PROMESSES

En sortant quelques versets de leur contexte, certains font passer Jésus pour un homme violent.
• La preuve, il a utilisé un fouet pour chasser les marchands du temple, diront-ils (Jean 2.15). Pourtant, c’est bien le dos de Jésus qui a reçu de violents coups de fouet et non celui des marchands.
• Et n’a-t-il pas demandé d’acheter deux épées à ses disciples (Luc  22.36)  ? C’est vrai, mais ils n’ont pas compris qu’il s’agissait d’une préparation à un combat spirituel. C’est pourquoi il a dû leur donner cette leçon claire : « Alors Jésus lui dit : Remets ton épée à sa place ; car tous ceux qui prendront l’épée périront par l’épée. Penses-tu que je ne puisse pas invoquer mon Père, qui me donnerait à l’instant plus de douze légions d’anges  ?  » (Mat 26.53).
• Jésus a dit lui-même qu’il n’était pas venu amener la paix mais l’épée (Mat 10.34) ! Certes, mais le contexte immédiat montre que l’épée symbolise ici les divisions au sein des familles, engendrées par la conversion de certains membres et le rejet des autres.
En fait, Jésus est bien le Prince de paix (És 9.5), le seul maître qui puisse faire cette promesse  : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix. » (Jean 14.27)
Un jour cependant, quand la patience de Dieu aura pris fin, Jésus jugera les nations avec « l’épée aiguë  » qui sortira de sa bouche (Apoc 19.15).
Mais cela sera «  son œuvre étrange, son travail inhabituel. » (És 28.21, S21)
Et enfin, « sous son règne, le juste fleurira, et la paix sera grande tant que la lune éclairera  » (Ps 72.7, S21).


« Je ne peux pas croire au Dieu de la Bible parce qu’il a ordonné un génocide. »
Le récit de la conquête de Canaan en choque plus d’un, au point d’être un obstacle à la foi. Même parmi les chrétiens, beaucoup sont frappés par la dimension tragique de ces récits.

En effet, la lecture du commandement divin dans le Pentateuque et de la narration de la conquête dans le livre de Josué donne l’impression d’une extermination des nations cananéennes.
• Deutéronome 7.1-2 : « Lorsque l’Éternel, ton Dieu, t’aura fait entrer dans le pays […] qu’il chassera devant toi beaucoup de nations […] tu les dévoueras par interdit […] et tu ne leur feras point grâce. »
• Josué 10.40 : « Josué battit tout le pays, la montagne, le midi, la vallée et les coteaux, et il en battit tous les rois ; il ne laissa échapper personne, et il dévoua par interdit tout ce qui respirait, comme l’avait ordonné l’Éternel, le Dieu d’Israël. »
Les expressions utilisées pour décrire la manière dont les Israélites devraient traiter les Cananéens sont dures à entendre : exterminer (Ex 23.23), chasser (Ex 23.28-31), livrer (Deut 7.2), détruire (Deut 12.30)… Elles sont encore plus poignantes lorsqu’il est précisé qu’ils les détruisirent entièrement « hommes et femmes, enfants et vieillards, jusqu’aux bœufs, aux brebis et aux ânes », ne laissant aucun rescapé (Jos 6.21 ; 11.11,14 ; cf. également Deut 2.34 et 3.6).
Ces expressions conduisent nos consciences modernes à rapidement accuser deux acteurs des événements décrits : le Dieu « d’amour » qui aurait commandé le massacre sanglant des Cananéens, et les Israélites qui auraient exterminé les Cananéens. L’accusation est-elle justifiée ?
Peut-on parler de génocide ?
Avant de répondre à ces questions, il convient de prendre le temps d’analyser l’ensemble des informations bibliques afin de disposer d’une photographie complète de la situation. Nous relevons ici cinq points à prendre en considération. Ils concernent d’une part la relation entre Dieu et les Cananéens, et d’autre part l’intervention israélite sous le commandement de Josué.

A. La relation entre Dieu et les Cananéen

Que s’est-il passé entre Dieu et les Cananéens ? Y-a-t-il une spécificité cananéenne ?
En Exode 33.12 à 34.9, Moïse demande à voir la face de Dieu. Ce dernier se révèle à lui en proclamant son nom : « L’Éternel, l’Éternel, Dieu, miséricordieux et compatissant, lent à la colère, riche en bonté et en fidélité, […] qui pardonne l’iniquité, la rébellion et le péché, mais qui ne tient point le coupable pour innocent… » Dieu choisit donc de se révéler sous ses caractères qui marquent sa relation avec l’homme.
Notons deux principaux traits : sa grande patience, motivée par sa miséricorde, et sa justice.

1. Dieu a été patient envers les Cananéens

Cette patience a duré au moins 400 ans [note] Ce décompte démarre à la déclaration de Dieu à Abraham (Gen 15.16). Il ne tient pas compte de toute la période qui la précède.[/note] . Lorsque Dieu promit à Abraham de lui donner le pays de Canaan, il lui précisa que le délai de réalisation de la promesse serait très long parce que « l’iniquité des Amoréens [note]Les Amoréens : terme générique pour désigner les habitants de Canaan.[/note] n’est pas encore à son comble » (Gen 15.16). Pendant cette période de patience, nous pouvons penser que les Cananéens ne sont pas restés sans avertissements, car Dieu prévient toujours avant de juger (cf. le cas de Ninive avec Jonas). Les déclarations de Rahab, habitante de Jéricho, vont dans ce sens : « Nous avons appris comment, à votre sortie d’Égypte, l’Éternel a mis à sec devant vous les eaux de la mer Rouge […] C’est l’Éternel, votre Dieu, qui est Dieu en haut dans les cieux et en bas sur la terre » (Jos 2.10 11).

C’est Dieu qui jugeait les Cananéens

Le motif du jugement était clair : « toutes les abominations qu’ils font pour leurs dieux » (Deut 20.18). Rappelons que les sacrifices d’enfants et l’immoralité sexuelle étaient très présents dans le culte cananéen [note]Ces pratiques sont aussi attestées par des découvertes archéologiques.[/note] . Les Israélites devaient donc démolir leurs autels, briser leurs statues, abattre leurs idoles et brûler leurs images taillées (Deut 7.5). Le commandement divin d’extermination n’était donc pas formulé sur une base raciale, mais sur la base du comportement immoral des Cananéens. D’ailleurs, les Israélites couraient le même risque de jugement s’ils commettaient les mêmes abominations, selon Deut 7.4 : « … tes fils, qui serviraient d’autres dieux, et la colère de l’Éternel s’embraserait contre vous : il te détruirait promptement. » Comme pour Sodome et Gomorrhe, Dieu ne pouvait plus supporter les iniquités pratiquées par les Cananéens.
Le juge était Dieu lui-même. Le texte biblique montre que les batailles sont menées par l’épée de l’Éternel lui-même : « Comme Josué était près de Jéricho […] voici un homme se tenait debout devant lui, son épée nue dans la main […] Je suis le chef de l’armée de l’Éternel, j’arrive maintenant » (Jos 5.13 14).
En revanche, le moyen de jugement visible sur le champ de bataille était l’épée des Israélites. Ils ne devaient laisser aucun survivant sur le champ de bataille, parce que les Cananéens étaient « frappés d’anathème » ou « dévoués par l’interdit ». Ces expressions traduisent le terme herem qui désigne une chose entièrement consacrée à l’Éternel (Lév 27.28). S’il s’agit d’une personne, celle-ci doit être mise à mort. Autrement dit, la vie des Cananéens revenait au Créateur. Josué a donc conduit les Israélites dans l’obéissance au commandement divin — ce que le texte biblique tient à souligner : « Josué exécuta les ordres de l’Éternel à Moïse, […] il ne négligea rien de tout ce que l’Éternel avait ordonné à Moïse. » (Jos 11.15) Il ne s’agit donc pas d’une conquête accomplie par haine contre les Cananéens.
Notre conscience peut être choquée par la violence des événements. Mais, sans rentrer dans les détails, on constate à travers l’histoire biblique que la violence humaine est présente lors de l’exécution de jugements divins. Le Fils de Dieu lui-même n’y a pas échappé. En effet, lorsque la colère de Dieu s’est déversée sur lui à notre place, toute la cruauté de la crucifixion des Romains s’est manifestée. Devons-nous en déduire pour autant que Dieu est violent ?
En conclusion, nous pouvons dire que Dieu n’a pas agi de manière spécifique avec les Cananéens : il n’y a pas d’exception cananéenne, mais une jurisprudence cananéenne. Comme Dieu a été patient avec eux, il est patient envers tous les hommes ; comme il les a détruits en jugement, il fera de même pour tous les impies (cf. 2 Pi 3.7-9).
L’accusera-t-on alors de génocide ? Cela n’a pas de sens… L’exercice de la justice reste la prérogative de Dieu.

B. L’intervention israélite sous le commandement de Josué

Les Israélites ont-ils profité de l’occasion pour commettre des actes coupables envers les Cananéens ?
Nous avons remarqué ci-avant que le texte biblique souligne l’obéissance de Josué aux commandements divins. Il a respecté scrupuleusement le cadre prescrit par Dieu lui-même ; et ce cadre, c’est la guerre.

3. Les Israélites ont conquis le pays selon les règles de la guerre

Dieu avait clairement précisé les règles de guerre que le peuple devait suivre. Il devait demander la paix avant d’attaquer une ville. « Quand tu approcheras d’une ville pour lui faire la guerre, tu l’inviteras à la paix. » (Deut 20.10, Darby) Si la ville était hostile, la guerre était justifiée. S’il s’agissait d’une ville en dehors de Canaan, seuls les hommes adultes devaient être tués. S’il s’agissait d’une ville située dans le pays, elle devait être entièrement détruite en application de l’anathème.
Il ne devait donc pas y avoir de prisonniers de guerre, ni de butins dans ces villes, comme évoqué précédemment.
Moïse a observé ce commandement pour la conquête des territoires à l’est du Jourdain en prenant soin de demander la paix (Deut. 2.26-30).
Nous n’avons pas de précisions concernant une demande de paix lors de la première campagne militaire menée par Josué (Jéricho, Aï et Béthel).
Mais les six jours de tour de la ville de Jéricho ne peuvent-ils pas être considérés comme autant d’offres implicites de paix ? Concernant les deux autres campagnes militaires, la déclaration de guerre provenait des Cananéens eux-mêmes. Les Israélites se sont retrouvés en guerre, soit à cause de leur alliance avec les Gabaonites, soit pour répondre à une agression directe. Le texte précise que « l’Éternel permit que ces peuples s’obstinent à faire la guerre contre Israël, afin qu’Israël […] les détruise » (Jos 11.20). De plus, « Israël ne brûla aucune des villes qui étaient demeurées tranquilles sur leurs collines, excepté Hatsor » (Jos 11.13, Darby).
Dans ce contexte, il est intéressant de noter le cas des Gabaonites. Ces derniers ont réussi à négocier la paix par ruse. Ils ont été asservis aux Israélites conformément au commandement divin.

4. La conquête est décrite en termes de victoires remportées

En effet, le narrateur s’attarde à rapporter la prise de villes et l’anéantissement de rois (cf. le résumé de Josué 12), plutôt que la destruction des habitants.
La conquête a donc consisté à détruire les points stratégiques que constituaient les villes [note]En réalité, seules trois villes ont été entièrement détruites et brûlées par le feu (Jéricho, Aï et Hatsor).[/note] . Ces dernières étaient les centres religieux, commerciaux, administratifs. La prise de ces villes garantissait la domination d’Israël sur le territoire. En effet, à la fin des campagnes militaires, il restait encore une grande partie à prendre en possession (« le pays qui te reste à soumettre est très grand », Jos 13.1). Chaque tribu avait la responsabilité de prendre possession des contrées qui lui étaient attribuées en partage alors que les ennemis étaient désormais affaiblis. La situation des géants Anakim est symptomatique à ce sujet : Josué les extermina avec leurs villes (Jos. 11.21), mais à Hébron, Caleb a dû déposséder les Anakim qui y étaient toujours (Jos. 14.12 ; 15.14).
Cette dernière citation semble montrer une contradiction : il détruisit entièrement, mais il en reste ! On voit donc que le style utilisé par le narrateur est hyperbolique. Lorsqu’il parle de destruction complète, il veut souligner la victoire totale obtenue par Josué. Il ne s’agit donc pas d’une formule pour décrire une éradication complète des Cananéens. D’ailleurs, ses conclusions après la description de la conquête et du partage font uniquement référence à la fin de la guerre : « Le pays se reposa de la guerre » (Jos 11.23 ; 21.44, Darby).

5. Les Israélites ont laissé vivre des Cananéens dans le pays

La cartographie du pays après la conquête est bien éloignée de celle d’un territoire peuplé uniquement d’Israélites. Cette situation est bien conforme aux annonces divines. En effet, Dieu avait expressément annoncé que la conquête serait progressive : « L’Éternel, ton Dieu, chassera peu à peu ces nations loin de ta face. » (Deut. 7.22) L’hypothèse de la présence de Cananéens en permanence dans le pays était sous-entendue par Dieu lui-même, puisqu’il avait commandé aux Israélites de ne pas s’allier à eux par mariage (Deut 7.3).
On voit aussi que dans certains cas, des échappés ont été laissés en vie : « Quand Josué et les fils d’Israël eurent achevé de leur infliger une très grande défaite, jusqu’à les détruire, il arriva que les fuyards d’entre eux échappèrent et entrèrent dans les villes fortifiées ; et tout le peuple retourna en paix au camp. » (Jos 10.20-21, Darby). On peut remarquer que dans certains cas, ils ne tuèrent que les hommes (Jos. 11.14).
En conclusion, nous pouvons dire que les Israélites n’ont pas conquis le pays dans une logique de destruction systématique des Cananéens. Leurs actes s’inscrivaient dans le cadre d’une guerre, leurs ennemis cherchant à leur faire subir le même sort.
Accuserons-nous de génocide une armée qui lance une contre-offensive ?

En synthèse

Les cinq points évoqués nous indiquent déjà qu’une lecture plus attentive du texte biblique diminue le sentiment de génocide. Le but du commandement divin était double : d’une part, juger les Cananéens qui ne se sont pas détournés de leurs abominations ; et d’autre part, préserver les Israélites de l’idolâtrie cananéenne, afin de les protéger in fine du jugement divin. On discerne alors à travers ce commandement que Dieu est à la fois juste et bon : juste, car il ne laisse pas le coupable impuni ; bon, car il veut avant tout éviter de devoir le punir.
Comment donc ne pas faire confiance à un tel Dieu ? Comment ne pas décider de se détourner de ses mauvaises voies et croire en lui ? Un exemple de jugement divin comme celui des Cananéens a aussi un rôle pédagogique ; il devrait nous inciter à nous rapprocher du Dieu « miséricordieux, lent à la colère, et grand en bonté ».


Une grande partie des objets du tabernacle de Dieu dans le désert était fait d’un bois particulier, appelé « shittim » en hébreu et souvent traduit par « acacia ». Les botanistes nous disent qu’il s’agit d’un arbre poussant dans les régions désertiques de l’Égypte et du Sinaï, bien différent de l’arbre appelé « acacia » en Europe occidentale (qui est en fait un robinier). L’acacia biblique est plus proche de notre mimosa. C’est ce bois que Dieu indique pour fabriquer l’arche de l’alliance. Il offre des propriétés remarquables, qui nous donnent quelques indications sur celui dont l’arche n’était qu’un symbole, Jésus Christ.

  • Le bois d’acacia est solide : Sa texture est serrée, il se prête bien au travail et ne casse pas Cela peut nous faire penser à la fermeté de Jésus. Tout d’abord sa fermeté morale dans toute sa vie, où rien ne laissait prise à la critique (Jean 8.46). Sa fermeté aussi dans l’accomplissement de la mission que Dieu lui avait confiée (Luc 9. 51). Et pourtant il savait ce qui l’y attendait…
  • Le bois d’acacia est médical : Il était reconnu pour ses tanins et ses gommes utilisées dans la pharmacologie antique. Jésus a opéré de nombreuses guérisons lors de sa venue, mais surtout par sa mort, il a libéré ceux qui l’acceptent comme leur Sauveur de la « maladie » du péché.
  • Le bois d’acacia est imputrescible : Le mot grec utilisé pour traduire « shittim » signifie précisément cela. Cette qualité évoque le Psaume 16, cité deux fois à propos de la résurrection de Jésus : « Tu ne permettras pas que ton bien-aimé voie la corruption » (Ps 16.10). Même mort, le corps de Christ n’a pas été atteint par la pourriture car il était sans péché. Il a été, il est et il reste « le Saint de Dieu ».

Contrairement aux Israélites dans le désert, tout chrétien a accès au lieu très saint (Héb 10.19-22) pour contempler Jésus et la grandeur de son caractère, dont l’acacia présente quelques facettes. ■


Le livre de l’Exode se termine comme un bon roman.
Une situation initiale dramatique (l’esclavage), une délivrance spectaculaire (la sortie d’Égypte), quelques péripéties (la mer qui avale des adversaires, le peuple qui se vautre dans l’idolâtrie). Le tabernacle est dressé… Dieu manifeste sa présence.
Ce qu’Israël ne savait pas, c’est que le chemin serait long et difficile, non seulement jusqu’en Canaan mais aussi tout au long de son histoire.

Mais Dieu donne ce dont son peuple a besoin pour continuer et persévérer. Cette dernière partie de l’Exode présente ce que Dieu a fait pour accompagner Israël et pour tout mener à bonne fin. Dieu n’abandonne jamais les siens. Heureusement que nous-mêmes ne voyons pas le chemin qui nous reste à parcourir, tant individuellement que collectivement. Mais le même secours dont Israël a bénéficié nous sera donné jusqu’à la gloire qui est à venir (cf. 2 Pi 1.3 ; Jude 25). Dieu a tout fait pour que nous réussissions notre pèlerinage terrestre afin de vivre à jamais en sa présence.

1. Dieu accompagne son peuple (40.16-19)

16 Moïse fit tout ce que l’Éternel lui avait ordonné. 17 Le premier mois de la seconde année, le premier du mois, le tabernacle fut dressé. 18 Moïse dressa le tabernacle; il en mit les socles, plaça les planches, mit les traverses et dressa les colonnes. 19 Il étendit la tente sur le tabernacle et plaça la couverture de la tente par-dessus, comme l’Éternel l’avait ordonné à Moïse.[note]Les citations sont tirées de la Nouvelle version Segond révisée 1978, dite « à la Colombe ».[/note]

La phrase : « Moïse fit tout ce que l’Éternel lui avait ordonné » est le leitmotiv de cette fin de livre. Aucune invention spirituelle chez Moïse. Il ne créé pas de religion, un code cultuel, ni des rites efficaces. Il est serviteur d’un Dieu qui se révèle et qui dicte comment l’approcher. Nous découvrons ainsi ce qu’il est, ce qu’il aime, ce qu’il attend, ce qu’il offre… Non par le sentiment, l’imagination ou par la création d’un culte qui nous plaise, mais par révélation.
Les instructions pour la construction du tabernacle sont données aux ch. 25 à 31. La description de la construction est donnée aux chapitres 35 à 39, avec une conclusion qui résonne avec le récit de la création (comp. 39.42-43 avec Gen 1.28,31). Ici, Dieu recréé un peuple, un peuple déchu puis restauré. Ce que décrit l’Exode est le lancement d’une nouvelle humanité, qui préfigure l’engendrement d’un monde nouveau quelques siècles plus tard.
Voilà donc venu le moment d’assembler tout ce qui a été créé. Moïse plante une tente.[note]Le mot officiel est « tabernacle » (michkan). Le mot fait son apparition en Exode 9. Il est lié au verbe « demeurer » et n’a pas de connotation sacrée à la base : il peut désigner une simple tente de bergers (Cant 1.8).[/note]. Dieu, le Créateur de l’univers déclare vouloir habiter au milieu de son peuple ! Pas à côté, ou loin devant, mais « au milieu d’eux » ! Cette tente abrite un sanctuaire (mikdash), c’est-à-dire un lieu mis à part, sanctifié, saint. Le Seigneur vient habiter cette tente et y manifester sa gloire.
Que représente cette tente ? Flavius Josèphe y voit une représentation de l’univers[note] Flavius Josèphe, Antiquités, 3, VII,[/note], d’autres une représentation de l’Église, d’autres encore une incarnation de la présence du Royaume de Dieu en Israël. Voici ce qui me semble être le sens du tabernacle : la présence de Dieu engendre et agence le peuple de Dieu. Il convoque un peuple qui marchera avec lui et selon lui : « J’établirai ma demeure au milieu de vous, et mon âme n’aura pas d’aversion pour vous. Je marcherai au milieu de vous, pour être votre Dieu, et pour que vous soyez mon peuple.» (Lév 26.11-12). Dieu n’est pas resté sur la montagne. Dieu nous accompagne, dans le désert, sur nos chemins, dans notre pèlerinage !

● C’était son intention originale : le jardin initial, le premier paradis, était un espace où Dieu marchait là même où Adam et Ève marchaient.
● Ce sera la réalité ultime : le paradis éternel de la nouvelle terre, sera un espace où nous marcherons là même où Dieu se trouve, un monde où il n’y aura pas de temple, parce que le Seigneur lui-même sera le temple (Apoc 21.22).

● Cette tente est une représentation temporaire d’une réalité pour Israël, Dieu marchant vraiment au milieu de son peuple.
● Aujourd’hui, nous sommes le temple de Dieu (1 Cor 3.16 ; 6.19), une habitation de Dieu par l’Esprit (Éph 2.22). Le Père et le Fils viennent faire en nous leur demeure (Jean 14.23).

Le tabernacle illustre donc plusieurs aspects de la rédemption :

● Il matérialise la présence de Dieu avec Israël — et anticipe le temple de Salomon.
● Il annonce la présence future de Dieu en Christ sur terre.
● Il annonce la présence future de Dieu par l’Esprit dans l’Église sur terre.
● Il annonce aussi par là-même l’habitation éternelle de Dieu avec les siens (Apoc 21.22-23).

Dieu n’abandonnera jamais les siens parce qu’il marche au milieu d’eux et accompagne son peuple — hier, aujourd’hui, éternellement. L’Esprit en nous dont Jésus dit qu’il sera éternellement avec nous, nous l’assure.

2. Dieu pardonne son peuple (40.20-21)

20 Il prit le Témoignage et le mit dans l’arche ; il plaça les barres à l’arche et mit le propitiatoire au-dessus de l’arche. 21 Il apporta l’arche dans le tabernacle; il plaça le voile qui sert de rideau, et il en couvrit l’arche du Témoignage, comme l’Éternel l’avait ordonné à Moïse.

À l’intérieur de la tente se trouve l’essence même du culte israélite, symbole du culte à venir : l’arche, ou le coffre de l’alliance. C’est une caisse rectangulaire de 70 cm de large et de hauteur, et de 1,15 m de longueur. Pour se le représenter, c’est grosso modo la taille de deux lave-linge mis l’un devant l’autre.
Ce coffre abrite le « Témoignage », c’est-à-dire les tables de la loi, les dix paroles que Dieu en personne a gravées pour Moïse (31.18). On imagine donc Moïse placer ce texte exceptionnel, qui influencera le monde entier par sa valeur légale, morale et spirituelle, avec beaucoup de tendresse et d’attention.
Mais le décalogue est aussi un code écrasant puisqu’il révèle ce que Dieu attend, et que l’être humain n’arrive pas à faire et à être. Le coffre renferme donc le témoignage de notre
culpabilité, que ce soit dans notre relation avec Dieu (première partie des dix paroles) ou dans notre relation les uns aux autres (seconde partie). En les lisant, nous réalisons vite que nous devons tous faire le deuil de toute prétention à une justice personnelle. Nous sommes profondément idolâtres, foncièrement centrés sur nous-mêmes et incapables d’aimer notre prochain de manière adéquate. Pire, Jésus note que la simple intention initiale d’un péché (de la colère ou de la convoitise) nous rend aussi coupables que la réalisation de ces péchés (le meurtre ou l’adultère). Nous sommes ainsi condamnés par nos actes qui sont fâcheusement loin de telles exigences.
Mais il y a un symbole d’espoir. Moïse « mit le propitiatoire au-dessus de l’arche ». Le propitiatoire est un terme un peu compliqué qui signifie simplement « couvercle ». Il recouvre le coffre où se trouve le Témoignage — les dix commandements qui nous accusent sont donc « couverts ».

Depuis qu’Adam et Ève ont pris conscience de leurs péchés, ils n’ont eu de cesse de chercher un moyen de couvrir leur nudité par leurs propres efforts — que ce soit par des feuilles de vignes, ou en rejetant sur les autres leur manquement. Depuis Genèse 3, Dieu n’a de cesse de convaincre les humains, conscients de leur faillite spirituelle, que des feuilles de vignes sont insuffisantes et que seule la peau d’un substitut saura les couvrir…

Justement. Ce couvercle rectangulaire avait sur ses deux extrémités deux chérubins qui se faisaient face. Les chérubins sont les protecteurs de la sainteté du Seigneur dont l’accès est interdit aux pécheurs (Gen 3.24). Ces anges ont devant eux la gloire impeccable, éternelle et glorieuse du Seigneur — tout comme ils sont témoins de notre comportement misérable et indigne. Mais « les chérubins auront la face tournée vers le propitiatoire » (25.20) ! Dieu impose à ces anges puissants de rester concentrés, les yeux fixés sur le lieu même où une fois par an, le jour des expiations, le souverain sacrificateur devait faire « sept fois avec son doigt l’aspersion du sang devant le propitiatoire » (Lév 16.14). Les anges devaient ignorer la crasse des prêtres, les saletés du peuple et ne voir que la bienveillance d’un Dieu qui couvre encore et encore le péché. « Par ce sacrifice, la faute est « couverte », et donc, enlevée, effacée, cachée (Ps 32.1) L’expiation et la propitiation sont présentes dans la racine hébraïque pour « couvrir » (kappar) qui exprime un double but : celui de purifier les fautes des hommes et celui de rendre Dieu propice, favorable, c’est- à-dire d’apaiser sa colère. »[note]Nisus, Pour une foi réfléchie, La Maison de la Bible, 2011, p. 488.[/note]

Les rites de Yom Kippour ne résolvent rien parce qu’il faut chaque année les renouveler. Mais ils annoncent Christ, venu les accomplir pour nous. Nous entrons dans un repos où lui a réalisé tous les « il faut ». Si le propitiatoire reçoit le sang des victimes, le sang versé du Christ, Jésus, le Fils de Dieu, résoudra à jamais la colère de Dieu.

Le tabernacle est une représentation bouleversante de la justification. Dieu n’abandonne jamais les siens parce qu’il a tout fait pour qu’ils soient à jamais pardonnés : « Car par une seule offrande, il a rendu parfaits à perpétuité ceux qui sont sanctifiés » (Héb 10.14).

1. Dieu sanctifie son peuple (40.22-33)

22 Il mit la table dans la tente de la Rencontre, au côté nord du tabernacle, en dehors du voile ; 23 et il y disposa en ordre les pains, devant l’Éternel, comme l’Éternel l’avait ordonné à Moïse. 24 Il plaça le chandelier dans la tente de la Rencontre, en face de la table, au côté sud du tabernacle ; 25 et il en arrangea les lampes, devant l’Éternel, comme l’Éternel l’avait ordonné à Moïse. 26
Il plaça l’autel d’or dans la tente de la Rencontre, devant le voile, 27 et il y fit brûler le parfum aromatique, comme l’Éternel l’avait ordonné à Moïse. 28 Il plaça le rideau à l’entrée du tabernacle. 29 Il plaça l’autel des holocaustes à l’entrée du tabernacle, de la tente de la Rencontre, et il y offrit l’holocauste et l’offrande, comme l’Éternel l’avait ordonné à Moïse. 30 Il plaça la cuve entre la tente de la Rencontre et l’autel et il y mit de l’eau pour les ablutions ; 31 Moïse, Aaron et ses fils s’y lavèrent les mains et les pieds ; 32 lorsqu’ils
entraient dans la tente et qu’ils s’approchaient de l’autel, ils se lavaient,
comme l’Éternel l’avait ordonné à Moise. 33 Il dressa le parvis autour du tabernacle et de l’autel et mit le rideau à la porte du parvis. Ce fut ainsi que Moïse acheva l’ouvrage.

En sortant du lieu très saint, nous sommes « en dehors du voile » (40.22) qui porte les effigies de chérubins, Là encore pour rappeler que personne n’accède à Dieu sans un passe spécial. Ce voile symbolise à la fois la séparation d’avec un Dieu saint et le corps du Christ déchiré pour nous, lorsqu’il se rompra justement à la mort du Christ. Au-delà du voile, dans cette autre partie de la tente, se trouvent trois objets :

● Côté nord, la table des pains : ces pains n’étaient pas offerts à Dieu — comme on le voit dans les temples orientaux — mais présentés puis mangés ensuite par les prêtres. Dieu nourrit les siens !
● Côté sud, le chandelier: chaque jour, les prêtres remplissaient le chandelier d’huile qui devait brûler perpétuellement pour éclairer l’intérieur de la tente. Dieu éclaire les siens !
● Juste devant le voile, l’autel d’or pour le parfum: il recevait les braises utilisées pour les sacrifices offerts à l’extérieur de la tente et sur ces braises, les prêtres répandaient de l’encens. Dieu entend les siens !

Ces éléments sont d’abord des symboles du Messie en personne :

● Le pain annonce Jésus, le « pain de vie » (Jean 6.33-34,48,51). Nous vivons de Christ, de son sacrifice, de sa Parole. Notre subsistance est entièrement dépendante de cette connexion vitale à Christ. Dieu nous nourrit.
● Le chandelier aussi annonce Jésus,
« la véritable lumière qui, en venant dans le monde, éclaire tout homme » (Jean 1.9). Jésus s’exclame : « Moi, je suis la lumière du monde ; celui qui me suit ne marchera point dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie. […] Pendant que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde » (Jean 8.12, 9.5). Dieu nous éclaire.
● L’autel d’or annonce Jésus, le prêtre par excellence qui prie et intercède pour nous (cf. Jean 17 ; Héb 7.25). Dieu nous entend.

Ces éléments évoquent aussi l’Église :

● Le pain que nous mangeons est le signe que nous formons un seul corps. Nous tirons notre subsistance spirituelle du Christ et nous mangeons à sa table dès maintenant et pour l’éternité.
● Jésus est celui qui marche au milieu des sept chandeliers qui « sont les sept églises » (Apoc 1.20 ; 2.1). Tout comme Israël devait être lumière des nations (És 49.10), nous sommes « la lumière du monde » (Mat 5.14).
● L’encens reflète la prière des saints (Ps 141.2 ; Apoc 5.8).

Il y a là une forme extraordinaire d’emboîtement qui va des objets qui typifient Christ, à la personne même du Christ qui accomplit ce que les objets prédisent et signifient, et qui représentent aussi le monde des disciples vivant en Christ et pour Christ.
En sortant de la tente proprement dite, nous arrivons sur le parvis où se trouvent deux objets principaux :

● l’autel en bois d’acacia couvert de bronze où les sacrifices étaient offerts,
● la cuve en bronze utilisée pour diverses ablutions.

Dieu n’a pas seulement prévu notre justification initiale (l’autel), mais tout ce qui est lié à la purification quotidienne (la cuve). Ce duo justification – sanctification est d’ailleurs présent tout au long de l’Écriture : le sacrifice de l’agneau pascal était suivi par la période des pains sans levain ; Pierre (2 Pi 1.5-6) et Paul (Tite 2.11-13) rappellent souvent ce schéma
et c’est cette leçon que nous présente Jésus-Christ lorsqu’il lave les pieds de ses disciples, après le repas de Pâques (Jean 13.7- 9). Lorsque Dieu nous accorde le salut et que nous croyons, nous sommes justifiés, à jamais. Mais nous péchons et nous avons besoin que Christ nous purifie nos fautes du jour.

4.Dieu conduit son peuple (40.34-38)

34 Alors la nuée couvrit la tente de la Rencontre, et la gloire de l’Éternel remplit le tabernacle. 35 Moïse ne pouvait pas entrer dans la tente de la Rencontre, parce que la nuée demeurait sur elle, et que la gloire de l’Éternel remplissait le tabernacle. 36 Quand la nuée s’élevait de dessus le tabernacle, les Israélites partaient à chacune de leurs étapes. 37 Si la nuée ne s’élevait pas, ils ne partaient pas, jusqu’au jour où elle s’élevait. 38 La nuée de l’Éternel était de jour sur le tabernacle ; et de nuit, il y avait un feu, aux yeux de toute la maison d’Israël, à chacune de leurs étapes.

Lorsque tout est prêt, Dieu manifeste sa présence, glorieuse, puissante, impressionnante. Après tant de souffrances, d’émotions, d’efforts, de rebondissements, le travail est achevé et Dieu se manifeste.

L’ambition initiale de la création où les humains vivaient avec Dieu est partiellement réalisée. Elle connaîtra un accomplissement remarquable dans l’Église où Dieu fait de nous son temple, nous qui avons les arrhes de l’Esprit. Elle annonce l’ambition future où nous habiterons avec Dieu éternellement.
Partout où la nuée se déplaçait, le peuple la suivait. Une coordination assez lourde en résultait : les trois grandes familles de Lévites avaient chacune un rôle à jouer pour démonter et remonter différentes parties du mobilier pendant leur pérégrination (Nom 4). Nous qui formons un royaume de prêtres et de sacrificateurs, nous sommes également appelés à ce service : suivre Dieu là où il conduit son Église, l’adorer en esprit et en vérité tels que le préfigurent les rites et les services du tabernacle. Parfois notre service nous semble insignifiant : un cumul de petites choses qui ne changent pas forcément le monde. Mais là où Dieu se plaît à se mouvoir, là est notre service. Dieu ne nous demande pas de changer le monde, mais d’être fidèles dans le peu qu’il nous confie. Et si tous les chrétiens le font, un grand nombre de « peu » fait « beaucoup » ! (Cf. 1 Cor 12.7 ; 1 Pi 4.10).
J’aurais aimé vivre la venue de Dieu en personne sur cette tente ! De même j’aurais aimé vivre avec les disciples du Christ la transfiguration (Mat 17.2). Mais l’apôtre Pierre, après avoir souligné qu’il a été témoin visuel de la majesté de Christ, nous dit que nous avons quelque chose de plus sûre encore qu’une quelconque expérience humaine, y compris la plus sublime comme celle d’une rencontre avec le Seigneur : la Parole de Dieu (2 Pi 1.18- 21). Ce document écrit nous permet de rencontrer Dieu, tel qu’il s’est révélé.

Dieu n’abandonne jamais les siens…

En conclusion, trois éléments de l’Exode doivent profondément nous rassurer sur le fait que Dieu ne nous abandonnera jamais.

a. La trajectoire existentielle

On dit parfois qu’une vie a un fondement solide si l’on sait d’où on vient, qui on est et où on va. Dieu l’a donné aux Israélites :

  • D’où viennent-ils ? De l’esclavage en Égypte. Impossible de commencer plus bas dans l’échelle humaine !« Dans un monde où les dieux avaient tendance à accorder leur faveur aux puissants et aux concurrents, une marque distinctive de celui d’Israël est qu’il avait jeté son dévolu sur des esclaves. La mémoire de la façon dont il avait libéré leurs ancêtres ne cesserait d’être entretenue par les juifs ; tel un nuage le jour ou un feu la nuit, il s’était clairement tenu plus près d’eux qu’à n’importe quel moment de leurs péripéties passées ou futures. » (Tom Holland)
  • Qui sont-ils ? Un royaume de prêtres (Ex 6). Un petit peuple… grandi au rang de « lumière des nations » (cf. És 42.6 ; 49.6).
  • Où vont-ils ? Vers une terre promise à Abraham cinq siècles auparavant.

Ce périple est aussi celui du Christ, par association

● Il vient de Galilée, le coin le plus méprisé d’Israël.

● Il est le Fils de Dieu, prophète, prêtre, et roi, la lumière du monde.
● Il a réalisé et achevé ce que le culte de l’Exode annonçait et il est à la droite du Père, dans un ciel maintenant ouvert.

Enfin ce périple est aussi celui du chrétien, par association :

● Nous venons de l’esclavage du péché et du diable. Nous commençons aussi tout en bas de l’échelle ! Et Christ nous a libérés.
● Nous sommes « une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple racheté, afin d’annoncer les vertus de celui qui [nous] a appelés des ténèbres à son admirable lumière » (1 Pi 2.9). Malgré nos imperfections et nos souffrances, nos chutes et nos succès, nous sommes transformés de gloire en gloire.
● Notre destinée est toute aussi sûre : Jésus nous prépare une place pour l’éternité.

Le point de contact

Le peuple est en voyage et, de façon touchante, Dieu demande qu’on lui fabrique une tente pour y habiter ! Chaque fois que Dieu se révèle, il communique de façon adaptée et com-
préhensible aux personnes qu’il entend toucher.
Le Fils de Dieu nous rejoint avec compréhension et compassion. Il a connu détresses, deuils, frustrations, colères… Il a été tenté en tout point comme
nous: « Nous n’avons pas un souverain sacrificateur incapable de compatir à nos faiblesses ; mais il a été tenté comme nous à tous égards, sans [commettre de] péché » (Héb 4.15).

c. Le repas du Seigneur

Le culte de l’Ancien Testament préfigure le sacrifice de Christ. Sacrifice que Jésus nous a demandé de célébrer lorsqu’il prend part au repas de la Pâques avec ses disciples. À cette occasion, Christ effectua une forme
de triple action qui illustre les trois aspects de notre salut :
Hier : une rédemption — la cène avec le pain et le vin.
Aujourd’hui : une sanctification — le lavage des pieds.
Demain : une glorification
— le repas de communion.
Tout est accompli. Dieu ne nous abandonnera jamais
et nous célébrons avec le repas du Seigneur son salut complet et global. L’Exode se termine sur cette présence vivifiante de Dieu qui est avec nous comme il le fut autrefois avec son peuple — mieux encore puisqu’il habite en nous par son Esprit.


Moïse joue le rôle principal, instrument choisi par Dieu, médiateur humain du rapport entre Dieu et Israël

L’exode du peuple d’Israël hors d’Égypte, raconté dans le livre qui prend, dans la version grecque, e mot pour titre[note]Exodos, « sortie » en grec ; en hébreu, on nomme seulement le livre par ses premiers mots, « Voici les noms… ».[/note] est l’Événement fondateur, l’Événement par excellence, dans la première partie de la Bible. C’est par lui que la famille de Jacob, réduite en servitude par le Pharaon, a été libérée (rachetée), constituée en nation, établie dans l’Alliance du SEIGNEUR (YHWH), selon le régime qu’on appelle « Ancienne Alliance ou Testament »[note]L’expression est Cf. 2 Cor 3.14, développé en Héb 8.13.[/note].
Dans l’événement au sens large, on peut distinguer quatre volets principaux. En chacun d’eux, Moïse joue le rôle principal, instrument choisi par Dieu, médiateur humain du rapport entre Dieu et Israël.

● Il y a d’abord (I), le départ lui-même, préparé par les Dix Plaies, et marqué par la Pâque, dont la fête sera célébrée annuellement pour en maintenir la mémoire.
● Il y a ensuite (II) l’action divine qui permet d’échapper au Pharaon, la traversée de la Mer des Roseaux (c’est la traduction du nom dans l’orignal hébreu ; « Mer Rouge » vient de la traduction grecque).
● Puis (III) le récit nous est fait de la longue nomadisation dans le désert, avec les combats, les murmures, et surtout les délivrances accordées par le SEIGNEUR.
● Dans ce temps (IV), le texte parle de la conclusion de l’Alliance, avec le don de la Tôrâ, « l’Instruction » qui inclut de nombreuses lois et règles : non seulement de teneur morale, mais aussi cultuelles-rituelles et socio-politiques.

Or, on observe dans l’histoire telle que Dieu la structure une disposition assez régulière : la répétition des schémas que Dieu a mis en œuvre une première fois : il fait à nouveau ce qu’il a déjà fait, il suscite des institutions et des serviteurs et plus tard en suscite de semblables ; il se montre ainsi le même Dieu, fidèle à lui-même. Deux exemples suffiront, pris au début et à la fin de l’A.T. : si l’histoire commence avec la création du premier Adam, c’est par le Nouvel Adam, le Deuxième Homme venu du ciel (1 Cor 15.47), que Dieu réalise son dessein; si Malachie annonce le nouvel Élie (Mal 3.23), c’est aussi un nouveau Malachie: Dieu dit « mon messager » (3.1), or c’est le nom même que nous avons transcrit « Malachie » (mal’àkhî). Ce nouvel Élie-Malachie est bien sûr venu sous le nom de Jean, le Baptiste. Ces deux exemples montrent que la répétition ne reste pas dans l’identique : en général, elle implique un progrès, un « plus », voire un « plus plus ».
Une forme particulière de la structure de répétition dans le progrès revêt une importance capitale. Beaucoup des choses que le SEIGNEUR a faites, suscitées, ordonnées, dans l’A.T., il les a conçues comme les figures annonciatrices, les « types », de celles qu’il allait faire, susciter, ordonner, dans le N.T. Le « plus » ou « plus plus » de la répétition a signifié un changement de plan, un passage du plan « charnel », au sens d’Hébreux 9.10, au plan de l’accomplissement spirituel ; c’est comme le passage d’une ombre qui se profile à la réalité qui projetait cette ombre et qu’on ne voyait pas encore (Col 2.17) ; le « nouveau » est le
« véritable » (comme le mot est souvent employé chez Jean (Jean 4.37 ; 6.32 ; 15.1).
Cette structure s’applique à l’exode. Le thème du « nouvel exode » est l’un des plus riches et déterminants de l’Écriture, démultiplié selon les distinctions que je viens de proposer. Sous la conduite du Nouveau Moïse, le peuple de Dieu est d’abord libéré ou racheté : c’est l’accomplissement du type de la Pâque dans le royaume de Dieu (cf. Luc 22.16). Son baptême correspond symboliquement à la traversée de la mer (1 Cor 10.2). Peuple pèlerin dans le monde, il connaît quelque chose comme le désert (Héb 3 par exemple, ou Apoc 12.14). Et, bien sûr,
les disciples de Jésus sont avec lui dans la « Nouvelle Alliance ».
Le présent essai veut faire ressortir le développement du thème du nouvel exode dans l’Écriture — au moins à titre suggestif. Il est possible de le retrouver presque partout, tant il est riche et central[note]Le théologien qui, entre tous, l’a montré est le professeur Rikki WATTS, à partir de sa thèse Isaiah’s New Exodus and Mark, réédité dans la série Bible Studies Library, Baker, 2000. Ses rapprochements ne manquent pas de validité, mais certains sont quand même moins forts et persuasifs que d’autres.[/note] ; nous devons nous contenter des données et passages pour lesquels l’évidence est éclatante, incontestable.

Le nouvel exode dans le Pentateuque

Le Pentateuque lui-même suggère la pensée du nouvel exode quand il annonce la venue d’un prophète « comme Moïse » (Deut 18.15,18). La prédiction est à double détente. En premier lieu, le singulier « un prophète » doit se comprendre comme l’équivalent d’un pluriel (un prophète à la fois). La promesse faite par Moïse vise l’envoi, dans les générations suivantes, de prophètes qui rempliront à leur échelle la fonction de Moïse, autant de petits Moïse : le contexte immédiat le montre, car ces prophètes permettront au peuple de se passer des médiums et des devins pour connaître la voie à suivre, et des critères sont mentionnés (v. 20-22). Élie représente tous ces prophètes, lui à qui Dieu s’est révélé comme à Moïse au mont Horeb (1 Rois 19). Mais cet accomplissement ne suffit pas, car aucun de ces prophètes n’a atteint la stature de Moïse, n’a été pleinement « comme lui » (Deut 34.10). Très tôt, les croyants ont compris que devait venir un Nouveau Moïse, le Prophète. Même les Samaritains, qui n’ont reçu que le Pentateuque, l’ont attendu, en le nommant le Tàhév (Restaurateur), comme la femme de Sychar l’exprime[note]En Jean 4.25, elle l’appelle « Christ » (messie) parce qu’elle parle à un juif[/note]. Pierre, en Actes 3.22-26 atteste qu’il est venu en la personne de Jésus. Le Pentateuque, cependant, n’en dit pas plus, et c’est chez les prophètes que le thème émerge vraiment et se développe.

Le nouvel exode dans les livres prophétiques

Osée paraît le premier. Il annonce un retour au désert pour l’épouse adultère qu’est la nation d’Israël, « comme au jour où elle remonta d’Égypte » (2.17). L’alliance au Sinaï avait été le mariage avec le SEIGNEUR, il va de nouveau faire la cour à sa « femme » et reconquérir son cœur (2.16). Osée joue habilement des deux sens du retour au désert : c’est la désertification de la terre fertile, en punition des cultes
« naturistes »[note]Au sens technique des sciences des religions : idolâtrant les forces de la nature[/note] de cette fertilité (2.7-15), et en même temps un recommencement, un nouvel exode. Que la chose implique une répudiation (1.6,8 et 2.4) avant restauration suggère que le changement sera radical — et Paul commentera ces versets en Romains 9.25-26. Osée associe encore la pensée de l’exode à l’exil qui sera la punition de retour au désert : ce ne sera pas, littéralement, une captivité égyptienne mais assyrienne (11.5), bien que la libération puisse en être dite d’Égypte, sans doute dans un sens symbolique (11.11).

Michée ne recourt guère au thème. Quand il évoque, cependant, le retour de l’exil (7.12), il a cette promesse : « Tu jetteras au fond de la mer tous leurs péchés » (7.19). C’est ici la différence, le « plus » du nouvel exode : il libère non plus des chars égyptiens engloutis par la mer, mais des péchés.

L’immense contemporain de Michée, Ésaïe, est le chantre et théologien du nouvel exode. Déjà dans ses prophéties de jeunesse, dans le « livret de l’Emmanuel », il l’associe au messianisme davidique. Le retour de l’exil, dont la menace s’alourdit, sera une « acquisition » par Dieu comparée à la première : « le Seigneur étendra une seconde fois la main » (11.11), ce qui rappelle la formule « à main forte et à bras étendu ». La comparaison est expresse au v. 16. L’action sur les eaux est complexe (11.15) mais elle correspond à celle de la Mer des Roseaux ; l’assèchement[note]C’est le sens probable du verbe « desséchera » ( ‘eyàm), un hapax (i.e. mot figurant uniquement dans ce verset dans tout l’A.T. hébreu), selon le dictionnaire de Samuel Lee.[/note] est dû au Souffle/Esprit du SEIGNEUR, et non plus simplement au fort vent d’est (Ex 14.21), ce qui suggère un changement de plan. Un cantique suit (ch. 12) comme en Exode 15.
C’est dans le puissant ensemble des prophéties ultérieures qu’Ésaïe offre son orchestration du thème. Le retour de l’exil babylonien[note]Babylonien, car Babylone a absorbé l’Assyrie, et les Judéens ont rejoint dans l’exil les Israélites du Nord déportés avant eux dans la grande région par les Ésaïe le voit d’avance.[/note] est expressément comparé à l’exode, mais avec accent sur le « plus » : « Ne vous souvenez pas des événements anciens » (43.16), car Dieu va faire une œuvre encore plus magnifique (43.16-21) ! Le nouvel exode est libération des captifs (42.7, etc.) et traversée du désert (dès 40.3), marquée par les miracles.

Deux apports sont très remarquables :

● Le nouvel exode est d’une telle ampleur qu’il s’élargit en nouvelle création. La pensée n’est peut-être pas très loin lors du premier exode, avec la maîtrise sur la nature, et, spécialement, le partage des eaux de la mer qui rappelle la séparation des eaux en Genèse 1.6s. Mais Ésaïe le proclame très fort. Après avoir rappelé la victoire sur l’Égypte et le miracle de la mer (51.9-10) et le pouvoir cosmique du SEIGNEUR (51.13,15), il annonce la fondation de (nouveaux) cieux et d’une (nouvelle) terre (51.16), annonce qu’il réitérera en 65.17 (préparée en 42.5,9 et la vision de la destruction du monde ancien, 34.4 et 51.6).
● Le second apport est double, et concerne la dualité ! Ésaïe révèle par qui Dieu opérera le nouvel exode. Il va susciter deux hommes à cette fin, on ne peut plus différents l’un de l’autre. Le premier est introduit au ch. 41 : c’est le guerrier conquérant qui a su fédérer les Mèdes et les Perses, Cyrus, nommé en 44.28 et 45.1. Cyrus le Grand, en effet, après sa victoire sur Babylone, libère à partir de 539-538 « les captifs de Sion », et permet par son décret leur retour en terre promise, à travers le désert. Mais derrière lui, introduit au chapitre 42, se profile un autre libérateur, qui ne fait pas, lui, grand bruit dans le monde (42.2) et se signale par sa miséricorde (42.3). Il libère (42.7 ; 49.9 ; 61.1) et conduit le peuple racheté à travers le désert (49.10). Qui est ce Serviteur du SEIGNEUR ? Il faut être myope pour ne pas le reconnaître : c’est évidemment le Nouveau Moïse ! Il dispensera sa Tôrâ (42.4) ; en lui une alliance (forcément nouvelle) sera conclue (42.6 ; 49.8). Mais observons ici le « plus », le « plus plus » ! Le SEIGNEUR lui dit que la mission de Moïse, cantonnée à Israël, ce serait bien trop peu pour lui (49.6). Le nouvel exode du Nouveau Moïse est pour toutes les nations (49.6 et déjà 42.6). Il sera l’agent de la nouvelle création, car la formule de 51.16a, « Je te couvre de l’ombre de ma main », renvoie à la deuxième grande prophétie du Serviteur (49.2).[note]La traduction « normale » de 16b est « pour planter des cieux et pour fonder une terre » (préposition l, dont le premier sens est « pour », et infinitif des verbes). Le Serviteur en est l’Agent, comme de la transmission de la Parole de Dieu à Sion. Si beaucoup de versions ne rendent pas ainsi (contrairement à Darby et à Chouraqui), c’est qu’elles n’ont pas bien compris la mission du Serviteur.[/note]
Et cette amplification maximale n’est peut- être pas encore le plus important : la mission du Serviteur sera paradoxalement de souffrir — jusqu’à la mort. C’est ainsi qu’il triomphera et libérera. Pourquoi donc ? La captivité dont il délivrera ne sera pas celle de Babylone — le Serviteur juste justifiera les coupables en subissant à leur place leur peine, en portant leurs péchés (52.13-53.12).

Ésaïe nous fait discerner un raffinement de la « répétition » typologique. Assez souvent, la réalité nouvelle que préfigurait l’ancienne est double : d’abord une nouvelle figure, et enfin la réalité visée. Le schéma pourrait alors se dessiner :

a/a’-A’

● Le premier exode est « a » ;
● le retour de l’exil, permis par Cyrus, nouvel exode encore charnel, est « a’ » ;
● le nouvel exode, nouvelle création, grâce au Serviteur, est « A’ ».[note]On retrouverait, par exemple, ce schéma pour le Temple : celui de Salomon, » a » ; celui de Zorobabel agrandi par Hérode, « a’ » ; le vrai Temple qu’est le Corps du Christ, « A’ ».[/note]

À noter : « a’ » ne montre pas de « plus » par rapport à « a » : au contraire, plutôt un « moins » ; il ne faut pas que les fidèles croient l’accomplissement arrivé avec « a’ ». Impossible dans le présent survol de chercher encore d’autres raffinements concernant le nouvel exode, mais il y en a — comme la note d’Ésaïe 52.12, qui contraste avec Exode 12.11 (la hâte que rappelait le pain non levé) ; le nouvel exode « a’ » s’est effectivement réalisé sans précipitation (retour de l’exil), et « A’ », l’application du bénéfice de la mort du Christ Jésus s’étale dans le temps: elle se déroule encore aujourd’hui !

Jérémie parle, bien sûr, abondamment du retour de l’exil, mais c’est essentiellement sa grande prophétie de la Nouvelle Alliance (31.31-34) qui relève du thème du nouvel exode: avec le parallèle et le contraste (« a »/» A’ », avec le « plus » de l’écriture dans le cœur).

Ézéchiel 20.33-38 évoque l’exode, avec la formule « à main forte et à bras étendu » (20.33) et la mention « désert des peuples » (20.35), qui indique déjà la transposition. L’élément ajouté est le tri entre les individus, pour bénéficier du don de Dieu. Le trait n’est pas absent du retour de l’exil (« a’ ») : le retour n’a pas été massif, et a été le fait de volontaires (Jér 3.14 le prédisait). Le trait est caractéristique du nouvel exode en Christ (« A’ ») : seuls y prennent part ceux qui mettent personnellement leur foi en lui !

Le nouvel exode dans les Évangiles et les Actes

C’est d’abord le parallèle entre Jésus et Moïse, et surtout dans l’Évangile selon Jean, qui relève du thème du nouvel exode. Dans les discours des premiers temps de l’Église, outre l’identification de Jésus comme le Prophète promis en Deutéronome 18, déjà notée, on discerne cette intention chez Étienne, qui raconte la vie de Moïse en montrant la même attitude envers lui qu’envers Jésus (Act 7.20- 44). Plus centralement encore, l’Église comprend les événements si étranges qui viennent de se produire à la lumière d’Ésaïe 53 : elle comprend que Jésus est le Serviteur[note]On se rappelle le commentaire d’Oscar Cullmann, proche de la boutade : dans les premiers chapitres des Actes, on trouve, plus qu’une christologie, une « paidologie » (le mot pais, paidos, étant utilisé dans la LXX pour le Serviteur en Ésaïe, et ainsi en Actes 13,26 et 4.27,30.)[/note] qui, par sa mort volontaire, a remporté la victoire sur le mal et racheté ceux qui croiront en lui. Sans être très expresse, la pensée de l’exode est impliquée.
La concentration sur les prophéties d’Ésaïe a été préparée par leur mise en valeur dans l’enseignement de Jésus lui-même : il semble bien y avoir trouvé (dans les cheminements humains auxquels il a consenti) quel itinéraire le Père voulait qu’il suivît, il a compris qu’il était le Serviteur. Cette conviction l’habite aux approches de la Passion (cf. Luc 22.37).  La Pâque, moment clé de l’exode, appartient au contexte le plus proche de la cène — avec la mention expresse de la Nouvelle Alliance. Toutes ces données évoquent la pensée du nouvel exode[note]Luc 31 en appelant la mort de Jésus exodos encourage dans ce sens.[/note], sans braquer sur elle, en ces termes, le projecteur. Quant au rapport à Moïse dans les Synoptiques, l’autorité de Jésus enseignant, « Mais moi je vous dis », peut le poser en donateur de Tôrâ (voir aussi Mat 19.7-9), mais ce n’est pas explicite ; certains perçoivent dans la répétition chez Matthieu cinq fois de la formule « Il advint quand il eut achevé… » (7.28 ; 11.1 ; 13.53 ; 19.1 ; 26.1) une volonté de correspondance avec le Pentateuque, les cinq livres de Moïse — la proposition ne fait pas l’unanimité. Les quarante jours de la tentation au désert, sans manger, sont le pendant des quarante jours de Moïse sur la montagne, et des quarante ans d’Israël, mis à l’épreuve… La référence d’Osée 11.1, qui concerne l’exode, est appliquée au retour d’Égypte de l’enfant Jésus, qui récapitule l’histoire d’Israël en sa biographie (Mat 2.15).
Jean, d’emblée, marque le parallèle et le « plus » : la Loi donnée par Moïse, la grâce et la vérité advenues par Jésus- Christ (1.17).[note]Le passage, comme je l’ai plaidé ailleurs, fait écho à Ex 6 avec son contexte, « grâce » et « vérité » pouvant traduire les termes employés dans ce dernier passage.[/note] C’est le discours sur le Pain de vie (Jean 6) qui présente la manne, don caractéristique du premier exode, comme la figure du don du Christ, avec accent sur le « plus plus » de l’antitype, par exemple en 6.32. On peut noter le qualificatif « véritable » (alèthinos) pour la réalité substantielle contrastée avec le type. Deutéronome 8.3 indiquait déjà que la manne représentait la Parole du SEIGNEUR ; c’est comme le Verbe fait chair, et par sa prédication, que Jésus se donne à « manger » par la foi. Pour le salut, cependant, il précise qu’il a fallu l’acte particulier du don de sa chair pour la vie du monde (6.51b): qu’il vise par ces mots son sacrifice sur la croix ressort de l’emploi du futur (au moment où il parle), et la mention du sang dans les versets qui suivent.

Le nouvel exode dans les Épîtres et l’Apocalypse

Avec de telles fondations dans l’enseignement de Jésus, il n’est pas étonnant que le thème du nouvel exode soit présent dans les Épîtres du Nouveau Testament. Il l’est de façon inégale.

Pierre (1 Pi 2.21-25) exalte le modèle du Serviteur, ce qui touche au thème, au moins indirectement. Surtout, il reprend pour l’Église les titres conférés à Israël en vertu de la conclusion de l’alliance au Sinaï, « race élue, sacerdoce royal, nation sainte, peuple d’acquisition [pour Dieu] » (2.9, reprenant les termes d’Exode 19.6 selon la LXX pour « sacerdoce royal » et « nation sainte » et d’Ésaïe 43.21 pour les deux autres, « peuple que j’ai acquis », ayant le même sens que l’expression différente en Ex 19.5, « peuple qui est ma possession personnelle »).

Chez Paul, le cantique sur le dépouillement consenti par Celui qui était de condition divine et a revêtu la livrée de l’esclave (Phil 2.6-11) fait penser au Serviteur d’Ésaïe, en qui nous avons reconnu le Nouveau Moïse[note]doulos est une traduction normale du mot ’èvèd employé par Ésaïe, bien que la LXX ait choisi pais.[/note]. Pour ne rien dire de la mention des magiciens égyptiens s’opposant à Moïse (2 Tim 3.8), le grand contraste entre le ministère, mosaïque, de la lettre des commandements écrits sur des tables de pierre, et le ministère apostolique de l’Esprit, qui les écrit sur les cœurs (2 Cor 3.6-18), ressortit au thème
du nouvel exode. Paul sait aussi que le Christ est « notre Pâque » (1 Cor 5.7). Toutefois, nul ne contestera que le grand passage paulinien sur le nouvel exode soit l’admonition fort développée en 1 Corinthiens 10.1-13. Pour avertir les Corinthiens du danger de la participation aux banquets, plus ou moins cultuels, dans les temples païens, Paul tire les leçons des récits de l’Exode, et désigne les événements du temps de Moïse comme les types des réalités chrétiennes (v.6, tupoi). Il s’agit de montrer que les privilèges accordés par Dieu, si grands soient- ils, n’épargnent pas les châtiments, si manque l’obéissance de la foi. Pour faire ressortir la relation (a/A’ selon les symboles que nous avons introduits), l’apôtre nomme le type par le nom de l’antitype : baptisés pour Moïse (10.2), formule décalquée de « baptisés pour Christ ».[note]« Pour » traduit eis, comme il est très normal de traduire cette préposition Traduire « en, dans » n’a aucun sens dans le cas de Moïse ; le procédé-décalque de Paul montre que pour lui eis Christon, avec « baptiser », signifie « pour Christ », « par référence au Christ ».[/note]. La manne, nourriture « spirituelle » (10.3) — soit au sens de « surnaturelle », soit, plus probablement, au sens de « typologique, portant une signification spirituelle » — préfigurait la nourriture spirituelle dont parle Jean 6, et que le pain de la cène représente à son tour. C’est la traversée de la Mer des Roseaux qui préfigure le baptême, rupture avec le « monde ». Le type est double : « dans la nuée et dans la mer ». Or, la nuée est un symbole de l’Esprit.[note]Agg 2.5 : l’Esprit est « debout », forme du verbe ’àmad dont dérive le mot pour la colonne de la nuée dans l’Exode. En 2 Cor 3.17, il faut comprendre la présence du SEIGNEUR, avec qui s’entretenait Moïse et que concrétisait la colonne de nuée, Ex 33.9, comme l’Esprit. Je rejoins ici Meredith G. KLINE, Images of the Spirit, Baker, 1980, 15, qui renvoie à une dissertation de son fils (Meredith M.), et à J. LUZARRAGA, Las Tradiciones dela nube en la biblia y en el judaismo primitivo, Biblical Institute Press, 1973.[/note]
Il semble donc possible de comprendre que l’enveloppement double (et protecteur) des Israélites par la nuée et par la mer est type du double baptême de l’initiation chrétienne : d’abord dans l’Esprit, ensuite dans l’eau. On voit jusqu’où Paul pousse la typologie.

L’Épître aux Hébreux implique le nouvel exode dans son centre : l’interprétation typologique du rituel du Grand jour des expiations au tabernacle (Héb 9), bien que le sacerdoce du Christ soit selon Melchisédech et non pas selon Aaron ; l’association avec la pensée de l’exode, cependant, ne ressort pas immédiatement. Cette association est plus évidente en Hébreux 3, avec la comparaison de Moïse et de Jésus (3.1-6), et ensuite une exhortation qui met en œuvre la même stratégie que 1 Corinthiens 10 (stratégie qui se prolonge en Hébreux 6). Et l’on revient, très explicitement à la typologie avec le contraste des deux montagnes : du Sinaï de la loi à Sion, montagne et cité de la grâce (12.18-24).

L’Apocalypse, enfin, est un tel tissu de réminiscences vétéro-testamentaires que le thème du nouvel exode ne peut en être absent. Nous l’avons noté pour la femme au désert (12.14), et son sauvetage malgré le flot qui pourrait l’engloutir (12.15-17) fait penser au miracle de la mer. Les deux témoins, pendant la même période qui me semble représenter le temps de l’Église, produisent les miracles d’Élie et de Moïse (11.5s.) ; la meilleure interprétation (à mon avis) y voit le témoignage prophétique des chrétiens, sans cesse supprimé par la persécution et sans cesse ressuscité par l’Esprit du Seigneur. La manne est mentionnée (2.17), et le cantique nouveau que chantent les rachetés sur la mer de cristal (cf. Ex 24.10), est « le cantique de Moïse, le serviteur de Dieu, et de l’Agneau » (15.3). C’est la plénitude de la justice libératrice, dont l’exode hors du pays d’Égypte n’était qu’une figure, et de la présence bienveillante, que nous pouvons chanter, et chanterons dans l’éternité, à la gloire de Jésus, le Nouveau Moïse, le Serviteur, l’Agneau.
* * *
Le nouvel exode n’est que l’un des thèmes principaux par lesquels Dieu nous fait connaître l’œuvre de sa grâce dans l’histoire. Il suffit déjà pour nous faire goûter quelle symphonie les Écritures, mises par écrit par des gens si divers, constituent dans leur unité et leur diversité !

 

 

 

 

 

 

 


Le livre de l’Exode débute dans la noirceur et l’esclavage. Il se termine dans la gloire et la présence de l’Éternel. Dieu choisit une démarche progressive pour marquer sa différence et prendre le pas sur les Égyptiens. Les troisième et quatrième signes miraculeux, souvent appelés plaies, que Dieu accomplit pour délivrer son peuple d’Égypte, touchent la terre et le ciel. Dieu veut, à travers ces plaies, montrer
sa suprématie sur la terre et le ciel. Il veut que son peuple reconnaisse sa suprématie et sa supériorité sur tous les dieux de l’Égypte.
Aujourd’hui encore, le Dieu qui délivre, Jésus Christ, montre sa supériorité sur les dieux de ce monde avant de nous délivrer de l’esclavage du monde.
Pourquoi l’Éternel accomplit-il des signes (ou plaies) avant de délivrer son peuple ?

1. Pour montrer que la rébellion à son encontre entraîne une dé-création

Ordre Signe Dé-création (par rapport aux jours de Genèse 1)
1 Eau en sang Jour 2 – La terre et les mers
2 Les grenouilles Jour 5 – Les oiseaux, poissons et animaux
3 Les poux Jour 6 – Les animaux terrestres
4 Les mouches venimeuses Jour 5 – Les oiseaux, poissons et animaux
5 La mortalité du bétail Jour 6 – Les animaux terrestres
6 Les ulcères Jour 6 – Les animaux terrestres
7 La grêle Jour 3 – Les arbres et les végétaux
8 Les sauterelles Jour 3 – Les arbres et les végétaux
9 Les ténèbres Jour 1 – La lumière Jour 4 – Les luminaires
10 La mortalité des premiers nés Jour 6 – Les hommes

2. Pour montrer son existence et sa supériorité sur les dieux d’Égypte

Ordre Signe Dieux de l’Égypte
1 Eau en sang Hapi, dieu du Nil
2 Les grenouilles Héqet, déesse de la fertilité
3 Les poux Seb, dieu de la terre
4 Les mouches venimeuses Uatchit, le dieu des mouches
5 La mortalité du bétail Apis, le dieu des troupeaux
6 Les ulcères Sekhmet, la déesse de la maladie
7 La grêle Osiris, le dieu des récoltes
8 Les sauterelles Nut, la déesse du ciel
9 Les ténèbres Ra, le dieu du soleil
10 La mort des premiers nés Isis, la déesse protectrice des enfants

3. Pour montrer que nul n’est semblable à l’Éternel

Ordre Signe Parole de l’Éternel
1 Eau en sang « Ainsi parle l’Éternel : À ceci tu connaîtras que je suis l’Éternel. » (7.17)
2 Les grenouilles « Il en sera ainsi, afin que tu saches que nul n’est semblable à l’Éternel, notre Dieu. » (8.6)
3 Les poux
4 Les mouches venimeuses « … afin que tu saches que moi, l’Éternel, je suis au milieu de ce pays. » (8.18)
5 La mortalité du bétail
6 Les ulcères
7 La grêle « … afin que tu saches que nul n’est semblable à moi sur toute la terre. » (9.14)
8 Les sauterelles « C’est aussi pour que tu racontes à ton fils et au fils de ton fils comment j’ai traité les Égyptiens, et quels signes j’ai fait éclater au milieu d’eux. Et vous saurez que je suis l’Éternel. » (10.2)
9 Les ténèbres
10 La mortalité des premiers nés « L’Éternel dit à Moïse : Pharaon ne vous écoutera point, afin que mes miracles se multi- plient dans le pays d’Égypte. » (11.

4. Dieu est-il cruel ?

En observant toute la destruction et la douleur générées par ces signes, nous pouvons nous poser la question : le Dieu de la Bible est-il cruel ? Car certaines plaies causent beaucoup de morts. Or ces signes, qui semblent être des châtiments, sont en fait des lancers de bouées de sauvetage de la part d’un Dieu d’amour pour sauver des humains rebelles qui ne veulent pas de lui. Dieu n’est pas contre les Égyptiens. D’ailleurs, une multitude de non-Israélites se sont joints au peuple de Dieu, alors que la quasi-totalité des Israélites de naissance sont morts dans le désert…
Voici ce qu’il faut comprendre de ces 10 signes : Dieu va jusqu’au point de rupture pour attirer à lui les êtres humains. Dieu est le roi de l’univers, il a tout créé : il est le Seigneur de la terre et du ciel. Tout lui appartient. Il est plus grand que tout. Les êtres humains ne peuvent être heureux et réussir leur vie s’ils s’éloignent de ce pour quoi Dieu les a créés : être ses représentants sur terre dans toute sa création, la seule créature qui porte l’image de Dieu en lui. Dès que nous renions Dieu et ne réalisons plus sa grandeur et sa supériorité sur tout, nous ne pouvons plus le refléter de manière adéquate et n’accomplissons plus ce pour quoi nous avons été créés.
Aussi terribles que soient les plaies, elles ne sont rien, si on les compare à l’éternité. Ceux qui rejettent Dieu durant leur vie terrestre, n’ont pas Dieu durant leur vie, mais ils n’auront pas Dieu non plus après leur mort terrestre, durant l’éternité. La Bible dit qu’il sera trop tard pour aller à Dieu et devenir membre de son peuple après la mort. C’est seulement sur terre que l’on peut se reconnaître perdu et accepter sa grâce. L’enjeu est d’une importance capitale.
Les plaies ne sont pas aléatoires, elles sont un avant-goût de la vie qui n’a pas de sens sans Dieu. Ainsi, Dieu indique aux humains qu’il est essentiel de le reconnaître comme Dieu sur terre, sans quoi la vie n’est que destruction. Dieu veut toucher leur cœur pour qu’ils réalisent avant qu’il ne soit trop tard leur besoin de lui comme Dieu. C’est dans ce contexte-là qu’il libère son peuple. Les plaies sont donc à la fois un jugement sur ceux qui rejettent Dieu mais, aussi et surtout, une tentative de gagner tous les hommes pour qu’ils échappent à la destruction en devenant membres du peuple de Dieu.

5. Les poux

Lors du troisième signe (8.16-19), Moïse frappe la poussière avec son bâton et surviennent des poux. Le mot hébreu traduit par poux réfère à un insecte qui vole probablement et qui pique. On aurait pu traduire par moustique ou même tique. Il y en a partout ! Et parce que nous sommes probablement vers la fin de l’hiver[note]L’Exode eut lieu le 15e jour du mois de Nisan (Ex 12.2 cf. Est 3.7), durant le mois des épis (Ex 13.4). L’épiaison du blé en Israël se produit au cours les mois de mars et d’avril. Les neuf premières plaies se sont de toute évidence déroulées avant le mois de Nissan, pendant la période la plus fraîche de l’année en Égypte.[/note], les moustiques recherchaient des endroits chauds, et s’introduisaient dans les maisons…
Une phrase dite par Moïse doit retenir notre attention. En effet, il précise que les magiciens égyptiens ne purent imiter la plaie des moustiques (8.14). Parce que, sans Dieu, on peut tenter d’imiter certaines choses, mais bien vite, il devient manifeste que l’on en est incapable. Les magiciens égyptiens ont pu reproduire l’eau en sang et les grenouilles (7.22 ; 8.3). Satan a une certaine puissance, mais son action est limitée par Dieu (voir Job 1.6-12). Le diable a toujours cherché à imiter Dieu, mais il ne peut sauver, il ne peut que détruire. Dès maintenant et à partir de la troisième plaie, plus jamais les magiciens d’Égypte ne pourront imiter ce que Dieu fait. L’auteur pointe ainsi sur notre besoin de Dieu : personne autre que lui ne peut régner sur l’univers et personne ne peut l’imiter.
Les magiciens reconnaissent eux- mêmes qu’ils ne peuvent imiter Dieu et disent que c’est son doigt (8.15). C’était une façon de reconnaître que ce qui arrivait venait de Dieu. De manière surprenante, le fait que personne ne peut accomplir ce que Dieu fait, n’a pas été suffisant pour que les magiciens l’acceptent comme roi et comme Dieu. Le cœur humain ne veut pas de Dieu et ne veut pas de roi. Or, comme personne ne peut sauver les humains sauf Dieu, Dieu essaie de leur parler.

6. Les mouches venimeuses

Le quatrième signe est celui des mouches venimeuses (8.20-24). Le mot hébreu traduit par mouche réfère à un insecte volant beaucoup plus gros que celui de la plaie précédente. Ici, il y a une particularité. Pour la première fois, il est mentionné que Dieu fait une différence entre son peuple et ceux qui n’en font pas partie, dans ce contexte, les Égyptiens. Cela amène deux questions :

  • Pourquoi Dieu ne faisait-il pas de distinction entre les Égyptiens et son peuple pour les trois premières plaies? Il y a au moins deux réponses possibles, me semble-t-il. Je crois que ce n’est pas parce que le texte ne le mentionne pas que Dieu ne faisait pas de différence. Cela pourrait aussi être parce que dans ce monde présent qui est brisé par le péché, nous sommes souvent affectés par les conséquences des péchés des autres. C’est pour cela que, tôt ou tard, puisque Dieu est juste, il devra détruire ce monde et en créer un nouveau où il n’y aura plus de péché et plus d’injustice
  • La deuxième question est : Pourquoi Dieu fait-il une distinction entre son peuple et les Égyptiens à partir de la quatrième plaie ? Parce que, bien que les croyants vivent dans la souffrance ici-bas, ils vivent un avant- goût de leur vie éternelle avec Dieu et sont préservés de bien des conséquences d’une vie sans Le ciel est invisible, mais il n’est pas si loin de nous. C’est par la foi en Jésus que l’on peut y aller.

Puis, Dieu tient parole et enlève toutes les mouches (8.31). Il n’en reste pas une. Le Pharaon ne laisse pas aller le peuple et lui propose de faire des sacrifices pour Dieu en Égypte, mais Moïse refuse. N’est-ce pas étonnant que Moïse refuse d’offrir les sacrifices en Égypte comme l’a proposé le Pharaon ? Sur terre, Dieu a appelé son peuple à vivre à part des autres nations. Dans l’Ancien Testament, c’est à travers la constitution d’une nation. Dans le Nouveau Testament, c’est à travers la constitution de l’Église. Dans les deux cas, il devait y avoir une distinction claire entre ceux qui font partie du peuple de Dieu et ceux qui n’en sont pas. Tous étaient invités à devenir membres d’Israël, mais il n’y avait aucun flou entre ceux qui faisaient partie d’Israël et ceux qui n’en faisaient pas partie. Dieu donne le même enseignement dans le Nouveau Testament. Tous sont invités à faire partie de l’Église mais veillons à ce qu’il n’y ait aucun flou entre ceux qui en font partie et ceux qui n’en font pas partie. Pour ceux qui ont mis leur foi en Jésus et lui ont donné leur vie, le baptême est la manière visible d’entrer dans l’Église (ce n’est pas ce qui sauve, mais un symbole). Le repas du Seigneur est le signe qui identifie ceux qui sont membres du peuple de Dieu. Le peuple de Dieu a toujours été ouvert mais ne doit jamais être flou. Moïse avait raison de dire qu’ils se feraient lapider s’ils essayaient de vivre pour Dieu en Égypte. Vivre pour Dieu et vivre sans Dieu sont deux choses mutuellement exclusives et irréconciliables.

En conclusion, Dieu règne sur toute chose ici-bas, nous avons donc besoin de nous confier en lui en toute chose car il est le Seigneur de la terre et du ciel. L’action de Dieu est toujours à la fois une action de vie pour son peuple ou de jugement pour ceux qui rejettent Dieu. Et n’oublions pas que le peuple de Dieu est une réalité qui doit être visible !

 


15 Le roi d’Égypte dit aux sages-femmes des Hébreux, dont l’une s’appelait Chifra et l’autre Poua :
16 « Quand vous aiderez les femmes des Hébreux à accoucher, regardez bien l’enfant qui naît : si c’est un garçon, tuez-le, si c’est une fille, laissez-la vivre. »
17 Mais les sages-femmes respectaient Dieu ; elles n’obéirent pas au roi d’Égypte et laissèrent vivre les garçons.
18 Le roi les convoqua et leur dit : « Pourquoi agissez-vous ainsi ? Pourquoi laissez-vous vivre les garçons ? »
19 Les sages-femmes dirent au pharaon : « Les femmes des Hébreux ne sont pas comme les Égyptiennes. Elles sont vigoureuses et mettent leurs enfants au monde avant l’arrivée de la sage-femme. »
20 Dieu fit que les sages-femmes soient habiles. Ainsi les Israélites devinrent de plus en plus nombreux et vraiment puissants.
21 Et parce que les sages-femmes avaient reconnu l’autorité de Dieu, il leur donna une descendance.
22 Alors le pharaon ordonna à tout son peuple : « Jetez dans le Nil tout garçon hébreu nouveau-né ! Ne laissez en vie que les filles ! »

L’édit de Pharaon

Le verset 15 présente une étrange juxtaposition: d’une part, le roi d’Égypte, dont le nom n’est même pas mentionné ; d’autre part, deux sages-femmes modestes dont les noms sont conservés pour toujours : Schiphra et Pua. Tout au long de l’épreuve du peuple d’Israël en Égypte, Pharaon n’est jamais nommé ; il n’est qu’un instrument dans la main du Seigneur pour sa gloire. Mais ces deux femmes sont nommées afin que nous puissions nous souvenir d’elles pour toujours.
Schiphra et Pua n’étaient probablement pas les seules sages-femmes de tout le peuple d’Israël. La tâche aurait été trop lourde face à toutes les naissances ; elles étaient sans doute deux des sages-femmes en chef. Elles ont reçu un ordre de Pharaon lui-même : « Quand vous accoucherez les femmes des Hébreux et que vous les verrez sur les sièges, si c’est un garçon, faites-le mourir; si c’est une fille, laissez-la vivre » (1.16).  Pourquoi tuer les bébés mâles qui fourniraient la main d’œuvre pour construire des villes et des pyramides ? Un contrôle des naissances efficace aurait plutôt conduit à tuer les filles. Mais Pharaon voulait avant tout éliminer des soldats potentiels (cf. 1.10).

Il est probable que plusieurs années se soient écoulées entre l’ordre du verset 16 et la comparution des sages- femmes devant Pharaon (1.18). Son plan d’élimination souterrain des garçons israélites avait
tourné court : beaucoup de garçons israélites étaient vivants.

Un mensonge acceptable ?

Pharaon fit donc revenir Schiphra et Pua et leur adressa la question qu’elles avaient peut-être longtemps craint qu’on leur pose : « Pourquoi avez-vous laissé vivre les garçons ? »
L’hébreu de leur réponse est difficile à traduire. Elles semblaient dire que les femmes israélites étaient plus vigoureuses que les femmes égyptiennes, qu’elles étaient trop actives, de sorte que les sages-femmes n’arrivaient pas avant l’accouchement.
C’était peut-être partiellement vrai. Mais c’était aussi certainement une dissimulation trompeuse, une sorte de mensonge à Pharaon. Cela soulève la question : ont-elles eu tort de mentir ? L’exemple classique est celui des nazis pendant la Seconde Guerre mondiale qui demandaient : « Cachez- vous des Juifs ? » Quelle était la bonne réponse à donner? Préserver leur vie en mentant? Était-il obligatoire de dire la vérité à l’officier nazi ? Schiphra et Pua étaient-elles obligées de dire la vérité ? En répondant une demi-vérité (au mieux), ont-elles commis un péché ?
Calvin, comme beaucoup d’autres commentateurs, pensait que Schiphra et Pua avaient péché : « Dans la réponse des sages-femmes, deux vices sont à observer, puisqu’elles n’ont pas confessé leur piété avec franchise, et, ce qui est pire, s’en sont tirées par le mensonge. » Calvin poursuit en disant que ce n’est qu’à cause de l’indulgence paternelle de Dieu qu’il est passé par- dessus leur iniquité et les a néanmoins récompensées pour leur foi.
Mais je ne trouve dans le texte aucune indication qu’elles aient fait quoi que ce soit de blâmable. De fait, ce qui ressort de ce texte est qu’elles doivent être loués pour leurs actions :

  • Leur nom est donné, afin qu’on se souvienne d’elles comme des héroïnes de l’histoire d’Israël (1.15).
  • Il est noté qu’elles craignaient Dieu (1.17).
  • « Dieu leur fit du bien» (1.20)
  • Dieu leur donna des familles (1.21).

Ces quatre versets déclarent explicitement que Dieu était satisfait.
Les théologiens distinguent trois types de mensonges :

  1. Le mensonge malveillant sert à son propre intérêt et à nuire à son Il est toujours mauvais.
  2. Le mensonge humoristique consiste à plaisanter ou à Il peut être bon ou mauvais, selon le contexte. Par exemple, ce n’est pas un péché d’organiser une fête d’anniversaire surprise. D’un autre côté, il peut y avoir des blagues ou des plaisanteries qui, même si elles ne visent qu’à s’amuser, sont néanmoins nuisibles. Proverbes 26.18- 19 avertit : « Comme un furieux qui lance des flammes, des flèches et la mort, ainsi est un homme qui trompe son prochain, et qui dit : N’était-ce pas pour plaisanter ? » L’image est claire : une blague peut blesser profondément.
  3. Le troisième type est celui qui prête à controverse : le mensonge de nécessité. Est-il parfois approprié de mentir pour servir et protéger son prochain ?
    Je ne parle pas ici d’un mensonge qui ne fait qu’arranger les choses, comme celui d’Abraham et d’Isaac dans la Genèse. L’un et l’autre ont peur qu’Abimélec les tue s’il sait que les très belles femmes qui sont avec eux sont leurs épouses. Alors ils les font passer pour leurs sœurs afin qu’on les laisse tranquilles. C’est un mauvais mensonge, qui vise simplement à rendre les choses plus faciles pour eux. Pire, il met leurs femmes en grand danger, par leur lâcheté. Je soutiens cependant (avec beaucoup d’autres) que, dans des circonstances extrêmes, il est approprié de mentir, comme l’ont fait les sages-femmes[note]NDLR : Pour un autre avis que celui de l’auteur concernant le droit de mentir dans le cadre d’une situation extrême, nous renvoyons le lecteur au livre du Dr. Daniel Arnold, Vivre l’éthique de Dieu. L’amour et la justice au quotidien, La Maison de la Bible, 2020, chapitre Est-il parfois juste de mentir ?, p. 321-329.[/note].

Le neuvième commandement dit explicitement : « Tu ne porteras pas de faux témoignage » (20.16). Le contexte implicite est celui d’un tribunal, où, à cause de votre calomnie et de votre intention malveillante, vous infligez à quelqu’un d’autre une punition qu’il ne mérite peut- être pas entièrement.

Les sages-femmes sont louées dans ce passage — tout comme Rahab, plus tard, est louée comme une femme de foi, lorsqu’elle a caché les espions à Jéricho (Héb 11.31). Tout dans ces versets nous amène à la conclusion que l’action des sages-femmes était juste parce qu’elles craignaient le Seigneur.

La bénédiction de Dieu et les circonstances difficiles

Dieu bénit Israël : « Le peuple multiplia et devint très nombreux » (1.20b). Pharaon ne comprend pas :

● Tout d’abord, il a voulu faire travailler très dur les Israélites pour les éliminer. Mais ils ont continué à se multiplier.
● Il a ensuite demandé aux sages- femmes de l’aider à les éliminer. Mais ils se sont toujours multipliés. Dieu les a bénis malgré les plans de Pharaon, car il avait promis : « Je bénirai ceux qui te béniront, et je maudirai ceux qui te maudiront » (Gen 12.3).

Pharaon va découvrir à ses dépens que Dieu tient ses promesses.
La bénédiction ne se multiplie pas seulement pour Israël. Elle se multiplie également pour les sages-femmes. La plupart étaient des femmes âgées qui n’avaient jamais eu de famille. Maintenant, elles ont leur propre descendance.
Les bénédictions augmentent, mais les circonstances difficiles aussi. Pharaon passe à la troisième phase de son plan: « Vous jetterez dans le fleuve tout garçon qui naîtra » (1.22).
Ce n’est sûrement pas une coïncidence si la première plaie qui s’est abattue sur l’Égypte a été de transformer le Nil en sang : « Vous voulez un fleuve de sang ? », demande le Seigneur. « Je vous le donnerai. » Dieu a une façon de donner à ses ennemis ce qu’ils veulent d’une manière qu’ils ne veulent pas.

Qui craignez-vous ?

Des deux côtés, il y a de la crainte : les sages-femmes craignent Dieu. Pharaon craint le peuple.
Nos vies sont marquées par la crainte : d’être malade, de rester seul, de perdre un être cher, de décevoir… Vous pouvez craindre les étrangers, la foule, l’inconnu, la mort… Or la Bible dit que la façon la plus intelligente de mener sa vie est de craindre Dieu. C’est le commencement de la sagesse (Prov 9.10).
Que signifie craindre Dieu ? Voici quelques exemples :

● Juste avant de porter la main sur Isaac, l’ange de l’Éternel dit à Abraham : « Je sais maintenant que tu crains Dieu, et que tu ne m’as pas refusé ton fils, ton unique » (Gen 22.12). En d’autres termes, Dieu lui dit : « Tu as considéré que l’obéissance à Dieu était plus importante que ton propre sentiment de sécurité et de bien-être. »
● Lorsque Joseph a voulu convaincre ses frères qu’il disait la vérité et qu’ils devaient laisser un de leurs frères derrière eux, il les a rassurés en disant : « Faites ceci, et vous vivrez. Je crains Dieu ! » (Gen 42.18). En d’autres termes : « Vous pouvez me faire confiance, car je sais que je devrai rendre des comptes à Dieu. »
● Jéthro (le beau-père de Moïse) lui conseillera plus tard : « Choisis parmi tout le peuple des hommes capables, craignant Dieu, des hommes intègres, ennemis de la cupidité » (Ex 21).

Craindre Dieu, c’est être honnête et intègre, parce que vous savez que Dieu vous regarde, même s’il n’y a personne d’autre. C’est croire qu’il y a un Dieu, et qu’il est très intéressé par ce que vous faites. Lorsque nous craignons Dieu, la présence et les plans de Dieu ont plus de poids pour nous que le monde, la chair et le diable.
La crainte de Dieu n’est pas une peur servile, comme si Dieu pouvait nous détester et nous condamner, même si nous sommes ses enfants et que nous avons mis notre foi en Christ. Ce genre de peur ne peut être chassé que par la foi en Jésus (1 Jean 4.18). Mais pour ceux qui suivent le Christ, il existe une saine crainte d’un Dieu saint. Beaucoup de soi-disant chrétiens vivent dans la pratique comme des athées, vaquant à leurs occupations comme si Dieu n’existait pas, comme s’il ne leur avait fait aucune promesse, et comme s’ils n’avaient rien à craindre de son jugement ou de sa discipline.
Vivez-vous votre vie comme si Dieu existait vraiment ? Les sages-femmes l’ont fait. Elles auraient pu craindre la majorité, car même si les Israélites se multipliaient, ils étaient toujours un peuple étranger dans un pays étranger — un peuple isolé au sein de la culture égyptienne majoritaire. En tant que croyants, nous appartenons à une minorité. Parce que nous croyons en la Bible, que nous aimons Jésus et que nous sommes ses disciples, nous allons croire certaines choses que le reste du monde trouve absolument folles.
Ces femmes auraient pu craindre pour leur vie et leurs moyens de subsistance. Elles avaient beaucoup à perdre : leur travail, leur famille, leur sécurité — jusqu’à leur tête ! Dans le monde antique, seul le peuple juif a interdit l’avortement et l’infanticide. L’infanticide n’a été définitivement proscrit que lorsque le christianisme a pris une place dominante dans l’Empire romain, 1 500 à 2 000 ans plus tard. Les chrétiens et les personnes de tradition judéo-chrétienne se sont toujours opposés au meurtre des enfants, que ce soit à l’extérieur ou à l’intérieur de l’utérus. La constitution de l’Église du 1er siècle disait : « Tu ne tueras pas d’enfants par avortement ou après la naissance. »[note]NDLR : La Didachè, Enseignement des douze apôtres, Second commandement de l’enseignement, http://www.patristique.org/ sites/patristique.org/IMG/pdf/Didache.pdf, consulté le 04.2022. La rédaction de ce document semble être datée, pour les couches rédactionnelles les plus anciennes, de la fin du 1er ou du début du 2e siècle.[/note]

Laissons le verset 17 pénétrer dans nos cœurs : « Mais les sages-femmes craignirent Dieu. » D’un côté, il y avait leur travail, la sécurité, le prestige et la vie même. De l’autre côté, il y avait l’incertitude, la souffrance probable et la mort potentielle. Qu’auriez-vous choisi ? Une saine crainte a fait pencher la balance.
Qu’est-ce qui a de l’influence sur vous ? La couverture d’un magazine ? Ce que tout le monde autour de vous semble dire ? Pour Schiphra et Pua, c’était la crainte de Dieu et la révérence envers son saint nom. Pour amener les gens à le craindre, Dieu doit parfois employer la manière forte.
Dans l’un des livres les plus marquants que j’ai lu, David Wells écrit : « Le problème fondamental du monde évangélique d’aujourd’hui est que la présence de Dieu dans l’Église n’a pas de conséquence. Sa vérité est trop lointaine, sa grâce est trop ordinaire, son jugement est trop bienveillant, son évangile est trop facile et son Christ est trop commun. »[note]David Wells, God in the Wasteland: The Reality of Truth in a World of Fading Dreams [Dieu au Désert : La Réalité de la Vérité dans un Monde de Rêves Évanescents], Grand Rapids : Eerdmans, 1994, p. 30.[/note]

Comment est votre Dieu ? Toute personne qui a eu un père vraiment bon et pieux le comprend. L’autorité du père n’était pas prise à la légère. Si vous aviez mal agi, vous aviez peur qu’il rentre à la maison parce qu’il y avait une discipline à venir. Pourtant, en même temps, vous saviez que vous pouviez courir dans ses bras, parce qu’il était votre père et qu’il vous aimait. Ces deux côtés — l’amour de Dieu et la crainte de Dieu — doivent être au premier plan dans nos cœurs, nos têtes et nos affections, sinon nous aurons un Dieu dont la présence dans l’Église n’a pas de conséquence.
Devons-nous craindre Dieu? Ou bien avons-nous recréé un dieu à notre image — un dieu de l’approbation inconditionnelle, qui se contente de donner une tape dans le dos en disant : « C’est bien, bravo ! » ? Ce dieu ne ressemble pas au Dieu que Pharaon va rencontrer dans toute sa puissance souveraine. Ce Dieu a conduit Schiphra et Pua à dire non à l’homme le plus puissant du monde. Ce que vous croyez et la façon dont vous vivez sont largement façonnés par ceux que vous craignez.
Dieu est un bien meilleur maître que Pharaon. Son service est bien meilleur que l’esclavage que le monde peut offrir. Vous n’êtes pas obligé d’épouser l’esprit du temps. Vous pouvez arrêter d’être centré sur vous-même. Vous pouvez adopter un code moral qui repose sur l’autorité divine au lieu de vous vouloir simplement authentique. La bonne nouvelle est que le Dieu que nous craignons est le Dieu qui chassera la peur. Le Dieu d’une présence sainte est aussi le Dieu que nous voulons à nos côtés. Le Dieu qui est assez fort pour juger est aussi assez doux pour pardonner si vous venez, vous inclinez, vous soumettez et craignez. L’histoire de l’Exode est l’histoire de votre vie : il n’y a pas de liberté durable sans la crainte de Dieu.


Il est important de rappeler que l’Exode fait partie d’une même œuvre littéraire composée des cinq premiers livres de la Bible, également appelée le Livre de Moïse, la Torah, mais plus fréquemment le Pentateuque. La place manque pour traiter dans le détail, les nombreuses questions concernant l’auteur et la date de l’Exode, par conséquent, ce qui suit, relève de l’option de l’auteur de cet article. Plusieurs affirmations internes à l’Exode attribuent directement la rédaction à Moïse sans pour autant éliminer des mises à jour ultérieures et l’utilisation d’autres sources. Moïse est appelé par Dieu à consigner sur un parchemin l’épisode de la victoire d’Israël sur Amalec (17.14). Il transcrit également les dix commandements (34.4,27-29). Le texte affirme que « Moïse écrivit toutes les paroles de l’Éternel » (24.4). De surcroît, plusieurs auteurs du N.T. soutiennent également la paternité mosaïque du livre de l’Exode. Marc 12.26 situe Exode 3.6 dans « Le livre de Moïse » (voir également Luc 2.22-23, 20.37 ; Marc 7.10 ; Jean 5.46-47).

De même, la date de l’Exode remontant au XVe siècle avant J.-C. nous semble la plus probable et repose sur deux textes : (1) la déclaration de 1 Rois 6.1 selon laquelle il s’est écoulé 480 ans depuis l’Exode jusqu’à la quatrième année de Salomon (qui elle-même peut être fixée à 967 avant J.-C.) et (2) la donnée selon laquelle 300 ans (Jug 11.26) se sont écoulés depuis l’entrée d’Israël dans le pays de Canaan jusqu’au début du règne du juge Jephté même en admettant que ce chiffre soit arrondi. Les deux textes fixeraient l’Exode à environ 1446 avant J.-C.

Lorsque Jésus a dit : « il fallait que s’accomplisse tout ce qui est écrit de moi dans la loi de Moïse, dans les prophètes, et dans les psaumes » (Luc 24.44), il se servait de la division juive des Écritures en trois parties : la Loi, les Prophètes et les Écrits. La Loi est la première grande section de l’Ancien Testament et la continuité entre les cinq livres qui la composent est évidente, en particulier entre la Genèse et l’Exode. Le livre de la Genèse termine en rappelant les noms des fils d’Israël qui sont venus en Égypte (46.8) et en relatant la mort de Joseph (50.26). Or, presque mot pour mot, le livre de l’Exode commence en soulignant ces deux mêmes faits (1.1, 1.6).

Cependant, environ 400 ans se sont écoulés entre les deux livres et, dans l’intervalle, la situation des israélites a changé dramatiquement. À la fin de la Genèse, Israël jouissait du regard favorable du Pharaon. Par des circonstances douloureuses et imprévisibles, Dieu avait providentiellement élevé Joseph pour devenir le bras droit du Pharaon et ainsi sauver la vie d’Israël : « Vous aviez formé le projet de me faire du mal, Dieu l’a transformé en bien, pour accomplir ce qui arrive aujourd’hui et pour sauver la vie d’un peuple nombreux » (Gen 50.20.[note]Les citations sont tirées de la Bible Segond révisée 1978, dite « à la colombe ».[/note])

Cette délivrance se situe dans le contexte de l’auto-révélation progressive de Dieu et en particulier du développement du projet de Dieu, à savoir le plan du salut et l’histoire de la rédemption.
Souvenons-nous de la promesse de Dieu faite à Abraham : « L’Éternel dit à Abram : Va-t’en de ton pays, de ta patrie et de la maison de ton père, vers le pays que je te montrerai. Je ferai de toi une grande nation et je te bénirai ; je rendrai ton nom grand. Deviens donc (une source) de bénédiction. Je bénirai ceux qui te béniront, je maudirai celui qui te maudira. Toutes les familles de la terre seront bénies en toi » (Gen 12.1-3).

Cette promesse de bénédiction concerne :

  • une descendance,
  • un pays ou un héritage,
  • une bénédiction pour toutes les nations

Le Pentateuque nous apprend que la descendance est assurée ; il ne reste plus que l’héritage à posséder (le pays de Canaan) et la bénédiction pour toutes les nations à réaliser. Le livre de Josué nous raconte l’histoire et la conquête du pays de Canaan et les prémices de la bénédiction des nations par la conversion de Rahab. Cette promesse de bénédiction pour Abraham est un symbole, une préfiguration de ce que Dieu va faire par la suite avec la venue de Jésus-Christ :

Promesses

A.T. N.T.

(Galates 3.26-29)

Une descendance Pentateuque Tous fils d’Abraham
Un pays, un héritage Josué Tous héritiers selon la promesse
Toutes les nations Caleb, Rahab, Ruth… Tous un : Juifs et Grecs

Cela nous ramène à l’Exode. L’accueil favorable de l’Égypte envers Israël, relaté dans la Genèse, s’est transformé en méfiance et oppression dès le début du livre de l’Exode. Le Pharaon de l’époque n’avait aucun souvenir du bien que Joseph avait fait, et a condamné le peuple à l’esclavage.
Malgré cela, le peuple est vigoureux et s’accroît, ce qui provoque la colère des Égyptiens qui les assujettissent à des travaux plus pénibles. Finalement, pour empêcher la croissance du peuple Pharaon ordonne le massacre de tous les garçons par noyade dans le Nil.
Alors, comment comprendre les promesses de Dieu faites à Abraham ? La descendance est en train d’être décimée, l’héritage que Dieu avait promis semble inaccessible, et la bénédiction qu’Israël devait être pour toutes les nations relève de l’illusoire. Dieu semble silencieux ! Aucune explication ne nous est donnée pour ce silence, et il serait imprudent de conclure qu’il est la conséquence du péché d’Israël. La seule mention de Dieu dans le premier chapitre du livre concerne son regard favorable sur les sages-femmes qui laissent vivre les garçons, alors que d’autres seront par la suite massacrés. Dieu n’est explicitement mentionné ni dans le récit de la naissance de Moïse, ni dans celui où Moïse tue un Égyptien. Ce n’est qu’à la fin du chapitre 2, bien longtemps après tous ces événements que Dieu entend les cris de son peuple et entame la prochaine étape de son plan de rédemption.
« Longtemps après, le roi d’Égypte mourut, et les Israélïtes gémissaient encore sous la servitude et poussaient des cris. Leur appel du sein de la servitude monta jusqu’à Dieu. Dieu entendit leurs soupirs. Dieu se souvint de son alliance avec Abraham, Isaac et Jacob. Dieu regarda les israélites et Dieu prit conscience de (leur situation) » (2.23-25).

Ce regard bienveillant de Dieu sur son peuple nous introduit à la théologie du livre qui est certainement parmi les plus riches de tout l’Ancien Testament. Sans conteste, ce qui fait partie de ces richesses particulièrement significatives est l’auto-révélation de Dieu : il parle face à face avec Moïse, lui révèle son nom, approfondit et clarifie la notion de la rédemption et du sacrifice, intervient miraculeusement pour libérer son peuple de l’esclavage en Égypte, écrit de sa main la loi sur les tablettes de pierre, communique les termes de l’alliance, donne les consignes pour la construction du Tabernacle et l’instauration de la prêtrise. Ce livre nous fait faire des bonds en avant dans l’auto-révélation de Dieu et de son projet de salut.
Proposer un plan du livre est nécessairement une tâche difficile même si, dans l’ensemble, il y a une assez grande concordance entre les approches.

Nous préconisons la répartition suivante du livre :

  1. Dieu rachète son peuple : Israël est libéré de l’esclavage en Égypte (1-18)
  2. Dieu donne sa loi au peuple : Israël ratifie l’alliance avec Dieu (19-24)
  3. Dieu doit être adoré par son peuple : Israël et la construction du Tabernacle (25-40)

Ce livre nous rappelle du début jusqu’à la fin, le rôle prééminent de Dieu. Il est le grand initiateur du projet de salut et lui seul doit être l’objet de notre adoration.
Cependant, est-il nécessaire de rappeler que les symboles et les cérémonies seront voués à l’obsolescence ? car ils vont céder le pas au rédempteur suprême, au souverain sacrificateur suprême, à la nouvelle alliance et au temple ultime, Jésus-Christ lui-même. ■

 

 

 


Ce peuple avait crû de manière exponentielle (Exode 1.7). Il se trouvait désormais esclave et dans une grande détresse. La charge de travail exigée par le Pharaon était inhumaine (5.18). Il n’y avait objectivement aucun espoir pour Israël !
Stéphane s’est converti il y a quelques années. Au fond d’une cave, abandonné et trompé par sa femme, sans le sou, il a crié à Dieu. Dans sa situation, il n’y avait objectivement aucun espoir !
Mais Dieu, dans sa grâce, n’allait pas laisser ce peuple périr. Celui qui s’était révélé aux patriarches comme le Tout-puissant (6.3) suscite un libérateur pour sortir son peuple de l’esclavage et le conduire dans son nouveau pays. Sauvé de la destruction par le sang d’un substitut, Israël sera l’objet des soins constants de Dieu (Deut 1.7) qui veillera à le diriger, à le nourrir, à lui donner un code de conduite et un lieu de rencontre. Car en finalité, ce peuple — le moindre des peuples — ne devait-il pas se conduire d’une manière différente et démontrer la gloire de Dieu ?
Aujourd’hui, Stéphane témoigne des soins de Dieu tout au long de son parcours, malgré sa rébellion, ses péchés et son aveuglement. Transformé par la puissance du Saint-Esprit, ses proches ont vu son caractère changer petit à petit et s’en étonnent. Petit à petit, la gloire de Dieu est à nouveau reflétée au travers de sa vie. Sauvé par la grâce et la foi en Jésus-Christ, il s’engage désormais dans une église.
La magnifique histoire de la rédemption apparaît au travers de ce livre de l’Exode et pointe déjà vers Christ, le parfait libérateur. Dieu s’attache ainsi un peuple pour qu’il devienne une nation sainte (19.6) et un canal de bénédiction pour les autres nations (Gen 12.3). Quel puissant exemple pour nous ! C’est une joie de partager avec vous et en collaboration avec Évangile 21 ce nouveau numéro de Promesses sur un livre biblique. Nous remercions les auteurs, conférenciers et responsables d’Évangile 21 pour cette collaboration.


Étendant la main sur ses disciples, [Jésus] dit : Voici ma mère et mes frères (Mat 12.49).

Un jour, la mère et les frères de Jésus le font appeler pour qu’il les rejoigne, à l’écart de la foule qu’il enseigne.
Jésus répond par un geste et une parole :

  • « Étendant sa main sur ses disciples… » : ce geste ressemble à celui d’un chef d’orchestre au moment des applaudissements à la fin d’un concert ; il étend son bras successivement vers plusieurs musiciens ou solistes. Par ce geste il les honore, il valorise leur contribution au concert, il se montre fier et heureux d’être leur chef. En étendant sa main, Jésus désigne et honore publiquement ceux qui comptent le plus pour lui : ses disciples.
  • « Quiconque fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux, celui-là est mon frère, et ma sœur, et ma mère » (v.50). Pour Jésus, ses disciples ne sont pas que des collaborateurs, des assistants. Ils sont ses véritables proches ; ils sont unis par un lien intime d’affection et de confiance, ils partagent leur quotidien. En disant « quiconque », il nous offre aussi le même honneur : nous regarder et nous présenter comme ses proches.

Cet épisode touchant révèle la nature profonde de la relation disciple-maître : le disciple est déterminé à faire la volonté du Père ; le maître considère son disciple comme son vrai proche, son ami, son confident.
Quel honneur pour nous, disciples ; quel exemple pour nous, formateurs de disciples !