PROMESSES

Famille Gilles et Myriam BONVALLAT

Gilles et Myriam exercent un ministère d’encouragement et d’enseignement biblique à Kigali, au Rwanda. Ils ont 2 garçons, Corentin et Maël. Ils ont été témoins des massacres et du saccage du Centre Médical Évangélique à Nyankunde au nord-est de la RDC en septembre 2002. Après un court séjour de repos en Suisse, ils sont repartis en début 2004 à Kigali. Ce témoignage est un extrait de leurs nouvelles du 2 octobre 2004, dans lesquelles ils évoquent la situation au Rwanda et à l’est de la RDC.

Au cours de ces dernières semaines, nous avons reçu des nouvelles encourageantes du Congo, de la région de Bunia-Nyankunde1. Peut-être vous souvenez-vous que nous vous avions demandé de prier, en août, pour un séminaire de réconciliation qui avait lieu à Bunia. Nous avons été très émus de lire quelques témoignages des 55 participants, représentant plusieurs tribus (mais en majorité les tribus en conflits, les Hemas et les Lendus) et de découvrir, dans ces lignes chargées d’émotion, la profonde délivrance que ces hommes et ces femmes ont expérimentée lorsqu’ils ont d’abord compris l’amour et le pardon de Dieu, puis accepté de pardonner à leurs ennemis, leurs tortionnaires, les meurtriers de leurs bien-aimés…

Après tant d’années d’atrocités, il n’y a aucune solution humaine pour l’Ituri2, mais notre Dieu est capable de guérir ces vies brisées, et c’est bouleversant d’être témoin de telles expériences3 ! Tous reconnaissent la puissance de la sorcellerie dans ces conflits, et alors qu’un séminaire était tenu dans la petite ville qui est le fief des milices et au cœur de ces pratiques de sorcellerie, les choses ont failli mal tourner : il y a eu une altercation entre les milices et les soldats de l’ONU. Les milices ont arrêté et giflé un pasteur qui enseignait, le menaçant de mort… Tous ont vu dans ces circonstances l’opposition évidente de l’Ennemi qui ne veut pas que la paix progresse, que l’amour et le pardon remplacent la haine !!!

Les écoles ont repris à Nyankunde, avec quelque 600 élèves ! Mais les souvenirs, la peur et l’instabilité continuent à hanter cette région déchirée…

Nous aurions encore beaucoup de choses à vous raconter sur le Congo, mais pouvons-nous surtout vous demander de continuer à intercéder pour ce pays, pour que, par exemple, ces 55 personnes transmettent ce message de pardon et d’amour autour d’elles, pour la protection de tous ceux qui s’impliquent, au risque de leur vie, dans ce ministère de réconciliation précieux mais contesté ?

Nous sommes allés, le week-end passé, à Kibuye, toute petite ville rwandaise au bord du lac Kivu à 2 heures et demie de Kigali par des routes sinueuses entre les collines. L’endroit est magnifique ! Pourtant, quand on pense qu’environ 60 000 Tutsis ont été massacrés dans cette préfecture4! Des villages, communautés, ou familles ont été entièrement décimés, 9 Tutsis sur 10 y auraient trouvé la mort… Nous avons visité une église où plusieurs milliers de personnes ont été exterminées à la grenade et la machette en 3 heures… le 17 avril 1994 ! C’est presque impossible de réconcilier cette histoire atroce à la sérénité de l’endroit aujourd’hui !!! Partout où vous vous promenez au Rwanda, même dans les petits villages, vous vous heurtez à un mémorial ou à une fosse commune où reposent peut-être 10 000 personnes… Les enfants jouent autour, les oiseaux chantent, mais les cœurs saignent… Peut-être les événements que nous avons vécus à Nyankunde nous ouvrent une petite fenêtre sur la compréhension des événements d’ici, et de la souffrance actuelle du peuple rwandais !

L’Église de Christ a un message à apporter à cette population meurtrie : le message de la Croix, de la repentance, de la confession des péchés, de la foi en Jésus-Christ, du pardon et de la réconciliation en lui.

1Bunia se situe au cœur de l’Afrique centrale, à proximité du lac Albert (ex-Mobutu). Ce lac marque la frontière avec l’Ouganda. La ville compte environ 90 000 habitants et est située à 1200 m d’altitude. Elle était un peu la plaque tournante entre l’axe routier est-africain de Mombasa-Nairobi-Kampala et le service intérieur du Congo via Kisangani et Goma. Aujourd’hui, l’axe routier Bunia – Kisangani n’est pratiquement plus fonctionnel.
2L’Ituri est une région située au nord-est de la République Démocratique du Congo. Les deux tribus des Hemas et des Lendus constituent environ 40 % de cette province qui compte 18 groupes ethniques.
Voir aussi l’article « Une réponse chrétienne au conflit ethnique », d’Isaac Mbabazi Kahwa, dans Promesses n° 148, dans le dossier « Vivre la souffrance ».
3Voir le rapport du Conseil de sécurité des Nations Unies n° S/2004/573 du 16 juillet 2004. Ce rapport spécial sur les événements de l’Ituri de janvier 2002 à décembre 2003 a été adressé au Président du Conseil de sécurité par le Secrétaire général de l’ONU.
4Massacre au Rwanda en septembre 1994 qui a coûté la vie à quelque 800 000 Tutsis et Hutus.


Une expérience en Bosnie

Association « La Gerbe »

La Gerbe est une association humanitaire chrétienne française, fondée en 1988, qui a pour but d’apporter un soutien aux souffrants. En particulier, depuis plus de 12 ans, elle organise des envois d’aliments et de matériels vers les anciens pays de l’Est, l’ex-Yougoslavie, la Roumanie et l’Albanie, principalement.

En 1998, alors que la guerre en Bosnie venait de prendre fin, un convoi a été organisé vers la partie musulmane de ce pays. Un professeur au lycée horticole de Sarajevo avait pris contact avec l’association, demandant une aide pour les réfugiés de Srbrenica, qui étaient installés à Vozuca, village au nord-est de Sarajevo. Ce village d’environ 5000 habitants accueillait environ 3000 réfugiés, dont 375 enfants orphelins de père et 250 orphelins de père et de mère. Leurs besoins étaient immenses.

Le 28 juillet 1998, le camion arrivait à Vozuca. Devant l’école, beaucoup d’enfants étaient attroupés car le directeur leur avait donné rendez-vous pour la distribution. Ils attendaient, en discutant avec des soldats américains de la SFOR. Ces derniers étaient en patrouille, comme de nombreux soldats français, italiens, allemands, etc., qui sillonnaient à longueur de journée les rues des villes et des campagnes.

Le directeur de l’école accueillit chaleureusement les représentants de la Gerbe dans son bureau, en présence de six représentants de l’association des réfugiés de Srbrenica. Ces personnes, à première vue plutôt hostiles, ne parlaient pas. On pouvait lire sur leur visage une certaine crainte vis-à-vis d’étrangers venus d’Europe occidentale.

C’est alors qu’un des membres de l’équipe prit la parole et exprima, dans un langage simple mais avec un ton vrai, sa honte et sa confusion devant la tragédie qu’ils avaient vécue dans un pays si proche de la France. Il demanda pardon pour toutes les peines et les souffrances infligées par les nations dites « chrétiennes » à ces peuples musulmans, en particulier pendant cette guerre en Bosnie, encore si présente dans les cœurs et dans les corps. En effet, impossible d’oublier que les troupes de l’ONU (dirigées à l’époque par un général français) s’étaient retirées de Srbrenica, laissant ses habitants à la merci des troupes serbes. Un effroyable génocide s’ensuivit. Sur les documents de La Gerbe figurait le nom « d’association chrétienne », et le responsable sentait qu’il ne pouvait pas faire une distribution comme si de rien n’était. Au fur et à mesure qu’il parlait, des larmes coulaient des yeux de ces femmes qui avaient une attitude digne. Oui, cette confession avait été nécessaire à l’établissement d’une véritable communication entre ces réfugiés et l’ONG. Tous ressentaient qu’il se passait quelque chose d’important dans cet instant. Un petit enfant venait de récupérer un vélo d’un des camions du convoi et arriva dans le bureau du directeur ; il se mit à faire plusieurs tours au milieu de tous, français et bosniaques. Un sourire apparut sur les visages, et la distribution put commencer. La partie féminine de l’équipe expliqua à trois femmes responsables des réfugiés le fonctionnement des machines à coudre. Le visage un peu crispé des femmes s’éclairait peu à peu. Le reste de l’équipe ouvrait les cartons, défaisait les emballages… Chacun sortait les bras chargés de conserves, de biscuits, de vêtements.

Devant l’ampleur des besoins et la profondeur des traumatismes subis, dont le regard des enfants témoignait de façon poignante, ce geste d’entraide n’était qu’une goutte d’eau. Mais l’équipe de La Gerbe avait appris, à travers ce moment inoubliable, la valeur de l’écoute, de la prise en considération de l’autre. Oui, Jésus nous l’a appris, celui qui aide n’est pas le plus grand, c’est lui le serviteur.