement apostolique sur l’avenir de la nation d’Israël. L’approche de l’auteur est sûrement la plus perspicace que nous connaissions en langue française.

Dans un tiers de son livre, il n’hésite pas à secouer tout l’échafaudage édifié par les théologiens du remplacement qui tentent de prouver que leur position intellectuelle est la seule qui tienne. Il scrute entre autres les opinions d’Ambroise, d’Augustin, de Chrysostome, de Cyrille d’Alexandrie, du pape Grégoire 1er, ainsi que celles des « Pères apostoliques ». L’auteur souligne que c’est par le truchement de cette théologie, qui a infecté l’Église dès les premiers siècles, que l’antisémitisme a pris pied dans le système catholique romain. Ainsi est mis en évidence le fait qu’une mauvaise compréhension de l’Écriture au sujet d’Israël entraîne de fâcheuses conséquences sur :
· l’ecclésiologie (doctrine de l’Église),
· l’eschatologie (doctrine des fins dernières de l’histoire),
· la sotériologie (doctrine du salut),
· la missiologie (l’évangélisation),
· l’herméneutique (les règles d’interprétation des textes bibliques).

Cette partie de l’étude est probablement la plus importante, parce qu’elle souligne que notre attitude envers Israël affecte d’autres domaines essentiels de la doctrine apostolique. L’auteur fonde son argumentation, à la fois sur la Parole de Dieu et sur les enseignements de l’histoire du christianisme, et tient ainsi lieu d’avertissement pour le chrétien du XXIe siècle.

Pour les lecteurs qui désirent approfondir leurs investigations, la bibliographie est essentielle. Malheureusement, il manque un index des références (bibliques et autres), index qui sera intégré à la prochaine édition.

Ce livre unique, que nous recommandons vivement, nous le rappelons, est une thèse de doctorat dont la lecture exige attention et réflexion. Il est précieux pour combattre des idées irrecevables, bibliquement parlant, sur la question brûlante et toujours actuelle de l’entité appelée Israël.

1Cette étude constitue la thèse de doctorat de l’auteur.
2L’eisegèse désigne l’explication d’un texte (et plus particulièrement d’un texte biblique) de façon incorrecte, en l’orientant selon ses propres idées ou en fonction de notions extérieures au texte cité. Par contraste, l’exégèse est l’étude d’un texte biblique selon des principes d’interprétation cohérents, pour en dégager le sens réel.


L’œuvre que le Seigneur a confiée à Promesses depuis 38 ans prend une certaine ampleur. Le développement réjouissant de notre revue en Europe suite à un intérêt croissant nous a fait réfléchir sur une structure mieux adaptée aux exigences toujours plus pointilleuses des diverses instances publiques. Ainsi, la Fondation Promesses a été constituée le 10 décembre 2004 et est reconnue par la Confédération helvétique et le Canton de Vaud comme œuvre de pure utilité publique. La Fondation Promessesa trois axes :
a) la revue Promesses, qui constitue un élément important de la Fondation,
b) les « bibliothèques »,
c) l’aide « humanitaire » pour l’éducation chrétienne en Afrique francophone.
Ces deux derniers domaines ont un caractère d’actions ponctuelles, dont les charges ne pourront être augmentées qu’en fonction de dons spécifiques et ponctuels. Nous sommes reconnaissants à Dieu de ce tournant, qui est un vrai miracle dans une société qui a besoin d’un son de trompette clair : la proclamation de l’Évangile, tel que la Bible le fait connaître.

En Europe, de nouveaux lecteurs sont venus se joindre à la famille de Promesses, « appréciant particulièrement nos études bibliques et les réflexions sur les difficultés inhérentes au monde moderne », comme nous l’a écrit un pasteur de France. Un dirigeant d’une association de jeunesse en France puise également dans notre revue pour ses propres articles. Il est encourageant d’enregistrer un regain d’intérêt en Europe francophone pour une revue consacrée à la défense, à l’enseignement et à l’application de la Parole de Dieu.

Les témoignages de reconnaissance sont nombreux. Promesses jouit d’une audience non négligeable en Afrique francophone. La soif de Dieu et de sa Parole est toujours grande. Le désir de la jeune génération chrétienne d’une formation biblique reste une de nos préoccupations majeures. Nous sommes aussi heureux de constater que de plus en plus de lecteurs africains prennent conscience de la nécessité d’une participation personnelle aux frais de nos envois. Nous remercions ici tous ceux qui ont commencé à nous envoyer leur contribution.

Note aux lecteurs d’Afrique : Vous devez impérieusement demander le renouvellement de votre abonnement annuel et nous indiquer votre adresse exacte. Faute de quoi votre adresse sera rayée de notre fichier.

N’oubliez pas de nous communiquer immédiatement tout changement de nom ou d’adresse, ceci pour éviter des frais inutiles par des « retours à l’expéditeur » et l’annulation de votre adresse.

Merci de tout cœur, chers lecteurs, pour votre soutien fidèle dans la prière et par vos dons.

Avec nos chaleureux messages en Christ !

Henri LÜSCHER


Le texte qui suit est tiré d’un livre de Craig Blomberg, Ne me donne ni pauvreté ni richesse… publié aux éditions Excelsis, collection Terre nouvelle. L’auteur est professeur de Nouveau Testament à la faculté de théologie de Denver. Ce livre examine l’ensemble des textes de l’Ancien et du Nouveau Testaments qui traitent du sujet de l’argent et des richesses, ainsi que l’éclairage donné par les écrits apocryphes inter-testamentaires, et cela en général dans l’ordre de leur apparition chronologique. Loin de se cantonner à un strict examen exégétique des textes, l’auteur prend soin de donner des applications actuelles des divers textes qu’il étudie. De plus, en conclusion de son ouvrage, Craig Blomberg n’hésite pas à se dévoiler et à donner une série de recommandations pratiques. L’ouvrage se conçoit à la fois comme un ouvrage de référence (grâce en particulier à des index complets) et comme un panorama équilibré de l’approche biblique de ce sujet difficile.

Pour plus de simplicité de lecture, l’extrait qui suit ne reprend pas toutes les notes de bas de page, qui renvoient à divers ouvrages et donnent des citations complémentaires. Les intertitres ont été rajoutés par la rédaction de Promesses pour plus de lisibilité.

Nous remercions vivement les éditions Excelsis pour leur aimable autorisation.

Les destinataires du sermon

La première grande occasion où Jésus enseigne en détail à ses disciples l’attitude qu’ils doivent adopter face aux richesses de ce monde est le sermon que Matthieu et Luc placent, sous des formes différentes, au début du ministère de Jésus. Que chacune de ces versions soit une collection de paroles disparates — de différents moments du ministère de Jésus on le résumé d’un original plus long prononcé en une seule occasion, elles touchent sur de nombreux points notre étude sur les biens matériels. Le contexte de Matthieu 5.1-2 et Luc 6.17 doit cependant être gardé à l’esprit : Jésus s’adresse d’abord à ceux qui sont déjà ses disciples, et il les considère comme une communauté. Les principes du sermon sur la montagne ne sont pas donnés comme une constitution de gouvernement, ni même simplement comme des directives pour des individus, mais comme un manifeste adressé à ceux qui ont déjà pris l’engagement de suivre Jésus dans un contexte « d’Eglise ».

Les béatitudes

Les deux versions du sermon commencent par des béatitudes, et ces béatitudes commencent par une déclaration de Jésus concernant les « pauvres ». Le mot grec ptöchos décrit quelqu’un qui n’est pas seulement juste en dessous du seuil de pauvreté, mais qui est dans la misère. Dans la Septante, ptöchos traduit souvent le mot hébreu ‘anàwîm. Le contexte, qui associe souvent piété et pauvreté, explique à coup sûr la différence entre les « pauvres » de Luc (Luc 6.20) et les « pauvres en esprit » de Matthieu (Mat 5.3). Il n’y a pas de contradiction entre Matthieu et Luc ; chacun d’eux met en avant un aspect différent d’un mot qui a à la fois une dimension matérielle et spirituelle. Luc 6.22-23 montre clairement que pour Luc, ceux qui sont bénis dans les béatitudes ont des traits spirituels autant que matériels : « Heureux serez-vous quand les hommes vous haïront, vous rejetteront, vous insulteront, vous chasseront en vous accusant de toutes sortes de maux, à cause du fils de l’homme. »

De même, il ne serait pas juste de définir Matthieu 5.3 en y supprimant tous les éléments de misère matérielle. La suite du sermon indiquera clairement les obligations de ceux qui ont plus de biens matériels que ce qui leur est nécessaire (voir en particulier Luc 6.25-34). Comme le fait remarquer Carson, les deux auteurs décrivent « ceux qui, à cause de privations économiques persistantes et de contraintes sociales, n’ont confiance qu’en Dieu »1.

On retrouve dans la suite des béatitudes cette même double approche des traits matériels et spirituels de ceux que Jésus considère comme heureux. On peut « pleurer » à cause d’une affliction spirituelle ou physique (Mat 5.4). La troisième béatitude fait allusion au Psaume 37.11 où « les humbles » sont les Israélites fidèles opprimés par les méchants qui semblent bénéficier davantage que les autres des produits de la terre (Mat 5.5). Ceux qui ont faim et soif de justice aspirent à voir les autres rendus justes devant Dieu, ainsi qu’à voir la sainte volonté de Dieu accomplie avec justice sur la terre (5.6), et ainsi de suite. Pourtant, en même temps, la section suivante du sermon, qui qualifie les disciples de sel et de lumière, leur rappelle que le monachisme n’est pas pour eux un choix d’actualité. Le mode de vie contre-culturel recommandé par les béatitudes doit être adopté au vu et au su de tout le monde, de sorte que d’autres puissent glorifier Dieu (5.16).

La nouvelle loi

La dernière moitié de Matthieu 5 présente différentes antithèses, dans lesquelles Jésus oppose, sur des questions éthiques essentielles, sa conception à celle de la Torah (5.21-48). Nous lisons notamment en Mat 5.42 : « Donne à celui qui te demande, ne tourne pas le dos à celui qui veut t’emprunter. » Dans le contexte, Jésus interdit l’échange d’insultes, comme la gifle donnée du revers de la main droite sur la joue droite d’une personne (5.39), et les représailles contre ceux qui voudraient faire un procès aux disciples (5.40). Au verset 41, il demande d’accompagner sur deux kilomètres le soldat romain qui aurait réquisitionné un Juif pour transporter son matériel. Le verset 42 a probablement un contexte historique précis, empêchant qu’on le lise isolément, de façon absolue. Dans la mesure où l’année sabbatique, contrairement au jubilé, était pratiquée, au moins occasionnellement, on pouvait hésiter à accorder un prêt à l’approche de cette période. C’est probablement dans cette perspective que Jésus dit que l’on ne doit pas donner aux pauvres en tenant compte de ce qu’ils pourront rendre (voir le parallèle de Luc 6.30 : « Donne à tous ceux qui te demandent, et si quelqu’un te prend ce qui t’appartient, n’exige pas qu’il te le rende »). Et même si l’on généralise au-delà de cette situation particulière, comme Augustin l’a signalé il y a des siècles, Jésus ne dit pas ce qu’il faut donner à celui qui demande. Le contexte de la dernière antithèse (Mat 5.43-48) est une invitation à l’amour des ennemis plutôt qu’au calcul de son propre intérêt : cela oriente aussi notre interprétation du verset 42. Le parallèle partiel de Luc 6.34-35 fait probablement référence aux prêts sans intérêt, et le mot qui est parfois traduit par « mendier » en Mat 5.42 signifie plus littéralement « demander ». Tout cela suggère que Jésus n’exige pas de ses disciples, que ce soit de son temps ou aujourd’hui, qu’ils donnent aux mendiants tout ce qu’ils leur demandent. Ce qui est le mieux pour eux n’est pas nécessairement ce qu’ils demandent. Mais dans la mesure où l’on peut déterminer les besoins physiques ou matériels authentiques d’une personne, il faut veiller à l’orienter vers le genre d’aide qui aura de bonnes chances de remédier à sa situation. Allant à l’encontre du principe de réciprocité qui dominait l’Antiquité, Jésus incite au minimum ses disciples à éviter la mentalité du « donnant-donnant ». […]

Les richesses et le souci du lendemain

Matthieu 6.19-34 (voir Luc 11.34-36 ; 12.22-34 ; 16.13) oppose longuement les richesses terrestres aux richesses célestes. Comme dans la parabole du riche insensé, il s’agit d’une image d’accumulation inutile — des richesses conservées là « où elles sont à la merci de la rouille, des mites qui rongent, ou des cambrioleurs qui percent les murs pour voler » (Mat 6.19). Jésus ne veut pas dire que l’on ne peut ni conserver ni protéger ses biens, mais que nous devons déterminer exactement lesquels nous sont vraiment nécessaires. Les versets 22-23 continuent en soulignant comment la façon dont nous gérons nos finances a des répercussions sur tous les autres domaines de notre vie. Nos motivations se révèlent à nouveau être toutes puissantes. D’où la conclusion du verset 24 : on ne peut en fin de compte servir Dieu et Mammon (« les biens matériels »). On peut à juste titres penser que le matérialisme est le plus grand concurrent du christianisme authentique à qui il dispute les cœurs et les âmes de millions de personnes dans le monde d’aujourd’hui ; y compris dans l’Eglise visible.

Les versets 25-34 nous demandent en revanche de ne pas nous inquiéter au sujet de nos besoins matériels. Nous devons avoir confiance en Dieu et en sa façon souveraine de prendre soin de nous, parce qu’il accorde encore plus de valeur aux humains qu’au reste de la création, et qu’il sait ce dont nous avons besoin. Le commandement le plus important de cette section se trouve au verset 33 : « Faites donc du règne de Dieu et de ce qui est juste à ses yeux votre préoccupation première, et toutes ces choses vous seront données en plus. » On peut entièrement spiritualiser cette promesse ou en reporter l’accomplissement à la fin des temps, ce qui ne correspond pas au contexte immédiat qui décrit quelqu’un qui s’inquiète au sujet de ses besoins matériels présents ; on peut aussi prendre les pluriels du verset 33 comme s’adressant à la communauté des disciples de Jésus dans son ensemble (comme c’est d’ailleurs le cas de l’ensemble du sermon, nous l’avons déjà signalé).

En cherchant d’abord ce qui est juste aux yeux de Dieu, la communauté des rachetés va par définition aider les pauvres qui sont en son sein. La juxtaposition remarquable de Luc 12.33 et du parallèle lucanien (12.31) de ce texte est un argument en faveur de cette conclusion : « Vendez ce que vous possédez, et distribuez-en le produit aux pauvres. Fabriquez-vous des bourses inusables… » Appliquer sérieusement ce principe à l’Eglise d’aujourd’hui nécessiterait une telle transformation de la plupart des communautés chrétiennes que peu semblent prêtes à l’envisager. Mais comme Schmidt le remarque : « Rester immobile parce que la fin est trop loin reviendrait à oublier que la vie du disciple est un voyage. »2 Et pour ceux qui craignent une application trop radicale de ce texte, il ajoute : « Beaucoup d’entre nous pourraient parcourir une distance considérable avant que quelqu’un ne suspecte notre obéissance d’extrémisme. »

Demander et recevoir

Enfin, Jésus encourage ses disciples à demander, chercher et frapper, parce qu’ils recevront, trouveront et qu’on leur ouvrira la porte (Mat 7.7-8). La théologie dite de la prospérité applique parfois ces versets de façon à suggérer que la personne dont la foi est suffisante peut recevoir tout ce qu’elle demande dans la prière, particulièrement dans le domaine matériel. Pourtant, le parallèle lucanien montre bien qu’au niveau spirituel, la bonne chose par excellence que Dieu promet à ceux qui la lui demandent est le Saint-Esprit (Luc 11.13). La période dans laquelle nous vivons est marquée par le « déjà » et le « pas encore », c’est-à-dire que Dieu peut en effet parfois accéder à nos requêtes matérielles. Mais le raisonnement de Matthieu 7.9-11 est du type : « à combien plus forte raison… ». Jésus passe de quelque chose d’exclusivement matériel (7.9-10) à quelque chose de d’abord spirituel (7.11). Il vaut également la peine de mentionner que l’expression « vous recevrez » de 7.7 traduit un verbe passif à la troisième personne du singulier. Le texte grec ne mentionne pas le sujet de ce verbe. Il pourrait donc bien s’agir d’un passif divin : « demandez et Dieu vous donnera. » Ce qui laisse à la volonté souveraine de Dieu le choix de ce qui est donné ! La partie centrale du sermon de Jésus se termine par la fameuse règle d’or de 7.12. Pour l’appliquer dans le domaine économique, il faudrait certainement agir à l’égard de ceux qui ont besoin d’aide avec la générosité dont nous aimerions les voir faire preuve à notre égard lorsque nous en avons besoin.

1D.A. Carson, Matthew, Expositor’s Bible Commentary, vol. 8, Frank Gaebelein éd., p. 131.
2Thomas E. Schmidt, « Burden, Barrier, Blasphemy : Wealth in Matt 6:33, Luke 14:33, and Luke 16:15 », Trinity Journal, 9–1988, p. 188.

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Il y a quelques années, une grande banque française avait adopté comme slogan publicitaire : « Votre argent m’intéresse ». Parler de son argent à son banquier, rien de plus normal, me direz-vous. Mais pour nous, chrétiens, il y a une autre personne qui s’intéresse à notre argent : c’est Dieu ! Et il ne s’intéresse pas seulement au billet que nous mettons dans la collecte du dimanche : c’est tout notre argent dont il se préoccupe : nos recettes, nos dépenses, notre épargne, notre succession, etc.

C’est ce sujet délicat qu’aborde le dossier de ce numéro de Promesses. Nous sommes bien conscients que l’approche de l’argent dépend beaucoup de la situation financière de chacun : un fonctionnaire européen n’aura pas la même vision des choses qu’un éleveur africain ou qu’un évangéliste chinois. Ce numéro tente de s’en faire un peu l’écho : deux contributions de chrétiens africains engagés viendront faire contrepoint à des articles plus « occidentaux ».

Mais quelle que soit notre situation pécuniaire, où que nous habitions, si, en refermant ce numéro, nous sommes un peu plus convaincus que la gestion de nos biens matériels est un vrai test pour notre vie spirituelle, nous aurons fait un pas dans la bonne direction. Le Seigneur Jésus disait : « Celui qui est fidèle dans les moindres choses l’est aussi dans les grandes, et celui qui est injuste dans les moindres choses l’est aussi dans les grandes. Si donc vous n’avez pas été fidèle dans les richesses injustes, qui vous confiera les véritables ? » (Luc 16.10-11) Nos biens matériels sont ces « moindres choses », car ils disparaîtront tous un jour, mais demandons au Seigneur la sagesse de les gérer selon lui et pour lui — et il aura la joie de nous confier des richesses éternelles.


Le roi David dit : N’y a-t-il plus personne de la maison de Saül, pour que j’agisse envers lui avec la fidélité de Dieu ? Tsiba répondit au roi : Il y a encore un fils de Jonathan, qui est infirme des pieds. Le roi lui dit : Où est-il ? Tsiba répondit au roi : Il est chez Makir, fils d’Ammiel, à Lo-Debar. Le roi David l’envoya chercher chez Makir, fils d’Ammiel, à Lo-Debar. Mephi-Bosheth, fils de Jonathan, fils de Saül, vint auprès de David et tomba face contre terre, prosterné. David dit : MephiBosheth ! Il répondit : Je suis là, pour te servir. David lui dit : N’aie pas peur ! Je vais agir avec fidélité envers toi à cause de Jonathan, ton père. Je te rendrai toutes les terres de Saül, ton père, et tu mangeras constamment à ma table. 2 Sam 9.3-7 (NBS)

David vient de recevoir le témoignage de la fidélité de Dieu (2 Sam 7.14) ; c’est alors que, se souvenant de l’attachement et de la fidélité de Jonathan dans de nombreuses occasions difficiles, David use à son tour de fidélité envers Mephibosheth, le dernier descendant de son ami.

Mephibosheth avait eu pour père un homme de foi et de consécration, mais il n’avait pas pu lui-même suivre ses pas. En effet, peu après la mort de Jonathan, il était devenu infirme car sa nourrice l’avait laissé tombé en s’enfuyant (2 Sam 4.4). Son nom même (« Bosheth » veut dire « honte ») et l’endroit où il se trouvait (Makir signifie « vendu ») indiquent son rejet.

Peut-être avons-nous autour de nous des « Jonathan », qui nous ont annoncé la Parole, qui sont allés au devant de nous, comme exemples, comme pères spirituels. Alors, peut-être comme Mephibosheth, disons-nous : « Je ne suis rien, je ne peux pas marcher, c’était mon père qui t’avait suivi, mais moi je ne suis pas digne… ». Mais pour David, de tels arguments ne comptent pas ; il désire agir avec fidélité : Méphibosheth habitera à Jérusalem et mangera à la table du roi !

David avait promis à Jonathan qu’il n’exterminerait pas sa famille (1 Sam 20.15), mais sa promesse n’allait pas jusqu’à faire manger sa descendance à sa table. David accomplit plus que ce qu’il avait promis. Mephibosheth prend en fait la place de Jonathan, celui qui aurait dû être le second dans le royaume. Lorsqu’il était assis à table et qu’il regardait ses pieds, il voyait sa faiblesse, mais lorsqu’il regardait vis-à-vis de lui, il voyait la face de David qui reflétait toute la bonté et la fidélité de Dieu à son égard.

Dieu est fidèle parce qu’il accomplit ce qu’il a promis. Si Dieu nous fait entrer dans sa présence, ce n’est pas seulement à cause de sa grâce, mais aussi à cause de sa fidélité (1 Jean 1.9). S’il nous pardonne, c’est qu’il est fidèle envers l’œuvre du Seigneur Jésus (Rom 3.25-26).


Le sujet de l’argent est plus présent dans la Bible qu’on pourrait le penser de prime abord : de nombreux versets de l’Ancien Testament, bon nombre de paraboles de Jésus, des enseignements et des exemples qui émaillent les Evangiles, sans parler des exhortations des épîtres (de Paul en particulier)… Aujourd’hui, selon les églises, soit les appels de fonds sont fréquents — trop diront certains — soit le sujet est soigneusement occulté et laissé à la sphère privée.

Dans cet article, nous chercherons à relever les implications spirituelles de notre gestion de l’argent, qui sont le véritable enjeu de ce sujet.

1. Dieu est le possesseur de toute richesse

Tout appartient à Dieu

En tant que Créateur, nous devons tout d’abord nous souvenir que Dieu est le seul vrai Riche, le propriétaire indiscutable de tout ce qui existe :
– « L’argent est à moi, et l’or est à moi, dit l’Éternel des armées. » (Agg 2.8)
– « À l’Éternel est la terre et tout ce qu’elle contient. » (Ps 24.1)

Ce Dieu si riche distribue ses richesses selon sa souveraineté : « Le riche et le pauvre se rencontrent : l’Éternel les a tous faits. » (Prov 22.2). Il ne nous appartient pas de discuter de la dotation de chacun1; de toute façon, à sa naissance comme à sa mort, l’homme arrive sans rien et repart sans rien, qu’il soit entre temps riche ou pauvre.

Les richesses que Dieu confie aux hommes sont appelées couramment les « biens terrestres ». Ce terme de « biens » indique qu’à la base, il s’agit de choses positives, de dons que le Créateur, dans sa bonté, dispense pour le bonheur de sa créature. C’est ce que rappellent les deux principes énoncés dès la première page de la Bible :
– le principe de gérance de Genèse 1.26 : « Que [l’homme] domine sur toute la terre » ;
– le principe de bénédiction de Genèse 1.28 : « Soyez féconds, multipliez, remplissez la terre, et assujettissez-la. »

En tant que représentant de Dieu sur la terre, l’homme a reçu à la création l’autorité et le pouvoir pour utiliser et faire fructifier les richesses de la terre.

Mes « biens » me viennent de Dieu

Il est facile d’en rester à ces considérations générales et d’oublier de faire le pont avec le contenu de notre compte en banque. Au fond, tout centime que j’ai me vient de Dieu : « Qu’as-tu, que tu n’aies reçu ? Et si aussi tu l’as reçu, pourquoi te glorifies-tu, comme si tu ne l’avais pas reçu ? » Tel est l’avertissement de Paul à des Corinthiens trop prompts à s’arroger l’origine de leurs bénédictions, qu’elles soient temporelles ou spirituelles (1 Cor 4.7). Un tel verset devrait nous inciter à moins nous vanter de nos possessions matérielles…

Bien sûr, mon travail me permet de recevoir un salaire, qui n’est qu’une juste contrepartie de l’effort fourni. Mais les compétences et la force qui me procurent ce travail me viennent de Dieu : « Lorsque tu mangeras et te rassasieras, lorsque tu bâtiras et habiteras de belles maisons, lorsque tu verras multiplier ton gros et ton menu bétail, s’augmenter ton argent et ton or, et s’accroître tout ce qui est à toi, prends garde que ton cœur ne s’enfle, et que tu n’oublies l’Eternel, ton Dieu. Garde-toi de dire en ton cœur : Ma force et la puissance de ma main m’ont acquis ces richesses. Souviens-toi de l’Eternel, ton Dieu, car c’est lui qui te donnera de la force pour les acquérir. » (Deut 8.12-14,17-18)

Une déclinaison personnelle

Mais le fait que Dieu soit ultimement le possesseur de tous « mes » biens, conduit à envisager ce point sous un autre angle : en tant que fils de Dieu, j’ai la richesse de mon Père ! Un petit enfant parle de « sa » voiture, de « sa » maison, pour désigner la voiture ou la maison de ses parents. C’est ainsi que Paul pouvait dire :
– « Comme pauvres, et nous en enrichissons plusieurs ; comme n’ayant rien, et nous possédons toutes choses. » (2 Cor 6.10)
– « Tout est à vous, […] soit les choses présentes, soit les choses à venir. Tout est à vous, et vous êtes à Christ, et Christ est à Dieu. (1 Cor 3.21-23).

De plus, en tant qu’enfant de Dieu, l’héritage m’attend : « Si nous sommes enfants, nous sommes aussi héritiers : héritiers de Dieu, cohéritiers de Christ, si toutefois nous souffrons avec lui, afin d’être glorifiés avec lui. » (Rom 8.17)

2. La neutralité intrinsèque de l’argent

Les fonctions de la monnaie

Les théoriciens de la finance distinguent trois fonctions économiques pour l’argent :
– c’est un instrument de transaction qui permet d’échanger deux biens ; dans ce sens, c’est un « bien » d’une nature particulière (puisque, a priori, on ne « l’achète » pas) ;
– c’est un instrument de mesure qui permet de mesurer la valeur relative de biens hétérogènes ;
– c’est un instrument de réserve : nonobstant l’inflation qui réduit ce pouvoir, l’argent permet de stocker de la richesse dans le temps.

Ces trois fonctions sont utiles et « neutres ». Intrinsèquement, elles n’ont pas de portée morale ou spirituelle. L’argent, en lui-même, n’est donc ni bon ni mauvais.

Un bien temporel et temporaire

Pour autant, l’argent a une « valeur » limitée. Il est temporel, car limité à notre seule vie terrestre :
– « Nu je suis sorti du sein de ma mère, et nu j’y retournerai. » (Job 1. 21)
– « Nous n’avons rien apporté dans le monde, et il est évident que nous n’en pouvons rien emporter. » (1 Tim. 6. 7) (Mais il est des « évidences » qu’il est bon parfois de se rappeler…)

L’argent est un bien temporaire à plusieurs titres :
– Tout d’abord, souvenons-nous que tous nos biens vont finir dans le feu ! « La terre et les œuvres qui sont en elle seront brûlées entièrement. » (2 Pi. 3. 10) Cette pensée est bien utile parfois, lorsque nous déplorons la perte ou la dégradation d’un objet précieux : cela ne fait qu’anticiper une issue de toute façon certaine !
– De plus, la richesse peut varier au cours de notre vie : les placements les plus sûrs ne sont jamais totalement à l’abri et un revers de fortune est plus vite arrivé qu’on le pense…

La richesse est-elle une bénédiction divine ?

L’argent est-il plus qu’un bien neutre ? Est-il une marque de la bénédiction de Dieu ? La réponse biblique est équivoque : l’A.T. semblerait incliner vers cette opinion (cf. les promesses faites à Abraham et aux patriarches et leur réalisation, ainsi que les promesses liées à l’alliance du Sinaï) ; mais le N.T. ne reprend pas une telle causalité entre piété et richesse2.

Tout au plus peut-on conclure que la richesse n’est pas incompatible avec la piété ou la bénédiction divine. La loi de Moïse, qui incite souvent à la protection du pauvre, encourage à ne pas le favoriser indûment par rapport au riche ; elle demande ainsi un équilibre a priori : « Tu n’auras pas égard à la personne du pauvre, et tu n’honoreras pas la personne du riche. » (Lév 19.15)

Quant aux assemblées du N.T., si elles étaient plutôt pauvres, surtout en Judée, des personnes relativement riches en faisaient aussi partie (1 Tim 6.17).

La pauvreté, un état du fidèle ?

A contrario, la pauvreté est-elle l’état normal du fidèle ? La Bible n’établit pas de lien absolu, mais on peut tirer de certains passages quelques règles de proportionnalité, illustrée par le schéma suivant :

– il y a peu de fidèles (Mat 7.13-14) : A + C < B + D ;
– il y a plus de pauvres sur notre terre marquée par le péché : A + B > C + D ;
– il y a plus de pauvres qui se tournent vers Dieu que de riches (Mat 11.5) : A/(A+B) > C/(C+D) ;
– il y a peu de riches parmi les chrétiens (1 Cor 1.26) : C/(A+C) < D/(B+D).

La corrélation entre pauvreté et foi n’est pas absolue, mais il existe néanmoins une certaine liaison. L’expansion rapide du christianisme dans les pays les plus pauvres et son déclin dans l’Occident nanti le prouvent.

3. L’argent comme instrument de Satan

Mammon

Comme de si nombreux « éléments » terrestres neutres en eux-mêmes3, Satan a utilisé l’argent pour asservir l’homme. Le Seigneur Jésus, pour nous faire comprendre l’enjeu crucial de l’argent et son rôle privilégié dans la main du diable, le personnifie dans « Mammon »4. L’argent est un autre dieu, rival du vrai Dieu : « Nul ne peut servir deux maîtres. Car, ou il haïra l’un, et aimera l’autre ; ou il s’attachera à l’un, et méprisera l’autre. Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon. » (Mat 6.24).

Cette déification intervient quand l’argent n’est plus considéré comme un outil mais comme une valeur en soi, lorsque l’argent (ou les biens qu’il permet d’acheter) prend la place de ce qu’on reçoit de Dieu :
– L’assurance, la sécurité : « Voilà l’homme qui ne prenait point Dieu pour protecteur, mais qui se confiait en ses grandes richesses. » (Ps. 52. 7) Sur quoi est-ce j’assure mon lendemain ? sur l’épaisseur de mon compte en banque ou bien sur le Dieu fidèle qui ne manquera jamais ?
– La reconnaissance personnelle : Ai-je besoin de posséder tel gadget à la mode pour me sentir bien dans ma peau, ou bien ma place d’enfant aimé de Dieu me suffit-elle ?
– L’autonomie : Mon argent est-il ma possession, sur lequel Dieu n’a pas droit de regard ?

A propos de Mammon, le problème est qu’il n’y a que deux possibilités exclusives ! Au fond, nous aimerions bien servir Dieu… et garder un peu de Mammon. De plus, ne croyons pas que seuls les riches sont concernés : nous sommes tous en danger, riches et pauvres, tout autant celui qui a déjà que celui qui désire avoir.

La cupidité

La cupidité est l’écho intérieur que trouve en nous Mammon. Ce défaut majeur de la nature humaine a été dénoncé :
– par la loi, dans le 10e commandement : « Tu ne convoiteras point la maison de ton prochain ; tu ne convoiteras point la femme de ton prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son bœuf, ni son âne, ni rien qui soit à ton prochain » (Ex 20.17) ;
– par le Seigneur : « Du dedans, du cœur des hommes, sortent les mauvaises pensées, les adultères, les meurtres, les vols, les cupidités… » (Marc 7.21) ;
– par l’apôtre Paul : « La cupidité est de l’idolâtrie » (Col 3.5 ; Éph 5.5) ; « C’est une racine de toutes sortes de maux que l’amour de l’argent : en cédant à ce désir, certains se sont égarés de la foi et se sont transpercés de beaucoup de douleurs. » (1 Tim 6.10)

Pour autant, l’avarice n’est guère stigmatisée parmi les chrétiens… Et, bien qu’elle soit un des motifs d’excommunication explicitement mentionnés en 1 Cor 5.11, dans quelle église a-t-on même le souvenir d’une exclusion pour avarice notoire ?

L’accumulation n’a jamais rendu heureux. Notre système économique est basé sur le principe d’insatisfaction permanente des besoins : dès qu’ils sont comblés, il en suscite de nouveaux. L’Ecclésiaste en était revenu, lui qui était si riche : « Celui qui aime l’argent n’est point rassasié par l’argent, et celui qui aime les richesses ne l’est pas par le revenu. Cela aussi est vanité. » (Ecc 5.10) De plus, la richesse va souvent de pair avec une pauvreté selon Dieu, comme l’indique le Seigneur dans la parabole des greniers de l’homme riche (Luc 12.16-21). Et « quel profit y aura-t-il pour un homme s’il gagne le monde entier et fait la perte de son âme ? » (Marc 8.36)

Les « épines »

Je ne suis pas si attaché à l’argent, dira un lecteur. Mais il est une forme atténuée, plus subtile, mais bien réelle de la cupidité, que le Seigneur, dans la parabole du semeur, symbolise par les « épines » : « D’autres reçoivent la semence parmi les épines ; ce sont ceux qui entendent la parole mais en qui les soucis du siècle, la séduction des richesses et l’invasion des autres convoitises étouffent la parole, et la rendent infructueuse. » (Marc 4.18-19) Posons-nous sérieusement la question devant le Seigneur : quel pourcentage de mon temps et de mes pensées est consacré aux questions financières ? L’obsession pour les choses matérielles est une réelle entrave spirituelle. Et pourtant nous connaissons celui qui nous dit : « Ne soyez pas en souci pour votre vie… » (Mat 6.25)

L’antidote

Il est défini très simplement par Paul : « C’est en effet une grande source de gain que la piété avec le contentement. Si donc nous avons la nourriture et le vêtement, cela nous suffira. » (1 Tim 6.6,8)

Pour terrasser Mammon, pour arracher les épines, rien de tel que de mettre à mort ce « principe d’insatisfaction permanente des besoins », en étant contents de notre situation : « Ne vous livrez pas à l’amour de l’argent ; contentez-vous de ce que vous avez. » (Héb 13.5) Paul savait rester le même devant Dieu dans des situations financières diverses : « J’ai appris à être content dans l’état où je me trouve. Je sais vivre dans l’humiliation, et je sais vivre dans l’abondance. En tout et partout j’ai appris à être rassasié et avoir faim, à être dans l’abondance et dans la disette. Je puis tout par celui qui me fortifie. » (Phil 4.11-13) Le contentement n’est pas inné : même Paul l’avait appris ! Mais il avait en vue un « gain » ô combien supérieur : Christ lui-même (Phil 3.9).

Seule cette vision du Seigneur, fondement de la vraie piété, nous fera mieux percevoir nos richesses en Christ et « les choses de la terre pâliront à nos yeux », comme nous le chantons volontiers… et parfois un peu vite. La piété nous fera ainsi introduire de nouveaux principes : la gratuité et le don librement consenti ; en agissant selon ceux-ci, nous saperons à la base l’aiguillon du Mammon : nous mettrons le ver dans le fruit ! Ces principes doivent se vivre dans l’amour. Lui seul peut donner sa valeur au don et à la gratuité car « quand je distribuerais tous mes biens pour la nourriture des pauvres, si je n’ai pas l’amour, cela ne me sert à rien. » (1 Cor 13.3)

4. Une nouvelle échelle de valeurs

Nous avançons alors vers une nouvelle échelle des valeurs. La Bible relève souvent la faible valeur des richesses au regard d’autres biens, plus « réels » (Prov 8.21, Darby) :
– la méditation et la mise en pratique de la Bible : « Je me réjouis en suivant tes préceptes, comme si je possédais tous les trésors » (Ps 119.14) ;
– la sagesse pour se conduire au quotidien : « Son acquisition est meilleure que l’acquisition de l’argent, et son revenu est meilleur que l’or fin » (Prov 3.14) ;
– une bonne renommée : « Une bonne renommée est préférable à de grandes richesses, et la bonne grâce à l’argent et à l’or » (Prov 22.1).

Nos vraies richesses ne sont pas matérielles, mais spirituelles. Citons-en trois :
– la bénédiction de l’Éternel : « La bénédiction de l’Éternel est ce qui enrichit, et il n’y ajoute aucune peine » (Prov 10.22) ;
– les immenses richesses de la grâce de Dieu : « Nous avons la rédemption par son sang, la rémission des fautes selon les richesses de sa grâce » (Éph 1.7) ;
– les immenses richesses de la gloire de Dieu : « … que les yeux de votre cœur soient éclairés, pour que vous sachiez quelles sont les richesses de la gloire de son héritage dans les saints » (Éph. 1.18 ; 3. 16).

Relisons encore une fois ces versets, si familiers, sur lesquels notre regard a peut-être glissé un peu vite, pour nous pénétrer de leur réalité, en regard de l’illusion procurée par l’argent. Dans certains pays, les particuliers doivent payer un impôt sur l’ensemble de leurs actifs5. Nous disposons de biens considérables et non imposables : rien de moins que l’immensité de la grâce du Dieu qui nous a sauvés gratuitement (És 55.1-2) au prix du sang infiniment précieux de son Fils unique (1 Pi 1.18 ; 2 Cor 9.15 ; 1 Cor 6.20) ; rien de moins que l’immensité de la gloire du Dieu qui nous promet son ciel et l’infini de l’héritage divin !

Conclusion : un défi personnel

Sur ce sujet, il est sans doute facile de faire la leçon aux autres. Or l’enjeu est d’abord personnel : que vais-je faire de mon argent ? quelle part les questions financières vont-elles prendre dans mes pensées ? Comment l’argent va-t-il entrer en ligne de compte dans mes choix de vie ? combien et comment vais-je donner ? etc.

Ces questions sont cruciales pour notre vie spirituelle : elles sont des tests pour mesurer le prix que nous attachons à nos biens spirituels. Dans l’humilité, progressivement, nous apprendrons à faire évoluer notre échelle de valeurs, à user de l’argent comme des gens de passage sur terre, à cultiver le contentement, à renoncer joyeusement au matérialisme et aux excès de la société de consommation, à être toujours plus généreux. Et ainsi nous nous amasserons « pour l’avenir un trésor placé sur un fondement solide » et nous saisirons « la vie véritable » (1 Tim 6.19).

1Pour autant, cela ne doit pas nous empêcher d’avoir une évaluation critique de la répartition des richesses induite par les structures sociales et économiques humaines, qui portent l’empreinte du péché.
2Voir par exemple, les églises de Macédoine, où les chrétiens étaient très consacrés et très pauvres à la fois (2 Cor 8.2,5).
3Au rang desquels aujourd’hui les moyens de communication (radio, télévision, internet) : en eux-mêmes, ce sont des vecteurs d’information neutres, mais ils sont bien souvent détournés pour des fins impies.
4Ce mot vient de l’araméen mamonas, qui signifie « richesse ». Il se retrouve dans le Targum, la Mishnah et dans des textes de Qumran, mais il ne semble pas qu’il s’agisse d’un nom propre d’une divinité connue, mais plutôt d’une per-sonnification des possessions matérielles.
5En France, cet impôt s’appelle l’ISF, l’impôt de solidarité sur la fortune.


« Que le frère de condition humble se glorifie de son élévation. Que le riche au contraire se glorifie de son humiliation ; car il passera comme la fleur de l’herbe. Le soleil s’est levé avec sa chaleur ardente ; il a desséché l’herbe, sa fleur est tombée, et la beauté de son aspect a disparu. Ainsi le riche se flétrira dans ses entreprises. » (Jac 1.9-11)

Le premier chapitre de l’épître de Jacques traite particulièrement du sujet des épreuves et des tentations. Dans les versets cités ci-dessus, Jacques veut montrer que toutes les circonstances, notamment sociales, ne font pas partie d’un ordre éternel, et donc ne justifient jamais de céder à la tentation.

L’élévation du pauvre

Jacques commence par traiter la question de la pauvreté (v. 9) : Le « frère de condition humble » est quelqu’un que la société ne considérerait pas comme un notable. A cette époque, nombreuses étaient les personnes qui étaient employées à la journée dans une ferme. Elles pouvaient tout juste se payer leur nourriture. Encore aujourd’hui, beaucoup sont dans cette situation, surtout dans les pays en voie de développement.

Comment l’homme pauvre doit-il regarder sa situation ? Qu’il « se glorifie de son élévation », dit Jacques ! Pourquoi cette injonction ? Voici une parole plutôt dure à entendre ! Le contraste entre subir la pauvreté et s’en glorifier est difficile à saisir…

Cette « vantardise » est possible parce que la vie avec Christ va de pair avec une vraie richesse : un jour, malgré sa pauvreté, l’homme qui vit fidèlement avec Jésus apparaîtra avec splendeur. Il sera élevé au plus haut rang, puisqu’il est enfant de Dieu, comme tous les autres croyants. Il peut par avance se glorifier de ce que, s’il est « à la traîne » socialement parlant, il sera bientôt dans le cortège royal.

Les grands de ce monde ne remarquent pas le pauvre qui développe un cœur aimant, rempli de piété. Mais Dieu le voit — et la richesse de l’héritage en Christ sera d’un tel contraste, que cela équivaut à une « élévation » !

Voici des versets qui montrent quelques-unes des richesses dont le pauvre peut se glorifier :
– L’amour du Père : « Voyez quel amour le Père nous a témoigné, pour que nous soyons appelés enfants de Dieu ! Et nous le sommes. Si le monde ne nous connaît pas, c’est qu’il ne l’a pas connu. Bien-aimés, nous sommes maintenant enfants de Dieu, et ce que nous serons n’a pas encore été manifesté ; mais nous savons que, lorsqu’il paraîtra, nous serons semblables à lui, parce que nous le verrons tel qu’il est. » (1 Jean 3.1-3)
– L’espérance et l’héritage célestes : « Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus-Christ, qui, selon sa grande miséricorde, nous a régénérés, pour une espérance vivante, par la résurrection de Jésus-Christ d’entre les morts, pour un héritage qui ne peut ni se corrompre, ni se souiller, ni se flétrir ; il vous est réservé dans les cieux, à vous qui, par la puissance de Dieu, êtes gardés par la foi pour le salut prêt à être révélé dans les derniers temps ! » (1 Pi 1.3-5)
– Les bénédictions spirituelles : « Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-Christ, qui nous a bénis de toute bénédiction spirituelle dans les lieux célestes en Christ ! » (Eph 1.3)
– La gloire à venir : « L’Esprit lui-même rend témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. Or, si nous sommes enfants, nous sommes aussi héritiers, héritiers de Dieu, et cohéritiers de Christ, si toutefois nous souffrons avec lui, afin d’être glorifiés avec lui. J’estime que les souffrances du temps présent ne sauraient être comparées à la gloire à venir qui sera révélée pour nous. » (Rom 8.16-18)

L’humiliation du riche

Jacques parle ensuite de personnes dans une tout autre situation : « Que le riche au contraire se glorifie de son humiliation »…

Les riches doivent accueillir positivement les épreuves qui les humilient parce que, précisément, cela leur fait ressentir la nature éphémère de leurs richesses.

Jacques écrit ce courrier à un moment de crise économique (elle eut lieu en 46), probablement juste après les persécutions survenues à la suite du martyre d’Etienne (Act 7). Dans ce contexte, plusieurs de ceux qui possédaient des terres et qui avaient des serviteurs pour les cultiver ont fait faillite. Ils se sont trouvés dans « l’épreuve » décrite au verset 2 de ce chapitre 1, cette épreuve que Jacques leur demande de regarder comme un sujet de joie complète.

Personne n’emportera ses biens matériels avec Christ. Le riche se flétrira dans ses entreprises, comme la fleur au soleil. Donc… la vie à cultiver n’est pas que terrestre.

Cela donne l’impression que les pauvres sont plus spirituels et que les riches le sont moins ! Dans l’absolu, ce n’est pas vrai. Nous trouvons dans l’Écriture des hommes d’une grande richesse que Dieu ne condamne pas pour cela :
– dans l’Ancien Testament, c’est le cas de Job, d’Abraham, ou encore de Salomon ;
– dans le Nouveau Testament, c’est le cas de Jeanne, femme de Chuza, intendant d’Hérode, qui assistait Jésus et les apôtres de ses biens (Luc 8.3) ; c’est le cas d’Eraste le trésorier de la ville de Corinthe (Rom. 16.23), etc.

De plus, l’idée d’une gestion saine des richesses en vue de leur accroissement fait partie de certains enseignements de Jésus (cf. la parabole des talents par exemple). En fait, l’homme doit contrôler ses richesses, et ne pas être contrôlé par elles, comme l’était le jeune homme riche. L’amour de l’argent, lui, est destructeur (1 Tim 6.10 ; Héb 13.5).

On a tendance à excuser notre comportement en s’appuyant sur notre passé, sur ce que l’on n’a pas eu, ou sur les épreuves qui nous ont affectés. Jacques nous dit : Peu importe ! Si tu es riche et que tes richesses ne sont plus, glorifie Dieu de cette humiliation qui te fait prendre conscience des vraies valeurs de la vie. Si tu es pauvre et que tu manifestes la confiance inébranlable en un Père aimant, tu trouveras que la fortune spirituelle à venir est formidable.

Et Jacques veut nous encourager…