PROMESSES

HEBREUX 8 – UNE NOUVELLE ALLIANCE


Par des comparaisons successives, les 7 premiers chapitres ont établi la supériorité de la personne du Christ sur les grandes figures de l’Ancien Testament: prophètes, anges, l’homme lui-même, Moïse, Josué, Aaron, pour aboutir à une ressemblance avec Melchisédek, le seul roi-sacrificateur connu. Les chapitres 8 à 10.1 8 vont démontrer la supériorité de son oeuvre sur toutes les institutions du sacerdoce lévitique, pourtant institué par la loi de Moïse.

1. Hébreux 8.1-6: Christ, ministre du nouveau sanctuaire

Charnière des 2 sections de la partie doctrinale de l’épître, Héb 8.1 souligne tout ce qu’ont les croyants dans la seule personne du Christ glorifié, vivant et actif en leur faveur. C’est vraiment le coeur du message de cette admirable lettre.

1.1. Sa position (v. 1-2)

Déjà en Héb 1.3, le Fils est vu assis à la droite de la majesté. Maintenant se précise ce caractère en rapport avec le trône (symbole du gouvernement dans l’Ecriture). Mais la grande innovation, c’est cette position de repos du sacrificateur! L’ameublement du tabernacle ne comportait aucun siège (Héb 9.1 -5). Le sacrificateur terrestre servait toujours debout, dans une oeuvre jamais achevée (Hèb 10.3). L’oeuvre parfaite du Fils (une fois pour toutes) lui permet d’inviter les rachetés à entrer dans le repos (Héb 4.1-11).

Le contraste est complet, quand cette position de repos coïncide avec un ministère incessant, au ciel, c’est-à-dire dans les vrais lieux saints, oeuvre de Dieu.

1.2. Son rôle (v. 3-6)
Après avoir démontré que le Fils est devenu le souverain sacrificateur unique et définitif, l’auteur le considère dans son rôle, qui est d’offrir à Dieu ce qui lui est agréable, au ciel et non sur la terre (v. 4-5) ce sera l’objet du chapitre 9.

A souligner que la sacrificateur lévitique, pourtant calquée sur le modèle céleste (Ex 25.40), n’était qu’une ombre sur terre d’un modèle vu au ciel. Depuis l’Ascension, le modèle lui-même est au ciel en fonction.

Au seul verset 6, trois choses meilleures:
– le ministère de Christ,
– l’alliance,
– les promesses.

2. Hébreux 8.7-13: Christ, médiateur de la nouvelle alliance


2.1. L’ancienne alliance de la loi (v. 7-9)
Affirmée insuffisante déjà par l’Ancien Testament (Jér 31.31-34)!

Basée sur l’obéissance (Deut 28.2-3), elle conduisait à la bénédiction méritée par l’homme mais nul n’a pu accomplir la loi (Rom 3.23).

Souvent les prophètes ont reconnu et dénoncé la faillite du peuple; ils comptaient d’autant plus sur la fidélité de Dieu à son alliance (Dan 9.4).

2.2. La nouvelle alliance de la grâce (v. 10-13)
a) Les lois de Dieu sont maintenues, mais écrites dans l’esprit et le coeur (v. 10).
Selon l’Esprit donné au croyant (Rom 5.5), l’obéissance viendra du coeur. C’est un changement total (2 Cor 3.6).

b) Dieu devient notre Dieu, et nous son peuple (v. 10).
C’est une alliance de vie avec le Dieu vivant (Jean 5.24).
c) Connaissance de Dieu, directe pour chacun, (v. 11).
Alliance universelle, pour tous au même rang, Juifs ou non ; le voile est ôté (2 Cor 3.16).
d) Pardon total des péchés (v. 12).
Alliance de grâce Dieu dit: JE …. Le croyant n’a plus conscience du péché comme barrière de Dieu (Héb 10.3).


3. Appendice: Les alliances de Dieu


La Bible révèle un Dieu qui se plaît à rejoindre l’homme et à s’unir à lui.

Alliance Signe  
1. Adam = l’humanité primitive                         la vie éternelle
(Gen 2.16,17)
2. Noé = après le déluge   l’arc en ciel
(Gen 6.18)
3. Abraham = un père élu   la circoncision
(Gen 17.2,4,7,11,13,14,19)
4. Israël = un peuple   le sabbat
(Deut 4.13)
5. Lévites = la sacrificature   le sacerdoce
(Nom 25.12-13 Mal 2.4)
6. David = la royauté   le trône
(Ps 89.20-30)
7. Nouvelle alliance en Christ l’Esprit Saint
(Jér 31.31-34 Héb 8.8-11)


Perspective ultime: 1 Cor 15.28: Dieu tout en tous!


Jean Chopard


QUAND PHILIPPE EST MORT

Le témoignage de parents chrétiens écrasés par la mort soudaine de leur fils âgé de trois ans et demi.

Claire-Lise et Olivier Bingle habitent la banlieue de Lausanne. Nous leur savons gré d’avoir partagé avec nous la peine immense qui fut la leur lors du décès de Philippe en 1975.


Voici le témoignage d’Olivier:

« Le point de mire du dernier numéro de CONTACT était le glorieux message de Pâques et la joie exubérante de la résurrection après la trahison et l’agonie spirituelle et physique de notre Seigneur a la croix. Dans nos oreilles résonnent encore les paroles « A toi la gloire » chantant le triomphe de la vie sur la mort. Y croyons-nous vraiment? C’est quand il faut le vivre pratiquement que l’heure de la vérité a sonné. Pour nous, ce fut le cas quand il nous arriva ce qui n’arrive normalement qu’aux autres. Notre petit garçon âgé de trois ans et demi mourut du faux croup en l’espace de trois jours. Tout d’abord, nous étions trop abasourdis pour y croire, mais le fait était là, cruellement vrai. C’était comme une amputation sans anesthésie. Bien qu’entourés de notre famille et de nos amis, tous pleins d’affection et cherchant à nous consoler, le fait de la mort de Philippe était la, un défi à notre foi en la vie après la mort. Nous avions toujours pensé y croire – mais était-ce vrai ?

Y croire sans pouvoir s’appuyer sur une expérience tangible n’était pas facile. Assaillis par le doute, il fallait sans cesse nous le réaffirmer. Il fallait croire que Dieu était présent, nous aidait et nous soutenait; mais cela n’est pas venu tout seul. Nous ne ressentions aucune assurance réconfortante ; il nous fallait la redemander chaque jour, plusieurs fois par jour.

Nous avions besoin d’un retour à la Bible afin de relire ce qu’elle dit sur la vie après la mort. Elle ne laisse aucun doute sur ce point, et certains passages nous ont beaucoup aidés, tels que 1 Corinthiens 15 et Jean 14 (Il y a beaucoup de demeures dans la maison de mon Père). Mais il y a peu de détails sur cette nouvelle vie, et même la promesse d’un corps immortel n’aide pas quand on aime le corps décédé.

Mais, en réalité, le Christ est revenu de la mort à la vie, en donnant ainsi la garantie que tous ceux qui sont morts reviendront également à la vie (1 Cor 15.20).

Il nous fallait d’autres textes bibliques. Le livre de Job prit un sens nouveau: voici un homme qui avait tout perdu et qui pourtant ne voulait pas maudire Dieu et mourir. Il garda la foi et finit par être béni. Ce ne sont pas les forts qui nous aident, mais les faibles, et les larmes que Jésus a versées sur la mort de Lazare nous ont touchés. Nous avons commencé à désirer le retour de Jésus-Christ et avons trouvé beaucoup de passages qui en parlent. Mais bien que persuadés que les prophéties sont en train de s’accomplir, il ne nous est pas donné de savoir le jour ou l’heure du retour de Jésus.

Nous étions brisés, mais cela nous rapprochait des autres, et il nous arrivait de leur donner une foi que nous n’avions pas vraiment nous-mêmes. Pendant quelque temps, nous nous sommes détachés des considérations matérielles. Il nous semblait que le plus important était de partager chaleur et affection avec les autres.

Plus nous constations quelles futilités encombraient notre vie, plus nous devions opérer un changement de nos priorités. Nous faisions fi des considérations mesquines. Malheureusement, le monde ne nous laisse pas vivre à notre guise, et nous avons quelque peu perdu ce détachement heureux. Mais les choses ont changé. Quoique la mort reste le dernier ennemi, nous la craignons moins à présent. Un membre de notre famille y a passé et nous attend de l’autre côté, et nous nous réjouissons à la pensée d’être réunis avec lui. Certaines de nos craintes ont été transformées ; les ténèbres ont perdu de leur épouvante.

On nous a beaucoup aidés. Nous n’avons eu ni amertume ni sentiment de culpabilité ; nous n’avons rien reproché aux autres ni à nous-mêmes. Malgré la douleur et le désemparement, nous avons fini par être en paix. Le soleil brillait de nouveau, même si nous n’en avions pas voulu d’abord. Nous ne pouvons que remercier Dieu pour tout ce qu’il nous a donné depuis.

Le mystère de la mort de Philippe est resté sans réponse. Mais comme nous savons que Dieu aime notre fils, sa mort doit avoir été pour son bien sinon le nôtre. Après tout, il appartenait à Dieu avant de nous appartenir, et l’amour de Dieu pour lui dépasse encore infiniment le nôtre. Notre foi a été fortifiée et nous nous attendons à de grandes choses: le meilleur est encore devant nous. »

voici le témoignage de Claire-Lise:

Je me rappelle que j’en voulais à Olivier quand il demandait à Dieu de nous consoler, car moi, je n’en voulais pas. Je ne désirais plus jamais voir le soleil ou entendre de la musique. Nous avions fait confiance à Dieu, lui demandant de nous diriger et de nous protéger du danger et de la mort. Et voilà que Philippe était mort. Cela nous paraissait irrévocable, sans appel tellement plus réel que tout le reste. Je me trouvais à répéter, comme chaque fois surprise à nouveau: « Mais,… il est mort! » Et Olivier de répliquer sans se lasser: « Non, il est vivant! » Combien de fois me téléphonait-il du bureau pour me dire: « Il est vivant! » Mes pensées retournaient toujours à la tombe de Philippe et quand la neige l’avait recouverte, je pensais qu’il devait avoir si froid…

C’était la première fois que Philippe était parti tout seul sans moi – s’il était vraiment parti seul ? Combien de fois je lisais et relisais les chapitres de la Bible qui parlent de résurrection. Mes heures de solitude n’étaient qu’une longue prière. Et Dieu m’accordait son aide d’heure en heure, au fur et à mesure que je la lui demandais.

Gwen, notre fillette de cinq ans, posait beaucoup de questions: « Est-ce que Philippe portait le pyjama rose (que Gwen avait porté avant) quand Jésus est venu le chercher? Et puis, à la résurrection, est-ce qu’il recevra vraiment des jambes toutes nouvelles et des cheveux blonds comme avant ? » Pendant longtemps, elle demandait à Jésus dans ses prières de dire à Philippe combien nous l’aimions. Le dévouement de nos amis et voisins, pendant ces jours difficiles, nous a aussi beaucoup touchés. Ils nous envoyaient du pain fait maison, des bougies rouges, des bulbes de tulipes. Quels merveilleux amis ! Nous ne nous étions jamais rendus compte qu’ils tenaient tant à nous – et quelle aide cela pouvait être!

Mais j’étais toujours triste, et j’aurais voulu être vieille et mourir bientôt pour me retrouver avec Philippe. Puis le jour est venu où j’ai compris l’importance et la nécessité de prendre une décision. j’ai enfin décidé de me laisser consoler et de confier Philippe aux soins de Jésus, et aussi de me confier moi-même à Jésus pour les années à venir. Alors la paix est venue. Avec la paix sont venues la consolation et la certitude que Philippe est plus vivant aujourd’hui que jamais. »

En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit en moi a la vie éternelle. Jean 6.47

Traduit de CONTACT juin-août 1983,
avec permission, par J.P.Schneider.


Celui qui a plongé ses regards dans la loi parfaite, la loi de la liberté, et qui persévère… en la pratiquant activement, celui-là sera heureux dans son action même. Jac 1.25

La loi de la liberté: Cela vous étonne? Il semble difficile de concilier loi et liberté. N’y a-t-il pas contradiction dans les termes?

Peut-être faudrait-il commencer par définir ce qu’on entend par liberté. L’idée prévalant, c’est de pouvoir faire exactement ce qu’on veut, comme on veut et quand on veut. Mais cela existe-t-il 7 Dieu lui-même est-il libre de cette manière-là? Vu que Dieu est amour et justice, comme la Bible nous le révèle, est-il libre d’agir injustement 7 Je sais que, sur le plan de la philosophie, on peut contester ce que je viens de dire. Mais je ne veux pas philosopher sur la liberté. J’aimerais comprendre ce que la Bible dit de la liberté et cerner de plus près quel est le contenu de la loi de la liberté dont elle parle.

Quand Dieu créa l’homme, il le créa à son image. Cela implique, entre autres, que l’homme est libre de choisir. Mais une fois qu’on a fait un choix, on a du même coup mis une limite à sa liberté. Les époux qui ont choisi de se promettre une fidélité à vie ne sont pas libres de chercher ailleurs une satisfaction qui ne peut être qu’aléatoire. Liberté n’est jamais licence.

Revenons à la création. Qui dit jardin d’Eden pense arbre défendu. Pourtant, il y avait une quantité d’arbres portant une variété multiple de fruits dont aucun n’était défendu – sauf un seul! La liberté était quasi totale: un seul fruit défendu parmi des milliers d’autres! Une seule limitation: un seul fruit à ne pas choisir. Adam et Eve, les deux créés à l’image de Dieu, je le rappelle, avaient une liberté de choix pratiquement totale, sauf sur un seul point. La loi que Dieu leur avait donnée peut se résumer ainsi: Tout est permis, sauf une seule chose. C’était une loi de liberté.

Or, Eve et Adam, c’est-à-dire l’homme a choisi de passer outre à l’unique restriction proposée par Dieu. En faisant cela, il a passé à côté du but, ce qui est le sens du mot « pécher ». Il a passé outre à sa destination, qui consistait en une entière liberté de faire le bien. Il a ainsi entraîné toute la race humaine dans le péché, dans le mal. Dès lors, l’homme n’a plus respecté le domaine de la liberté que Dieu lui avait donné. Il se sent libre dans le domaine du mal, qui se trouvait en dehors du libre choix que Dieu lui avait accordé. En conséquence, l’homme perd la notion de ce qui est permis et fait des choix qui lui enlèvent sa liberté. Il devient l’esclave de ses instincts.

L’adage de la Révolution française: « Liberté, égalité, fraternité », n’a aucune chance d’être jamais réalisé. D’une part, l’homme a perdu la liberté de faire même le bien qu’il voudrait faire (relisez Rom 7.14-25); d’autre part, l’égalité n’existe même pas dans la divinité, où le Fils est soumis au Père (1 Cor 15.28). Quelque idéologie qu’on ait voulu appliquer sur le plan politique et sociologique, dans la pratique il n’y a ni liberté ni égalité. Quant à une authentique fraternité, vous ne la trouverez que parmi les hommes de la nouvelle race, celle des fils de Dieu en Jésus-Christ.
L’homme pécheur – et tout homme l’est dès sa naissance (Rom 3.9-12) – ne sait plus choisir ce qui est inclus dans le cadre de la liberté que Dieu lui a donné. C’est pourquoi Dieu a dû donner une loi détaillée à l’homme, pour délimiter ce qui tombe dans la possibilité des bons choix, en interdisant ce qui constitue les mauvais choix. C’est la loi de Moïse (donnée par Dieu), résumée dans les dix commandements: « Fais ceci, mais ne fais pas cela! » L’homme peut choisir ce qui est bien et rejeter ce qui est mal, simplement en suivant la loi de Dieu. Mais peut-il le faire? Non, nous dit la Parole. Il n’y a pas un seul qui fasse le bien, même celui qui aimerait le faire!

Comment s’en sortir? La solution vient de Dieu. Il a décidé de ne pas compter les faux choix, mais de gracier le pécheur. Cependant, comme Dieu est juste, le châtiment du péché doit être subi par quelqu’un, et quelqu’un d’innocent, pour satisfaire à la justice de Dieu. Et comme Dieu est aussi amour, il a lui-même donné la possibilité de faire grâce en donnant son Fils comme sacrifice expiatoire.

Nous avons l’habitude de dire que « nous ne sommes plus sous la loi, mais sous la grâce ». Alors comment comprendre que nous devons écouter et pratiquer la loi de la liberté dont parle Jacques (2.12-13)? La loi, dont Paul dît qu’elle est sainte, juste et bonne (Rom 7.12), nous permet de connaître Dieu. La loi nous dit quelles sont les actions et les attitudes qui s’accommodent avec le caractère de Dieu. La personne de Dieu (Père, Fils et Saint-Esprit) est au centre de toute réalité. Tout existe parce que Dieu existe. Sa loi exprime donc le caractère de Dieu. Et la loi se trouve aussi bien dans l’Ancien que dans le Nouveau Testament. Ecoutons plutôt:
Jésus dit: N’agissez pas comme les Pharisiens, soyez sincères.
Paul dit aux Ephésiens: Imitez Dieu ; aimez-vous.
Pierre dit: Soumettez-vous aux autorités à cause du Seigneur.
Ces commandements du Seigneur et des apôtres sont adressés à des croyants régénérés.

Pourtant, Paul fait remarquer que la loi ne nous rendra pas libres, car elle est sans puissance (Rom 8.3). Il va plus loin: Nous sommes dégagés de la loi (Rom 7.6). Christ est la fin de la loi, en vue de la justice pour tout croyant (Rom 10.4). Et c’est cette dernière phrase qui nous donne la clé.

Le chrétien se trouve sous le régime de la grâce. La question est posée:
La loi n’est-elle plus valable pour le chrétien?
La réponse est: oui et non.

Non, parce que la loi ne justifie personne devant Dieu. Christ a mis fin à la loi en tant que moyen de justification. Même en tant que chrétien, je ne saurais observer toute la loi. Donc, dit Paul, si Dieu m’accepte, c est en dehors des exigences de la loi ; c’est en acceptant que Jésus-Christ a tout fait pour que Dieu puisse me gracier. Tout ce que j’ai à faire si je veux bénéficier de cette grâce, c’est dire oui et merci. C’est ce que la Bible appelle la foi. Aussitôt que j’observe la loi dans l’idée de me justifier devant Dieu, j’oublie que seule l’oeuvre de Christ peut me justifier et donc me sauver de la condamnation que je mérite en tant que pécheur. Je dois être libéré de l’idée que de garder la loi (aussi celle exprimée dans le NT) soit tant soit peu méritoire. C’est cette liberté-là que Paul vise quand il écrit aux Galates: C’est pour la liberté que Christ nous a libérés (5.1).

Je repose ma question en ces termes:
La loi est-elle encore valable pour le chrétien vivant sous le régime de la grâce?
Et la deuxième réponse est: oui.

Comme la loi décrit le caractère de Dieu, elle nous montre comment agir pour lui ressembler. Si je veux donc savoir comment vivre, je dois méditer la loi de Dieu. Si vous suivez mon enseignement…, vous connaîtrez la vérité, et elle vous rendra libres (Jean 8.31-32). C’est de cette loi parfaite de la liberté qu’écrivait Jacques.

Mettons que j’aie acheté un appareil au mécanisme compliqué. Si je ne lis pas soigneusement le mode d’emploi qui l’accompagne, il y a bien des chances que je n’arrive pas à le faire fonctionner comme il faut. De même, l’homme a été conçu d’une certaine manière, aussi bien physiquement que spirituellement. Plus près il vit du mode d’emploi divin, plus libre il sera.

Mais comment cela se passe-t-il en pratique? La réponse est très simple: Nous devons aimer la loi de Dieu. Nous devons la recevoir comme Paul: Le commandement est saint, juste et bon. Mais toujours en nous rappelant sans cesse: Dieu nous pardonnera tout échec que nous subirons en essayant de garder son commandement. Oui, vous avez bien lu: Jamais plus Dieu ne nous condamnera quand nous enfreindrons sa loi. Là où le péché s’est amplifié, la grâce a surabondé (Rom 5.20).

« Ah bon! Alors, on peut pécher tant qu’on veut! » C’est ce qu’on reprochait à Paul d’enseigner. Mais cela contredit tout l’enseignement de Paul, et tout ce que j’ai essayé de dire ici.

En fait, Jésus-Christ nous a placés dans un nouveau jardin d’Eden. Quand Dieu a créé Adam et Eve, il a créé l’amour. Le péché l’a détruit: La femme que tu m’as donnée… Quel reproche envers Dieu, et quel mépris pour Eve! Ce n’est plus le langage de l’amour… Or, quand Dieu nous a recréés par la nouvelle naissance, donc par le Saint-Esprit, il a créé des créatures d’amour. Le Saint-Esprit répand l’amour de Dieu dans nos coeurs (Rom 5.5). Toute la loi est résumée par le seul commandement d’aimer (Mat 22.36-40). Cet amour concerne l’être humain tout entier, comme Jésus le rappelle aux Pharisiens en citant Deut 6.5:
Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton coeur: cela implique la volonté ;
de toute ton âme: cela implique les sentiments ;
de toute ta pensée: cela implique la raison.
Tu aimeras ton prochain comme toi-même: donc toute sa personne, malgré tous ses défauts.

C’est de nouveau la liberté totale dans le jardin, c’est-à-dire dans les limites de la volonté morale de Dieu. Cela sous-entend que j’aime Dieu, donc aussi que j’aime sa loi. La loi d’amour, nommée loi royale par Jacques (2.8), commence par Dieu. Et son observance n’est pas à bien plaire c’est un commandement! Si vous l’observez, vous faites bien, dit Jacques. Sinon – logiquement – vous faites mal. C’est une loi de liberté parce que seul l’amour nous rend libres, libres envers nous-mêmes en nous libérant de notre égocentrisme, et libres envers le prochain en nous libérant de toute mauvaise intention à son égard.

Cet amour est centré sur Christ. Mieux je connais Jésus-Christ, et par lui le Père, mieux je peux l’aimer. Et mieux j’aime Jésus-Christ, mieux je peux aimer mon prochain: mes parents, mon conjoint, mes enfants, mes frères et soeurs à la maison et à l’église, mes collègues, les personnes que je côtoie…

Mais comment faire pour mieux connaître Jésus-Christ? La parole a été faite chair (Jean 1.14): Jésus s’identifie avec la Parole. Mieux je connais la Bible, mieux je connais Jésus-Christ, mieux je connais Dieu. Jacques parle de la parole qui a été plantée en vous et qui peut sauver vos âmes (1.21). Sauver mon âme, ma personnalité – de quoi, sinon de mon égoïsme, de ma fierté (« Je suis quelqu’un! »), de mes rancunes (« Je ne peux pas lui pardonner cela! »)… Je puis être libéré de tout cela. Il nous a engendrés… par la parole divine (Jac 1.18): Nous sommes nés de sa Parole, qui est une parole de grâce et d’amour.

De quelle qualité est-il, cet amour? Ne lisez pas trop vite, arrêtez-vous à chaque trait: Cet amour est

  patient,   serviable,
  il pardonne tout,   il croit tout,  
il espère tout,   il supporte tout,   il ne succombe jamais!


Et il y a bien davantage encore dans 1 Cor 13. En Christ, c’est possible, une fois que je sais que mon MOI a été crucifié avec lui à la croix et que ce n’est plus moi qui vis, mais Christ qui vit en moi (GaI 2.20). Dès lors, quelle liberté! Quel paradis!
Aimer Dieu mène forcément à aimer son prochain, et aussi à aimer sa Parole. Quand on aime quelqu’un, ce qu’il dit a de l’importance. Pour l’enfant de Dieu, la loi de Dieu n’est plus son juge (Jésus a été jugé à sa place) elle est son guide. Elle lui dit comment vivre pour accomplir la loi de la liberté, la loi royale de l’amour.
Nous devons être réalistes. Cela ne vient pas tout seul. Notre volonté est enjeu. Nous avons à nous évertuer à accomplir cette loi. Le NT est plein d’ordres que nous avons à prendre à coeur. Relisez Eph 5.9-20: Faites ceci, ne faites pas cela! Veillez – rachetez le temps – comprenez la loi du Seigneur – ne vous enivrez pas – soyez remplis de l’Esprit -remerciez continuellement Dieu. Ce sont des ordres, et ils s’adressent à notre volonté. Pierre écrit: Faites tous vos efforts pour connaître, pour vous maîtriser, pour persévérer, pour vous aimer (2 Pi 1 .5-7).
La loi de Dieu, exprimée par Jésus et les apôtres, nous rend libres d’aimer. Nous avons une totale liberté dans le jardin de l’amour de Dieu dans lequel Dieu nous a réintégrés par la foi en Jésus-Christ. Mais comment décider pratiquement ce que je peux faire, ce que je ne dois pas faire ? Je crois pouvoir dire ceci: J’ai le choix de faire tout ce qui est compris dans la loi morale de Dieu, qui est résumée par la loi de l’amour. Je peux choisir de me marier ou de rester célibataire, veuf ou veuve. Je peux choisir de manger de la viande ou d’être végétarien. Je peux choisir de boire du vin ou de m’en abstenir. L’un n’est pas meilleur que l’autre.
Dans le cadre du mariage, la sexualité peut s’épanouir librement. Par contre, vivre sa sexualité ailleurs ou autrement que dans le mariage, c est sortir de la loi de l’amour, c’est enlever la liberté qui n’existe que dans le cadre du couple marié. Non pas que l’adultère soit irrémédiable: repentance et pardon sont toujours possibles. Mais tout adultère enlèvera la liberté dans le couple, pendant qu’il dure et pendant un certain temps après la réconciliation, parce que la loi de la liberté, et donc de l’amour a été enfreinte.
La liberté d’aimer est liée à l’observation de l’exclusivisme de Dieu. Tu es libre d’aimer ton conjoint tant que tu veux, mais pas quelqu’un d’autre. Tu es libre d’aimer Dieu totalement, mais aucun autre seigneur.
Dans ce jardin de l’amour de Dieu, tout est permis. C’est la loi de la liberté, la loi royale de l’amour, selon l’Ecriture. Lisons-la, étudions-la, imprégnons-nous de la Bible!

Maintenant donc, trois choses demeurent: la foi, l’espérance, l’amour; mais la plus grande, c’est l’amour.

Jean-Pierre SCHNEIDER


FOI ET RAISON


Le monde moderne est devenu la proie de l’humanisme, d’une mentalité où l’homme est le centre et ne compte que sur ses propres capacités et ressources intellectuelles et morales. L’évaluation de la vérité et de la morale s’effectue selon les critères humains. On prône l’amélioration des conditions sociales. La raison et la science ont été élevées au rang de dieux, et notre génération en est profondément imprégnée. Ainsi, Julian Huxley écrit que « la science atteint une nouvelle unité très réelle et nous fournit une image scientifiquement fondée du destin et des possibilités humaines » (1).

L’homme est devenu autonome et se targue de cette indépendance dans toutes les sphères de la vie qu’il veut contrôler: la science, la technique, la sociologie, l’économie, la philosophie, la théologie. Mais dans la mesure où il se déifie, il devient l’esclave de sa propre autonomie. L’angoisse, la psychose collective, la criminalité, la violence, les menaces de guerre envahissent notre société.

Le monde est déchiré par l’humanisme, la marxisme, le nouvel islam et d’autres idéologies. L’Eglise est imprégnée de l’esprit du siècle et subit l’influence du courant humaniste qui a séparé la raison de la foi. Or, le chrétien est appelé à communiquer la Bonne Nouvelle à ses contemporains. Comment ce message peut-il être compris ? Les chrétiens doivent connaître et comprendre eux-mêmes d’abord les modes de pensée de leur époque. Le Dr. Francis Schaeffer a été un des pionniers dans ce domaine. Il a essayé d’analyser les modes de pensée depuis l’époque de Thomas d’Aquin (1225-1274) jusqu’à nos jours, en nous montrant la relation entre ces différents courants et les influences qu’ils ont exercées sur les différentes époques, ainsi que les traces qu’ils y ont laissées. Toute l’oeuvre du Dr. Schaeffer se base sur deux points essentiels: la souveraineté de Dieu dans toutes les sphères de la vie, et l’inspiration divine, donc aussi l’autorité abs lue de la Bible. Sous ces deux angles, ses écrits sont d’une valeur inestimable. Francis Schaeffer s’est battu jusqu’à son dernier souffle pour l’inerrance de la Bible, pour l’orthodoxie de la doctrine chrétienne et pour notre soumission au Seigneur dans tous les domaines.

Voici un bref tracé des principaux modes de pensée qui ont influencé le monde occidental depuis le 13e siècle. Thomas d’Aquin ouvre les portes à la Renaissance. D’une part, il donne à la nature sa juste place par rapport à la grâce. Pour ce philosophe, l’homme était bien déchu, mais pas son intelligence, ce qui n’est pas scripturaire, car la chute de l’homme l’a entraîné dans la corruption totale, corps, âme et esprit. De cette façon, il introduit l’autonomie dans le domaine de l’intelligence, et par conséquent l’autonomie de la philosophie par rapport aux Ecritures. Avec Kant et Rousseau au 18e siècle, la notion de la révélation est supplantée par le rationalisme, et « la grâce » est remplacée par « la liberté « .

Avec Hegel (1770-1831), le concept de penser en termes de thèse et d’antithèse est renversé. « L’homme pouvait s’appuyer sur sa raison et penser en termes d’antithèse: si une chose était vraie, son contraire ne l’était pas. De même dans le domaine de la morale, le bien fait antithèse au mal » (2). Hegel introduit la confrontation thèse-antithèse pour aboutir à la synthèse. Ainsi, il n ‘y a plus d’absolu, et la vérité absolue n ‘existe plus. Dans cette optique, Dieu ne peut plus être distingué comme Etre personnel du reste de l’univers. La méthode dialectique est née: la philosophie de la contradiction est la seule que Hegel juge « vivante ». Cette manière de penser a profondément marqué les époques suivantes.

Darwin n’a finalement fait que de poursuivre cette ligne du relativisme en aboutissant à la théorie du transformisme. Pour Jacques Monod (3), le hasard devient une nécessité qui remplace l’Absolu: Dieu. La dialectique marxiste, elle aussi, plonge ses racines dans la méthodologie hégélienne. Dès lors, tout espoir d’unifier les champs de connaissance devient illusoire, suite à « l’abandon du principe de causalité à l’intérieur d’un système clos » (4). Dans le système clos, le monde est imaginé comme totalement autonome, ce qui exclut toute intervention de l’extérieur, donc aussi de Dieu.

Kierkegaard (1813-1855) abandonne l’élément rationnel; du coup la foi chrétienne se soustrait à la raison. Il faut croire malgré la raison et malgré la connaissance. C’est donc un saut dans le vide. Les conceptions de Kierkegaard sont à l’origine de la philosophie existentialiste, qui a été introduite dans la théologie par KarI Barth (1886-1968).

Il n’y a pas de doute que tout cela a produit une division entre la foi et la raison chez l’homme moderne. C’est pourquoi la société occidentale tourne ses regards vers l’irrationnel, vers le mysticisme. L ‘Eglise n ‘a pas échappé à ce phénomène, car en basant sa foi sur l’expérience, elle est en danger d’abandonner les principes bibliques de la foi. Les religions orientales se fondent sur l’expérience. Suryakanta dit au sujet de la réincarnation: « La réincarnation étant un fait mystique, on ne peut s’en faire une idée exacte sans une expérience spirituelle pro fonde »(5). Tout ce qui n’est pas fondé sur les Ecritures doit être rejeté. Pour combattre les déviations, nous nous devons de ne pas ignorer les subterfuges de Satan (2 Cor 2. 11), mais d’éprouver les esprits pour savoir s’ils sont de Dieu (1 Jean 4.1).

Nous sommes arrivés à un tournant de l’histoire. S’il n’y a pas de retour à la Bible, si nous persistons à séparer la raison de la foi, le christianisme sera relégué au niveau de l’irrationnel, et les valeurs éthiques s’effondreront tout à fait. A l’instar de la Réforme, nous devons refuser l’autonomie de l’homme et nous soumettre au Christ, Seigneur de tous les domaines de notre vie et Souverain de l’univers entier. L’homme a été créé à l’image de Dieu. Il est une entité inséparable: corps, âme et esprit. Sa chute l’a précipité dans le péché, la mort et la séparation d’avec Dieu. Mais la rédemption accomplie par Jésus-Christ est le remède à cette misérable condition de l’homme.

La Parole faite chair est entrée dans le monde, et Dieu s’est manifesté en elle (1 Tim 3.16). La Parole est l’expression de la pensée de Dieu – et Dieu est rationnel. Jésus-Christ est l’expression visible du Dieu invisible mais personnel, venu pour nous donner la vie éternelle par son oeuvre expiatoire au Calvaire. La croix et la résurrection sont devenues ainsi le point de mire de l’espace et du temps. Le christianisme peut tabler sur des faits. Point n’est besoin de faire un saut dans le vide. Laissant l’absurde, le relativisme, l’irrationnel, le vide, nous pourrons marcher avec assurance et paix dans l’absolu et le rationnel, à la suite de Celui en qui nous avons tout pleinement (Col 2.10). Jésus-Christ est le même hier, aujourd’hui et éternellement (Héb 13.8).

Henri LÜSCHER

1. « Handbuch, Argumente for den Glauben », de Colin Chapman, éd. Bundes-Verlag (p. 218).
2. « Démission de la raison » par Francis A. Schaefter, éd. la Maison de la Bible, 1976 (p. 34). Nous recommandons ce livre de 90 pages, particulièrement en raison de son analyse perspicace et lucide des courants de pensée avec leurs résultats actuels et leur influence dans les milieux évangéliques
3. « Le hasard et la nécessité » par Jacques Monod, éd. du Seuil. Essai sur la philosophie naturelle de la biologie moderne par un biologiste transformiste.
4. « Démission de la raison », p. 36.

5. « La réincarnation » par Papus, éd. Dangles, pages 147 et 159. Il est alarmant que de tels livres, qui propagent cette hérésie occulte, se répandent si largement (déjà 51000 ex.). Le yoga et « l’expérience spirituelle » y jouent un grand rôle. D’ailleurs, ce terme évoque plutôt aujourd’hui une initiation dans le monde occulte sous quelque forme que ce soit. La Bible ne se sert jamais de ce met dans le sens de vivre quelque chose de particulier.


Dans la bataille actuelle pour défendre, maintenir et restaurer le respect public de la loi de Dieu dans nos diverses sociétés, nous sommes souvent étonnés, et parfois rendus perplexes, en découvrant où se trouvent en fait nos véritables alliés. Sans doute que par rapport à des questions aussi urgentes et dramatiques que celle de l’avortement, nous ne sommes que trop reconnaissants de trouver des alliés sans nous poser trop de questions en ce qui concerne les positions doctrinales de ceux qui se dressent avec nous contre le meurtre en masse de tant de nos petits enfants. Quand nous sommes confrontés à la destruction de la source vitale de nos nations – et du jugement imminent de Dieu qu’appellent justement de telles actions -,les questions de croyance ou d’appartenance politique deviennent secondaires. Mais lorsque nous soulevons d’autres questions relatives aux lois, à l’éducation, à notre passé ou à la fonction de ‘Etat, il devient nécessaire, à cause de nos présupposés et de nos traditions différents, de définir dans quelles conditions une action commune peut être entreprise.

Cependant, la réaction commune de chrétiens de divers milieux à un certain nombre de questions publiques a mis en lumière le fait que la ligne de démarcation entre ceux qui confessent la foi dans le domaine public et qui confrontent l’humanisme sécularisé sur son propre terrain, et ceux qui préfèrent préserver leur propre paix, au prix même de la ruine complète de leur pays, n’est en tout cas pas dénominationnelle. Cette ligne de séparation traverse toutes les dénominations. Ceux sur lesquels nous pensions pouvoir normalement nous appuyer, ceux avec lesquels nous partageons une étroite communion, se font trop souvent remarquer par leur absence quand la bataille commence à faire rage. Par contre, nous sommes sou-vent étonnés de découvrir que ceux que nous avions toujours considérés comme nos adversaires traditionnels se trouvent avec nous dans le même camp chrétien, et quand la bataille est engagée, ils se montrent des compagnons d’armes solides, dignes de confiance et courageux. Pour bien des calvinistes, des luthériens, des anglicans, des baptistes et des fondamentalistes, il est souvent particulièrement troublant de se trouver en alliance étroite dans le combat public avec des catholiques romains, des pentecôtistes ou des adventistes! Car dans cette guerre, nous sommes des cobelligérants. Déjà au milieu du XVIe siècle, le réformateur vaudois Pierre Viret, à une époque où les huguenots subissaient la plus cruelle persécution de la part des catholiques français, avait déclaré que dans la bataille à venir avec les ancêtres de nos humanistes sécularisés, les libertins, le catholicisme serait l’allié des réformés et non son adversaire.

Eu égard à cette alliance pratique sur le terrain, il est donc nécessaire et urgent de définir sur quelle base commune les chrétiens de différentes traditions peuvent ensemble lutter contre l’antithéisme de leur adversaire commun. Une telle définition est devenue fondamentale, si cette collaboration doit conduire au renforcement de la foi orthodoxe et non à sa désintégration dans la confusion. La confusion engendrée par le mouvement oecuménique non-doctrinal a trop souvent eu comme fruit la dilapidation de notre héritage chrétien commun. Tandis que les différences devraient être franchement et lucidement reconnues afin d’éviter toute confusion, les points où l’accord existe devraient être clairement et soigneusement reconnus et définis.

Mais il importe d’abord de formuler une distinction fondamentale entre les domaines ecclésiastiques et publics, distinction qui doit à tout prix être maintenue afin d’empêcher que la collaboration publique entre chrétiens ne produise davantage de confusion encore.

En premier lieu, dans cette bataille contre l’humanisme sécularisé, la collaboration ne peut que se situer sur le plan d’actions individuelles se rapportant à des questions précises. Cette collaboration peut devenir très large et même inclure celle de non-chrétiens ayant à coeur la défense des valeurs chrétiennes fondamentales.

Deuxièmement, malgré l’importance indiscutable du témoignage des églises individuelles ou des dénominations sur des questions d’ordre public, cette collaboration entre chrétiens ne peut avoir un caractère ecclésiastique sans courir le risque de sacrifier l’identité spécifique des églises. La collaboration 0e-cuménique superficielle obtenue au moyen de la pensée dialectique (1) conduit à un réductionnisme doctrinal. Cette réduction de la doctrine à son dénominateur commun le plus bas aboutit, comme nous l’avons vu que trop souvent pendant les dernières décennies d’oecuménisme, à la dissolution inévitable des éléments orthodoxes encore présents dans les diverses églises. Le caractère spécifique des diverses dénominations est ainsi sacrifié sur l’autel de l’unité des églises. Car un tel effort d’unité sans un retour entier à la vérité ne peut que conduire à la relativisation de la notion même de vérité. Une collaboration efficace entre chrétiens sur des questions d’ordre public doit aller de pair avec le refus de tout compromis ecclésiastique. C’est seulement ainsi que notre travail en commun pourra conduire à la consolidation de la base orthodoxe des différentes dénominations et non à sa désintégration.
Afin d’atteindre ce but, les points suivants d’accord minimal doivent être acceptés:

a. L’inspiration divine de l’Ecriture Sainte avec, pour corollaire, l’infaillibilité et l’autorité de la Bible.

b. Les formulations doctrinales des sept conciles oecuméniques, à savoir ceux de Nicée (325), Constantinople I (431), Ephèse (431), Chalcédoine (451), Constantinople Il (553), Constantinople III (680-681) et Nicée Il (787) devraient être acceptées sans réticences mentales. Bien que les formulations doctrinales de ces conciles ne détiennent pas l’autorité inerrante des Ecritures, elles définissent clairement et fidèlement la doctrine chrétienne en opposition aux hérésies rationalistes et autres des premiers siècles de l’Eglise. Nous devrions ainsi confesser d’un commun accord non seulement le symbole des apôtres, mais aussi les symboles d’Athanase et de Nicée ainsi que les formulations fondamentales de Chalcédoine. Ni la doctrine de la Trinité, ni celle de l’incarnation, ni la déchéance de l’homme et son besoin de salut ne devraient faire difficulté (2).

c. En opposition directe au nominalisme et à l’idéalisme philosophique (3), son héritier, c’est-à-dire à tout subjectivisme tant philosophique que théologique et scientifique, nous affirmons que la vérité, tout en étant en premier lieu la personne même de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ est, en même temps, son enseignement. Ce dernier est une doctrine conceptuellement définissable. L’intelligence de l’homme, ainsi que ses autres facultés, bien qu’à présent abîmées par la chute, ont été créées par Dieu pour connaître la vérité. Cette vérité correspond à l’ordre de la création et rend possible la connaissance de la nature. Bien que les confessions de foi de la Réforme et les formulations du concile de Trente, ainsi que les positions doctrinales des diverses dénominations, diffèrent parfois de manière importante quant au contenu de nombre de leurs articles, ils ont néanmoins en commun le même fondement épistémologique (4), opposant logiquement la vérité définie conceptuellement à l’erreur.

d. Mais notre accord va un pas plus loin. Le christianisme n’est pas simplement une théorie de la connaissance, une gnose. La vérité chrétienne est aussi, et inséparablement, une vie. La foi est également, et inséparablement, une éthique. Notre salut en Christ, par la foi et la force du Saint-Esprit, ne peut être séparé de la mise en pratique de la vérité qui nous est connue, par la grâce de Dieu, et à laquelle nous croyons. Cette immuable loi divine qui définit l’éthique chrétienne, est en même temps l’ordre divin pour la création et la révélation spéciale des pensées de Dieu telle qu’elle nous est transmise dans sa Parole écrite, la Bible. Vu que cet ordre de loi est l’ordre même de la création, il s’ensuit qu’il s’applique à tous les aspects de la réalité créée, qu’ils soient scientifiques ou publics, ou qu’ils concernent plus spécifiquement nos vies privées et la vie de l’Eglise. Cette constatation implique, entre autres, l’obligation pour les chrétiens d’expliciter les conséquences politiques et sociales spécifiques de la loi de Dieu, et de formuler des réponses bibliques aux problèmes pratiques qui se posent à nos sociétés.

Pascal exprimait cette vérité avec concision et beaucoup de clarté et de force quand il écrivait: « La loi n’a pas détruit la nature, mais elle l’a instruite la grâce n’a pas détruit la loi, mais elle l’a fait exercer » (5).

Il n’est guère possible, dans la confusion actuelle, de s’attendre à ce que ceux qui luttent ensemble contre les résultats humains et sociaux catastrophiques de l’athéisme humaniste et de son idéalisme philosophique sachent saisir directement la signification des positions que nous venons de formuler et puissent en accepter sans autre les implications. Mais une résistance durable et efficace des chrétiens à l’humanisme sécularisé implique la base doctrinale que nous venons de définir. Si nous nous tenons sur ce fondement et mettons en action la ligne d’attaque qui en découle, nous confiant résolument dans le secours de la grâce de Dieu, nous verrons repoussée la marée montante de cet humanisme sécularisé anti-chrétien.

Jean-Marc BERTHOUD

Texte tiré du Chalcedon Report (P.O.Box 158, Vallecito, California 95251,USA) n0 221, décembre 1 983, traduit par l’auteur. Ce bulletin américain est envoyé gratuitement sur demande.

NOTES (1) La dialectique est un type de raisonnement qui procède par l’affirmation d’une thèse, puis l’affirmation de son contraire, l’antithèse, et leur conciliation dans la synthèse. cette synthèse devient la nouvelle thèse, et ainsi de suite. cette forme de raisonnement nie les oppositions absolues et irréconciliables, bien-mal, juste-faux, vérité-mensonge, orthodoxie-hérésie, toutes choses faisant partie du processus de révélation progressive de la « vérité » par l’évolution de l’histoire.

(2) Sur toute cette question voyez l’ouvrage fondamental de Harold O.J. Brown: « Heresies: The Image of Christ in the Mirror of Heresy and Orthodoxy from the Apostles to the Present. » Doubleday and company (New York), 1984,477 p.; $ 17.95.

(3) Le nominalisme est un système de pensée qui remonte à Guillaume d’Ockham (1300-1350), dans lequel on prétendait que les mots ne se rapportaient pas a l’essence des choses, mais seulement au sens que nous voulons leur donner. Dans ce système, les genres et les entités auxquels se référent les noms ne seraient pas des êtres réels, mais seulement des êtres de raison par opposition, les réalistes – dont Thomas d’Aquin (1 225-1274) – leur attribuaient une existence réelle. Le christianisme est un réalisme philosophique dont les concepts universels sont tirés, non des pensées faillibles de la philosophie des hommes, mais de la révélation infaillible de Dieu. Le nominalisme, qui ne voit qu’un rapport artificiel entre les concepts et la réalité, conduit au subjectivisme philosophique et a donné par la suite naissance a l’idéalisme.

L’idéalisme philosophique est le nom générique de divers systèmes de pensée qui, sur le plan de l’existence ou de la connaissance, ramènent l’être à la pensée et les choses à l’esprit. ces systèmes ramènent toute existence à la pensée et s’opposent au réalisme qui admet une existence indépendante de la pensée. comme la pensée dont il s’agit ici est celle du philosophe et non celle de Dieu, cette forme de pensée est, comme le nominalisme, foncièrement subjectiviste et humaniste, centrée sur l’homme. Elle ne se laisse interpeller ni par la révélation, ni par la réalité créée. Notre monde moderne est profondément affecté par ces systèmes subjectivistes.
Voyez sur ce sujet important:
Louis Jugnet: « Problèmes et grands courants de la philosophie ».
Diffusion de la Pensée française (chiréen-Montreuil, F-86190 Vouillé), 1974. Francis Schaeffer: « Démission de la raison ». Maison de la Bible (Genéve), 1968. Francis Schaeffer: « Dieu ni silencieux, ni lointain ».
Maison de la Bible (Genève), 1972. Rousas J. Rushdoony: « The Word cf Flux. Modem Man and the Problem 0f Knowledge ».
Thoburn Press (Fairfax, Virginia), 1975, 110 p $ 6.50.

(4) L’épistémologie est l’étude critique des sciences et, d’une manière plus générale, l’introduction et l’auxiliaire de la théorie de la connaissance.

(5) Biaise Pascal: Oeuvres complètes.
Edition F. Strowski, Librairie Ollendorff (Paris), 1939, tome III, p. 315.


Moise face au peuple

(quatrième partie)

L’incrédulité du peuple d’Israël l’empêche de prendre possession du pays promis. Face à un ennemi puissant, le peuple recule, prend peur, oublieux de la puissance supérieure de ‘Eternel. La conséquence? 40 ans à tourner en rond dans le désert! C’est la

septième étape: le châtiment du peuple

La punition de Dieu peut provoquer en l’homme des réactions très différentes: la soumission sous la main de Dieu l’acceptation du châtiment comme d’une fatalité inévitable la révolte. Où vous reconnaissez-vous? La première attitude est la seule qui permette à Dieu d’accomplir son oeuvre de formation spirituelle en l’homme.

Lisez Nombres 16 et 17.1-15, le récit de la révolte de 250 hommes de Dieu, incités par Qoré, Datan et Abirâm de se soulever contre Moïse et Aaron. Quel est leur argument? Nous aussi, on est saint! On est tous saints! On a autant à dire que ce Moise, cet Aaron!

C’est encore la jalousie qui pousse ces notables à se soulever contre ceux que Dieu a choisis, a mis a part (ce qui est le sens du mot saint). Ils se choisissent comme chefs, s’estimant assez saints pour cela. On peut imaginer le gâchis si Dieu avait laissé faire… L’Histoire est jonchée des conséquences catastrophiques, subies par les peuples, à la suite de prises de pouvoir par les notables aussi bien que par des gens de rien.

Moïse ne cherche pas à défendre sa position de chef. Il se prosterne devant celui dont il la tient et qui lui donne la réponse à faire aux rebelles: L’Eternel fera connaître… qui est saint. Parmi ces notables, il y a des Lévites, mis à part pour servir Dieu, le « corps ecclésiastique » d’Israël. Et ils refusent de se soumettre au chef choisi par Dieu! Malheur aux responsables ecclésiastiques d’aujourd’hui qui ne se soumettent pas au Seigneur Jésus-Christ, seul Chef de l’Eglise institué par Dieu (Eph 1 .22 5.23)! Et malheur à moi si je me soumets à un autre que Christ, le Seigneur des Seigneurs!

Le signe visible de la révolte, c’est la désobéissance ouverte. A la convocation de Dieu exprimée par Moïse le chef, les rebelles répondent: Nous ne monterons pas! Quand Dieu nous ordonne par notre chef: Pardonne à ton frère sans compter les fois (Mat 18.21-22), disons-nous: Je ne pardonnerai pas? Pardonnez-vous réciproquement est un ordre (Col 3.13); ce n’est pas à bien plaire, pas plus que l’ordre de gagner sa vie honnêtement (1 Thes 4.11), de ne jamais se venger (1 Thes 5.15), de rechercher la justice, la fidélité (aussi conjugale), l’amour (caractérisé par le pardon) et la paix avec tous (2 Tim 2.22), de prendre soin des membres de sa famille (1 Tim 5.8) et de respecter et aider ses parents (1 Tim 5.4). Tout cela se trouve englobé dans cet ordre: Aimez-vous les uns les autres. L’amour consiste à marcher selon ses commandements (2 Jean 5-6). Ma désobéissance aux ordres de Dieu-et le NT en regorge-est donc une conséquence de mon manque d’amour. C’est aussi une négation de la souveraineté de Dieu: Celui qui rejette ces préceptes ne rejette pas un homme (ici Paul, qui communique ces préceptes de la part de Dieu), mais il rejette Dieu (1 Thes 4.8). Pas besoin d’en préciser les conséquences…

Pour la troisième fois, Dieu annonce l’extermination de tout Israël. Une fois de plus, Moïse intercède: Ne détruis que les coupables! Et il demande à Dieu de les faire disparaître dans la terre: elle s’ouvre et engloutit Qoré et sa famille, tandis que le feu de l’Eternel consume les 250 notables révoltés.

C’est une illustration frappante de la sainteté de Dieu, qui ne supporte pas le mal (Hab 1.13). Moïse l’intercesseur préfigure le Christ intercesseur (Héb 7.25), qui est aussi la victime expiatoire pour nos péchés (1 Jean 2.1-2), en quoi il dépasse infiniment Moïse. Le sort des rebelles est une autre image, celle du feu éternel qui engloutira ceux qui meurent en révolte contre Dieu et son Christ (Mat 25.41,46).

Dieu a épargné le peuple, qui a vu où peut mener la révolte contre Dieu trois fois saint. On aurait pu s’attendre à ce que le jugement de Dieu produise un saint respect de sa volonté, de sa parole. Il n’en est rien: Dès le lendemain, tout Israël accuse Moïse et Aaron de la port du peuple de l’Eternel (17.6)! Décidément, le coeur de l’homme est d’une dureté à tout casser! Dieu annonce une quatrième fois l’extermination du peuple tout entier. La situation demande un remède d’urgence. Moïse agit avec rapidité: il envoie Aaron parcourir le camp avec un brasier prélevé sur l’autel pour expier le péché d’Israël, afin que cesse la plaie qui aura fait périr près de quinze mille personnes.


La braise de l’autel proclamait que l’affaire avait déjà été jugée en la victime sacrifiée sur l’autel. Aujourd’hui, la croix de Golgotha proclame qu’en Jésus-Christ le péché de l’humanité a été jugé et expié une fois pour toutes. Dans ‘AT comme dans le NT, le principe de la grâce est appliqué chaque fois que Dieu trouve la foi dans le coeur de l’homme.

Au cours de ses pérégrinations dans le désert, le peuple passe plusieurs fois aux mêmes endroits. Dans Nombres 20, il arrive au même rocher qui avait donné lieu à un miracle dans Exl7 ou l’eau avait jailli du rocher quand Moïse l’eut frappé de son bâton. Rien n’a changé: le peuple conteste maintenant comme avant contre Moïse et Aaron parce qu’il n’a pas d’eau, raison pour laquelle le lieu s’appelle Meriba (contestation).

Ne hochez pas trop vite la tête. Etes-vous sûr de ne pas vous être fâché plusieurs fois contre Dieu (oh! sans le dire en paroles) à cause des mêmes circonstances adverses ? Et si elles étaient voulues par Dieu ? Comment voulez-vous être transformé en la même image (que le Seigneur) de gloire en gloire (2 Cor 3.18), si vous ne vous laissez pas former par Dieu 7 Quelle est votre destinée ? Aussi incroyable que cela puisse vous paraître: vous êtes prédestiné à être semblable à l’image de son Fils, afin qu’il soit le premier-né d’un grand nombre de frères (Rom 8.29).

Dieu demande à Moïse de parler au rocher, rien de plus. Mais Moïse s’emporte (comme on le comprend!), et il frappe le rocher deux fois en s’écriant: Rebelles! Vous allez voir comment on va vous faire sortir de l’eau de ce rocher, Aaron et moi! (J’ai transposé Nom 20.10 en langage moderne). Oui, Moïse a été emporté par la colère: cela arrive à l’homme le plus humble, le plus patient qu’ait porté la terre (Nom 12.3). Pas si grave, pensons-nous. Qu’en pense Dieu ?

Dieu punit Moïse et Aaron: Vous ne ferez pas entre cette assemblée (ce peuple) dans le pays que je lui donne. Cette sentence nous semble-t-elle trop sévère, en disproportion avec un délit somme toute négligeable? Posons-nous une autre question: Est-ce grave ou non de désobéir à l’ordre de Dieu ? Après tout, Dieu en est le seul juge laissons-le parler: La désobéissance est aussi coupable que la divination, c’est-à-dire l’occultisme (1 Sam 15.23). Pour grave, c’est grave!

Dans Nombres 27.12-14, Dieu donne la raison pour laquelle ni Moïse ni Aaron n’entreront en Canaan: parce que vous avez été rebelles à mon ordre. L’auteur de l’épître aux Hébreux, après avoir dit que les Israélites n’entrèrent pas en Canaan parce qu’ils avaient désobéi, ajoute: Aussi voyons-nous qu’ils ne purent entrer à cause de leur incrédulité (3.18-19). C’est exactement ce que Dieu dit à Moïse et Aaron: Parce que vous n’avez pas cru en moi, pour me sanctifier aux yeux des Israélites (Nom 20.12). Sanctifier veut dire « mettre à part pour Dieu ». L’action de Moïse avait un sens à part, un sens symbolique. Sans s’en rendre compte, Moïse avait violé le symbole divin en frappant le rocher au lieu de lui parler. Les textes cités peuvent faire penser que Moïse ne croyait pas que la simple parole adressée au rocher pût avoir le même effet qu’un coup de bâton.

Voyons cela de plus près. Dans Exode 17, Moïse a dû frapper le rocher une seule fois. Cette action préfigurait la mort de Jésus, frappé pour nos péchés. « Qu’est-ce qui vous donne le droit d’interpréter cela ainsi ? » me demanderont certains. Parlant des Israélites dans le désert, Paul écrit: … ils buvaient à un rocher spirituel…, et ce rocher était Christ. … Or, ce sont là des exemples (Ou: types) pour nous… (1 Cor 10.4-6). Il s’agit donc d’un symbolisme qui se trouve dans la Bible. Pourquoi Moïse devait-il seulement parler au rocher la deuxième fois, et ne pas le frapper à nouveau ? C’est que le Christ a été frappé une seule fois à la croix, et des fleuves d’eau vive couleront de celui qui croit en Christ (Jean 7.38). Moïse a exécuté une action préfigurant la croix. Le Christ ne peut pas être sacrifié à nouveau ; il suffit de lui parler, ce que Moïse aurait dû signifier en parlant au rocher. En le frappant deux fois, il a détruit le symbolisme divin. Son châtiment vaut aussi pour ceux qui, aujourd’hui, nient la toute-suffisance du sacrifice du Fils de Dieu à la croix et s’imaginent qu’il faut le répéter sous une forme ou une autre.

Le dernier épisode que nous allons méditer se trouve dans Nombres 21.1-9. Il semblerait que la victoire d’Israël sur le roi cananéen Arad, que Dieu leur avait livré, aurait dû encourager le peuple. Il n’en est rien. Pour contourner le pays d’Edom, il faut prendre le chemin de la mer des Joncs, cette lagune à l’extrémité du golfe de Suez que les Israélites avaient franchie à pied sec lors de leur sortie d’Egypte. Cette fois, pas de raccourci! Est-ce pour cela que le peuple s’impatiente ?

L’impatience est une des expressions de la colère. Le peuple fâché par la contre Dieu et contre Moïse. Et Dieu l’entendit. Tout comme l’Eternel écouta la voix d’Israël quand le peuple demanda son secours contre Arad. Parler contre Dieu… contre le créateur tout-puissant! Et les Israélites sont vraiment déchaînés: On est dégoûté de ce pain méprisable! Quel pain ? Il s’agit de la manne, du pain de Dieu!

T’es-tu déjà fâché(e) contre la Parole que Dieu t’avait adressée ? Tu l’as repoussée parce qu’elle te semblait trop dure et tu ne pouvais pas l’accepter. Tu as été impatient(e), tout comme moi, avec tes enfants mais c’est Dieu qui te les a donnés. Tu t’es fâché(e) contre les conditions de ta vie, de ton travail, de ton habitation contre l’attitude de ton mari, de ta femme, de ton patron ou de tes employés contre le manque de respect, d’estime, d’appréciation que tu croyais être ton dû. Contre qui cette colère était-elle dirigée, en fin de compte? Le peuple parla contre Dieu; il méprisait le pain, pourtant don de Dieu. Es-tu, comme je l’ai été si souvent, en révolte contre Dieu?

En voici la conséquence: Alors I’Eternel envoya des serpents brûlants.., et il mourut beaucoup de gens. Des morsures qui brûlent et qui tuent: Dieu devra-t-il te parler ainsi ? J’entends quelqu’un me dire: « Mais cher monsieur, nous ne sommes plus sous la loi, nous sommes sous la grâce! ». A quoi Hébreux 12.29 répond: Notre Dieu est aussi un feu dévorant. Grâce n’est pas synonyme de licence. Ne savez-vous pas que… vous êtes esclaves de celui à qui vous obéissez, soit au péché qui conduit à la mort, soit à l’obéissance qui conduit à la justice ? Mais… vous avez obéi de coeur à la règle de doctrine qui vous a été transmise (Rom 6.16-17). Obéir de bon coeur! Votre coeur est-il encore un coeur de pierre ? Je vous donnerai un coeur nouveau et… j’ôterai de votre chair le coeur de pierre… Je mettrai mon Esprit en vous (Ez 36.26-27). Si quelqu’un est en Christ, il est une nouvelle créature (ou: création) (2 Cor 5.1 7), et il marche en nouveauté de vie (Rom 6.4). Plus de mécontentement, plus de colère… Chacun de nous devrait se placer tous les jours sous la parole de Rom 6.11: Ainsi vous-mêmes, considérez-vous comme morts au péché, et comme vivants pour Dieu en Jésus-Christ.

Est-ce possible ? Oui, car nous savons que notre vieille nature a été crucifiée avec lui (Rom 6.6). Mon MOI méchant, égoïste est mort avec Christ il y a 2000 ans! Si mon grand-père était mort à l’âge de dix ans, je serais pour ainsi dire mort avec lui. Si le MOI né dans le péché est mort avec Christ, je ne suis plus esclave du péché. J’ai reçu une vie nouvelle, celle de Christ: Ce n’est plus moi qui vis, mais Christ en moi (GaI 2.20).
Cette vie du Christ n’était pas encore accessible aux Israélites, séparés de la croix de près de quinze siècles. Mais la grâce de Dieu était à leur portée, car le Dieu saint qui juge le péché fait grâce chaque fois qu’il y a repentance. Le chrétien qui s’est fâché contre Dieu peut se repentir: la grâce lui est assurée. Les Israélites se sont repentis: Nous avons péché contre l’Eternel… Dieu leur a pardonné. Non pas en passant l’éponge! Mais il pardonne, et ceci bien avant que la croix soit devenue un fait historique, sur la base de la croix de Golgotha, où le péché de l’humanité a été jugé et expié en Christ. Car le serpent d’airain est un autre symbole du Christ: Comme Moïse éleva le serpent dans le désert, il faut que le Fils de l’homme soit élevé (à la croix), afin que quiconque croit en lui ait la vie éternelle (Jean 3.14-15). C’est Jésus qui dit cela en parlant à Nicodème. L’israélite qui contemple le serpent d’airain symbolisant Satan vit. Satan cloué à la perche signifie sa défaite â la croix. Celui qui contemple le Christ mort à la croix pour son péché vit.

Toute grâce que Dieu a accordée jusqu’à ce jour est due uniquement à la mort propitiatoire de Jésus-Christ. La croix est l’événement central de l’Histoire. Nous la voyons ici, plus d’un millénaire avant Golgotha, représentée par une perche à laquelle est cloué un serpent. C’est encore la croix que le monde entier verra lors du retour de Jésus-Christ. A la question des disciples: Quel sera le signe de ton avènement ?, Jésus répondit: Quand des cataclysmes cosmiques se produiront, alors le signe du Fils de l’homme paraîtra dans le ciel, et toutes les tribus de la terre… verront le Fils de l’homme venir sur les nuées du ciel avec beaucoup de puissance et de gloire (Mat 24.3, 29-30).
Ainsi, dès le début de l’histoire du peuple d’Israël, la croix et avec elle le Christ, est au centre.

La parole de la croix est folie pour ceux qui périssent; mais pour nous qui sommes sauvés, elle est puissance de Dieu. (1 Cor 1.18).

Ceux qui refusèrent de regarder le serpent â la perche périrent ; ceux qui le regardèrent guérirent de leurs morsures. Nous avons tous été mordus par le serpent. Avons-nous tous contemplé le Christ, agneau de Dieu è la croix, pour être guéris?

Jean-Pierre SCHNEIDER


Dernier entretien de Francis Schaeffer avec la journaliste du MOODY MONTHLY, Melinda Delahoyde

Qu’est-ce que vous appelez « la grande catastrophe évangélique » ? (1)

Une section importante des évangéliques, au lieu d’employer la Bible pour juger l’esprit du monde d’aujourd’hui, s’y est tout simplement adaptée. L’esprit de notre époque réclame l’autonomie, c’est-à-dire la liberté des contraintes de toute loi, de tout absolu, même de la nature humaine. Dans un monde pareil, il n’existe plus le moindre absolu moral. Chacun fait et dit uniquement ce qui lui plaît.

Lorsque les évangéliques s adaptent ainsi à cette façon de penser qui a son origine dans le siècle des lumières, ils finissent par tordre l’Ecriture afin de l’accorder aux vents changeants et mouvants de la culture ambiante, au lieu de juger celle-ci à partir des absolus que nous donne l’Ecriture.

Quand les chrétiens cèdent à cet esprit du monde qui ne cherche que l’autonomie de l’homme et son droit à ne faire que ce qui lui est agréable, esprit qui rend purement subjective toute spiritualité, il est temps de leur dire: « Réveillez-vous! Vous avez été pénétrés par l’esprit du monde. Vous êtes devenus mondains. »

La Bible elle-même a été assujettie à un compromis de ce genre. Nous trouvons un nombre considérable de professeurs évangéliques dans les facultés de théologie et dans les universités chrétiennes qui, en optant pour une méthodologie existentialiste, adaptent leur conception de la Bible à celle de la théologie ambiante. Il s’agit là tout simplement d’une néo-orthodoxie se donnant le nom d’évangélisme.


Pouvez-vous nous donner d’autres exemples où les évangéliques avaient compromis la foi?

Les évangéliques se sont compromis à tous les points cruciaux de la vie culturelle. Nous avons confondu le royaume de Dieu avec des programmes politiques à tendances socialistes. Les structures injustes de la société ou le système capitaliste rie sont pas la cause du mal qui prévaut dans notre monde. La transformation des structures économiques qui aboutit par exemple à l’établissement d’un genre nouveau de redistribution des biens, ne peut aucunement arrêter le mal. Cette fa on de penser n’est rien d’autre que du marxisme. Quand les évangéliques adoptent une telle interprétation de la vie sociale et économique, ils démontrent tout simplement qu’ils veulent s’adapter au monde.

Un autre exemple se trouve dans le féminisme outrancier qui influence tant d’attitudes dans notre société. Dieu a créé l’homme et la femme pour être égaux en dignité, mais cette égalité tient compte des différences. Les deux sexes se complètent mutuellement. Mais aujourd’hui, bien des gens, y compris des évangéliques, cherchent à faire disparaître cette merveilleuse différence. Emportés par cet esprit d’accommodement, certains d’entre eux n’hésitent pas à tordre la Bible afin qu’elle puisse approuver par exemple le divorce par consentement mutuel, l’homosexualité et l’égalité totale des hommes et des femmes.

L’avortement est l’exemple le plus frappant de cet accommodement. Nous, les évangéliques, avons eu de la peine à entrer dans la bataille contre l’avortement, soit parce que nous pensons qu’il ne faut pas légiférer sur des questions de morale, soit que nous considérons sincèrement que la vie humaine ne débute pas à la conception. Une vision quelconque du monde qui nous interdirait de promouvoir publiquement la moralité biblique s’est complètement fourvoyée en s’accommodant au mythe sécularisé de la neutralité. Sur la question de l’avortement:, personne ne peut rester neutre. Tout le monde légifère à partir de valeurs (2). Mais pour le chrétien, il n’existe qu’une seule position possible: la vie humaine commence à la conception. C’est ce que la Bible enseigne.

Si nous ne défendons pas la vie des hommes dès avant leur naissance, nous nions de façon pratique la vérité de la Bible.


Vous dites souvent que « la vérité conduit à la confrontation ». Qu’est-ce que cela signifie pour le chrétien qui croit à la Bible ?

Il s’agit d’abord d’une question d’attitude. John Wesley employait une expression qui m’a été très utile. Quand les gens qui l’entouraient se mettaient à s’exciter sur un sujet ou un autre, il appelait cela « une excitation impie ». Lorsque je me trouve impliqué dans des questions controversées, je me demande d’abord: « Ton sentiment reflète-t-il uniquement ta loyauté à l’égard de Dieu et de l’Ecriture, ou t’es-tu laissé prendre par une excitation purement charnelle ? » Est-ce que je fais des chrétiens qui se trouvent dans l’autre camp mes adversaires, ou mon but est-il uniquement de voir la situation s’améliorer ? Tout en m’exprimant clairement et sans ambages, je dois rester assez courtois pour pouvoir inviter mes adversaires à prendre une tasse de thé chez moi afin de continuer la discussion. Mais, cela étant dit, il nous faut affirmer que là où se trouve la vérité son contraire est nécessairement une non-vérité, une erreur. On ne peut pas déclarer: « Je crois en la vérité de la Parole de Dieu », et puis prendre ses aises en laissant tout le monde croire tout ce qui lui plaît. Notre loyauté envers Dieu comporte davantage qu’une simple affirmation de nos croyances. Notre loyauté est envers le Christ et envers Dieu, dont l’existence ne fait aucun doute.

Pratiquement, cela veut dire qu’il nous faut dénoncer tout enseignement contraire à la vérité. La vérité invite à la confrontation. Si nous n’avons pas compris qu’il nous faut dénoncer clairement, mais avec amour, ce que condamne la Bible sur le plan tant doctrinal que moral, pouvons-nous vraiment croire que nous aimons Dieu 7 Nous confessons notre foi et nous chantons avec enthousiasme à l’église, mais parfois je tremble en pensant à ce que l’on croit véritablement dans les milieux évangéliques.


Les évangéliques peuvent être en désaccord sur bien des points, mais où donc se trouve l’essentiel ?

Bien que toute vérité soit importante, tout n’est pas sur le même niveau dans la hiérarchie de la vérité. Les chrétiens qui croient à la Bible se situent à des points différents de ce spectre. Les choses qui ne nous paraissent pas essentielles se trouvent dans une zone intermédiaire grisâtre où nous constatons des désaccords.

Afin de rester dans le domaine pratique, limitons cette question au travail spécifique des différentes dénominations. Allons-nous dans une église qui croit fermement à la Bible pour nous quereller sur nos différentes préoccupations dénominationnelles?

Nous devons faire une distinction très nette entre les églises qui croient à la Bible et celles qui n’y croient pas. Croire à l’entière vérité de la Bible est une prise de position essentielle. Par contre, le mode du baptême ou la fréquence de la sainte cène sont des questions secondaires. Beaucoup d’excellentes églises diminuent sérieusement l’efficacité de leur travail en insistant trop sur des différences d’ordre spécifiquement dénominationnel.


Quels conseils et quels encouragements pouvez-vous donner aux chrétiens qui veulent combattre pour la vérité de Dieu dans l’Eglise ?

Ils doivent d’abord avoir une relation personnelle profonde avec le Christ. Il ne suffit pas de participer à quelques démonstrations publiques. Nous devons d’abord nous édifier mutuellement dans notre communion avec Dieu. Une relation profonde n’est jamais quelque chose de statique. On peut la voir grandir ou la laisser mourir.

En deuxième lieu, ils doivent comprendre que ce que nous enseignons est vrai. Il ne s’agit pas simplement d’expériences religieuses personnelles. Il s agit de vérités objectives. Ce qui se passe dans notre pays avec l’avortement ainsi qu’avec d’autres décisions légales tout aussi arbitraires n’est pas seulement en désaccord avec la Bible, mais en opposition absolue.

Nous devons comprendre quel est notre ennemi et quelle est la nature de notre vocation. Dieu nous a appelés à manifester son amour et sa sainteté. Nous devons demander à Christ de nous rendre capables chaque jour, avec l’aide de son Saint-Esprit, d’exprimer en pensée et en action l’existence et le caractère de ce Dieu-là, et cela en contraste radical avec l’esprit du monde qui nous environne. Nous n’avons pas à faire à des éléments épars d’un mal fragmentaire, mais à une vision monolithique du monde, vision qui est carrément opposée à tout ce qu’enseigne la Bible. C’est cette vue antibiblique du monde qui a provoqué la destruction complète de notre civilisation.

Nous proclamons l’existence d’un tel Dieu non seulement par-ce qu’il est lui-même la vérité, mais également parce qu’en lui notre vocation d’êtres humains se réalise pleinement. Si Dieu existe et s’il nous a faits à son image, lorsque nous nous opposons à sa Parole, non seulement nous péchons, mais nous allons à l’encontre de notre bien suprême. L’objet de notre combat n’est pas simplement une vérité théologique abstraite ; nous luttons pour préserver notre humanité elle-même. Une fois que nous avons bien compris cela, nous pouvons aller de l’avant. Alors notre position peut être radicale, sans compromis.


Dans cette bataille, les chrétiens peuvent-ils vraiment renverser le courant ?

Seul Dieu le sait. Notre tâche n’est pas de savoir si nous allons gagner ou non; notre tâche est d’être fidèles. L’Eglise a traversé de nombreuses périodes où il semblait qu’elle était réduite quasiment à rien. Ceux qui étaient restés fidèles au Seigneur Jésus-Christ et aux Ecritures ont travaillé petit à petit à faire sortir quelque chose de nouveau de cette situation. Nous devons faire confiance au Christ et au Saint-Esprit pour les résultats.

Paul avait-il perdu la bataille lorsqu’il fut décapité? Les premiers chrétiens étaient-ils vaincus parce qu’ils moururent dans les arènes ? Les réformateurs avaient-ils tout perdu quand on les mettait à mort ? Loin de là! Notre tâche est d’être conséquents devant le Seigneur et de mettre notre confiance entièrement en lui.

Je ne sais pas si cette nation est condamnée ou non. Je crois que nous sommes à présent sous le jugement de Dieu pour avoir ignoré la lumière qu’il nous a donnée. Si suffisamment de chrétiens résistent et sont fidèles, qui sait, peut-être verrons-nous non seulement l’Eglise revenir à la vérité, mais même la restauration de notre culture. Nous devons être prêts à payer le prix et n’être qu’une minorité.

Je ne sais pas à quel moment de l’histoire nous nous trouvons. Mais au fond, l’important n’est pas là. La question essentielle n’est pas de savoir si l’Eglise d’aujourd’hui sera sauvée ou si elle s’est déjà trop avancée dans la voie des compromis. Mais dans un cas comme dans l’autre, notre tâche reste exactement la même. Il nous faut aimer le Seigneur Jésus, aimer les Ecritures, nous attendre au Saint-Esprit pour accomplir son oeuvre dans nos vies; et ensuite aller de l’avant. Je crois, par la foi et en espérance, que nous avons une possibilité très réelle de victoire.


Vous avez un amour profond pour la vérité de Dieu et pour sa Parole. Pourriez-vous nous parler un peu de vos expériences à cet égard ?

Je n’aime pas ce livre parce qu’il a une belle reliure en cuir et que sa tranche est dorée! Je ne l’aime pas non plus parce que ce serait un « livre saint ». Je l’aime parce que c’est le livre de Dieu. Par ce livre, le créateur de l’univers nous a fait savoir qui il est, comment nous pouvons venir à lui par Jésus-Christ, qui nous sommes réellement et de quoi est faite la réalité. Sans la Bible, nous ne connaîtrions rien de tout cela.
Cela peut vous paraître un peu sentimental, mais souvent quand je prends rua Bible le matin, je passe une main sur la couverture avec affection. Je suis tellement reconnaissant de l’avoir. Si le Dieu qui est là avait créé l’univers et n’avait ensuite pas parlé, nous ne saurions même pas qui il est. Mais la Bible nous révèle le Dieu qui existe, et c’est pour cela que j’aime ce livre. Je n’aime pas la Bible en tant que simple livre. Je l’aime à cause de son contenu et à cause de celui qui nous a donné ce contenu. D’année en année, je ressens cela plus fortement, tant affectivement qu’intellectuellement.


En réfléchissant à ces cinquantes années passées au service de l’Eglise, quelles paroles voudriez-vous, en conclusion, adresser aux évangéliques ?

J’ai observé le monde évangélique croître de plus en plus. Etant finalement devenue une Eglise bien établie, les évangéliques, au lieu de combattre le mal, se sont adaptés à l’esprit du monde dans presque tous les domaines. Si aujourd’hui nous ne rétablissons pas, avec amour, les distinctions nécessaires, nous ne le ferons jamais. J’en suis absolument convaincu.

A ses débuts, l’Université de Harvard croyait si fermement au baptême des petits enfants qu’un de ses premiers présidents fut démis de ses fonctions parce qu’il n’acceptait pas cette doctrine. Nous nous demandons aujourd’hui: « Etait-ce là une cause valable de séparation ? » Cependant, Harvard était certes attachée de manière plus consciente à l’Evangile à ses débuts que ne le sont aujourd’hui la plupart de nos facultés évangéliques.

Ce qu’il nous faut, c’est une séparation des voies. Certains ne suivront pas, mais d’autres doivent absolument parler clair et haut. Les divisions nécessaires que nous devons vivre aujourd’hui sont aussi importantes que celles du passé. Je me souviens très clairement de la cassure de l’Eglise presbytérienne dans les années trente. L’excommunication du Dr. Gresham Machen par l’Eglise presbytérienne des Etats-Unis pour son opposition au libéralisme théologique fut peut-être l’événement historique le plus marquant de la première moitié de ce siècle. Cela signifiait que cette église et d’autres à sa suite avaient cédé à l’esprit du libéralisme. Une barrière qui empêchait la désintégration de la société était tombée.

L’Eglise évangélique se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins. Si on peut faire disparaître cette Eglise en induisant les évangéliques à dire exactement la même chose que le monde, à confondre le royaume de Dieu avec des programmes socialistes, à minimiser l’importance des questions qui concernent la vie ou tout simplement à se taire, je crois que la dernière barrière sociologique contre le mal aura disparu.

Ce que nous affirmons ici est crucial pour la cause de Jésus-Christ, pour l’Eglise, pour la bataille qui doit se livrer dans la société. Si nous ne confrontons pas courageusement cet esprit de compromission, si nous ne rétablissons pas, avec amour, les distinctions essentielles dans les églises et dans les écoles, de nombreuses organisations évangéliques seront perdues pour la cause de Jésus-Christ.

Traduit par J-M. Berthoud et J-P. Schneider et reproduit avec la permission du « Moody Monthly », juillet/août 1984.

(1)11 s’agit du titre du dernier ouvrage de Francis Schaeffer: « The Great Evangelical Disaster », qui n’a pas encore été traduit en français.

(2) Toute législation est inévitablement fondée sur des valeurs, morales ou immorales, peu importe! (Rédaction)


QUELQUES DEVIATIONS DU LEADERSHIP

L’origine des problèmes

Dans les articles précédents, la situation décrite peut être ainsi résumée: un chef émerge du sein d’un groupe avec pour projet d’y établir un tissu de relations mutuelles. Son propos en effet est de permettre a chacun de s’édifier et de s’épanouir. Ce leader-pédagogue n’agit pas à sa guise, mais veille à la satisfaction des besoins de chacun, agissant naturellement dans les limites du domaine où il est compétent et où il a reçu l’autorité de la part du groupe.

Seulement voilà: cet échange entre le groupe et son chef peut se détériorer de façon subtile, sans qu’il y ait prise de pouvoir de manière ostensible, ni même abus de pouvoir. S’il est impossible, dans ce cadre, d’examiner tous les aspects du problème, il vaut la peine de se pencher sur quelques cas caractéristiques qui illustrent une attitude négative du leader dans le groupe. Ces critères généraux peuvent s’appliquer soit à l’attitude d’un responsable au sein d’un groupe de jeunes, soit à l’action d’un ancien dans son église, soit encore à la manière dont un animateur gère son groupe en centre de vacances par exemple, même si, dans ce dernier cas, l’autorité dont il est investi est avant tout fonctionnelle.


Le vedettariat

Le risque le plus évident pour celui qui est le leader d’un groupe, c’est d’être constamment la référence, c’est-à-dire celui qui sait. Sans prendre l’allure d’un champion, il risque de passer pour le spécialiste. Le pouvoir peut ainsi pernicieusement amener le leader à devenir indispensable, et par conséquent à inverser l’ordre des choses: au lieu de « veiller au troupeau » qui lui est échu, le leader existe maintenant par le troupeau. Autrement dit, les membres du groupe dépendent entièrement du chef, qu’ils se sentent tenus d’applaudir… Sans autre alternative, chacun se trouve soit parmi les admirateurs, soit en dehors du groupe. L’égoïsme du chef divise donc le groupe en deux blocs: les pour et les contre.

Inutile d’insister sur la futilité de son rôle de pédagogue: d’une part, l’unité du groupe est détruite d’autre part, le leader voit d’un mauvais oeil que quelqu’un progresse et puisse devenir plus apte que lui!


Le laisser-faire

Le deuxième risque, c’est que celui à qui vient d’échoir l’autorité dans un groupe, garde le titre de chef tout en évacuant la charge du leader de son contenu. Par paresse, ou plus souvent par démission, le chef du groupe n’en retient plus que le nom. Naissent alors toutes sortes de prétextes destinés à masquer l’incapacité notoire du leader: le groupe est suffisamment adulte pour se conduire seul il faut bien un peu de liberté pour que chacun se prenne en charge…

En fait, cette passivité engendre la mort du groupe, parce que s’il n’y a pas d’action de la part du chef, c’est qu’il n’y a plus de projet. Il y avait bien à l’origine l’apparence d’un projet, juste assez pour que le groupe puisse en déduire qu’il était un leader probable. Il y a pire ici que la maladie du pouvoir: la maladie du titre de chef.


L’autoritarisme

Le pendant de ce qui précède est de faire sentir au groupe tout le poids que représente la charge de leader. Par peur de sa nouvelle fonction face au groupe, par timidité peut-être aussi, le leader se campe dans un personnage inabordable, et en même temps, confondant autorité et force, il aimerait que tout le groupe « marche à sa musique ». Au lieu que chacun puisse progresser sur son chemin propre, chacun doit progresser sur le chemin du leader. Non seulement cette attitude trahit un indéniable manque de respect de l’autre, mais elle s’arroge aussi le droit d’être le directeur de conscience de chacun. L’autoritarisme de cette trempe-là a ceci d’insidieux qu’il peut être mis en oeuvre sans violence apparente. On est loin du leader-pédagogue!

Le paternalisme

Ce mot désigne une forme de pouvoir qui a des aspects parfois tellement « sympathiques » qu’on n’y discerne que difficilement une déviation. En effet, il est tellement évident qu’une des fonctions du leader est d’être attentif aux intérêts de tous dans le groupe, qu’il semble naturel de se laisser guider par le chef sans mettre cette conduite en question.

Le chef qui prend à coeur la situation de chacun risque de devenir omniprésent, à un point tel qu’il usurpe même la place d’un parent, d’un conjoint… Sans prôner le détachement, il semble que ce leader prend une place trop envahissante.

Celui du groupe qui se distancie de cette présence oppressante s’expose souvent au chantage, parfois inconscient, de la part du leader. Chantage affectif avec des phrases du genre « tu ne m’aimes plus » chantage spirituel avec des affirmations du genre « tu te détaches du Seigneur ».

L’exclusivisme du leader en tant que chef du groupe est antipédagogique: nous sommes loin de ce chef qui est prêt à rentrer dans les rangs (voir Promesses n0 72). Nous sommes au contraire face à un chef qui ne veut pas lâcher son étreinte!

Conclusion

A la base de ces déviations dans le rôle du leader, il y a le préjugé que les membres du groupe seraient incapables d’agir indépendamment et d’atteindre à la maturité dans cette optique-là, chacun est considéré comme un objet et non un sujet – et c’est dramatique!

Il restera, dans le prochain article, à étayer ce qui précède par des textes bibliques. Une chose est certaine: dans les relations humaines troublées par le péché, il est nécessaire, pour que l’ordre règne, qu’une autorité s’établisse dans quelque groupement que ce soit, sans oublier que chacun est créature de Dieu.

(à suivre)

Bernard COUSYN