PROMESSES

PSAUME 133

Charles Spurgeon

L’article qui suit est traduit du Treasury of David, de Charles Spurgeon. Spurgeon est un pasteur baptiste anglais du xixe siècle qui est resté dans l’histoire comme un des prédicateurs les plus puissants de tous les temps. Écrivain prolifique, il rédigea un commentaire de tous Psaumes qui parut dans le périodique The Sword and the Trowel, pendant une vingtaine d’années. L’épouse de Spurgeon dit que ce commentaire était l’œuvre littéraire à retenir parmi les milliers de pages écrites par son mari. Nous avons conservé le style typique des prédications du xixe siècle, un peu désuet, mais dont la saveur demeure.

« Voici, oh ! qu’il est bon et qu’il est agréable… » 

« Voici, oh ! » : C’est une merveille qu’on ne voit pas souvent ; aussi faites-y attention ! Elle peut être vue, car elle est la caractéristique des vrais saints ; aussi ne manquez pas de la voir de près ! Elle est digne d’admiration : arrêtez-vous et observez-là ! Elle vous conduira à l’imiter ; aussi notez-la bien. Dieu la voit favorablement ; aussi considérez-la avec attention.

Personne ne peut dire à quel point cette condition est excellente ; aussi le psalmiste s’exclame-t-il deux fois : « Qu’il est bon, qu’il est agréable ! » Il ne cherche pas à mesurer à quel point c’est bon ou agréable, mais il nous invite à l’admirer pour nous-mêmes. La combinaison des deux adjectifs « bon » et « agréable » est plus remarquable que la conjonction de deux étoiles de première grandeur : être agréable est bien ; mais être bon également est mieux. Tous les hommes aiment ce qui est agréable et cependant il arrive fréquemment que ce qui est agréable soit mauvais ; mais ici l’état évoqué est aussi bon qu’il est agréable, aussi agréable qu’il est bon.

« … pour des frères de demeurer ensemble ! »

Pour des frères selon la chair, habiter ensemble n’est pas toujours sage, car l’expérience montre qu’il vaut mieux qu’ils soient chacun un peu de leur côté et il est honteux pour eux d’habiter ensemble dans la désunion. Il vaudrait bien mieux pour eux être en paix comme Abraham et Lot qu’habiter ensemble dans la jalousie comme les frères de Joseph. Quand des frères peuvent et habitent réellement ensemble dans l’unité, alors leur communion vaut la peine qu’on l’admire et qu’on la chante dans une sainte psalmodie. De telles visions devraient être vues parmi ceux qui sont proches parents, car ils sont frères et donc unis de cœur et de but ; ils habitent ensemble et c’est pour leur bien-être mutuel qu’il ne doit pas y avoir de conflit ; et cependant combien de familles sont déchirées par de virulentes dissensions et montrent un spectacle qui n’est ni bon ni agréable !

Quant aux frères dans la foi, ils devraient habiter ensemble dans la communion ecclésiastique et un élément essentiel de cette communion est l’unité. Nous pouvons nous dispenser de l’uniformité si nous avons l’unité : unité de vie, de vérité et de conduite ; unité en Jésus Christ ; unité d’objet et de pensée — c’est cela que nous devons avoir, ou bien nos assemblées seront des synagogues de dispute plutôt que des églises du Christ. Plus l’unité est étroite, mieux c’est, car meilleur et plus agréable ce sera. Comme nous sommes des êtres imparfaits, un peu de mal et de désagrément viendra sûrement s’introduire ; mais cela sera rapidement neutralisé et facilement ôté par l’amour vrai entre saints, s’il existe vraiment. L’unité chrétienne est « bonne » en elle-même, bonne pour nous-mêmes, bonne pour les frères, bonne pour nos nouveaux convertis, bonne pour le monde extérieur. Et certainement elle est « agréable », car un cœur aimant doit trouver son plaisir et donner du plaisir en étant associé avec d’autres de la même nature. Une église unie depuis des années dans le service actif pour le Seigneur est un puits de bienfait et de joie pour tous ceux qui demeurent autour d’elle.

« C’est comme l’huile précieuse qui, répandue sur la tête… »

De façon à ce que nous puissions mieux contempler l’unité entre frères, David nous donne une image, afin que, comme dans un miroir, nous puissions percevoir ses bienfaits. Cette unité dégage un doux parfum, comparable à l’huile précieuse avec laquelle le grand souverain sacrificateur était oint lors de son ordination. Cette unité est sainte, comme l’était l’huile de consécration qui était réservée au seul service du Seigneur. Cette unité est communicative : répandue sur la tête d’Aaron, l’huile odorante coulait le long de ses vêtements jusqu’à ce qu’ils soient tous oints. De même, l’amour fraternel étend son influence bénéfique et bénit tous ceux qui sont sous son influence. L’union des cœurs amène une bénédiction sur tous ceux qui sont concernés ; sa bonté et son agrément sont partagés par les membres les plus humbles de la maison ; même les serviteurs sont plus heureux à cause de l’unité des membres de la famille. Cette huile était réservée à un usage spécial : en étant ainsi oint, Aaron était mis à part pour le service particulier de l’Éternel ; de même ceux qui demeurent dans l’amour sont les mieux à même de glorifier Dieu dans son Église. Il est peu probable que le Seigneur utilise pour sa gloire ceux qui sont dépourvus d’amour ; il leur manque l’onction nécessaire pour faire d’eux des sacrificateurs pour le Seigneur.

« … descend sur la barbe, sur la barbe d’Aaron, qui descend sur le bord de ses vêtements.… »

C’est le point clef de la comparaison : l’huile ne reste pas confinée à la place où elle était répandue initialement, mais elle s’écoule sur la chevelure du grand prêtre et inonde sa barbe, tout comme l’amour fraternel, descendant de la tête, distille en coulant un parfum sur tout ce qu’il illumine. L’huile allait jusqu’au bas de ses vêtements. Une fois répandue, cette huile ne cessait de couler.

Ainsi l’amour fraternel non seulement coule des cœurs sur ceux sur qui il a été premièrement répandu, mais il se répand là où il n’était pas recherché, ne demandant ni autorisation ni permission pour frayer son chemin. L’affection chrétienne ne connaît aucune limite, ni de paroisse, ni de nation, ni d’âge. Cet homme est-il un croyant en Christ ? Alors il appartient au seul corps et je dois lui apporter un amour continuel. Est-il un des moins spirituels, un des moins aimables ? Alors il est comme au « bord des vêtements » et mon amour doit se répandre même sur lui. L’amour fraternel vient de la tête mais va jusqu’aux pieds. Il se dirige vers le bas : l’amour pour les frères s’abaisse jusqu’aux personnes du rang le plus humble ; il n’est pas orgueilleux, mais doux et humble. Ce n’est pas la moindre de ses excellences : de même que l’huile n’oindrait pas si elle ne coulait pas, l’amour ne diffuserait pas ses bénédictions s’il ne descendait pas.

« C’est comme la rosée de l’Hermon, qui descend sur les montagnes de Sion »

Vue des plus hauts sommets, la rosée semble s’écouler vers les collines moins élevées : la rosée de l’Hermon descend sur Sion. Les sommets du Liban pourvoient aux besoins de la petite éminence de la cité de David. De même l’amour fraternel descend du plus haut vers le plus bas, rafraîchissant et vivifiant sur son passage. Une sainte harmonie est comme la rosée ; elle bénit mystérieusement ; elle apporte vie et croissance à tous les plants de la grâce. Elle amène tant de bénédictions qu’il ne s’agit pas d’une rosée banale, mais elle est comme celle de l’Hermon, qui est spécialement abondante et qui vient de loin.

« Car c’est là que l’Éternel envoie la bénédiction, la vie, pour l’éternité. »

Là, en Sion, mieux encore, à l’endroit où l’amour fraternel abonde. Là où l’amour règne, Dieu règne. Là où l’amour veut bénir, là Dieu commande la bénédiction. Dieu n’a qu’à commander et c’est fait. Il est tellement heureux de voir ses bien-aimés enfants trouver leur bonheur dans l’autre qu’il ne peut pas manquer de les rendre heureux en lui-même. Il donne spécialement la plus grande bénédiction, la vie éternelle, car l’amour est la vie. En demeurant ensemble dans l’amour, nous avons commencé à goûter les joies de l’éternité et cela ne nous sera pas retiré. Aimons-nous pour l’éternité et nous vivrons pour l’éternité. C’est ce qui rend la communion chrétienne si bonne et si agréable ; sur elle repose la bénédiction de Jéhovah et rien ne peut être plus sacré que « l’huile précieuse » ni plus céleste que « la rosée de l’Hermon ».

Oh ! qu’il y ait davantage de cette vertu rare ! Non l’amour qui va et qui vient, mais celui qui demeure. Non cet esprit qui sépare et isole, mais celui qui fait demeurer ensemble. Non cette pensée qui ne conduit qu’au débat et à la différence, mais celle qui fait habiter ensemble dans l’unité. Jamais nous ne connaîtrons toute la puissance de cette onction jusqu’à ce que nous soyons d’un cœur et d’une âme. Jamais la rosée sacrée de l’Esprit ne descendra dans sa plénitude jusqu’à ce que nous soyons parfaitement unis ensemble dans le même esprit. Jamais les bénédictions de l’alliance que Dieu a commandées ne viendront du Seigneur notre Dieu jusqu’à ce que nous ayons encore « un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême. »

Seigneur, conduis-nous dans cette si précieuse unité spirituelle, au nom de ton Fils. Amen.


CES MYSTÉRIEUX PSAUMES IMPRÉCATOIRES

Cet article est composé de plusieurs extraits du livre d’Alfred Kuen, Encyclopédie des difficultés bibliques, vol. III, Livres poétiques, Éditions Émmaüs, 2009, p. 256 à 265. Ils ont été reproduits avec l’aimable autorisation de l’auteur et des Éditions Émmaüs. Nous recommandons cet ouvrage, qui est une mine de réponses face à des questions qui peuvent se poser à la lecture des Psaumes. En particulier, il répond dans sa partie « Psaumes : Questions générales » à 26 questions utiles pour entrer dans la compréhension de ce livre.

DEFINITION ET ETAT DES FAITS

Des imprécations isolées se trouvent dans beaucoup de Psaumes, mais dans certains d’entre eux (55, 59, 69, 79, 109 et 137), l’imprécation constitue l’élément essentiel. Dans ces Psaumes, le psalmiste demande à Dieu de châtier le méchant conformément à ce qu’il mérite.

Si notre sens du bien ou du mal est notre critère pour déterminer si un passage est inspiré ou non, il y a de fortes chances pour que nous rejetions ces passages, les considérant comme non inspirés par l’Esprit de Dieu.

LE PROBLEME

Comment un esprit de vengeance évident peut-il être concilié avec les préceptes du N.T. et avec l’ordre de Jésus d’aimer ses ennemis et de prier pour ceux qui vous persécutent (Matt 5.44) ? Trois problèmes se posent :
– Comment peut-on expliquer la présence de ces imprécations dans le recueil d’hymnes hébreux ?
– Peut-on leur trouver une application dans la vie et le culte des chrétiens ?
– Ces cris appelant à la vengeance et au châtiment peuvent-ils être aussi inspirés que les autres parties du Livre des Psaumes qui exaltent le caractère de Dieu ?

ÉLEMENTS DE REPONSE

Affirmer que ces Psaumes font partie de la Parole inspirée de Dieu est une condition préliminaire indispensable à une compréhension correcte de ces paroles. Avant de nous lancer dans la discussion, nous devons réaffirmer notre confiance dans la Parole de Dieu, nous déclarer d’accord avec ce qu’a dit Jésus-Christ, reconnaître que David a parlé et écrit sous l’inspiration de l’Esprit (voir Matt 22.43 ; Marc 12.36 ; Act 1.16 ; 4.25 ; Héb 4.7). Cela exige beaucoup d’humilité, de renoncement à notre propre jugement comme autorité suprême et de confiance dans la Parole de Dieu — même si nous ne la comprenons pas.

Le sens de la justice

Les Psaumes imprécatoires sont une prière pour que justice soit faite et que les exigences du droit soient respectées. Les poètes de l’A.T. étaient très sensibles au mal dû à l’injustice des hommes. David savait être très généreux envers ses ennemis (Saül, Absalom), mais il pouvait aussi être outré par des actions cruelles et il demandait alors à Dieu de les juger.

Bien des appels à la vengeance (109.12 ; 137.8) sont des cris arrachés à des cœurs souffrants qui demandent à Dieu de faire justice et de rétablir le droit. Ces Psaumes veulent réveiller les sentiments du fidèle pour susciter en lui un cœur sensible à la misère causée par la cruauté. Nous trouvons la même préoccupation dans le N.T. La parabole du juge inique demande que justice soit faite à la veuve, et Jésus conclut en disant que « Dieu fera promptement justice à ses élus » (Luc 18.1-8). Pour que la justice de Dieu s’accomplisse, il faut que le mal soit condamné.

Dans un certain sens, ces poètes anciens étaient proches de Dieu qui « a, pour les péchés de ses ennemis, l’hostilité implacable qu’exprime le poète. Implacable ? Certes, mais envers le péché, et non envers le pécheur. Le péché n’est ni toléré, ni ignoré ; il ne fait l’objet d’aucun compromis. De cette façon, l’attitude impitoyable des psalmistes est plus proche d’un des aspects de la vérité que bien des attitudes de nos contemporains qui peuvent être prises, à tort, par ceux qui les adoptent, pour de la charité chrétienne. Les passages féroces des Psaumes servent à nous rappeler que la méchanceté existe réellement dans le monde et qu’elle (sinon ses auteurs) est détestable aux yeux de Dieu. »1

L’injustice émeut et provoque de l’indignation. Si ce n’est plus le cas, le mal est banalisé et accepté.

Le réalisme de la Bible

Le royaume de Dieu ne pourra s’établir qu’après la destruction du royaume de Satan. « Délivre-nous du mal » implique aussi : « Délivre-nous de ceux qui font le mal », de ceux qui s’identifient à la cause de Satan. De même, nous prions avec joie pour le retour du Christ, sans nous arrêter à la pensée que nous prions en même temps pour les événements de 2 Th 1.7-92.

Si nous sommes choqués par ces imprécations, cela peut provenir non pas tant de notre sensibilité chrétienne que d’un manque général d’expérience de la persécution et de notre incapacité à épouser la cause des chrétiens persécutés. Le Ps 83.3-4 dit : « Voici, tes ennemis s’agitent, Ceux qui te haïssent lèvent la tête. Ils forment contre ton peuple des projets pleins de ruse, Et ils délibèrent contre ceux que tu protèges. » Cette situation n’a pas changé. Partout dans le monde, on entend parler des attaques extérieures et intérieures contre l’Église. Dans le Deutéronome, Dieu a prononcé des malédictions sur les membres de son propre peuple. À plus forte raison, maudira-t-il ceux qui s’opposent à lui.

Le cadre de l’alliance

Ces textes sont prononcés dans le cadre d’une société liée par une alliance avec Dieu qui comprenait un engagement mutuel. En cas de rupture du contrat, des sanctions étaient prévues. Le psalmiste demande à Dieu de les appliquer et de punir ceux qui transgressaient son alliance. Cette punition avait aussi un but pédagogique : « Ne laisse pas réussir les projets du méchant, de peur qu’il ne s’en glorifie ! » (140.9)

L’alliance avec Abraham promettait la bénédiction à ceux qui béniraient la postérité d’Abraham et la malédiction à ceux qui la maudiraient (Gen 12.1-3). Comme cette alliance était inconditionnelle, ses promesses restent valables aussi longtemps qu’Israël subsiste en tant que nation. Sur cette base, David avait donc parfaitement le droit, en tant que représentant de la nation, de prier que Dieu veuille accomplir ses promesses en maudissant ceux qui maudissaient ou attaquaient Israël.

Attaquer le roi (représentant oint officiel de la théocratie), c’était attaquer Dieu. Son zèle pour Dieu inspirait ses prières. Le psalmiste a choisi Dieu pour ami ; les ennemis de celui qui prie sont donc aussi les ennemis de Yahveh.

Mais les malédictions sont toujours conditionnelles : « Dieu est un juste juge, qui, chaque jour, fait sentir son indignation à qui ne revient pas à lui. » (7.12-13)

Ces imprécations sont des prières

David avait la passion de la justice ; il n’était pas animé d’un esprit de revanche. Il pouvait être généreux lorsqu’il était lui-même attaqué (2 Sam 16.11 ; 19.16-23). Il a témoigné sa bonté à un fils de Saül (qui l’avait persécuté) (2 Sam 9).

Les psalmistes reconnaissent à Dieu seul le droit d’exécuter la vengeance. Il est certainement préférable de demander à Dieu de nous venger, plutôt que de se venger soi-même. Est-il si condamnable de demander à Dieu de briser les dents des méchants (58.7) lorsque ceux-ci s’en servent pour déchirer les justes ? Combien de malheurs seraient évités si, au lieu de nous venger, nous exposions à Dieu notre amertume et notre misère — tout en traitant nos ennemis de manière noble et généreuse comme David !

Jésus prie aussi ces Psaumes

Il y a des passages des Psaumes que nous ne pouvons pas reprendre pleinement à notre compte, par exemple des affirmations comme celles du Ps 18.21-24 : « L’Éternel m’a traité selon ma droiture, Il m’a rendu selon la pureté de mes mains ; Car j’ai observé les voies de l’Éternel, Et je n’ai point été coupable envers mon Dieu. Toutes ses ordonnances ont été devant moi, Et je ne me suis point écarté de ses lois. J’ai été sans reproche envers lui, Et je me suis tenu en garde contre mon iniquité. » Un seul a pu les redire en toute vérité : Jésus-Christ.

Dans les « je » des Psaumes, c’est le Christ qui parle. Qu’en est-il alors des confessions de péché dans les Psaumes ? David a confessé ses propres péchés dans ces paroles, mais Jésus les a priées parce qu’il s’est chargé de nos péchés, s’appropriant nos dettes (2 Cor 5.21).

Dans ce sens, tous les Psaumes sont messianiques parce qu’ils regardent vers le Christ — même les Psaumes imprécatoires. « Quelle différence cela fait dans notre prédication lorsque nous savons que ces Psaumes ne sont pas les prières émotionnelles d’hommes coléreux, mais les cris de guerre de notre Prince de la paix ! »3 Il faut lire ces prières à la lumière d’Apocalypse 19.11-16.

Sur la croix, Jésus a prié : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu’ils font. » Comment peut-il alors prier ces Psaumes de vengeance contre ses ennemis ?

Il nous faut voir la personne du Christ dans son entier. Il est le Sauveur miséricordieux et plein d’amour qui pardonne les péchés, mais il est aussi Celui qui viendra pour juger ceux qui désobéissent à l’Évangile.

Quel est le but de ces prières ?

Le Ps 83.16-17 dit : « Poursuis-les ainsi de ta tempête, Et fais-les trembler par ton ouragan ! Couvre leur face d’ignominie, Afin qu’ils cherchent ton nom, ô Éternel ! » Nous sommes appelés à prier pour que Dieu exerce ses jugements sur ses ennemis « afin qu’ils cherchent ton nom », c’est-à-dire qu’ils se convertissent. Bien des tempêtes (physiques ou morales) ont amené des gens à se tourner vers le Seigneur.

Le N.T. fait un pas de plus

Dans leur impatience, les psalmistes demandent à Dieu de hâter le jugement. L’Évangile, par contre, montre que Dieu est désireux de sauver. Dans Jean 13.18, Jésus cite le Ps 41.10 au sujet de l’ami qui « mangeait mon pain » et qui « lève son talon contre moi », mais il ne prie pas comme David pour avoir l’occasion de le lui rendre.

L’A.T. ne fait pas de distinction entre le péché et le pécheur. Celui qui combat le péché doit aussi combattre celui qui le commet. Dieu hait le péché et le détruit. Seules la souffrance et la mort du Christ ouvrent le chemin vers le fait que le pécheur peut être pleinement gracié et réconcilié. C’est pourquoi, même dans le N.T., seul celui qui se réfugie auprès de l’Agneau de Dieu qui porte le péché du monde (Jean 1.29) voit s’ouvrir devant lui la porte du paradis (Luc 23.43). Le Dieu de l’A.T. n’est pas plus saint que celui du N.T. Sa colère reste suspendue au-dessus du péché. Cet arrière-plan de l’A.T. rend d’autant plus lumineuse la grâce que Jésus-Christ est venue apporter : tout en condamnant le péché, il voulait sauver le pécheur (Luc 7.47-50 ; 19.1-10 ; Jean 8.1-11).

Apocalypse 20.11-15 nous révèle que Dieu jugera les méchants dans l’avenir. Mais, comme indiqué plus haut, nous pouvons prier Dieu pour qu’il paralyse la main des méchants, juge ceux qui ne veulent pas changer et que la justice soit manifestée sur la terre.

1C.S. Lewis, Réflexions sur les Psaumes, Éditions Raphaël, 1999, p. 49-50.
2« Le Seigneur Jésus apparaîtra du ciel avec les anges de sa puissance, au milieu d’une flamme de feu, pour punir ceux qui ne connaissent pas Dieu et ceux qui n’obéissent pas à l’Évangile de notre Seigneur Jésus. Ils auront pour châtiment une ruine éternelle, loin de la face du Seigneur et de la gloire de sa force. »
3J.E. Adams, War Psalms, p. 33.


Les Psaumes messianiques

Que comprenons-nous derrière l’expression « Psaumes messianiques » ?

Au soir de sa résurrection, le Seigneur Jésus explique à ses disciples qu’il fallait que soit accompli tout ce qui était écrit de lui dans la loi de Moise, dans les prophètes et dans les Psaumes (Luc 24.44).

Par cette référence, Jésus confirme le fait que certains Psaumes portent un caractère particulier de Psaumes « messianiques », en ce qu’ils parlent de façon directe du Messie promis au peuple d’Israël.

Parallèlement, on pourrait étendre le concept aux « textes messianiques tirés du Pentateuque » ou aux « prophéties messianiques tirées des prophètes ». En général, le caractère messianique d’un texte de l’Ancien Testament est avéré, quand un ou plusieurs auteurs du Nouveau Testament citent ce texte en relation avec le Messie. Par extension, d’autres parties de la Bible portent ce caractère, sans être spécifiquement « accréditées comme telles » par le Nouveau Testament. Il nous faut ici beaucoup de discernement et de sagesse dans l’interprétation des Écritures, car on risque, dans une recherche trop poussée de typologie, de vouloir rendre messianique un passage qui ne le serait pas. Au-delà d’une lecture directe, historique des Psaumes, nous pouvons en relire certains en cherchant à y trouver ce qui annonce par avance Jésus.

Au cours de son enseignement, Jésus a souvent cité lui-même des Psaumes, afin d’illustrer ou d’établir une vérité

– Mat 21.16 : « Tu as tiré des louanges de la bouche des enfants et de ceux qui sont à la mamelle. » (Ps 8.2)
– Mat 5.5 : « Heureux les humbles de cœur, car ils hériteront la terre ! » (Ps 37.11)
– Jean 6.31 : « Il leur donna le pain du ciel à manger. » (Ps 78.24)

Jésus nous montre ainsi que la lecture des Psaumes constitue une très riche nourriture spirituelle.
Mais il va plus loin, quand il reconnaît le caractère messianique de certains Psaumes :
– Marc 12.36 : Il cite un psaume qui annonce la gloire du Messie : « David lui-même, animé par l’Esprit-Saint, a dit : “Le Seigneur a dit à mon Seigneur : ‘Assieds-toi à ma droite, Jusqu’à ce que je fasse de tes ennemis ton marchepied.’” » (Ps 110.1)
– Jean 15.25 : Il évoque la souffrance du Messie : « Mais cela est arrivé afin que s’accomplisse la parole qui est écrite dans leur loi : “Ils m’ont haï sans cause.” » (Ps 35.19)
– Jean 13.18 : Il annonce la trahison de Judas : « Il faut que l’Écriture s’accomplisse : “Celui qui mange avec moi le pain a levé son talon contre moi.” » (Ps 41.9)
– Luc 20.17 : Il démasque le rejet des chefs religieux à son égard : « La pierre qu’ont rejetée ceux qui bâtissaient est devenue la principale de l’angle. » (Ps 118.22)
N’est-ce pas touchant d’entendre Jésus parler de lui-même, à travers ces citations de Psaumes ?

Cette introduction — que l’on pourrait compléter par de nombreuses citations des Actes et des Épîtres — nous conduit à parcourir ensemble un de ces Psaumes messianiques, cité dans le Nouveau Testament en Hébreux 10. 5-7 : le Psaume 40.

Psaume 40

« J’avais mis en l’Éternel mon espérance ; Et il s’est incliné vers moi, il a écouté mes cris. » (v.1)
Comme souvent dans les Psaumes, le premier verset peut être lu comme un résumé ou une introduction à ce qui suit. L’humanité parfaite du Seigneur marchant sur la terre, sa dépendance et sa patience, sa souffrance, sont évoquées là et se retrouvent dans les versets qui suivent.

« Il m’a retiré de la fosse de destruction, du fond de la boue ; Et il a dressé mes pieds sur le roc, il a affermi mes pas. Il a mis dans ma bouche un cantique nouveau, une louange à notre Dieu. » (v. 2-3a)
Le Psaume commence par la résurrection et la louange. Nous pensons à Jésus victorieux. Après l’abîme de la mort, évoquée dans des expressions qui rappellent celles qu’utilisait Jonas dans le ventre du grand poisson, la stabilité d’une vie qui demeure à toujours s’appuie sur le roc.
Et si nous sommes nous-mêmes au fond d’un puits ou dans un bourbier, nous pouvons penser à celui qui en est sorti victorieux.

« Beaucoup l’ont vu, et ont eu de la crainte, et ils se sont confiés en l’Éternel. » (v. 3b)
De nombreux témoins oculaires de sa résurrection ont vu et ont cru. C’est le cas de Jean, « l’autre disciple », entrant dans le tombeau vide (Jean 20.8) ou de Thomas face aux marques des clous et de la lance (Jean 20.28).

« Heureux l’homme qui place en l’Éternel sa confiance, Et qui ne se tourne pas vers les hautains et les menteurs ! » (v. 4)
Nous entrevoyons la confiance de Christ comme homme. Il n’était pas tourné vers les orgueilleux, lui qui était « doux et humble de cœur » (Mat 11.29).

« Tu as multiplié, Éternel, mon Dieu ! Tes merveilles et tes desseins en notre faveur ; Nul n’est comparable à toi ; Je voudrais les publier et les proclamer, Mais leur nombre est trop grand pour que je les raconte. » (v. 5)
Ses œuvres et ses pensées sont merveilleuses. L’apôtre s’écriera dans une doxologie : « Ô profondeur de la richesse, de la sagesse et de la science de Dieu ! » (Rom 11.38) Jean dira aussi des œuvres du Seigneur : « Si on les écrivait en détail, je ne pense pas que le monde même pourrait contenir les livres qu’on écrirait. » (Jean 21.25) Jésus dira aussi : « Le Père aime le Fils et lui montre toutes les choses qu’il fait lui-même, et il lui montrera des œuvres plus grandes que celles-ci afin que vous soyez dans l’admiration. » (Jean 5.20, Darby) Partageons-nous cette admiration ?

« Tu ne désires ni sacrifice ni offrande, Tu m’as ouvert les oreilles ; Tu ne demandes ni holocauste ni victime expiatoire. » (v. 6)
Jésus était le « plaisir de Dieu » sur la terre, au-dessus des quatre formes de sacrifice qui nous sont décrites dans le début du livre du Lévitique et qui sont rappelées ici. À deux reprises, lors de son baptême et sur la montagne de la transfiguration, Dieu fait entendre sa voix : « Celui-ci est mon Fils bien aimé en qui j’ai trouvé mon plaisir. »
L’humanité de Christ est soulignée dans l’expression : « Tu m’as ouvert les oreilles », traduite par : « Tu m’as formé un corps » dans la traduction des Septante citée en Hébreux 10.5. Outre le fait que les Septante aient probablement choisi ici un mode de traduction dit « par équivalence dynamique » et non pas mot à mot, il est touchant d’entrevoir que toute l’humanité du Seigneur Jésus — « Tu m’as formé un corps » — se caractérisait par son écoute, son obéissance, sa soumission à son Père — « Tu m’as ouvert des oreilles ».
Son corps d’homme parfait est présenté comme sacrifice, ultime ressource quand le sacrifice de prospérité, l’offrande de gâteau, l’holocauste et le sacrifice pour le péché ne nous sont plus « demandés ».

« Alors je dis : “Voici je viens” » (v. 7a)
Joseph dit : « Me voici » quand son père veut l’envoyer vers ses frères (Gen 37.13). Ésaie dit : « Me voici, envoie moi » quand Dieu demande : « Qui enverrai-je, et qui marchera pour nous ? » (És 6.8)
David « se leva de bon matin, […] prit sa charge, et partit » quand Isaï son père lui demanda d’aller voir ses frères (1 Sam 17.17,20).
Joseph et David, par divers traits de leur caractère et par les expériences de leur vie (par exemple leur rejet par leurs frères), annoncent par avance celui qui, encore mieux qu’eux, dira : « Voici je viens. »

« Il est écrit de moi dans le rouleau du livre. C’est mes délices, ô mon Dieu, de faire ce qui est ton bon plaisir, Et ta loi est au fond de mon cœur. » (v. 7b-8)
Quand Jésus dit à ses disciples étonnés, devant le puits de Sichar : « Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé et d’accomplir son œuvre » (Jean 4.34), c’est un peu comme s’il citait ce texte du Psaume 40 pour lui-même. Et voilà que ce même verset fait référence à un autre rouleau, un autre livre, celui de la loi. C’est comme une chaîne qui commence dans le Pentateuque, passe par le Psaume 40 et se termine dans les Évangiles et l’Épitre aux Hébreux. Jésus dira : « Si vous croyiez Moïse, vous me croiriez aussi, parce qu’il a écrit à mon sujet. » (Jean 5.46)

« J’annonce la justice dans la grande assemblée ; Voici, je ne ferme pas mes lèvres, Éternel, tu le sais ! Je ne retiens pas dans mon cœur ta justice, Je publie ta vérité et ton salut ; Je ne cache pas ta bonté et ta fidélité dans la grande assemblée. » (v. 9-10)
Jésus est le vrai témoin fidèle. Sa vie se caractérise par la perfection.
Au cours de son ministère il ne se lassait pas : « Selon sa coutume, il se mit encore à enseigner [la foule]. » (Marc 10.1) Dans les tout derniers jours avant la croix, « tout le peuple, dès le matin, se rendait vers lui dans le temple pour l’écouter. » (Luc 21.38)
Jésus a fait une « belle confession devant Ponce Pilate » (1 Tim 6.13). Il n’a pas hésité non plus devant le souverain sacrificateur, alors qu’il savait quel déchaînement de violence ses paroles allaient provoquer : « Tu l’as dit. De plus, je vous le déclare, vous verrez désormais le Fils de l’homme assis à la droite de la puissance de Dieu, et venant sur les nuées du ciel. » (Mat 26.64) Jésus unifie admirablement dans cette seule phrase deux textes messianiques complémentaires : le Psaume 110.1 (« assis à la droite de la puissance ») et Daniel 7.13 (« Sur les nuées des cieux arriva quelqu’un de semblable à un fils de l’homme »). La situation s’est retournée : Jésus devient le juge et l’assistance, l’accusée. C’est comme si Jésus donnait, à la dernière heure de son ministère, la clef de l’expression qu’il aimait tant utiliser pour se désigner lui-même : « le fils de l’homme » (79 fois dans sa bouche).

«  Toi, Éternel ! tu ne me refuseras pas tes compassions ; Ta bonté et ta fidélité me garderont toujours. Car des maux sans nombre m’environnent ; Les châtiments de mes iniquités m’atteignent, Et je ne puis en supporter la vue ; Ils sont plus nombreux que les cheveux de ma tête, Et mon courage m’abandonne. » (v. 11-12)
Ce Psaume, qui a introduit Christ comme un sacrifice, le présente maintenant comme celui qui a porté nos péchés sur lui, les prenant à son compte. Il est semblable au bouc azazel (le bouc qui s’en va, ou le bouc-émissaire), qui recevait l’imposition des mains du sacrificateur sur sa tête. Ce dernier y confessait toutes les iniquités et toutes les transgressions du peuple que le bouc portait au désert (Lév 16. 20-23).

« Veuille me délivrer, ô Éternel ! Éternel, viens en hâte à mon secours ! Que tous ensemble ils soient honteux et confus, Ceux qui en veulent à ma vie pour l’enlever! Qu’ils reculent et rougissent, Ceux qui désirent ma perte ! Qu’ils soient dans la stupeur par l’effet de leur honte, Ceux qui me disent : Ah ! ah ! » (v. 13-15)
Le Seigneur est passé par la souffrance de la moquerie, du ridicule, d’être différent. Un autre Psaume messianique dit : « L’opprobre me brise le cœur. » (Ps 69.20) Quelqu’un d’endurci peut se moquer de l’avis des autres, mais le Seigneur était sensible à la violence des mots et des regards. Il nous comprend, si nous ressentons parfois des attaques de cette nature.
Il semble que ce Psaume se termine par la croix, alors qu’il avait commencé par la résurrection. Quand nous nous préparons et participons à un culte d’adoration, ne tombons pas sous la tyrannie de la chronologie ou de la liturgie. N’hésitons pas à commencer un culte par la résurrection et la victoire et à reparler de la croix après la célébration de la cène. Il en est de même dans notre adoration privée, pour laquelle un Psaume comme celui-ci peut nous servir de base ou d’aide.

« Que tous ceux qui te cherchent Soient dans l’allégresse et se réjouissent en toi ! Que ceux qui aiment ton salut Disent sans cesse : Exalté soit l’Éternel ! » (v. 16)
Au cœur même de la souffrance, le Messie entrevoit les fruits de son œuvre. Des hommes et des femmes rechercheront Dieu, se réjouiront en lui et seront l’objet « d’un si grand salut ». Ils seront un peuple d’adorateurs.
Hébreux 12.2 nous dit : « Jésus, à cause de la joie qui était devant lui, a enduré la croix, ayant méprisé la honte. » C’est un peu le résumé des trois derniers versets de notre psaume : la honte (v. 15), la joie (v. 16) et la croix (v. 17).

« Moi, je suis pauvre et indigent ; Mais le Seigneur pense à moi. Tu es mon aide et mon libérateur : Mon Dieu, ne tarde pas ! » (v. 17)
Sur la croix, le Seigneur Jésus était le pauvre par excellence. On venait de le dépouiller du peu qui lui restait, ses vêtements, dont la tunique tissée d’une seule pièce. Il sait que la délivrance viendra de son Dieu, qui ne l’oublie pas. Mais la souffrance est là et le temps est long : « Mon Dieu, ne tarde pas ! »

 


Un magnifique soir d’été. Je chante dans une chorale le Psaume 103 mis en musique spécialement pour l’occasion. C’est le mariage de ma meilleure amie. Je la connais depuis 25 ans. Nous sommes voisines depuis toujours, allons dans la même école, avons souvent été dans la même classe, partageons la même foi, fréquentons la même église, partons parfois en vacances ensemble et passons de longues heures à parler, au téléphone ou de visu !

Pour son mariage, l’oncle de la mariée a donc composé une musique adaptée au Psaume 103 et une grande chorale chante à pleins poumons : « Mon âme, bénis l’Eternel et n’oublie aucun de ses bienfaits ! » (v. 2) C’est vrai que, pour Amélie , c’est un grand bienfait que d’épouser un garçon qu’elle aime, qui partage sa foi et qui, de plus, a de nombreuses qualités. Pour moi, c’est un peu différent : j’ai vraiment l’impression de la « perdre ». Nos longues heures de discussion risquent de se réduire considérablement ; c’est normal mais j’en éprouve un petit pincement au cœur…

« Autant l’orient est loin de l’occident, autant il éloigne de nous nos transgressions. » (v. 12) C’est beau de rappeler en un jour de mariage que Dieu nous a pardonnés toutes nos fautes et qu’il ne nous les rappelle plus.

« L’homme ! ses jours sont comme l’herbe, il fleurit comme la fleur des champs. Lorsqu’un vent passe sur elle, elle n’est plus, et le lieu qu’elle occupait ne la reconnaît plus. » (v. 15-16) Mais quelle idée a eu l’oncle d’Amélie de vouloir nous faire chanter tout le Psaume 103 ! Les mariés sont jeunes, beaux, pleins de vie et la vie est devant eux ! Il aurait pu nous proposer une adaptation du Psaume en omettant ces deux versets…

« Bénissez l’Éternel, vous toutes ses œuvres, dans tous les lieux de sa domination ! Mon âme, bénis l’Éternel ! » (v. 22)

Quatre jours plus tard, coup de téléphone. C’est la mère de la mariée : « Michel et Amélie sont auprès du Seigneur ! » Stupéfaction. Incompréhension. C’est un accident de voiture qui les a tués tous les deux sur le coup, lors de leur voyage de noces. J’avais eu l’impression de « perdre » ma meilleure amie le jour où elle partait avec son mari, mais là, c’est effectif : je ne la reverrais plus sur cette terre…

Je passe mes journées à pleurer. Et au milieu de mes larmes et de toutes les pensées qui m’assaillent, le Psaume 103 me revient : « L’homme ! ses jours sont comme l’herbe… » Je comprends pourquoi il ne fallait pas supprimer ces deux versets dans l’adaptation musicale. Et, même si je ne comprends pas pourquoi « elle n’est plus », je comprends un peu la brièveté de la vie et la souveraineté de Dieu.

Et, dix-sept ans après, je peux dire : « … elle n’est plus… mais la bonté de l’Eternel est de tout temps et à toujours sur ceux qui le craignent. » (v. 17)

« Mon âme, bénis l’Eternel ! »


Le médecin a d’abord affaire au corps de son patient, c’est une évidence.

L’apprentissage du métier de médecin fait la part belle au corps d’abord, pour s’attacher à comprendre ses fonctions et ses dérèglements.

Les connaissances des médecins relatives à la psychologie sont souvent moindres.

C’est ainsi qu’une dichotomie implicite corps/psyché s’installe.

Cependant nombre de symptômes sont inexpliqués, ils ne correspondent pas à un dysfonctionnement organique identifiable. La médecine psychosomatique tente de sortir de ce dualisme, pour regarder le patient comme un tout dans son corps. En fait, dans toutes les situations, même les plus organiques, l’expérience permet de réunifier soma et psyché : chaque atteinte dans un domaine, corporel ou psychologique, retentit sur l’autre domaine ou s’exprime dans l’autre domaine ; si le trouble est d’abord dans l’esprit, il est visible aussi dans le corps ; si le trouble est d’abord dans le corps, l’esprit en est perturbé. De la même façon, la douleur associe sensorialité (perception désagréable), émotion inévitable (peur et détresse), pensées et raisonnements, et comportement visible sur le corps du patient. Plus simplement, le corps « parle », comme on dit communément.

L’ensemble de la personne comprend aussi une part immatérielle, invisible mais bien présente, spirituelle, – souffle de Dieu, respiration de vie. Le corps est le lieu physique de cette personne complexe et plurielle, et il ne peut être réduit au fonctionnement de cellules et de molécules. C’est par le corps que passe le premier contact avec autrui.

Alors, comment le médecin chrétien appréhende-t-il le corps ? En tant que pédiatre, je m’occupe d’enfants, et particulièrement de douleur chez l’enfant, et je peux partager quelques ressentis et réflexions, sans vouloir être exhaustif.

1. Admirer le corps

Le médecin est d’abord le témoin d’un chef d’œuvre, fait d’une « étrange et merveilleuse manière » (Ps 139.14). Plus les connaissances progressent dans le domaine du fonctionnement du corps humain, de chaque organe, de chaque cellule, des interactions entre elles, plus l’étonnement grandit. À l’échelon macroscopique comme à l’échelon moléculaire, tout est extraordinaire de complexité, chaque cellule spécialisée surprend. Tout un monde de signaux de communication est à l’œuvre à chaque instant, pour maintenir le corps en bonne santé.

Quelle beauté dans le corps d’un enfant en pleine santé ! Les enfants sont des êtres vivants, mystérieux et merveilleux, des personnes humaines à part entière. Leur croissance, leur développement, suscitent aussi notre admiration profonde. Cependant ne nous appuyons pas sur des critères morphologiques ou des standards de mode, allons au-delà.

En effet, en même temps, nous nous rappelons que cette personne a été faite à l’image de Dieu, pour refléter l’image de Dieu, elle a été appelée à l’existence, engendrée. Ce qui nous est proposé par la révélation divine, nous amène à discerner que le corps est beau parce qu’il est reflète le projet de l’être, ou pour le dire de façon plus simple : le corps est beau parce qu’il est habité par une âme. Toutes ces pensées participent au plaisir et à l’émerveillement éprouvés devant un nouveau-né.

Cet enfant devant nous est un être unique, une association de concret et d’immatériel, qui porte un nom. Son corps est le lieu précieux de sa personne, animé par l’esprit et l’âme, et il est impossible de tracer la frontière exacte entre le physique, le psychologique et le spirituel.

Cette admiration peut nous ramener à Jésus, à sa naissance qui nous étonne, à sa croissance et à son développement que nous imaginons.

Cet enfant, ce patient, va apprendre, avec ses parents, à apprécier son corps, à le nourrir et l’entourer de soins (Éph 5.29) ; il va bâtir son espace intime, apprendre à respecter son corps. Le « soin » du médecin et des soignants peut y contribuer.

2. Approcher le corps du patient d’un point de vue médical

Le corps est abordé d’abord par le visage et le regard : on perçoit un visage, on rencontre une présence dans l’expression et le regard. L’état de santé (la fatigue, la dépression, la douleur, les émotions) est visible sur le corps, et d’abord sur le visage. Un petit enfant est particulièrement lisible, il ne contrôle pas son expression, et nous donne à voir et à lire son ressenti ; quand il grandit, le déchiffrage peut devenir plus difficile, car chacun porte facilement un masque.

Pour établir son diagnostic, ou simplement statuer sur la bonne santé, le médecin examine, il a le droit – exceptionnel, reconnu par la société et accepté des parents comme des enfants – de regarder, toucher, examiner le corps dénudé. Les enfants ont aussi des droits, ils ont également besoin de protection. L’approche du corps se doit d’être simple et digne, jamais critique, si possible assortie de commentaires positifs, et parfois ludique avec l’enfant : toucher, palper, ausculter, peser, mesurer… en respectant et même en favorisant la pudeur. On dit ce que l’on fait et ce que l’on va faire, avec respect et délicatesse, alors que l’on cherche à objectiver des « signes cliniques », qui nous éclairent sur des mécanismes pathogènes. C’est aussi respecter une juste distance – la distance de sécurité – être prudent dans les attitudes, la proximité, le territoire intime, avoir le regard chaste et clair, sans séduction, – et cela à tout âge, mais particulièrement, bien sûr, avec les adolescents.

« Le corps dénudé peut être honoré par le regard qui le perçoit et le reçoit comme expressif, tout entier expression d’une présence personnelle. […] Lorsqu’il est perçu à partir du visage, le corps tout entier, dans sa nudité même, peut être regardé sans impudeur » (Xavier Lacroix). En tant que médecin, je regarde, j’examine une personne, un corps « sujet » et non « objet », et le corps que je regarde est comme « habillé » par ce regard. Mon regard, mon expression, accueillent le corps de l’autre, sans le juger, sans se l’approprier.

3. Prendre soin du corps

Devant nous une personne se présente avec sa plainte. La mission du médecin est de rétablir la santé, autant que faire se peut. Cette mission nous évoque l’injonction du Samaritain à l’hôtelier, à propos du blessé qu’il a amené : « Prends soin de lui, et ce que tu dépenseras de plus […] » (Luc 10.35). Quelle étendue dans ce « de plus » : tous les besoins de la personne semblent sous entendus. C’est une médecine de la personne, approche reprise et développée par Paul Tournier1.

L’enfant et ses parents se confient à nous : cela implique échanges loyaux, respect et dignité, du soigné comme du soignant. Cette attitude a détrôné l’approche paternaliste du médecin, qui se place au dessus du patient, sachant et décidant à sa place. La loi française va d’ailleurs dans cette direction2, elle dynamise l’autonomie du patient comme la responsabilité du médecin.

Dans le domaine des soins médicaux du corps, pouvons-nous aussi appliquer la règle d’or : « Faites aux autres ce que vous voulez qu’on vous fasse » (Matt 7.12) ? Nombre de médecins reconnaissent que leur approche change après avoir été eux-mêmes malades !

Les soins médicaux peuvent s’empreindre d’empathie, de bienveillance, dans un projet de collaboration ; parfois doit être communiquée de l’énergie stimulante, de la fermeté, et parfois de la douceur, de la compassion.

Le regard porté sur le corps malade, les paroles, et tous les signaux de communication non verbale qui les accompagnent, font que le patient se sent respecté, écouté, apprécié, reconnu, malgré la maladie. Un « pacte de soin » est implicitement conclu, une alliance thérapeutique s’établit entre le médecin, l’enfant et ses parents.

Jésus a passé beaucoup de temps avec les malades, les handicapés, nous faisons de même ; il regardait, il touchait, il parlait, nous faisons de même. L’analogie s’arrête là car il avait le pouvoir de guérir et de pardonner. Nous pouvons néanmoins ressentir une collaboration avec le Dieu puissant qui guérit, mais bien sûr nous, nous ne guérissons pas toujours.

Cependant Jésus nous dit : « ce que vous avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Matt 25.40). Alors ces petits que nous soignons, nous pouvons les considérer comme les petits frères et soeurs de Jésus.

Des questions éthiques délicates se posent plus particulièrement au début et à la fin de la vie, dans un contexte de souffrance, de tragédie humaine : stérilité, anomalies fœtales, réanimation, fin de vie, soins palliatifs. Nous sommes appelés à essayer de comprendre, à entrer dans l’expérience humaine, en trouvant moyen d’accompagner ces parents.

Soigner, c’est une invitation à la modestie.

4. Soulager le corps souffrant

Le corps peut être crispé, tendu, par des contraintes physiques, émotionnelles, psychiques ou spirituelles. Souffrance morale et douleur physique s’entremêlent souvent.

La douleur fait appel à la solidarité humaine, elle nous incite à « porter les fardeaux les uns des autres » (Gal 6.2). Au plan médical, cela veut dire lutter contre la douleur et la souffrance. Pour nous comme pour les patients qui viennent à nous, l’acceptation de la vie n’a rien à voir avec la résignation. Au contraire, cela signifie l’accepter comme elle vient, avec tous les handicaps, la souffrance, et les injustices, puis tout mettre en oeuvre pour soulager, – cela fait partie de notre vocation.

Mais une révolte intérieure peut gronder, partagée avec l’enfant et ses parents : « Et pendant ce temps, où est Dieu ? » (C.S. Lewis) « À ce moment-là, tous les discours à propos de la résignation, de l’acceptation de la volonté de Dieu ou de la valeur rédemptrice de la souffrance sont insupportables » (Bernard Ugeux).

La souffrance requiert une réponse médicale, pour l’alléger ; mais elle reste un mystère, et elle exige une présence. Cette présence est parfois difficile à assumer : oser entrer dans la chambre où souffre un enfant, où va mourir un enfant, cela exige une atmosphère d’authenticité, sans mensonge. Cet accompagnement médical, psychologique, spirituel c’est la démarche des soins palliatifs. « Restez avec moi » demande Jésus à ses amis lorsque l’approche de la mort l’angoisse (Matt 6.38). À la fin, on laisse venir la mort, que C.S. Lewis appelle « une miséricorde sévère » : quand il n’y a plus rien à faire, il ne reste qu’à être, être avec.

5. Se laisser éclairer par la foi

Bien des attitudes décrites ici relèvent simplement d’une éthique médicale partagée avec nos collègues, laïcs, athées, agnostiques, ou d’autre confession religieuse. Alors quel « plus » apporte la foi pour le médecin chrétien ?

La foi éclaire les mystères, mais incomplètement, comme au travers d’un voile. Nous savons que Dieu ne s’est pas révélé au travers d’une majesté glorieuse, mais sous les traits d’un homme brisé, au corps sanglant cloué sur une croix. Angoisse, rejet, sentiment d’abandon, fatigue, solitude, souffrance physique extrême : le Christ a connu les pires douleurs de l’humanité. Paul Claudel dit : « Dieu n’est pas venu supprimer la souffrance. Il n’est même pas venu pour l’expliquer mais il est venu la remplir de sa présence. »

Si la foi n’explique pas tout, elle permet de porter en nous et autour de nous le mystère, celui de Dieu, mystère qui inclut celui de la souffrance, et celui de la personne humaine. L’être humain ne peut être réduit à ses maladies, ses souffrances, ni d’ailleurs à ses joies ou ses performances. La foi permet de voir au-delà de l’apparence fragile.

La foi déploie de nouveaux horizons dans notre compréhension du corps. Notre privilège en tant que chrétiens est de voir le Créateur, le Sauveur du corps, ce Dieu qui aime le corps qu’il a créé, jusqu’à s’y incarner, et jusqu’à vouloir le ressusciter.

Enfin la foi renouvelle nos forces, comme dit Bernard Ugeux : « Du cœur de ma fragilité reconnue et acceptée sourd une force, une capacité d’accueillir la fragilité, la misère même des autres avec tendresse, en me laissant toucher, mais sans me laisser envahir ou détruire. » Et de nous inciter à puiser au quotidien dans son cœur à lui. Rappelons-nous que les souffrants ne sont pas les seuls à être faibles, que tous, nous avons besoin d’encouragement3.

1Paul Tournier, médecin genevois protestant (1898-1986) en fut un ardent défenseur dans sa pratique et à travers ses nombreux écrits.
2Loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dite loi Kouchner, du 4 mars 2002
3Pour approfondir :
Lydia Jaeger et coll, L’âme et le cerveau, l’enjeu des neurosciences, Édifac et Excelsis, 2009
Michel Johner et coll, Le corps et le christianisme, Excelsis 2003
Xavier Lacroix, Le corps de l’esprit, Les éditions du Cerf, 2002
Paul Tournier, Médecine de la personne, Delachaux et Nestlé 1940
Bernard Ugeux, Traverser nos fragilités, Les éditions de l’atelier, 2006
John Wyatt, Questions de vie et de mort : la foi et l’éthique médicale, Excelsis, 2009
Philip Yancey, Où est Dieu dans l’épreuve, Éditions Ligue pour la lecture de la Bible, 2007


Le yoga semble offrir tout ce que l’homme occidental recherche. Le corps, rouillant sur les chaises de bureau trop longuement fréquentées, trouve ainsi le moyen de s’assouplir et de s’exprimer. La tête, obscurcie de chiffres et de soucis, est gentiment vidée de ses impuretés. Pour beaucoup, le yoga est une source de détente équivalente à un sport ou un loisir.
Mais n’est-il que cela ?

Les auteurs d’ouvrages sur le yoga montrent que cette technique n’est pas purement physique. Elle relève d’une conception théologique du monde où les postures sont à la fois représentation d’une réalité théologique et véhicule d’une puissance spirituelle.
Le yoga est de nature religieuse.
Une religion est un « ensemble d’actes rituels liés à la conception d’un domaine sacré distinct du profane et destinés à mettre l’âme humaine en rapport avec Dieu ». C’est un « système de croyances et de pratiques, impliquant des relations avec un principe supérieur et propre à un groupe social ». Nous sommes ainsi en présence d’une religion lorsque les caractéristiques suivantes sont présentes :

1. l’homme est considéré comme une entité spirituelle ;

2. l’homme a accès à une dimension spirituelle ;

3. il existe une méthode pour parvenir à cette dimension.

Un mouvement révèle sa nature lorsque son historique témoigne d’une recherche spirituelle. Lorsque sa conception du monde affirme l’existence d’un monde spirituel. Lorsque ses objectifs s’appliquent à faire passer l’homme dans des sphères spirituelles. Et lorsqu’il propose à ses adhérents des gestes propres à éveiller une conscience spirituelle. C’est précisément le cas du yoga !

1. Origines du yoga

Le yoga classique indien provient d’un texte attribué à Patanjali dont on connaît peu de choses. Il aurait vécu au Pendjab au ive s. avant notre ère (certains avancent le xie s. av. J.-C.). Le terme yoga signifie littéralement « joug » ou « attelage » ; il évoque la recherche de l’union entre le soi et l’Absolu (brahman).

Selon les époques, les philosophies comme les pratiques varient. Elles visent le salut individuel par un enseignement métaphysique ou religieux (selon les écoles). Ainsi, dès sa création, le yoga est une quête spirituelle.

2. Conception du monde pour le yoga

Le yoga part de l’idée que tout est souffrance, et il faut en être délivré. Cette douleur provient d’une séparation de l’âme avec l’Absolu. L’âme souffre de cette condition déchue et recherche, à travers ses incarnations successives, à retourner dans la fusion originelle avec l’Absolu.

Selon l’hindouisme, la vie humaine est cyclique, d’où la doctrine de la réincarnation. La vie est pleine de douleurs et de chagrins, fondements de la condition de l’homme. Le but du yogi est de se retirer de ce cycle douloureux de la mort et d’atteindre l’immortalité. Cette libération (salut) est entraînée par La mort de l’identité individuelle par sa fusion avec l’absolu. Ainsi, il devient un jîvanmukta, un « délivré de son vivant ». À travers le yoga, un homme profane peut devenir sacré ou divin.

Il est difficile d’échapper à la conclusion que la pratique du yoga illustre une conception éminemment religieuse du monde.

3. Objectif du yoga

Jean Varenne décrit le yoga comme « une technique de salut originale qui se propose de libérer l’âme de sa condition  charnelle par l’exercice de disciplines psychiques et corporelles. [L’âme] est en quelque sorte exilée dans le monde de l’existence où elle est condamnée à se réincarner indéfiniment, passant de corps en corps à la manière d’un oiseau migrateur1 ».

Il est évident que le yoga a un objectif religieux. Ce n’est pas seulement une série de gestes innocents. Ils sont pédagogiques (et opérants !) en vue d’une transformation spirituelle de l’être.

4. Pratique du yoga

Comme nous l’avons vu, le yoga est religieux. Pour des raisons obscures, les professeurs occidentaux de yoga voilent cette réalité à leurs étudiants. En décrivant leurs pratiques, ils révèlent pourtant ce côté religieux :

« Le yoga n’a jamais été conçu seulement comme une discipline de mieux-être dans la vie actuelle, mais comme un mode de transformation si radical que ses effets se répercutent sur l’après-vie2 ».

On ne pourra jamais séparer la pratique du yoga de la « théologie » à laquelle elle est liée. En quelque sorte, le yoga offre à l’hindouisme ce que les sacrements offrent au catholicisme. Ils sont les rites initiatiques et opérants de privilèges spirituels.

5. Dangers du yoga

De l’aveu même des praticiens, le yoga n’est pas sans danger. Mircea Eliade évoque les « troubles auxquels certaines techniques exposent l’amateur imprudent, nous pensons surtout à celle de “l’érotisme mystique” »3. Ysé Tardan-Masquelier parle de « graves dissociations, conduisant parfois à la folie ». Il ajoute :

« Le pratiquant est donc très vulnérable […] : il n’a pas perdu son jugement qu’il retrouvera d’ailleurs clarifié et affermi, mais il l’a levé, suspendu, pour entrer plus profondément en lui-même et, si telle est sa forme de spiritualité, en contact avec une puissance divine. On imagine bien à quels excès des instructeurs à tendance paranoïaque, se sentant investis d’une mission urgente pour le monde, peuvent se livrer […] parfois, dans le sens d’un véritable “viol” psychique, […] où les  préceptes inoculés dans ces moments de totale réceptivité, atteignent l’inconscient et y laissent des traces indélébiles. »4

Si, selon Saravasti, le yoga est « l’annihilation de toutes les fonctions du mental, l’art de vider son mental et d’en faire un feuillet blanc »5, on entre dans  un terrain glissant. Il devient facile à un enseignant, terrestre ou angélique, d’écrire à sa guise les « vérités » spirituelles qui contrôleront la vie de celui qui pratique le yoga.

6. Un chrétien peut-il pratiquer le yoga ?

Deux raisons exigent une réponse négative.

En premier lieu, nul ne peut fléchir le genou devant une statue « innocemment », c’est-à-dire sans détrôner celui qui est le Seigneur. Pareillement, rechercher le « Grand Suprême » par le yoga revient à dire que la Révélation, la Parole de Dieu, est insuffisante.

En second lieu, un geste est un témoignage public. Un chrétien faisant du yoga enseigne qu’il existe d’autres chemins de libération que Jésus-Christ.

C’est probablement ce qui explique la présence dans la loi de commandements comme : « Vous ne couperez pas en rond les bords de votre chevelure. Tu ne raseras pas les bords de ta barbe » (Lév 19.27). Ce n’est pas que ces gestes étaient mauvais en eux-mêmes, mais ils étaient des rites païens que les Israélites ne devaient pas imiter. Il en va de même avec les postures du yoga.

Conclusion

J’invite le lecteur à méditer 2 Corinthiens 6.11-7.1 pour conclure cette brève étude :

11 Notre bouche s’est ouverte pour vous, Corinthiens, notre cœur s’est élargi, 12 Vous n’y êtes point à l’étroit, mais c’est votre cœur qui s’est rétréci pour nous. 13 Rendez-nous la pareille — je vous parle comme à mes enfants — élargissez, vous aussi, votre cœur ! 14 Ne vous mettez pas avec les infidèles sous un joug étranger.
Car quel rapport y a-t-il entre la justice et l’iniquité ? Ou qu’y a-t-il de commun entre la lumière et les ténèbres ? 15 Quel accord y a-t-il entre Christ et Bélial ? Ou quelle part a le fidèle avec l’infidèle ? 16 Quel rapport y a-t-il entre le temple de Dieu et les idoles ? Car nous sommes le temple du Dieu vivant, comme Dieu l’a dit : J’habiterai et je marcherai au milieu d’eux ; je serai leur Dieu, et ils seront mon peuple.
17 C’est pourquoi, sortez du milieu d’eux, et séparez-vous, dit le Seigneur ; ne touchez pas à ce qui est impur, et je vous accueillerai. 18 Je serai pour vous un père, et vous serez pour moi des fils et des filles, dit le Seigneur tout-puissant.
7.1 Ayant donc de telles promesses, bien-aimés, purifions-nous de toute souillure de la chair et de l’esprit, en achevant notre sanctification dans la crainte de Dieu.

1J. Varenne, « Yoga », Encyclopedia Universalis, vol. 12, p. 1029.
2Ysé Tardan-Masquelier, Le yoga : du mythe à la réalité, Paris, Éditions Droguet et Ardant, p. 55.
3M. Eliade, Techniques du yoga, p. 12-13.
4Ysé Tardan-Masquelier, Le Yoga : du mythe à la réalité, Paris, Éditions Droguet et Ardant, p. 111-112.
5Saravasti, La pratique de la méditation, Paris, Éditions Albin Michel, 1950, p. 118.


« Tout m’est permis », mais tout n’est pas utile ; « tout m’est permis », mais je ne me laisserai asservir par quoi que ce soit.
« Les aliments sont pour le ventre, et le ventre pour les aliments ; et Dieu détruira l’un comme les autres. » Mais le corps n’est pas pour la débauche. Il est pour le Seigneur, et le Seigneur pour le corps. Et Dieu, qui a ressuscité le Seigneur, nous ressuscitera aussi par sa puissance.
Ne savez-vous pas que vos corps sont des membres de Christ ? Prendrai-je donc les membres de Christ, pour en faire les membres d’une prostituée ? Loin de là ! Ne savez-vous pas que celui qui s’attache à la prostituée est un seul corps avec elle ? Car, est-il dit, les deux deviendront une seule chair. Mais celui qui s’attache au Seigneur est avec lui un seul esprit.
Fuyez la débauche. Quelque autre péché qu’un homme commette, ce péché est hors du corps ; mais celui qui se livre à la débauche pèche contre son propre corps.
Ne savez-vous pas que votre corps est le temple du Saint-Esprit qui est en vous, que vous avez reçu de Dieu, et que vous ne vous appartenez point à vous-mêmes ? Car vous avez été rachetés à un grand prix. Glorifiez donc Dieu dans votre corps et dans votre esprit, qui appartiennent à Dieu.

1 Corinthiens 6.12-20

Introduction

Corinthe n’est pas très éloignée d’Athènes et l’influence de la philosophie de Platon se faisait sentir dans l’ensemble de la société grecque. Les chrétiens de Corinthe, convertis depuis peu, restaient — peut-être inconsciemment — sous son emprise. Au risque de caricaturer, cette philosophie prônait le mépris du corps et de la réalité tangible au profit du domaine supérieur des « idées ». En conséquence, peu importait ce qu’on faisait de son corps, puisque c’était le domaine spirituel qui primait. Chez les Corinthiens, cela se traduisait par des slogans du style : « Tout m’est permis »[note]Il semble qu’à plusieurs reprises dans cette Épître, Paul cite des paroles ou des extraits de lettre des Corinthiens. Les commentateurs ne sont pas unanimes sur les mots à attribuer aux Corinthiens et ceux qui reflètent la pensée de Paul. Pour notre part, nous considérons que les mots mis entre guillemets ci-dessus sont ceux des Corinthiens et que Paul corrige leur pensée en introduisant son correctif par « mais » ou « toutefois ».[/note]… et par une conduite relâchée quant à leur corps.

Face à ces influences, Paul revient aux fondements de l’Évangile et rappelle à ses destinataires quelques principes de base concernant leur corps. C’est sur ces rappels qu’il fonde ses exhortations pratiques.

Quatre principes évangéliques de base

Reprenons ces quatre principes, dans l’ordre inverse de celui du texte :

1. Nous avons été achetés à grand prix, esprit ET corps (v. 20)

Nous appartenions à un maître cruel et impur, le diable, mais par son œuvre à la croix, Jésus nous a libérés. Le « grand prix » payé a été rien moins que le sang du Fils de Dieu versé pour nous (Apoc 5.9). Toutefois, dans ce verset, l’accent n’est pas tant sur le « rachat » de notre ancien maître, que sur « l’achat » par le Seigneur : nous ne nous appartenons pas, mais sommes l’heureuse possession de notre nouveau maître. Christ a des droits sur nous comme Créateur et plus encore comme Sauveur.

2. Notre corps est le temple du Saint-Esprit (v. 19)

La marque du salut est la présence du Saint-Esprit en nous (Rom 8.1-17). Cette habitation est spirituelle, mais elle se fait dans un corps physique, ?? tangible, qui est ici appelé un « temple ». La présence de Dieu n’est plus dans un édifice de pierre, comme le temple de l’ancienne alliance, mais dans un être de chair et de sang. La sainteté due à la maison de Dieu (Ps 93.5) s’applique donc à notre corps, qui a l’honneur d’accueillir la troisième personne de la Trinité !

3. Nos corps sont les membres de Christ (v. 15)

La présence de l’Esprit dans le corps du croyant l’unit à Christ au point qu’il devient un des « membres de Christ ». Paul ne fait ici qu’effleurer un thème qu’il développera plus loin dans la même Épître (12.12-27). Christ ressuscité n’est plus physiquement présent sur terre, mais sa présence demeure bien réelle par l’intermédiaire des corps de ses rachetés ; grâce aux chrétiens, il continue à toucher les malades, à prêcher le royaume de Dieu, à regarder un souffrant, etc.

4. Notre corps ressuscitera (v. 14)

Notre salut est corporel et l’état de félicité ultime des croyants ne sera pas une présence seulement spirituelle avec Dieu — ainsi qu’une spiritualité polluée par la philosophie grecque l’a parfois compris. Cet état sera une union d’un être humain complet, esprit et corps glorifié. Les Corinthiens, qui niaient la réalité d’une résurrection corporelle des chrétiens (15.12), sont ici rappelés à l’ordre. Même si notre corps actuel est loin de la beauté de notre corps de résurrection, il est important, puisqu’il en est la « semence » (15.42-44).

Des conséquences pratiques importantes

Ainsi étayées par ces rappels doctrinaux importants, les exhortations concrètes de Paul ne sont plus une simple morale, mais la traduction pratique de ce que nous sommes en Christ : achetés, possédant l’Esprit, ?? unis à Christ, bientôt ressuscités. La force de ces exhortations en est accrue !

1. Glorifions Dieu dans notre corps (v. 20)

Paul sous-entend : « … pas seulement dans votre esprit » ! L’utilisation que nous faisons de notre corps (ce que nous faisons, ce que nous voyons, ce que nous écoutons, etc.), peut ou non contribuer à la gloire de Dieu. Plus loin, Paul dit que des actes aussi prosaïques que manger ou boire peuvent ou non contribuer à rien moins que « la gloire de Dieu » (10.31) ! Pensons-y plus souvent…

2. Prenons conscience de la gravité du péché de « fornication » (v. 18)

La « fornication » est un terme large, qui englobe l’ensemble des relations sexuelles en dehors du cadre fixé par Dieu, le mariage[note]Sans faire une liste exhaustive (et fort peu édifiante) des déviations incluses dans ce terme « porneia », citons : l’adultère, les relations sexuelles prémaritales, l’homosexualité. Notons que ce mot grec a donné « pornographie ». Sans être stricto sensu englobée dans ce péché, la pornographie, hélas de plus en plus répandue, risque d’y conduire.[/note]. Paul singularise ce péché : il n’est pas « hors du corps » mais il est « contre son propre corps ». Il ne semble pas qu’il faille comprendre par là que le péché sexuel soit le plus grave[note]Le blasphème contre le Saint-Esprit est le seul péché formellement qualifié d’impardonnable. Les Corinthiens avaient beaucoup forniqué, mais avaient été pardonnés (6.11).[/note], mais il a une composante particulière en ce qu’il implique l’être tout entier. Une relation sexuelle, même passagère et sans affect particulier comme avec une prostituée, crée une relation qui unit plus que deux corps : ce sont deux êtres qui ne font plus qu’un. L’attachement à une liaison sexuelle dénaturée vient polluer un lien réservé au mariage (d’où la citation de Genèse 2) et corrompt le lien spirituel avec le Seigneur.

Paul ne donne qu’un seul ordre : « fuyons » ! Ce verbe implique un acte courageux de notre part, celui d’éviter les lieux, les situations, les environnements, etc., qui peuvent nous mettre en risque. Chacun étant « attiré et amorcé par sa propre convoitise » (Jac 1.14), il ne convient pas de faire une liste d’interdits : voyons pour nous-mêmes ce qu’il nous faut « fuir ».

3. Ne nous laissons pas influencer par de fausses idées sur la liberté ou sur notre corps (v. 12, 13)

Pour les Corinthiens, ce qui était légal (« permis ») était moral. Les relations sexuelles avant le mariage ne sont pas interdites par la loi, mais elles ne sont pas « avantageuses »[note]Autre traduction de l’adjectif « utile » du v. 12.[/note] pour le chrétien, car elles entraînent souvent des dégâts durables. Au contraire, nombreux sont les couples chrétiens qui se sont conservés purs jusqu’à leur mariage et qui peuvent témoigner de l’épanouissement qui a suivi cette attente récompensée.

On entend parfois comparer le « besoin sexuel » avec le besoin de nourriture. C’était déjà un argument des Corinthiens : les aliments sont éliminés par le corps, sans enjeu ; il en est de même d’une relation sexuelle, elle ne porte pas à conséquence (6.13). Tout faux ! dit Paul. Les pulsions sexuelles peuvent être très fortes — et elles sont tellement attisées de nos jours par les médias — mais il est possible de ne pas y céder et Dieu saura récompenser celui qui tient ferme par la foi.

Conclusion

Notre position en Christ nous assure de notre bonheur éternel ; mais Dieu veut le meilleur pour ses enfants, les « achetés » de Christ, dès cette terre. C’est pourquoi, à la lumière de son œuvre éternelle, il nous donne par l’apôtre Paul des exhortations directes, ô combien d’actualité et cela dans des termes sans pudeur excessive. Quel qu’ait été notre passé (et celui de certains Corinthiens était bien lourd), nous sommes invités à considérer aujourd’hui l’importance de notre corps, afin de glorifier notre Maître dans son usage.

1Il semble qu’à plusieurs reprises dans c??ette Épître, Paul cite des paroles ou des extraits de lettre des Corinthiens. Les commentateurs ne sont pas unanimes sur les mots à attribuer aux Corinthiens et ceux qui reflètent la pensée de Paul. Pour notre part, nous considérons que les mots mis entre guillemets ci-dessus sont ceux des Corinthiens et que Paul corrige leur pensée en introduisant son correctif par « mais » ou « toutefois ».
2Sans faire une liste exhaustive (et fort peu édifiante) des déviations incluses dans ce terme porneia, citons : l’adultère, les relations sexuelles pré-maritales, l’homosexualité. Notons que ce mot grec a donné « pornographie ». Sans être stricto sensu englobée dans ce péché, la por-nographie, hélas de plus en plus répandue, risque d’y conduire.
3Le blasphème contre le Saint-Esprit est le seul péché formellement qualifié d’impardonnable. Les Corinthiens avaient beaucoup forniqué, mais avaient été pardonnés (6.11).

 


« Mon corps m’appartient ! » entendons-nous clamer haut et fort depuis quelques décennies. L’homme s’épuise à le maintenir en forme à tout prix, à en faire dépendre son bonheur, à le rendre immortel. Dans cette quête de bien-être terrestre, la maladie et l’épreuve sont l’ennemi numéro un. Que dit Dieu de tout cela ?

Le corps n’est pas neutre dans ses usages, de la fornication aux techniques respiratoires. Il a été racheté à un grand prix (J. Prohin, R. Alcorn). Le yoga lui-même ferait concurrence à l’Évangile (F. Varak).

Le médecin s’émerveille devant ce chef-d’œuvre, soignant humblement la souffrance à la lumière de sa foi (É. Fournier-Charrière). Jésus s’est souvent confronté aux malades de son époque, nous laissant un message sur le rapport entre la santé et la foi (M. Poeymirou).

Ce corps limité ne nous pousse-t-il pas à persévérer dans l’espérance de la gloire ? Conscients de notre faiblesse (J.L. Théron) mais soutenus par la fidélité de Dieu, nous soupirons (Rom 8.23) après la perspective du corps de résurrection (J-L. Dandrieu).

Même de grands hommes de Dieu ont connus le découragement, et ils les ont surmontés par la prière et la foi dans la Parole (G. Müller). Dans l’épreuve, sachons examiner nos motivations (S. Théret) afin de témoigner par notre corps, souffrant ou non, de la splendeur glorieuse de notre Créateur !


Avec l’aimable permission des deux coéditeurs Impact et La joie de l’Éternel, nous reprenons un extrait du journal de Georges Müller : G. Brunel, Georges Müller, sa vie et son œuvre (1805-1898). Georges Müller ne demanda jamais de salaire comptant uniquement sur Dieu quant à ses revenus ; il édifia plusieurs orphelinats dans ce même esprit. Il prêcha aussi et amena une multitude d’âmes au Christ. Ce passage est extrait du chapitre 8, « Ouverture des premiers orphelinats ». L’homme y fait part de ses douleurs physiques insupportables. Voyons la réaction d’un tel homme de Dieu. Puissent ces pages nous servir d’exemple et nous encourager dans notre faiblesse. Les intertitres et caractères gras sont ajoutés par la rédaction de Promesses

Georges Müller expérimente une bénédiction supplémentaire due à sa maladie.

6 janvier 1838. Maladie et bénédiction. Il me semble que l’état de ma tête ne s’améliore pas, bien que l’état général soit plus satisfaisant?; mais mon bon docteur assure que je vais mieux et conseille un changement d’air. Or, ce même jour, une sœur qui habite à quelque cinquante-quatre kilomètres d’ici (elle ne sait donc rien de l’ordonnance du docteur) m’a envoyé 375 francs en spécifiant que c’était pour un changement d’air. Dieu prend soin des siens de façon merveilleuse? ! J’ai donc les moyens de suivre l’avis du docteur.

Malgré ses douleurs et les sentiments qu’elles provoquent, sa préoccupation est la préservation de la gloire de Dieu dans ses réactions.

7 janvier. Ma tête est dans un état pitoyable et aussi malade que jamais, me semble-t-il. Les nerfs doivent être touchés ; et ceci provoque en moi une forte tendance à l’irritabilité, mêlée de je ne sais quel sentiment satanique, qui est étranger à ma nature. Ô Seigneur ! Veuille garder ton serviteur de te déshonorer ! Mieux vaudrait que tu me prennes à toi.

À cause de son mal, G. Müller commence à lire une biographie de Whitefield [note] Prédicateur anglais du XVIIIele siècle et instigateur, avec John Wesley de ce qu’on a appelé « le grand réveil », et l’un des leaders du méthodisme[/note] qui va le bouleverser et renouveler sa vie de prière et sa communion.

10 janvier. Aujourd’hui nous sommes partis pour Trowbridge, ma famille et moi.

12 janvier. Trowbridge. J’ai commencé la lecture de la Vie de Whitefield par M. Philip.

13 janvier. La lecture de cette biographie m’a déjà été en bénédiction. Il est évident qu’il faut attribuer les grands succès de la prédication de Whitefield à sa vie de prière intense et au fait qu’il lisait la Bible à genoux. Je sais depuis quelques années déjà l’importance de ce dernier point?; mais jusqu’ici je ne m’y suis que très peu conformé. J’ai eu aujourd’hui plus de communion avec Dieu que je n’en avais eue ces temps passés.

Par sa prière et ses méditations de la Parole, Georges Müller jouit de sa communion avec Dieu, au-delà des douleurs.

14 janvier. Jour du Seigneur. J’ai continué la lecture de la Vie de Whitefield, et Dieu continue de bénir celle-ci pour mon âme. J’ai passé plusieurs heures en prière aujourd’hui. À genoux, j’ai lu le psaume soixante-troisième, ce qui a été pour moi l’occasion de deux heures de méditation et de prière. Mon âme est maintenant parvenue à ce point, qu’elle fait ses délices de la volonté de l’Éternel, quelle qu’elle soit. Oui, du plus profond du cœur, je puis dire maintenant que je ne voudrais pas guérir aussi longtemps que je ne jouis pas pleinement de la bénédiction que Dieu veut me dispenser par ce moyen. Hier et aujourd’hui, il a puissamment attiré mon âme vers lui.

Ô Dieu ! Continue de manifester tes bontés envers moi, et remplis-moi d’amour ! Je voudrais te glorifier davantage ?; pas tellement par une activité extérieure que par la conformité intérieure à l’image de Christ.

Qu’est-ce qui empêcherait Dieu de faire d’un être aussi vil que moi un autre Whitefield ? Il est certain que Dieu pourrait faire reposer sur moi autant de grâce, qu’il en fit reposer sur lui.

Psaume de David. Lorsqu’il était dans le désert de Juda.
Ô Dieu ! Tu es mon Dieu, je te cherche ; mon âme a soif de toi, mon corps soupire après toi, dans une terre aride, desséchée, sans eau. Ainsi je te contemple dans le sanctuaire, pour voir ta puissance et ta gloire. Car ta bonté vaut mieux que la vie. Mes lèvres célèbrent tes louanges. Je te bénirai donc toute ma vie, j’élèverai mes mains en ton nom. Mon âme sera rassasiée comme de mets gras et succulents, et, avec des cris de joie sur les lèvres, ma bouche te célébrera. Lorsque je pense à toi sur ma couche, je médite sur toi pendant les veilles de la nuit.
Car tu es mon secours, et je suis dans l’allégresse à l’ombre de tes ailes. Mon âme est attachée à toi ; ta droite me soutient. Mais ceux qui cherchent à m’ôter la vie iront dans les profondeurs de la terre ; ils seront livrés au glaive, ils seront la proie des chacals. Et le roi se réjouira en Dieu ; quiconque jure par lui s’en glorifiera, car la bouche des menteurs sera fermée. Psaume 63

Georges Müller remonte la pente et entrevoit de nouveau son avenir. Il prend des initiatives.

15 janvier. Les douleurs de tête ont été bien moins vives depuis hier après-midi. Cependant, je suis loin d’être bien. Mais à cause des bénédictions spirituelles que le Seigneur m’a déjà accordées, j’ai l’assurance que par cette maladie il veut me purifier pour son service béni, et qu’il me rendra bientôt, avec la santé, la possibilité de travailler encore pour lui.

16 janvier. Journée bénie ! Oh ! Que le Seigneur est bon ! Sa grâce entretient en moi la ferveur d’esprit. Le psaume soixante-six a fait l’objet de mes méditations, et plus spécialement les versets dix, onze et douze, qui s’appliquent à mes circonstances particulières. Par le moyen de cette maladie, Dieu m’a déjà « mis au large et dans l’abondance », et je crois qu’il veut me bénir encore davantage. Que n’a-t-il pas fait déjà pour moi durant les dix-huit années écoulées ! Si j’établis un parallèle entre ce 16 janvier 1838 et le 16 janvier 1820, jour de la mort de ma chère mère, je puis mesurer la grandeur de son amour à mon endroit. Aujourd’hui j’ai pris la résolution, si Dieu me rend la santé, d’avoir une fois par semaine ou tous les quinze jours, avec les enfants de nos écoles et les orphelins, une réunion spéciale à la chapelle pour étudier avec eux les Écritures. Le Seigneur incline mon cœur à prier pour bien des choses ; celle-ci par exemple : qu’il veuille allumer en moi un saint désir de lui gagner des âmes et un plus grand amour pour les perdus. C’est la lecture de la Vie de Whitefield qui m’a fait sentir mon devoir sur ces points particuliers.

Peuples, bénissez notre Dieu, faites retentir sa louange ! Il a conservé la vie à notre âme, et il n’a pas permis que notre pied chancelle.
Car tu nous as éprouvés, ô Dieu ! Tu nous as fait passer au creuset comme l’argent. Tu nous as amenés dans le
filet, tu as mis sur nos reins un pesant fardeau, tu as fait monter des hommes sur nos têtes : nous avons passé par le feu et par l’eau. Mais tu nous en as tirés pour nous donner l’abondance.
Psaumes 66.8-12

En méditant la Parole de Dieu, Georges Müller retrouve le courage de prendre Dieu au mot et de compter sur lui seul quant à la suite de son œuvre.

17 janvier. Dieu continue de me manifester sa faveur en maintenant en moi la ferveur d’esprit. À plusieurs reprises aujourd’hui, je me suis senti attiré par la prière, et j’ai prié longuement. J’ai lu à genoux le psaume soixante-huit en priant et en méditant. Au verset sixième, le qualificatif de « Père des orphelins » donné à Jéhovah m’a été en bénédiction. Je me suis approprié immédiatement tout ce qu’il comportait en pensant aux enfants qui me sont confiés ; jamais encore je n’avais réalisé comme aujourd’hui la vérité contenue dans ce passage. Dieu aidant, elle deviendra mon argument pour les heures difficiles.

Au chef des chantres. De David. Psaume. Cantique.
Dieu se lève, ses ennemis se dispersent, et ses adversaires fuient devant sa face. Comme la fumée se dissipe, tu les dissipes ; comme la cire se fond au feu, les méchants disparaissent devant Dieu. Mais les justes se réjouissent, ils triomphent devant Dieu, ils ont des transports d’allégresse.
Chantez à Dieu, célébrez son nom ! Frayez le chemin à celui qui s’avance à travers les plaines ! L’Éternel est son nom, réjouissez-vous devant lui !
Le père des orphelins, le défenseur des veuves, c’est Dieu dans sa demeure sainte. Dieu donne une famille à ceux qui étaient abandonnés, il délivre les captifs et les rend heureux ; les rebelles seuls habitent des lieux arides.
Psaumes 68.1-7

Il est leur Père, il s’est engagé à pourvoir à leurs besoins, à prendre soin d’eux. Je n’ai donc qu’à lui rappeler les besoins des orphelins pour qu’il donne le nécessaire. Mon âme s’est encore élargie pour les malheureux enfants sans parents. Cette expression : « le Père des orphelins » recèle assez d’encouragement pour que je puisse sans crainte placer des milliers d’orphelins sur le cœur du Père, et les remettre à son amour.

Le séjour de Georges Müller touche à sa fin ; il n’est pas guéri pour autant, mais il s’est rapproché de Dieu par la foi, par la lecture et par la prière.

11 février. Ce matin, j’ai lu les versets cinq à douze du chapitre trois des Proverbes, pendant les quelques instants libres que j’avais avant le déjeuner.

Confie-toi en l’Éternel de tout ton cœur, et ne t’appuie pas sur ta sagesse ; reconnais-le dans toutes tes voies, et il aplanira tes sentiers. Ne sois point sage à tes propres yeux, crains l’Éternel, et détourne-toi du mal : ce sera la santé pour tes muscles, et un rafraîchissement pour tes os.
Honore l’Éternel avec tes biens, et avec les prémices de tout ton revenu : alors tes greniers seront remplis d’abondance, et tes cuves regorgeront de moût.
Mon fils, ne méprise pas la correction de l’Éternel, et ne t’effraie point de ses châtiments ; car l’Éternel châtie celui qu’il aime, comme un père l’enfant qu’il chérit.
Proverbes 3.5-12

Et ces mots m’ont particulièrement frappé : « Ne te rebute pas quand l’Éternel te reprend ». Certes, je n’ai pas méprisé le châtiment du Seigneur, mais il m’arrive de temps à autre d’être las d’être repris.

« Ô Dieu, aie pitié de moi, ton serviteur inutile ! Tu sais bien que l’homme intérieur veut endurer l’affliction avec patience, et que même il ne voudrait pas qu’elle se retire avant qu’elle n’ait parfaitement accompli son œuvre et porté les fruits paisibles de justice qu’elle doit porter. Mais tu sais aussi quelle épreuve c’est pour moi que de continuer à vivre comme je le fais maintenant. Viens à mon secours, Seigneur ! ».

 


NOTRE CORPS DE RESURRECTION

Le Seigneur Jésus est mort et a été ressuscité.

Comme lui, nous le serons aussi. C’est la volonté de Dieu : « La volonté de mon Père, c’est que quiconque discerne le Fils et croit en lui ait la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour. »

C’est un engagement du Seigneur, qui le répète quatre fois en quelques versets (Jean 6.39, 40, 44, 54).

Certains nient pourtant la résurrection.

Déjà, au temps du Seigneur, les Sadducéens1 n’y croyaient absolument pas ! À Corinthe, cette vérité était contestée. Alors, Paul répond longuement à ces contradicteurs. Parmi les questions posées à ce sujet, on demandait : « Comment ressuscitent les morts, et avec quel corps reviennent-ils ? » (1 Cor 15.35)
C’est légitime de poser des questions, si ce n’est pas par incrédulité mais par désir d’apprendre. Dieu répond à nos interrogations, même si parfois ce sont les questions d’un cœur incrédule. 1 Corinthiens 15.35-58 nous donne quelques réponses.

Comment ressuscitent les morts (v. 35-41) ?

Le Seigneur avait déjà pris dans la nature l’image du grain de blé semé pour parler de sa mort et de sa résurrection (Jean 12.24). Paul utilise la même analogie, mais en fait une application différente. Une graine semée, tout en gardant son identité, sort de terre avec un corps complètement différent : d’un gland pousse un chêne, un grain de blé donne un épi. Ces exemples de transformation, simples à comprendre, démontrent la souveraineté de Dieu : « Dieu lui donne un corps comme il l’a voulu » (v. 38). La création, dans sa diversité, est la marque du doigt de Dieu. Serait-ce différent pour la résurrection du croyant ? Non ! Le corps d’un croyant déposé en terre sortira changé à la résurrection, mais avec son identité. Il existe une grande différence entre le terrestre et le céleste. De plus, les « corps célestes » diffèrent entre eux, de sorte qu’on peut les distinguer. D’après ce texte, nous comprenons qu’entre notre corps terrestre et notre corps céleste existe une immense différence, et que notre corps de résurrection aura une beauté très supérieure à celle de notre corps actuel. Et au ciel, nous ne serons pas tous identiques. Sur la montagne de la transfiguration, Moïse et Élie étaient aussi distincts l’un de l’autre, en tant qu’individus, qu’ils l’avaient été lorsqu’ils vivaient sur la terre (Luc 9.30, 33). Bien sûr, ils n’avaient pas encore leur corps ressuscité définitif, mais ils étaient des êtres célestes distincts.

Avec quel corps (v. 42-50) ?

Certains croient bien à la résurrection, mais pas à celle du corps. Ils pensent à une forme d’existence immatérielle, mais non corporelle. Comment Dieu pourrait-il redonner forme et existence à des corps réduits en poussière depuis des siècles, disparus sans une trace au fond des mers ? Aux Sadducéens, le Seigneur répond : « Vous êtes dans l’erreur, vous ne connaissez pas les Écritures, ni la puissance de Dieu » (Mat 22.29). Un tel miracle est vraiment au pouvoir du Créateur de l’univers !

De plus, aujourd’hui, le corps du croyant est le temple du Saint-Esprit (1 Cor 6.19), ce qui en fait la valeur. C’est une des raisons pour laquelle Dieu lui redonnera vie pour l’éternité. « Si l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité le Christ d’entre les morts vivifiera vos corps mortels, à cause de son Esprit qui habite en vous » (Rom 8.11).

Paul montre, en effet, l’immense contraste qui existe entre un corps, au moment de sa mise en terre (« il est semé ») et le même corps au moment de la résurrection :

Ensuite, Paul explique les différences entre corps naturel et corps spirituel (v. 45-49) à partir d’Adam, le premier homme, et de Christ, le second homme, le dernier Adam. Ils ont une vie différente : l’un est une âme vivante (il a reçu la vie), l’autre un esprit vivifiant (il donne la vie) (v. 45). Ils se succèdent l’un à l’autre : d’abord celui qui est naturel, ensuite celui qui est spirituel. Ils ont une origine différente : l’un est tiré de la terre, l’autre est venu du ciel. Les deux sont des chefs de race. La conclusion est : « Comme nous avons porté l’image de celui qui est poussière, nous porterons aussi l’image du céleste. » Ainsi, ressuscités, nous aurons un corps de même nature que celui du Seigneur Jésus après sa résurrection.

Il est semé… Il ressuscite…
Corruptible : rapidement il va se décomposer, « retourner à la poussière », quels que soient les traitements de conservation utilisés (cf. Jean 11.39). Incorruptible : pas de décomposition, pas de maladie, pas de mort.
Méprisable ou « en déshonneur » : il n’est plus qu’une enveloppe sans valeur, même si on l’entoure de beaucoup d’apparat. Glorieux ou « en gloire » : pas de trace de la terre, sans péché, sans handicap.
Plein de faiblesse ou « en faiblesse » : si pendant notre vie nous réalisons nos limites et notre faiblesse, que reste-t-il de force humaine, même chez l’homme le plus puissant du monde, à la mort ? Plein de force ou « en puissance » : hors des limites de l’humanité terrestre, sans fatigue ni vieillissement.
Corps naturel : adapté à la vie terrestre, généralement sous le contrôle de l’âme (sentiments, désirs, etc.) Corps spirituel : parfaitement adapté à la vie céleste, sous le contrôle de l’esprit en relation avec Dieu.

Quelles sont les caractéristiques du corps de résurrection du Seigneur Jésus ?

Ce n’est pas un autre corps, sans lien avec le précédent. Le matin de la résurrection, l’ange a roulé la pierre qui fermait l’entrée de la tombe pour que l’on constate qu’elle était vide (Mat 28.2-5). Il n’y reste que les linges bien pliés, mais pas de corps (Jean 20.5-6). Le Seigneur est ressuscité. Il est revenu à la vie dans son corps d’homme, mais un corps changé.

Bien qu’appelé « corps spirituel », il n’est pas immatériel : on peut le toucher et il peut se nourrir (Luc 24.37-42). Mais il répond à des lois physiques différentes. En effet,

– Jésus est sorti du tombeau, encore scellé, avant qu’il ne soit ouvert ;

– il disparaît et apparaît soudainement (Luc 24.31) ;

– il monte aux cieux (Actes 1.9).

Il peut parler et être vu par ceux auxquels il veut se manifester. On le reconnaît. Les disciples ont bien quelques difficultés pour le faire, mais c’est peut-être à cause de leur incrédulité (Luc 24.41). Les disciples d’Emmaüs ne le reconnaissent pas, car « leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître », et non pas parce qu’il était méconnaissable (Luc 24.16). Sans doute n’avait-il plus trace sur son visage de fatigue ni de souffrances. Mais il restait les marques des clous dans ses mains et ses pieds, et la cicatrice du coup de lance dans son côté (Jean 19.34 ; 20.20,27).

Et pour nous, croyants ?

1. Comme nous avons ressemblé à Adam par notre naissance, nous porterons l’image de Christ dans un corps ressuscité (v. 49).

2. Notre corps actuel n’est pas fait pour le royaume de Dieu dans son aspect éternel, céleste (v. 50).

3. Notre corps corruptible, sujet à la maladie, au vieillissement, n’est pas compatible avec un mode de vie sans corruption (v. 50).

4. Nous serons tous changés, soudainement, au moment choisi par Dieu, à la venue du Seigneur pour chercher les siens. Les morts seront ressuscités et ceux qui vivront à ce moment-là seront transformés, et enlevés à la rencontre du Seigneur (v. 51 ; 1 Thes 4.16-18).

5. C’est une nécessité absolue, car « il faut que ce corruptible revête l’incorruptibilité, et que ce mortel revête l’immortalité » (v. 53).

6. C’est un acte de délivrance et de puissance du Seigneur : « Nous attendons le Seigneur Jésus Christ comme Sauveur, qui transformera notre corps d’abaissement en la conformité du corps de sa gloire, en déployant le pouvoir qu’il a de soumettre absolument tout à son autorité » (Phil 3.21).

7. C’est un fait extraordinaire : ce qui est mortel sera absorbé par la vie (2 Cor. 5.4) !

Ce nouveau corps « spirituel » incorruptible, glorieux, plein de force, sera semblable à celui de Jésus ressuscité. Car quand Christ paraîtra, « nous lui serons semblables, car nous le verrons comme il est » (1 Jean 3.2). Nous ne pouvons pas mesurer l’infini de ce changement.

Nos relations dans le ciel

Parfois on pose cette question : « Est-ce que nous nous reconnaîtrons au ciel ? » Nous serons certainement reconnaissables comme le Seigneur l’était, sans trace des infirmités terrestres. L’aveugle verra, puisque nous verrons le Seigneur. Il n’y aura plus de paralysé, de handicap. Ce sera la perfection. Mais notre centre d’intérêt sera le Seigneur. Sera-t-il utile de se reconnaître ? Nos relations seront différentes : « Lorsqu’on ressuscite d’entre les morts, on ne se marie pas et on n’est pas donné en mariage, mais on est comme des anges dans les cieux. » (Marc 12.25) Notre vision et notre conception des choses seront différentes : « Nous voyons à présent à travers un verre, obscurément, mais alors face à face. À présent je connais en partie, mais alors, je connaîtrai à fond comme aussi j’ai été connu. » (1 Cor. 13.12) Quelle différence, en effet, entre le champ de vision d’une chenille rampant sur le sol et celui du papillon, qu’elle devient, volant de fleur en fleur dans le même jardin. La même rose lui paraît très différente et bien plus belle !

Conclusion

Nous pouvons nous réjouir dans la perspective certaine de la résurrection, moment de notre rencontre avec le Seigneur. Aujourd’hui, c’est le temps de l’attente, mais aussi de l’espérance : « Nous-mêmes aussi qui avons les prémices de l’Esprit, nous soupirons intérieurement, attendant l’adoption, la délivrance de notre corps. » (Rom. 8.23) Plusieurs d’entre nous, atteints de maladies ou de handicaps, ressentent certainement plus intensément le besoin de délivrance, mais, pour tous, la promesse du Seigneur va se réaliser. « Que votre cœur ne soit pas troublé ; vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi […] je reviendrai et je vous prendrai auprès de moi, afin que là où moi je suis, vous, vous soyez aussi » (Jean 14.1-3).

1Les Sadducéens étaient un parti juif, oppose aux Pharisiens. Riches et influents, ils comprenaient une large partie des sacrificateurs. Jésus (Mat 22.22-23) et Paul (Act 23.6-10) eurent maille à partir avec eux.