PROMESSES

Je vous propose d’aborder ce sujet à partir de deux épisodes tirés des Évangiles et deux paragraphes des épitres de Paul. Nous y trouverons des éléments de réponse autour de quatre thèmes :
• Autorité et humilité
•Autorité pour faire grandir
•Autorité au travail
•Autorités civiles respectées

Autorité et humilité  (Matthieu 8.5-13 et Luc 7.1-10)

L’exemple du Christ et le témoignage du centurion nous donnent une bonne introduction sur le sujet de l’autorité dans la cité : Quelle que soit notre position, nous sommes confrontés à l’autorité, celle à laquelle nous sommes soumis et celle que nous exerçons.
– Le centurion représente l’autorité de Rome, la puissance qui s’est imposée aux Juifs ; mais il nous impressionne d’abord par son humanité : en parlant de son serviteur, il dit qu’il est : « horriblement tourmenté » (Mat, version Darby ) et Luc précise que cet esclave lui « était fort cher ». Il demande de l’aide au Seigneur en sa faveur. Ces expressions soulignent l’intérêt et l’affection qu’il porte à son serviteur.
-Il nous donne ensuite un exemple d’humilité : Le centurion exprime avec délicatesse ce qu’il pense de Jésus : « Seigneur, ne te donne pas de fatigue » (Luc) et « Seigneur, je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit » (Mat), tandis que les Juifs disent de lui : « il est digne que tu lui accordes cela ». Il ne met pas non plus en avant la généreuse construction de la synagogue qu’il a effectuée (Luc). Ce sont les Juifs qui s’en chargent.
– Le centurion sait que son autorité est sous contrôle : « je suis un homme placé sous l’autorité d’autrui, ayant sous moi des soldats. » Son autorité commence par la soumission. C’est la première chose qu’il a en vue. Il sait qu’elle lui a été conférée, déléguée et qu’il ne peut l’exercer sur ses hommes que dans le respect et la soumission à l’autorité supérieure. Quelle marque d’humilité chez cet homme !
Cette très belle perspective, exemple pour nous, le garde du risque d’abus d’autorité. Il sait que ses faits et gestes à l’égard des personnes qui lui sont confiées ne peuvent s’écarter de la ligne qui lui est impartie par ses supérieurs. Dans une entreprise, on appelle cette notion en anglais, « compliance » ou le respect du code de conduite. Quand un cadre fait preuve d’abus d’autorité, ou s’il va jusqu’à exercer des pressions voire du harcèlement, il s’écarte des règles de son entreprise et se met lui-même en porte-à-faux, car il n’est plus soumis à la volonté de la direction générale. Certaines firmes ou institutions proposent des canaux de communication pour le signalement de telles attitudes. C’est une bonne chose que nous puissions réagir quand une personne en position d’autorité perd de vue le principe vécu par le centurion : « je suis un homme placé sous l’autorité d’autrui. »
– Enfin le centurion est un exemple de foi, de confiance : non seulement voit-il en Jésus celui qui a le pouvoir de dire une parole pour guérir son esclave, mais il est persuadé qu’il va le faire et que le serviteur sera guéri, tout comme l’obéissance de ses soldats à ses ordres ne fait aucun doute. « Je dis à l’un : Va, et il va ; et à un autre : viens, et il vient et à mon esclave : fais cela, et il le fait. » Pour cet homme, indigne de déranger le Christ, l’accomplissement de sa demande, est évidente du moment que Jésus en donne l’ordre. Jésus « s’en étonna » (Mat) et « l’admira » (Luc) et dit «Je n’ai pas trouvé, même en Israël, une si grande foi » (Mat. 8.10).
Ce récit nous aide à vivre l’autorité de façon saine :
• Pas d’autorité sans humanité. L’autorité ne doit pas s’exercerait de façon cruelle.
• Pas d’autorité sans humilité. Si nous devons exercer l’autorité, elle ne doit pas nous monter à la tête, et nous ne devrions pas jalouser ni encenser ceux qui sont au-dessus de nous.
• Pas d’autorité sans contrôle et soumission à une autorité supérieure.
• Pas d’autorité sans confiance que les ordres donnés vont être exécutés.

Autorité pour faire grandir (Matthieu 17.24-27)

La scène des didrachmes illustre bien le fait que celui qui exerce l’autorité se doit de faire grandir ceux sur lesquels il l’exerce.
Dans cet épisode, Pierre est pris de court par une question des receveurs et répond avec assurance que son maître paye bien l’impôt du temple. Jésus n’est-il pas exemplaire en toutes choses ? Mais Pierre a parlé un peu vite en supposant que Jésus payait cet impôt inventé par les Juifs et qui n’était pas prescrit par la Parole de Dieu. Jésus exprime alors son autorité vis-à-vis du temple et des collecteurs d’impôts : Il est Fils. Il n’a pas besoin de payer.
Il montre aussi son autorité vis-à-vis de Pierre : il est le maître. Une fois en privé, à la maison, il ne laisse pas le sujet non traité, mais prend les devants pour expliquer délicatement et avec fermeté, que son disciple s’était aventuré sur un terrain qu’il ne connaissait pas. Il l’accompagne dans la compréhension : « de qui les rois reçoivent-ils des tributs ou des impôts, de leurs fils ou des étrangers ? » et tire la conclusion « les fils en sont donc exempts » (Mat 17.25-26).
Elle s’accorde d’ailleurs à la déclaration majestueuse que Pierre avait faite peu avant : « tu es le Christ, le fils du Dieu vivant» (Mat 16.16).
Au lieu de faire des reproches à Pierre et de le laisser dans le regret ou les excuses, Jésus le fait grandir : tout en maintenant sa prééminence « donne-le leur pour moi », il élève son disciple du rang d’étranger au rang de Fils du roi en disant : « Afin que nous ne les scandalisions pas » et en ajoutant « et pour toi » (Mat 17.27).
À cet instant, Jésus dévoile sa gloire de créateur ayant toute autorité sur la nature et les poissons. Celui qui peut dire « Tout animal de la forêt est à moi, les bêtes sur mille montagnes » (Ps 50.10), commande au poisson qui porte une pièce de monnaie à Pierre. Puis, dans son humilité, Jésus voile à nouveau sa gloire et se soumet volontairement au paiement de l’impôt.
Nous retrouvons dans ce texte le lien entre humilité et autorité et nous y voyons le désir de faire grandir ou de développer ceux qui nous sont confiés.
L’Éternel dit au roi David : « Tu paîtras mon peuple Israël, et tu seras prince sur Israël » (2 Sam 5.2). Le prince doit d’abord être le berger, celui qui nourrit et fait grandir.
On peut remarquer que l’origine étymologique du mot français autorité est le latin auctoritas, capacité de faire grandir, issu du verbe « augere », « augmenter ». Toutefois, notre étude étant fondée sur des textes originaux grecs, cette remarque n’a que valeur mnémotechnique.

Autorité au travail  (Colossiens 3.22-25)

La clé de ce passage sur la soumission des esclaves à l’autorité de leurs maîtres se trouve dans l’expression : « ne servant pas sous leurs yeux seulement, comme voulant plaire aux hommes, mais en simplicité de cœur, craignant le Seigneur » (Col 3.22). Le texte s’interprète dans le contexte de l’époque où l’esclavage était pratiqué. L’Évangile n’avait pas pour vocation première de modifier l’ordre social. Dans l’église, deux frères convertis étaient parfaitement égaux, même si à la maison l’un était l’esclave de l’autre. On peut appliquer ce passage à toutes les situations de notre quotidien, où nous avons une personne placée au-dessus de nous et pour laquelle nous accomplissons des tâches, que la personne en question soit croyante ou incrédule. Dans le monde du travail, la majorité d’entre nous avons un supérieur hiérarchique. Quelle est notre perspective ? Accomplissons-nous notre mission pour lui plaire ou en ayant le Seigneur devant nos yeux ? Tout change. Le travail me parait-il difficile, le délai trop court ? C’est pour le Seigneur que je me donne de la peine. Les tâches sont-elles répétitives, voire ennuyeuses ? Elles prennent une autre dimension, si elles sont offertes à notre maître céleste. Ai-je tendance à bâcler ou à ne pas prêter attention à la qualité, tandis que mon chef aime aller dans les détails et je le trouve trop perfectionniste ? Mais que pense le Seigneur de la qualité ? N’aime-t-il pas la profondeur, le soin, la beauté ? Sommes-nous stressés par la compétition, la pression des résultats à atteindre ? Relisons la phrase : «Comme voulant plaire aux hommes » et plus loin : « quoi que vous fassiez, faites-le de cœur, comme pour le Seigneur et non pour les hommes, sachant que du Seigneur vous recevrez la récompense » (Col 3. 24). Avons-nous reçu une prime ou une augmentation de salaire ? Si oui, l’avons-nous reçue de la main du Seigneur ? Lui avons-nous dit merci ? Ou bien sommes-nous surtout sensibles au regard des autres et au fait de plaire aux hommes ?
Et si nous avons la responsabilité d’une équipe, nous essaierons de montrer un bon exemple dans la relation que nous entretenons avec notre propre supérieur. Nous éviterons de mettre en avant la compétition malsaine, la politique obscure, la superficialité, les demi-vérités ; mais nous rechercherons l’excellence, la qualité, la transparence, la confiance.
Tout change dans le monde du travail quand nous voyons les choses comme nous l’enseigne l’apôtre.

Autorités civiles respectées  (Romains 13.1-7)

« Que toute âme se soumette aux autorités qui sont au-dessus d’elle ; car il n’existe pas d’autorité si ce n’est de par Dieu ; et celles qui existent sont ordonnées de Dieu » (v. 1).
Le Nouveau Testament utilise le même mot « autorité », en grec « exousia », cette fois au pluriel pour désigner dans le passage de Romains 13 les autorités politiques et judiciaires.
Le principe de base est que la source fondamentale de l’autorité est en Dieu et que lui seul est en mesure de la déléguer à des hommes. Même si ces derniers en abusent ou en font mauvais usage, leur autorité est permise par Dieu et nous devons toujours reconnaître la main de Dieu derrière les autorités. « Celui qui résiste à l’autorité, résiste à l’ordonnance de Dieu ; et ceux qui résistent feront venir un jugement sur eux-mêmes » (v. 2). Dans le cas général, l’autorité installée par Dieu se comporte bien, et les sujets qui se comportent mal, ou qui résistent, sont réprimandés. Ce jugement est légitime et sera subi par le chrétien insoumis. Il existe évidemment un cas particulier, illustré dans le livre de Daniel, quand Shadrac, Meshac et Abed-Négo refusent de se prosterner devant la statue de Nébucadnetsar. Ici, l’autorité installée par Dieu se comporte de façon orgueilleuse et commande quelque chose de clairement opposé à la foi. Les fidèles résistent à l’autorité, désobéissent, mais en assument les conséquences : « Notre Dieu que nous servons, peut nous délivrer de la fournaise de feu ardent (mais ils ne se permettent pas de le lui imposer !), et il nous délivrera de ta main, ô roi ! » (quoiqu’il en soit, fût-ce par la mort dans la fournaise. Dan 3.17). Pierre confirme ce principe : « Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes » (Act 5.29) ; « Jugez s’il est juste devant Dieu de vous écouter plutôt que Dieu » (Act 4.19). Dans le cas particulier des autorités s’opposant frontalement aux enseignements de l’Écriture, le chrétien est appelé à résister, en obéissant à Dieu plutôt qu’aux hommes, ce qui le conduira parfois à subir des souffrances.
Dans le cas général, la soumission aux autorités administratives, législatives et judiciaires est la marque de la confiance du chrétien en son Dieu souverain, « car ils sont ministres de Dieu s’employant constamment à cela même » (v. 6). Le chrétien peut voir chaque représentant des autorités dans l’exercice de sa fonction, comme un serviteur du Seigneur. C’est donc par égard pour Dieu que nous payons nos impôts sans tricher, que nous validons notre titre de transport : « à qui le tribut, le tribut, à qui le péage, le péage », que nous respectons les policiers, les soldats, « à qui la crainte, la crainte », que nous honorons le président, le gouvernement, le maire « à qui l’honneur, l’honneur » (v. 7).

Conclusion

En résumé, on peut retirer de notre parcours à travers ces textes les éléments d’information suivants, qui ne se veulent pas exhaustifs :
• L’autorité est établie par Dieu, dans la société civile, comme dans le monde du travail.
• Ses dépositaires doivent être humains, humbles, exemplaires, soumis eux-mêmes à des contrôles et ils doivent faire confiance à leurs subordonnés, qu’ils prennent soin de faire grandir.
• Nous nous soumettons à l’autorité avec respect et empressement, car nous le faisons pour la gloire du Seigneur, notre vrai et seul Maître.
• En cas de contradiction absolue entre les ordres des autorités et ceux du Seigneur, nous le suivons, lui, quitte à en subir les conséquences.


« C’est qui le chef ici ? »

Aucune entité n’est viable dans le temps sans structure d’autorité.

L’Église  de Jésus Christ ne fait pas exception. Mais qui y détient l’autorité ?

L’Église[note] Nous utiliserons la majuscule pour l’Église universelle et la minuscule pour une église locale.[/note] étant à la fois une œuvre de Dieu et un ensemble d’êtres humains, l’autorité dans l’Église est à la fois divine et humaine.

L’autorité divine

Le N.T. présente l’autorité divine sur l’Église comme ressortant des trois personnes de la Trinité.

L’autorité de Dieu

Dieu est souverain sur toutes choses — et donc sur l’Église :
 L’Église lui appartient : Paul demande aux anciens d’Éphèse de « paître l’Église de Dieu, qu’il s’est acquise son propre sang » (Act 20.28).
 C’est lui qui enseigne la façon de « se conduire dans la maison de Dieu, qui est l’Église du Dieu vivant » (1 Tim 3.15).
 Dieu y habite par son Esprit (Éph 2.22) et il a, de ce fait, pleine autorité pour décider « chez lui ».

L’autorité de Jésus-Christ

L’autorité de Jésus sur son Église est attestée à de multiples reprises par le N.T. :
 C’est lui qui la bâtit (Mat 16.18).
 L’Église lui est soumise. Paul présente cette soumission comme un fait, qui est à la fois un exemple et un motif pour la soumission dans le couple : « De même que l’Église est soumise à Christ »… (Éph 5.24).
 La primauté de Christ dans la nouvelle création le place comme « tête (ou chef) du corps de l’Église » (Col 1.18).
 Jésus-Christ est le fondement de l’Église, sa pierre angulaire (Éph 2.20).
 Mais les textes, où l’autorité de Jésus sur son Église est la plus marquée sont les lettres aux sept églises locales de l’Apocalypse : C’est lui qui marche au milieu des sept chandeliers d’or, symboles de ces églises (Apoc 1.20) ; c’est lui qui se présente revêtu des multiples attributs de son autorité ; c’est lui qui scrute et estime l’état spirituel exact de chacune ; c’est lui qui prononce les avertissements nécessaires, pouvant aller jusqu’à la menace d’ôter le chandelier de sa place (Apoc 2.5).

L’autorité de l’Esprit saint

 Ces mêmes sept lettres d’Apocalypse 2 et 3 se terminent par ce refrain : « Que celui qui a des oreilles entende ce que l’Esprit dit aux églises. » La parole du Fils de l’homme est transmise aux églises par la voix de l’Esprit.
 L’Esprit habite collectivement dans l’Église et dans chaque église locale (1 Cor 3.16).
 Il donne des ordres à l’Église et inspire ses décisions. Lors du « concile » de Jérusalem, la lettre de conclusion comporte cette expression : « Il a paru bon au Saint-Esprit et à nous » (Act 15.28). Les frères et sœurs rassemblés avaient la conviction que l’Esprit les avait dirigés pour la décision prise.

Peu de chrétiens contesteront les textes ci-dessus. Mais en pratique, qu’en est-il ? Avons-nous toujours conscience que nous sommes dans la maison de Dieu et pas chez nous pour faire ce qui nous semble bon ? que nos décisions doivent être guidées par l’Esprit et non lui être attribuées ex post ? que la seigneurie de Christ sur son Église passe aussi par la reconnaissance de son autorité sur chacun de ses membres ? etc. L’Église n’est pas avant tout une institution humaine mais une œuvre divine. Une crainte respectueuse, non dénuée d’une confiance heureuse, est donc appropriée quand nous parlons de l’Église, quand nous agissons dans l’église locale ou lorsque nous sommes amenés à y prendre des décisions.

L’autorité humaine

L’Église est avant tout une institution divine, mais composée d’humains et confiée à eux. À l’autorité divine, qui reste toujours ultime, s’ajoute aussi une autorité humaine, qui se décline sous trois aspects.

L’autorité des apôtres

Les apôtres forment une catégorie spécifique dans l’Église du N.T. Dans le groupe initial de douze, Judas a été remplacé par Matthias ; puis s’ajoute Paul, dont l’apostolat particulier est souvent mentionné en tête de ses lettres et longuement défendu dans 1 et 2 Corinthiens. D’autres apôtres, comme Barnabas (Act 14.14) ou Jacques le frère du Seigneur (Gal 1.19), sont également reconnus comme tels. Leur rôle principal semble avoir été de fonder de nombreuses églises, comme en témoignent les voyages missionnaires de Paul.  [note]À noter au passage que rien dans le N.T. n’indique que l’église locale de Rome, qui a pris une telle importance au cours des siècles, ait été fondée par un apôtre ; bien au contraire, les attestations vont plutôt dans le sens d’une église qui n’a accueilli Paul (de façon certaine) ou Pierre (peut-être) que bien après sa création..[/note]
Si le seul fondement de l’Église est Jésus-Christ lui-même (1 Cor 3.11), le rôle des apôtres a été majeur. Paul, en changeant légèrement l’image, dit aux Éphésiens : « Vous avez été édifiés sur le fondement des apôtres et des prophètes, Jésus-Christ lui-même étant la pierre angulaire » (Éph 2.20).
Les apôtres disposaient de la part de Dieu d’une autorité unique. Pierre avait reçu du Seigneur les clés du royaume, qu’il utilisa pour ouvrir l’Église aux Juifs (Act 2), aux Samaritains (Act 8) puis aux païens (Act 10-11). Leur rôle prééminent explique leur mention en tête de la lettre conclusive du concile de Jérusalem (Act 15.22,23).
L’autorité spécifique des apôtres résidait avant tout dans l’enseignement normatif qu’ils donnaient aux églises, soit par oral, soit par écrit. Paul « ordonne dans toutes les églises » (1 Cor 7.17). Il délègue son autorité à certains de ses collaborateurs : « Dis ces choses, exhorte, et reprends, avec une pleine autorité », enjoint-il à Tite en mission difficile en Crète (Tite 2.15). « Déclare ces choses et enseigne-les » dit-il à Timothée en mission non moins difficile à Éphèse (1 Tim 4.11).
Cependant cette autorité réelle allait de pair avec une démarche pleine de grâce : « Nous aurions pu nous imposer avec autorité comme apôtres de Christ, mais nous avons été pleins de douceur au milieu de vous » (1 Thes 2.6,7). L’autorité des apôtres se recommandait avant tout par leur conduite.
À l’occasion, cette autorité pouvait malgré tout comporter une capacité de discipline. À des Corinthiens indifférents au mal moral présent parmi eux, Paul dit : « Pour moi, absent de corps, mais présent d’esprit, j’ai déjà jugé, comme si j’étais présent, celui qui a commis un tel acte. Au nom du Seigneur Jésus, vous et mon esprit étant assemblés avec la puissance de notre Seigneur Jésus, qu’un tel homme soit livré à Satan pour la destruction de la chair, afin que l’esprit soit sauvé au jour du Seigneur Jésus » (1 Cor 5.3-5). Il réitère dans sa seconde lettre à cette même église à propos des faux apôtres qui cherchent à dominer l’église : « Lorsque j’étais présent pour la seconde fois, j’ai déjà dit, et aujourd’hui que je suis absent je dis encore d’avance à ceux qui ont péché précédemment et à tous les autres que, si je retourne chez vous, je n’userai d’aucun ménagement. […] J’écris ces choses étant absent, afin que, présent, je n’aie pas à user de rigueur, selon l’autorité que le Seigneur m’a donnée pour l’édification et non pour la destruction » (2 Cor 13.2,10).
Qu’en est-il aujourd’hui ? Nulle part le N.T. ne suggère que les apôtres aient eu des successeurs ayant la même autorité. Paul, dans ses recommandations aux anciens d’Éphèse, les remet à « Dieu et à la parole de sa grâce » (Act 20.32). L’autorité apostolique est aujourd’hui celle de leurs écrits inspirés, conservés pour nous dans le N.T. C’est dans la fidélité à ce qu’ils nous enseignent que l’Église continuera à respecter l’autorité des apôtres.

L’autorité des anciens

Une église, pour pouvoir fonctionner correctement, doit avoir une structure d’autorité interne. L’illusion égalitariste, faussement étayée par des textes sortis de leur contexte, pourrait faire miroiter que tout membre, quelle que soit sa maturité, sa spiritualité, sa conduite, a la même autorité, mais tel n’est pas l’enseignement du N.T. Il indique dès le début que le fondement des premières églises s’est articulé autour d’anciens (Act 14.23).
Quatre termes sont employés dans le N.T. pour désigner des offices comparables [note]Comparez Act 20.28 ; 1 Pi 5.1-2 ; Héb 13.7 pour apprécier l’équivalence.[/note] :
– « anciens » — qui met l’accent sur leur expérience chrétienne et leur maturité ;
– « surveillants » (traduit aussi par « évêques [note]Le terme (retenu par la NEG) a pris au cours de l’histoire de l’Église une connotation trop différente du sens initial pour qu’on ne lui préfère pas ceux de « dirigeants » (BFC, Semeur) ou « responsables » (S21, PDV).[/note] ») — qui met l’accent sur leur l’intérêt aux personnes de l’église ;
– « conducteurs » — avec l’accent sur leur leadership et sur la direction ;
– « pasteurs » — qui met l’accent sur les soins à apporter aux membres.
Les anciens sont toujours mentionnés au pluriel ; ils forment un « corps » ou un « collège » (1 Tim 4.14 ; cf. Phil 1.1). Ils sont attachés à une église locale spécifique (Act 14.23 ; cf. Tite 1.5), sans autorité sur les autres églises, contrairement aux apôtres.
Ils ont certes une fonction de direction, à laquelle une autorité est attachée, mais l’accent particulier du N.T. tombe avant tout sur leurs qualités morales — d’où les listes d’aptitudes requises de 1 Timothée 3 et Tite 1 — et sur leur manière de se conduire. Ils doivent illustrer la parole du Seigneur : « Que le plus grand parmi vous soit comme le plus petit, et celui qui gouverne comme celui qui sert » (Luc 22.26). L’autorité d’un dirigeant politique est liée à sa fonction et non à ses qualités morales personnelles [note]Par exemple, Paul et Pierre enjoignent d’obéir au « roi » qui était Néron à l’époque, pas précisément un exemple de vertu morale ![/note] tandis que, dans l’église, tout dirigeant doit se recommander « à tous égards » par une conduite irréprochable, en particulier lorsque le contexte est difficile (cf. 2 Cor 6.4-10). Les anciens ne doivent pas dominer sur leurs fidèles, mais être pour eux des modèles (1 Pi 5.3), en particulier dans leur esprit de service. Leur autorité ne s’impose pas de façon coercitive mais tient avant tout à l’Écriture qu’ils doivent enseigner avec fidélité et persuasion (1 Tim 3.2 ; Tite 1.9) et à l’amour qu’ils montrent pour le troupeau.
Le N.T. ne donne pas de liste de domaines où s’exerce directement l’autorité des anciens ; il laisse, ici comme ailleurs, une large place pour adapter les principes à l’infinie variété des situations locales. Il indique cependant que les membres d’une église doivent obéir aux anciens (Héb 13.17), en particulier les plus jeunes (1 Pi 5.5).

L’ensemble de l’église locale

L’Église est présentée comme composée de personnes qui bénéficient du même salut, possèdent le même Esprit et jouissent d’un égal accès direct au Père par Jésus (cf. Éph 4.4-6). Rien n’est plus éloigné de la pensée du N.T. que de distinguer des castes ou des catégories d’importance ou de sainteté différentes entre les chrétiens (cf. Jac 2.1-13). Même Pierre peut dire qu’il n’est qu’un ancien parmi d’autres (1 Pi 5.1). C’est pourquoi l’autorité dans l’Église, du point de vue humain, est avant tout confiée à l’ensemble des croyants. Quelques exemples pour illustrer ce point :
 Lors du concile de Jérusalem, toute l’assemblée est impliquée : « Il parut bon aux apôtres et aux anciens, et à toute l’Église » (Act 15.22). L’église locale a donc autorité pour prendre des décisions engageantes pour l’ensemble.
 Lors de difficultés entre frères, après une démarche personnelle puis à quelques-uns, Jésus dit : « S’il refuse de les écouter, dis-le à l’église ; et s’il refuse aussi d’écouter l’église, qu’il soit pour toi comme un païen et un publicain » (Mat 18.17). L’église est donc l’instance ultime pour exercer l’autorité.
 Dans le cas de l’homme incestueux de Corinthe, Paul leur demande de s’assembler pour juger cet homme (1 Cor 5.4) et c’est bien « le plus grand nombre » qui lui a infligé le châtiment d’après 2 Cor 2.6. La discipline ecclésiastique ultime, l’excommunication, est donc du ressort de l’ensemble de l’église locale. Attendre l’unanimité est sans doute illusoire, mais il importe que la pensée commune émane d’une très large majorité des membres, après un examen sérieux et honnête de toute objection.

Une décision de l’église locale ou des anciens n’est pas infaillible et il peut s’avérer qu’elle doive être remise en question, à la lumière de nouveaux éléments, d’une conviction différente formée par l’Esprit ou d’une meilleure compréhension de l’Écriture. Le reconnaître n’affaiblira pas l’autorité — bien au contraire : Cela démontrera la soumission de l’Église à son Chef.

Conclusion

Selon le N.T., dans l’Église d’aujourd’hui, l’autorité ressort donc avant tout 1° de Dieu en Jésus, par son Esprit, à la lumière de sa Parole, mais aussi 2° des anciens reconnus de l’église locale et 3° de l’ensemble de la communauté. L’équilibre entre ces trois « pôles » d’autorité est délicat et l’histoire de l’Église témoigne des déséquilibres qui sont vite apparus en faveur de tel pôle au détriment des autres. Que chaque église locale, dans la prière et l’étude approfondie de la Parole, éclairée par les plus expérimentés que Dieu a mis à sa tête, vive paisiblement la mise en œuvre de cette autorité pour le bien de chacun des membres.


« Que chacun se soumette aux autorités qui nous gouvernent, car toute autorité vient de Dieu. » (Rom 13.1)  « Que chacun se soumette aux autorités qui nous gouvernent, car toute autorité vient de Dieu. » (Rom 13.1)  

« À cause du Seigneur, soumettez-vous à toutes les institutions établies parmi les hommes. » (1 Pi 2.13)

Dans la bouche de Paul et de Pierre, ces deux impératifs appellent la soumission à toutes les autorités, sans condition ni interprétation possible du texte.

Dans les temps troublés que traversent nos sociétés, un individualisme exacerbé se développe et refuse, parfois ouvertement, toute autorité contraignante. Alors la perte des repères traditionnels, la violence des relations et le sentiment d’insécurité peuvent conduire à souhaiter un pouvoir, voire un homme, fort, capable de faire respecter la loi et l’ordre. La tradition légitimiste des chrétiens et le soutien de l’Église historique aux pouvoirs en place peuvent nous amener à manquer de discernement en donnant un caractère absolu et sans nuance à ces textes. Plusieurs raisons liées notamment à l’approche biblique du sujet de l’autorité invitent toutefois à la vigilance et à l’équilibre dans les choix éthiques liés à la soumission.
Afin d’éclairer la proposition d’une approche vigilante et peut-être moins inconditionnelle de la soumission, nous nous livrerons à un parcours très sommaire dans l’histoire de la royauté en Israël. Nous chercherons ensuite, dans la vie et les paroles de Jésus, quelques leçons sur l’autorité. L’exercice de celle-ci n’étant ni arbitraire ni absolu, nous essaierons d’en dégager le cadre biblique.

Un rapide parcours biblique

• L’origine

L’autorité souveraine et absolue est toujours la prérogative de Dieu et de lui seul (Job 33.12,13 ; Act 1.7 ; 1 Tim.6.15 ). L’homme n’a de liberté d’agir ou d’exercer une autorité sur d’autres que dans le cadre d’une délégation et dans la dépendance de Dieu (Gen 1.26, 28 ; 2.15-17 ; Jean 19.10,11). Le refus de la créature de dépendre de Dieu son créateur provoque en l’humain un esprit de convoitise et de toute-puissance, une volonté de domination de l’autre jamais satisfaite (Gen 3.16 ; 4.23) et la tentation d’usurper arbitrairement une autorité vite transformée en pouvoir autoritaire.

• La faillite de la royauté en Israël

La royauté en Israël est une initiative du peuple qui ne correspond pas au plan de Dieu. Le peuple manifeste le rejet de l’autorité divine et la volonté de se conformer aux nations voisines, même au risque d’y perdre sa liberté. Dieu accepte mais avertit le peuple et prévoit des contre-pouvoirs (la loi et le prophète) : le roi n’est pas au-dessus de la loi (dix commandements, Torah) et la présence des prophètes et des sacrificateurs évoque déjà une séparation des pouvoirs (Lire Deut 17.8-20 ; 28.36 et 1 Sam 8).
Le livre des Juges donne une illustration saisissante avec la demande des hommes d’Israël à Gédéon : « Domine sur nous […] et Gédéon leur dit : Je ne dominerai point sur vous […] l’Éternel dominera sur vous » (8.22,23). Malgré la prophétie de Jotham et la belle parabole des arbres et de l’épine, le peuple qui oublie son Dieu (8.34) n’hésite pas à confier son avenir à Abimélec, usurpateur sanguinaire. Le premier roi en Israël, autoritaire et violent, termine son règne dans les massacres de la première guerre civile.
Le long règne de Salomon, si bien commencé, se termine mal. Son fils Roboam ne comprend pas l’appel du peuple et le conseil des vieillards : 1 Rois 12 : « ton père a exercé une dure domination sur nous […] toi allège le dur service […] deviens serviteur de ce peuple ». Il n’écoute pas son peuple et préfère imposer une royauté plus autoritaire que son père. Ce sera l’origine de la division du peuple.
À la fin de l’histoire de la royauté en Juda, les prophètes Jérémie (22 et 23) et Ézéchiel (34) avertissent les souverains et les invitent à régner en justice, comme des serviteurs et des bergers de leur peuple.

Jésus et l’autorité, la vraie nature de l’autorité

La vie et la condamnation du Seigneur Jésus illustrent remarquablement la question de l’autorité

• La vie de Jésus met en évidence les deux points d’appui d’une vraie autorité

– Une légitimité conférée par la loi ou une autorité supérieure : Jésus est reconnu par Dieu lui-même publiquement : « Celui-ci est mon Fils bien aimé, en qui j’ai trouvé mon plaisir : Écoutez-le » (Mat 3.17 ; 17.5). Il montre sa puissance sur les esprits (Luc 4.36) et sur les éléments (Mat 8.27),
– Une qualité morale qui donne sa crédibilité à l’autorité : Jésus n’a jamais revendiqué l’autorité ou le pouvoir pour lui-même ni agi de manière autoritaire. L’autorité de Jésus repose sur une qualité morale irréprochable et une cohérence sans faille entre ses actes et sa parole ; elle se révèle dans le service, l’enseignement (Act 1.1 ; Mat 7.29) ; les paroles (Luc 4.32) ; l’attention et le respect des plus petits Elle s’impose sans autoritarisme comme une évidence (cf. appel des disciples Mat 9.9).     Jésus montre ainsi que l’autorité véritable n’a besoin ni d’attitude de persuasion, ni d’une position hiérarchique, ni de manipulation, ni de menace ou de recours à la force pour être reconnue et respectée.

• Jésus et les autorités de son temps

Les responsables religieux et civils de son temps se sont constamment confrontés à Jésus. Un homme dont l’autorité vraie et désintéressée mettait en évidence les dérives de l’autorité devenue un pouvoir au service de ceux qui le détiennent (Mat 23).
Très tôt les « autorités » religieuses ont cherché à se débarrasser de lui, n’hésitant pas pour cela à se compromettre avec des autorités civiles et militaires honnies, pour faire aboutir leur projet. Les unes et les autres se montrent alors capables d’agir au mépris de toute justice.
Devant les prétentions et l’opposition des autorités, religieuses en particulier, Jésus fait preuve de dignité, de courage et d’une résistance à tout ce qui entrave son ministère. Contrairement à ce qui a trop souvent été le cas de l’Église professante et des institutions religieuses, Jésus se place du côté des humbles et non du pouvoir en place et des puissants.
Les paroles et l’exemple du Seigneur nous invitent alors à une réflexion sur l’exercice de l’autorité et sur les conditions et limites de la soumission.

Autorité et soumission dans les différents types de relations

Dans chaque type de relation, l’invitation claire à la soumission est toujours accompagnée d’avertissements qui limitent l’exercice de l’autorité pour prévenir les dérives autoritaires et leur cortège d’injustices, d’abus et de maltraitance :

•   Dans le couple, la domination de l’homme sur la femme est le résultat du péché (Gen 3.16). L’homme et la femme sont chacun au service de l’autre dans un respect libre et réciproque (1 Cor 7.3-4) ; l’invitation faite aux femmes de se soumettre à leur mari est très soigneusement encadrée par le rappel de la soumission réciproque de chacun des conjoints et l’invitation insistante à un amour sans faille à l’image du Christ pour l’Église (Éph 5.21-33).

•   Dans la famille, l’autorité du père est pleinement reconnue ; elle est indispensable au développement harmonieux de la personnalité de l’enfant et à son éducation dans le Seigneur. La Bible lui fixe des limites avec l’invitation à la douceur (1 Tim 3.3), à ne pas décourager, provoquer ou exaspérer la fragilité de l’enfant (Éph 6.4 et Col 3.21).

•   Dans l’Église, le Seigneur Jésus, chef de l’Église, appelle des pasteurs / bergers, des anciens / surveillants ; il leur confère une autorité pour prendre soin de son troupeau et le protéger des doctrines erronées ou perverses (Act 20.28-31), de désordres moraux, des querelles vaines, des verbeux et des cupides (Tite 1.10,11) et de ceux qui veulent être les premiers (3 Jean 9). Les textes sont nombreux pour montrer l’importance de ce service et inviter les fidèles à la reconnaissance et à la soumission aux anciens (1 Tim 3-5 ; Tite). En même temps, les responsables sont mis en garde contre tout autoritarisme : l’édification est le seul but de l’autorité dans l’Église (2 Cor 10.8 ; 13.10) ; la délicatesse et la douceur caractérisent les responsables (1 Tim 5.1-3) ; ils ont des comptes à rendre (Héb 13.17) et ne doivent pas être dominants (1 Pi 5.3). L’exercice collégial des responsabilités devrait éviter le pouvoir personnel abusif.

•   Dans les relations professionnelles, les conditions de chaque époque ne permettent pas d’appliquer sans contextualisation aux employés d’aujourd’hui les exhortations adressées aux esclaves de l’antiquité gréco-romaine. Il est toutefois possible de retenir trois points significatifs : ­
-l’encouragement à la soumission et au respect du maitre, ­
-l’invitation à assurer tout service ou activité comme serviteur du Seigneur, dans la liberté intérieure d’un cœur dont Dieu demeure le motif premier, ­
-la réciprocité demandée aux employeurs avec l’interdiction de toute menace et injustice dans leur management (lire Éph 6.5-9 ; Col 3.22-4.1 ; Jac 5.4)

•   Dans les institutions civiles, tout en commandant la soumission à toutes les institutions établies, l’apôtre Pierre invite les croyants à se comporter en hommes libres. La liberté est ici mise en avant comme premier caractère des serviteurs de Dieu et non comme prétexte à un laxisme immoral (1 Pi 2.13-17). Cette attitude est le fruit d’un engagement devant Dieu dans la dignité de la personne et non dans la peur d’une autorité contraignante dont il est à craindre qu’elle ne devienne de plus en plus liberticide.

Autorité et soumission se vivent dans un cadre donné par Dieu

Les observations qui précèdent permettent de dégager quelques points de cadrage bibliques pour l’exercice de l’autorité :
• Dieu est souverain, unique source de l’autorité et objet premier et dernier de toute soumission. L’attitude du croyant est toujours devant Dieu d’abord (Deut 6.4,5 ;   Act 4.18-20) et à l’écoute de sa volonté.
• L’autorité n’est pas arbitraire mais soumise à un cadre légal : Dans l’Israël de l’Ancien Testament, la loi s’impose au roi comme à ses sujets (Deut 17.18-20). Aujourd’hui encore, de façon plus ou moins réussie, les États non tyranniques se présentent comme des États de droit.
• L’autorité est toujours au service de l’être humain pour son bien (Rom 13.4). Elle protège le plus faible de la loi du plus fort et permet le « vivre ensemble ». Elle n’est jamais au service d’une institution. Elle n’est pas une fin en soi, mais offre un cadre protecteur qui permet la croissance et vise à établir chacun dans sa liberté jusqu’à la maturité. Ainsi l’enfant mineur est soumis à l’autorité de ses parents ou d’un tuteur jusqu’à sa majorité (Gal 4.2).
• L’autorité et la justice sont indispensables à la vie collective (Ecc 8.11). Mais l’histoire biblique et l’histoire profane alertent continuellement sur le danger de dérive autoritaire vers le népotisme et le pouvoir personnel corrompu. L’utilisation de la force marque alors plutôt l’échec de l’éducation et de la transmission.
• Les paroles et l’exemple du Seigneur Jésus donnent l’antidote à cette tentation de la toute-puissance en montrant la vraie nature de l’autorité selon Dieu : que celui qui commande soit comme celui qui sert (Luc 22.26).

Le croyant et l’autorité, l’invitation à la soumission n’exclut pas la vigilance

• Le croyant est encouragé à ne pas se conformer à la pensée dominante formatée par des « influenceurs » et des média omniprésents, puis souvent traduite dans le Droit. Son intelligence est renouvelée en permanence pour discerner la volonté de Dieu, ce qui est bon, agréable et parfait. Le paragraphe introductif des chapitres 12 à 16 de la lettre aux Romains montre les caractères de la vie nouvelle dans l’Évangile et la puissance de l’Esprit. La soumission aux autorités (13.1-7) ne peut donc être inconditionnelle mais doit se vivre dans la vigilance et l’éclairage de ces textes.
•  Le Seigneur Jésus enseigne aux disciples, d’une part la primauté de la liberté de conscience devant Dieu (n’appelez personne votre père, un seul est votre chef, c’est le Christ) et d’autre part la vraie nature de toute autorité qui renonce à toute domination pour le service de l’autre dans l’humilité (Mat 23.8-12). Comme toujours il est important de ne pas esquiver la radicalité des paroles du Seigneur.
• Après la guérison de l’homme boiteux et la progression fulgurante de l’Évangile, les autorités religieuses interdisent aux disciples de parler ou d’enseigner au nom de Jésus. La réponse de Pierre et Jean établit d’abord un principe général : « Est-il juste, devant Dieu, de vous écouter, vous, plutôt que Dieu » avant de le décliner pour la situation du moment (Act 4.18-20).  Tous nos choix, notre éthique de vie (pas seulement la liberté d’annoncer l’Évangile) sont donc devant Dieu éclairés par sa Parole, avant toute soumission aux autorités.
• « Rendez à l’empereur ce qui est à l’empereur et à Dieu ce qui est à Dieu. » La réponse de Jésus au piège des religieux concerne le paiement de l’impôt (Marc 12.17). Il n’est pas du tout anodin que la première application que Paul tire du commandement de se soumettre aux autorités concerne le consentement à l’impôt et à son paiement (Rom 13.6,7). En particulier à une époque où évasion et fraude fiscales mettent en péril le budget des États, en appelons-nous à l’autorité seulement pour lutter contre les incivilités et l’insécurité ? La réponse de Jésus invite certainement d’abord à rendre à Dieu tout ce qui est à Dieu, manifestant là encore la primauté de la soumission à Dieu avant les autorités dans tous les aspects de la vie.

L’une des dernières paroles du Seigneur aux disciples nous servira de conclusion. Juste après le partage du repas et avant son arrestation, alors que déjà s’élevait entre eux le poison de la rivalité et de l’ambition : « Les rois des nations les dominent et ceux qui exercent le pouvoir se font appeler bienfaiteurs. Que cela ne soit pas votre cas […] que celui qui commande soit comme celui qui sert ? MOI, je suis au milieu de vous comme celui qui sert. » (Luc 22.24-30 – Colombe).


1) Une famille de trois mots

Le mot « autorité » apparait une quarantaine de fois dans le Nouveau Testament NEG. Mais le mot original exousia apparaît deux fois plus souvent dans le texte original du N.T. Cette différence est due au fait que ce mot exousia est traduit en français par des mots très variés : autorité, mais aussi droit, pouvoir, puissance, possibilité, autorisation, juridiction, gouvernement.Pour mieux comprendre ce que le mot autorité représente dans le N.T., il est utile de repérer et étudier les versets qui contiennent ces différentes traductions du mot exousia (ce mot est référencé comme n°1849 dans la concordance « Strong »).Ce mot exousia n’est pas un solitaire ; il appartient à une famille de trois mots. Faisons connaissance avec cette fratrie.

2) Exesti

Le verbe impersonnel exesti signifie : il est permis, il est possible. Ce mot exprime :
• une permission générale, accordée ou non par une autorité (Jean 18.31) ;
• ou bien une permission personnelle spéciale (Act 2.29 ; 21.37 ; = permettez-moi de vous dire…) ;
• ou bien encore une permission qu’on se donne à soi-même (1 Cor 6.12).

3) Exousiazo

Le verbe exesti a fourni le nom exousia qui a fourni à son tour le verbe exousiazo, exercer une autorité, contrôler, maîtriser, dominer.Un texte prend un relief intéressant quand on y repère exesti et exousiazo :« …tout m’est permis (exesti), mais je ne me laisserai pas asservir (exousiazo) par quoi que ce soit » (1 Cor 6.12).Traduction libre : « …j’ai le pouvoir (= la permission, l’autorité) de tout faire mais je ne laisserai rien prendre le pouvoir (= le contrôle, l’autorité) sur moi ».

4) Exousia

Exousia indique d’abord la liberté d’action qui résulte d’une permission, cette liberté devient un droit (Jean 1.12 ; 1 Cor 9.5-6 ; 2 Thes 3.9) ou une autorisation. Paul avait ainsi la permission de la part des principaux sacrificateurs d’arrêter des chrétiens (Act 9.14). Cela lui a donné l’autorité légitime pour les persécuter. Puis il a reçu du Seigneur une permission / autorisation / autorité pour construire — et non démolir — l’Église (2 Cor 10.8 ; NBS) ; cela constituait son autorité d’apôtre.Le mot au pluriel désigne des personnages qui exercent l’autorité, comme en français « les autorités ». Il en existe sur la terre (les autorités civiles, Rom 13.1-2) et dans le domaine de Satan (les délégués de Satan, Col 1.13 ; 2.15).→ L’autorité au sens du N.T. insiste sur le statut ou le droit d’une personne, son domaine de compétence ou l’étendue géographique de sa compétence (juridiction, Luc 19.17 ; 23.7).

5) Conclusion

Un survol des textes du N.T. mentionnant l’autorité suggère les remarques suivantes :
• Les autorités spirituelles ont été dépouillées (Col 2.15) mais pas encore anéanties. Elles sont l’ancrage de la mauvaise autorité, mélange toxique de mensonge, de manipulation et d’orgueil ; cette autorité est nuisible, elle opprime, prive de liberté, appauvrit, vise la destruction et la mort (Jean 10.10).
• L’autorité du Seigneur a été renforcée par son œuvre parfaite ; elle est universelle et totale (Mat 28.18). Dieu a souverainement élevé son Fils Jésus-Christ ; il est digne de louange ! (Phil 2.9-11) Cette autorité est juste, bienveillante, bienfaisante, bénissante, stimulante, créatrice, créative, libératrice, progressiste. Elle donne un cadre où se développent la vie, la justice et l’amour. L’autorité divine est l’ancrage de l’autorité dans la famille chrétienne, dans l’Église, dans le Royaume de Dieu. Elle est le modèle pour l’enfant de Dieu.
• Le croyant reconnaît et reflète l’autorité divine. Il s’approprie les permissions que Dieu lui accorde et les mandats qu’il lui délègue. Sa capacité et son autorité viennent de Dieu (2 Cor 3.5 ; 10.8). Il reste humble comme le Seigneur (Phil 2.1-11) en attendant la récompense de Dieu (2 Tim 4.8).


On admet généralement qu’une autorité est nécessaire pour organiser la vie d’une société ou d’un groupe. Cette autorité doit être légitime, c’est-à-dire investie par une autorité supérieure, qui doit elle-même être légitime, c’est-à-dire investie par une autorité encore supérieure. D’où l’inévitable question : Quelle est la source originelle de l’autorité légitime ?
Les chrétiens reconnaissent le Dieu créateur et souverain comme source unique de toute autorité. Mais il est raisonnable de s’interroger : existe-il une autre source d’autorité légitime et satisfaisante ?

Le rejet de l’autorité de Dieu

L’humanité dans son ensemble rejette clairement l’autorité bienveillante et généreuse de Dieu. Cette attitude n’est pas nouvelle : elle remonte au tout début de l’histoire humaine !
Cette autorité, Dieu la détient sur l’univers entier ; c’est lui qui, « au commencement, a créé les cieux et la terre ». Il en est le concepteur, le fabricant, le soutien, le propriétaire, le destinataire. Lui seul possède donc personnellement l’autorité. Il a notamment autorité sur l’homme car il l’a créé ; il l’a béni et installé dans un cadre merveilleux, le jardin d’Éden. Il l’a créé « à son image » et lui a délégué une partie de son autorité (Gen 1.26-28). L’homme devait rester lui-même sous l’autorité protectrice de son créateur (Gen 2.16-17).
Mais Satan a fait une proposition séduisante et même séductrice. Il a expliqué à Adam et Ève : respecter l’autorité de Dieu vous empêche de progresser en connaissance et en intelligence. Si vous voulez la liberté et le progrès, devenez indépendants de Dieu, dépassez la limite qu’il vous a fixée, ignorez son autorité. Ainsi « vos yeux s’ouvriront, et vous serez comme Dieu » (Gen 3.5).
Adam et Ève avaient été investis de l’autorité de Dieu pour dominer la création. Ils étaient ainsi les premiers maillons d’une chaîne d’autorité ancrée en Dieu : une garantie de qualité absolue, destinée à être transmise ensuite à travers tous les maillons de cette chaîne. Mais ils ont délibérément rejeté cet ancrage. Depuis, l’humanité est à la recherche d’une solution de rechange pour trouver un ancrage, une source, une référence de l’autorité. Si Dieu n’est pas à l’étage supérieur de la hiérarchie, par qui ou par quoi le remplacer ? Qui peut ensuite déléguer cette autorité légitime à des personnes qui, à leur tour, vont la déléguer ou la transmettre ? Qui établit les normes et objectifs de leurs mandats ? Envers qui ces délégués seront-ils finalement redevables pour leur gestion de leur parcelle d’autorité ?

Comment remplacer l’autorité de Dieu ?

L’histoire relève plusieurs sources possibles d’autorité.

La tradition

Certaines sociétés ont des structures profondes : elles sont fondées sur des traditions, c’est-à-dire une histoire, une culture, des valeurs éthiques, un système d’autorité pyramidal fréquemment héréditaire. Tout cela est souvent non-écrit car bien intégré dans la culture. Une personne est en haut du système, elle reste légitime en respectant les traditions ; elle délègue et finalement transmet sa légitimité et son autorité. C’est un fonctionnement de type religieux car il est fondé sur la foi dans une mythologie sacrée ; il s’accompagne de rites de vénération envers des esprits ou des personnes qui incarnent l’autorité légitime.
Dans les pays qui ont des traditions anciennes fortes (monarchies se référant à un « droit divin », ethnies régies par un droit coutumier lié à une « spiritualité »), l’autorité est souvent assez bien acceptée.
Les dictatures du XXe siècle ont remplacé les mythologies fondatrices par des idéologies. Ces idéologies sont de véritables religions laïques ; leurs représentants se sentent investis d’une autorité supérieure pour remplir une mission : imposer et appliquer leur confession de foi idéologique, établir un système de croyances et de pratiques… une néo-tradition.
→ Une autorité fondée sur la tradition a l’avantage d’une certaine stabilité dans ses références et dans son fonctionnement. Mais le surnaturel, l’idéologie, le culte de la personnalité ou encore des accidents de l’histoire l’amènent tôt ou tard à la crise.

La compétence

Il parait assez logique de confier un leadership (une autorité) aux personnes les plus compétentes. C’est d’ailleurs le premier sens du mot aristocratie, « pouvoir des meilleurs » et non « classe sociale privilégiée ». Si un groupe fait face à une difficulté imprévue, la personne qui se montre capable de trouver une solution rapide sera facilement reconnue comme autorité naturelle ; par exemple : Sur un lieu d’accident, les témoins laisseront un passant gérer la situation et ils coopéreront avec lui s’ils savent qu’il est secouriste. On dit aussi qu’un lauréat de Prix Nobel fait autorité… dans sa spécialité.
→ Ce système est logique mais fragile : l’expert n’est pas expert en tout, il n’est pas le seul expert, il n’est pas nécessairement le meilleur expert durant toute sa vie ; il peut avoir des fragilités ou des lacunes qui sapent son autorité. La compétence ne suffit donc pas pour légitimer une autorité.

Le « charisme »

Dans ce cas la personne ne s’impose pas par sa compétence mais par sa personnalité. Elle gagne une emprise sur les autres, elle leur inspire confiance par son langage gestuel et verbal, par ses promesses. Elle rassure ou fascine. On n’est plus dans le rationnel mais dans l’émotionnel.
Un peu de charisme est utile pour qu’un chef parvienne à convaincre et motiver (son pays, ses troupes, son entreprise), s’il est accompagné de compétence. Mais des dictateurs se sont imposés, en utilisant d’abord leur capacité de séduire pour gagner le pouvoir.
→ Le « charisme » est rarement source d’une autorité satisfaisante.

La démocratie

« Le pouvoir du peuple pour le peuple par le peuple » : Le principe est largement reconnu. Le Droit reconnaît le « peuple souverain » comme détenteur de la légitimité fondamentale. Le peuple délègue son autorité à des responsables exécutifs et législatifs ; à leur tour ceux-ci délèguent leur autorité à des subalternes, selon une structure hiérarchique.
Ce mode d’organisation permet-il vraiment de prendre des décisions dans l’intérêt général du groupe à long terme ? Dans le domaine politique, le peuple peut-il échapper à l’influence de groupes qui n’ont pas d’autorité légitime mais détiennent un pouvoir important, comme le monde de la finance et de l’économie et le monde des médias ? Peut-il contrôler le progrès technologique ?
La législation sociétale des démocraties montre une évolution spectaculaire en quelques années. L’autorité encourage ce qu’elle condamnait hier, elle tend à effacer les traces de l’autorité de Dieu une par une. Le législateur n’a en effet plus guère de références morales et éthiques stables. La Loi évolue car elle suit l’évolution de la société, le peuple étant censé détenir l’autorité suprême.
→ Cette autorité n’a pas de conscience, pas de vision, pas de cohérence. Elle exprime l’opinion d’une majorité à un moment donné. Où nous mène-t-elle ?

La force

Dans ce cas, il ne s’agit pas vraiment d’autorité car l’usage (ou la menace) de la force exclut l’adhésion libre des soumis et la légitimité de ceux qui prennent le pouvoir. Le Seigneur a évoqué sévèrement cette méthode (Mat 20.25). L’usage de la force ne peut qu’augmenter lorsque le pouvoir suscite le rejet.
→ La violence ne génère pas une autorité respectée et appréciée, que ce soit dans la famille, l’entreprise, des services administratifs ou un pays.

Pas de bonne solution de rechange

Tradition, compétence, charisme, démocratie et force ne sont donc pas des ancrages pour une chaîne d’autorité légitime, vraiment stable, juste, efficace, prévoyante, bienfaisante, satisfaisante.

L’autorité en crise

Le refus de l’autorité de Dieu et l’absence de bonne solution de rechange ont des conséquences : la « crise de l’autorité ». La « toile » recense des milliers de publications sur les problèmes d’autorité à l’école, dans la famille, dans l’entreprise, dans la cité, dans l’État. Parmi les causes de cette crise, on cite l’humanisme et l’existentialisme qui font de l’individu son propre centre, Mai 68 qui a attaqué toute forme d’autorité, le post-modernisme qui remet en cause la modernité rationaliste prédominante du XXe siècle. On cite également des pages tragiques de l’histoire : Des leaders ont provoqué des catastrophes, en abusant de leur autorité ; leurs subordonnés se sont soumis à leur autorité et ont ainsi commis des atrocités. On cite encore des usages abusifs d’autorité par des personnes dépourvues de bienveillance, avec des conséquences catastrophiques dans des couples et familles, organisations, équipes sportives, entreprises et parfois dans des églises. Et même si l’autorité n’est pas toujours aussi malveillante, elle est suspecte car elle s’oppose à la liberté individuelle.
Cette crise multiplie les paradoxes : on se plaint du manque d’autorité mais on accuse d’autoritarisme ceux qui essaient d’agir. On veut une régulation internationale pour gérer la mondialisation (concurrence, climat, tensions), mais on se méfie de toute ingérence supranationale. On reconnaît la nécessité d’une autorité pour vivre en paix, mais on y reste allergique quand elle nous impose une contrainte ou une limite.

Conclusion

Les pédagogues, sociologues, psychologues, politologues, politiciens, journalistes et philosophes débattent toujours de la question : Comment définir le fondement et le cadre d’une saine autorité ?

Ce problème a-t-il une solution ?

NON, pour le monde, car l’humanité s’est montrée incapable de trouver un système d’autorité efficace et juste. Pourtant elle répète chaque jour l’erreur (péché) d’Adam et Ève : Refuser l’autorité légitime de Dieu, écouter l’influenceur Satan (le « prince de ce monde », Jean 16.11), préférer de fait le statut de « fils de rébellion » (Éph 2.2 ; 5.6). Elle persiste à creuser toujours plus profond un « vide en forme de Dieu » (expression de Pascal, écrivain du XVIIe siècle), un vide qui ne pourrait être rempli que par Dieu.
OUI, pour le disciple de Jésus Christ, car il reconnaît lui-même l’autorité bienveillante de son Seigneur ; il la prêche (Act 28.31), il la vit dans l’Église (Col 1.18). Cette autorité le rassure et le sécurise, comme l’autorité du berger rassure chacune de ses brebis. Quant à « faire des disciples », cela consiste à faire connaître celui qui a reçu toute autorité, c’est enseigner à garder tout ce qu’il commandé.
« Jésus s’approcha et leur dit : Toute autorité m’a été donnée dans le ciel et sur la terre. Allez, faites des gens de toutes les nations des disciples, baptisez-les pour le nom du Père, du Fils et de l’Esprit saint, et enseignez-leur à garder tout ce que je vous ai commandé. Quant à moi, je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde » (Mat 28.18-20, NBS).


« Nos jeunes aiment le luxe, ont de mauvaises manières, se moquent de l’autorité et n’ont aucun respect pour l’âge. À notre époque, les enfants sont des tyrans. » Cela ressemble à une synthèse de sondage récent… mais cette phrase aurait été prononcée par Socrate, au 5e siècle avant notre ère. Le problème de l’autorité ne date pas d’hier !
La pandémie de Covid-19 l’a probablement encore amplifié. Ce défi soudain a surpris les autorités scientifiques et politiques. Les responsables tâtonnent, affichent parfois de profonds désaccords, déçoivent par leurs résultats. L’autorité humaine perd ainsi une mesure de crédibilité et de confiance.
Au-delà de cet épisode, comment expliquer ce problème constant de l’autorité, souvent jugée excessive ou au contraire insuffisante, réclamée comme une nécessité sociale ou rejetée comme entrave à la liberté individuelle ?
Comment exercer l’autorité qui peut nous être confiée dans notre domaine professionnel, dans la famille ou dans l’église ? Comment réagir si une autorité légitime nous impose des obligations qui nous paraissent inutiles ou absurdes, contraires à nos valeurs chrétiennes, ou même profondément toxiques ?
Ce numéro ne répondra pas à toutes les questions ! Mais il vous propose quelques pistes de réflexion pour essayer de comprendre et de contextualiser le point de vue de Dieu sur l’autorité.


1. Un réconfort :

Dieu m’a élu avant que le monde existe. Quel encouragement et quelle assurance extraordinaires quand je vois la réalité de mon cœur, ses méandres, ses difficultés, sa complexité à vivre la foi chrétienne. Je n’ai aucun mérite, je ne peux que recevoir une grâce qui m’est donnée librement, gratuitement, parce que Dieu désire le faire ainsi : notre salut dépend de Dieu.

2. Une louange :

Je suis émerveillé par l’amour de Dieu pour moi, par le fait qu’il m’ait choisi. J’ose dire que, si j’étais Dieu, je ne me serais pas choisi. Mais Dieu a manifesté sa grande bienveillance envers moi, tel que je suis. À lui la gloire !

3. Une intercession active :

L’élection suscite une prière active pour ceux et celles qui nous entourent et ne connaissent pas encore Jésus-Christ. C’est précisément parce que nous croyons que Dieu œuvre dans les cœurs pour susciter la foi que nous lui demandons d’agir. Nous pouvons donc prier, intercéder pour tous les hommes et supplier Dieu d’intervenir.

4. Une évangélisation possible :

L’évangélisation n’est possible que parce que Dieu en est l’acteur principal. Comme nous ne savons pas qui Dieu a élu, il a décidé que nous serions les porte-paroles de son Évangile, en incarnant ses valeurs, en parlant de notre foi, et que cela attirerait un certain nombre d’individus — ceux-là mêmes que Dieu a destinés à la vie éternelle.

5. Des relations humaines saines :

Je peux aimer très librement mon voisin, mon prochain, mes connaissances, qui ne sont pas chrétiens, parce que je sais que ce n’est pas en faisant pression sur eux qu’ils viendront au Seigneur. Je vais bien sûr saisir toutes les opportunités pour être témoin de Christ, mais sans la tension intérieure qui me rendrait responsable de leur salut.


Cet article est la conclusion d’un article plus long « Calviniste, arminien, intermédiaire ou éclectique » disponible sur le site internet animé par David Shutes : www.davidshutes.fr

La logique humaine et ses limites

Dans un domaine aussi compliqué, où il y a tant de textes qui vont dans un sens ou un autre, et dans lequel on est en train d’essayer de comprendre,ce que Dieu fait et comment il le fait, il ne serait pas du tout réaliste de penser que tout le monde pourrait être du même avis. Mais je voudrais, néanmoins, encourager chacun à se positionner, en donnant un maximum de place à ce que dit la Bible – toute la Bible, et non uniquement les textes qui vont dans le sens de ce qu’on pense déjà – plutôt que de déformer le sens clair de la Bible en faveur de ce qui semble « raisonnable » à l’esprit humain. Je ne cherche surtout pas à discréditer l’utilité de la logique. D’une part, j’ai été formé en mathématiques avant d’aborder sérieusement la théologie et j’apprécie beaucoup la rigueur de la logique. Elle permet d’éviter bon nombre d’erreurs évidentes. D’autre part, il y aurait certainement moins de bêtises proférées au nom de la théologie si tous les théologiens avaient une formation de base en logique. Elle a une validité incontestable. Néanmoins, la logique a aussi ses limites. Nous ne savons pas tout. Nous ne pouvons pas être sûrs, dans ces conditions, que nos raisonnements soient justes. J’irais encore plus loin : nous pouvons être sûrs, dans certains cas, que nos raisonnements ne sont pas justes. Il existe des paradoxes logiques qui, autant qu’on puisse voir, ne permettent pas d’explication. Nous pouvons montrer de façon claire qu’un raisonnement logique, aussi rigoureux soit-il, ne peut pas donner des résultats fiables si les informations dont nous disposons sont insuffisantes. Pour toutes ces raisons, je ne rejette pas la logique comme moyen d’appréhender la vérité, mais je n’ai pas non plus une confiance absolue en elle. Seul Dieu sait tout, et il nous a révélé, dans sa Parole, ce dont nous avons besoin pour nous approcher de lui. Sa Parole est infaillible, justement parce qu’elle vient d’un Dieu infaillible. Quand un ou deux textes de la Bible semblent dire quelque chose qui va clairement à l’encontre du reste de la Bible, il nous est permis – il est même nécessaire – d’utiliser notre capacité de raisonner (que Dieu nous a donnée, après tout) pour essayer de résoudre la contradiction apparente. Parfois un verset ne veut pas dire ce qu’il semble dire, et tenir compte du reste de l’enseignement biblique peut nous aider. Mais quand de multiples textes montrent quelque chose de manière assez claire, c’est que Dieu nous l’a révélé. Si cela semble contredire d’autres vérités, révélées elles aussi de manière claire dans de multiples textes, tout ce que cela veut dire, c’est que nous avons trouvé les limites de la logique humaine. Le principe de base est donc celui-ci : Je refuse de m’appuyer sur ma logique humaine, que je sais faillible, pour invalider l’enseignement clair de la Parole de Dieu, que je sais infaillible. Quand la Bible n’est pas claire, ou si un texte semble dire quelque chose qui contredit le reste, oui, je suis prêt à utiliser mon raisonnement humain pour essayer de résoudre la contradiction ou comprendre la vérité. Mais quand Dieu nous révèle un principe dans sa Parole, de manière répétée, je dois l’accepter. Tant pis si cela me pose des problèmes de compréhension. L’homme n’a pas besoin de tout comprendre et de tout résoudre. Il a besoin de s’appuyer sur la Parole de Dieu, pour se laisser guider par la seule personne dans l’univers qui peut tout comprendre et tout résoudre. Le calvinisme et l’arminianisme présentent, tous les deux, des raisonnements cohérents. À condition de commencer avec une position donnée sur le premier point, tout le reste découle logiquement de ce point de départ. Mais les deux doctrines, en s’appuyant sur la logique humaine, nous conduisent à des idées aberrantes. L’arminianisme nous présente un Dieu qui sauve « les meilleurs », au moins en ce qui concerne leur disposition à se détourner du péché et accepter le salut, ce qui veut dire que le salut est basé, au moins en partie, sur le mérite humain. Le calvinisme nous présente un Dieu qui pourrait sauver des millions de personnes, mais qui choisit de ne pas le faire, un Dieu qui manque donc manifestement d’amour envers une grande partie de ses créatures. Ces deux idées sont inacceptables, et tant pis pour la « logique » qui permet de les étayer.

La Parole infaillible de Dieu

À différents moments de ma vie, j’ai cru – et défendu – ces deux optiques. Élevé dans l’arminianisme pur, je suis devenu calviniste quand j’ai constaté les insuffisances de l’arminianisme. C’était par défaut : Comme il n’y a que deux positions, si l’une est fausse, l’autre doit être vraie. Mais quelque temps plus tard, j’ai constaté les insuffisances du calvinisme. Je ne l’ai jamais entièrement rejeté, mais je ne pouvais plus l’accepter entièrement non plus. J’ai donc essayé, très sérieusement, de trouver une optique qui tienne compte de l’ensemble de la Bible, et qui ne contienne pas de contradictions internes. Je voulais ce dernier point aussi bien en tant que théologien qu’en tant que mathématicien. Mais je n’ai jamais réussi. C’est pour cette raison qu’après des années et des années de réflexions, d’étude, et de débats avec d’autres et avec moi-même, je suis arrivé à la conclusion que nous n’avons pas besoin de tout résoudre. Nous pouvons simplement accepter l’enseignement de la Parole de Dieu, et faire confiance à son Auteur pour résoudre ce qui nous semble incompatible. La Bible nous montre clairement que l’homme pécheur n’a absolument aucun mérite dans le salut, qui est entièrement l’œuvre de Dieu, d’un bout à l’autre. La Bible nous montre un Dieu d’amour qui répète à maintes reprises qu’il aime toutes ses créatures et désire profondément leur rédemption. Tant pis pour notre logique, qui semble « prouver » que ces deux idées s’excluent mutuellement. Dans le fond, ce dont j’avais besoin était une bonne dose d’humilité : Le fait d’accepter que Dieu n’a pas besoin de tout expliquer pour avoir raison, et que je n’avais pas besoin de tout comprendre pour accepter sa Parole. Quelque part, il n’est pas du tout étonnant que les êtres humains, créatures bien limitées que nous sommes, ne puissent pas tout comprendre au sujet de Dieu. Quand nous essayons de le faire, quand nous sommes obligés de déformer de manière sérieuse l’enseignement clair de la Bible, c’est que nous exaltons le raisonnement humain – qui, de toute façon, est manifestement faillible – au-dessus de la Parole infaillible de Dieu. Je ne dis pas que tout le monde doit partager exactement les mêmes conclusions que moi. Ce serait même étonnant, si cela se faisait, étant donné que nous sommes tous obligés de « tâtonner dans le noir » dans ce domaine. Mais j’encourage tout le monde à utiliser le même principe de base : Donner raison à la Bible, au moins dans les principes qu’elle enseigne clairement de manière répétée. Laissons la Bible nous parler, sans rejeter de multiples textes parce que nous ne voyons pas comment réconcilier leur enseignement avec d’autres passages, tout aussi clairs. Pour moi, deux principes ressortent clairement de la Bible par rapport à ce débat, et je choisis de les accepter pleinement tous les deux, tout en renonçant à les réconcilier sur le plan logique : Dieu aime toutes ses créatures et désire profondément le salut de tout le monde (c’est le sens de l’amour de Dieu), et l’homme n’a strictement aucun mérite dans le salut, qui est entièrement l’œuvre de Dieu d’un bout à l’autre (c’est le sens de la grâce de Dieu). Cela suffit pour moi. Les deux montrent la grandeur de la personne de Dieu, et il n’y a rien dans l’univers de plus beau que l’amour de Dieu qui se manifeste dans la grâce de Dieu.


Le malentendu de la tension entre souveraineté de Dieu et liberté de l’homme

D’un côté, l’Écriture affirme sans réserve la souveraineté de Dieu et d’un autre, elle exige avec insistance la mise en œuvre d’une décision de l’homme. Dans la Bible, aucune tension ne s’exprime entre les deux notions ; il ne nous est même pas demandé de les garder toutes deux malgré une discordance douloureuse. Pour prendre Philippiens 2.13-14, il ne nous est pas demandé de travailler avec crainte et tremblement à notre salut « bien que » Dieu opère en nous le vouloir et le faire, mais « parce que » il les opère.
La première raison du malentendu non biblique tient à l’influence de l’idéologie humaniste de la liberté, qui a rendu l’homme aveugle au sens biblique de la liberté. La liberté selon la Bible n’est pas première, mais, dans son essence, elle est donnée ; elle n’est pas indépendance, mais elle est dépendance filiale qualitativement privilégiée.
La seconde raison vient d’une imagination déformante. La détermination par Dieu est pensée à l’image des forces de la nature. En effet, la liberté s’asphyxie et la raison devient vaine, si les événements de l’histoire et mes décisions sont régis par une impersonnelle nécessité. Il y a viol de la personne dans un déterminisme universel impersonnel. Si la loi de ce déterminisme est le mécanisme universel, ou une évolution tout englobante, ou la dialectique de la matière ou celle de la raison, il est bien vrai que ma liberté s’évanouit et que ma propre action n’est qu’illusion. Mais telle n’est pas la détermination par Dieu : Nous ne rencontrons pas un destin fataliste, nous rencontrons la volonté d’un Dieu personnel. Il est capable avec un tact infini de susciter en nous « le vouloir et le faire » sans léser notre liberté. Il faut creuser plus profond pour trouver les différences fondamentales entre les déterminations aliénantes des forces de la nature et la détermination personnelle, infaillible et libératrice de Dieu. Si les images tirées des actions que les créatures exercent les unes sur les autres nous égarent, c’est que notre rapport à notre Créateur est unique, tout autre. Car c’est en lui que nous sommes. Alors que toutes les créatures sont métaphysiquement extérieures les unes aux autres, et qu’ainsi l’action d’une créature sur une autre risque toujours de violer son intimité, « Dieu nous est plus intérieur que le plus intime de nous-même » (Augustin). La distinction de Dieu d’avec le monde et sa présence radicalement fondatrice de Créateur permettent au Dieu biblique de produire en nous un vouloir qui soit un vrai vouloir. Nul autre que lui ne le pourrait et lui le peut justement parce qu’il est notre Créateur.
Dieu a créé l’homme à son image, partenaire de son alliance. Il ne l’a pas créé comme un petit dieu, c’est-à-dire un agent indépendant ; il ne l’a pas créé non plus comme un tronc ou une pierre, purement passif sous sa souveraineté ; il l’a créé « image de Dieu », c’est-à-dire liberté seconde mais réelle. La réalité de la liberté dans la dépendance, c’est le mystère même du statut de la créature humaine. Je parle de « mystère » car nous ne dominons pas intellectuellement ce rapport, nous ne perçons pas le « comment » de cette liberté dans cette dépendance — et comment le percerions-nous ? C’est ce qui nous constitue nous-même. Mais c’est un mystère harmonieux, sans contradiction, sans antinomie, sans douleur pour l’intelligence, si elle se laisse réformer par l’Écriture. Ainsi, loin d’exclure la décision de l’homme, la souveraineté du Dieu trinitaire l’implique.

La réalité de la liberté humaine grâce à la souveraineté de Dieu

Cette décision humaine est non seulement possible, importante pour Dieu, mais elle n’est possible que par la souveraineté de Dieu. Sur quoi reposerait la décision indépendante de l’homme, sinon sur le vide ? Quelle consistance, quel poids pourrait-elle avoir hors du Dieu en qui nous sommes ? Comment serait brisée la servitude de la volonté qui se livre au péché (Jean 8.34) ? Cette servitude n’est pas une contrainte externe, c’est le cœur lui-même qui est endurci, ce cœur de pierre (Éz 36.26). C’est dans la volonté rebelle que gît l’incapacité de plaire à Dieu. L’homme naturel est incapable de connaître les choses de Dieu (1 Cor 2), il ne le veut pas. Seul le Dieu qui peut œuvrer à la racine de notre être peut libérer le serf-arbitre. Comment aussi seraient contrecarrées l’influence aveuglante des puissances des ténèbres et la propagande d’un monde corrompu, si Dieu n’était pas à l’œuvre ? Comment, quand les sciences humaines mettent en évidence les conditionnements de nos choix, serions-nous assurés qu’ils sont libres et responsables ? Quand la sociologie, la psychologie nous montrent tout ce qui détermine les choix humains, il est facile de sombrer dans une espèce de scepticisme à l’égard de la réalité même de la liberté humaine et des penseurs en vue en doutent désormais ou carrément la nient. Notre certitude est que c’est le Seigneur qui me fait libre devant lui ; c’est lui qui protège et garantit la réalité de ma décision en la suscitant lui-même et en dosant parfaitement les pressions du dehors sur le vouloir pour qu’elles ne l’écrasent ni ne l’étouffent. C’est la certitude que Dieu produit en moi « le vouloir et le faire » qui me rend certain qu’il y a en moi un vrai vouloir et non pas un épiphénomène de mécanismes inconscients. En notre temps de folie libertaire ou de dissolution de l’homme dans le physico-chimique, il faut le proclamer : Le rempart, le rocher de la décision humaine, c’est la souveraineté du Dieu de la Bible.


1. Introduction

La relation entre la doctrine de l’élection et son application missionnaire est importante à aborder car une corrélation entre les deux existe. En effet, le témoignage apporté à quelqu’un qui ne connait pas le Seigneur en sera inévitablement impacté. Nous n’entrerons pas ici dans les détails de savoir si la doctrine de la prédestination ferait perdre un certain entrain au témoignage, Dieu n’ayant pas besoin de nous pour sauver ceux qu’il a choisis. Cette vision discutable du grand mandat de Matthieu 28.18-20 a déjà été abordée ailleurs[note]Par exemple sur ce blog : https://www.reveniralevangile.com/lelection-nous-encourage-a-levangelisation/[/note] . Aujourd’hui seule une minorité de chrétiens suivent cette ligne de conduite quant à l’application missionnaire de la doctrine de l’élection.
En revanche, le plus grand nombre s’accorde à dire que, dans le contexte missionnaire, l’important n’est pas de savoir comment la personne trouve Dieu ou pourquoi une personne s’ouvre au Seigneur, mais bien que la relation entre la personne et Dieu soit rétablie, par Jésus-Christ et sous l’action du Saint Esprit. L’accent est mis sur la personne que Dieu veut ramener à lui et le message qui lui est délivré pour qu’elle comprenne le salut.
Cet article abordera donc la relation entre la doctrine de l’élection et son application missionnaire dans son aspect général, en partant du postulat suivant : Quelle que soit notre position (prédestination, prescience de Dieu ou libre arbitre), le mandat missionnaire est approuvé par tous. En d’autres termes, le disciple de Christ se doit d’aller faire des disciples dans toutes les nations du monde.

2. Annoncer un message simple et sans détours

Cette base commune est justement l’application principale de la doctrine de l’élection à la mission. Paul était avant tout un missionnaire pionnier et ses écrits sont des comptes rendus du travail sur le terrain plus que des documents théologiques rédigés à des fins académiques. À cet effet, il écrit à Timothée de guider les chrétiens loin des controverses sans fin pour se recentrer sur le message de l’Évangile (2 Tim 2.10-14). Le terme « supplier », au verset 14, parfois traduit par « recommande solennellement » (Semeur) aide à saisir toute l’intensité de ce conseil de Paul à Timothée et combien le fait de garder le message de l’Évangile simple et sans détour dans un but d’évangélisation est capital. Ces versets, sont en effet écrits, « afin qu’eux aussi obtiennent le salut qui est en Jésus-Christ, avec la gloire éternelle » (2 Tim 2.10b).
C’est de cela dont la personne en recherche de Dieu a besoin : Entendre le message de l’Évangile, de la part d’un ami, d’une connaissance, d’un membre de la famille, d’une étrangère, d’un disciple fidèle au commandement de Jésus d’aimer et de faire à son tour un disciple. Toutefois, l’évangélisation n’a pas pour but de convertir par tous les moyens, mais d’être fidèle dans le partage de l’Évangile et de laisser le Saint Esprit faire son œuvre selon le plan de Dieu.
Une première application missionnaire de la doctrine de l’élection est donc de se rappeler que notre rôle est de transmettre le message auquel tous chrétiens croient, et moins de regarder à qui est sauvé ou en passe de l’être. Cela appartient à Dieu. Dans ce contexte missionnaire, nous devrions donc communiquer l’assurance du salut plutôt que de savoir comment on l’obtient ; l’assurance d’une relation rétablie avec Dieu par Jésus, plutôt que de se demander comment nous sommes choisis ; l’assurance d’une vie changée en Jésus, plutôt que de savoir quand et comment le changement s’opère.

3. Annoncer le message de l’Évangile : Conséquence de l’élection

Si la première application s’oriente vers l’extérieur, la deuxième application va vers une introspection, sur le pourquoi de notre élection. Christopher Wright, dans son livre The Mission of God [note]Wright Christopher J.H., The Mission of God: Unlocking the Bible’s Grand Narrative (Nottingham England: IVP, 2006), pp581[/note] mentionne que c’est mal comprendre le sens biblique de la doctrine de l’élection si elle devient une base d’explication mystérieuse pour définir qui est sauvé et qui ne l’est pas. Wright donne l’exemple de l’appel et l’élection d’Abraham qui n’a pas tant à voir avec son salut, mais plutôt avec son rôle de père spirituel, de qui descend toute personne rachetée et sauvée après lui. La mission d’Abraham était d’être l’instrument par lequel Dieu allait rassembler un peuple nombreux, celui par lequel « les familles de la terre seront bénies » (Gen 12.3b). Communément comprise en théologie systématique, la doctrine de l’élection se rapporte à notre salut, mais Wright conclut qu’avant tout nous sommes élus pour la mission[note] Ibid., p. 263-264[/note]. En effet, à la lumière de 1 Pierre 2.9 nous comprenons que l’Église a été élue pour être une nation sainte (mise à part) afin d’adorer Dieu et de témoigner de lui en proclamant ses louanges.
Cette idée est bien loin de celle qui affirme que Dieu n’a pas besoin de nous pour sauver ceux qu’il a élus. Nous voyons maintenant que personne ne peut accomplir la mission de propager l’Évangile si ce n’est les élus et que c’est justement pour cette raison que l’on a été élu. L’élection devient ici un gage de qualité, un sceau d’authenticité, une sorte d’accréditation qui nous permettrait d’avoir l’honneur de prendre part, en tant que disciple, à la mission que Jésus a donnée aux premiers disciples avant nous. Quel privilège, dans cette perspective, d’avoir été élu pour l’action plutôt que pour le contentement !
En résumé, comme deuxième application missionnaire de la doctrine de l’élection, nous devons nous rappeler que notre élection marque le début de notre mission de faire des disciples dans tous les peuples et non une finalité de salut sur lequel on pourrait se reposer.

4. Conclusion

La doctrine de l’élection fait sens pour les chrétiens nés de nouveau lorsqu’ils regardent en arrière et peuvent rendre gloire à Dieu pour la façon dont ils sont venus à choisir Christ. Dans le contexte missionnaire, l’accent est à mettre sur le fait que Dieu nous aime, veut que nous nous réconciliions avec lui en Jésus pour avoir une relation personnelle et quotidienne avec nous. En cela, nous sommes responsables, nous qui lui appartenons de propager ce message humblement et sans peur (Act 18.9-10) en croyant que Dieu veut nous utiliser pour ramener à lui beaucoup de gens qui le cherchent encore aujourd’hui.