PROMESSES
LES CINQ «SOLI» DES RÉFORMATEURS
3e formule
Dans le dernier numéro de PROMESSES, nous avons consacré un article à la deuxième formule des cinq soli: «Solus Christus». Les Réformateurs exprimaient ainsi leur conviction que «notre salut est accompli par l’œuvre médiatrice du Christ historique seul. Sa vie sans péché et son œuvre expiatoire seules suffisent pour notre justification et notre réconciliation avec le Père»1.
Les 120 pasteurs, théologiens et éducateurs mentionnés dans l’article précédent, réunis à Cambridge en avril 1996, constatèrent avec inquiétude les dérapages des milieux évangéliques inspirés par une fausse confiance dans les capacités humaines. L’estime de soi, l’évangile de la santé et de la richesse, la vente du message évangélique à des pécheurs devenus «consommateurs complaisants»… tout cela dénature la doctrine de la justification et la réduit au silence. Au contraire, la grâce de Dieu en Christ est l’unique et indispensable cause efficace du salut, car l’être humain est né spirituellement mort et incapable de collaborer à la grâce régénératrice (Ep 2.8).
La Déclaration de Cambridge continue:
«Nous réaffirmons que par le salut nous sommes délivrés de la colère de Dieu, et cela par sa grâce seule. C’est l’œuvre surnaturelle du Saint-Esprit que de nous conduire au Christ en nous libérant de notre esclavage au péché, et en nous ressuscitant de la mort spirituelle à la vie spirituelle.
«Nous déclarons que le salut n’est en aucun sens une œuvre humaine. Les méthodes, techniques et stratégies humaines ne peuvent par elles-mêmes accomplir cette transformation. La foi ne peut être produite par notre nature humaine non-régénérée»2.
Essais de définition
Mais qu’est-ce que la grâce? Le Nouveau Dictionnaire Biblique lui consacre un article fourni, qui commence par dire:
«Dans l’A.T. déjà, se trouve exprimée la pure bonté de Dieu qui aime le pécheur et désire, non pas sa mort, mais sa conversion et sa vie (Ez 18.23)»3. Et le NDB d’ajouter que cette grâce est venue par Jésus-Christ, qu’elle éclate à la Croix, qu’elle ne peut être reçue que par la foi, et que ses effets en nous sont nombreux, merveilleux et complets.
Un prédicateur a tenté de définir la grâce en disant qu’elle est l’acte par lequel un être supérieur se penche sur un être inférieur pour lui accorder un bien non-mérité. Dans le contexte biblique, la grâce désigne alors la faveur imméritée de Dieu à l’égard de l’homme déchu, par laquelle il pourvoit en Jésus- Christ à sa rédemption, car depuis toute l’éternité il a déterminé d’accorder cette faveur à tous ceux qui croiraient en Christ, Sauveur et Seigneur. C’est aussi par grâce que le croyant est rendu capable de persévérer dans la vie chrétienne. Ajoutons la pensée que dans sa miséricorde Dieu retient ce que nous méritons – colère, jugement, condamnation – tandis que dans sa grâce il nous comble des innombrables biens que nous ne méritons pas!
Et pourtant, ces tentatives de définition nous laissent sur notre faim, car nous sentons instinctivement que la grâce échappe à nos catégories humaines connues, dépasse les limites du langage et reste, par conséquent, indéfinissable! C’est pourquoi l’Ecriture ne l’explique pas, mais la déclare (Ex 33.19; 34.6-7; Deut 7.7-8; Ps 32.1-5; 130.3-4, 7-8; Jean 1.17; Rom 3.24; 4.16; 11.6; 2 Cor 8.9; Eph 2.8-9; etc.), et en donne de nombreux exemples historiques, tant dans l’A.T que dans le N.T. Peut-être l’illustration la plus saisissante est-elle celle de l’accueil réservé par le père à son fils «prodigue» dans la parabole racontée par Jésus (Luc 15.11-32), que nous résumons ci-après.
Fils prodigue… ou Père prodigue?
Aux chefs religieux qui lui reprochent de fréquenter des gens de «mauvaise vie» (Luc 15.1-2), Jésus administre une série de chocs thérapeutiques en leur racontant les paraboles de la brebis perdue (3-7), de la drachme perdue (8-10), puis des deux fils perdus (11-32). Le père de cette dernière parabole fait plusieurs entorses pendables aux coutumes de son époque. Confronté à la demande outrageante de son fils cadet qui souhaitait sans l’avouer la mort de son père, celui-ci, au lieu de le désavouer, l’exclure de la famille et le bannir publiquement de la communauté, lui accorde ce qu’il réclame! Ayant dilapidé son héritage, étant tombé dans la misère, le fils se livre à un raisonnement qui nous paraît ressembler beaucoup plus à des calculs intéressés qu’à une amorce de repentance sincère, et s’engage sur le chemin de retour.
C’est ici que nous assistons à l’une des scènes les plus inattendues, bouleversantes, de l’Ecriture sainte. Le père attend, guette le long du chemin, prie sans doute, et un jour reconnaît enfin le garçon de loin. Voici venue l’occasion de rendre à ce jeune ce qu’il mérite et de le renier brutalement devant témoins… ou tout au moins de convoquer une consultation de la famille sceptique pour jauger la profondeur de sa repentance. Pas du tout! Le père se livre à un spectacle humiliant pour un patriarche oriental: aux yeux des badauds ébahis, il soulève ses robes et se met à courir à la rencontre du fils pour se jeter à son cou, le prendre dans ses bras et embrasser ce clochard en haillons, puant la porcherie!
«Vous me reprochez de manger avec des pécheurs et des péagers?» dit Jésus en substance aux scribes et aux Pharisiens. «Parfaitement! Mais non seulement je mange avec eux: je les attends, je les guette de loin, et quand ils s’engagent sur le chemin de retour, je cours à leur rencontre, je les couvre de baisers, et je les force à entrer chez moi pour festoyer ensemble.» Si le Seigneur attendait de nous les preuves d’une repentance parfaite, il ne courrait jamais à notre rencontre. Cela s’appelle la GRACE, une grâce stupéfiante, incompréhensible, insaisissable, qui prend l’initiative. Du moment que le garçon accepte d’être accueilli, embrassé, reçu de nouveau dans la famille, on peut déduire qu’il commence à passer par une repentance véritable.
Arraché à la perdition4
Avant la mort de ses parents, alors qu’il n’avait que six ans, John Newton bénéficia d’une forte influence chrétienne. Il fut envoyé alors vers un parent incrédule, qui se moqua du christianisme et abusa de lui. Enfin, pour échapper à ces conditions, Newton se porta volontaire dans la marine britannique, où il devint esclave des péchés les plus grossiers. Il déserta, et partit pour une région d’Afrique où il pouvait, comme il disait, «faire son plein» de péché et vivre dans une dégradation inqualifiable. De là, il se fit embaucher comme navigateur sur un navire d’esclavagiste, où il continua sa vie dévergondée. Un jour il réussit à forcer le cadenas du local où était stocké le rhum; il se soûla au point de perdre son équilibre et tomber à la mer, d’où un officier le repêcha en plantant un harpon dans sa cuisse. Il en porta l’énorme cicatrice jusqu’à la fin de ses jours!
Vers la fin du voyage le navire entra dans une tempête violente, perdit son cap et commença à sombrer. Newton fut envoyé dans les soutes, là où gisaient les esclaves, avec l’ordre d’actionner les pompes. Pendant des jours, terrifié et convaincu que la mort était proche, il travaillait à pomper l’eau, et commença à prier le Seigneur. Des versets bibliques, appris sur les genoux de sa mère, qu’il croyait oubliés depuis longtemps, lui vinrent en mémoire, et il fut miraculeusement transformé, engendré de nouveau.
Rentré en Angleterre, il devint un prédicateur puissant de la Parole de Dieu, et eut l’occasion de prêcher devant la reine. C’est en rappelant les circonstances de sa conversion qu’il composa les paroles du cantique célèbre, Amazing Grace5. Car il avait appris, comme tout chrétien, que la grâce de Dieu dépasse toutes nos catégories, et que cette grâce a trouvé son expression suprême dans la mort et la résurrection du Seigneur Jésus-Christ.
Notes :
1 Résumé par la «Déclaration de Cambridge» in Here We Stand, Baker Books, Grand Rapids, Mich., 1996, p.16; (v. PROMESSES 1997/2, p.13)
2 Ibid.
3 Nouveau Dictionnaire Biblique, Editions Emmaüs, 1992, p.525 s.
4 Raconté par James M. Boice in The Gospel of John, Vol. 1, Zondervan, Grand Rapids, Mich., 1975, p.110 s.
5 Certains musiciens voient dans la mélodie un air d’origine africaine, que Newton aurait pu entendre chanté par les esclaves.
- Edité par Horton Frank
CHRONIQUE DE LIVRES
Une menace pour l’Eglise Africaine
Auteur: Daniel BOURDANNÉ
Editeur: Presses Bibliques Africaines, 08 B.P. 424 Abidjan 08 (Côte d’Ivoire);
adresse e-mail: gbuaf@hotmail.com ; édition 1999, 94 pages
L’auteur, après des études en biologie et en philosophie, a exercé comme enseignant et chercheur. Actuellement, il se consacre au ministère parmi les étudiants et est Secrétaire régional des Groupes Bibliques Universitaires d’Afrique Francophone (GBUAF) et Directeur des Presses Bibliques Africaines. Il nous tient à cœur de faire connaître cet excellent ouvrage. S’il a été écrit pour nos frères africains, il n’en reste pas moins que l’Europe est aussi concernée. C’est un phénomène qui touche actuellement toutes les cultures.
«Ce livre se propose de passer en revue les subtilités de cette théologie hérétique ». Il contient quatre chapitres principaux. Le premier chapitre présente L’Evangile de la prospérité à visage ouvert et touche quatre thèmes: l’argent en vitesse, la négation de la maladie et la foi, la confession positive, ainsi que la connaissance par révélation.
Le chapitre deux nous amène aux racines de ce mouvement: l’Europe et les Etats-Unis. Il nous informe sur ses connexions africaines et sur l’ascendant qu’exerce cette théologie sur l’Afrique. On y retrouve des noms familiers au mouvement de Toronto tels que Erwin Hagin, Oral Robert, Kenneth et Gloria Copeland. Cette fausse doctrine trouve un terrain favorable en Afrique, où les conditions de vie très difficiles, maladie et pauvreté, sont particulièrement accentuées. Une misère surréaliste dont de nombreux lecteurs africains nous font part, avec son lot de souffrances parfois extrêmes.
D’autre part, l’arrière plan du religieux traditionnel associe fortement le malheur aux forces spirituelles: «Dans la mentalité africaine il faut lutter spirituellement contre les forces du mal»(p. 49), l’accent étant mis sur «les délivrances» qui sont facilement comparables à un rite magique. On comprend donc aisément le succès de ce mouvement co-responsable d’une certaine christianisation superficielle, populaire et non débarrassée de l’ésotérisme.
Le chapitre trois examine, à la lumière de l’Ecriture, cet évangile tronqué, avec sa conception erronée de l’homme, une sorte de panthéisme où l’homme est divinisé. Pire encore, il contient des vues antiscripturaires sur le sacrifice et la mort de Jésus-Christ, la confession positive de la foi et la souveraineté de Dieu, favorisant ainsi «les rites traditionnels africains». Les doctrines de la guérison divine, et de la connaissance par révélation sont interprétées faussement, cette dernière aboutissant à la fabrication de «deux catégories de chrétiens, le chrétien et le superchrétien», d’un mysticisme dangereux situé aux antipodes de l’Ecriture.
Les remarques finales sur cette théologie dans le dernier chapitre font ressortir le désaccord total sur les plans philosophique, épistémologique, anthropologique, exégétique et théologique d’avec l’Evangile authentique. C’est une sorte d’évasion hors de la souffrance que tout humain doit affronter et qui est une conséquence de la désobéissance et de la chute de nos premiers parents.
Avec cet ouvrage, nous touchons aux problèmes très présents de «l’obsession du succès», d’une soif de pouvoir magique sur notre sort humain, en particulier sur la pauvreté et la maladie. Le problème fondamental reste celui de l’ignorance de la Parole de Dieu, qui est claire à ce sujet et qui «libère de la tyrannie de la pauvreté plutôt que de la pauvreté tout court»(Apoc 2.7-10; Act 14.22), comme nous l’a écrit un théologien africain.
Ce livre parfaitement clair, objectif, équilibré et ferme mérite largement d’être lu et répandu dans les églises confrontées à ce fléau moderne. Adressezvous directement à son éditeur à Abidjan qui vous communiquera les conditions d’achat pour votre pays.
Henri Lüscher
- Edité par Lüscher Henri
Le message de l’épître de Jude
Auteur: John Benton
Editeur: Europresse, B.P. 505, F – 71322 Chalon-sur-Saône, Cedex, France; 174 pages
En dépit de sa petitesse, le livre de Jude contient des enseignements, des avertissements et des exhortations de grande valeur, sans mentionner la belle doxologie qui termine ce livre de 25 versets. Le pasteur Benton a bien saisi le souci majeur de Jude et dans les neuf chapitres de son livre, il fait vivre les réponses que Jude donne à cette question : «Comment garder la foi ?»
Pour nous encourager à la persévérance, Jude souligne en premier lieu notre privilège d’être enfants de Dieu. Tout au long de son commentaire, Benton ne perd pas de vue cette réalité glorieuse; il résume son livre en une phrase : «La meilleure façon de recommander le véritable Evangile est de mener une vie de piété dans une heureuse communion avec Jésus» (p. 171). L’auteur explique l’épître verset par verset, en mettant en valeur les nombreux arguments employés par Jude pour fortifier les chrétiens. Le «plus» de ce livre, c’est qu’il n’est pas un commentaire académique: chaque chapitre est un message pastoral donné avec illustrations et applications.
Un chapitre sur les faux prophètes laisse entrevoir la grande connaissance de l’auteur des influences qui menacent l’Eglise au début du troisième millénaire. Il souligne avec force, tout comme Jude, que le dénouement du combat n’est pas incertain car Dieu en est le Juge qui nous convoquera tous devant Son tribunal. Cette victoire certaine de l’Eglise est soulignée par la prophétie d’Hénoch, citée par Jude. Cette citation d’un livre apocryphe a sans doute gêné plus d’un chrétien, mais les remarques de Benton éclairent et convainquent.
Dans les chapitres sur la responsabilité personnelle de chaque chrétien, vis-àvis de lui-même et de l’autre, des âmes de berger sont mises en évidence, d’abord celle de Jude, puis celle de Benton, à travers les conseils pratiques donnés. La belle doxologie de Jude devient l’occasion pour l’auteur de rappeler, au travers d’expériences vécues, que Dieu peut tout. Puis, le dernier chapitre est consacré à la pertinence de Jude pour notre temps.
Si les commentaires sur le livre de Jude sont rares, il est vrai qu’un livre de cette qualité l’est également. Saisissez donc l’occasion ! Le sujet ne devrait laisser aucun chrétien indifférent, car comme dit l’auteur : « Le plus court chemin pour ruiner l’Eglise est simplement de croire que la fausse doctrine importe peu » (p. 98).
Tony Hynes
- Edité par Hynes Tony
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