PROMESSES

« Le jour du sabbat, Jésus entra d’abord dans la synagogue, et il enseigna. Ils étaient frappés de sa doctrine ; car il enseignait comme ayant autorité, et non pas comme les scribes. […] Il commande avec autorité même aux esprits impurs, et ils lui obéissent ! » (Marc 1.21-22,27)

Dans la synagogue de Capernaüm, Jésus montre deux facettes de son autorité :

– Tout d’abord, l’autorité de sa prédication ne laisse personne indifférent. Faute d’autorité personnelle, les scribes se référaient à leurs prédécesseurs et renforçaient les prescriptions de la loi par leurs « commandements d’hommes » (Marc 7.7). Le Seigneur, lui, dit souverainement : « Mais moi je vous dis… » (Mat 5.22). Son autorité s’impose d’elle-même à tous.

– Immédiatement après, l’autorité de Jésus apparaît de façon encore plus impressionnante quand il chasse un esprit impur hors d’un démoniaque présent dans l’enceinte même de la synagogue.

La mission de Jésus consiste à libérer l’homme des chaînes qui l’entravent : chaîne physique de la maladie et de la souffrance, chaîne de l’emprise de Satan, chaîne de l’incompréhension de la vraie pensée de Dieu exprimée à travers sa parole. Les deux premières chaînes sont bien visibles, la dernière l’est beaucoup moins : c’est une chaîne « religieuse » !
Par ces exemples, le Seigneur nous montre ce qu’est la véritable autorité. Elle n’est pas synonyme de répression, de paralysie, de contrainte. Au contraire, l’autorité selon Dieu doit permettre à ceux dont on a la charge de se débarrasser de leurs chaînes pour vivre en liberté devant Dieu. Père ou mère, responsable dans une entreprise, ancien dans une église, etc., nous pouvons détenir une part d’autorité ; exerçons-la à l’image du Maître, pour libérer.


Définition de l’abus

Le terme « abus » vient du latin abusus qui signifie « mauvais usage ». Il désigne le mauvais emploi, l’emploi excessif de quelque chose. Dans le domaine social, cette notion rejoint celle de l’injustice.
L’abus spirituel a été défini ainsi : « C’est le mauvais traitement infligé à une personne ayant besoin d’aide, d’encouragement et de soutien — traitement qui, au contraire, contribuera à affaiblir ou détruire sa vie spirituelle.[note]David Johnson, Jeff Van Vonderen, Le pouvoir subtil de l’abus spirituel, Emeth Éditions, 1998.[/note] »
C’est intéressant, mais cette définition est trop centrée sur l’expérience de l’individu abusé. Certaines personnes sont des hypersensibles qui sont trop facilement blessées ! Le sentiment d’être maltraité ne légitime pas forcément la qualification d’abus.
Je dirais donc qu’un abus est avant tout un péché commis sur autrui, notamment par un responsable d’Église. C’est l’Écriture qui doit définir ce qu’est ce péché, qu’il soit intentionnel ou pas, et c’est par ce biais que doit être évalué l’abuseur.
L’abus spirituel, au-delà de sa laideur intrinsèque, démotive et déresponsabilise ceux et celles qui en sont victimes. Bien souvent, cette perte de zèle s’accompagne d’une vraie tristesse, d’une dévalorisation de soi.

Le cadre spirituel général dans une Église

Le cadre suivant présente les éléments d’un code de conduite susceptible d’éviter une situation d’abus spirituel.

L’autorité est en Dieu seul

Dieu œuvre à tout réunir sous un seul chef, le Christ (Éph 1.9-10), qui est le chef suprême de l’Église (Éph 1.22 ; Col 1.18).
Ainsi, toute autorité humaine n’est que délégation et ceux qui la reçoivent en rendront compte à Dieu. Une telle délégation présuppose un cadre, des tâches spécifiques et des limites (cf. Mat 28.18-20 ; Héb 13.17). Prétendre posséder une autorité « de la part du Seigneur » pour parler à d’autres en dehors de ce cadre peut être une forme d’abus spirituel.

Le responsable a une obligation de moyens

La manière dont un responsable se comporte est plus importante que le résultat de son service. Il a une exigence de moyens mais pas de résultat — il ne doit pas changer sa manière de faire (douceur, enseignement) pour tenter d’obtenir un meilleur résultat (en utilisant, par exemple, la manipulation ou la menace).
Des comportements dénoncés ou encouragés dans l’Écriture forment un socle utile pour comprendre ce que peut être l’abus spirituel :
 Jésus dénonce l’hypocrisie des religieux : ils préfèrent leurs propres traditions à l’autorité de l’Écriture (Mat 15.1-9) ; ils disent mais ne font pas, exigent beaucoup des autres, cherchent à être admirés, exigent d’être appelés par leur titre, profitent financièrement des gens vulnérables, ne savent pas distinguer le secondaire de l’essentiel, notamment « le droit, la miséricorde et la fidélité », et sont incapables de reconnaître leur corruption intérieure (Mat 23).
 Paul demande au serviteur de Dieu de ne pas avoir de querelles, et de montrer de la bienveillance envers tous, y compris les adversaires qu’il doit reprendre avec douceur ; il compte sur l’œuvre de Dieu qui est toujours à l’origine de toute repentance authentique (2 Tim 2.24-26).
 Pierre exhorte les anciens à s’occuper de l’Église de bon cœur, sans aigreur, sans chercher à profiter de cette charge, sans menacer ou dominer, sans revendiquer leur statut, mais en étant surtout un exemple pour ceux que Dieu lui confie, en manifestant un esprit humble qui attend du Seigneur l’ultime approbation de son travail (1 Pi 5.1-5).
 Pierre, Jean, Jude et Paul mettent aussi l’accent sur la protection de l’Église face aux loups et aux diviseurs (1 Jean 4.1 ; 2 Cor 11.14 ; Tite 1.10 ; 3.10-11 ; Jude 1.4,18 ; cf. Apoc 2.18).
 1 Corinthiens 13 met en avant la prévalence de l’amour dans l’exercice des dons spirituels. Pierre fait de même (1 Pi 4.7-11). Aucun talent (enseignement, exhortation, conseil, etc.) n’a de valeur en l’absence d’amour.
L’exercice du ministère sans bienveillance ni paix est une forme d’abus spirituel.

Les chrétiens ont une exigence de soumission réciproque

Le N.T. contient aussi beaucoup d’exhortations sur la qualité relationnelle qui doit régner dans l’église :
• Toute l’Église doit vivre sous le principe d’une soumission mutuelle (Éph 5.21). Dans un certain sens, nous sommes chacun à la fois en position de leadership et en position de suiveur, y compris les pasteurs.
• Matthieu 18.15-20 place chaque disciple devant l’obligation d’être le gardien de son frère, quitte à demander l’arbitrage de la communauté. Et s’il n’écoute pas, d’être entouré de gens qui pourront arbitrer lorsqu’un avis adverse est exprimé. Galates 6.1-5 exhorte chacun à exercer de la douceur lorsqu’un frère défaille.
• Les relations dans l’église doivent être empreintes de douceur et viser l’unité (Phil 2 ; Col 3-4 ; Éph 4-6, etc.)
L’ambiance et la santé d’une église dépendent de la contribution de tous, et non de la seule expression du leadership de ses responsables.

Les chrétiens ont un devoir de respect envers les responsables

La Bible enseigne le principe du respect des responsables : « Obéissez à vos conducteurs et soyez-leur soumis. Car ils veillent au bien de vos âmes, dont ils devront rendre compte. Faites-en sorte qu’ils puissent le faire avec joie et non en gémissant, ce qui ne serait pas à votre avantage » (Héb 13.17 version Segond 21). Le choix de respecter et de suivre les responsables est propre au disciple (personne ne lui impose cette attitude).
Cette attitude est reprise dans plusieurs passages du N.T. (1 Thes 5.12-13 ; 2 Thes 3.14 ; 1 Cor 16.16 ; 1 Pi 5.5). Un comportement d’opposition et de rejet, de non-remise en cause de soi, est une forme d’abus spirituel inverse, envers les responsables.
En résumé, il y a bien dans les Églises des hommes et des femmes censés conduire les assemblées. Ceux-ci doivent s’acquitter de cette tâche avec bienveillance, conscients qu’ils ne font que servir ceux que Christ a rachetés. Ils devront rendre compte de leur service (Héb 13.17). Les membres des Églises doivent encourager ce service, tout en restant attentifs à ne pas se laisser entraîner par des attitudes ou des comportements coupables de responsables abusifs. Ensemble, l’Église porte la responsabilité de l’édification mutuelle, portée par l’Esprit Saint (cf. 1 Cor 12.7 ; 1 Pi 4.10-11).

Synthèse sur les abus spirituels

La pastorale de notre union d’Églises a conclu qu’il y a abus spirituel lorsqu’une personne (notamment un responsable) agit contrairement aux principes bibliques évoqués (particulièrement si c’est répétitif), notamment par un comportement :
• sans maturité spirituelle (c’est-à-dire sans un esprit de paix, de conciliation, de douceur, de patience et de vérité, etc.) ;
• ou sans exemplarité minimale (elle est empêtrée dans les comportements qu’elle dénonce) ;
• en exerçant une pression psychologique inacceptable (que ce soit par menaces, harcèlements, ton de la voix, contexte inapproprié, etc.) ;
• sur un groupe ou sur une personne (rencontre individuelle ou de groupe) ;
• en détruisant l’autonomie humaine, psychologique et spirituelle d’une personne ou d’un groupe (sans faciliter une prise de conscience de l’intéressé ou une discussion collective) ;
• en sorte que les décisions ou orientations d’une personne ou d’un groupe sont verrouillées (sans discussion ni avancements possibles en dehors des directives de l’abuseur) ;
• et ne viennent pas du cœur de l’individu ou du groupe concerné.
Il n’y a pas abus spirituel, lorsqu’une personne (même un responsable) rappelle les vérités morales ou théologiques de la Bible :
• avec respect et douceur ;
• jusqu’à demander la repentance et le changement ;
• même si cela aboutit à une discipline d’Église (cf. Mat 18) ;
• en restant toujours ouvert à être repris par d’autres (et notamment par d’autres responsables).

Le service du responsable doit donc s’exercer :
1. par l’exemple,
2. avec amour et douceur,
3. dans l’humilité,
4. en étant fidèle à la Bible,
5. en évitant les conflits,
6. en protégeant l’Église des « loups »,
7. en comptant sur Dieu.

Le comportement d’un chrétien doit être bienveillant, viser l’unité et l’encouragement réciproque. Il doit faciliter le ministère des responsables par une attitude constructive et respectueuse.
Pour prévenir les abus spirituels, il est nécessaire de créer une culture d’Église spirituellement équilibrée :
• Une ambiance de grâce : prédication, conseil, dialogue doivent exprimer que Christ est le seul héros de la Bible, et que le pécheur trouve un secours réel auprès de lui. Que personne n’est exempt de la difficulté du péché, et des luttes qu’elle génère.
• Une recherche sincère de sainteté : l’Église doit également être un groupe où l’on est encouragé à dépasser la médiocrité ambiante.
• Un environnement de transparence pour partager avec simplicité ses fardeaux ou ses manquements au sein de petits groupes qui se respectent suffisamment pour maintenir la confidentialité.
• Une culture d’encouragement réciproque : apprendre à donner et à recevoir des conseils. Apprendre à juger de l’intérêt d’en donner ou non, ou d’écouter ou non tel conseil !

 

 


C’était une journée difficile à l’église[note]À proprement parler, le texte de 1 Samuel 2 ne concerne pas l’Église. Toutefois, l’AT contient des exemples qui peuvent être utiles à l’Église d’aujourd’hui. (NDLR)[/note] . Ce qui était censé être une expérience de culte bénie et enrichissante ressemblait plutôt à un coup de poing dans l’estomac.
Que s’était-il passé ? Ceux qui étaient en position d’autorité s’étaient comportés en tyrans égoïstes.
Ils ressemblaient en fait aux fils du sacrificateur Éli, décrits comme « des hommes pervers » (ou : vauriens), qui « ne connaissaient pas l’Éternel » (1 Sam 2.12 )[note]Version Segond[/note]. Les versets 13 à 17 montrent comment ils abusaient sans scrupule de leur rôle de prêtre. Quand un adorateur allait offrir un sacrifice, ils envoyaient leurs serviteurs prendre les meilleurs morceaux pour leur consommation personnelle. Pourtant ces prêtres ne manquaient pas de nourriture : la poitrine et la jambe droite de l’animal leur étaient déjà réservées (Lév 7.28-36). Si quelqu’un avait l’audace de rappeler à leurs serviteurs que l’Éternel devait être honoré en premier, les fils d’Éli menaçaient d’employer la force (v. 16). En résumé, « ces jeunes gens se rendaient coupables d’un très grand péché devant l’Éternel, parce qu’ils traitaient avec mépris les offrandes faites à l’Éternel » (v. 17).
Oui, c’était une journée difficile à l’église. En fait, les responsables n’avaient aucun respect pour la gloire de Dieu et pour le bien du peuple. Ils étaient uniquement préoccupés d’eux-mêmes. Cette tendance à l’abus d’autorité et à la recherche de l’intérêt personnel est progressive et subtile. Par conséquent, il s’avère utile de relever quelques caractéristiques des pasteurs tyranniques afin de les identifier.

1. Ils s’approprient la gloire due à Dieu

Certains pasteurs semblent beaucoup plus impressionnés par eux-mêmes et par leur intelligence que par la sagesse de Dieu. Observons comment ils utilisent la Parole de Dieu. Est-ce qu’ils la prêchent, ou bien en font-ils juste une « perche à selfie » pour eux-mêmes ? Si glorifier Dieu est le but de toute la vie, c’est certainement encore davantage le but de tout ministère. Dans leur service, certains font pourtant preuve d’un zèle comparable à celui des constructeurs de la tour de Babel, en travaillant dur pour se faire un nom ; ils perdent ainsi de vue l’essentiel. La gloire revient à Jésus, et non à nous-mêmes. Souvenons-nous : « Il faut que lui croisse, et que moi je diminue » (Jean 3 .30). Ce n’est pas l’inverse.

2. Ils utilisent le ministère pour se servir eux-mêmes, et non pas Dieu et les autres

Les fils d’Éli considéraient le peuple comme étant à leur service et non comme des personnes qu’ils devaient servir. De même, dès qu’un pasteur commence à estimer que les gens et le ministère sont à son service au lieu de penser qu’il est, lui, au service des membres de son église, il est en danger. On oublie parfois que le mot « ministère » signifie « service ». Toute notre vie doit être un service. Paul dit que ceux qui dirigent doivent se considérer comme des serviteurs. Jésus demande à tous ceux qui le suivent d’être des serviteurs (en particulier à ceux qui sont à la tête et qui peuvent être tentés de se laisser servir. Après tout, c’est ainsi qu’il a vécu et qu’il s’en est allé (Marc 10.43-45). Les pasteurs veillent à ne pas s’estimer supérieurs au troupeau et à ne pas s’en tenir à distance. Ils sont au service de Dieu et des siens.

3. Ils n’hésitent pas imposer leurs méthodes

D’où venait cette idée de se promener fourchette en main pour se servir dans animaux offerts en sacrifice par les gens du peuple ? Certainement pas de la Bible. Moïse n’a jamais recommandé ou permis une chose pareille. Mais il est possible qu’ils aient réussi à impressionner les gens avec une explication de leur invention ou bien seulement avec un ton ou un style autoritaire pour justifier leur « innovation » liturgique. Le seul problème avec cette façon d’innover, c’est qu’elle ne correspond pas toujours à ce que Dieu demande. Cela vaut aussi pour notre époque : nous sommes souvent rapides pour inventer quelque chose qui nous arrange, beaucoup plus lents à nous remettre en question. Il est plus facile et rapide de se lancer dans quelque chose qui ressemble à une bonne idée, plutôt que de se demander si la Parole de Dieu encourage ou non ce que nous initions. Les occidentaux du XXIe siècle ont tendance à faire une belle place à l’innovation dans la mesure où elle augmente leur influence. Mais si une telle innovation nous détournait de ce que nous sommes censés être et faire ? L’innovation n’est pas toujours mauvaise, mais elle n’est pas nécessairement positive non plus. Par conséquent, nous devrions être prudents envers l’innovation. Il se peut que la recherche de nouveauté mette nos églises — et nous-mêmes — en difficulté. Restons proches de la révélation biblique.

4. Ils exercent une autorité oppressante

À qui ces hommes rendaient-ils compte ? Éli fermait les yeux sur la situation. Le peuple ne pouvait pas faire grand-chose. Il en résultait que la domination tyrannique de ces hommes s’était imposée au peuple avec une autorité oppressante. Malheureusement, ce type de situation se produit encore aujourd’hui dans des églises. Plutôt que de voir leur autorité fondée sur la Parole et restreinte à cette seule Parole, certains pasteurs pensent qu’ils sont investis d’une autorité personnelle et universelle ; ils n’ont pas de comptes à rendre, pas de conseils à entendre. Ce type de leadership est à l’opposé de ce que la Parole enseigne, il s’arroge une autorité absolue, parfois même sur les aspects les plus intimes de la vie des gens, là où le pasteur n’a pas à s’ingérer. Souvent, un tel pasteur utilisera certains versets de la Parole pour reprendre ses fidèles, sans pour autant s’y soumettre lui-même. Cette hypocrisie exaspère les croyants ; la vie d’église devient un fardeau, elle n’apporte plus de joie. Ce type d’intimidation n’a rien de commun avec le modèle de roi serviteur que Jésus montrait par son exemple (Marc 10).

5. Ils montrent peu de respect pour le sérieux du ministère

Les fils d’Éli couchaient avec des femmes dans le temple et volaient des portions des sacrifices : manifestement ils avaient perdu conscience de l’honneur dû à Dieu dans leur ministère. Le ministère concerne en effet deux des buts les plus importants au monde : la gloire de Dieu et le bien spirituel des personnes. Si nous perdons cela de vue, alors le ministère perd son sens et sa valeur. Tout ce qu’un pasteur accomplit doit être jugé à l’aune de la gloire que cela apporte, ou non, à Dieu. En outre, nous devons nous rappeler que ce que les gens font de la Parole de Dieu a des conséquences éternelles. Nous pouvons soit les aider, soit les entraver. Notre impact dépend de ce que nous prêchons, mais aussi de notre façon de vivre et de diriger l’église. Le ministère n’est donc jamais à prendre à la légère.

6. Ils oublient l’œuvre du Seigneur

Au fond, le vrai problème des fils d’Éli, c’était qu’ils avaient perdu conscience de la valeur des sacrifices et de la sainteté de Dieu ; ils ne s’en souciaient même pas.
Si un pasteur perd de vue qu’il est un grand pécheur et que Jésus est un grand Sauveur, il est dans une impasse. Le pasteur-intimidateur a oublié la Parole de Dieu et la valeur de Dieu. Il n’est pas étonnant qu’il ait peu de considération pour le peuple de Dieu.
Qu’il ne soit jamais dit de nous que nous avons ignoré l’œuvre du Seigneur et que nous avons méprisé le sang de l’alliance. C’est à cause de nous qu’il a dû y avoir la croix et le sang du Calvaire. L’Agneau de Dieu a été mis à mort pour nous. Que Dieu nous préserve de nous sentir à l’aise, de minimiser, de relativiser ou d’obscurcir la grandeur de la gloire de la croix de la croix. Par la grâce de Dieu et pour le bien de son Église, que les pasteurs n’oublient jamais l’œuvre de la croix.


Paul s’est beaucoup investi pour l’église de Corinthe. Mais, en son absence, certaines personnes cherchent à le discréditer dans l’esprit des Corinthiens. Leur but est de se présenter comme des personnes plus dignes de tenir le rôle d’apôtre. Elles lui adressent de nombreuses critiques :
• il ne tient pas ses engagements (2 Cor 1.15-17) ;• il n’a pas la carrure d’un chef (2 Cor 10.1) ;
• il marche selon la chair (2 Cor 10.2) ;
• il n’est pas un bon orateur, il n’a pas de prestance (2 Cor 10.10 ; 1.6) ;
• il les plonge dans la tristesse (2 Cor 2.5) ;•
il prêche pour son propre intérêt (2 Cor 4.5) ;
• il est cupide et rusé (2 Cor 7.2), charnel (2 Cor 10.2) ;
• il agit en « franc-tireur », sans recommandation ou mandat (2 Cor 3.1 ; 12.11).

Tout cela sape sa crédibilité et son autorité d’apôtre. Bien malgré lui, il se sent obligé de se défendre. Mais son but n’est pas de défendre son honneur et son statut, mais de défendre son ministère et de protéger les Corinthiens des prédateurs qui les menacent. Il défend son autorité spirituelle.

Étudions ce chapitre selon la formule « verset par verset » pour relever les caractéristiques de l’autorité de Paul.

v. Texte Commentaire
1 Moi Paul, je vous prie, par la douceur et la bonté de Christ – moi, humble d’apparence quand je suis au milieu de vous, et plein de hardiesse à votre égard quand je suis éloigné L’autorité exhorte avec bienveillance et bonté, avec humilité. Paul aurait pu chercher à s’imposer, mais il préfère que ce soit le choix des Corinthiens.
2 Je vous prie, lorsque je serai présent, de ne pas me forcer à recourir avec assurance à cette hardiesse, dont je me propose d’user contre quelques-uns qui nous regardent comme marchant selon la chair. Paul pourrait faire preuve de hardiesse et assurance, et il le fera si nécessaire, pour le bien des personnes qui sont des dangers. Mais il préfèrerait ne pas y être contraint.
3 Si nous marchons dans la chair, nous ne combattons pas selon la chair. L’autorité ne fait pas intervenir la chair (capacités et motivations naturelles seules).
4 Car les armes avec lesquelles nous combattons ne sont pas char­nelles ; mais elles sont puissantes, par la vertu de Dieu, pour renverser des forteresses. Elle utilise des armes puissantes par Dieu (4-5). Quelle différence avec l’autorité des hommes sans Dieu !
5 Nous renversons les raison­nements et toute hauteur qui s’élève contre la connaissance de Dieu, et nous amenons toute pensée captive à l’obéissance de Christ. Elle conduit à la soumission à Christ (et pas à Paul, ou à un autre leader).
Ce sont les fausses idées et les faux raisonnements qui empêchent de s’approcher de Dieu. Peut-être aussi de reconnaître l’autorité voulue par Dieu.
6 Nous sommes prêts aussi à punir toute désobéissance, lorsque votre obéissance sera complète. La désobéissance et la contestation envers la volonté de Dieu auront des conséquences. L’autorité peut punir.
7 Vous regardez à l’apparence ! Si quelqu’un se persuade qu’il est de Christ, qu’il se dise bien en lui-même que, comme il est de Christ, nous aussi nous sommes de Christ. L’autorité ne vient pas de la prestance naturelle, apparente. Il faut examiner les choses spirituellement, voir si cette autorité vient de Dieu.
8-9 Et même si je me glorifiais un peu trop de l’autorité que le Seigneur nous a donnée pour votre édification et non pour votre destruction, je ne saurais en avoir honte, afin que je ne paraisse pas vouloir vous intimider par mes lettres. C’est le Seigneur qui donne l’autorité ; cette autorité construit et ne détruit pas ;
elle est saine, juste, donc pas de raison d’avoir honte de l’exercer, à distance ou de près. Elle peut être exercée par des personnes d’apparence peu impres­sionnante.
10 Car, dit-on, ses lettres sont sévères et fortes ; mais, présent en personne, il est faible, et sa parole est méprisable. L’autorité ne dépend pas d’une capacité à impressionner par une présence physique imposante ou par un style d’écriture dominateur.
11 Que celui qui parle de la sorte considère que tels nous sommes en paroles dans nos lettres, étant absents, tels aussi nous sommes dans nos actes, étant présents. Jusqu’à présent, Paul avait été doux au milieu des Corinthiens ; mais pour leur bien, il pourra user de sévérité.
12 Nous n’osons pas nous égaler ou nous comparer à quelques-uns de ceux qui se recommandent eux-mêmes. Mais, en se mesurant à leur propre mesure et en se comparant à eux-mêmes, ils manquent d’intelligence. Paul ne désire pas se justifier, se comparer, il fait appel à leur intelligence pour que ceux qui bravent son autorité réfléchissent.
13 Pour nous, nous ne voulons pas nous glorifier outre mesure, mais seulement dans la limite du champ d’action que Dieu nous a assigné en nous amenant jusqu’à vous. L’autorité est déléguée par Dieu, dans un domaine limité (ce n’est pas une prise de contrôle total motivée par une fierté déplacée). Il est important, pour ceux à qui Dieu a donné une autorité, qu’ils connaissent bien le « champ d’action ».
14 Nous ne dépassons point nos limites, comme si nous n’étions pas venus jusqu’à vous ; car c’est bien jusqu’à vous que nous sommes arrivés avec l’Évangile de Christ. Paul n’est pas intervenu « hors limites », dans un champ qu’il ne connaissait pas. Il intervient là où il a lui-même apporté l’Évangile.
15 Nous ne nous glorifions pas des travaux d’autrui qui sont hors de nos limites. Mais nous avons l’espérance, si votre foi augmente, de devenir encore plus grands parmi vous, dans notre propre domaine, L’autorité n’essaie pas de trouver un champ d’action en « récupérant » le travail d’un autre.
16 en évangélisant les contrées situées au-delà de chez vous, au lieu de nous glorifier de ce qui a déjà été fait dans le domaine des autres. Si Paul combat pour que son autorité soit reconnue, c’est pour le bien des Corinthiens et pour que l’Évangile soit répandu ailleurs aussi.
17 Que celui qui se glorifie se glorifie dans le Seigneur. D’ailleurs il ne se réjouit que de l’approbation du Seigneur. Quand Dieu a donné une autorité, la chair risque de s’enorgueillir. L’antidote est là.
18 Car ce n’est pas celui qui se recommande lui-même qui est approuvé, c’est celui que le Seigneur recommande. Notre service n’est pas validé – reconnu par notre propre recommandation ; mais par la recommandation du Seigneur.

Conclusion

Paul n’est pas intéressé par le pouvoir ou la domination. Il ne cherche pas la reconnaissance ou l’admiration (2 Cor 12.15). Il veut servir, enseigner et faire grandir ses enfants spirituels. Son secret, c’est qu’il se considère à la fois :
• Comme un apôtre, investi d’une mission, mais appelé par grâce et non pour ses mérites (1 Tim 1.12-14) ou capacités (2 Cor 3.5) ;
• Comme un serviteur (esclave) de Jésus-Christ (Phil 1.1), serviteur (diacre) de l’Évangile (Col 1.23) et des saints (Rom 15.25).

Questions pour aller plus loin

a. Comment peut-on définir en quelques mots l’autorité de Paul ?
b. Comment peut-on agir avec autorité et humilité en même temps ?
c. L’autorité et l’humilité ont-elles un fondement commun ?


Parler de soumission oblige à mentionner que ce concept peut être compris de manières très variées et être sujet à polémique.

De plus, son interprétation, surtout dans le cadre du couple, a des conséquences pratiques importantes, pouvant se traduire par des relations malsaines, parfois même dangereusement violentes. Parler de soumission oblige à mentionner que ce concept peut être compris de manières très variées et être sujet à polémique. De plus, son interprétation, surtout dans le cadre du couple, a des conséquences pratiques importantes, pouvant se traduire par des relations malsaines, parfois même dangereusement violentes. 

Nous allons toutefois tenter d’aborder ce sujet, en essayant de comprendre le modèle biblique de soumission (en général et dans le couple), en cherchant ce qu’il induit (pour l’épouse et pour le mari), et en mentionnant quelques risques d’une incompréhension de ce concept[note]Cet article émane d’une femme mariée à un homme chrétien et craignant Dieu. Pour l’écrire, je me suis inspirée en partie de plusieurs lectures ainsi que de ma vie de couple, depuis 26 ans, même si cet article ne se veut pas un témoignage.[/note] .

La soumission pour tous !

Étymologiquement, « se soumettre » signifie se mettre au-dessous. Suivant les cas, ce sera plus ou moins volontaire. La soumission n’est donc pas une sujétion, une subordination, une oppression, une obéissance servile. Et, comme le dit John Stott, « nous devons tout faire pour purifier [ce terme] de ces connotations [négatives] pour retrouver son sens spécifiquement biblique.[note]John Stott, Éphésiens, Vers une nouvelle société, Éditions Grâce et Vérité, 2010, p. 221.[/note] »

Dans la Parole de Dieu, il n’est jamais demandé de soumettre quelqu’un. La soumission est un choix librement décidé (pour nous chrétiens, devant Dieu). Être soumis revêt le sens de respecter, craindre (dans le sens biblique du terme), reconnaître la position d’autorité (de Dieu ou de quelqu’un), tenir l’avis de l’autre pour important.

Rappelons-nous que, pour Dieu, une différence de position n’équivaut pas à une différence de valeur (Gal 3.27-29). La personne qui se soumet à une autre n’a donc pas moins de valeur que cette dernière aux yeux de Dieu. Et par là, la soumission n’est pas l’acceptation d’un rôle inférieur.

Tous les êtres humains sont appelés à se soumettre : un enfant se soumet à ses parents, un employé à son chef, tous les habitants d’un pays aux lois en vigueur dans ce pays. Il en est de même dans la famille de Dieu. Chaque chrétien, homme ou femme, est appelé à se soumettre à Christ (1 Cor 11.3).

Il y a également une soumission réciproque à vivre entre chrétiens : « Étant soumis les uns aux autres dans la crainte de Christ » (Éph 5.21[note]Version Darby[/note]). Elle se vit dans l’humilité réciproque : « Que, dans l’humilité, l’un estime l’autre supérieur à lui-même, chacun ne regardant pas à ce qui est à lui, mais chacun aussi à ce qui est aux autres » (Phil 2.3). La notion même de soumission n’est pas infâmante : même Jésus, en tant que Fils de Dieu, s’est soumis à son Père, alors qu’il était Dieu lui-même (Phil 2.5-8).

Soumission et autorité

Tous ceux qui détiennent une autorité la détiennent de Dieu, qu’ils en aient conscience ou non (Rom 13.1). Cette autorité devrait toujours s’exercer dans l’intérêt de ceux pour lesquels elle a été donnée, et non de manière égoïste — qu’il s’agisse d’un mari, d’un père ou d’une mère, d’un chef dans le travail, etc.
L’autorité n’a donc rien à voir avec l’autoritarisme, la tyrannie, l’oppression, ni même la domination (Luc 22.26-27).

La soumission dans le couple

« Femmes, que chacune soit soumise à son mari, comme au Seigneur ; car le mari est le chef de la femme, comme Christ est le chef de l’Église qui est son corps, et dont il est le Sauveur. Or, de même que l’Église est soumise à Christ, les femmes aussi doivent l’être à leur mari en toutes choses » (Éph 5.22-24).
Même en cherchant des objections, on ne peut guère échapper à ce verset. Pourquoi est-il difficile à admettre ? Voici quelques raisons : l’influence du monde environnant, les différences de caractère (de la femme et de l’homme), les différences de modèles parentaux, les différences de contextes sociaux et culturels, et, bien sûr, notre esprit naturel d’indépendance.
Remarquons que le verset précédent exhorte à la soumission mutuelle [note]« La soumission est un devoir chrétien universel. Dans l’Église chrétienne, y compris dans chaque foyer chrétien, la soumission devrait être mutuelle. » (John Stott, op. cit., p. 230)[/note] (v. 21). Et si la soumission de la femme est clairement dite, celle de l’homme est contenue dans l’amour qu’il doit porter à sa femme. En effet, dans les versets suivants (v. 25, 28, 29), Paul présente le modèle d’un mari qui aime sa femme, non pas d’un amour égoïste, pour défendre ses propres intérêts, mais d’un amour qui se donne (dont le modèle est Christ lui-même, qui aimé l’Église jusqu’à donner sa vie pour elle). Ainsi, la soumission au sens où Dieu l’entend est certainement un élément clé d’une relation saine, marquée par l’amour, la confiance et le respect.

Le rôle de chacun

Le rôle du mari vis-à-vis de sa femme consiste donc à chercher son bien-être, à répondre à ses besoins, à la valoriser, à l’encourager dans tous les domaines de sa vie, à l’aider à développer sa personnalité, à l’accompagner pour qu’elle progresse, à lui faire confiance, à lui déléguer, à la protéger quand elle en a besoin, à la rassurer quand elle s’inquiète… pour la voir finalement « sans tache ni ride » !
Et pour une épouse, se soumettre à son mari consiste à reconnaître l’ordre établi par Dieu : à voir son mari comme grand à ses yeux (comme l’assemblée voit Christ !), à reconnaître sa place de chef (pas dans le sens de dominateur, mais plutôt dans le sens de détenteur d’une responsabilité supplémentaire), à valoriser ses projets, à ne pas se concentrer sur ses défauts, etc.

Et dans la réalité ?

Le modèle est très beau et nous devons y tendre mais nous sommes des êtres imparfaits (le mariage, c’est l’union de deux pécheurs !). Et le mariage va justement nous aider dans notre chemin de sanctification, et l’un et l’autre, dans le but de progresser ensemble.
Ce modèle est à vivre en fonction de nos caractères. Une femme très dynamique qui a un mari plus nonchalant va peut-être prendre plus de décisions dans le quotidien, mais elle peut très bien lui reconnaître son rôle de chef. À l’inverse, un mari avec un caractère de leader devra faire attention de ne pas écraser sa femme, mais devra, au contraire, la valoriser, l’encourager, la responsabiliser.
C’est aussi un modèle à vivre d’abord en couple et devant Dieu, avant de le vivre devant les autres : attention à ne pas vouloir donner une image qui ne correspond pas à la réalité (cela s’appelle de l’hypocrisie).
Attention aux risques réels de mauvaise compréhension de la notion de soumission. Une soumission trop importante pourra se marquer par de la docilité et conduire à un effacement de la personnalité. La femme peut aussi vivre « dans l’ombre » de son mari, avec comme conséquence un gâchis de ses propres dons. À l’inverse, en refusant de se soumettre, l’épouse manque une occasion de montrer une image de Christ et de l’Église ; elle risque de décrédibiliser son mari, devant ses enfants, devant les membres de l’église (en particulier si son mari y a une place d’autorité).
Enfin, vivre la soumission réciproque au sein du couple nous aidera à la vivre dans les autres cercles de notre vie (par ex. le travail).

Et pratiquement ?

Pour une épouse, se soumettre, est-ce ne jamais contredire son mari ? — ou bien lui dire avec honnêteté et délicatesse, quand elle pense qu’il se trompe ? Lui laisser prendre toutes les décisions importantes, sans lui donner son avis ? — ou bien prendre les décisions à deux, et lui laisser décider en dernier recours, si on n’arrive pas à se mettre d’accord ? Ne pas donner son avis sur des sujets spirituels ? ¬— ou bien échanger librement avec son mari sur tous les sujets, mais sans forcément imposer son point de vue ?

Et quand mon mari ne m’aime pas « comme Christ » ?

 Parce qu’il n’est pas chrétien : Même si mon mari est incrédule, il détient toujours une autorité lui venant de Dieu. La règle « il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes » ne doit pas s’appliquer à tous les détails de la vie quotidienne. Je me dois de prendre en compte son avis. Bien sûr, c’est beaucoup moins facile que de se soumettre à un mari, partageant la même foi, et donc se soumettant lui-même à Dieu, mais c’est peut-être ainsi que je le « gagnerai » (1 Pi 3.1-2 ; 1 Cor 7.16).
 Parce qu’il vit encore centré sur lui ou n’a pas envie de tenir ce rôle de chef : Certes, cette situation est difficile…, Mais si mon mari se sent respecté, reconnu comme chef de famille, valorisé, si je m’efface parfois devant lui (même si ce n’est pas dans ma nature), est-ce que l’Esprit ne va pas agir aussi en lui pour le changer et lui donner de prendre sa vraie place ?
 Parce qu’il fait preuve d’autoritarisme, voire qu’il est violent : Je chercherai peut-être à le « gagner » sans le provoquer, en partageant ma situation à des amis fidèles, en consultant un conseiller conjugal. Mais si la situation devient intenable, que je suis en danger, je devrai peut-être fuir pour me protéger et protéger mes enfants — et je ne suivrai pas des chrétiens qui utiliseraient ce verset « ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas » pour m’inciter à rester coûte que coûte, au risque d’une atteinte à mon intégrité physique ou psychologique.

Conclusion

« Si les hommes et les femmes sont égaux en dignité, pourquoi l’homme est-il le chef ? Et pourquoi les femmes sont-elles appelées à la soumission ? La réponse à cette question est une autre question : Pourquoi est-ce Jésus, le Fils, qui s’est soumis et a servi ? Pourquoi a-t-il abandonné son autorité au Père ? Nous n’en savons rien, mais nous savons que c’était un signe de sa grandeur et non de sa faiblesse.  Les femmes sont appelées à suivre Jésus sur ce point. Mais n’oubliez pas qu’exercer son autorité correctement est aussi difficile que de s’en dépouiller.[note]Timothy Keller et Kathy Keller, Le mariage, Éditions CLE, 2014, p. 244.[/note] »


Texte tiré du livre : Vivre l’éthique de Dieu. L’amour et la justice au quotidien, Daniel Arnold, La Maison de la Bible, 2020, p.132-133, 138-139.

L’apôtre Paul exhorte les chrétiens à se soumettre les uns aux autres : « Soumettez-vous les uns aux autres dans la crainte du Christ » (Éph 5.21 ).

Par cette phrase, Paul n’abolit pas toute structure hiérarchique, mais signifie que chacun est appelé à la soumission dans des domaines particuliers : les femmes à leur mari, les enfants à leurs parents et les esclaves à leur maître (Éph 5.22-6.9). Paul attire aussi l’attention sur les responsabilités des chefs (le mari, les parents, le maître). Chacun — chef et subalterne — doit être soumis à Dieu dans la fonction qu’il occupe.
Paul indique clairement que les structures sociales ne sont pas abolies, mais qu’elles doivent être régénérées à la lumière du Christ. L’apôtre s’oppose simultanément à la négation et à l’abus de pouvoir. Dans la famille, le mari et les parents doivent exercer leur mandat d’autorité dans l’amour, le respect et l’écoute.

Le mari

Le mari est appelé par Dieu à être le chef du foyer. Son mandat doit s’inspirer de l’amour du Christ qui s’est donné pour son Église (Éph 5.25). Cela signifie que l’amour du mari pour son épouse doit aller jusqu’au don de sa vie. Paul dit que « les maris doivent aimer leur femme comme leur propre corps ; celui qui aime sa femme s’aime lui-même » (Éph 5.28). Un tel amour exclut toute brutalité, toute moquerie, toute remarque désobligeante. Celui qui aime sa femme lui fait confiance, et n’hésite pas à lui dévoiler le montant de son salaire. Mieux encore, il lui donne accès à la totalité de ses gains, car la gestion financière se fait en parfaite harmonie, aucun conjoint ne cherchant à tirer la couverture à lui, mais au contraire, chacun étant prêt à se découvrir pour couvrir l’autre.
Être chef du foyer signifie donner le bon exemple sur le plan moral et spirituel. Le mari n’abandonne pas « les choses de l’Église » à sa femme sous prétexte qu’il est trop occupé par sa profession, mais il sera le premier à veiller au développement spirituel de tous les membres de sa famille. Il doit donner l’exemple d’une vie de prière et de consécration à Dieu. Il lira et méditera la Bible pour trouver les forces et l’inspiration nécessaires pour mener une vie droite. Son comportement devrait donner à chacun l’envie de se plonger dans les Saintes Ecritures. Le mari doit être le modèle dans le domaine de la droiture, du contrôle de soi, de la vérité, de la générosité.
Lors d’un différend avec sa femme, si les torts sont partagés, le mari devrait être le premier à demander pardon. Il n’attendra pas que son épouse fasse cette démarche (bien qu’elle puisse le faire), mais il doit, en tant que chef du foyer, montrer l’exemple de la réconciliation en demandant le pardon pour ses fautes et en accordant le pardon à tout pécheur repentant.

Les parents

Les parents doivent guider leurs enfants dans le droit chemin. Ils forment tous deux, à parts égales, l’autorité de l’unité familiale. Ils n’abuseront pas de leur situation de force pour humilier leurs enfants. Leur rôle consiste à instruire, éduquer, élever, punir si nécessaire, mais sans excès, toujours en rapport avec le péché commis. Un verre de lait renversé par mégarde sur le tapis d’Orient ne sera pas puni, même si les dégâts sont grands. Par contre, le mensonge, la parole inutilement blessante, le mépris par rapport à un aîné, la cruauté envers les plus petits doivent être réprimandés. La paresse sera sanctionnée, mais pas les échecs scolaires, car l’éthique chrétienne n’est pas utilitariste. Le mal n’est pas défini en fonction de la réussite, mais par rapport à la loi de Dieu.
Le rôle formateur des parents se manifeste en premier par l’exemple de leur vie. Le père et la mère laisseront une trace indélébile chez leurs enfants s’ils se respectent l’un l’autre et se parlent avec tendresse, s’ils prient quotidiennement et font confiance à Dieu pour leurs besoins quotidiens, s’ils traitent leurs enfants avec amour et fermeté et témoignent l’amour du Christ à leurs voisins.
La soumission sera le mieux enseignée si les parents ont une crainte respectueuse de Dieu, si la mère est soumise au père et si les parents honorent les autorités ecclésiastiques et politiques. N’oublions jamais que les enfants apprennent en premier par imitation. Aux parents de leur laisser le bon modèle !


Je vous propose d’aborder ce sujet à partir de deux épisodes tirés des Évangiles et deux paragraphes des épitres de Paul. Nous y trouverons des éléments de réponse autour de quatre thèmes :
• Autorité et humilité
•Autorité pour faire grandir
•Autorité au travail
•Autorités civiles respectées

Autorité et humilité  (Matthieu 8.5-13 et Luc 7.1-10)

L’exemple du Christ et le témoignage du centurion nous donnent une bonne introduction sur le sujet de l’autorité dans la cité : Quelle que soit notre position, nous sommes confrontés à l’autorité, celle à laquelle nous sommes soumis et celle que nous exerçons.
– Le centurion représente l’autorité de Rome, la puissance qui s’est imposée aux Juifs ; mais il nous impressionne d’abord par son humanité : en parlant de son serviteur, il dit qu’il est : « horriblement tourmenté » (Mat, version Darby ) et Luc précise que cet esclave lui « était fort cher ». Il demande de l’aide au Seigneur en sa faveur. Ces expressions soulignent l’intérêt et l’affection qu’il porte à son serviteur.
-Il nous donne ensuite un exemple d’humilité : Le centurion exprime avec délicatesse ce qu’il pense de Jésus : « Seigneur, ne te donne pas de fatigue » (Luc) et « Seigneur, je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit » (Mat), tandis que les Juifs disent de lui : « il est digne que tu lui accordes cela ». Il ne met pas non plus en avant la généreuse construction de la synagogue qu’il a effectuée (Luc). Ce sont les Juifs qui s’en chargent.
– Le centurion sait que son autorité est sous contrôle : « je suis un homme placé sous l’autorité d’autrui, ayant sous moi des soldats. » Son autorité commence par la soumission. C’est la première chose qu’il a en vue. Il sait qu’elle lui a été conférée, déléguée et qu’il ne peut l’exercer sur ses hommes que dans le respect et la soumission à l’autorité supérieure. Quelle marque d’humilité chez cet homme !
Cette très belle perspective, exemple pour nous, le garde du risque d’abus d’autorité. Il sait que ses faits et gestes à l’égard des personnes qui lui sont confiées ne peuvent s’écarter de la ligne qui lui est impartie par ses supérieurs. Dans une entreprise, on appelle cette notion en anglais, « compliance » ou le respect du code de conduite. Quand un cadre fait preuve d’abus d’autorité, ou s’il va jusqu’à exercer des pressions voire du harcèlement, il s’écarte des règles de son entreprise et se met lui-même en porte-à-faux, car il n’est plus soumis à la volonté de la direction générale. Certaines firmes ou institutions proposent des canaux de communication pour le signalement de telles attitudes. C’est une bonne chose que nous puissions réagir quand une personne en position d’autorité perd de vue le principe vécu par le centurion : « je suis un homme placé sous l’autorité d’autrui. »
– Enfin le centurion est un exemple de foi, de confiance : non seulement voit-il en Jésus celui qui a le pouvoir de dire une parole pour guérir son esclave, mais il est persuadé qu’il va le faire et que le serviteur sera guéri, tout comme l’obéissance de ses soldats à ses ordres ne fait aucun doute. « Je dis à l’un : Va, et il va ; et à un autre : viens, et il vient et à mon esclave : fais cela, et il le fait. » Pour cet homme, indigne de déranger le Christ, l’accomplissement de sa demande, est évidente du moment que Jésus en donne l’ordre. Jésus « s’en étonna » (Mat) et « l’admira » (Luc) et dit «Je n’ai pas trouvé, même en Israël, une si grande foi » (Mat. 8.10).
Ce récit nous aide à vivre l’autorité de façon saine :
• Pas d’autorité sans humanité. L’autorité ne doit pas s’exercerait de façon cruelle.
• Pas d’autorité sans humilité. Si nous devons exercer l’autorité, elle ne doit pas nous monter à la tête, et nous ne devrions pas jalouser ni encenser ceux qui sont au-dessus de nous.
• Pas d’autorité sans contrôle et soumission à une autorité supérieure.
• Pas d’autorité sans confiance que les ordres donnés vont être exécutés.

Autorité pour faire grandir (Matthieu 17.24-27)

La scène des didrachmes illustre bien le fait que celui qui exerce l’autorité se doit de faire grandir ceux sur lesquels il l’exerce.
Dans cet épisode, Pierre est pris de court par une question des receveurs et répond avec assurance que son maître paye bien l’impôt du temple. Jésus n’est-il pas exemplaire en toutes choses ? Mais Pierre a parlé un peu vite en supposant que Jésus payait cet impôt inventé par les Juifs et qui n’était pas prescrit par la Parole de Dieu. Jésus exprime alors son autorité vis-à-vis du temple et des collecteurs d’impôts : Il est Fils. Il n’a pas besoin de payer.
Il montre aussi son autorité vis-à-vis de Pierre : il est le maître. Une fois en privé, à la maison, il ne laisse pas le sujet non traité, mais prend les devants pour expliquer délicatement et avec fermeté, que son disciple s’était aventuré sur un terrain qu’il ne connaissait pas. Il l’accompagne dans la compréhension : « de qui les rois reçoivent-ils des tributs ou des impôts, de leurs fils ou des étrangers ? » et tire la conclusion « les fils en sont donc exempts » (Mat 17.25-26).
Elle s’accorde d’ailleurs à la déclaration majestueuse que Pierre avait faite peu avant : « tu es le Christ, le fils du Dieu vivant» (Mat 16.16).
Au lieu de faire des reproches à Pierre et de le laisser dans le regret ou les excuses, Jésus le fait grandir : tout en maintenant sa prééminence « donne-le leur pour moi », il élève son disciple du rang d’étranger au rang de Fils du roi en disant : « Afin que nous ne les scandalisions pas » et en ajoutant « et pour toi » (Mat 17.27).
À cet instant, Jésus dévoile sa gloire de créateur ayant toute autorité sur la nature et les poissons. Celui qui peut dire « Tout animal de la forêt est à moi, les bêtes sur mille montagnes » (Ps 50.10), commande au poisson qui porte une pièce de monnaie à Pierre. Puis, dans son humilité, Jésus voile à nouveau sa gloire et se soumet volontairement au paiement de l’impôt.
Nous retrouvons dans ce texte le lien entre humilité et autorité et nous y voyons le désir de faire grandir ou de développer ceux qui nous sont confiés.
L’Éternel dit au roi David : « Tu paîtras mon peuple Israël, et tu seras prince sur Israël » (2 Sam 5.2). Le prince doit d’abord être le berger, celui qui nourrit et fait grandir.
On peut remarquer que l’origine étymologique du mot français autorité est le latin auctoritas, capacité de faire grandir, issu du verbe « augere », « augmenter ». Toutefois, notre étude étant fondée sur des textes originaux grecs, cette remarque n’a que valeur mnémotechnique.

Autorité au travail  (Colossiens 3.22-25)

La clé de ce passage sur la soumission des esclaves à l’autorité de leurs maîtres se trouve dans l’expression : « ne servant pas sous leurs yeux seulement, comme voulant plaire aux hommes, mais en simplicité de cœur, craignant le Seigneur » (Col 3.22). Le texte s’interprète dans le contexte de l’époque où l’esclavage était pratiqué. L’Évangile n’avait pas pour vocation première de modifier l’ordre social. Dans l’église, deux frères convertis étaient parfaitement égaux, même si à la maison l’un était l’esclave de l’autre. On peut appliquer ce passage à toutes les situations de notre quotidien, où nous avons une personne placée au-dessus de nous et pour laquelle nous accomplissons des tâches, que la personne en question soit croyante ou incrédule. Dans le monde du travail, la majorité d’entre nous avons un supérieur hiérarchique. Quelle est notre perspective ? Accomplissons-nous notre mission pour lui plaire ou en ayant le Seigneur devant nos yeux ? Tout change. Le travail me parait-il difficile, le délai trop court ? C’est pour le Seigneur que je me donne de la peine. Les tâches sont-elles répétitives, voire ennuyeuses ? Elles prennent une autre dimension, si elles sont offertes à notre maître céleste. Ai-je tendance à bâcler ou à ne pas prêter attention à la qualité, tandis que mon chef aime aller dans les détails et je le trouve trop perfectionniste ? Mais que pense le Seigneur de la qualité ? N’aime-t-il pas la profondeur, le soin, la beauté ? Sommes-nous stressés par la compétition, la pression des résultats à atteindre ? Relisons la phrase : «Comme voulant plaire aux hommes » et plus loin : « quoi que vous fassiez, faites-le de cœur, comme pour le Seigneur et non pour les hommes, sachant que du Seigneur vous recevrez la récompense » (Col 3. 24). Avons-nous reçu une prime ou une augmentation de salaire ? Si oui, l’avons-nous reçue de la main du Seigneur ? Lui avons-nous dit merci ? Ou bien sommes-nous surtout sensibles au regard des autres et au fait de plaire aux hommes ?
Et si nous avons la responsabilité d’une équipe, nous essaierons de montrer un bon exemple dans la relation que nous entretenons avec notre propre supérieur. Nous éviterons de mettre en avant la compétition malsaine, la politique obscure, la superficialité, les demi-vérités ; mais nous rechercherons l’excellence, la qualité, la transparence, la confiance.
Tout change dans le monde du travail quand nous voyons les choses comme nous l’enseigne l’apôtre.

Autorités civiles respectées  (Romains 13.1-7)

« Que toute âme se soumette aux autorités qui sont au-dessus d’elle ; car il n’existe pas d’autorité si ce n’est de par Dieu ; et celles qui existent sont ordonnées de Dieu » (v. 1).
Le Nouveau Testament utilise le même mot « autorité », en grec « exousia », cette fois au pluriel pour désigner dans le passage de Romains 13 les autorités politiques et judiciaires.
Le principe de base est que la source fondamentale de l’autorité est en Dieu et que lui seul est en mesure de la déléguer à des hommes. Même si ces derniers en abusent ou en font mauvais usage, leur autorité est permise par Dieu et nous devons toujours reconnaître la main de Dieu derrière les autorités. « Celui qui résiste à l’autorité, résiste à l’ordonnance de Dieu ; et ceux qui résistent feront venir un jugement sur eux-mêmes » (v. 2). Dans le cas général, l’autorité installée par Dieu se comporte bien, et les sujets qui se comportent mal, ou qui résistent, sont réprimandés. Ce jugement est légitime et sera subi par le chrétien insoumis. Il existe évidemment un cas particulier, illustré dans le livre de Daniel, quand Shadrac, Meshac et Abed-Négo refusent de se prosterner devant la statue de Nébucadnetsar. Ici, l’autorité installée par Dieu se comporte de façon orgueilleuse et commande quelque chose de clairement opposé à la foi. Les fidèles résistent à l’autorité, désobéissent, mais en assument les conséquences : « Notre Dieu que nous servons, peut nous délivrer de la fournaise de feu ardent (mais ils ne se permettent pas de le lui imposer !), et il nous délivrera de ta main, ô roi ! » (quoiqu’il en soit, fût-ce par la mort dans la fournaise. Dan 3.17). Pierre confirme ce principe : « Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes » (Act 5.29) ; « Jugez s’il est juste devant Dieu de vous écouter plutôt que Dieu » (Act 4.19). Dans le cas particulier des autorités s’opposant frontalement aux enseignements de l’Écriture, le chrétien est appelé à résister, en obéissant à Dieu plutôt qu’aux hommes, ce qui le conduira parfois à subir des souffrances.
Dans le cas général, la soumission aux autorités administratives, législatives et judiciaires est la marque de la confiance du chrétien en son Dieu souverain, « car ils sont ministres de Dieu s’employant constamment à cela même » (v. 6). Le chrétien peut voir chaque représentant des autorités dans l’exercice de sa fonction, comme un serviteur du Seigneur. C’est donc par égard pour Dieu que nous payons nos impôts sans tricher, que nous validons notre titre de transport : « à qui le tribut, le tribut, à qui le péage, le péage », que nous respectons les policiers, les soldats, « à qui la crainte, la crainte », que nous honorons le président, le gouvernement, le maire « à qui l’honneur, l’honneur » (v. 7).

Conclusion

En résumé, on peut retirer de notre parcours à travers ces textes les éléments d’information suivants, qui ne se veulent pas exhaustifs :
• L’autorité est établie par Dieu, dans la société civile, comme dans le monde du travail.
• Ses dépositaires doivent être humains, humbles, exemplaires, soumis eux-mêmes à des contrôles et ils doivent faire confiance à leurs subordonnés, qu’ils prennent soin de faire grandir.
• Nous nous soumettons à l’autorité avec respect et empressement, car nous le faisons pour la gloire du Seigneur, notre vrai et seul Maître.
• En cas de contradiction absolue entre les ordres des autorités et ceux du Seigneur, nous le suivons, lui, quitte à en subir les conséquences.


« C’est qui le chef ici ? »

Aucune entité n’est viable dans le temps sans structure d’autorité.

L’Église  de Jésus Christ ne fait pas exception. Mais qui y détient l’autorité ?

L’Église[note] Nous utiliserons la majuscule pour l’Église universelle et la minuscule pour une église locale.[/note] étant à la fois une œuvre de Dieu et un ensemble d’êtres humains, l’autorité dans l’Église est à la fois divine et humaine.

L’autorité divine

Le N.T. présente l’autorité divine sur l’Église comme ressortant des trois personnes de la Trinité.

L’autorité de Dieu

Dieu est souverain sur toutes choses — et donc sur l’Église :
 L’Église lui appartient : Paul demande aux anciens d’Éphèse de « paître l’Église de Dieu, qu’il s’est acquise son propre sang » (Act 20.28).
 C’est lui qui enseigne la façon de « se conduire dans la maison de Dieu, qui est l’Église du Dieu vivant » (1 Tim 3.15).
 Dieu y habite par son Esprit (Éph 2.22) et il a, de ce fait, pleine autorité pour décider « chez lui ».

L’autorité de Jésus-Christ

L’autorité de Jésus sur son Église est attestée à de multiples reprises par le N.T. :
 C’est lui qui la bâtit (Mat 16.18).
 L’Église lui est soumise. Paul présente cette soumission comme un fait, qui est à la fois un exemple et un motif pour la soumission dans le couple : « De même que l’Église est soumise à Christ »… (Éph 5.24).
 La primauté de Christ dans la nouvelle création le place comme « tête (ou chef) du corps de l’Église » (Col 1.18).
 Jésus-Christ est le fondement de l’Église, sa pierre angulaire (Éph 2.20).
 Mais les textes, où l’autorité de Jésus sur son Église est la plus marquée sont les lettres aux sept églises locales de l’Apocalypse : C’est lui qui marche au milieu des sept chandeliers d’or, symboles de ces églises (Apoc 1.20) ; c’est lui qui se présente revêtu des multiples attributs de son autorité ; c’est lui qui scrute et estime l’état spirituel exact de chacune ; c’est lui qui prononce les avertissements nécessaires, pouvant aller jusqu’à la menace d’ôter le chandelier de sa place (Apoc 2.5).

L’autorité de l’Esprit saint

 Ces mêmes sept lettres d’Apocalypse 2 et 3 se terminent par ce refrain : « Que celui qui a des oreilles entende ce que l’Esprit dit aux églises. » La parole du Fils de l’homme est transmise aux églises par la voix de l’Esprit.
 L’Esprit habite collectivement dans l’Église et dans chaque église locale (1 Cor 3.16).
 Il donne des ordres à l’Église et inspire ses décisions. Lors du « concile » de Jérusalem, la lettre de conclusion comporte cette expression : « Il a paru bon au Saint-Esprit et à nous » (Act 15.28). Les frères et sœurs rassemblés avaient la conviction que l’Esprit les avait dirigés pour la décision prise.

Peu de chrétiens contesteront les textes ci-dessus. Mais en pratique, qu’en est-il ? Avons-nous toujours conscience que nous sommes dans la maison de Dieu et pas chez nous pour faire ce qui nous semble bon ? que nos décisions doivent être guidées par l’Esprit et non lui être attribuées ex post ? que la seigneurie de Christ sur son Église passe aussi par la reconnaissance de son autorité sur chacun de ses membres ? etc. L’Église n’est pas avant tout une institution humaine mais une œuvre divine. Une crainte respectueuse, non dénuée d’une confiance heureuse, est donc appropriée quand nous parlons de l’Église, quand nous agissons dans l’église locale ou lorsque nous sommes amenés à y prendre des décisions.

L’autorité humaine

L’Église est avant tout une institution divine, mais composée d’humains et confiée à eux. À l’autorité divine, qui reste toujours ultime, s’ajoute aussi une autorité humaine, qui se décline sous trois aspects.

L’autorité des apôtres

Les apôtres forment une catégorie spécifique dans l’Église du N.T. Dans le groupe initial de douze, Judas a été remplacé par Matthias ; puis s’ajoute Paul, dont l’apostolat particulier est souvent mentionné en tête de ses lettres et longuement défendu dans 1 et 2 Corinthiens. D’autres apôtres, comme Barnabas (Act 14.14) ou Jacques le frère du Seigneur (Gal 1.19), sont également reconnus comme tels. Leur rôle principal semble avoir été de fonder de nombreuses églises, comme en témoignent les voyages missionnaires de Paul.  [note]À noter au passage que rien dans le N.T. n’indique que l’église locale de Rome, qui a pris une telle importance au cours des siècles, ait été fondée par un apôtre ; bien au contraire, les attestations vont plutôt dans le sens d’une église qui n’a accueilli Paul (de façon certaine) ou Pierre (peut-être) que bien après sa création..[/note]
Si le seul fondement de l’Église est Jésus-Christ lui-même (1 Cor 3.11), le rôle des apôtres a été majeur. Paul, en changeant légèrement l’image, dit aux Éphésiens : « Vous avez été édifiés sur le fondement des apôtres et des prophètes, Jésus-Christ lui-même étant la pierre angulaire » (Éph 2.20).
Les apôtres disposaient de la part de Dieu d’une autorité unique. Pierre avait reçu du Seigneur les clés du royaume, qu’il utilisa pour ouvrir l’Église aux Juifs (Act 2), aux Samaritains (Act 8) puis aux païens (Act 10-11). Leur rôle prééminent explique leur mention en tête de la lettre conclusive du concile de Jérusalem (Act 15.22,23).
L’autorité spécifique des apôtres résidait avant tout dans l’enseignement normatif qu’ils donnaient aux églises, soit par oral, soit par écrit. Paul « ordonne dans toutes les églises » (1 Cor 7.17). Il délègue son autorité à certains de ses collaborateurs : « Dis ces choses, exhorte, et reprends, avec une pleine autorité », enjoint-il à Tite en mission difficile en Crète (Tite 2.15). « Déclare ces choses et enseigne-les » dit-il à Timothée en mission non moins difficile à Éphèse (1 Tim 4.11).
Cependant cette autorité réelle allait de pair avec une démarche pleine de grâce : « Nous aurions pu nous imposer avec autorité comme apôtres de Christ, mais nous avons été pleins de douceur au milieu de vous » (1 Thes 2.6,7). L’autorité des apôtres se recommandait avant tout par leur conduite.
À l’occasion, cette autorité pouvait malgré tout comporter une capacité de discipline. À des Corinthiens indifférents au mal moral présent parmi eux, Paul dit : « Pour moi, absent de corps, mais présent d’esprit, j’ai déjà jugé, comme si j’étais présent, celui qui a commis un tel acte. Au nom du Seigneur Jésus, vous et mon esprit étant assemblés avec la puissance de notre Seigneur Jésus, qu’un tel homme soit livré à Satan pour la destruction de la chair, afin que l’esprit soit sauvé au jour du Seigneur Jésus » (1 Cor 5.3-5). Il réitère dans sa seconde lettre à cette même église à propos des faux apôtres qui cherchent à dominer l’église : « Lorsque j’étais présent pour la seconde fois, j’ai déjà dit, et aujourd’hui que je suis absent je dis encore d’avance à ceux qui ont péché précédemment et à tous les autres que, si je retourne chez vous, je n’userai d’aucun ménagement. […] J’écris ces choses étant absent, afin que, présent, je n’aie pas à user de rigueur, selon l’autorité que le Seigneur m’a donnée pour l’édification et non pour la destruction » (2 Cor 13.2,10).
Qu’en est-il aujourd’hui ? Nulle part le N.T. ne suggère que les apôtres aient eu des successeurs ayant la même autorité. Paul, dans ses recommandations aux anciens d’Éphèse, les remet à « Dieu et à la parole de sa grâce » (Act 20.32). L’autorité apostolique est aujourd’hui celle de leurs écrits inspirés, conservés pour nous dans le N.T. C’est dans la fidélité à ce qu’ils nous enseignent que l’Église continuera à respecter l’autorité des apôtres.

L’autorité des anciens

Une église, pour pouvoir fonctionner correctement, doit avoir une structure d’autorité interne. L’illusion égalitariste, faussement étayée par des textes sortis de leur contexte, pourrait faire miroiter que tout membre, quelle que soit sa maturité, sa spiritualité, sa conduite, a la même autorité, mais tel n’est pas l’enseignement du N.T. Il indique dès le début que le fondement des premières églises s’est articulé autour d’anciens (Act 14.23).
Quatre termes sont employés dans le N.T. pour désigner des offices comparables [note]Comparez Act 20.28 ; 1 Pi 5.1-2 ; Héb 13.7 pour apprécier l’équivalence.[/note] :
– « anciens » — qui met l’accent sur leur expérience chrétienne et leur maturité ;
– « surveillants » (traduit aussi par « évêques [note]Le terme (retenu par la NEG) a pris au cours de l’histoire de l’Église une connotation trop différente du sens initial pour qu’on ne lui préfère pas ceux de « dirigeants » (BFC, Semeur) ou « responsables » (S21, PDV).[/note] ») — qui met l’accent sur leur l’intérêt aux personnes de l’église ;
– « conducteurs » — avec l’accent sur leur leadership et sur la direction ;
– « pasteurs » — qui met l’accent sur les soins à apporter aux membres.
Les anciens sont toujours mentionnés au pluriel ; ils forment un « corps » ou un « collège » (1 Tim 4.14 ; cf. Phil 1.1). Ils sont attachés à une église locale spécifique (Act 14.23 ; cf. Tite 1.5), sans autorité sur les autres églises, contrairement aux apôtres.
Ils ont certes une fonction de direction, à laquelle une autorité est attachée, mais l’accent particulier du N.T. tombe avant tout sur leurs qualités morales — d’où les listes d’aptitudes requises de 1 Timothée 3 et Tite 1 — et sur leur manière de se conduire. Ils doivent illustrer la parole du Seigneur : « Que le plus grand parmi vous soit comme le plus petit, et celui qui gouverne comme celui qui sert » (Luc 22.26). L’autorité d’un dirigeant politique est liée à sa fonction et non à ses qualités morales personnelles [note]Par exemple, Paul et Pierre enjoignent d’obéir au « roi » qui était Néron à l’époque, pas précisément un exemple de vertu morale ![/note] tandis que, dans l’église, tout dirigeant doit se recommander « à tous égards » par une conduite irréprochable, en particulier lorsque le contexte est difficile (cf. 2 Cor 6.4-10). Les anciens ne doivent pas dominer sur leurs fidèles, mais être pour eux des modèles (1 Pi 5.3), en particulier dans leur esprit de service. Leur autorité ne s’impose pas de façon coercitive mais tient avant tout à l’Écriture qu’ils doivent enseigner avec fidélité et persuasion (1 Tim 3.2 ; Tite 1.9) et à l’amour qu’ils montrent pour le troupeau.
Le N.T. ne donne pas de liste de domaines où s’exerce directement l’autorité des anciens ; il laisse, ici comme ailleurs, une large place pour adapter les principes à l’infinie variété des situations locales. Il indique cependant que les membres d’une église doivent obéir aux anciens (Héb 13.17), en particulier les plus jeunes (1 Pi 5.5).

L’ensemble de l’église locale

L’Église est présentée comme composée de personnes qui bénéficient du même salut, possèdent le même Esprit et jouissent d’un égal accès direct au Père par Jésus (cf. Éph 4.4-6). Rien n’est plus éloigné de la pensée du N.T. que de distinguer des castes ou des catégories d’importance ou de sainteté différentes entre les chrétiens (cf. Jac 2.1-13). Même Pierre peut dire qu’il n’est qu’un ancien parmi d’autres (1 Pi 5.1). C’est pourquoi l’autorité dans l’Église, du point de vue humain, est avant tout confiée à l’ensemble des croyants. Quelques exemples pour illustrer ce point :
 Lors du concile de Jérusalem, toute l’assemblée est impliquée : « Il parut bon aux apôtres et aux anciens, et à toute l’Église » (Act 15.22). L’église locale a donc autorité pour prendre des décisions engageantes pour l’ensemble.
 Lors de difficultés entre frères, après une démarche personnelle puis à quelques-uns, Jésus dit : « S’il refuse de les écouter, dis-le à l’église ; et s’il refuse aussi d’écouter l’église, qu’il soit pour toi comme un païen et un publicain » (Mat 18.17). L’église est donc l’instance ultime pour exercer l’autorité.
 Dans le cas de l’homme incestueux de Corinthe, Paul leur demande de s’assembler pour juger cet homme (1 Cor 5.4) et c’est bien « le plus grand nombre » qui lui a infligé le châtiment d’après 2 Cor 2.6. La discipline ecclésiastique ultime, l’excommunication, est donc du ressort de l’ensemble de l’église locale. Attendre l’unanimité est sans doute illusoire, mais il importe que la pensée commune émane d’une très large majorité des membres, après un examen sérieux et honnête de toute objection.

Une décision de l’église locale ou des anciens n’est pas infaillible et il peut s’avérer qu’elle doive être remise en question, à la lumière de nouveaux éléments, d’une conviction différente formée par l’Esprit ou d’une meilleure compréhension de l’Écriture. Le reconnaître n’affaiblira pas l’autorité — bien au contraire : Cela démontrera la soumission de l’Église à son Chef.

Conclusion

Selon le N.T., dans l’Église d’aujourd’hui, l’autorité ressort donc avant tout 1° de Dieu en Jésus, par son Esprit, à la lumière de sa Parole, mais aussi 2° des anciens reconnus de l’église locale et 3° de l’ensemble de la communauté. L’équilibre entre ces trois « pôles » d’autorité est délicat et l’histoire de l’Église témoigne des déséquilibres qui sont vite apparus en faveur de tel pôle au détriment des autres. Que chaque église locale, dans la prière et l’étude approfondie de la Parole, éclairée par les plus expérimentés que Dieu a mis à sa tête, vive paisiblement la mise en œuvre de cette autorité pour le bien de chacun des membres.


« Que chacun se soumette aux autorités qui nous gouvernent, car toute autorité vient de Dieu. » (Rom 13.1)  « Que chacun se soumette aux autorités qui nous gouvernent, car toute autorité vient de Dieu. » (Rom 13.1)  

« À cause du Seigneur, soumettez-vous à toutes les institutions établies parmi les hommes. » (1 Pi 2.13)

Dans la bouche de Paul et de Pierre, ces deux impératifs appellent la soumission à toutes les autorités, sans condition ni interprétation possible du texte.

Dans les temps troublés que traversent nos sociétés, un individualisme exacerbé se développe et refuse, parfois ouvertement, toute autorité contraignante. Alors la perte des repères traditionnels, la violence des relations et le sentiment d’insécurité peuvent conduire à souhaiter un pouvoir, voire un homme, fort, capable de faire respecter la loi et l’ordre. La tradition légitimiste des chrétiens et le soutien de l’Église historique aux pouvoirs en place peuvent nous amener à manquer de discernement en donnant un caractère absolu et sans nuance à ces textes. Plusieurs raisons liées notamment à l’approche biblique du sujet de l’autorité invitent toutefois à la vigilance et à l’équilibre dans les choix éthiques liés à la soumission.
Afin d’éclairer la proposition d’une approche vigilante et peut-être moins inconditionnelle de la soumission, nous nous livrerons à un parcours très sommaire dans l’histoire de la royauté en Israël. Nous chercherons ensuite, dans la vie et les paroles de Jésus, quelques leçons sur l’autorité. L’exercice de celle-ci n’étant ni arbitraire ni absolu, nous essaierons d’en dégager le cadre biblique.

Un rapide parcours biblique

• L’origine

L’autorité souveraine et absolue est toujours la prérogative de Dieu et de lui seul (Job 33.12,13 ; Act 1.7 ; 1 Tim.6.15 ). L’homme n’a de liberté d’agir ou d’exercer une autorité sur d’autres que dans le cadre d’une délégation et dans la dépendance de Dieu (Gen 1.26, 28 ; 2.15-17 ; Jean 19.10,11). Le refus de la créature de dépendre de Dieu son créateur provoque en l’humain un esprit de convoitise et de toute-puissance, une volonté de domination de l’autre jamais satisfaite (Gen 3.16 ; 4.23) et la tentation d’usurper arbitrairement une autorité vite transformée en pouvoir autoritaire.

• La faillite de la royauté en Israël

La royauté en Israël est une initiative du peuple qui ne correspond pas au plan de Dieu. Le peuple manifeste le rejet de l’autorité divine et la volonté de se conformer aux nations voisines, même au risque d’y perdre sa liberté. Dieu accepte mais avertit le peuple et prévoit des contre-pouvoirs (la loi et le prophète) : le roi n’est pas au-dessus de la loi (dix commandements, Torah) et la présence des prophètes et des sacrificateurs évoque déjà une séparation des pouvoirs (Lire Deut 17.8-20 ; 28.36 et 1 Sam 8).
Le livre des Juges donne une illustration saisissante avec la demande des hommes d’Israël à Gédéon : « Domine sur nous […] et Gédéon leur dit : Je ne dominerai point sur vous […] l’Éternel dominera sur vous » (8.22,23). Malgré la prophétie de Jotham et la belle parabole des arbres et de l’épine, le peuple qui oublie son Dieu (8.34) n’hésite pas à confier son avenir à Abimélec, usurpateur sanguinaire. Le premier roi en Israël, autoritaire et violent, termine son règne dans les massacres de la première guerre civile.
Le long règne de Salomon, si bien commencé, se termine mal. Son fils Roboam ne comprend pas l’appel du peuple et le conseil des vieillards : 1 Rois 12 : « ton père a exercé une dure domination sur nous […] toi allège le dur service […] deviens serviteur de ce peuple ». Il n’écoute pas son peuple et préfère imposer une royauté plus autoritaire que son père. Ce sera l’origine de la division du peuple.
À la fin de l’histoire de la royauté en Juda, les prophètes Jérémie (22 et 23) et Ézéchiel (34) avertissent les souverains et les invitent à régner en justice, comme des serviteurs et des bergers de leur peuple.

Jésus et l’autorité, la vraie nature de l’autorité

La vie et la condamnation du Seigneur Jésus illustrent remarquablement la question de l’autorité

• La vie de Jésus met en évidence les deux points d’appui d’une vraie autorité

– Une légitimité conférée par la loi ou une autorité supérieure : Jésus est reconnu par Dieu lui-même publiquement : « Celui-ci est mon Fils bien aimé, en qui j’ai trouvé mon plaisir : Écoutez-le » (Mat 3.17 ; 17.5). Il montre sa puissance sur les esprits (Luc 4.36) et sur les éléments (Mat 8.27),
– Une qualité morale qui donne sa crédibilité à l’autorité : Jésus n’a jamais revendiqué l’autorité ou le pouvoir pour lui-même ni agi de manière autoritaire. L’autorité de Jésus repose sur une qualité morale irréprochable et une cohérence sans faille entre ses actes et sa parole ; elle se révèle dans le service, l’enseignement (Act 1.1 ; Mat 7.29) ; les paroles (Luc 4.32) ; l’attention et le respect des plus petits Elle s’impose sans autoritarisme comme une évidence (cf. appel des disciples Mat 9.9).     Jésus montre ainsi que l’autorité véritable n’a besoin ni d’attitude de persuasion, ni d’une position hiérarchique, ni de manipulation, ni de menace ou de recours à la force pour être reconnue et respectée.

• Jésus et les autorités de son temps

Les responsables religieux et civils de son temps se sont constamment confrontés à Jésus. Un homme dont l’autorité vraie et désintéressée mettait en évidence les dérives de l’autorité devenue un pouvoir au service de ceux qui le détiennent (Mat 23).
Très tôt les « autorités » religieuses ont cherché à se débarrasser de lui, n’hésitant pas pour cela à se compromettre avec des autorités civiles et militaires honnies, pour faire aboutir leur projet. Les unes et les autres se montrent alors capables d’agir au mépris de toute justice.
Devant les prétentions et l’opposition des autorités, religieuses en particulier, Jésus fait preuve de dignité, de courage et d’une résistance à tout ce qui entrave son ministère. Contrairement à ce qui a trop souvent été le cas de l’Église professante et des institutions religieuses, Jésus se place du côté des humbles et non du pouvoir en place et des puissants.
Les paroles et l’exemple du Seigneur nous invitent alors à une réflexion sur l’exercice de l’autorité et sur les conditions et limites de la soumission.

Autorité et soumission dans les différents types de relations

Dans chaque type de relation, l’invitation claire à la soumission est toujours accompagnée d’avertissements qui limitent l’exercice de l’autorité pour prévenir les dérives autoritaires et leur cortège d’injustices, d’abus et de maltraitance :

•   Dans le couple, la domination de l’homme sur la femme est le résultat du péché (Gen 3.16). L’homme et la femme sont chacun au service de l’autre dans un respect libre et réciproque (1 Cor 7.3-4) ; l’invitation faite aux femmes de se soumettre à leur mari est très soigneusement encadrée par le rappel de la soumission réciproque de chacun des conjoints et l’invitation insistante à un amour sans faille à l’image du Christ pour l’Église (Éph 5.21-33).

•   Dans la famille, l’autorité du père est pleinement reconnue ; elle est indispensable au développement harmonieux de la personnalité de l’enfant et à son éducation dans le Seigneur. La Bible lui fixe des limites avec l’invitation à la douceur (1 Tim 3.3), à ne pas décourager, provoquer ou exaspérer la fragilité de l’enfant (Éph 6.4 et Col 3.21).

•   Dans l’Église, le Seigneur Jésus, chef de l’Église, appelle des pasteurs / bergers, des anciens / surveillants ; il leur confère une autorité pour prendre soin de son troupeau et le protéger des doctrines erronées ou perverses (Act 20.28-31), de désordres moraux, des querelles vaines, des verbeux et des cupides (Tite 1.10,11) et de ceux qui veulent être les premiers (3 Jean 9). Les textes sont nombreux pour montrer l’importance de ce service et inviter les fidèles à la reconnaissance et à la soumission aux anciens (1 Tim 3-5 ; Tite). En même temps, les responsables sont mis en garde contre tout autoritarisme : l’édification est le seul but de l’autorité dans l’Église (2 Cor 10.8 ; 13.10) ; la délicatesse et la douceur caractérisent les responsables (1 Tim 5.1-3) ; ils ont des comptes à rendre (Héb 13.17) et ne doivent pas être dominants (1 Pi 5.3). L’exercice collégial des responsabilités devrait éviter le pouvoir personnel abusif.

•   Dans les relations professionnelles, les conditions de chaque époque ne permettent pas d’appliquer sans contextualisation aux employés d’aujourd’hui les exhortations adressées aux esclaves de l’antiquité gréco-romaine. Il est toutefois possible de retenir trois points significatifs : ­
-l’encouragement à la soumission et au respect du maitre, ­
-l’invitation à assurer tout service ou activité comme serviteur du Seigneur, dans la liberté intérieure d’un cœur dont Dieu demeure le motif premier, ­
-la réciprocité demandée aux employeurs avec l’interdiction de toute menace et injustice dans leur management (lire Éph 6.5-9 ; Col 3.22-4.1 ; Jac 5.4)

•   Dans les institutions civiles, tout en commandant la soumission à toutes les institutions établies, l’apôtre Pierre invite les croyants à se comporter en hommes libres. La liberté est ici mise en avant comme premier caractère des serviteurs de Dieu et non comme prétexte à un laxisme immoral (1 Pi 2.13-17). Cette attitude est le fruit d’un engagement devant Dieu dans la dignité de la personne et non dans la peur d’une autorité contraignante dont il est à craindre qu’elle ne devienne de plus en plus liberticide.

Autorité et soumission se vivent dans un cadre donné par Dieu

Les observations qui précèdent permettent de dégager quelques points de cadrage bibliques pour l’exercice de l’autorité :
• Dieu est souverain, unique source de l’autorité et objet premier et dernier de toute soumission. L’attitude du croyant est toujours devant Dieu d’abord (Deut 6.4,5 ;   Act 4.18-20) et à l’écoute de sa volonté.
• L’autorité n’est pas arbitraire mais soumise à un cadre légal : Dans l’Israël de l’Ancien Testament, la loi s’impose au roi comme à ses sujets (Deut 17.18-20). Aujourd’hui encore, de façon plus ou moins réussie, les États non tyranniques se présentent comme des États de droit.
• L’autorité est toujours au service de l’être humain pour son bien (Rom 13.4). Elle protège le plus faible de la loi du plus fort et permet le « vivre ensemble ». Elle n’est jamais au service d’une institution. Elle n’est pas une fin en soi, mais offre un cadre protecteur qui permet la croissance et vise à établir chacun dans sa liberté jusqu’à la maturité. Ainsi l’enfant mineur est soumis à l’autorité de ses parents ou d’un tuteur jusqu’à sa majorité (Gal 4.2).
• L’autorité et la justice sont indispensables à la vie collective (Ecc 8.11). Mais l’histoire biblique et l’histoire profane alertent continuellement sur le danger de dérive autoritaire vers le népotisme et le pouvoir personnel corrompu. L’utilisation de la force marque alors plutôt l’échec de l’éducation et de la transmission.
• Les paroles et l’exemple du Seigneur Jésus donnent l’antidote à cette tentation de la toute-puissance en montrant la vraie nature de l’autorité selon Dieu : que celui qui commande soit comme celui qui sert (Luc 22.26).

Le croyant et l’autorité, l’invitation à la soumission n’exclut pas la vigilance

• Le croyant est encouragé à ne pas se conformer à la pensée dominante formatée par des « influenceurs » et des média omniprésents, puis souvent traduite dans le Droit. Son intelligence est renouvelée en permanence pour discerner la volonté de Dieu, ce qui est bon, agréable et parfait. Le paragraphe introductif des chapitres 12 à 16 de la lettre aux Romains montre les caractères de la vie nouvelle dans l’Évangile et la puissance de l’Esprit. La soumission aux autorités (13.1-7) ne peut donc être inconditionnelle mais doit se vivre dans la vigilance et l’éclairage de ces textes.
•  Le Seigneur Jésus enseigne aux disciples, d’une part la primauté de la liberté de conscience devant Dieu (n’appelez personne votre père, un seul est votre chef, c’est le Christ) et d’autre part la vraie nature de toute autorité qui renonce à toute domination pour le service de l’autre dans l’humilité (Mat 23.8-12). Comme toujours il est important de ne pas esquiver la radicalité des paroles du Seigneur.
• Après la guérison de l’homme boiteux et la progression fulgurante de l’Évangile, les autorités religieuses interdisent aux disciples de parler ou d’enseigner au nom de Jésus. La réponse de Pierre et Jean établit d’abord un principe général : « Est-il juste, devant Dieu, de vous écouter, vous, plutôt que Dieu » avant de le décliner pour la situation du moment (Act 4.18-20).  Tous nos choix, notre éthique de vie (pas seulement la liberté d’annoncer l’Évangile) sont donc devant Dieu éclairés par sa Parole, avant toute soumission aux autorités.
• « Rendez à l’empereur ce qui est à l’empereur et à Dieu ce qui est à Dieu. » La réponse de Jésus au piège des religieux concerne le paiement de l’impôt (Marc 12.17). Il n’est pas du tout anodin que la première application que Paul tire du commandement de se soumettre aux autorités concerne le consentement à l’impôt et à son paiement (Rom 13.6,7). En particulier à une époque où évasion et fraude fiscales mettent en péril le budget des États, en appelons-nous à l’autorité seulement pour lutter contre les incivilités et l’insécurité ? La réponse de Jésus invite certainement d’abord à rendre à Dieu tout ce qui est à Dieu, manifestant là encore la primauté de la soumission à Dieu avant les autorités dans tous les aspects de la vie.

L’une des dernières paroles du Seigneur aux disciples nous servira de conclusion. Juste après le partage du repas et avant son arrestation, alors que déjà s’élevait entre eux le poison de la rivalité et de l’ambition : « Les rois des nations les dominent et ceux qui exercent le pouvoir se font appeler bienfaiteurs. Que cela ne soit pas votre cas […] que celui qui commande soit comme celui qui sert ? MOI, je suis au milieu de vous comme celui qui sert. » (Luc 22.24-30 – Colombe).


1) Une famille de trois mots

Le mot « autorité » apparait une quarantaine de fois dans le Nouveau Testament NEG. Mais le mot original exousia apparaît deux fois plus souvent dans le texte original du N.T. Cette différence est due au fait que ce mot exousia est traduit en français par des mots très variés : autorité, mais aussi droit, pouvoir, puissance, possibilité, autorisation, juridiction, gouvernement.Pour mieux comprendre ce que le mot autorité représente dans le N.T., il est utile de repérer et étudier les versets qui contiennent ces différentes traductions du mot exousia (ce mot est référencé comme n°1849 dans la concordance « Strong »).Ce mot exousia n’est pas un solitaire ; il appartient à une famille de trois mots. Faisons connaissance avec cette fratrie.

2) Exesti

Le verbe impersonnel exesti signifie : il est permis, il est possible. Ce mot exprime :
• une permission générale, accordée ou non par une autorité (Jean 18.31) ;
• ou bien une permission personnelle spéciale (Act 2.29 ; 21.37 ; = permettez-moi de vous dire…) ;
• ou bien encore une permission qu’on se donne à soi-même (1 Cor 6.12).

3) Exousiazo

Le verbe exesti a fourni le nom exousia qui a fourni à son tour le verbe exousiazo, exercer une autorité, contrôler, maîtriser, dominer.Un texte prend un relief intéressant quand on y repère exesti et exousiazo :« …tout m’est permis (exesti), mais je ne me laisserai pas asservir (exousiazo) par quoi que ce soit » (1 Cor 6.12).Traduction libre : « …j’ai le pouvoir (= la permission, l’autorité) de tout faire mais je ne laisserai rien prendre le pouvoir (= le contrôle, l’autorité) sur moi ».

4) Exousia

Exousia indique d’abord la liberté d’action qui résulte d’une permission, cette liberté devient un droit (Jean 1.12 ; 1 Cor 9.5-6 ; 2 Thes 3.9) ou une autorisation. Paul avait ainsi la permission de la part des principaux sacrificateurs d’arrêter des chrétiens (Act 9.14). Cela lui a donné l’autorité légitime pour les persécuter. Puis il a reçu du Seigneur une permission / autorisation / autorité pour construire — et non démolir — l’Église (2 Cor 10.8 ; NBS) ; cela constituait son autorité d’apôtre.Le mot au pluriel désigne des personnages qui exercent l’autorité, comme en français « les autorités ». Il en existe sur la terre (les autorités civiles, Rom 13.1-2) et dans le domaine de Satan (les délégués de Satan, Col 1.13 ; 2.15).→ L’autorité au sens du N.T. insiste sur le statut ou le droit d’une personne, son domaine de compétence ou l’étendue géographique de sa compétence (juridiction, Luc 19.17 ; 23.7).

5) Conclusion

Un survol des textes du N.T. mentionnant l’autorité suggère les remarques suivantes :
• Les autorités spirituelles ont été dépouillées (Col 2.15) mais pas encore anéanties. Elles sont l’ancrage de la mauvaise autorité, mélange toxique de mensonge, de manipulation et d’orgueil ; cette autorité est nuisible, elle opprime, prive de liberté, appauvrit, vise la destruction et la mort (Jean 10.10).
• L’autorité du Seigneur a été renforcée par son œuvre parfaite ; elle est universelle et totale (Mat 28.18). Dieu a souverainement élevé son Fils Jésus-Christ ; il est digne de louange ! (Phil 2.9-11) Cette autorité est juste, bienveillante, bienfaisante, bénissante, stimulante, créatrice, créative, libératrice, progressiste. Elle donne un cadre où se développent la vie, la justice et l’amour. L’autorité divine est l’ancrage de l’autorité dans la famille chrétienne, dans l’Église, dans le Royaume de Dieu. Elle est le modèle pour l’enfant de Dieu.
• Le croyant reconnaît et reflète l’autorité divine. Il s’approprie les permissions que Dieu lui accorde et les mandats qu’il lui délègue. Sa capacité et son autorité viennent de Dieu (2 Cor 3.5 ; 10.8). Il reste humble comme le Seigneur (Phil 2.1-11) en attendant la récompense de Dieu (2 Tim 4.8).