PROMESSES
Depuis que la Révolution française (et toutes celles qui lui ont emboîté le pas) a haussé l’égalité au rang de valeur laïque absolue, les humanistes ont eu l’occasion de découvrir que dure était la traduction dans les faits de cette belle idée. Certains individus « plus égaux » que les autres n’ont pas attendu pour imposer leurs lois et leurs ambitions totalitaires au nom de l’égalité. Les désastres des utopies égalitaristes ont forcé les penseurs à nuancer le concept d’égalité, de manière à limiter son application abusive. Ils ont dû faire de même pour les concepts de liberté, de justice sociale, de bonheur du genre humain, etc.
D’un point de vue biblique, l’égalité de chaque être humain devant Dieu ne fait aucun doute : tous sont issus du même sang, tous sont affectés par le péché originel, tous sont pourtant aimés de Dieu, tous sont appelés à revenir à leur Créateur et à se laisser sauver par lui, en Jésus-Christ. Car, chose bouleversante, Dieu, dans sa suprématie universelle, n’aspire pas à écraser l’homme rebelle, mais à parvenir à une communion d’amour avec ses enfants d’adoption, jusqu’à les rendre semblables à lui (1 Jean 3.1-2).
Pour nous chrétiens, vivre en tenant compte de cette égalité-là ne manque pas de poser des problèmes d’application, surtout dans nos relations interpersonnelles. Mais la Bible nous éclaire. Gardons-nous d’aborder l’égalité à la manière de Satan. C’est la voie de l’orgueil revendicateur, violent et stérile : « Je monterai sur les sommets des nues, je serai semblable au Très-Haut ! » (És 14.14)
Le modèle pour vivre l’égalité est en Christ. C’est la voie de l’humilité, de la soumission volontaire et aimante, qui mène à la vie véritable : « Ayez en vous la pensée qui était en Christ-Jésus : lui dont la condition était celle de Dieu, il n’a pas considéré comme une proie à arracher d’être égal avec Dieu, mais il s’est dépouillé lui-même, en prenant la condition d’esclave, en devenant semblable aux hommes ; après s’être trouvé dans la situation d’un homme, il s’est humilié lui-même en devenant obéissant jusqu’à la mort, la mort sur la croix. C’est pourquoi Dieu l’a souverainement élevé… » (Phil 2.5-9a ; cf. v. 3-5 ; Jean 1.1-3 ; 5.17 et ss.)
C’est en regardant au Maître que réside la vraie révolution dans l’approche de l’égalité au quotidien, dans le renouvellement de notre mentalité.
Si Dieu existe, où et comment le rejoindre ? À cette question universelle, chaque religion donne sa réponse. La recette tient en deux directives :
– mets-toi dans des dispositions de cœur convenables,
– fais les gestes convenables.
D’où, d’une part, toutes les formes d’ascèse, de purification intérieure ; et, d’autre part, les rites et les cérémonies.
Néanmoins, on constate une dérive très fréquence : le processus de purification intérieure étant souvent jugé trop fastidieux — et incertain quant à ses résultats — l’homme religieux se rabat sur sa piété extérieure, ses gestes rituels, ses récitations et ses offrandes, pour se gagner la faveur divine. C’est plus facile. Mais dans ce processus, il voit sa motivation première disparaître, si du moins il visait réellement à un rapprochement avec Dieu (ou avec les dieux jugés les plus propices). Il en arrive à une forme de service religieux minimal, parfois émotionnel en surface, mais vide de sens et de force.
Le livre du Lévitique, rempli d’ordonnances rituelles et de prescriptions à l’intention de tous les Israélites désireux de s’approcher de leur Dieu, serait-il un encouragement à une forme de religion ritualiste ? Beaucoup de lecteurs pressés survolent ces pages avec cette impression. Sans se rendre compte que si c’est le seul vrai Dieu qui s’exprime ici, nous ne sommes plus en présence d’une religion de l’intuition (et de la médiocrité) humaine, mais d’une révélation divine sans faille, entièrement profitable à celui qui en saisit l’intention.
Toutefois, il sera nécessaire de placer ce livre dans la perspective de toute la Bible, et de l’histoire du salut. Ce qui requiert un peu de persévérance dans l’étude, et l’éclairage du Saint-Esprit. Il en va du Lévitique comme de toutes les pages de l’Ancien Testament, et de la « Loi » en particulier : ces ordonnances nous sont données provisoirement comme le discours d’un habile enseignant, pour nous amener à Christ (cf. Gal 3.24). En parfait pédagogue, Dieu utilise les méthodes de son choix, ses procédés de persuasion, et ses illustrations. Lu sous cet angle, ce livre nous fait passer des actes extérieurs du culte divin à la substance même de notre salut, à la réalité de la relation nouvelle que Dieu travaille à rétablir entre ses créatures égarées et lui-même.
Notre monde s’enthousiasme pour les sous-produits de l’occultisme(1) . Il n’est plus de secteur des activités humaines qui ne soit hanté par le « surnaturel ». Des médias aux chaires d’université, de la médecine aux disciplines du bien-être, des jeux d’enfants aux loisirs des adultes, de la politique au monde du travail, partout l’ésotérisme s’impose comme un ingrédient bienvenu. Que signifie ce parti pris ? Faut-il s’en inquiéter… ou se réjouir d’un regain d’intérêt pour les « choses spirituelles » ? Cet engouement fantasmagorique est-il conciliable avec la pensée biblique ?
I. Aux lointaines origines de l’occultisme(2)
Dans le jardin idéal où Dieu avait placé nos premiers parents, tout était assurément excellent : plantes superbes, fruits savoureux, animaux innombrables et dociles. L’homme vivait dans une harmonie limpide avec son Créateur, sa compagne, et son environnement. Points de chagrins, mais un émerveillement continu, une mission exaltante, un avenir radieux. Que manquait-il à nos aïeux ?
Le serpent rusé suggéra une carence cachée : Dieu n’avait peut-être pas joué franc jeu avec ses créatures. Ne les aurait-il pas privées de la bénédiction suprême, qu’il se réservait jalousement à lui-même ? Ne fallait-il pas tenter de déjouer l’interdit pour s’emparer du bienfait manquant ? Discours étourdissant…
Mais que gagnèrent nos imprudents ?
Le diable, car c’était lui, venait à Ève avec un complément de savoir : « Dieu a-t-il réellement dit ?… Vous ne mourrez pas du tout ! Mais Dieu sait que… » Autrement dit : « Je vais vous révéler ce que Dieu vous cache — et qui il est vraiment. Ma connaissance va enrichir ce que vous savez déjà. Ne soyez pas naïfs, mais instruits. » Que récoltèrent Adam et sa femme en embrassant cette logique ? Ils devinrent mortels à la surface du sol, destinés à la poussière, comme tout leur savoir.
Le diable venait avec l’annonce d’un supplément de vie : « Vous ne mourrez pas du tout ! » Conséquence de la désobéissance et de la crédulité humaine : l’engrenage de la corruption et de la mort se mit en marche dans toute la nature et parmi les hommes. L’arbre de vie placé au milieu du jardin fut ôté. Et les enfants du premier couple devinrent capables d’assassiner leur prochain.
Le diable fit miroiter l’extension des facultés sensorielles que le fruit défendu allait favoriser : « Vos yeux s’ouvriront. » Effectivement, l’arbre semblait porter des fruits comestibles, et il était « agréable à la vue ». Lorsque Ève en eut mangé, ainsi que son mari, « leurs yeux s’ouvrirent », mais seulement pour découvrir leur nudité, image de leur dénuement spirituel et moral. Le surcroît d’acuité sensorielle ainsi obtenu s’ouvrait donc sur la perception de l’abîme dans lequel ils s’étaient précipités.
Le diable promettait la plénitude divine : « Vous serez comme Dieu. » En d’autres termes : « Vous deviendrez les arbitres suprêmes des mondes visible et invisible, capables vous aussi d’établir à votre guise les règles du jeu. » Adam et Ève virent-ils leur statut s’améliorer ? Ils furent le jour même expulsés du jardin par le seul maître légitime des lieux, après avoir manifesté tous les signes d’une terreur pathétique.
Le diable a vanté un élargissement de la conscience : « Vous serez comme Dieu, connaissant le bien et le mal. » Cela revenait à affirmer que la conscience, cette balance morale de toutes choses, faisait cruellement défaut à l’être humain sorti de la main créatrice de Dieu. De là cette idée : sans conscience élargie, pas de véritable suprématie, ni de sagesse. Or le « discernement » acquis par l’application du conseil satanique déboucha sur une découverte navrante (« Ils prirent conscience du fait qu’ils étaient nus »), sur des actes fébriles (« Ils se firent des ceintures avec des feuilles de figuier cousues ensemble ») et sur un complet désarroi (« [Ils] allèrent se cacher… » ; « J’ai eu peur, parce que je suis nu ; je me suis donc caché ») — panique et camouflage font toujours bon ménage.
Le diable a suggéré avec astuce un surplus de plaisir et de satisfaction : il ne pouvait décemment nier que tout ce que Dieu avait créé était très bon, l’homme et la femme le sachant par expérience, aussi s’est-il efforcé d’insinuer qu’il fallait désormais s’intéresser à une jouissance supérieure, plus intense, plus « divine ». Après tout, en a conclu Ève, cet arbre est réellement alléchant, le goût de son fruit m’est inconnu mais ses vertus apparentes semblent correspondre aux paroles du serpent. Pourquoi s’en priver ? Pour salaire de leur appétit insensé, Ève, puis Adam, firent alors connaissance avec la peine, la sueur quotidienne, la maladie et tous les visages de la souffrance.
Le diable, ultimement, est parvenu à ses fins par une subtile exaltation de l’esprit d’indépendance et de l’orgueil. En poussant Ève à devenir « comme Dieu », il l’encourageait à une initiative unilatérale, à un acte de présomptueuse indépendance, bref à une démonstration d’orgueil : « Elle prit…elle en mangea… elle en donna… il en mangea. » En fait d’indépendance, Adam et Ève durent alors constater qu’ils étaient devenus, durablement, les esclaves de Satan et du péché. Les lois de la nature, par leur faute perturbées, allaient rappeler à leurs descendants, dans les siècles à venir, ce qu’il en coûte de mépriser les bienveillants commandements de Dieu, et de s’enflammer pour une illusoire autonomie.
Parce que la grande tromperie amorcée en Éden se perpétue à chaque nouvelle génération, les explorations ésotériques ne sont pas anodines. Depuis la Chute, les croyances de l’ombre nous fascinent. Mais Dieu n’a cessé d’en dévoiler la malfaisance, et de les exposer pour ce qu’elles sont : des voies sans issue.
II. Dieu aux prises avec la spiritualité occulte
Les diverses formes d’occultisme n’expriment pas, à elles seules, tout le potentiel d’égarement caché dans le cœur humain. Toutefois, il apparaît que l’une ou plusieurs des tentations distillées par le malin en Éden sont toujours présentes dans les démarches occultes. L’Écriture n’est pas équivoque à ce sujet.
a. Un complément de savoir
Lorsqu’un roi de l’Antiquité avait besoin de lumière sur un sujet épineux, ou sur l’avenir, il se tournait vers ses sages : devins, astrologues, ou magiciens. De la part de ces « savants », on attendait le complément de savoir que ni l’expérience, ni la réflexion ne pouvaient fournir. Les plus habiles d’entre eux étaient grassement récompensés, et les moins prudents exécutés !
Or l’« esprit » qui dispensait ce savoir complémentaire ne pouvait que se heurter au véritable Esprit de révélation, issu de Dieu. Ainsi le démontrent plusieurs récits, dont la célèbre confrontation entre Daniel et ses compagnons d’une part, les magiciens, les astrologues et les sorciers de Nebucadnetsar de l’autre (Dan 1.20 ; 2.1-3.49). Le dénouement du conflit est ponctué de deux remarquables déclarations :
– Celle de Daniel : « Béni soit le nom de Dieu […] À lui appartiennent la sagesse et la force … C’est lui […] qui donne la sagesse aux sages et la science à ceux qui ont de l’intelligence. C’est lui qui révèle ce qui est profond et caché, qui connaît ce qui est dans les ténèbres […] Je te célèbre et je te loue pour la sagesse et la force que tu m’as données. » (Dan 2.20-23)
– Celle du roi lui-même, après évaluation : « En vérité, votre Dieu est le Dieu des dieux et le Seigneur des rois, et il révèle les mystères, puisque tu as pu découvrir ce mystère. » (Dan 2.47) (3)
b. Un supplément de vie
Parce que l’être humain est devenu vulnérable, et sa vie incertaine, il aspire à se prolonger. Il se tourne naturellement vers une forme de religion (et de métaphysique) qui lui garantisse une vie plus authentique. Saine ambition. Pour autant, il faut se garder de saluer toute démarche religieuse sous prétexte qu’elle tente de répondre à un besoin vital. Prenant le contre-pied des tendances syncrétistes d’aujourd’hui, la Bible ne cesse de rappeler que le chemin des religions humaines (c.-à-d. païennes) est en réalité pavé de notions d’origine occulte, miné par de mortelles perversions(4) . Ce courant occulte s’efforce de détourner la nostalgie d’une vie impérissable au profit de croyances triviales, de mythes à hauteur de nos passions animales. Ainsi le démontrent les anciens rites débridés liés au culte de la vie cosmique, de la fertilité, du cycle des saisons. Les « couples » divins Mardouk et Ishtar, Baal et Astarté, Dionysos et Aphrodite, Bacchus et Vénus en furent des vedettes très populaires(5) .
L’Écriture assimile clairement cette glorification de la vie naturelle, sexuelle et instinctive — occasion de vastes orgies collectives — à des idolâtries occultes, à un culte démoniaque(6) . Les Israélites, dès la sortie d’Égypte et le malheureux épisode du veau d’or(7) , tomberont sans cesse dans ces pièges. Tout en maintenant officiellement leur attachement à la tradition juive, ils se livreront, « sur les hauts lieux et sous tout arbre vert »(8) , à ce que Dieu qualifie d’adultère spirituel. Ce reproche parcourt tout le message du prophète Jérémie : « Je vous ai fait venir dans un pays de vergers, pour que vous en mangiez le fruit succulent ; mais vous êtes venus, et vous avez rendu mon pays impur, et vous avez fait de mon héritage une horreur. […] Les prophètes ont prophétisé par Baal, et se sont ralliés à ceux qui ne sont d’aucune aide. […] Mon peuple a doublement mal agi : ils m’ont abandonné, moi, la source d’eau vive, pour se creuser des citernes crevassées, qui ne retiennent pas l’eau. » (Jér 2.7,8,11,13)
Le supplément de vie espéré par les adorateurs des faux dieux se solde donc par la sécheresse et par l’éloignement toujours plus dramatique de la véritable Source d’eau vive.
c. La plénitude divine
De Babel à Babylone, de Ninive à Rome, la tentation du pouvoir absolu — l’édification d’empires grands et splendides, investis de la majesté divine — ne s’est jamais affranchie du recours à l’occultisme. Lorsque Moïse et Aaron, au nom du seul vrai Dieu, demandèrent à Pharaon de laisser partir le peuple d’Israël, ils se virent opposés à la cohorte des enchanteurs officiels : « Le Pharaon appela des sages et des sorciers ; et les magiciens d’Égypte, eux aussi, en firent autant par leurs pratiques occultes. » (Ex 7.11) Deux fois encore, les magiciens imitèrent les miracles de Dieu… jusqu’au moment où ils se trouvèrent dépassés, et déclarèrent, à propos des miracles de Moïse : « C’est le doigt de Dieu ! » (Ex 8.15). Hélas, le désir de voler la place de Dieu était si invétéré chez Pharaon que, pour sa ruine et celle des Égyptiens, il s’endurcit contre l’évidence. C’est là le réflexe luciférien, la folie du premier ange révolté, et le prélude à sa défaite inéluctable(9) .
Pour son malheur, celui qui se plonge dans l’occultisme s’associe, consciemment ou non, au projet « pharaonique » de défier Dieu, et compte sur ses « enchantements » pour y parvenir(10) . Ainsi agira également le dernier grand dictateur, l’antichrist, qui se doublera d’un grand sorcier(11) . Sa fin sera à l’image de celle de ses précurseurs.
d. Un élargissement de la conscience
Certains faux prophètes de l’Ancien Testament, voués à l’occultisme, démontraient d’étonnantes capacités de persuasion. Leurs visions (présentées comme d’authentiques messages divins), leur moralité douteuse (présentée comme une variante éthique tout à fait acceptable), leurs prédictions rassurantes (présentées avec un aplomb imperturbable), fascinaient les foules. Loin des discours solennels des vrais envoyés de Dieu, ces prédicateurs peignaient les avantages d’une nouvelle piété, d’une nouvelle morale, et d’un Dieu extrêmement indulgent. De leur nombre furent Balaam(12) , les 450 prophètes de Baal et les 400 prophètes d’Achéra au service de Jézabel et d’Achab(13) . Ces 400 prophètes, et en particulier Sédécias, ne prédisaient que du bien au roi, alors que Michée, seul vrai prophète de l’Éternel, annonçait la déroute. Or l’Éternel révéla à Michée pourquoi tout le monde écoutait plus volontiers les 400 : Dieu, ayant décrété la fin d’Achab, avait permis à un esprit de mensonge (à un démon) de parler par la bouche des 400 faux prophètes, de manière à pousser Achab à la faute(14) .
Lorsqu’une société se détourne globalement de la Parole de Dieu, et que la conscience collective se lasse de la vérité, on voit fréquemment surgir des faux prophètes habiles à pervertir les normes divines, à faire miroiter les avantages d’une conscience élargie, tolérante, étrangère à tout sentiment de culpabilité. Leur entreprise de subversion des lois divines est fermement démasquée par les vrais porte-parole de Dieu : « Malheur à ceux qui appellent le mal bien, et le bien mal, qui changent les ténèbres en lumière, et la lumière en ténèbres, qui changent l’amertume en douceur, et la douceur en amertume. » (És 5.20) Toutefois, la prolifération des faux prophètes et de l’esprit d’occultisme est le signe incontestable d’un désastre imminent, afin qu’éclate l’incompatibilité entre le mensonge et le vrai message de l’Évangile(15) .
e. Un surplus de plaisir et de satisfaction
Moïse, élevé dans toute la sagesse des Égyptiens, donc grand connaisseur de toutes les sciences occultes de cette civilisation, aurait pu faire une brillante carrière dans ce milieu pétri de magie. Mais, nous dit l’Écriture, « il refusa d’être appelé fils de la fille de Pharaon, aimant mieux être maltraité avec le peuple de Dieu que d’avoir la jouissance éphémère du péché. » (Héb 11.24,25)
« Jouissance du péché » ? Oui, l’histoire montre que la recherche prioritaire d’une satisfaction intense, « gratifiante », est également un moteur possible de l’aventure ésotérique. Distinguons divers niveaux de « jouissance » :
– spirituelle : l’« apprenti sorcier » se grise de sa capacité (supposée) à manipuler la matière ou les forces surnaturelles(16) ;
– intellectuelle (comme dans les constructions alchimistes ou kabbalistiques par exemple) ;
– psychologique (sentiment d’ascendant social éprouvé par les magiciens et autres sorciers) ;
– sensorielle (expériences dans le domaine des cinq sens(17) ; phénomènes psychiques produits par l’absorption de drogues(18) , ou par des techniques de méditation) ;
– matérielle(19) .
Une lecture loyale de l’Écriture doit cependant amener à la conclusion que les sentiments (parfois) agréables liés aux pratiques occultes sont peu de choses au regard des terribles fléaux et des douleurs éternelles dont ils sont suivis. Initialement, la « jouissance du péché » d’occultisme semble délectable, mais, tôt ou tard, son issue est une profonde détresse morale, voire physique (rappelons-nous les nombreux possédés décrits dans les Évangiles), la mort spirituelle, la ruine loin de la présence de Dieu(20) .
f. Une exaltation de l’esprit d’indépendance et d’orgueil
Le roi Saül connut un destin navrant. Pourtant opposé à l’occultisme (il fera mourir les nécromanciens et les devins, 1 Sam 28.3), il commença assez tôt à manifester des penchants à l’émancipation spirituelle et à l’orgueil. Sous pression de la part du peuple, il offrit un holocauste que seul un sacrificateur était habilité à présenter (1 Sam 13.6-14). Plus tard, il transgressa les directives de Dieu, et se vit adresser ce verdict de la part de Samuel : « La rébellion est aussi grave que le péché de divination. […] Puisque tu as rejeté la parole de l’Éternel, il te rejette aussi comme roi. » (1 Sam 15.23) Enfin, lorsque les Philistins le menaçaient et que Dieu restait silencieux, Saül se mit en tête de consulter en secret une nécromancienne, la magicienne d’Eyn-Dor. Cette dernière fit monter de la terre des « êtres divins ». Parmi eux, une créature ayant l’apparence de Samuel lui prédit le sort qui allait le frapper : une mort violente (1 Sam 28.11-25).
Au premier chef, Saül a-t-il été puni pour avoir consulté une magicienne ? Non, le péché de spiritisme n’était que l’aboutissement d’un processus déclenché par des initiatives unilatérales prises bien avant. Ces actes d’indépendance impie nous sont rapportés pour nous avertir : l’orgueil est incompatible avec la bénédiction, même s’il cherche à s’amender en feignant l’humilité ou en se donnant des airs pieux. C’est pourquoi le prophète Samuel place l’esprit de rébellion (de désobéissance) sur un pied d’égalité avec la divination. Que cette vérité est donc solennelle, pour nous chrétiens qui sommes conscients de nos manquements et de nos faiblesses ! Serions-nous prêts, par surévaluation de nos besoins personnels, et dévaluation de la Parole de Dieu, à nous engager sur la voie d’une présomptueuse affirmation de nous-mêmes ? Que le Seigneur nous en garde(21) .
III. L’Évangile de Jésus-Christ, réponse de Dieu aux mirages de l’occultisme
Nous avons dit que le serpent, à l’origine, était parvenu à faire accroire que Dieu avait délibérément privé l’homme et la femme des meilleures bénédictions(22) . Ce discours s’est trouvé être intrinsèquement mensonger et mortel. Mais alors, qu’espérer en lieu et place des « ombres » de l’occultisme et de toutes les chimères du Calomniateur ?
Ce que les descendants du premier Adam recherchent opiniâtrement dans l’occultisme comme dans toutes sortes de succédanés de « salut », mais ne peuvent obtenir à cause du péché, Dieu nous l’offre sous une forme meilleure en Jésus-Christ — le second Adam — moyennant seulement notre foi :
? « Car il n’y pas de distinction : tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu ; et ils sont gratuitement justifiés par sa grâce, par le moyen de la rédemption qui est en Jésus-Christ. » (Rom 3.23,24)
? « Comme par la désobéissance d’un seul homme [Adam], beaucoup ont été rendus pécheurs, de même par l’obéissance d’un seul [Jésus-Christ], beaucoup seront rendus justes. » (Rom 5.19)
? « Le don gratuit de Dieu, c’est la vie éternelle en Jésus-Christ notre Seigneur. » (Rom 6.23b)
? « C’est par la grâce en effet que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi. Et cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu. » (Éph 2.8)
Ce fondement étant posé, il est clair que l’offre de Dieu en Jésus-Christ surpasse, et de loin, tout projet humain, ésotérique ou diabolique, de quelque nature qu’il soit(23) . Car si la Bible dit vrai, son message est bien la « perle » la plus désirable qui soit. Et ceux qui sont enfants de Dieu, cohéritiers avec Christ, possèdent toutes choses (Rom 8.17 ; 1 Cor 3.22,23).
a. Le savoir
En Jésus-Christ, la Sagesse divine personnifiée, « sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la science » (Col 2.3 ; cf. Pr 8). Il est Dieu de toute éternité, tout a été fait par lui et tout subsiste en lui (24): comment douter de la supériorité infinie de son génie ? Avoir foi en lui, c’est vivre dans la certitude que toute connaissance encore cachée à nos yeux lui est parfaitement familière, et que toute révélation qu’il nous accorde est parfaitement digne de confiance. Cette sagesse divine se plaît à se rendre compréhensible aux plus simples, et non à quelques « grands initiés ». Quel réconfort pour celui qui doute, mais cherche sincèrement la vérité. Et quelle prodigalité de la part de Dieu pour le croyant mal affermi : « Si quelqu’un d’entre vous manque de sagesse, qu’il la demande à Dieu qui donne à tous libéralement et sans faire de reproche, et elle lui sera donnée. » (Jac 1.5)
Enfin, cette sagesse est fiable, car accomplie dans l’œuvre de Christ à la Croix. Elle procède de l’amour d’un Père qui ne souhaite voir se perdre aucune de ses créatures. Elle engendre la communion avec la personne même de Christ, par le Saint-Esprit et par la Parole écrite(25). Elle se trouve aux antipodes d’une science purement cérébrale, centrée sur l’homme et ses besoins — désespérément horizontale (cf. 1 Cor 1.20-31 ; 13).
b. La vie
Le salut de Dieu ne peut se réduire à l’accession à une meilleure qualité de vie. Encore moins à une simple apparence de « spiritualité »(26) . Le divin Berger a prévu que, pour ceux qui le suivraient, Il serait lui-même la vie abondante, inépuisable, pleine de sens : « Moi, je suis venu, afin que les brebis aient la vie et qu’elles l’aient en abondance. » (Jean 10.10). « Celui qui boira de l’eau que je lui donnerai, n’aura jamais soif. » (Jean 4.14a) « Je suis le chemin, la vérité, et la vie. Nul ne vient au Père que par moi. » (Jean 14.6)(27) « Moi, je suis la lumière du monde ; celui qui me suit ne marchera point dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie » (Jean 8.12b) Si donc un incroyant veut passer par une nouvelle naissance spirituelle, qu’il vienne au Ressuscité, au Vivant, dans la repentance et la foi. Si un croyant se sent chancelant, anémique dans sa foi, timide dans son témoignage, stérile dans sa vie de prière, qu’il se réfugie en son Seigneur, « car sa divine puissance nous a donné tout ce qui contribue à la vie et à la piété » de sorte que, par la mise en pratique des enseignements de la Parole, ce croyant expérimente à son tour qu’il est participant de la nature divine et de la vie de Christ (2 Pi 1.3-11).
c. La plénitude divine
La vie chrétienne est parsemée d’épreuves, d’apprentissages parfois laborieux, de renoncement à soi-même, et même d’échecs, mais la finalité de cette discipline ne doit jamais nous échapper, car Dieu nous aime et désire nous « faire participer à sa sainteté », à sa perfection morale (Héb 12.5-11). Sur les traces de Christ, en qui habite en permanence « toute la plénitude de la divinité » (Col 2.9), Dieu voudrait que nous vivions dans la plénitude de la communion spirituelle avec lui et avec nos frères et sœurs dans la foi. Il est déjà possible, sur cette terre, d’en faire l’expérience (Act 2.4 ; 4.8,31 ; 9.17 ; 13.9). Tout croyant authentique a commencé à goûter à cette réalité dès le moment où le Saint-Esprit a fait sa demeure en lui : « Et nous avons tous reçu de sa plénitude, et grâce pour grâce » (Jean 1.16) Malheureusement, nous devons reconnaître que ce même Esprit peut être amoindri, attristé, et comme étouffé par notre désobéissance… ou par notre lenteur à apprendre. Il n’en reste pas moins vrai que l’activité normale du Saint-Esprit vise la plénitude, et non la médiocrité (Éph 3.14-21 ; 5.18). Lorsque nous marchons dans sa dépendance, l’Esprit de Dieu « nous remplit de force, d’amour et de sagesse » (1 Tim 1.7).
La « plénitude » du chrétien ne se limite donc pas à un sentiment d’amour universel, comme celui que décrivent certains spiritualistes occultes, mais elle est organiquement dépendante d’une connaissance et d’une reconnaissance personnelles de Christ comme Sauveur et Seigneur.
d. Une conscience libérée
Lorsque Dieu débusque et condamne notre péché, l’examen est redoutable. Par nature, nous préférons esquiver ce moment, nous cacher derrière des « feuilles de vigne », ou encore nous entraîner à éliminer toute pensée de comptes à rendre au Juge suprême. Tout est bon pour contourner ce face à face : accumulation de bonnes œuvres, révolte, sarcasmes, fausses doctrines, recherche de circonstances atténuantes, etc. Le miracle de la grâce permet cependant de ne pas éluder le verdict de Dieu, et simultanément de recevoir le pardon, la réconciliation de sa part, car le Juge a trouvé en Christ le moyen d’être juste tout en justifiant celui qui croit(28) .
Les fausses persuasions d’origine occulte ne sont qu’une variante des stratagèmes exploités par l’être humain pour se délester de sa culpabilité originelle. Or, seule la purification opérée par le sang de Christ peut nous valoir cet acquittement(29) . Lors de la conversion à Christ, cette libération de la culpabilité du péché devient effective : nous commençons à pouvoir servir Dieu dans un esprit nouveau. Non dans une crainte servile de mercenaires, mais dans un esprit filial, sachant que notre Père céleste et son Esprit collaborent à notre perfectionnement dans la foi(30) .
e. La satisfaction
L’occultisme, en général, donne deux réponses à la question : « Notre bonheur dépend-t-il de Dieu ? »
Soit il répond non, parce qu’il s’oppose violemment à Dieu (mouvance sataniste). Soit il répond oui, en ajoutant quelque chose comme : à condition de connaître certains secrets, de mettre à contribution les dons surnaturels dont il a gratifié certaines personnes (voyants, adeptes de la magie blanche, jeteurs de sorts, etc), de pratiquer certains rituels, ou autres devoirs religieux.
Quant à la réponse biblique, la voici : Dieu n’a pas de plus grande ambition que de se glorifier à travers l’œuvre de son Fils, en faveur de sa Création, et surtout au profit de la race humaine(31) . Cette œuvre exclut l’appareil occulte, quel qu’il soit, parce qu’il repose sur des conceptions complètement déconnectées du cadre dans lequel Dieu permet à ses créatures de fonctionner et de se réaliser(32) . Jésus a lui-même démontré que sa propre satisfaction était indissociable de sa soumission au Père : « Ma nourriture est de faire la volonté de Dieu. » (Jean 4.34 ; cf. Mat 26.42) Et ceux qui vivent selon son exemple peuvent éprouver les mêmes sentiments de profonde satisfaction : « Mais je ne fais aucun cas de ma vie, comme si elle m’était précieuse, pourvu que j’accomplisse avec joie ma course, et le ministère que j’ai reçu du Seigneur Jésus : rendre témoignage à la bonne nouvelle de la grâce de Dieu. » (Act 20.24)
Mais la place des joies « terrestres » dans tout cela ? Dans l’optique biblique, il n’y a pas de raison de croire que le chrétien doive se désincarner pour plaire à Dieu. Toute chose légitime recèle son lot de satisfactions : relations humaines, mariage, famille, activités professionnelles, jouissance de la nature et de ses productions, créativité artistique ou habileté artisanale, etc. Cependant l’Écriture nous invite à garder chaque chose à sa juste place, à faire preuve de prudence et de sobriété, car notre nature humaine a vite oublié toute mesure, pour s’attacher à la recherche égoïste de son confort et de ses aises(33) . Les limites mêmes que Dieu nous impose dans notre « consommation » des choses agréables nous rendent aptes à rechercher, et à saisir, les choses les meilleures, celles qui sont éternelles(34) . Dans le temps présent, la paix de Dieu, la paix en Dieu et le contentement (un esprit de gratitude et de confiance) sont l’expression de notre profonde satisfaction(35) .
f. La liberté
Lorsque le diable tenta notre Seigneur en lui promettant tous les royaumes du monde, à condition que celui-ci se prosterne et l’adore (Mat 4.8), Satan se trahit lui-même. Il dévoila pour la troisième fois que ses propositions alléchantes ne pouvaient conduire à une forme supérieure de liberté ou d’indépendance, mais bien plutôt qu’elles se payaient d’une dépendance infernale, abjecte. Jésus lui répliqua en lui signifiant que sa vraie liberté, à lui Fils de Dieu, c’était d’adorer son Père céleste et de le servir.
Les suggestions aguichantes de l’ésotérisme véhiculent toujours le même message : venez acquérir un outil efficace pour mieux gérer votre vie, vos émotions, les événements. Venez vous entraîner à façonner votre avenir, à influencer les autres, à communiquer avec votre « ange gardien », et ainsi de suite. En un mot : devenez plus autonomes, plus libres. Mais nous sommes en plein marché de dupes, car le problème du péché demeure entier, et le cœur inchangé.
À ces offres trompeuses, Jésus oppose un autre message : « Si vous demeurez dans ma parole, vous êtes vraiment mes disciples ; vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libres […] En vérité, en vérité, je vous le dis, quiconque commet le péché est esclave du péché. […] Si donc le Fils vous rend libres, vous serez réellement libres. » (Jean 8.31b,32,34,36) Les propos du Seigneur ont de quoi scandaliser notre logique humaine : disciple et libre ? Ces deux termes s’excluent. Eh bien, non, pas dans la logique de Christ. De même que celui-ci ne faisait rien de lui-même, se référant en toute situation à son Père(36) , ne laissant jamais le péché le dominer, et vivant dans la plus parfaite liberté (« Personne ne m’ôte la vie, mais je la donne de moi-même ; j’ai le pouvoir de la donner, et j’ai le pouvoir de la reprendre », Jean 10.18), de même celui qui se laisse sauver par Christ devient disciple et serviteur de Christ, mais c’est alors qu’il goûte à la vraie liberté, celle de l’amour consenti et vécu(37) . À l’abri de cette alliance éternelle, l’homme accède au véritable repos, à la seule interaction avec le monde invisible qui soit conforme à sa nature originelle.
notes
(1) Le magazine L’Express du 20/06/2005 intitulait son dossier La folie de l’ésotérisme. Le paragraphe de conclusion avance l’idée que « les hommes ne se contentent pas de la Raison raisonnable. Qu’ils croient en l’existence d’un absolu. Un absolu qui les dépasse et sur lequel ils se leurrent, peut-être, mais qu’ils ressentent comme nécessaire au plus profond d’eux-mêmes. » Notre article tentera d’offrir autre chose que la probabilité d’un leurre…
(2) Lire Gen 1.26 à 4.8
(3)La même démonstration magistrale sera administrée à d’autres reprises : Dan 4.1-6,15,16 ; 5.7-17 ; voir aussi l’exemple de Joseph chez Pharaon : Gen 41.1-36.
(4)Rom 1.18-25 ; Act 17.16,22-29.
(5) L’ésotérisme moderne s’intéresse très souvent aux mythes antiques pour en proposer une relecture assaisonnée d’éléments plus récents. On assiste même à des tentatives de résurrection des cultes préchrétiens (en Grèce par exemple).
(6)Voir le chap. 8 d’Ézéchiel, en particulier les v.14,15, qui font allusion au culte de Tammouz, conjoint à celui d’Ishtar. C’est ici en plein temple de Jérusalem que se produit le rite abominable.
(7) Ex 32
(8)Deut 12.2 ; 1 Rois 14.23 ; 2 Rois 16.4 ; 2 Chr 28.4 ; És 57.5 ; Jér 2.20 à 3.13 ; 17.2.
(9)Voir les textes prophétiques de la chute de Satan en Éz 28.11-19 ; És 14.12-19.
(10) Jézabel, fille d’un roi de Sidon ancien prêtre d’Astarté, ennemie déclarée de Dieu, est l’archétype féminin de ce type de personnage. Elle symbolise, en Apoc 2.20-23, ceux qui cherchent à accommoder l’Évangile aux valeurs du paganisme.
(11)2 Thes 2.3-10 ; Apoc 13.
(12)Cf. 2 Pi 2.15 ; Jude 11 ; Apoc 2.14.
(13) 1 Rois 18.19.
(14) 1 Rois 22.1-29 ; cf. Jér 23.16-32, et en Éz 13.17-23, où il est question de fausses prophétesses adonnées à la divination.
(15) Les chap. 27 et 28 de Jérémie sont une excellente illustration de ce principe. Voir aussi Jude 3-19 ; 2 Pi 2.
(16) Voir És 28.14-18 ; 57.3-11.
(17) Cf. Pr 9.17,18.
(18) On peut évoquer les pharmakeia (les drogues) mentionnées en Gal 5.20 ; Apoc 9.21 ; 18.23.
(19) Act 16.16-19 : la servante à « l’esprit de Python » procurait un grand profit à ses maîtres par la divination.
(20) És 47.9-15 ; 57.3,4 ; Mal 3.5 ; Apoc 22.15.
(21)Dans le NT, l’exemple de Simon le magicien est intéressant à cet égard. Avant sa conversion, ses miracles occultes donnent l’illusion qu’il incarne « la puissance de Dieu, appelée la grande » (Act 8.10). Après sa conversion, une fausse recherche de puissance divine continue de l’obséder (v.18-24). L’orgueil pousse à la contrefaçon ou à la tricherie.
(22) Cette idée est à la base de la cosmogonie gnostique, qui parle du Dieu de l’Ancien Testament en l’assimilant au « démiurge » (l’« architecte » malveillant de l’univers), et l’oppose à un hypothétique Dieu transcendant bienveillant. De multiples critiques de la Bible ont repris cette invention à leur compte.
(23) Gal 1.6-9.
(24) Jean 1.1-3 ; Col 1.17.
(25)1 Pi 1.23-25.
(26) 1 Tim 3.5 ; 4.3,4.
(27) Ce verset met clairement en évidence que toute autre médiation entre Dieu et les hommes que celle de Jésus-Christ est une imposture. Ni ange, ni démon, ni sage, ni saint, ni gourou, ni médium, ni quelque autre créature terrestre ou surnaturelle ne sauraient remplir cette fonction. Voir aussi 1 Tim 2.5 ; Act 4.12.
(28) Rom 3.25-28.
(29) Héb 9.14 ; 10.19-22 ; 1 Cor 6.11.
(30) Rom 8.
(31)Jean 3.16 ; 2 Pi 3.9 ; Ps 34 ; Rom 8.18-39 ; et jusqu’au « Heureux celui qui lit et ceux qui écoutent… » d’Apoc 1.3, tous les « heureux » suivis d’une promesse égrenés dans l’Écriture.
(32)Deut 18.9-22 ; Act 19.18-20.
(33)1 Tim 4.3 ; 6.17 ; 1 Cor 7.29-31 ; Rom 15.1-3 ; Act 2.46,47.
(34) Phil 3.17 à 4.1
(35) Phil 4.4,7,9,11-13,18,19
(36)Voir Jean 8.12-29.
(37)Voir Act 26.17,18.
Lecture des rubriques : lorsque le mot titre d’une rubrique est repris dans le texte de celle-ci, il se trouve abrégé par sa première lettre.
ALCHIMIE(du grec tardif khêmeia : magie noire) : En Europe, science occulte en vogue du XIIe au XVIIIe siècle. Elle se consacre à l’étude de la matière, et de ses transformations, mais propose en fait une ouvre de salut (c’est une religion !) La transmutation des métaux ordinaires en métaux nobles (la spagyrie), la quête sans fin de la « pierre philosophale », et de « l’élixir de longue vie », découlent du projet d’effacer les conséquences de la Chute d’Adam, et d’opérer la rédemption du corps et de l’esprit. Il s’agit de retrouver la pureté, la splendeur et les privilèges de l’état originel. Certains penseurs ou artistes modernes ont cherché à remettre l’a. en valeur en s’attachant à une interprétation symboliste de ses « formules » et de ses « éléments » (le psychiatre C.G. Jung ; M. Yourcenar, dans L’Ouvre au Noir ; P. Coelho dans L’Alchimiste ; J.K. Rowling et son personnage de N. Flamel dans Harry Potter, etc.).
ANIMISME (du latin anima : âme) : Au sens large, croyance en une âme des choses et des animaux analogue à l’âme humaine. Cette croyance est partagée à l’origine par les civilisations primitives de tous les continents, mais plus spécialement d’Afrique et d’Océanie. Ces âmes (ou esprits, ou génies) innombrables induisent une grande variété de pratiques de sorcellerie, dont le chamanisme est une forme, le vaudou une autre. La pensée japonaise, façonnée par le shintoïsme et ses 8 millions de kami (forces naturelles personnifiées), est souvent restée très animiste. Il ne faut pas confondre animisme et panthéisme (croyance que tout est divin dans l’univers).
ANTHROPOSOPHIE : Secte fondée en 1913 par Rudolph Steiner (1861-1925), à la suite d’une scission d’avec la Société théosophique. Ce mouvement repose sur la conviction que l’homme possède la vérité en lui-même, et que le monde spirituel lui est accessible par son intellect, son imagination, son inspiration ou son intuition. Steiner propose une relecture ésotérique de la Bible, très éloignée de la compréhension « classique », et annonce quelques concepts chers au Nouvel Âge (notion de « Christ cosmique »).
²(du toungouze sâman : moine) : Prêtre sorcier-guérisseur-exorciste des régions arctiques. Son activité est fondée sur la croyance en des esprits qui régissent la nature. Le chaman pense détenir une puissance supranaturelle, et la capacité d’intervenir dans le monde des esprits, ou de s’y promener. À cause de ses connaissances occultes et de ses pouvoirs, le chaman est tour à tour craint et admiré. Certains thérapeutes contemporains, tel le psychanalyste et acupuncteur Didier Dumas, sont fascinés par les secrets et la « sagesse » des chamans.
CHANNELING (de l’anglais channel : canal) : Dans le vocabulaire du Nouvel Âge, état de transe caractéristique d’êtres humains qui se livrent, corps et esprit, à des êtres spirituels. Ces êtres surnaturels les contrôlent pour transmettre à travers eux certains enseignements. C’est une variante moderne des pratiques des médiums, voire des devins, oracles, pythies et sibylles de l’Antiquité.
DIVINATION (ASTROLOGIE, VOYANCE, et toutes les – mancie : CARTOMANCIE, CHIROMANCIE, GÉOMANCIE, NÉCROMANCIE, etc.) : Ensemble de techniques destinées à connaître la volonté de Dieu (ou des dieux), et à se renseigner sur toutes sortes de questions, dont bien sûr les événements à venir. Ces techniques, fondées sur l’interprétation de signes naturels, d’événements fortuits ou de rêves, sont en général l’exclusivité de « spécialistes », qui interviennent contre rétribution. Leurs pratiques ne se limitent pas forcément à la prédiction, elles prétendent aussi fournir des conseils, des secrets, des enseignements censés rendre le « client » plus apte à bien gérer sa vie. Bien que certains voyants ou autres devins prétendent agir avec l’approbation de Dieu, il faut noter que la Bible, du Pentateuque à l’Apocalypse, condamne sans appel ces pratiques : Deut 18.10-14 ; És 8.19,20 ; Gal 5.19-21 ; Apoc 21.8. L’idolâtrie, la magie, l’occultisme, ainsi que les faux prophètes sont souvent associés aux activités de divination.
DRUIDISME : Religion des Celtes et des Gaulois florissante avant et au début de l’ère chrétienne. Le druide était considéré comme un intermédiaire entre les dieux et les hommes. Il cumulait souvent des fonctions religieuses, culturelles, juridiques, et militaires. Il présidait aux cérémonies sacrées et était seul autorisé à pratiquer des sacrifices. Dès le XVIIIe siècle, sous l’influence de la franc-maçonnerie, plusieurs mouvements ont cherché à faire revivre le druidisme. Le néo-druidisme compterait actuellement environ deux millions d’initiés. On peut l’apparenter à d’autres tentatives de ressusciter d’anciennes religions païennes.
ÉSOTÉRISME (du grec esôterikos : de l’intérieur) : Dans son sens étymologique, l’é. est une doctrine transmise à des initiés. Toutes les grandes religions ont eu leurs sectes ou ordres ésotériques. Dans la sphère du monde christianisé, on peut citer les templiers, les alchimistes, les rose-croix, les théosophes ; dans la sphère juive, les kabbalistes ; dans la sphère musulmane, les soufis. L’é. post-moderne est quant à lui un réceptacle indéfinissable de toutes sortes de spiritualités, orientales et occidentales, et il mêle des notions pseudo-chrétiennes à des traditions autrefois décrites comme hérétiques. Souvent, le terme « ésotérisme » est préféré à celui d’« occultisme », mais pratiquement ce sont des synonymes. L’é. est aujourd’hui propagé par toute la culture de masse, et a même gagné des églises chrétiennes, ainsi que des disciplines qui avaient mis des siècles pour s’en distancer (philosophie, médecine, physique). La priorité accordée au miraculeux, aux dons surnaturels, à des formes mystiques de méditation, ainsi qu’à l’irrationnel, expliquent en partie ce succès.
FANTASTIQUE : Genre littéraire (depuis le XIXe siècle) et cinématographique qui s’efforce d’introduire insidieusement le surnaturel dans des récits ou des situations de la vie ordinaire, de manière à déstabiliser le lecteur ou le spectateur. Le but poursuivi peut être de pur divertissement, mais aussi de remise en question fondamentale du monde réel et de ses valeurs. Le récit fantastique se propose parfois d’initier à de nouveaux paradigmes, à de nouvelles dimensions de la conscience ou de l’univers. Toutefois, ce sont en général l’épouvante et l’horreur qui dominent dans ce type de production. Quelques noms célèbres : E.T. Hoffmann, E.A. Poe, P. Mérimée, G. de Maupassant, F. Kafka, D. Buzzati, A. Hitchcock, S. King.
FENG SHUI : Méthode thérapeutique d’origine chinoise, fondée comme beaucoup d’autres médecines orientales sur la présence, l’activité et les propriétés du « flux d’énergie Qi » dans le corps humain ou dans le monde en général. Les présupposés sont analogues à ceux d’autres disciplines orientales telles que l’acupuncture, le shiatsu, le taï chi(-chuan), le qigong : celui qui en connaît les secrets prétend manipuler, diriger, réorienter ou rééquilibrer les flux d’énergie de manière à placer le patient dans le meilleur rapport possible avec lui-même, avec le monde matériel et avec le monde spirituel (on lui indiquera par exemple comment orienter les pièces de son appartement, quelle fonction attribuer à chacune d’elles, comment y disposer les objets, en fonction de la circulation des énergies. et des horoscopes chinois !) Même démarche philosophique que dans le chamanisme, ou dans la magie blanche, même recherche d’épanouissement et d’harmonie que dans certaines médecines alternatives comme la kinésiologie.
FRANC-MAÇONNERIE : Née au début du XVIIIe siècle en Écosse, la f.-m. moderne (dite spéculative, et subdivisée en loges d’obédiences très diverses) prône généralement la fraternité entre ses membres et se fixe des objectifs philanthropiques : c’est un humanisme. Le courant ésotérique du maçonnisme mêle souvent des éléments d’origine chrétienne à un symbolisme mystique. Selon les rites en vigueur, les loges s’inspireront par exemple de la Rose-Croix, de la théosophie, ou d’autres traditions secrètes sans cesse revues et corrigées. La f.-m. chante la tolérance, le progrès moral et matériel ; toute religion peut y contribuer, Jésus-Christ n’étant qu’un modèle moral parmi d’autres. Jésus n’est donc plus le seul Sauveur, et sa mort à la Croix n’est pas la seule réponse au problème du mal. Le salut dépend des ouvres de l’homme. Selon leurs orientations, certaines loges ont été plus ou moins directement mêlées à la marche des affaires publiques (dont les révolutions du XVIIIe siècle, mais il faut se garder de voir un franc-maçon derrière chaque révolutionnaire !), et ont suscité des réactions d’hostilité virulentes, tant de la part de l’Église catholique (dès 1738), de l’extrême droite, que des communistes. Quelques francs-maçons connus : L. Armstrong, M. Chagall, W. Churchill, A. Conan Doyle, B. Franklin, Frédéric II de Prusse, W. Goethe, J. Haydn, R. Kipling, Montesquieu, W.A. Mozart, I. Newton, Stendhal, Voltaire, G. Washington (et plusieurs autres présidents américains).
GNOSTICISME (PYTHAGORISME, NÉO-PLATONISME) : Reprenant certaines notions du platonisme, comme l’opposition entre le corps (terrestre et mauvais) et l’esprit (divin et bon), et s’appuyant au besoin sur des concepts empruntés à la magie ou à l’astrologie, le mouvement gnostique pénétra la chrétienté dès la fin du Ier siècle après J.C. Le salut de l’individu y dépend de son accession à une connaissance secrète (gnôsis). Parmi ces secrets : le Dieu de l’Ancien Testament, surnommé le « démiurge », est un dieu inférieur mauvais. Le but de ce dernier a été de faire tomber l’homme dans le malheur et de l’y maintenir. Toute la création est mauvaise car elle porte la marque de ce démiurge despotique. Le vrai Dieu est absolument bon et étranger à notre monde mauvais. Satan aurait permis à l’humanité de faire un premier pas vers la connaissance salvatrice en poussant Adam et Ève à manger de l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Quant à Jésus, il ne fut qu’un homme exceptionnel, dans la mesure où il fut un des premiers à prendre conscience de l’« étincelle » divine censée habiter en toute créature. Les vérités fondamentales de l’incarnation, de la mort expiatoire et de la résurrection de Christ sont récusées. La pensée gnostique opère donc une subversion complète du christianisme classique. Une partie de l’ésotérisme occidental s’en inspire, de même que la kabbale juive, le soufisme musulman, et la mouvance du Nouvel Âge. L’artiste W. Blake, les psychanalystes C.G. Jung ou W. Reich, le philosophe R. Guénon, l’écrivain E.M. Cioran fournissent quelques exemples d’hommes aussi anti-chrétiens dans leur esprit que profondément néo-gnostiques. Quant à la science (cet évangile moderne) qui, depuis Thalès, rêve d’unifier toutes les connaissances en un système qui rende compte de la totalité des phénomènes, n’est-elle pas parfois gnostique dans ses prétentions ?
KINÉSIOLOGIE : Méthode thérapeutique fondée par l’Américain G. Goodheart en 1964. Les diverses écoles de kinésiologie appliquée (KA) utilisent des techniques basées sur des tests musculaires. Le but est de rééquilibrer, de ressourcer le patient en fonction des divers blocages psychoaffectifs ou mentaux révélés par les déficiences de tel ou tel muscle. Pour interpréter les « messages » des muscles, le kinésiologue s’aligne (parfois inconsciemment) sur les principes de la médecine chinoise traditionnelle (notions de flux énergétiques cosmiques, de points d’acupuncture). Quant à ses méthodes, elles peuvent inclure des massages (pressions), des préparations à base de plantes, l’homéopathie, et des exercices physiques ou mentaux. Les présupposés ainsi que les méthodes des kinésiologues ont été souvent critiqués pour leur subjectivité(1) . Indépendamment de la question de son efficacité douteuse, la KA reste suspecte pour le chrétien, car c’est une médecine dont les « inventeurs » sont largement tributaires du mysticisme oriental. Or, la maladie n’est pas le signe d’une mauvaise circulation des « flux énergétiques » dans le corps, mais d’abord une des conséquences de la Chute. Dieu peut intervenir dans nos problèmes de santé, soit directement, soit en réponse à la prière, ou encore par le moyen de thérapies naturelles et rationnelles. Toutefois, nos corps actuels restent « infirmes » et vulnérables par nature. même sans blocages psychoaffectifs (voir 1 Cor 15.42-49).
MAGIE (du perse mag, science, sagesse) : Forme archaïques de toute religion païenne. La m. veut agir sur les choses et sur les êtres par le moyen de procédés occultes en lien avec le monde surnaturel. Elle présuppose qu’il existe tout un réseau de correspondances invisibles entre le macrocosme (l’univers) et le microcosme (l’être humain). Elle se pratique de préférence dans certains lieux, à des moments prescrits (par les saisons, les présages, les astres etc.), selon des rites codifiés (parfois sanglants), des formules secrètes et des méthodes divinatoires diverses, avec l’aide de tout un cortège d’objets fétiches. Elle est l’apanage de sorciers, de chamans, ou de guérisseurs. On distingue ordinairement entre magie blanche, censée rester bénéfique et favoriser les relations, les récoltes, la santé, les affaires, etc., et la magie noire, ou sorcellerie, destinée à nuire (envoûtements, malédictions, mauvais sorts). Quant aux pratiques magiques, elles sont fondées sur diverses techniques de divination (augures, astrologie, révélations médiumniques, oracles), sur la thaumaturgie (art d’accomplir des miracles), sur les incantations, et sur des rites liés à l’utilisation d’objets ou d’animaux symboliques (comme dans le cas d’envoûtement à l’aide d’une statuette à l’effigie de la personne visée). En Occident, la vague ésotérique actuelle répand l’idée qu’il existe une magie utile, divertissante, inoffensive, que l’on peut accueillir sans scrupule. La prolifération de « bons » sorciers (voir Harry Potter, Le Seigneur des Anneaux), de gentils démons, et de monstres sympathiques dans les productions artistiques illustre bien cette tendance. La Bible ne fait aucune distinction de ce genre. Il n’y a jamais de bonne magie : tout ce qui s’y apparente équivaut à une tentative frauduleuse de s’approcher de Dieu ou du monde invisible (voir rubrique divination). Il arrive malheureusement que des églises chrétiennes se laissent séduire par des leaders qui leur enseignent des pratiques magiques (visualisation, prières incantatoires proches des « mantras » asiatiques, grandes mises en scène de miracles de guérison, transes, etc.).
MÉDECINES PARALLÈLES (MÉDECINES DOUCES, MÉDECINES ALTERNATIVES) : Il n’est pas possible d’en dresser un catalogue complet ici, tant le choix est vaste et en constante mutation. Qu’il suffise de souligner que de plus en plus de praticiens combinent la médecine traditionnelle (fondée sur l’observation rationnelle et sur l’expérimentation, respectueuse des lois naturelles) et des médecines fondées sur des a priori occultes, sur des paradigmes philosophico religieux exotiques (comme le fameux principe du yin et du yang), et sur des « lois » invérifiables. Aussi ne semble-t-il plus incompatible d’être chirurgien traditionnel et acupuncteur, chiropraticien et radiesthésiste, physiothérapeute et maître de yoga, oculiste et iridologue, orthopédiste et réflexologue. Le chrétien se trouve donc devant un problème de conscience très complexe, dans la mesure où même son généraliste peut lui proposer des thérapies impliquant une représentation du monde, de l’homme, de la maladie et de ses causes, en désaccord avec l’Écriture. Par conséquent, que le croyant examine toutes choses et ne retienne que ce qui est bon, en priant instamment le Seigneur pour être éclairé en cas de doute, car ce qui, dans l’immédiat, semble apporter un soulagement, ne correspond pas nécessairement à l’enseignement de la Parole, et n’est pas profitable à plus long terme (Éph 5.10 ; 1 Thes 5.21 ; 1 Jean 4.1).
NOUVEL ÂGE (NEW AGE ) : Système de pensée ancré dans le mysticisme oriental et occidental (notamment dans l’anthroposophie et la théosophie), qu’on peut décrire comme un monisme (tout est un) panthéiste (tout est Dieu). Donc, plus de démarcation claire entre Dieu, le diable, et l’homme ; entre le bien et le mal, entre la sainteté et le péché, entre l’individu et l’univers, entre l’homme et la femme, entre l’esprit et la matière, entre la raison et le rêve. Quant au « nouvel âge » promis, c’est un article de foi astrologique : notre ère judéo-chrétienne (l’ère des Poissons) va s’achever ; une ère de paix et d’illumination des consciences va se lever (l’ère du Verseau). Le « Plan », mis en ouvre par une élite de « maîtres de sagesse », va permettre cette transition vers un gouvernement mondial unifié, une seule religion (dont Gaïa, la terre divinisée, serait la grande déesse), un seul système économique, etc. Tout ce qui ressemble à une forme de monothéisme devra être radicalement éliminé pour y parvenir. L’âge futur sera marqué par l’apparition d’un « messie » parfois surnommé Maitreya. Parmi les dogmes chers au NA, la vieille croyance magique que nous sommes capables de créer notre propre réalité, notre propre vérité, par le seul exercice de notre volonté et de notre concentration mentale ; on rabâche l’idée du « potentiel humain ». Toutes les disciplines dites holistiques (qui s’occupent de l’homme comme d’un tout indivisible) sont encouragées. Pratiquement, le NA ne fait que prolonger la plupart des hérésies anti-chrétiennes et les thèses majeures de l’occultisme. Pour un observateur chrétien, il ne fait pas de doute qu’un tel mouvement n’est qu’un marche-pied de l’Antichrist, le conditionnement idéal en vue de la grande séduction apocalyptique. Il faut déplorer la pénétration de cet esprit dans bien des milieux dits chrétiens(2) .
OCCULTISME (du latin occultus, clandestin, caché, secret)(3) : Le chrétien ne peut prendre à la légère l’incroyable fatras occulte qui submerge l’Occident : superstitions, pratiques divinatoires, productions « artistiques » flirtant avec l’occulte (comme les 200 épisodes de X-Files ; les best-sellers de Dan Brown ; L’Exorciste et autres films du genre ; à des degrés variables, le hard rock et ses dérivés). Le côté grotesque de certaines pratiques occultes, les révélations inédites sur la « vraie » identité de Jésus, le grave engouement de nos contemporains pour les phénomènes bizarres, sont en réalité des preuves tangibles de l’activité de Satan et de l’accueil que notre monde lui réserve. La jeune génération est particulièrement sensible au climat mystique ou provocateur de la nouvelle spiritualité, mais peu inquiétée par le contenu de celle-ci. De gigantesques manipulations psychiques deviennent donc aisées. Exposons le message de l’Évangile d’autant plus clairement.
PARAPSYCHOLOGIE : Depuis le début du XXe siècle, étude des phénomènes psychiques inexpliqués, paranormaux. Elle présuppose l’existence de pouvoirs subtils mais réels chez l’être humain : télépathie, précognition (connaissance d’événements futurs), clairvoyance, psychokinésie (faculté d’influencer des objets ou des personnes à distance, par le seul pouvoir de la pensée). Celui qui prendra le temps de lire les innombrables expertises et contre-expertises dans ce domaine en sortira confus, ce d’autant que les truquages et autres supercheries n’ont pas été rares. On peut noter que l’apparition de la p. coïncide avec le triomphe de l’esprit rationaliste et matérialiste propre à l’époque de sa naissance. Mais derrière son apparente objectivité scientifique, on détecte le vieux rêve ésotérique de faire de l’homme le dieu de l’avenir. La p. se passionne en effet pour des « pouvoirs » (et non des vertus !) qui sont exactement ceux qui ont fasciné des générations d’occultistes(4) .
ROSE-CROIX : Comme son nom l’indique, cette secte repose sur les deux signes conjugués de la rose rouge (symbole d’ascétisme, d’abnégation, et pour certains du sang de Christ) au centre d’une croix (symbole de la connaissance parfaite, de l’illumination). L’origine du mouvement a donné lieu à plusieurs hypothèses, mais il semble qu’il soit né vers la fin du XVe siècle en Allemagne. Apparenté à l’alchimie, il influença la franc-maçonnerie. Après des moments d’éclipse, on a vu ressurgir la Rose-Croix au XIXe siècle sous une forme modernisée ; elle compterait actuellement plus de 6 millions de membres ; un de ses ordres les plus connus se dénomme Ancien et Mystique Ordre Rosae Crucis (AMORC). Rendre compte des enseignements passés et présents de la Rose-Croix tient de la gageure, car ce mouvement n’a jamais été unifié, ni sa doctrine codifiée. On y retrouve pêle-mêle des souvenirs d’ésotérisme égyptien, de kabbale, de gnosticisme, d’occultisme, et d’alchimie, des légendes revues et modifiées (dont celle de l’inusable chevalier Rosenkreutz), et des thèses chères à la théosophie. Toutefois, une ambition semble constituer le cour du mouvement : celle de parvenir à un état de perfection, d’illumination intérieure (c’est l’état de « Rose-Croix », parfois appelé état « christique »). Cet état, réservé aux grands initiés, correspondrait à une parfaite harmonie entre l’âme individuelle et l’Esprit universel, entre l’Homme et l’Univers. Mais il est clair que ce programme à coloration chrétienne est à cent lieues de l’Évangile biblique, qu’il se double d’un appareil symbolique extraordinairement opaque, réinterprété à sa guise par chaque génération. Le Nouvel Âge ne devrait avoir aucun mal à y puiser inspiration.
SATANISME : Forme la plus radicale, violente et désespérée de l’occultisme. La première église satanique est née aux États-Unis, en 1966 (Bible satanique d’A. LaVey. Au nombre des « maîtres à penser » de celui-ci : Darwin, Jung, Reich, Nietzsche). Depuis, le courant a pris un essor international. Le culte de Satan comprend généralement des « messes noires » pendant lesquelles toutes les choses sacrées du christianisme sont vouées à une forme d’exécration rituelle ; des sacrifices d’animaux, et même humains peuvent y être offerts. Ces « cérémonies » se terminent généralement en orgies sexuelles. Les adeptes ont préalablement conclu des formes de pactes avec les démons, dans l’espoir d’en obtenir quelques faveurs (toujours remises en question). Sans tomber dans ces extrêmes, beaucoup de jeunes amateurs de rock black metal, de la mode gothique, de chanteurs comme Marilyn Manson, jouent avec cette symbolique. Mais peut-on faire l’apologie du mal et tirer son âme indemne de l’aventure ? Beaucoup de tragiques dérives démontrent le contraire (on se souvient d’un autre Manson, Charles, sataniste convaincu, instigateur, entre autres crimes, du meurtre de Sharon Tate, femme de R. Polanski). Et dire que certains satanistes jurent que de telles horreurs n’ont rien à voir avec le satanisme bien compris !
SECTE : Toute secte ne fait pas l’apologie de l’occultisme. Certaines le condamnent avec véhémence. Cependant, on trouve des enseignements ésotériques dans la plupart des religions et des sectes non chrétiennes. L’occultisme en est parfois le caractère extérieur dominant. Quant au monde chrétien, il fourmille de sectes à composante ésotérique. G. Dagon, spécialiste du monde chrétien, en cite plusieurs, pour terminer son analyse par la mention de rites d’origine occulte pratiqués. dans la très officielle Église catholique(5) : les prières aux morts (aux saints), ainsi qu’à Marie, la vénération de reliques et la fréquentation de lieux quasi magiques (Lourdes, Fatima) s’apparentent pour le moins à l’idolâtrie, et souvent au spiritisme. Le retour du ritualisme dans les églises issues de la Réforme fait aussi craindre l’instauration d’une spiritualité ésotérique, où les symboles laïques et les émotions finissent par remplacer la vie authentique et la saine doctr
ine.
SOPHROLOGIE (du grec sôs : harmonie, équilibre ; phrên : esprit ; logia : traité) : Selon le Petit Robert : « Ensemble de pratiques visant à dominer les sensations douloureuses et les malaises psychiques, afin d’atteindre un développement plus harmonieux de la personnalité. » À l’instar d’autres techniques (training autogène, yoga, autohypnose, biofeedback, reiki), la s. se présente comme une simple hygiène de pensée et de relaxation. N’est-elle que cela ? À y regarder de plus près, on s’aperçoit qu’elle a de plus hautes ambitions. Son fondateur A. Caycedo y voyait une science, une philosophie, une thérapie et un art(6) . C’est pourquoi elle prétend secourir l’individu dans toute espèce de perturbation psychologique induite par des tensions internes ou par les circonstances de la vie. Esprit, âme et corps devraient en bénéficier. Le Dr R. Abrezol, successeur de Caycedo, développa le système en y intégrant le fruit de ses déboires dans le christianisme, et de ses plongées dans l’hindouisme, le bouddhisme, la psychologie de Jung, la médecine chinoise, le vaudou, etc. L’essentiel des méthodes de la s. repose sur un remodelage de la conscience par diverses manipulations sur le patient en état « sophronique » (entre la veille et le sommeil), par la suggestion de scénarios au cours desquels le patient est invité à visualiser, sous forme narrative, sa délivrance de tel ou tel sentiment négatif (angoisse, culpabilité, trac, pulsions destructrices). L’autohypnose devrait, théoriquement, venir à bout de tout problème psychique ou moral. Dans la perspective de ses inventeurs, il n’y a pas d’autre salut de l’âme que celui-ci. Il arrive qu’une telle thérapie soit suivie d’effets ressentis comme positifs, voire de meilleures performances pratiques. Toutefois, le bagage conceptuel de la s. est tout à fait irrecevable d’un point de vue chrétien. Il implique le centrage sur soi, le recours à l’autosuggestion – une forme d’ « auto-anesthésie » de la conscience. Il rend inutile et dérisoire toute l’ouvre de Christ, et celle du Saint-Esprit qui, par la Parole, travaille à produire en nous le fruit de l’Esprit (Gal 5.17,22-25 ; 2 Tim 3.16). Lorsque Dieu opère cette ouvre de salut, de purification et de sanctification dans le cour du croyant, la s. n’a évidemment pas de raison d’être. Le centrage est sur Christ, vivant en lui par l’Esprit, mais au-dessus de toutes choses (Éph. 4.5,6).
SORCELLERIE : Branche de la magie qui vise plus particulièrement à faire le mal. Parfois synonyme de magie noire, elle recourt à toutes sortes de procédés pour mobiliser les forces surnaturelles : pactes avec Satan ou des démons, invocations, envoûtements, messes noires, macumbas, sortilèges, mauvais oil, philtres, sorts, etc. D’où la terreur généralement inspirée par les sorciers et les sorcières, même si certains d’entre eux ont exercé parallèlement des fonctions de guérisseurs. Cette s. continue d’être une réalité dans bien des régions du monde. Dans le monde occidental, depuis la première moitié du XXe siècle, les sorciers n’en portent pas forcément l’étiquette. Ils préfèrent se désigner comme adeptes de la Wicca, ou comme néo-païens, et tiennent souvent à être distingués des satanistes. Ils pratiquent des rites en corrélation avec les « forces » de la nature, et semblent proches des thèses du Nouvel Âge. Lorsque la culture de masse met en scène des sorciers ou des sorcières, c’est plutôt pour souligner que le mal vient d’ailleurs, et que ces personnages, qui cachent des trésors de disponibilité, sont nécessaires au salut des gens normaux (voir les 178 épisodes de la série américaine Charmed ; les 163 de Sabrina, l’apprentie sorcière ; les 144 de Buffy contre les Vampires.). Cette tendance participe d’un effort général pour subvertir toute trace de véritable christianisme, et pour promouvoir une spiritualité d’en bas, beaucoup plus accommodante. Mais la Bible ne laisse planer aucun doute sur l’origine des raisonnements ou des pratiques qui s’opposent à l’Évangile de Christ (2 Tim 3.8 ; Act 13.6-12).
SPIRITISME : Science occulte fondée sur la conviction que les esprits des défunts et les êtres surnaturels (anges ou démons) ont des enseignements à nous transmettre pour nous faire progresser, nous encourager, ou nous avertir. Les médiums les interrogent par le biais de diverses techniques (tables tournantes, tarots, planchettes ouija). Les comptes-rendus d’apparitions, de zombies et d’ectoplasmes font en général frémir. Le s., vieux comme le monde, a connu un regain d’intérêt dès la moitié du XIXe siècle. Il a été popularisé en France par Allan Kardec et Augustin Lesage, aux États-Unis par les sours Fox et surtout Edgar Cayce. Ce dernier a eu une forte influence sur le Nouvel Âge. Les adeptes du s. ne se gênent pas, sous l’influence des esprits qui leur parlent, pour truffer leurs discours de références aux textes bibliques, sans doute pour brouiller les pistes. Souvenons-nous que Victor Hugo, ce spirite notoire qui disait croire en Dieu, croyait aussi au repentir et à la rédemption finale de Lucifer (voir La Fin de Satan). Mais que ne peuvent inspirer les jeux spirites et le père du mensonge, Satan ? Loin des miasmes du s., le chrétien se gardera de tout commerce avec les « esprits », quels qu’ils soient. Le Médiateur par excellence, Jésus-Christ ressuscité et glorifié, la Révélation biblique, le Saint-Esprit en lui, suffisent à tout (Jean 1.18 ; 14.9, 15-18 ; 16.13 ; 1 Jean 5.20 ; Col 2.18,19).
THÉOSOPHIE (du grec Theos, Dieu et sophia, sagesse) : Selon le Petit Robert, la t. est une « doctrine imprégnée de magie et de mysticisme, qui vise la connaissance de Dieu par l’approfondissement de la vie intérieure et l’action sur l’univers par des moyens surnaturels ». Si l’on remplace « Dieu » par « divin », on trouve des formes de t. un peu partout : Upanishad hindous (VIIIe siècle av. J.-C.), confucianisme, taoïsme, néo-platonisme, gnose, kabbale juive. En Europe, Maître Eckart (1260-1327), Paracelse (~1493-1541), J. Böhme (1575-1624), Swedenborg (1688-1722), Saint-Martin (1743-1803), sont associés à la branche théosophique de l’ésotérisme occidental. Leurs interprétations du texte biblique prennent des formes aussi fabuleuses que prétentieuses (Swedenborg pensait être le précurseur d’une nouvelle ère chrétienne !) La t. moderne est née en 1875 avec la fondation de la Société théosophique par Helena P. Blavatsky (auteur du livre Sagesse divine) et le colonel H.S. Olcott, à New York. La Société théosophique conserve de nombreuses théories de la théosophie antérieure. Elle postule l’unité fondamentale de toutes les religions (universalisme religieux), la transcendance absolue de Dieu et la divinité de la nature (des dogmes qui s’excluent dans les termes !), l’existence de grands initiés se réincarnant périodiquement pour révéler la sagesse universelle à l’humanité, le processus permanent de purification du moi inférieur de l’homme par son moi supérieur (reprise édulcorée des concepts hindouistes de la réincarnation et du karma, le destin personnel), et bien sûr la réalité du potentiel humain illimité. Ce qui revient à dire que Dieu n’est plus Dieu (il n’est plus personnel), Jésus n’est qu’un grand initié parmi d’autres, son ouvre expiatoire est une invention inutile, tous les hommes finiront par devenir des Christs. Ce système ésotérique a été développé par Annie Besant, Leadbeater, Arundale et d’autres. Il fournit un aliment de choix aux prophètes du Nouvel Âge, et pave le chemin de la grande religion antichristique unifiée (2 Thess 2.7-12 ; Apoc 13.4,8,15 ; 14.9-13). On revient au « vous serez comme Dieu » du Tentateur en Eden.
P.S. Quelles meilleures paroles de conclusion que Col 2.1-10 ? Prenons ces versets pour nous, avec joie et reconnaissance !
« Je veux, en effet, que vous sachiez combien est grand le combat que je soutiens pour vous, et pour ceux qui sont à Laodicée, et pour tous ceux qui n’ont pas vu mon visage, afin qu’ils aient le cour rempli de consolation, qu’ils soient unis dans l’amour, et enrichis d’une pleine intelligence pour connaître le mystère de Dieu, savoir Christ, mystère dans lequel sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la connaissance. Je dis cela afin que personne ne vous trompe par des discours séduisants. Car, si je suis absent de corps, je suis avec vous en esprit, voyant avec joie le bon ordre qui règne parmi vous, et la fermeté de votre foi en Christ. Ainsi donc, comme vous avez reçu le Seigneur Jésus-Christ, marchez en lui, étant enracinés et fondés en lui, et affermis par la foi, d’après les instructions qui vous ont été données, et abondez en actions de grâces. Prenez garde que personne ne fasse de vous sa proie par la philosophie et par une vaine tromperie, s’appuyant sur la tradition des hommes, sur les principes élémentaires du monde, et non sur Christ. Car en lui habite corporellement toute la plénitude de la divinité. Vous avez tout pleinement en lui, qui est le chef de toute domination et de toute autorité. »
notes
(1) L’avis d’un psychiatre spécialisé dans la lutte contre la fraude médicale : « Les concepts de la KA ne sont pas conformes aux réalités scientifiques reliées aux causes ou aux traitements des maladies. Des études contrôlées n’ont pas démontré de différence entre les résultats avec les substances évaluées et avec les placebos. Des différences d’un test à un autre peuvent être dues à la suggestion, la distraction, les variations dans le degré de force ou d’angle de l’application, et/ou à la fatigue musculaire. » Conclusion d’un article de Stephen Barrett, M.D., La KA : tests musculaires pour « allergies » et « déficiences nutritionnelles », www.allerg.qc.ca/kinesiologieapp.html.
(2) Des portes d’accès très efficaces : la méditation et le miraculeux. Un pasteur de la Première Église baptiste de Seattle, R. R. Romney, n’a-t-il pas écrit : A Course in Miracles (Méthode de Thaumaturgie) et Journey to Inner Space : Finding God-in-Us (Voyage vers l’Espace intérieur : Découverte du Dieu-en-Nous) ? Grave distorsion de la doctrine biblique : celle-ci enseigne que le Saint-Esprit vient habiter le cœur du croyant à partir de sa conversion ; la vie divine de l’Esprit est alors donnée par grâce, elle n’existe nullement chez l’incroyant (Jean 3.3-8 ; Éph 2.1-8).
(3) Nous écourtons la description : voir la rubrique ésotérisme ainsi que les articles de ce numéro de Promesses sur ce thème.
(4) Les parapsychologues scrupuleux doivent être soulagés de vivre au XXIe siècle : depuis 2006, des millions d’anglophones se sont enflammés pour un livre et un film intitulés : The Secret. Rhonda Byrne, Oprah Winfrey et d’autres célébrités y exposent avec enthousiasme la loi de l’attraction : sachez ce que vous voulez et demandez au monde de vous l’accorder – soyez persuadés que le monde vous répondra positivement – soyez prêts à recevoir. Comment encore douter de la puissance illimitée de l’esprit humain… et de sa crédulité ?
(5)Les sectes à visage découvert, G. Dagon, Éd. Barnabas, F-91330 Yerres, 1995, vol. 1, p. 27,28.
(6) Sophrologie caycédienne, n° 14, 3ème trim. 1998.
Certains lui donnent deux mille ans ou plus, mais elle ne fait pas son âge. Constamment remise en selle, malgré de mémorables culbutes, elle reste incorrigiblement optimiste. Sous sa forme relookée, elle avoue 57 ans1. En 19572, elle avait déjà six enfants ; elle en exhibe désormais 273. Cette intendante aux larges robes fait de la place à tous ses protégés ; elle regorge de projets impeccables.
« Prospérité, sécurité, liberté, égalité, dignité humaine, paix, tolérance, respect mutuel (et même des minorités), justice, solidarité, développement durable ; lutte contre la faim, la maladie, la pauvreté, le terrorisme, le crime organisé ; démocratie, État de droit, stabilité… et pour faire bon poids, selon sa devise : In varietate concordia (Unie dans la diversité). »
Qui ne voudrait souscrire à un tel programme, dans un monde ravagé par la corruption, par les menaces de désintégration sociale, économique, professionnelle… et morale, par le dangereux déséquilibre nord-sud, par le réchauffement climatique, etc. ?
Qui n’aurait pas envie de faire sien un tel credo, au moment où, malgré les réticences de deux de ses enfants récalcitrants4, cette grande dame peut se targuer de quelques réussites indéniables ? (Les siens ont commencé à circuler tout à leur aise sur ses terres, et à s’y établir à leur gré. Elle est en outre la première puissance économique mondiale.5) Du reste, n’est-il pas préférable d’œuvrer ensemble avec elle plutôt que de rééditer les guerres d’antan ?
Oui, chère grande Europe, toi qui te couronnes de douze étoiles, signe de perfection et de plénitude, qui ne souhaiterait du fond du cœur l’accomplissement de tes rêves ? Pour celui qui vit sous ton parapluie, quel avenir !
À moins qu’il ne faille, avant de s’élancer joyeusement dans ton sillage6, se poser une ou deux questions sur la vraie nature de tes valeurs, de ta liberté sous haute surveillance, de ton salut sans Dieu, de ton évangile sans Christ. Pendant que tu nous le permets encore…
1 9 mai 1950, appel de R. Schuman, acte de naissance de la construction européenne.
2 25 mars 2957, Traité de Rome, à la base du Marché commun et de la CEE.
3 1er janvier 2007, l’Union européenne compte 27 membres.
4 Voir le non des citoyens français et hollandais au projet de Constitution européenne.
5 30,30% du PIB mondial.
6 …come nous y invite ton hymne officiel, l’ « Ode à la joie ».
Tout apprentissage commence par l’imitation. Encore faut-il bien choisir son modèle. Qui sont les modèles de nos enfants ? Beaucoup d’« adultes » sans repères moraux, ni souci de cohérence… Qui servent de modèles aux adolescents ? Des people décadents et pathétiques, des héros virtuels, des politiciens chamailleurs… Quels modèles inspire Monsieur Tout-le-monde ? Les ténors de la technique, de la finance, ou de l’écologie ; les ordonnateurs des modes et de la consommation ; les « missionnaires » des idées religieusement et psychologiquement correctes…
Non sans raison, la grande majorité de nos contemporains ne reste pas longtemps fidèle à ses modèles. Non seulement parce qu’on n’en trouve plus guère de crédibles, mais surtout parce que la post-modernité est assise sur l’hypothèse que chacun possède le vrai modèle à l’intérieur de soi… et donc qu’il n’y a pas de modèle universel.
En réalité, nos sociétés sont en train de se désintégrer par excès d’attentes individuelles, démesurées et antagonistes. La Bible nous avertit que la « religion » de l’homme va à rebours de son épanouissement1. Cette idéologie aura pour fin le couronnement d’un homme exalté, tyran absolu et « modèle » aberrant de l’homme sans Dieu2. La débâcle sera en proportion.
Quant aux chrétiens, ils sont exhortés par la Parole divine à imiter « ceux qui, par la foi et l’attente patiente, reçoivent l’héritage promis »3 , à l’exemple d’Abraham, père des croyants. Pour nous, la foi en Jésus-Christ seul et l’expérience de la patience sont assurément deux exercices essentiels, mais totalement étrangers à la mentalité ambiante. Diriger nos pensées vers ceux qui nous ont précédés dans ce chemin, et qui sont entrés en possession du seul héritage qui nous soit éternellement acquis, voilà ce qui peut, aujourd’hui, nous soulever, nous enthousiasmer et nous inspirer dans notre vie pratique. Et si nous redoutons que cette « imitation des modèles » devienne épuisante, ou reste purement charnelle, nous constaterons, au cours des pages qui vont suivre, que Dieu lui-même encourage les siens à garder « les yeux fixés sur Jésus » (le Modèle par excellence), et leur donne aussi les moyens de lui ressembler4.
Notes
1 Jéremie 17.5-6
2 2 Thessaloniciens 2.3-4
3 Hébreux 6.12b
4 Hébreux 12.1-2; 2 Corinthiens 3.17-18
Ninive… Babylone… Rome… ces villes au destin stupéfiant ont souvent, dans l’Ecriture, valeur d’allégories. Par l’histoire de ces capitales d’empires, mères des mégalopoles de notre époque, Dieu a parlé au monde, et révélé ses pensées.
Jonas, en son temps, a souhaité de tout son être que Ninive soit abandonnée à son sort. Mais Dieu, qui avait son regard sur les Ninivites, a voulu les visiter, les prévenir, les épargner.
Point de vue humain dépourvu d’humanité du côté du prophète, point de vue profondément miséricordieux du côté de Dieu : cela fait une différence.
Mais Jonas n’est pas loin de nous, car chaque jour nouveau nous prononçons des sentences sur nos sociétés, et nous les chrétiens ne sommes pas à l’abri des analyses trop humaines, du parti pris ou de l’indifférence, de la dureté ou de la légèreté. Voire du ressentiment…
Lorsque Jonas s’est vu confier la mission de prêcher aux Ninivites, que savait-il au juste de ce peuple ? Et lorsque Dieu se penche sur le marasme spirituel des « païens », quels sont ses critères d’évaluation, quels objectifs mystérieux poursuit-il ? Et nous, collaborons-nous volontiers à son œuvre ?
1. Jonas l’Hébreu1 et Ninive
Pour entrer dans la sensibilité et les convictions de Jonas, il faut d’abord déterminer l’époque de son ministère de prophète. Le passage de 2 Rois 14.23-27 nous fournit de précieux indices. Jéroboam II règne alors sur le Royaume du nord, Israël2. Première surprise : Jéroboam « fait ce qui est mal aux yeux de l’Eternel », et pourtant il parvient à tenir tête à l’ennemi syrien et à rétablir Israël dans ses frontières anciennes (cf. Deut 3.17). D’où lui vient donc ce succès « immérité » ? Il a agi « selon la parole que l’Eternel, le Dieu d’Israël, avait prononcée par l’intermédiaire de son serviteur le prophète Jonas, fils d’Amittaï… » Et les motifs profonds de Dieu nous sont immédiatement fournis : « Car l’Eternel avait vu la cruelle humiliation d’Israël […] nul ne venait au secours d’Israël. Or l’Eternel n’avait point parlé d’effacer le nom d’Israël de sous le ciel. Il les sauva par la main de Jéroboam, fils de Joas. » Avant de commenter ces circonstances particulières, retenons que Jonas a probablement fait le voyage de Ninive ultérieurement.
Au gré des succès de Jéroboam, Jonas a pu constater que Dieu suspendait parfois ses jugements, et choisissait ses instruments selon son bon vouloir, et non selon la logique des hommes. Cette expérience allait peut-être à l’encontre de ce que Jonas avait retenu des reproches et des menaces formulés par d’autres prophètes : Élie, Élisée et Michée (3.1-5.14) parmi les prophètes antérieurs ; Amos (2.6-9.10), Osée (1-13), et peut-être Ésaïe (28-39) parmi ses contemporains. Tous envisageaient la ruine d’Israël (et de Juda, chez Ésaïe) en cas d’infidélité persistante, et nommaient souvent l’Assyrie (dont Ninive allait devenir la capitale en 705 av. J-C.) comme un des instruments essentiels du châtiment.
Sans présumer de ce que Jonas avait retenu de tous ces appels à la repentance (des problèmes d’ordre chronologique et documentaire nous empêchant de parvenir à des certitudes), nous imaginons son soulagement à voir Dieu user de patience et de grâce envers ses compatriotes, même s’il ne pouvait oublier que la grâce faite à Israël, à Jéroboam et à ses éventuels successeurs, ne serait pas indéfiniment prolongée : Dieu accordait un dernier sursis, une toute dernière occasion de revenir à lui. Mais en supposant que Jonas ait été persuadé (à travers les messages prophétiques d’Amos et d’Osée) que l’Assyrie allait totalement démanteler Israël3, et qu’il ait déjà assisté à un début de main mise sur son pays par Tiglath-Piléser III (désigné sous son nom babylonien de Poul en 2 Rois 15.19,20 ; voir aussi 15.29 ; 16.5-7 ; És 7.1)4, nous n’avons pas de peine à comprendre son refus de prêcher aux Ninivites : Jonas ne voulait en aucun cas contribuer à assainir la puissance qui un jour allait subjuguer sa nation.
Ainsi donc, avant d’entamer sa mission à Ninive, Jonas connaissait suffisamment les plans de Dieu et l’histoire pour se faire une idée de Ninive et de l’Assyrie, tant sur le plan géostratégique que moral. Il savait de plus :
– que Ninive avait des origines aussi antiques que le monde habité. Gen 10.8-12 faisait remonter sa fondation à l’époque de Nimrod (arrière petit-fils de Noé), qui bâtit une conurbation (agglomération) de cités le long du Tigre : « …et il bâtit Ninive, et Rehoboth-Ir, et Kalakh, et Résen entre Ninive et Kalakh : c’est la grande ville » (trad. Darby) ;
– que ces cités de Mésopotamie, marquées du coin de la démesure, avaient constitué l’embryon des puissances babyloniennes et assyriennes ;
– que l’Assyrie, surtout depuis l’époque d’Achab, roi d’Israël, et de Salmanasar III (860-825 av. J-C.), était entrée en confrontation directe avec les Israélites ;
– qu’un roi d’Israël, Jéhu, fils d’Omri, avait été contraint de payer un tribut à ce despote assyrien (842 av J.-C.)5;
– que les Assyriens glorifiaient la force brutale et les conquêtes militaires, et que la corruption de Ninive était devenue insupportable non seulement à tous les peuples oppressés, mais à Dieu lui-même (cf. Jon 1.2).
D’autre part, Jonas connaissait suffisamment les plans de Dieu et l’histoire pour se faire une idée de l’état moral et spirituel du Royaume d’Israël, et pour en redouter l’effondrement. Mais peut-être s’accrochait-il aveuglément aux promesses du rétablissement final de Juda ou d’Israël, bien réelles chez plusieurs prophètes, pour espérer un autre cours des choses (cf. És. 1.26 ; 11.12 ; 27.13 ; 33.20 ; 40.2 ; 49.22 ; 60.10 ; Osée 2.18-25 ; 11.8-11 ; 14.5-10).
En rassemblant ces éléments, nous comprenons un peu mieux le double refus que Jonas oppose à son Dieu lorsqu’il est question de prêcher aux Ninivites (cf. Jon 1.3 ; 4.9)… et ces paroles très amères du prophète après le pardon accordé aux Ninivites repentis : « Ah ! Eternel, n’est-ce pas ce que je disais quand j’étais encore dans mon pays ? C’est ce que je voulais prévenir en fuyant à Tarsis. Car je savais que tu es un Dieu qui fais grâce et qui es compatissant, lent à la colère et riche en bienveillance, et qui regrettes le mal. Maintenant, Eternel, prends-moi donc la vie, car la mort m’est préférable à la vie. » (Jon 4.2,3)
Résumons l’« évangile » selon Jonas l’Hébreu :
– la grâce et le pardon accordés à Israël, d’accord. Mon peuple a grand besoin des faveurs de son Dieu. Espérons qu’Israël voudra bien se repentir.
– la grâce et le pardon accordés à nos ennemis païens, pas question. Les Assyriens sont voués à la destruction. Espérons qu’ils persisteront dans le mal pour hâter ce dénouement.
2. Le Dieu-des-cieux-qui-a-fait-la-mer-et-la- terre-ferme6… et Ninive
Quelle ironie dans ce titre donné à l’Eternel par son prophète récalcitrant. Alors même que Jonas doit avouer aux marins terrorisés par la tempête qu’il est en train de fuir la face de l’Eternel (1.9-10), c’est-à-dire de tenter de se soustraire à l’autorité du Maître suprême, il désigne son Dieu de manière à établir l’indiscutable souveraineté de celui-ci aux yeux des matelots « idolâtres ».
Il dit bien. Car s’il est une réalité première que le livre de Jonas souligne fermement, c’est celle-là. Dieu ne commande-t-il pas tour à tour au vent (1.4), au poisson (2.1), au ricin (4.6), à un ver (4.7), à nouveau au vent (4.8), et n’a-t-il pas la maîtrise du « hasard » lui-même (1.7) ? Jonas expérimente donc en direct les moyens illimités et déconcertants de son Seigneur, et va jusqu’à admettre provisoirement qu’il est très sage de s’y soumettre (2.9-10). Les marins l’ont du reste admis avant lui : « Toi, Eternel, tu as agi comme tu l’as voulu. […] Ces hommes furent saisis d’une très grande crainte de l’Eternel » (1.14-16).
Dieu ne laisse ni sa création, ni ses créatures sans témoignages de sa présence, ni sans preuves de sa volonté d’intervenir quand et comme il lui plaît. Et si le livre de Jonas nous révèle une direction précise de cette volonté, c’est justement celle dont Jonas redoute le libre exercice (cf. 4.2b) : le désir de sauver chacune de ses créatures terrestres, et de lui témoigner sa bienveillance, sa bonté (en hébreu hésed, terme utilisé 250 fois dans l’A.T.). Rien de plus inexact que l’image, souvent brandie par les détracteurs de la Bible, d’un Dieu pressé de punir, avide de vengeance et d’affirmation brutale de sa supériorité : Jonas le savait fort bien (cf. 4.2c : « tu es un Dieu qui fais grâce et qui es compatissant, lent à la colère… »), mais se dépitait jusqu’à l’écœurement à l’idée que les Ninivites aient si vite saisi la grâce qui leur était réservée.
Par divers moyens, Dieu va démontrer à son serviteur que la colère de celui-ci n’est pas cohérente : si Dieu a fait grâce au prophète désobéissant, et si Jonas est capable de se réjouir ou de s’apitoyer sur le sort d’un ricin, Dieu n’a-t-il pas raison de prendre à cœur le sort de 120.000 êtres humains « qui ne savent pas distinguer leur droite de leur gauche » et de « bêtes en grand nombre » (4.9-11) ?
Quelle leçon pour nous, et quelle mise en garde !
Car nous aussi sommes confrontés à un monde hostile qui, de multiples manières, a déjà persécuté les enfants de Dieu cruellement, comme il a persécuté le peuple d’Israël, et le Fils de Dieu lui-même. Nous qui connaissons les décrets de Dieu, et qui par le moyen des écrits prophétiques, savons de quelle façon Dieu jugera la terre et les œuvres qu’elle renferme (cf. 2 Pi 3.7,10 et suivants), comment observons-nous la rapide dégradation de nos civilisations très avancées dans le mal ? Nos cœurs éprouvent-ils de la bienveillance envers ceux que leur incrédulité ou leur folie a rendus esclaves de vices dégradants, et maintient dans une obscurité spirituelle et morale quasi-complète ? Croyons-nous au miracle de la repentance, et souhaitons-nous le voir se produire chez les Ninivites de nos temps ? Si non, souvenons-nous que la volte-face des gens de Ninive se produisit dès le premier jour de prédication, et que ces « mécréants » comprirent sans explication que la colère de Dieu était directement liée à leur « mauvaise conduite » et à leur « violence » (3.8).
3. Ninive : un mystère stimulant pour notre témoignage
Le livre de Jonas se termine par un mystère : on ne sait pas ce que Jonas va répondre à son patient Seigneur. Soyons optimistes, et parions que si Jonas lui-même a fourni la matière de son livre, il n’a guère pu le faire dans un état de rancune éternelle. Avec le recul, il a pu témoigner de son expérience positivement.
Mais un plus grand mystère se présente sur le devant de la scène. Quel sens donner à la fin de Ninive, dans la perspective du livre de Jonas ? Un coup d’œil aux manuels d’histoire nous apprend qu’une centaine d’années après le réveil spirituel des Ninivites, la ville va être détruite ( 612 av J.-C.) et l’Empire assyrien passera sous la botte des Babyloniens. Destruction restée légendaire dans l’antiquité déjà : le Grec Lucien de Samosate (125-192 apr. J-C.) faisait dire à Mercure transporté par Charon : « Ninive est si détruite, qu’on ne peut plus dire où elle se trouvait. Il n’en reste aucune trace. » Pendant les 19 premiers siècles de l’ère chrétienne, on a appris beaucoup de choses sur la civilisation égyptienne, mais on a pratiquement ignoré l’Empire assyrien, et d’autres empires mésopotamiens. Voltaire, et bien d’autres rationalistes avec lui, ricanaient à propos du mythe de Ninive. Fort heureusement, les découvertes de P-E. Botta, de H.A. Layard, de G.H. Grötefend et de G. Smith, au milieu du 19ème siècle, allaient faire surgir des sables une civilisation étonnante de contrastes, dont nos plus grands musées (Le Louvre, British Museum) gardent jalousement la mémoire. Quoi qu’il en soit de nos connaissances actuelles, le mystère du destin de Ninive, d’un point de vue spirituel, reste troublant.
En effet, quelle valeur donner à la conversion des Ninivites si la plus complète ruine figurait au programme du divin Maître de l’histoire ?
Le livre de Nahum et certains passages de Sophonie amènent de précieuses informations. Lisons plutôt (Soph 2.13-15) :
« Il (=l’Eternel) fera périr l’Assyrie
Et il fera de Ninive une désolation,
Une terre aride comme le désert.
Des troupeaux feront leur gîte au milieu d’elle,
Des animaux de toutes espèces ; […]
Voilà donc cette ville d’amusements,
Qui s’installe dans la sécurité
Et qui dit en son cœur :
Moi, et rien que moi !
Comment ! elle est devenue une désolation,
C’est un gîte pour les animaux,
Tous ceux qui passent près d’elle
Sifflent et agitent la main. »
Les causes de la destruction sont claires, et l’ordonnateur de l’anéantissement est identifié : c’est l’Eternel. Ninive va connaître le même sort que Babylone plus tard, et pour les mêmes raisons. Ceux qui ont été touchés par la grâce de Dieu à l’époque de Jonas n’ont pas été imités par leurs descendants. Très vite, la ville a sombré dans une méchanceté (Nah 3.16) plus grande que par le passé :
– pratique coutumière du mensonge, de la violence, l’esclavage atteignant des sommets de cruauté (Nah 3.1) ;
– culte du plaisir et débauche sexuelle (Nah 3.4) ;
– culte de la richesse et trafics en tous genres (Nah 3.1, 16)7;
– orgueil (Soph 2.15b) ;
– occultisme et magie (Nah 3.4).
Or l’histoire nous apprend que pendant ses cent dernières années, Ninive a connu une extension sans précédent : Sanchérib8 va choisir Ninive pour capitale (peu après 705 av. J-C.) ; des constructions impressionnantes vont s’élever : barrages, aqueducs, palais royal. Parallèlement, ses campagnes militaires vont le pousser à s’attaquer à Israël, et la Bible nous rapporte ses railleries à l’égard du peuple de Dieu et de la foi en l’Eternel (2 Rois 18.13-37)9. Un peu plus tard, Assurbanipal, constituera à Ninive la plus importante bibliothèque du monde antique (en attendant celle d’Alexandrie) : environ 100.000 tablettes sur tous les sujets de la science, de la littérature, de l’histoire, de la loi, de la médecine, des pratiques religieuses, de la magie et de quantité d’autres sujets. Déjà l’ambition encyclopédique ! Mais cette ville où les plus exquis raffinements, où la culture la plus diverse, où la technologie la plus avancée, côtoient les pratiques les plus bestiales et les ambitions les plus délirantes, va rapidement décliner et s’écrouler. Scénario hélas devenu classique…
Nous voilà donc obligés d’admettre que Dieu, sachant qu’un jour viendrait où Ninive devrait mordre la poussière, avait néanmoins entrepris tout ce qu’il fallait pour que des Ninivites soient sauvés, parce leur sort avait ému sa vive compassion et mobilisé sa puissance.
Notre siècle, nous l’avons suggéré, ressemble à bien des égards au monde de Ninive : même ivresse de la connaissance, mêmes réalisations étonnantes, même orgueil, même présomption, même violence, même hédonisme, mêmes ténèbres spirituelles. La fin de la « grande Babylone » (Apoc 17, 18) est programmée, et nous savons pourquoi. Toutefois, le mystère insondable de la grâce de Dieu subsiste, et l’offre du salut en Jésus-Christ est encore pour chacun (Jean 3.16). Nous appartient-il de rester indifférents à la détresse de nos contemporains, ou de suivre l’exemple de Celui qui est venu chercher et sauver ceux qui sont perdus (Luc 19.10) ?
Claude-Alain PFENNIGER
1 Cf. Jon 1.9
2 Ce règne dura de 782 à 753 av. J-C. selon Thiele ; de ~780 à ~740 selon Le Petit Robert 2 ; de 825 à 785 av. J-C. selon R. Liebi. Autres datations possibles.
3 Cf. Osée 11.5 : « …l’Assyrien à son tour sera leur roi, parce qu’ils ont refusé de retourner vers moi. »
4 L’archéologie nous permet de lire des annales de Poul, qui évoquent ses démêlés avec Menahem (- 738) : « Quant à Menahem, je l’ai écrasé comme le ferait une tempête de neige. Il s’est enfui comme un oiseau puis s’est prosterné devant moi. Je lui ai ordonné de reprendre sa place et de me verser un tribut… » Poul y parle aussi de ses déportations d’Israélites vers l’Assyrie. (La Bible et l’archéologie, de J.A. Thompson, Ligue pour la lecture de la Bible, Fr- Guebwiller, 1975)
5 En 1840, l’explorateur Henry Layard découvrit à Nimrud un grand obélisque noir représentant les Israélites portant leur tribut à Salmanasar. En tête de cortège, Jéhu prosterné devant Salmanasar. C’est le seul portrait d’un roi israélite mis à jour par l’archéologie.
6 Cf. Jon 1.9b
7 On appelait Ninive « la ville voleuse » parce qu’elle s’était maintes fois enrichie au détriment des pays conquis ou soumis.
8 Nom aussi transcrit « Sennachérib ».
9 Le fameux « cylindre de Taylor » (British Museum), fragment des annales de Sanchérib, raconte comment ce dernier contraignit le roi Ezéchias à lui payer un lourd tribut (cf. 2 Rois 18.13-16).
Quel bonheur d’évoluer dans un monde libre, où chacun peut s’exprimer, envoyer des SMS, s’informer en permanence, se distraire ou acheter grâce aux offres qui atterrissent spontanément dans nos boîtes aux lettres (traditionnelles ou électroniques) ! Merci, les médias, pour votre universelle présence et pour votre tolérance, pour vos images, reflets du monde, échos des masses ; merci pour votre hospitalité (vous qui hébergez tour à tour carnages et carnavals, pugilats oratoires et documentaires exotiques).
Quelle surprise que des esprits chagrins vous cherchent des défauts. Ne vous accuse-t-on pas d’abus d’influence, de manipulations, de propagation de (fausses) rumeurs ? Ne vous décrit-on pas comme un « quatrième pouvoir » d’essence totalitaire ? Loin de vous contenter d’informer ou de commenter l’actualité, vous vous efforceriez de fabriquer vous-mêmes l’événement… et de modeler la réalité au gré des politiques ou des lobbies qui vous noyautent. Faut-il donc vous brûler ?
Qu’on se rassure : ce n’est pas nous qui vous déclarons la guerre ; des penseurs non-conformistes s’en chargent 1, tout comme les ennemis de la liberté de pensée. Simplement, nous considérons que notre devoir de chrétiens est de résister à votre mainmise, à la sinistrose que vous distillez, au culte béat de l’écran, à la fuite dans les mensonges virtuels. Nous savons que l’action du « prince de la puissance de l’air », le diable ( éph 2.2), est palpable, et qu’il cherche à unifier le monde par votre concours.
Toutefois, nous comptons être présents dans votre arène : notre message continuera d’apparaître dans des journaux, (les livres font-ils partie des médias ?), et, avec prudence et sobriété, nous userons nous aussi de l’image et des ondes. Car après tout, en disciples du grand Médiateur divin, du Logos éternel, de la Parole faite chair, nous propageons la meilleure bonne nouvelle de l’univers, par le canal du premier média de tous les temps : la Bible, Parole écrite et inspirée, parole décisive pour juger de toute parole humaine, de tout contenu, de toute apparence.
1 Quelques noms fameux parmi les critiques du monde médiatique : G. Orwell, M. McLuhan, J. Habermas, R. Debray, M. Henri. Ces penseurs ne s’affichent pas comme chrétiens.
Claude-Alain Pfenniger
Bilan provisoire
Dans notre vieille Europe en quête d’une seconde jeunesse, il est de bon ton d’afficher un esprit républicain laïc et non partisan. Cette apparente neutralité ne doit pourtant pas faire illusion : elle se double, au niveau des plus hautes instances, d’un athéisme militant qui n’ose pas dire son nom. On ne s’étonne donc guère que la nouvelle Constitution européenne, dont le projet a été adopté en juin 2004, omette toute référence à Dieu dans son préambule, au profit d’un texte passe-partout : « S’inspirant des héritages culturels, religieux et humanistes de l’Europe, à partir desquels se sont développées les valeurs universelles… ».
Plus récemment, le refus de la candidature de Monsieur Buttiglione (un catholique conservateur) au sein des organes directeurs du Parlement européen est un épisode significatif : la morale chrétienne sur des sujets comme l’avortement ou l’homosexualité n’a pas sa place dans ce cadre. Parallèlement, à tous les niveaux de notre vie ordinaire (éducation, législation, affaires, mœurs, etc.), le consensus chrétien continue de s’éroder, et les mentalités collectives héritées de mai 68 viennent prêter main forte aux dirigeants de nos nations apostates. Un vieux rêve occulte se concrétise : l’Empire mondial se bâtit avec le ciment de la révolte contre l’Éternel et son messie (cf. Ps 2.1-3). Comme l’avait discerné A. Camus dans son fameux essai sur « l’histoire de l’orgueil européen », ce projet est habité d’une ambition métaphysique : « l’édification, après la mort de Dieu, d’une cité de l’homme enfin divinisé » (L’homme révolté, Idées NRF, Gallimard, 1951, p 22 et 225).
Un strapontin pour le chrétien ?
Conscient des présupposés anti-chrétiens qui, souvent mêlés aux bons sentiments et aux discours apaisants, façonnent notre société, le chrétien peut à juste titre se sentir isolé, incompris, voire menacé. Le flou de la pensée postmoderne, aussi répandue qu’insaisissable, semble le priver d’une affirmation claire et tranchante de sa foi. Y a-t-il encore un strapontin pour lui dans cette mouvante et imposante assemblée?
La tentation de se rebiffer contre une place aussi humiliante est grande. Mais le chrétien a été prévenu : « Le serviteur n’est pas plus grand que son seigneur. S’ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront aussi » (Jean 13.16 ; 15.20). Au reste, l’expérience nous apprend que le monde trouve toujours prétexte à s’opposer au témoignage des croyants. Si ceux-ci sont fervents, on les accusera d’exaltation ou d’illuminisme ; s’ils sont modérés, ce seront des faibles ; s’ils sont fidèles, on en fera des réactionnaires ringards ; s’ils sont dévoués dans le cadre de leur église, on les réduira à des sectaires bornés ; s’ils sont sympathiques, serviables et généreux, ce seront de braves gens, mais on refusera à leur Sauveur le privilège de les avoir rendus tels. Reconnaissons que vivre en chrétien n’est pas de tout confort.
Trop tard pour être entendus ?
Informé de l’ingratitude du combat, le chrétien l’est aussi des fruits attendus de son service. Tant que le Chef de l’Église ne l’a pas reprise à lui, le croyant peut compter sur des percées et des victoires spirituelles réelles : « À ceci tous connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l’amour les uns pour les autres » (Jean 13.35) ; « Faites tout sans murmures ni discussions, pour être irréprochables et purs, des enfants de Dieu sans reproche au milieu d’une génération corrompue et perverse, parmi laquelle vous brillez comme des flambeaux dans le monde, portant la parole de vie » (Phil 2.14,15,16a). Tel est le plan du Maître pour ses disciples, afin que ceux-ci offrent au monde des vies d’authentiques chrétiens, fermes, unis et pleins d’espoir malgré l’hostilité ou l’indifférence. Pourquoi donc le message de l’Évangile est-il en perte de crédit ? Pourquoi le chrétien reste-t-il souvent désemparé, comme sur la touche, devant l’évolution de notre société ? Essayons d’y réfléchir.
1. Attention virus !
Depuis une quarantaine d’années, le dogme chrétien est soumis à un redoutable travail de sape. On nous dira qu’il en a toujours été ainsi. Oui et non. Oui, parce la vérité biblique a toujours été contrée et contestée au nom d’autres positions (religieuses, scientifiques, politiques, etc.). Non, parce que la nature de l’idéologie postmoderniste est foncièrement inédite : le chrétien ne se trouve plus face à des adversaires auxquels il faudrait opposer des contre arguments soigneusement choisis ; c’est le droit d’avoir ses arguments à lui qui lui est refusé. En effet, dans un monde où règnent les principes d’incertitude et de pluralisme, c’est la possibilité même de se référer à une vérité absolue, certaine, normative, qui est proscrite. La mode impose une réduction au particulier ; elle n’admet pas de réalité transcendante au-delà du Moi. Un tel minimalisme spirituel est bien évidemment incompatible avec la Révélation biblique et tout son message.
Malheureusement, ce présupposé culturel a pesé très lourd sur la capacité de mobilisation et de rayonnement des chrétiens. Les « flambeaux » se sont mués en timides « lumignons qui fument ». L’engourdissement spirituel et les soucis de la vie ont fait le reste, et beaucoup de croyants sont devenus incapables de remplir leur mission de sentinelles, de hérauts de Christ (cf. Mat 26.36-46 ; Luc 21.34). Plus grave encore : le croyant du 21ème siècle est parfois devenu, à son insu, le vecteur efficace (la « mule » ?) de notions et de comportements manifestement séculiers et profanes. Pareilles à des virus, ces attitudes infectent sa relation avec Dieu, et son témoignage. En voici les symptômes les plus fréquents :
a) L’appauvrissement de la connaissance
Le refus postmoderne de la pensée rationnelle et structurée, ainsi que la négligence de l’étude systématique de l’Écriture (sans parler de l’abandon de la lecture tout court) sont ici en cause. Cette orientation en phase avec l’esprit du temps flatte évidemment notre paresse innée, et nous autorise le moindre effort. La connaissance biblique se rétrécit comme une peau de chagrin. Conséquence : le chrétien évangélique connaît moins bien « son livre » qu’un témoin de Jéhovah ou qu’un mormon. Sa foi est sans vigueur, parce que sous-alimentée.
b) Le ramollissement de la conscience
Le relativisme moral qui prévaut aujourd’hui, la banalisation des perversions en tous genres, ainsi que le mépris général dans lequel le monde tient la Révélation biblique, contribuent à aliéner le croyant de ses semblables. Comme Lot au milieu de Sodome, il s’afflige de l’état moral de la cité, mais ne trouve pas la force de la quitter. Quand, de plus, il ne connaît la Parole de son Dieu qu’au travers de vagues souvenirs de catéchisme ou de prédications vite oubliées, il se résigne plus facilement à la dépravation ambiante. Même s’il ne pratique pas tout ce qui se fait autour de lui, le chrétien n’en est plus franchement choqué. Quant aux libertés qu’il s’octroie, aux choses qu’il regarde (des heures durant), aux accoutrements provocants qu’il (elle ?) se permet, au langage qu’il utilise, on n’ose plus y faire allusion : ce serait empiéter sur sa sacro-sainte sphère privée.
c) L’effacement du discernement
L’extrême variété des points de vue possibles, l’éclatement des frontières et des valeurs traditionnelles, mais surtout les effets conjugués d’une intelligence mal éclairée et d’une conscience émoussée, peuvent rendre le chrétien incapable de s’orienter, de comprendre les temps dans lesquels il vit, de distinguer entre l’utile et le futile. Il ne perçoit plus clairement sa vocation. Il va dès lors se laisser guider par les circonstances ou par le discours persuasif de la première vedette (évangélique) venue. Sa capacité de démêler le vrai du faux, le bien du mal, l’essentiel du superficiel, le réel de l’artificiel, la spiritualité biblique des spiritualités d’en bas, s’en trouve sérieusement compromise.
d) La surévaluation des émotions
L’habitude généralisée de mesurer la validité (et même la vérité) d’une pensée ou d’une expérience en fonction de la qualité de l’émotion qu’elle engendre ou du plaisir qu’on en retire, finit par déteindre sur le chrétien. Pour lui aussi, la tentation de privilégier le « fun » et le « cool », l’ambiance, voire les sensations fortes, est bien présente. Tout ce qui ne l’émeut pas est suspect, ennuyeux, sans contenu. C’est ainsi que l’on peut expliquer l’engouement délirant de certains milieux évangéliques pour une musique (presque) aussi assourdissante, martelée, délurée et sensuelle que celle des discos branchées (ne dit-on pas que la louange dynamique et authentique, c’est comme ça ?…) Ce besoin impératif de sensations explique aussi la soif d’expériences « décoiffantes » avec Dieu : signes, prodiges, miracles, révélations spéciales, etc. Mais les émotions sont de dures maîtresses : elles en exigent toujours plus, jusqu’à épuisement du sujet.
e) La distorsion des textes bibliques
Malgré l’éparpillement extrême des pensées, notre société postchrétienne est pourtant habitée d’une obsession invétérée : elle ne cesse de produire des ouvrages, des films, des avis, des controverses, autour de thèmes tels que la Bible, Dieu, Jésus-Christ, et le vrai sens de l’Évangile. On pourrait presque s’en réjouir, si les interprétations ainsi popularisées, et les hypothèses avancées, ne constituaient pas, la plupart du temps, de grossières distorsions du sens évident des textes sacrés. Ainsi, par exemple, le théologien suisse Eric Fuchs qui, se fondant sur les propos de l’apôtre Paul : «Il n’a plus ni Juif ni Grec, il n’y a plus esclave ni libre, il n’y a plus ni homme ni femme, car vous tous, vous êtes un en Jésus-Christ » (Gal 3.28), en vient à justifier l’union homosexuelle non seulement dans la société, mais dans l’Église. Il ne voit pas d’objection à ce qu’un pasteur soit un homosexuel actif. Au passage, il critique la lecture « fondamentaliste » (c’est-à-dire littérale) des textes bibliques (voir l’article Tous saints ? Les homosexuels aussi ? de J-F. Mabut et A. Dupraz, Tribune de Genève du 1er nov. 2004). Dans ce climat de maltraitance des textes bibliques, et devant la sophistication de certains arguments fallacieux, le chrétien moyen se sent dépassé, et se garde bien d’entrer dans l’arène du débat, laissant le champ libre aux falsificateurs de tous poils.
f) La dispersion de l’énergie
Notre Occident voué aux dieux de la consommation est aussi un hypermarché culturel, psychologique, mystique et religieux. L’offre et la demande sont infinies. Plus question de se soumettre, sa vie durant, à une seule ligne de pensée ou de conduite. De même que le divorce et les relations sentimentales éphémères sont devenus la norme, les « expériences » destinées à garantir le mieux-être et l’épanouissement personnel seront aussi nombreuses, diverses et bigarrées que nécessaire. De divertissements en thérapies, de séminaires en voyages initiatiques, de cures de bien-être en spectacles éblouissants, l’Occidental du 21ème siècle se multiplie et s’éreinte. Et le croyant, pour être sûr d’être à la page, se met à vivre au même rythme, sous la même contrainte. Oh ! bien sûr, il ne troquera pas facilement sa foi contre une religion exotique, mais dans le cadre de son église, de son temps libre, de ses centres d’intérêt, il sera à l’affût des nouveautés, des modes, des choses à voir absolument, comme s’il craignait de ne vivre qu’à moitié en se calmant un peu.
Qui se sent indemne de la mentalité du siècle présent ? Le catalogue des virus de notre foi devrait nous amener à la constatation : l’impact de notre témoignage passe par une reconquête de notre identité, par un assainissement de notre position face au monde, par une redécouverte de notre héritage ?
2. Retrouver notre place
Nous ne pouvons ici qu’esquisser une orientation nouvelle. Dans un livre fort intéressant intitulé Les défis de la postmodernité (Éd. Emmaüs, 2002, CH-1806 Saint-Légier), Alfred Kuen fixe les termes de sa réflexion entre deux pôles :
– d’une part, la nécessité pour le croyant immergé dans la mentalité postmoderne de ne pas s’y conformer, selon l’injonction de l’apôtre Paul : « Ne vous conformez pas au monde actuel, mais laissez-vous transformer par le renouvellement de votre pensée, pour pouvoir discerner la volonté de Dieu : ce qui est bon, ce qui lui plaît, ce qui est parfait » (Rom 12.2) ;
– d’autre part, la nécessité de tenir compte de cette mentalité dans son approche de ses semblables. Selon Paul toujours : « Je me fais tout à tous, afin d’en conduire au moins quelques-uns au salut par tous les moyens » (1 Cor 9.22).
Après avoir soigneusement analysé les implications de la position postmoderniste dans le monde et dans l’Église, A. Kuen nous propose d’exploiter le mieux possible les failles et les grandes détresses provoquées par le vide existentiel et normatif de notre époque. Il affirme que le désarroi actuel crée des opportunités nouvelles pour l’évangélisation, mais que cette dernière ne doit pas hésiter à prendre parfois des chemins inhabituels (voir chap. 10 : Comment se faire « tout à tous »). Pour autant, l’auteur reconnaît que l’adaptation au monde actuel a ses limites, et que le message chrétien ne saurait être simplement assaisonné au goût du jour : « Tout notre enseignement et toute notre prédication devront tourner autour des vérités centrales de l’Évangile. Le christianisme contient une part intellectuelle non négociable qu’il nous faut enseigner… Dans le Nouveau Testament les chrétiens ne dialoguent jamais comme si les deux parties étaient censées chercher la vérité : ils proclament celle qu’ils ont découverte en Jésus. Mais ils le font avec humilité » (p. 178). Suit un catalogue de conseils pour rétablir le courant entre les chrétiens et leur génération.
Toutefois, A. Kuen est bien conscient qu’avant toute « méthode » de communication du message biblique, c’est l’état spirituel du croyant qui constitue la priorité absolue. « C’est dans la mesure où nous serons vraiment nous-mêmes, vivant notre foi comme la Parole de Dieu le demande, que nous aurons le maximum d’impact sur nos contemporains » (p. 191). Et l’auteur de citer 1 Pi 2.11-12, et un peu plus loin, Rom 3.10-14 et Ph 2.14-16a (déjà cité au début de notre article).
Ainsi donc, trouver notre juste et utile place dans ce monde requiert un triple combat :
– le combat pour une vie personnelle entièrement conforme à la volonté de Dieu ;
– le combat pour une vie d’église conséquente et convaincante ;
– le combat pour une évangélisation sage, aimante, et sans compromis (cf. p. 194).
Si, dans les grandes lignes, nous pouvons suivre la présentation d’A. Kuen, dont l’approche est sûrement celle de beaucoup d’évangéliques, nous nous permettons cependant de suggérer que le chrétien en panne de témoignage efficace verse trop rapidement dans la mise en application de recettes de communication (si ce n’est de marketing, voire de manipulation psychologique). Il sous-estime la valeur déterminante de sa communion avec Dieu, de sa consécration dans le cadre de sa vie d’église et de la fidélité qu’elle implique dans toutes sortes d’œuvres plus ou moins cachées. Il fait parfois peu de cas de la transmission de « tout le conseil de Dieu », y compris des éléments les moins populaires de ce message (prédication centrale de Jésus Christ crucifié pour nos péchés et ressuscité pour notre justification ; cf. 1 Cor 1.21-23, 30 ; 2.2 ; Rom 4.25). En d’autres termes, on se hâte vers des fruits rapides, mais on néglige d’affermir les racines et de soigner l’arbre. D’où des résultats de qualité incertaine.
En relisant attentivement les versets de départ d’A. Kuen dans leur contexte (c’est-à-dire Rom 12 à 16 et 1 Cor 8 à 13), on est frappé par l’insistance de Paul sur deux thèmes prioritaires : la relation des croyants avec leur Dieu, et celle des croyants entre eux. Les relations des croyants avec le monde en général ne viennent qu’ensuite.
Cet équilibre implique que le croyant s’attache d’abord à regagner le terrain que la mentalité postmoderne lui a volé. Les maux que nous avons brièvement passés en revue (appauvrissement de la connaissance biblique, ramollissement de la conscience morale, effacement du discernement, surévaluation des émotions, distorsion des textes bibliques, dispersion de l’énergie) sont autant de handicaps graves, dont on ne guérit pas du jour au lendemain. Leur élimination exige la repentance, le retour à une vie d’authentique dépendance de Dieu, le réajustement de nos priorités, la réflexion éclairée par la Parole et par l’Esprit, le rééquilibrage de nos émotions, le réexamen de notre engagement dans la famille, dans l’Église et dans le monde. Devant l’influence ravageuse de notre société impie sur nos esprits, et devant l’ampleur de notre mission, nous pouvons soupirer : « Qui est suffisant pour ces choses ? » (2 Cor 2.16 b) La réponse du Seigneur ne sera pas autre qu’il y a 2000 ans : « Ma grâce te suffit, car ma puissance s’accomplit dans la faiblesse » (2 Cor 12,9 a). Dans cette perspective, et avec une telle provision, qui peut prétendre que le chrétien n’a plus sa place aujourd’hui ?
Nos sociétés démocratiques brillent, dit-on, par leur esprit d’ouverture : ouverture aux changements, à la diversité des opinions, des croyances, des comportements. Tout s’échange, tout se vend, tout peut se négocier, même l’amour et la vérité. Mais cette tolérance a un prix : nos esprits globalisés se rapprochent implacablement du nivellement universel.
Paradoxe d’un monde où chacun proclame sa dignité d’être libre et unique, mais où la machine économico-idéologique qui broie notre planète resserre sans relâche l’étau qui rend chaque âme pareille à chaque autre, et docile aux lois du marché. Les goûts, les attentes, les besoins sont imposés par l’écrasante pression médiatique qui, tirant parti de la vanité, de la paresse et de l’égoïsme humains, pousse le « consommateur » à nager dans le courant avec des milliards de créatures emportées comme lui vers un avenir en chute libre. Ainsi consent-on à se laisser mener par les organisateurs sournois de l’anonymat et du conformisme obligatoires.
Dans ce monde impersonnel et vidé du vrai Dieu, à qui ressemblons-nous ? Nul doute que le chrétien qui nage à contre-sens ne manquera pas d’être remarqué. Seul entre beaucoup, il va heurter, surgir comme témoin d’une voie tout autre.
Notre présence ici-bas signale-t-elle clairement notre différence ? Notre mentalité, nos affections, nos motivations, nos objectifs, notre langage, notre apparence, portent-ils réellement la « marque du chrétien », et attestent-ils de la présence vivante du Seigneur Jésus en nous ? Ou bien nous sommes-nous si bien adaptés à notre environnement, et si bien fondus dans la masse, que personne ne détecte notre véritable appartenance ? Puisse ce numéro de Promesses encourager chaque chrétien à (re)trouver ses marques, à se distinguer à la gloire de son divin Maître, et pour le salut de ses congénères.
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