PROMESSES

L’apôtre Paul a fait une expérience déterminante pour toute sa vie et tout son enseignement : « Ce qui était pour moi un gain (origine, nationalité, statut, comportement religieux…), je l’ai considéré comme une perte à cause du Christ. […] À cause de lui j’ai accepté de tout perdre, et je considère tout comme des ordures afin de gagner le Christ. » (Phil 3.7-8) En l’occurrence il ne s’agit pas pour Paul de fortune financière, mais d’un capital religieux et social – une richesse qu’il a dû laisser pour être trouvé pauvre afin d’être en état de recevoir la grâce, la richesse de Jésus-Christ en lui. « Être en état de grâce » : ce n’est pas être au sommet de la spiritualité, mais au pied de la Croix où se révèle, pour être détruite, notre véritable condition humaine. (p.17)

[…] L’appel réitéré dans l’Ancien Testament à la justice et à la solidarité se réfère constamment à l’état de dénuement initial du peuple élu. Il doit en être de même pour nous :

  • La doctrine du salut par la grâce n’est pas une théorie confortable.
  • Elle n’est pas simplement non plus une incitation à une louange quelque peu éthérée.
  • Elle nous fait comprendre le cœur du Dieu dont nous sommes les témoins dans ce monde.
  • Elle nous appelle à être miséricordieux comme notre Père est miséricordieux et nous a fait miséricorde.
  • Elle nous contraint à reconnaître que nous sommes des pauvres secourus, et qu’alors, nous serions indignes du Royaume de Dieu si nous oubliions d’être secourables envers les pauvres qui nous entourent.

C’est là, et là seulement, que se trouve le fondement d’une éthique chrétienne de la pauvreté. (p.19)

Cet article est un extrait adapté de l’ouvrage de Jacques Blandenier Les pauvres avec nous – La lutte contre la pauvreté selon la Bible et dans l’histoire de l’Église paru aux Éditions de la Ligue pour la Lecture de la Bible (LLB) – collection « Le Défi Michée »

Texte original

L’apôtre Paul a fait cette expérience déterminante pour toute sa vie et tout son enseignement : « Ce qui était pour moi un gain (origine, nationalité, statut, comportement religieux…), je l’ai considéré comme une perte à cause du Christ. […] À cause de lui j’ai accepté de tout perdre, et je considère tout comme des ordures afin de gagner le Christ. » (Phil 3.7-8) En l’occurrence il ne s’agit pas pour Paul de fortune financière, mais d’un capital religieux et social – une richesse qu’il a dû laisser pour être trouvé pauvre afin d’être en état de recevoir la grâce, la richesse de Jésus-Christ en lui. « Être en état de grâce » : ce n’est pas être au sommet de la spiritualité, mais au pied de la Croix où se révèle, pour être détruite, notre véritable condition humaine. (p.17)

[…] L’appel réitéré dans l’Ancien Testament à la justice et à la solidarité se réfère constamment à l’état de dénuement initial du peuple élu. Il doit en être de même pour nous : la doctrine du salut par la grâce n’est pas une théorie confortable. Elle n’est pas simplement non plus une incitation à une louange quelque peu éthérée. Elle nous fait comprendre le cœur du Dieu dont nous sommes les témoins dans ce monde. Elle nous appelle à être miséricordieux comme notre Père est miséricordieux et nous a fait miséricorde. Elle nous contraint à reconnaître que si nous sommes des pauvres secourus, nous serions indignes du Royaume de Dieu s’il nous arrivait d’oublier d’être secourables envers les pauvres qui nous entourent. C’est là, et là seulement, que se trouve le fondement d’une éthique chrétienne de la pauvreté. (p.19)

 


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La dot fait partie des cultures traditionnelles de nombreux pays d’Asie et d’Afrique. Le futur marié remet à la famille de la jeune fille la somme d’argent et les objets qui lui ont été demandés. Dans le passé, c’était parfois l’inverse : par exemple, en France, la famille de la mariée offrait un montant au nouveau couple.
Cette pratique traditionnelle est contestée par une forme de modernité, qui la voit comme un archaïsme tribal, un obstacle à la liberté individuelle, une complication angoissante, inutile, coûteuse en temps et en argent. Et les traditions s’affaiblissent : l’urbanisation coupe les personnes de leurs familles, divers écrans font miroiter d’autres façons de vivre.
Ces tensions se retrouvent parmi les chrétiens. Ils en débattent bien sûr avec des arguments « bibliques ». Certains invoquent la soumission aux autorités et l’honneur dû aux parents. D’autres insistent sur la liberté en Christ et la non-conformité aux habitudes du monde.

Intérêt et risques de la dot

  1. La dot a du sens

La dot traditionnelle établit une alliance entre les deux familles qui stabilise le couple ; elle impose un temps de réflexion avant le mariage ; elle exprime une appréciation du mari pour sa femme ; elle est un geste de reconnaissance pour la famille de l’épouse qui donne une partie d’elle-même, une force vive, un soutien pour la vieillesse. Quand son montant est raisonnable, la dot a du sens.
Il serait donc peu judicieux de balayer la dot comme une tradition dépassée.

  1. La dot comporte des risques

La dot fait intervenir les familles et leur permet ainsi de faciliter et stabiliser un mariage. Elle leur donne aussi un moyen de pression pour imposer un mariage ou au contraire s’y opposer, pas toujours pour de bonnes raisons.
Dans certains cas, les montants exigés sont inaccessibles pour des revenus modestes ; ou bien les procédures propres à la culture communautaire comprennent de nombreuses étapes, chacune impliquant de nouvelles négociations, de nouveaux coûts et un nouveau délai. Le jeune homme risque alors de se décourager et de renoncer au mariage ; ou bien il doit lutter pendant des années pour satisfaire les exigences ; ou bien il se dit qu’il n’a pas le choix : il se met en ménage avec la personne qu’il aime et respecte comme son épouse, espérant finaliser plus tard le mariage coutumier. Souvent le mariage civil est alors bloqué, faute de consentement unanime des familles.
Par ailleurs, la dot ne valorise pas toujours la femme ; dans certaines négociations, elle se sent comme un produit marchandé entre un vendeur et un acheteur. Parfois la dot est totalement dévoyée et tourne à l’escroquerie sordide.

La dot dans la Bible

La dot est-elle fondée sur des principes ou des exemples bibliques ?

  1. L’Ancien Testament n’établit pas la dot

  • Rachel (Gen 29) : Jacob a offert sept ans de service à Laban pour épouser sa deuxième fille Rachel. Laban le dupe et exige encore sept ans de service en plus. Rachel et sa sœur Léa se sont senties « vendues » par leur père (Gen. 31.15). Cette arnaque ne peut pas être qualifiée de dot !
  • Rebecca (Gen 24.53) : le serviteur d’Abraham distribue des cadeaux à son arrivée, notamment à Rebecca. Ce n’est pas une dot négociée avec sa famille.
  • Dina (Gen 33.17-34.8) : Sichem, un cananéen, enlève Dina, fille de Jacob, et couche avec elle. Le père de Sichem offre de payer une forte dot pour arranger la situation. C’est une coutume des Cananéens, pas des Hébreux.
  • La loi de Moïse (Ex 22.16-17) : une dot est exigée quand un homme séduit une vierge non fiancée, qu’il y ait ensuite mariage ou non.
  1. La dot n’apparaît pas dans le Nouveau Testament

Les textes qui parlent du mariage ne mentionnent pas de dot.
Jésus a payé un grand prix pour acquérir l’Église, son épouse, mais pas en argent ou en or : « Ce n’est pas par des choses périssables, par de l’argent ou de l’or, que vous avez été rachetés de la vaine manière de vivre que vous aviez héritée de vos pères, mais par le sang précieux de Christ, comme d’un agneau sans défaut et sans tache » (1 Pi 1.18-19 ; cf. Éph 5.25).

  1. Quelques repères bibliques

La Bible ne justifie pas et n’interdit pas la dot. Voici donc quelques repères pour aider chacun(e) à trouver son chemin :

  • Être soumis aux autorités (Tite 3.1 ; 1 Pi 2.13), tant que cela n’est pas contraire à la volonté de Dieu (Act 5.27).
  • Vivre et transmettre l’amour, la bienveillance, la grâce et la justice de Dieu (Rom 14.17 ; Éph 4.2).
  • Protéger les « petits » (Mat 10.42 ; 18.6).
  • Ne pas être une occasion de chute (Rom 14.13).
  • Ne pas irriter (i.e. provoquer) les enfants (Éph 6.4 ; Col. 3.21) notamment par des demandes irréalistes, égoïstes, manipulatrices ou abusives.
  • Ne pas être cupide (Col 3.5).

Conclusion

La dot n’est ni biblique ni anti-biblique. Elle peut être acceptée dans son principe comme une marque de respect envers les familles et envers les autorités, comme un témoignage public d’amour et d’engagement.
Mais elle ne doit pas devenir une occasion de chute ou de découragement pour les jeunes. Au contraire, les parents chrétiens aiment leurs enfants, l’église aime ses jeunes ; ils se réjouissent de favoriser leur union !


Le titre de ce numéro de Promesses porte en lui-même le thème de cet article : il y a des pauvres et des riches, et donc des inégalités. À partir de quelques données statistiques, nous essayerons de fournir des éléments de cadrage sur le partage des ressources, tant en termes de flux (les revenus) que de stock (le capital possédé), entre pays et au sein d’un même pays. Pour chaque thème, nous ébaucherons une appréciation chrétienne basée sur les principes bibliques.

Les inégalités de revenus entre pays

Le développement économique a été très inégal suivant les pays au cours de l’histoire. Au Moyen-Âge, on estime que la richesse produite était plus élevée en Chine qu’en France. Les découvertes du XVe siècle et le développement commercial qui a suivi, puis les révolutions industrielles ont propulsé l’Europe loin devant, ainsi que plusieurs de ses anciennes colonies (États-Unis, Canada, Australie, Nouvelle-Zélande). Plus récemment, la manne pétrolière a placé plusieurs pétromonarchies du Moyen-Orient parmi les pays les plus riches.
Le plus frappant est que l’échelle des pays selon leur PIB ne coïncide pas avec celle de leurs ressources naturelles : plusieurs pays parmi les mieux dotés (par exemple, la RDC) sont parmi les plus pauvres.
Le Qatari moyen a produit en 2019 une richesse 183 fois plus importante que l’habitant moyen du Burundi.
Ces inégalités sont source de tensions internationales qui vont aller croissant en raison de la mondialisation (qui fait miroiter sur le smartphone les pays occidentaux comme des paradis faciles) et de la croissance démographique de certains pays (en particulier en Afrique sub-saharienne).

L’appréciation chrétienne

La Bible relie parfois la prospérité avec la sagesse du gouvernant (cf. Prov 29.4 ; Ecc 10.17). Cette règle souffre de nombreuses exceptions, mais on peut constater que l’incurie des gouvernants explique une partie significative des inégalités entre pays. L’exploitation coloniale a laissé des traces durables, mais ne suffit pas à tout expliquer.
Le chrétien prendra à cœur la situation de pays, même lointains, où les conditions de vie sont difficiles ; il gardera intacte sa capacité d’indignation quand la justice et l’équité sont bafouées. Une attention à la provenance de sa consommation, l’intérêt porté au commerce équitable, etc., sont des petits pas pour aider à réduire ces inégalités. Sur un plan plus collectif, des initiatives chrétiennes comme le Défi Michée ou le SEL[note]Voir les sites : https://www.selfrance.org/ et http://michee-france.org/[/note] visent à interpeller et à sensibiliser sur les traitements injustes dans le monde.

Les inégalités de revenus à l’intérieur d’un pays

Qu’il y ait des inégalités de revenus en fonction de la responsabilité endossée, des efforts fournis, des capacités, etc., n’est pas en soi choquant. C’est l’amplitude des écarts qui pose question.
La part des revenus des plus riches tend à s’accroître dans un même pays :

Un indicateur est la croissance vertigineuse des rémunérations des grands patrons : il y a ne serait-ce que 20 ans, il était souvent de l’ordre de 20 fois le salaire moyen de l’entreprise. Aujourd’hui des multiples de 100 fois ne sont pas rares !
Les mesures prises par les gouvernements libéraux (surtout anglo-saxons) au début des années 1980 pour relancer la croissance après les deux chocs pétroliers ont conduit à baisser le taux de prélèvement maximal des plus riches. La théorie douteuse du « ruissellement » supposait que l’enrichissement des plus aisés conduirait à l’enrichissement des autres strates de la société ; il a été démontré qu’elle était fausse.

L’appréciation chrétienne

Le chrétien est à juste titre révolté par les écarts entre riches et pauvres. Avec lucidité, il comprend que ces différences sont liées aux « structures de péché » induites par la condition actuelle de l’homme. Au-delà d’une éthique personnelle qui a toute son importance sur ce thème, il promouvra les politiques visant à réduire ces inégalités et il se réjouit de l’existence dans de nombreux pays de mesures correctrices, qui visent, par des procédés de redistribution, à combler une (petite) partie des écarts de revenus (cf. 2 Cor 8.15).

Les inégalités de patrimoine

Ce qui est vrai des revenus l’est aussi du patrimoine — et dans une proportion souvent supérieure. Une étude de 2017 menée par l’ONG Oxfam et le Crédit Suisse aboutit à des différences vertigineuses[note]Les critiques méthodologiques qui ont pu être relevées contre cette étude ne remettent pas en cause la pertinence des constats.[/note] :

  • La concentration des richesses est extrême : 62 milliardaires posséderaient autant que la moitié des humains, soit 3,5 milliards de personnes.
  • La plupart des habitants de la Terre n’ont presque pas (ou pas du tout) de patrimoine : 80 % de la population mondiale devrait se contenter de posséder 5,5 % des richesses.
  • Les écarts tendent à s’accroître : 82 % de la richesse créée en 2017 a profité aux 1 % les plus riches : les politiques accommodantes menées par les banques centrales depuis la crise de 2008 ont conduit à une inflation du prix des actifs[note]Ce terme désigne l’ensemble des biens (immobilier, actions, or, liquidités, etc.).[/note] qui a bénéficié avant tout à ceux qui avaient déjà des actifs.

Les pays en développement sont ceux où ces inégalités de patrimoine sont les plus criantes : le patrimoine détenu par les 1 % les plus riches représentait 58 % du total des patrimoines du pays en Inde ou au Brésil, contre 18 % au Japon, 25 % en France et 42 % aux États-Unis.

L’appréciation chrétienne

Accumuler à l’excès est un travers humain que les prophètes (És 5.8), Jésus (Luc 12.18) ou les apôtres (Éph 5.5) ont dénoncé[note] Cette dénonciation ne s’oppose pas à une épargne de précaution mesurée, que d’autres textes bibliques encouragent plutôt.[/note]. Même si, dans certains pays, les impôts sur la fortune, les taxes sur les successions ou sur les biens immobiliers, réduisent un peu les écarts, les disparités restent choquantes. Les dispositions relatives au jubilé qui visaient pour Israël à corriger les biais inévitables vers l’accumulation sont difficiles à transposer aujourd’hui, mais montrent la voie.

La réduction globale de la pauvreté dans le monde

Si les constats précédents sont plutôt désespérants, il convient néanmoins de relever que la pauvreté a fortement reculé ces dernières décennies. En 25 ans (1990-2015), la proportion des personnes vivant en « absolue pauvreté »[note]L’ « absolue pauvreté » est une condition dans laquelle le revenu du ménage est inférieur au niveau nécessaire pour maintenir un niveau de vie de base (nourriture, logement, logement). La Banque mondiale estime ce niveau à 1,90 $ par jour (en parité de pouvoir d’achat).[/note] est passée de 37 % à 9,6 % des humains (soit quand même 700 millions de personnes de trop !). Sur une plus longue échelle, la réduction est encore plus spectaculaire :

 

Cette baisse est d’autant plus remarquable qu’elle s’inscrit dans une dynamique démographique sans précédent : entre 1820 et 2015, la population mondiale est passée de 1,1 à 7,5 milliards d’individus ! Elle a été spectaculaire en Asie — moindre en Afrique qui concentre aujourd’hui la majorité des plus pauvres.

L’appréciation chrétienne

La concomitance de la réduction de la pauvreté et de l’augmentation de la population a démenti les prophéties pessimistes de Malthus (un pasteur anglican !). Par la grâce généreuse de notre Dieu, il a été possible à des milliards de personnes de manger désormais à leur faim et d’accéder aux biens indispensables — même si ce fut au prix d’une consommation des ressources naturelles à un rythme effréné et non soutenable. Le chrétien s’en réjouit, sans se faire d’illusions sur une hypothétique abolition de la pauvreté ; il se rappelle la parole du Maître : « Des pauvres, vous en aurez toujours autour de vous. » (Marc 14.7, Semeur)

Conclusion

La Bible (et surtout le N.T.) insiste davantage sur les comportements individuels que sur les réformes structurelles. Les appréciations qu’en tant que chrétiens nous pouvons porter sur les grands enjeux actuels concernant les richesses nous conduisent à œuvrer, chacun dans notre mesure, dans le sens du « bien » et du « mieux ». Elles ne doivent cependant faire de nous ni des juges « externes » d’un système que nous estimerions condamné (nous y participons tous, nolens volens !), ni des zélateurs ardents de réformes destinées à retrouver le « paradis sur terre » (dont nous savons l’impossibilité tant que le règne effectif de Jésus ne sera pas établi).


Le sujet que je présente est difficile car il est indéniable qu’il y a dans les mouvements liés à l’évangile de la prospérité des choses bonnes et attrayantes, de superbes prédications sur internet, des prédicateurs doués, etc. Toutefois n’oublions pas que le mensonge « tient » uniquement par la part de vérité qu’il contient et que la séduction se doit d’être séduisante.

L’image publique du mouvement

Les promoteurs les plus connus du mouvement[note]

Selon le rapport du CNEF, les personnalités marquantes actuelles du mouvement, aux États-Unis, sont : Kenneth Hagin (Rhèma Bible Church, Tulsa) ; Kenneth & Gloria Copeland (Forth Worth, Texas) ; Robert Tilton (Word of Faith Church, Texas) ; Joël Osteen (Lakewood Church, Houston) ; Jerry Savelle (associé de Copeland) ; Charles & Frances Hunter (City of Light, Texas) ; Charles Capps (Arkansas), Joyce Meyer (Hand of Hope, Saint-Louis), Creflo Dollar (C.D.Ministries). On doit aussi citer les noms de Oral Roberts, Peter Wagner, John Wimber, George Otis Jr., T.L. Osborn…

En 2017, Benny Hinn, le leader mondial des miracles et de l’évangile de la prospérité, menant un train de vie royal (vacances à Dubaï à 25 000 dollars la nuit), a été lâché par son neveu et collaborateur qui a dénoncé sa théologie hérétique : https://www.youtube.com/watch?v=SljEaO9RD3I. Suite à une crise cardiaque et à un rêve où il n’était pas reçu au ciel par le Seigneur, Benny Hinn se remet en question : il vient d’abandonner la pratique de l’évangile de la prospérité qu’il dénonce dorénavant comme « une folie et une offense au Saint Esprit ». Attendons pour voir s’il va restituer au peuple de Dieu les dizaines de millions de dollars détournés…[/note]possèdent de somptueuses villas, de grosses voitures de luxe, des universités, des hôpitaux, des chaînes de télévision avec des millions de téléspectateurs, ils annoncent « leur évangile » dans tous les coins du monde grâce à leur jet privé, lors de « croisades de miracles et de guérisons » qui réunissent des dizaines de milliers d’auditeurs, ils pensent être la quintessence, le flambeau et la gloire des chrétiens des temps de la fin… Ce sont les « hommes du plein évangile », en clair de « l’évangile de la prospérité ». Ils semblent avoir réussi un exploit que notre Seigneur Jésus Christ déclarait lui-même impossible : servir Dieu et, en même temps les richesses.

L’évangile de la prospérité

L’évangile de la prospérité a ses racines dans l’avidité naturelle du cœur humain. S’il trouve son origine dans l’église pentecôtiste aux États-Unis[note]Selon le rapport du CNEF, les personnalités marquantes actuelles du mouvement, aux États-Unis, sont : Kenneth Hagin (Rhèma Bible Church, Tulsa) ; Kenneth & Gloria Copeland (Forth Worth, Texas) ; Robert Tilton (Word of Faith Church, Texas) ; Joël Osteen (Lakewood Church, Houston) ; Jerry Savelle (associé de Copeland) ; Charles & Frances Hunter (City of Light, Texas) ; Charles Capps (Arkansas), Joyce Meyer (Hand of Hope, Saint-Louis), Creflo Dollar (C.D.Ministries). On doit aussi citer les noms de Oral Roberts, Peter Wagner, John Wimber, George Otis Jr., T.L. Osborn…En 2017, Benny Hinn, le leader mondial des miracles et de l’évangile de la prospérité, menant un train de vie royal (vacances à Dubaï à 25 000 dollars la nuit), a été lâché par son neveu et collaborateur qui a dénoncé sa théologie hérétique : https://www.youtube.com/watch?v=SljEaO9RD3I. Suite à une crise cardiaque et à un rêve où il n’était pas reçu au ciel par le Seigneur, Benny Hinn se remet en question : il vient d’abandonner la pratique de l’évangile de la prospérité qu’il dénonce dorénavant comme « une folie et une offense au Saint Esprit ». Attendons pour voir s’il va restituer au peuple de Dieu les dizaines de millions de dollars détournés…[/note], il a grandi avec les télévangélistes américains et a inondé le monde grâce à la mouvance pentecô-charismatique dite de « la troisième vague ».  Ce mouvement, très hétérogène, comporte de nombreuses « écoles », si bien que chacun pourra contester en bonne conscience l’un ou l’autre des aspects sur lesquels j’attire votre attention.

Le principe de base est souvent le « dominionisme[note] Cf. https://soyonsvigilants.org/dominionisme-theologie-de-la-domination/ Selon les nombreuses nuances de « l’évangile de la prospérité », certains ne relient pas automatiquement la possession des richesses à l’objectif de « dominer le monde ».[/note] » tiré de Genèse 1.28 : « Dominez sur les poissons de la mer et sur les oiseaux des cieux, et sur tout être vivant qui se meut sur la terre. » L’explication est la suivante : Il y a une « guerre spirituelle » entre Dieu et ses anges, et Satan et ses démons. Le chrétien devrait aider Dieu dans cette guerre et accéder au pouvoir spirituel et politique. L’Évangile devrait être « puissant » et se manifester obligatoirement par des « signes et prodiges », sans oublier « le nerf de toute guerre », l’argent. « L’argent appartient à Dieu » mais, comme nous sommes des « enfants de Dieu », nous nous devrions de ne plus mener une vie de pauvreté et de misère qui déshonore Dieu, mais une « vie de princes » car c’est à cela que nous serions appelés.

Originaire d’un « pays riche » (l’Amérique), l’évangile de la prospérité a généré rapidement des émules et suscité de nombreuses convoitises de la part de « ceux qui estiment que la piété est une source de gain » (1 Tim 6.5). De nombreux pays sont touchés et même des « pays pauvres » — comme en Afrique — car la formule « Salut, Guérison, Richesses » est une « formule gagnante » aussi simple que séduisante.

Essayons de comprendre le fonctionnement de ce nouvel évangile inconnu de la Bible et des apôtres.

La logique de la prospérité

Elle s’appuie principalement sur deux interprétations tendancieuses de la Bible :

  • La richesse est acquise au chrétien, avec le salut. Elle est l’une des composantes de la « bénédiction d’Abraham » accordée aux païens par l’œuvre de Christ (Gal 3.14). Dieu veut que ses enfants prospèrent matériellement (3 Jean 2), et qu’ils connaissent la réussite, y compris financière (Jos 1.8 ; 1 Chr 20.20 ; Néh 2.20 ; Ps 1.3). « La pauvreté vient de l’Enfer. La prospérité vient du Ciel.[note]Benny Hinn, TBN du 6 novembre 1990.[/note]
  • La doctrine dite de la « compensation ». La technique est de planter un « don semence », « une semence de foi » (cf. Luc 6.38 ; Marc 10.28-30). Dieu se devrait non seulement de vous la rendre, mais de vous la rendre au centuple : « Apprenez à planter l’argent dans le service de Dieu, et il vous rendra une moisson abondante d’argent »[note]T.L. Osborn, La vie comblée, p. 161, cité par Jean-Claude Chabloz et Paul Arnéra, « Le faux évangile de la prospérité », ICHTHUS n° 75 avril-mai 1978, p. 27.[/note]. « Plantez une grosse semence, confessez le résultat, et vous libérez les forces surnaturelles de Dieu. [note]Benny Hinn, TBN du 6 novembre 1990.[/note]

Les ressources financières

  1. L’Église et la dîme

Il n’y a pas que des mouvements charismatiques qui imposent cet impôt aux membres de leurs églises. Mais en ce qui concerne les leaders, ils sont en général à la tête de « megachurches » de milliers de membres. Prenons une église « moyenne » de 5 000 membres. Sur la base d’un salaire moyen de 2 000 euros, cela représente 12 millions d’euros de revenus par an ! L’enseignement est limpide : « Si on n’est pas fidèles dans nos dîmes, on est en train de déshonorer Dieu. Chaque fois qu’on écrit sur un chèque notre dîme Dieu le voit. La dîme c’est un principe divin qui amène la bénédiction dans notre vie terrestre. [note]Jérémy Sourdril, « Prières inspirées ». https://emcitv.com/jeremy-sourdril/video/la-recompense-de-ceux-qui-donnent-dime-offrandes-45823.html et d’autres émissions sur le même thème.[/note]

Les Épîtres ne mentionnent jamais la dîme car le chrétien est sous un régime différent de celui de l’A.T. (1 Cor 16.2)[note]Voir sur ce sujet l’article de D. Shutes dans ce numéro.[/note]

  1. La télévision et internet

Il suffit de faire des appels précis sur sa chaîne de télévision[note] Jimmy Swaggart, un télévangéliste pentecôtiste très connu avait 500 millions d’auditeurs…[/note]. Voici un exemple récent : Pour financer l’achat de son dernier avion, estimé à 54 millions de dollars, le prédicateur Jesse Duplantis a fait un appel aux dons dans une vidéo diffusée le 21 mai 2018 sur son site internet : « Nous croyons en Dieu pour un Falcon 7X tout neuf pour aller partout dans le monde sans escale », affirme le télévangéliste, qui se tient devant des photos de ses trois avions…[note]https://www.20minutes.fr/monde/2281463-20180531-etats-unis-televangeliste-veut-acheter-jet-prive-lance-appel-dons[/note]

  1. Les croisades de guérison et de miracles

Le Seigneur et ses apôtres ont fait de très nombreuses guérisons et Dieu est toujours puissant pour faire des guérisons aujourd’hui, selon sa souveraineté mais il n’y a aucun exemple biblique nous autorisant à « prêcher la guérison ». C’est une dérive dangereuse. Au cours de ces réunions, on place généralement la collecte avant le moment de guérison et on pousse indécemment à la générosité : « Je veux réunir ces 80 000 F ce soir ! … je veux vous mettre au défi… “Donnez et l’on vous donnera” … il ne s’agit pas de donner ce que vous pouvez donner ! Donnez ce que vous ne pouvez pas. Si vous pensez que vous pouvez donner 500 F mais pas 1000, donnez-en 1000. C’est là que se trouve la bénédiction et cela est vrai. »[note]Kenneth E. Hagin, Rachetés de la pauvreté … de la maladie … de la mort, 1986, p. 7-8.[/note]

Beaucoup de ces guérisons sont des illusions qui ne tiennent pas dans le temps et qui ne résistent pas aux contrôles.

  1. Les éditions de livres, vidéo, gadgets évangéliques, etc.

Plusieurs ont, en parallèle, des maisons d’édition où une multitude de livres aux titres alléchants, sont publiés… et parfois même diffusés par nos « librairies évangéliques ».[note]

Voici quelques titres (à ne pas recommander !) en relation avec notre sujet :

Les clefs bibliques de la prospérité financière, de Kenneth Hagin,

La prospérité est la volonté de Dieu, de Gloria Copeland,

Les finances surnaturelles du royaume, de Tijo Thomas…[/note]

Ces livres, parfois diffusés par millions d’exemplaires, sont un apport financier certain. De plus ils participent activement à la diffusion de cet évangile séducteur.

Les dérives doctrinales de l’évangile de la prospérité

Il s’agit d’une synthèse qui regroupe l’ensemble des dérives les plus graves de ces mouvements sur des points fondamentaux. Précisons bien que tous ne peuvent pas être accusés de toutes ces dérives blasphématoires. Ces dérives touchent à :

  • La Bible : Elle est officiellement reconnue comme la Parole de Dieu mais, en pratique, les discours des leaders, les diverses prophéties et visions supplantent l’enseignement clair de la Bible. Il n’y a pas d’étude sérieuse de la Parole mais une manipulation de quelques versets hors contexte pour soutenir l’enseignement donné.
  • Dieu : Il est parfois présenté comme « non trinitaire »[note]De Branham qui était modaliste unitarien à Benny Hinn qui disait qu’il y a 9 personnes en Dieu… (émission du Orlando Christian Center, 13 octobre 1990). Cité par http://www.amourdelaverite.com/Benny%20Hinn%20-%201e%20Partie.shtml   [/note]. Dans le meilleur des cas Dieu, ayant perdu sa puissance et sa souveraineté[note] « Dieu ne peut rien faire sur cette terre si nous ne lui donnons pas la permission par la prière. »  Frederick Price, cité par Gary E. Billey          .  http://www.rapidnet.com/~jbeard/bdm/Psychology/char/more/w-f.htm[/note], est au service de l’homme.[note]Ken L. Sarles, « A Theological Evaluation of the Prosperity Gospel », Bibliotheca Sacra, October-December 1986, p. 343 : « Dans le mouvement de la prospérité l’homme est devenu celui qui commande et Dieu celui qui sert. »[/note] Les dérives principales sont en rapport avec le Saint-Esprit souvent assimilé à une « onction puissante » qui n’a pas de rapport avec l’Esprit de notre Dieu. On va jusqu’à vouloir la récupérer parfois en se couchant sur la tombe d’anciens leaders charismatiques ![note]Cf. https://soyonsvigilants.org/pratique-consistant-a-chercher-lonction-sur-des-tombes/Benny Hinn a fait de même. https://lesarment.com/2015/07/lonction-des-cimetieres-nouvelle-derive-de-lhyper-charismatisme/#_ftn1  https://www.youtube.com/watch?v=vHcRI60j0HI&feature=youtu.be[/note]
  • L’homme : Il est parfois divinisé : « Je suis un homme-Dieu ! … Cet homme spirituel qui est en moi est un homme-Dieu… Dites : Je suis né d’en haut ! Je suis un homme-Dieu ! Un homme-Dieu ! Sur le modèle de Jésus ! Je suis un surhomme ! »[note]Benny Hinn, Trinity Broadcasting Network, le 6 décembre 1990, http://www.tbn.org.[/note] « Tout ce que Jésus était, nous le sommes ! »[note]] Benny Hinn, The Berean Call, 1992, Media Spotlight Special Report, février 1994.[/note]
  • Jésus Christ : Il est le « Fils de Dieu » mais pour certains il n’est pas « Dieu le Fils ». Pour d’autres il s’est vidé (kénose) entièrement de sa divinité. Quant à son œuvre : « Le sang qui été répandu des veines de Jésus ne nous a pas rachetés… »[note]Kenneth Copeland, Personal letter from Kenneth Copeland, Forth Worth, Texas, mars 1979, cité par Simon Keglo, « La théologie de la prospérité : un salut bradé ? », FacRéflexion, n° 42-43, p. 11-12.[/note] mais il a été le premier être humain à naître de nouveau … quand il était en enfer.[note] https://craigbrownsreformedtheology.files.wordpress.com/2011/09/clip-7-joyce-meyer.mp3 Suite à des protestations, Joyce Meyer a renoncé à enseigner cette hérésie.[/note]
  • Le salut : Il doit se concrétiser par des expériences spirituelles tangibles dont, pour beaucoup, la première est « le parler en langues » qui est la porte d’entrée obligatoire pour accéder aux manifestations spirituelles[note]Toutefois, ceux qui promeuvent le « parler en langues » ne soutiennent pas tous l’évangile de la prospérité.[/note]. Malgré cela le salut n’est jamais définitif, il peut toujours se perdre.

Les effets pervers de l’évangile de la prospérité

« Le succès est disponible ici et maintenant… Il dépend de vous de venir et de le recevoir. Si vous n’avez pas le succès, c’est votre faute et non celle de Dieu. […] Vous déterminez votre niveau de succès. Vous faites le choix… Dieu a placé la balle dans votre camp. C’est vous qui donnez le mouvement. »[note]Robert Tilton, God’s Laws of Success, Word of Faith Publications, 1983, p. 28, 60.[/note]

Les effets d’un tel message sont destructeurs pour beaucoup.

  • Non seulement la déception est au rendez-vous pour ceux qui se laissent prendre mais on y ajoute une culpabilité intolérable. Voici le discours tenu : « Vous avez donné 100 euros et vous n’en avez pas reçu 10 000 ? Il y a deux possibilités : soit vous n’avez pas donné tout ce que vous pouviez donner et nous vous invitons à le faire sans tarder, soit c’est parce que vous n’avez pas la foi, car pour nous ça marche ! »[note]Cf. Gloria Copeland, God’s Will is Prosperity, 2012.[/note]
  • La Parole de Dieu est discréditée. On lui fait dire ce qu’elle ne dit pas et on dit aux déçus de « voir directement avec Dieu » car c’est lui qui a fait la promesse !
  • L’ensemble des chrétiens sont discrédités aux yeux des incrédules à cause des scandales financiers, des scandales sexuels, des faux miracles, des fausses prophéties[note]Pierre Grenard, « Argent et sexe… Ils ont cassé la tirelire du bon Dieu », Paris Match, 10 juillet 1987. C’est le moment de la généralisation des « télévangélistes » en Amérique et de l’éclosion des « empires financiers » sur les traces d’Oral Roberts. Il en est toujours de même. http://www.connaitre-la-verite.com/yonggi-cho-condamne-pour-detournement/[/note] ou des « paroles d’autorité » creuses, aussi fausses que prétentieuses, dont la dernière, à l’heure où j’écris ces lignes, est : « J’arrête le coronavirus, au nom de Jésus Christ. »
  • L’Église pauvre et souffrante est totalement méprisée quand elle n’est pas tout simplement ignorée. Les pays en guerre, les chrétiens persécutés, les camps de réfugiés, les pauvres qui sont toujours avec nous (Marc 14.7) sont ignorés ; ils ne sont pas une terre de mission car peu propices à la récolte de fonds. Ces gens-là seraient sous la malédiction de Dieu.[note]Kenneth Hagin, Rachetés de la pauvreté … de la maladie … de la mort.[/note]
  • C’est une exploitation savante et éhontée de la crédulité humaine à des fins mercantiles, c’est le glissement de la foi biblique vers la superstition religieuse. Nous sommes appelés à partager avec les pauvres (2 Cor 8.13-15) mais dans ce faux évangile les pauvres sont toujours dépouillés au profit des riches (Jac 5.1-3).
  • C’est une des nombreuses séductions de la fin des temps ; c’est une caractéristique de l’église de Laodicée qui proclame : « Je suis riche et je me suis enrichie » (Apoc 3.17) et qui ne se rend pas compte que le Seigneur est dehors et qu’il frappe encore à la porte d’un cœur.[note] C’est l’expérience de Costi Hinn qui reconnaît qu’il n’était pas né de nouveau lorsqu’il était assistant de son célèbre oncle, Benny Hinn. http://www.ultimechoix.net/de-levangile-de-prosperite-a-jesus-christ-le-neveu-de-benny-hinn-raconte-sa-conversion/[/note]

Le message de la Bible est clair : « … des hommes corrompus dans leur intelligence et privés de la vérité, qui estiment que la piété est une source de gain. Or la piété avec le contentement est un grand gain […] alors ayant nourriture et vêtement nous serons satisfaits […] Mais ceux qui veulent devenir riches tombent en tentation et dans un piège […] C’est une racine de toutes sortes de maux que l’amour de l’argent ; pour s‘y être livrés certains se sont égarés de la foi […] Mais toi, ô homme de Dieu, fuis ces choses. » (1 Tim 6.5-11)

Y a-t-il des aspects positifs dans l’évangile de la prospérité ?

  • La puissance financière énorme de ces milieux leur donne des moyens d’action exceptionnels. Au sein d’un mélange subtil de bonnes choses et de mauvaises choses, certains auditeurs, par la grâce de Dieu, acceptent le message de la réconciliation avec Dieu par l’œuvre de Jésus Christ…
  • Une partie des sommes considérables collectées sont utilisées pour « l’œuvre » qui peut parfois apporter — comme au Brésil et parfois ailleurs — une amélioration sociale significative : mise en place de cantines, d’écoles du dimanche ou simplement d’écoles. Il y a aussi la diffusion d’une morale chrétienne et une entraide entre « croyants ». Ceux qui n’ont pas d’argent à donner viennent aider gratuitement à la construction de leur église ou à toute autre œuvre au profit de la mission… et cela crée un lien social positif.

* * *

Alors que conclure ? Si Paul, privé de liberté, dans les tristesses, les privations et les afflictions, trouvait sa joie « dans le Seigneur », nous devons l’imiter et, face au faux évangile de la prospérité, dire avec lui : « Toutefois, de toute manière, soit comme prétexte, soit en vérité, Christ est annoncé ; et en cela je me réjouis et aussi je me réjouirai. » (Phil 1.18)


Dans la Bible, il est souvent question d’argent et, notamment, des croyants qui donnent de l’argent. Dans les églises aussi, il est souvent question d’argent ; mais trop souvent, toutefois, ce qui se dit dans la Bible et ce qui se dit dans les églises ne s’accordent pas trop.
La première chose qui ressort d’une étude de la dîme dans la Bible est le peu d’information qui existe sur le sujet. Quelques passages dans la Loi expliquent le principe (et pas toujours d’une manière particulièrement claire), quelques passages dans les livres historiques, deux seulement dans les prophètes. Comparé à ce que la Bible dit sur les sacrifices, la louange, la sainteté, les idoles, ou tant d’autres sujets, celui-ci n’est vraiment pas développé, surtout comparé à l’importance qu’il prend dans l’enseignement de certaines églises chrétiennes.

La dîme : la finance publique de l’époque

La dîme n’est pas du tout propre à la Bible ou au judaïsme ; c’était la « taxe » la plus courante dans beaucoup de sociétés de l’époque. Elle semble avoir été pratiquée le plus souvent dans le domaine religieux mais aussi politique (1 Samuel 8 met le peuple en garde contre la dîme que leur prélèverait un roi).
La seule structure mise en place par la loi de Moïse pour l’organisation et la gestion de la société est la structure lévite [note]La loi prévoit la possibilité pour le peuple de se donner un roi (Deut 17.14-20), mais n’en instaure pas un.[/note].
Les deux grandes erreurs commises le plus souvent par les églises, dans leur enseignement sur la dîme, consistent
– d’une part à oublier que le peuple payait la dîme aux Lévites et non aux seuls sacrificateurs (qui, eux, s’occupaient du culte),
– d’autre part, à négliger l’importance de toutes les responsabilités des Lévites en dehors du culte.

Les fonctions financées par la dîme

Les Lévites constituaient le seul « gouvernement » ou la « fonction publique » de la société israélite. Il n’y avait pas de « taxes » ou « impôts » à payer, selon la Loi de Moïse, en dehors de la dîme, puisque les Lévites étaient censés faire pour ainsi dire tout ce qui relèverait de « l’État » :
1. Le culte proprement dit dont s’occupaient les sacrificateurs (qui font partie des Lévites) : l’idée de séparation de l’État et du culte n’existait pas et le culte était censé être le principe unificateur de tout Israël.
2. Certains aspects de la religion : même si les Lévites n’intervenaient pas directement dans le culte lui-même, à l’époque du Tabernacle, ils étaient chargés du transport du Tabernacle et de tout le matériel utilisé dans le culte (Nom 3.17-38). Plus tard, dans le Temple de Salomon, ils avaient d’autres responsabilités, en tant que portiers (1 Chr 23.5), chanteurs (cf. 1 Chr 15.16-22 ; 9.14-34), etc.
3. Les Lévites étaient chargés aussi de veiller à ce que personne ne touche le Tabernacle ou les choses saintes (Nom 1.53). Cette charge est en rapport avec la religion, mais aussi avec la sécurité publique.
4. Il n’y avait pas vraiment de fonction « médicale » dans la société à l’époque, mais l’examen des malades et les mises en quarantaine de la personne « impure » relevait des sacrificateurs (Lév 13).
5. Les Lévites d’une manière plus générale avaient de nombreuses responsabilités qui relèveraient, de nos jours, d’un rôle juridique (1 Chr 23.4) : veiller à ce que les poids et mesures soient justes, pour éviter de l’escroquerie sur le marché (1 Chr 23.29) ; juger dans des disputes (Deut 17.8-13 ; 21.5 ; 2 Chr 19.8) ; administrer les « villes de refuge » (Nom 35.6) ; déterminer la culpabilité d’une personne (Nom 35.10-28).
6. L’aide aux pauvres, aussi, était financée en partie par la dîme (Deut 14.29).[note]Certains pensent que la dîme en question ici venait en plus de la dîme payée aux Lévites, mais comme aucun texte biblique ne parle de deux ou trois dîmes différentes, il est fort probable que ceci veut dire simplement qu’une année sur trois, la dîme était consacrée aux pauvres (c’est vraisemblablement cette dîme dont il est question dans Amos 4.4). Certains justifient ainsi le fait de demander aux croyants de donner 20 ou même 30 % de leurs revenus pour l’église.[/note]

Les structures publiques changent et le financement aussi

La structure dont il est question dans la Loi est une théocratie où le principe unificateur essentiel du pays est l’attachement universel et obligatoire à la religion. Dès qu’il est question d’une autre structure, même en Israël, le financement change.
Le premier changement majeur et officiel est l’institution d’une monarchie en Israël. La dîme ne suffit plus pour financer toutes les dépenses. C’est d’ailleurs le fait que les charges devenaient de plus en plus lourdes qui a provoqué le schisme en Israël et a conduit à deux monarchies différentes. Mais en plus de la multiplication de taxes et de charges, le gouvernement sous l’autorité du roi prend forcément en charge certaines responsabilités qui, auparavant, relevaient des Lévites, notamment tout ce qui relevait du système juridique.
Avec la disparition de la monarchie au retour de l’exil, les structures anciennes sont remises en place dans une large mesure, ce qui veut dire que le financement ancien doit l’être aussi. Là où les autres prophètes, à l’époque des rois, n’avaient pas spécialement à reprendre le peuple dans ce domaine (non parce que le peuple payait fidèlement la dîme mais parce que les fonctions essentielles de la société étaient prises en charge par le gouvernement), Malachie doit faire prendre conscience au peuple que l’infidélité dans la dîme empêche l’œuvre de Dieu de se faire (Mal 3.8).
La situation change radicalement de nouveau quand la Judée n’est plus qu’une simple province romaine, sans autonomie locale et que la quasi-totalité des fonctions publiques sont sous l’autorité des Romains, à la seule exception du culte. Du vivant de Jésus, alors qu’il est toujours question d’Israël plutôt que de l’Église chrétienne, il est très peu question de la dîme. Jésus fait remarquer que les pharisiens payaient scrupuleusement la dîme (Mat 23.23 ; Luc 11.42), mais ses paroles montrent clairement qu’il ne considère pas cela comme un des aspects les plus importants de la Loi de Moïse.

Qu’en est-il de la dîme dans l’Église chrétienne ?

Comme les chrétiens vont vivre dans toutes sortes de sociétés différentes, avec un secteur public organisé et financé de manières extrêmement diverses selon les pays, il est totalement impossible de dire combien un chrétien doit payer pour financer ce qui devait être couvert par la dîme sous l’ancienne alliance.
Déjà, le culte est séparé le plus souvent du secteur public. Et le maintien de la société n’est pas de la responsabilité des chrétiens. Ils n’ont ni à financer le domaine de la santé publique, ni le domaine juridique. Même l’aide aux pauvres n’est plus la responsabilité des seuls chrétiens ; d’autres structures existent aussi pour cela.
Ajoutons que le culte de Dieu n’est plus obligatoire. Jésus envoie ses disciples dans un monde où le culte devient volontaire ; son financement l’est donc aussi. Au lieu de financer le culte par une « taxe » mandatée par la loi, c’est aux croyants de donner volontairement (2 Cor 8.4,10 ; 9.7), selon leurs moyens (1 Cor 16.2 ; 2 Cor 8.11-12), pour faire vivre le culte (1 Cor 9.7-14) et pour aider les pauvres qui sont à charge de l’église (Rom 12.13 ; 1 Tim 5.4-10).
Le N.T. ne reprend donc pas le principe de la dîme pour les chrétiens. On ne peut pas « chiffrer » combien chacun doit donner. Quel pourcentage de ce qui, selon la Loi de Moïse, était financé par la dîme, l’est de nos jours par les programmes sociaux, par le ministère de la justice, par le ministère de la santé, etc. ? Qui peut le dire ?
Le N.T. reste donc sur le principe d’offrandes volontaires, sans essayer jamais de donner un chiffre. Il n’y a pas de contrainte (2 Cor 8.8 ; 9.7) et ce que chacun est censé donner dépend, non d’un pourcentage imposé à tout le monde, mais de ses propres moyens (1 Cor 16.2 ; 2 Cor 8.12). Ce pourcentage variera aussi selon les dispositions de l’église locale ; une église qui veut un bâtiment doit le financer mais le N.T. n’impose nullement à une église locale d’avoir un bâtiment. Une église qui a les moyens de faire plus d’œuvres sociales aura besoin de plus de financement pour cela, mais le N.T. ne donne aucune indication sur son implication, puisque cela va varier selon les pays et les moyens des églises. Le chrétien est appelé simplement à comprendre l’importance de l’œuvre de Dieu et y contribuer, selon ses moyens. Il le fait par la prière, par sa participation active, et par l’argent qu’il met à disposition de ceux qui gèrent cette œuvre.

Qu’est-ce qui est obligatoire pour les chrétiens ?

Aujourd’hui comme hier, il faut bien financer la société d’une manière ou d’une autre. Mais la manière de la financer varie énormément. De nos jours, dans la très grande majorité des pays, le secteur public est financé en grande partie par les impôts, taxes et charges (en plus du financement par les usagers.) Pour les chrétiens, ce financement est obligatoire. En effet, un croyant doit payer taxes, charges et impôts fixés par la loi, comme tout le monde (cf. Mat 22.17-21 ; Rom 13.5-7).
Dans la plupart des pays occidentaux, la participation au financement du culte n’est pas obligatoire, selon la loi ; il relève de ceux qui se rattachent au culte en question. Cela veut dire que c’est aux chrétiens de financer l’œuvre chrétienne, en plus de leurs impôts [note]Bien que beaucoup de pays, dont la France, permettent de déduire des revenus imposables les sommes données pour le culte, ce qui veut dire que, dans un certain sens, les fonds de l’État contribuent indirectement au financement du culte.[/note].
Cela étant dit, si la participation au financement du culte est libre pour un croyant donné, il est obligatoire pour l’ensemble de la communauté chrétienne. Comme l’État ne finance pas directement le culte, si les croyants ne le font pas, il n’y aura pas de culte. En s’appuyant sur la Bible, une église ne peut pas fixer un taux de participation dans le financement de l’église et l’imposer à tout le monde. Mais une église peut bien en parler, pour faire comprendre à tous les croyants qu’ils constituent sa seule source de revenus.
Mais si la participation est libre sur le plan individuel, si ce n’est pas une obligation, pourquoi une personne donnée y participerait ? La raison est simple : par amour pour le Seigneur et, par extension, pour son œuvre. Si le croyant a des priorités bibliques, l’avancement de l’Église de Jésus-Christ est important pour lui. Il ne le fera pas par obligation, ni par crainte de punition s’il ne le fait pas, mais parce qu’il désire que cette œuvre puisse continuer et il sait que, pour le faire, il faut de l’argent.
Remarquons néanmoins que l’argent n’est pas le seul moyen de participer à l’œuvre du Seigneur. Dans les temps anciens, la dîme se payait non seulement en argent mais aussi en nature. De même, les croyants peuvent contribuer à l’œuvre du Seigneur par leur temps, leurs compétences, ou par leurs biens matériels. Même une personne qui a peu de moyens financiers peut ainsi montrer que l’œuvre du Seigneur est sa priorité.

Y a-t-il des bénédictions promises à ceux qui donnent la dîme aujourd’hui ?

Même dans certaines églises où le principe d’offrandes volontaires est bien compris et enseigné, il y a parfois une tendance, malgré tout, à « encourager » fortement les croyants à donner, en leur promettant une compensation financière de la part de Dieu s’ils donnent, en s’appuyant souvent sur Malachie 3.10 : « Apportez à la maison du trésor toute la dîme, afin qu’il y ait des provisions dans ma Maison ; mettez-moi de la sorte à l’épreuve, dit l’Éternel des armées. (Et vous verrez) si je n’ouvre pas pour vous les écluses du ciel, si je ne déverse pas pour vous la bénédiction, au-delà de toute mesure. »
Or l’utilisation de ce texte montre une confusion majeure entre une promesse collective et une promesse individuelle : il ne s’agit nullement d’une « récompense » pour leur fidélité, comme si Dieu leur disait : « Si vous me donnez ceci, je vous donne cela en retour. » Une telle notion relève entièrement de la religion païenne et non de l’optique biblique. Ce n’est pas une « promesse » dans le sens d’une récompense, mais un simple principe : si l’ensemble d’un pays agit selon la loi de Dieu, le pays en sera plus fort. Si le peuple triche massivement en évitant de payer la dîme, le gouvernement est forcément affaibli.
Mais il y a pire que cela : promettre la prospérité à ceux qui paient la dîme change totalement la motivation du croyant. Au lieu de donner — et se donner — pour le royaume de Dieu, simplement parce qu’il veut voir le royaume de Dieu avancer, il le fait pour ce qu’il peut en tirer. Son but fondamental est égoïste — et Dieu est censé récompenser cet égoïsme ! Dans 1 Timothée 6.3-5, Paul dénonce très fortement ceux qui « considèrent la piété comme une source de gain ». Un véritable enfant de Dieu soutient l’œuvre de Dieu par amour pour Dieu et non par amour pour les bénédictions matérielles qu’il pense recevoir en retour pour sa fidélité.

Conclusions pour les Églises chrétiennes

L’Église a toujours, et aura toujours, la responsabilité d’évangéliser et de veiller à l’édification des croyants. Elle aura souvent un rôle dans l’aide sociale ou de santé, mais ce rôle est variable selon les pays. Dans certains pays du monde, les chrétiens sont pratiquement la seule source de développement d’une aide médicale urgente.
Voici six principes pour résumer l’essentiel de l’approche biblique en ce qui concerne la dîme et les offrandes :
1. Dans la mesure où la dîme représentait le financement public, les croyants ont toujours cette obligation : chacun doit payer ce que lui impose la loi.
2. Il est nécessaire pour les croyants de donner, financièrement, pour l’œuvre de Dieu [note]Bien que beaucoup de pays, dont la France, permettent de déduire des revenus imposables les sommes données pour le culte, ce qui veut dire que, dans un certain sens, les fonds de l’État contribuent indirectement au financement du culte.[/note].
3. Les croyants peuvent aussi contribuer à l’œuvre de Dieu par d’autres moyens que le financement : nous pouvons aussi donner du temps, faire des efforts, utiliser nos connaissances, etc.
4. Il est impossible de fixer un pourcentage précis pour la contribution de chacun : la situation est trop variable selon les systèmes économiques de chaque pays, les situations personnelles, etc. Le sentiment de la grâce reçue sera la première motivation.
5. De toute manière, la dîme n’appartient pas à l’église locale : Si une église voulait appliquer la Loi de Moïse à propos la dîme, elle devrait aussi utiliser cette dîme pour financer non seulement le culte mais aussi des fonctions juridiques, médicales et sociales !
6. Le financement du culte n’existe surtout pas uniquement pour enrichir le pasteur. Paul dit : « Je n’ai convoité ni l’argent, ni l’or, ni les vêtements de personne. » (Act 20.33) et il savait vivre avec très peu de moyens (Phil 4.11-13). Dans certains pays africains, un enseignement pernicieux prétend, non seulement que chaque membre de l’église doit payer la dîme, mais que cette dîme appartient directement et personnellement au pasteur. Cet enseignement n’a absolument aucun appui biblique. Un pasteur ou un conseil d’église qui insiste sur les offrandes (même s’il ne s’agit pas précisément de la dîme) en vue de s’enrichir, est totalement à côté de l’enseignement biblique. Le Seigneur Jésus, aussi, vivait avec très peu de moyens (Mat 8.20). À nous d’imiter cet exemple.


 

Il n’est pas facile de prêcher sur la cupidité. Nous sommes tous prompts à juger la cupidité des autres mais peu d’entre nous admettent : « J’ai un problème de cupidité. »
Nous avons tendance à ignorer notre cupidité en nous comparant à ceux qui sont plus riches que nous et en pensant que la cupidité est leur problème. « Je m’en inquiéterai quand je serais multimillionnaire. » Pourtant, Paul a écrit à des chrétiens de classe moyenne dans une église d’une petite ville moyenne : « Faites mourir ce qui, dans vos membres, est terrestre : […] la cupidité, qui est une idolâtrie. » (Col 3.5) Si la cupidité était un problème pour eux dans leur culture, alors elle l’est certainement pour nous qui vivons dans une nation prospère.
Mais ce n’est pas un sujet facile. Sommes-nous cupides parce que nous vivons dans une maison spacieuse avec le confort moderne, alors que des millions de personnes dans le monde vivent dans des cabanes sans sanitaires ? Parce que nous avons une belle voiture ? Où tracer la ligne? Comment empêcher l’avidité de devenir notre dieu ?

Qu’est-ce que la cupidité ?

La cupidité est le désir insatiable d’avoir plus d’argent ou de biens pour son autosatisfaction, tout en ignorant Dieu et l’éternité.

Le dictionnaire définit la cupidité comme le « désir démesuré de richesse ou de posséder ce qu’a autrui ». Le problème est que ces termes sont subjectifs : la plupart d’entre nous diront : « Je n’ai pas de désirs démesurés ! J’aimerais juste un peu plus… »
Le terme grec signifie littéralement « avoir plus ». En Marc 7.21-22, Jésus mentionne une longue liste de péchés, y compris « les cupidités », qui, selon lui, viennent de nos cœurs. La cupidité ne tient donc pas principalement au montant, mais plutôt à l’attitude et aux motifs. Les pauvres peuvent être aussi cupides que les riches.
L’homme de la parabole que raconte Jésus n’était pas content, même s’il avait beaucoup (Luc 12.13-21). Il voulait plus. Il ne pensait pas au royaume de Dieu, ni aux besoins des autres. C’est cela, la cupidité.
La cupidité donne une fausse valeur aux choses temporelles qu’elle traite comme si elles – et nous – vivions éternellement sur terre. Mais nous pourrions mourir aujourd’hui ou toutes nos possessions pourraient nous être enlevées instantanément. La sécurité financière n’existe pas dans ce monde. Demandons-nous donc : « À la lumière de l’éternité et de la brièveté et de l’incertitude de cette vie, est-ce que je gère ce que Dieu m’a confié afin d’être riche pour Dieu ? »

Comment les chrétiens devraient-ils considérer la cupidité et la richesse ?

La cupidité est un grand péché à éviter ; la richesse est une grande responsabilité de faire le bien.

Paul dit que la cupidité équivaut à l’idolâtrie et amène la colère de Dieu (Col 3.6). Ailleurs (1 Cor 6.9-10 ; Éph 5.5), il avertit que les cupides n’hériteront pas du royaume de Dieu. Il veut dire que ceux dont la vie est caractérisée par la cupidité ne sont pas de vrais croyants et ils iront en enfer.  Il avertit : « Mais ceux qui veulent devenir riches tombent dans la tentation et un piège et de nombreux désirs stupides et nuisibles qui plongent les hommes dans la ruine et la destruction. Car l’amour de l’argent est une racine de toutes sortes de maux, et certains en le désirant se sont éloignés de la foi et se sont percés de nombreuses douleurs. » (1 Tim 6.9-10)
Dans presque toutes les listes de péchés où la cupidité est mentionnée, elle est associée à l’immoralité sexuelle. Si les chrétiens considéraient la cupidité comme égale à l’idolâtrie et aussi grave que l’immoralité sexuelle, comment tolèreraient-ils même une seconde les flamboyants télévangélistes qui affichent une richesse extravagante et disent effrontément à tout le monde que la prospérité financière est leur droit divin ? Pierre dénonce de tels faux enseignants en les comparant à Balaam et en disant que leur cœur est « exercé à la cupidité » (2 Pi 2.14-15). La cupidité est un grave péché qu’il nous faut éviter !
Cela signifie-t-il alors que nous devions faire vœu de pauvreté et nous débarrasser de tous nos biens ? Comment devrions-nous considérer la richesse ?
La Bible considère la richesse comme une responsabilité sérieuse de faire le bien. Toute richesse vient de Dieu comme un don qui nous est confié pour l’utiliser correctement pour lui. Nous sommes libres de jouir sans culpabilité des richesses que Dieu nous confie, mais nous en sommes également les gardiens. Le conseil de Paul s’applique à nous (1 Tim 6.17-18) : « Instruisez ceux qui sont riches dans ce monde actuel [nous sommes riches par rapport à la plupart des hommes] à ne pas être vaniteux ou à fixer leur espoir sur l’incertitude des richesses, mais sur Dieu, qui nous fournit abondamment tout ce dont nous pouvons jouir. Demandez-leur de faire le bien, d’être riches en bonnes œuvres, d’être généreux et prêts à partager. »
Alors que le travail diligent est le moyen normal que Dieu utilise pour conférer des richesses, ne pensons jamais que nous sommes la cause de notre propre succès ou que Dieu nous le doit. Moïse a averti Israël avant de pénétrer dans Canaan (Deut 8.18) : « Tu te souviendras du Seigneur ton Dieu, car c’est Lui qui te donne le pouvoir de faire des richesses, afin qu’il puisse confirmer son alliance qu’il a jurée à tes pères. ». Cette alliance était la promesse de Dieu de bénir Israël afin qu’il puisse bénir les autres (Gen 12.1-3).La Bible considère la richesse comme bonne, mais dangereuse. Si nous sommes de bons intendants des richesses que Dieu nous donne, en les utilisant pour promouvoir ses desseins, c’est bien. Mais si nous sommes trompés par nos richesses (Mat 13.22), de sorte que notre confiance passe du Seigneur à nos richesses, ou si nous les gaspillons dans une vie égoïste sans égard pour les desseins de Dieu, nous risquons la ruine spirituelle.

Comment savoir si je suis cupide ?

Il existe de nombreux signes de cupidité

Avant de les examiner, permettez-moi de vous avertir que nous devons faire attention à nous juger nous-mêmes et pas les autres (Mat 7.1-5). Si vous pensez qu’un autre chrétien est aveuglé par la cupidité, votre responsabilité est de chercher doucement à le redresser (Gal 6.1). Mais nous devons tous nous tenir un jour devant Dieu ; aussi affrontons ces questions personnellement et honnêtement à cœur ouvert devant lui.
Ces questions sont difficiles et la bataille constante ! Devons-nous changer notre vieille voiture contre une plus récente ? Et si oui, combien devons-nous dépenser ? Allons-nous passer des vacances à l’hôtel ou camper ? Dois-je épargner pour ma retraite ou donner maintenant pour l’œuvre du Seigneur ? Le problème est que, bien que des principes bibliques puissent nous guider, il n’y a pas de règles strictes et toutes faites pour chaque situation. Voici quelques questions pour aider à prendre le pouls spirituel en matière de cupidité :
1. Est-ce que je considère mon argent et mes biens comme les miens ou ceux de Dieu ? C’est la question fondamentale. Bien que la Bible reconnaisse les droits de la propriété privée, fondamentalement Dieu possède tout ce que j’ai. Je le gère pour lui, et au jugement, je lui en rendrai compte (Mat 25.14-30 ; Rom 14.10,12).
2. Si je savais que je mourrais dans un an, est-ce que je gérerais différemment les ressources que Dieu me donne ? A la fin du film La Liste de Schindler, ce riche industriel qu’est M. Schindler, qui a dépensé toute sa fortune personnelle pour soudoyer des fonctionnaires allemands afin de sauver des Juifs des chambres de la mort, montre sa belle voiture et dit : « J’aurais pu la vendre et sauver quelques vies de plus. » Schindler ne sauvait pas des âmes pour l’éternité. Mais quand nous pensons à la mission donnée par notre Sauveur, de prêcher l’Évangile à chaque créature, nous devons tous nous demander : « À la lumière de la brièveté de la vie et de l’éternité à venir, pourrais-je faire plus ? »
3. Pourquoi est-ce que je veux plus d’argent ? Autrement dit : quels sont mes motifs ? Pour mieux pourvoir aux besoins de ma famille? Cela peut être légitime. Mais si c’est juste pour acheter des choses dont je n’ai vraiment pas besoin, je vais peut-être dériver vers la cupidité.
4. Suis-je plus soucieux de gagner de l’argent que je ne le suis de ma destinée éternelle ? Jésus soulève cette question à travers la parabole de l’homme aux greniers. Il accumulait des trésors pour lui-même sur terre, mais il n’était pas « riche pour Dieu ». Il n’y a rien de mal à travailler dur pour réussir sa carrière. Mais si tous mes moments conscients sont occupés par ma réussite financière et si je pense rarement à la façon dont je peux rechercher d’abord le royaume de Dieu et sa justice, je suis probablement gagné par la cupidité.
5. Quelle est la source de ma sécurité : l’argent ou Dieu ? Nous connaissons tous la « bonne » réponse à cette question. Mais si tout – tous mes biens, tous mes comptes bancaires – m’avait été enlevé, comme cela est arrivé à beaucoup de nos frères et sœurs au Moyen-Orient aurais-je fait confiance à Dieu ?
6. Dois-je pleurer une perte d’argent ou de biens ? Ou, si je projette d’acheter quelque chose, à quel point serait-il difficile pour moi d’y renoncer plus tard ? Mon niveau de chagrin est directement proportionnel à mon attachement émotionnel. C’est normal de regretter d’avoir perdu quelque chose de valeur. Mais si nous faisons confiance au Seigneur et reconnaissons que tout ce que nous avons lui appartient, nous ne devrions pas en être dévastés. Si nous le sommes, il est bien possible que nous soyons cupides.
7. Est-ce que je m’accroche à mes affaires ou suis-je généreux et prêt à partager ?
8. Dois-je compromettre mes valeurs chrétiennes ou mes priorités pour gagner de l’argent ? Certaines choses devraient compter beaucoup plus que gagner de l’argent : la façon dont j’honore Dieu par mon témoignage, ma relation avec Jésus-Christ, une conscience pure, ma relation avec ma femme, mes enfants et d’autres personnes. Si je triche, mens ou vole parfois pour gagner plus ou éviter de perdre, je suis cupide. Si je romps des relations ou en cultive d’autres pour un gain financier, je suis cupide.
9. Suis-je enclin à devenir riche rapidement ? Si je me sens attiré par un moyen facile et rapide de faire fortune, j’ai probablement un problème de cupidité. Si je rêve de gagner au loto ou au casino, je devrais me poser la question : pourquoi ? Est-ce vraiment pour en consacrer la majeure partie à l’œuvre du Seigneur dans le monde ? Si la vraie réponse est : « Pour devenir riche », je suis sans doute cupide.
10. Suis-je esclave du crédit ? Certains sont endettés à cause du chômage ou de difficultés inévitables ; c’est un autre sujet. Mais beaucoup de personnes surendettées ont un problème de dépenses excessives, influencées par la publicité qui dit que vous avez besoin de davantage pour être heureux. C’est un signe de cupidité !
Vous pourriez probablement ajouter d’autres questions. Si vous avez découvert quelques racines de cupidité, alors considérez la dernière question.

Comment puis-je régler mon problème de cupidité ?

Je dois me séparer radicalement de toute avidité, en commençant au niveau de la pensée.

« Faire mourir » ma cupidité signifie prendre des mesures radicales pour la couper de ma vie, en commençant par mes pensées. Lorsque Paul dit de « faire mourir », il veut dire : « Séparez-vous radicalement de ces péchés, en commençant au niveau de la pensée », à la lumière de votre nouvelle identité en Christ (cf. Col 3.1-4) et avec la puissance du Saint-Esprit (Rom 8.13). Mais, nous sommes responsables de le faire ! Considérez les « richesses insondables du Christ » (Éph 3.8) comme plus précieuses que toutes les richesses que ce monde offre. Il est le trésor ; il est la perle de grand prix (Mat 13.44-46). En ayant Christ et en trouvant la joie et le contentement en lui, je reconnais que Dieu est le propriétaire de tout ce que j’ai et je me vois comme un gestionnaire qui doit lui rendre compte. J’adopte les priorités du Propriétaire : les objectifs de son royaume. Je me demande si j’ai besoin de cette nouvelle chose. Je résiste à la pression des soldes. Je prie pour les achats importants avant de les faire. Je me débarrasse de toutes les choses inutiles. Je cherche à vivre plus simplement. Je fais un budget et je le suis. J’apprends à marcher dans l’Esprit afin que son fruit, la maîtrise de soi, gouverne mes impulsions.

Pour me débarrasser de la cupidité, je m’engage aussi par la foi à donner généreusement à l’œuvre du Seigneur.

Donner est le « bouchon de vidange » de la cupidité. Je fais confiance à Dieu en donnant dès la paie reçue et pas seulement s’il reste quelque chose à la fin du mois. Je donne de manière planifiée dans la prière, plutôt que sous pression. Je donne quand ça fait un peu mal, quand je sacrifie joyeusement quelque chose que je pourrais acheter, pour pouvoir contribuer à l’œuvre du Seigneur. Pour beaucoup d’entre nous, donner généreusement signifie donner bien plus de 10 %.
Si je me dis : « Si je gagne un peu plus, je donnerais plus », je me berne probablement. Pourquoi ne pas faire confiance à Dieu et augmenter le pourcentage que je donne maintenant ? Lorsque vous obtenez une augmentation, demandez à Dieu ce qu’il veut que vous en fassiez, plutôt que de le dépenser automatiquement.

Conclusion

Le meilleur sermon que j’ai jamais lu sur la cupidité vient d’un non-chrétien ! Dans The Pearl, John Steinbeck raconte l’histoire d’un plongeur de perles heureux, mais pauvre, qui rêve de trouver la perle parfaite. Un jour, il la trouve, mais plutôt que de lui apporter le bonheur espéré, elle lui cause un problème après l’autre, car tout le monde est à la recherche de sa perle. Il risque de perdre sa vie ; son fils est tué ; sa femme et lui se disputent. Sa vie, autrefois tranquille, est totalement bouleversée parce qu’il s’accroche à cette perle. Finalement, il se tient sur le rivage et lance la perle maudite aussi loin que possible dans la mer. C’est ce que nous devons faire de notre cupidité ! Nous en séparer radicalement ! La mettre à mort !


La grande misère est un scandale. Si nous n’en sommes pas tous directement témoins, les médias et les associations nous en présentent des images volontairement choquantes, dans l’objectif de toucher le cœur et si possible le porte-monnaie de personnes comme vous et moi, potentiels donateurs. On peut avoir des réticences sur la méthode, des doutes sur l’usage qui est fait des dons, il n’en reste pas moins que la grande misère est une réalité, un scandale au sein de l’humanité depuis l’origine des sociétés. C’est un fléau mortel, car les pauvres meurent plus jeunes, de faim, de maladie, de multiples complications de leur détresse sociale.
Nous nous habituons tous aux manifestations du mal, tant qu’il ne frappe pas trop cruellement à notre porte. Il arrive que l’irruption d’un événement marquant notre vie personnelle nous « réveille » douloureusement. Je me rends bien compte que l’épreuve de la grave maladie de notre fille m’a éveillée à l’injustice de la difficulté de l’accès aux soins pour des parents moins privilégiés. Sans cette grande épreuve, je n’aurais probablement pas contribué à créer une ONG caritative dans un bidonville de Beyrouth.

Pourquoi nous est-il si difficile de savoir comment agir ?

Bien agir sans être manipulés ni abusés

Nous nous sentons parfois manipulés. Nos frontières personnelles sont envahies par ces appels multiples qui s’imposent dans nos vies et nous donnent mauvaise conscience. Devons-nous donner de l’argent au mendiant dans la rue ? L’argent sera-t-il mal employé, pour acheter alcool ou drogue ? L’argent donné à un enfant ira-t-il dans la poche d’un adulte qui le bat, ou, pire encore, dans l’escarcelle d’un réseau de trafic humain ? A chaque fois que nous donnons sans savoir ce qui est fait de notre argent, nous encourageons, nous nous faisons en quelque sorte complices de tels abus. Mais comment ne pas avoir pitié de cet enfant de la rue ? De ce mendiant en mauvaise santé ? La réponse se trouve, à mon avis, dans la sagesse collective. J’y reviendrai plus bas. Si nous savons agir avec discernement, nous saurons résister à de telles pratiques qui abusent de notre sentiment de culpabilité, et nous serons beaucoup plus efficaces dans notre action.
Dans les « États-Providence » tels que la France, nous participons à la solidarité publique par nos impôts. Nous en profitons également. Ce système prévu pour réduire les inégalités ne saurait être remis en question. Mais les chrétiens croient en une Providence plus puissante, celle de Dieu, qui est qualitative aussi bien que quantitative : être le prochain, ce n’est pas seulement donner par obligation, c’est prendre soin, prier, soutenir dans la durée, prendre des nouvelles, comme l’a fait le bon Samaritain.

Bien agir doit être bien réfléchi

L’enseignement de Jésus dans l’histoire du bon Samaritain est universel et tout à fait révolutionnaire. Jésus place son interlocuteur, un enseignant de la loi juive, dans la position de l’assisté plutôt que celle de l’aidant, qui, lui, est un quelconque non-juif de passage. Dans cette histoire, un étranger vient en aide au « nanti » rendu vulnérable par les aléas de la vie. Transposé à notre époque, cet exemple suggère que le migrant sans papier sera peut-être celui qui me sauvera un jour d’une grande détresse. Je réalise alors qu’il est pleinement mon prochain. L’objectif de cette parabole n’est pas de nous donner mauvaise conscience si nous n’amenons pas chez nous tous les blessés de la vie rencontrés sur notre chemin, mais plutôt de nous montrer que notre prochain n’est pas celui que nous aurions attendu ou choisi.
En pratique, l’aide au prochain est plus compliquée qu’il n’y paraît. Nous ne sommes plus au premier siècle et nous ne pouvons évidemment pas appliquer à la lettre les détails de cette histoire. L’enseignement reste le même, la mise en pratique va être différente. Nos sociétés modernes occidentales, dans un souci d’organisation et de sécurité, compliquent les actions spontanées. Ainsi, malgré un élan généreux naturel devant une situation de grande détresse, nous ne pouvons pas prendre la responsabilité d’héberger sur le champ un enfant de la rue, ni même d’emmener à l’hôpital dans notre propre voiture un blessé de la voie publique alors que les secours tardent. Les conséquences de nos actes spontanés pourraient en effet être désastreuses, à la fois pour celui que nous voulons aider et pour nous-même. Il nous faut être très prudents dans ce domaine et agir de façon réfléchie et collectivement, plutôt qu’impulsivement et seul. Le Samu social estime qu’un tiers environ des SDF, en France, souffrent d’une pathologie psychiatrique sévère. Il est donc probablement illusoire, forts de notre sentiment de compassion uniquement, de vouloir aider utilement et durablement une personne qui vit dans la rue. Une action concertée, professionnelle et pluridisciplinaire est nécessaire. Agir seul est souvent inefficace, parfois dangereux.

Bien agir doit être bien motivé, dans le respect de nos priorités

Lorsque nous trouvons difficile d’aider notre prochain, interrogeons-nous sur nos motivations : ai-je une conviction profonde et motivée par la Parole de Dieu que je peux faire mieux, ou plutôt un sentiment momentané de culpabilité, peut-être alimenté par les médias ?
Je me souviens d’un incident qui m’a marquée dans mon enfance : mes parents, ma sœur et moi étions invités chez un oncle et une tante. Nous ne les avions pas vus depuis très longtemps, car ils habitaient loin de chez nous. Au moment de préparer son repas, ma tante ouvre le frigo et constate, éberluée, que le rosbif prévu a disparu ! L’oncle avoue alors qu’il l’a donné à un mendiant rencontré la veille. Mon oncle était croyant et a jugé que le mendiant avait plus besoin de manger de la viande que sa propre famille. Objectivement, il avait raison. Mais il n’avait pas mesuré l’embarras qu’il a causé à son épouse incapable d’assurer un repas à ses invités ! Son intention était bonne, le moyen de venir en aide n’était sûrement pas le meilleur.
L’exemple semble extrême, mais réfléchissons : dans mon désir de bien faire, mes priorités sont-elles respectées ? Est-ce que j’assume mes responsabilités envers mes proches : mon conjoint, mes enfants (même en cas de séparation ou de divorce) ? Mes parents âgés ont-ils besoin de mon aide pratique ou tout simplement d’une communication affectueuse ? Est-ce que je réponds de façon émotionnelle et impulsive à un reportage médiatique ou ai-je bien réfléchi et prié au sujet de mon engagement pour une œuvre que je sais digne de confiance ?

Bien agir avec justice et intégrité

Si nous n’avons aucun moyen de contrôle sur nos dons à des œuvres, il est légitime de nous demander s’il n’est pas mal employé, voire détourné. Les pauvres des pays du Sud sont au bénéfice d’aide publique par la communauté internationale. Celle-ci est malheureusement insuffisante, d’autant qu’il est estimé que plus de la moitié de cette aide est employée au fonctionnement des institutions chargées de la mettre en œuvre ou à des annulations de dette purement comptables. Les ONG privées, et parmi elles les ONG chrétiennes, prennent le relai de cette aide publique. Elles jouent un rôle essentiel dans le combat contre la pauvreté. On attend d’elles qu’elles agissent avec intégrité et rigueur, et on doit s’en assurer avant de s’engager, autant qu’il est possible.
J’ai résidé avec ma famille pendant 14 ans au Liban. J’y ai fondé, avec une amie, l’ONG Tahaddi (« le défi »). Cette œuvre a beaucoup grandi, dans un contexte de grande insécurité régionale. La guerre en Syrie a amené au Liban plus d’un million de réfugiés. Tahaddi fait face chaque jour avec les habitants d’un bidonville de la banlieue de Beyrouth aux défis de l’extrême pauvreté : l’accès aux soins primaires, à l’éducation, à la dignité sociale. Les trois valeurs fondamentales de Tahaddi sont : Compassion, Justice, et Intégrité. Ces valeurs fondées sur les enseignements de Jésus doivent être traduites en actes quotidiennement.
Depuis des siècles, les communautés religieuses s’occupent des pauvres au Liban. Dans de nombreux villages on trouve des dispensaires et des orphelinats. Ces communautés tentent de remédier à la carence de l’État, lui-même très démuni, en raison de la corruption et d’une structure clanique de la société. La majorité des hôpitaux sont privés et chers. Une grande partie de la population n’a pas d’assurance médicale, et se trouve donc privée d’accès aux soins. Ce système d’assistance par les communautés religieuses est précieux, mais il présente des faiblesses : le service rendu est presque toujours à l’intérieur d’une communauté religieuse et ethnique, il entretient une allégeance à un pouvoir local. Ainsi, les plus défavorisés, les sans-papiers et les réfugiés, ceux qui ne votent pas et ne sont reconnus par aucune communauté, en sont très difficilement bénéficiaires. Dans certains cas, des œuvres religieuses mettent une grande pression sur les patients pour qu’ils se convertissent. C’est une sorte d’abus de pouvoir, incompatible avec le libre choix de conscience. Notons bien que dans l’histoire du bon Samaritain, il n’est pas question d’enseignement religieux, mais seulement de compassion au-delà des frontières humaines.

La place de l’Église

Agir chacun avec son don

Nous l’avons souligné, il est préférable de ne pas agir seul, mais de façon réfléchie et concertée. C’est là que l’Église, la communauté de croyants, a toute sa place. Répondre au commandement de Dieu d’aider les pauvres n’est pas une simple option. Comme dans l’Église primitive, un comité social (les « diacres » dans les Actes, mais aussi les associations culturelles de nos églises) organisera les actions soutenues par l’assemblée des croyants. Tous sont concernés, et les dons de l’Esprit peuvent et doivent s’exprimer. Certains sauront se renseigner sur des ONG et missions dignes de confiance, ou pourront même faire partie de leur assemblée générale ou bureau. D’autres sauront présenter la question à l’assemblée, d’autres auront des ressources financières et donneront avec générosité. Quelqu’un pourra être appelé à partir en mission à l’étranger ou à servir une œuvre solidaire près de chez lui. Celui qui a un don d’hospitalité sera heureux d’inviter une famille démunie de sa connaissance à dîner. Tous, nous n’avons pas les mêmes dons, mais tous, nous avons le devoir de ne pas rester indifférents à la grande question de la pauvreté dans le monde. L’important est de le faire, comme le dit Jésus, de tout notre cœur, comme pour lui-même. Même sans beaucoup de moyens financiers, nous pouvons agir : notre sourire, notre écoute, notre amour peuvent redonner dignité et courage à ceux qui en manquent.

Agir en choisissant les œuvres

Une église bien préparée à traiter le problème de la pauvreté choisira soigneusement les œuvres qui seront ses « outils appropriés » auprès des plus démunis. L’église locale restera en liaison avec ces œuvres, lisant attentivement les lettres de nouvelles et priant pour les actions entreprises. Ce pourra être un orphelinat, une soupe populaire, un foyer d’accueil pour migrants, un ministère d’aumônerie de prison. Des spécialistes y travaillent, nous avons la responsabilité de les soutenir, nous sommes dans la même équipe, celle des ouvriers de Dieu ! Ainsi, nous aiderons beaucoup plus sûrement un enfant de la rue à être recueilli dans un foyer, ou un SDF à bénéficier d’un repas gratuit équilibré. L’église choisira de même soigneusement les missions qui porteront son propre ministère à l’étranger.

Agir de différentes manières

Cette collaboration comportera un investissement financier, mais aussi en temps, par la prière et le suivi des projets. Nous ne pouvons pas être de tous les combats, même en tant qu’église. Cela implique de soutenir un nombre limité de projets, mais avec une attention soutenue. Pour les raisons évoquées plus haut, l’action sociale ne peut pas en bonne conscience être associée à une évangélisation « agressive ». Un témoignage respectueux de notre foi est toutefois souvent bien reçu. Pour concilier l’aide au prochain et le commandement de faire des disciples, une église peut choisir de soutenir une œuvre qui fait de l’évangélisation directe, telle que la traduction ou la distribution de la Bible, ou l’implantation de nouvelles églises, et une autre œuvre, à caractère plus social, telle que l’aide aux plus démunis. Un chrétien individuel peut aussi soutenir directement une œuvre qu’il a choisie soigneusement, sans toutefois négliger son engagement envers son église locale.

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L’Éternel nous fait l’honneur de nous utiliser comme partenaire pour son action dans le monde, soyons à son écoute ! La puissance du Saint-Esprit est à notre disposition, puissance qui a énergisé les chrétiens du premier siècle et de nombreux héros de la foi depuis eux.
Avec l’aide du Saint-Esprit, apprenons à voir nos frères humains les plus vulnérables comme Jésus les voit, lui qui s’est pleinement identifié à eux dès les circonstances de sa naissance. Appliquons-nous, dans nos églises locales, à choisir soigneusement les moyens appropriés pour manifester généreusement notre solidarité avec les plus petits de ses frères.

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Résumé d’un livre à paraître en juillet 2020

« Tahaddi, sacré défi ! »

Septembre 1991 : après 15 ans de guerre, le cessez-le-feu tient depuis quelques mois à Beyrouth. Un traité libano-syrien a été signé le 22 mai à Damas, légitimant la tutelle syrienne sur le Liban. Agnès Sanders débarque de Paris, pour assister au mariage de ses amis libanais dans leur pays meurtri. Une grand aventure commence, celle de Tahaddi, où vont se croiser des destin improbables : Avec Agnès, Myriam, jeune institutrice suisse revenue à ses racines moyennes-orientales ; Bouddika, arrivée du Sri-Lanka en quête d’un avenir au Liban et rapidement prise au piège de l’esclavage moderne ; Samir, jeune médecin libanais qui rêve de ressembler à Che-Guevara ; Salma qui se marie avec son cousin palestinien pour échapper à un père meurtrier ; Yasmine, une enfant têtue dans le Kurdistan syrien ; Waafa, belle gitane mariée à douze an et Joëlle, fille de la bourgeoisie beyrouthine, victime de la guerre et de l’héroïne.

Un fil conducteur tisse un imbroglio d’histoire qui, avec le recul du temps, forment une tapisserie toutes en ombres et lumière, où prédominent espérance, foi et amour.


Le sage et les pauvres

Les sages bibliques ont un regard aiguisé sur les pauvres et les situations qu’ils rencontrent.

Quand le pauvre est sage…

Un passage de l’Ecclésiaste nous aidera à nous mettre en route :

« J’ai aussi vu sous le soleil cet exemple de sagesse qui m’a paru remarquable : Il y avait une petite ville, avec peu d’hommes ; un roi puissant vint contre elle, l’investit et bâtit contre elle de grands ouvrages de siège. Il se trouvait là un homme pauvre et sage qui délivra la ville par sa sagesse. Et personne ne s’est souvenu de cet homme pauvre. J’ai dit : Mieux vaut la sagesse que la vaillance. Cependant la sagesse du pauvre est méprisée, et ses paroles ne sont pas écoutées. » (Ecc 9.13-16)

L’enseignement de ce passage est double : le pauvre peut être sage ; mais il y a peu de chance qu’on lui prête attention de toute façon. De manière générale l’avis des pauvres n’est pas pris en compte ou du moins pas autant que celui des autres. L’« exemple de sagesse » décrit dans notre texte le montre : voilà une situation dans laquelle la sagesse d’un pauvre se trouve être le facteur déterminant pour faire sortir sa ville d’une situation de crise grave. Que se passe-t-il alors ? Les traductions du texte divergent : certaines[note]Comme la Bible en français courant qui rend le verset 15 ainsi : « Un homme pauvre mais sage y vivait. Il aurait pu sauver la ville grâce à sa sagesse.
Cependant personne ne songea à s’adresser à un homme pauvre comme lui. »[note]  comprennent que le pauvre délivre sa ville, mais qu’il est oublié par la suite ; d’autres qu’il aurait pu délivrer la ville, mais que personne n’a pensé à faire appel à lui[note]Comme la Bible en français courant qui rend le verset 15 ainsi : « Un homme pauvre mais sage y vivait. Il aurait pu sauver la ville grâce à sa sagesse. Cependant personne ne songea à s’adresser à un homme pauvre comme lui. »[/note] . Dans les deux cas on voit d’abord le pauvre au lieu de voir le sage et la conséquence est que l’on renonce à se mettre à son écoute et à apprendre de lui ou à reconnaître ce qu’on lui doit.
Dans certains cas cependant, la sagesse du pauvre parvient à se manifester malgré les apparences :

« L’homme riche se croit sage ;  un pauvre qui est intelligent peut le mettre à l’épreuve. » (Prov 28.11)

Être riche n’empêche pas d’être sage, mais la richesse, le pouvoir, la célébrité ou l’influence peuvent donner l’illusion de la profondeur. Celui qui s’en sort bien dans la vie est souvent tenté de s’attribuer une part trop importante du mérite en l’affaire et de faire comme si le seul fait d’être riche rendait nécessairement son avis plus intéressant ou plus pertinent. Confronté à un pauvre intelligent, un riche superficiel fera pâle figure si le pauvre trouve le moyen de faire entendre ce qu’il a à dire.

Les ressources du pauvre

Celui qui s’intéresse aux textes bibliques parlant de l’attitude à adopter envers les pauvres connaîtra bien sûr ces passages de la loi concernant le glanage et le grappillage : chacun était censé laisser un coin de son champ ou de sa vigne pour le pauvre et l’immigré (Lév 19.9-10 ; Deut 24.19-22). Il ne s’agissait pas directement de donner ces produits de la terre, mais de laisser le pauvre les prendre, ce qui impliquait un effort de sa part. On a souligné à juste titre qu’une loi de ce type s’inscrivait dans une perspective de responsabilisation de ceux qui en étaient les bénéficiaires.
Si l’on médite la portée de ce texte, il change aussi le regard que nous sommes parfois tentés d’adopter envers le pauvre : le pauvre n’est pas bon uniquement à recevoir. Il ne possède peut-être ni champ, ni vigne, mais il peut glaner et grappiller et ainsi contribuer au bien de sa famille comme la veuve Ruth a su le faire pour sa belle-mère Noémi (veuve elle aussi). La bonne attitude à l’égard du pauvre est certainement de partager avec lui… mais pas seulement ! Dans de nombreux cas, lui aussi peut faire quelque chose. De même dans une conversation, le pauvre peut contribuer à la discussion et n’a pas seulement à écouter ceux qui sont plus riches ou plus puissants que lui.

Le pauvre est un être humain comme un autre devant Dieu

« Le riche et le pauvre se retrouvent : c’est le SEIGNEUR qui les fait tous deux. » (Prov 22.2)

Celui qui compare le riche et le pauvre verra sans doute d’abord les différences entre eux parce qu’elles sautent aux yeux : différences imaginaires car, ainsi que nous venons de le voir, les apparences sont quelquefois trompeuses, ou différences réelles si l’on considère leurs conditions de vie. Mais placés dans la perspective de la création et de la providence, riche et pauvre apparaissent soudain beaucoup plus proches l’un de l’autre que ce qu’ils auraient eux-mêmes pensé. Les deux ont été créés par Dieu, sont radicalement dépendants de lui et vivent leur vie devant lui qu’ils le sachent ou non et qu’ils le veuillent ou non.
Le pauvre est un être humain comme un autre : voilà l’une des grandes leçons enseignée tant par la sagesse biblique que par le bon sens. Si nous sommes tous d’accord en théorie, il est plus difficile de nous débarrasser de nos préjugés et de nos réflexes spontanés dans la pratique. Le sage selon la Bible regarde si son interlocuteur est intelligent, même si son apparence n’est pas brillante ; il discerne son potentiel et sait saisir les éléments de sagesse d’où qu’ils viennent. Nous gagnerions à écouter davantage ceux qui vivent dans la pauvreté et ceux qui paient de leur personne au quotidien pour travailler avec les pauvres. Dans la société occidentale contemporaine, ceux qui sont le plus capables de se faire entendre sont les experts qui possèdent les diplômes autorisés ou ceux qui savent faire du « buzz » . N’avons-nous pas bien du mal à écouter les paroles de personnes sages quand il s’agit de personnes pauvres ou marginalisées ?

Le danger de l’idéologie

Si le pauvre est un être humain comme un autre, cela veut dire que nous pouvons apprendre de lui comme de n’importe qui d’autre et que c’est une attitude répréhensible que celle qui consiste à refuser d’écouter le pauvre parce qu’il est pauvre, à le mépriser, ou encore à le condamner par principe à n’être qu’un bénéficiaire de notre générosité et de notre sagesse.
Faut-il aller plus loin et dire que nous avons quelque chose de particulier à apprendre des pauvres précisément parce qu’ils sont pauvres ? La pauvreté est-elle une garantie de sagesse, place-t-elle les humains dans une situation privilégiée en termes spirituel, moral ou de sagesse par rapport aux autres et plus particulièrement face aux riches qui se croiraient tous sages, mais ne le seraient pas ? L’expérience de la pauvreté (ou de toute autre forme de souffrance) donne-t-elle à la personne concernée une perspective plus autorisée qui tend à disqualifier le point de vue de ceux qui n’ont pas vécu la même chose ?
La réponse à cette question demande de faire preuve de nuances. Il convient de relever que la Bible n’idéalise ni la pauvreté, ni les pauvres. Tout un pan de la tradition chrétienne a valorisé la pauvreté et la figure du pauvre en tant que telles. Le protestantisme a généralement été assez méfiant à l’égard d’une telle attitude. À juste titre ! On peut y discerner un lien suspect avec l’idée de contribuer à son salut (ou à celui des autres) par le moyen de ses propres souffrances au lieu de se confier uniquement dans l’œuvre de la croix. D’autre part, si l’enseignement biblique concernant les pauvres traite prioritairement de l’exigence de compassion et de justice à leur égard, quelques passages, peu nombreux mais significatifs, rappellent que le pauvre peut être responsable de la situation dans laquelle il se trouve, précisément en raison de son manque de sagesse (cf. les textes des Proverbes sur le paresseux, 6.6-11 par exemple). Tous les pauvres ne sont pas des sages !L’Écriture parle souvent des pauvres en lien avec le thème de la justice. Les droits des pauvres sont souvent bafoués et ils n’ont pas les moyens d’obtenir ce qui leur est dû, d’où les exhortations fréquentes : « Faites droit au faible et à l’orphelin, rendez justice au pauvre et au déshérité, faites échapper le faible et le pauvre, délivrez-les de la main des méchants. » (Ps 82.3-4) Comme les pauvres sont souvent opprimés, il convient de marteler l’importance de respecter leurs droits. Mais la loi de Moïse contenait aussi cette injonction surprenante : « Tu ne favoriseras pas le pauvre dans son procès. » (Ex 23.3) Cette prescription prévient une tentation, peu fréquente peut-être mais réelle, de donner systématiquement raison au pauvre, comme si par principe le droit se trouvait de son côté.
Ce qui est vrai d’un contexte strictement judiciaire (le procès) vaut de manière plus générale de toutes les situations dans lesquelles il s’agit de donner raison ou tort à quelqu’un. Puisque la parole des pauvres est si souvent dévalorisée, il importe, par mesure corrective, d’y être plus particulièrement attentif. Soyons prêts à écouter et à apprendre de ce que les pauvres ont à nous dire ! Mais n’allons pas tomber dans le piège inverse consistant à croire que le pauvre a raison uniquement parce qu’il est pauvre. Il vaut la peine d’insister sur ce point car certains semblent croire aujourd’hui que tout ce que les pauvres disent doit nécessairement être considéré comme juste, pertinent ou intéressant et estimer que toute remise en cause (surtout si elle vient d’un Occidental) devrait être suspectée de paternalisme ou de (néo)colonialisme. Dans certains cas, la bonne compréhension d’un contexte exige le recul de celui qui n’est pas directement impliqué ou dont les perspectives sont plus larges. Avec les pauvres, comme avec tous les autres humains, sachons être à l’écoute avec discernement.

Heureux les pauvres…

Et pourtant, même si elle n’idéalise ni la pauvreté ni les pauvres, la Bible contient plusieurs affirmations étonnantes, comme celle-ci : « Heureux êtes-vous, vous les pauvres, car le royaume de Dieu est à vous ! » (Luc 6.20)
La pauvreté de certaines personnes dans le monde nous dit quelque chose de la situation de toute l’humanité après la chute.
Nous avons vu que les personnes en situation de pauvreté sont capables de faire quelque chose et non pas uniquement de recevoir. Cela est vrai de façon générale et dans une perspective à long terme. On peut néanmoins constater un autre aspect de la pauvreté ou de certaines de ses formes : le pauvre est celui qui n’est pas en mesure d’offrir à celui qui partage avec lui quelque chose de socialement équivalent. Si vous l’invitez à manger chez vous, il ne peut pas vous inviter chez lui en retour (peut-être n’a-t-il même pas de chez lui), comme le souligne Jésus (Luc 14.12-14). Dans les situations les plus extrêmes, il sera réduit à la mendicité pure et simple et ne pourra pas faire grand-chose pour aller mieux. C’est cette extrême pauvreté-là qui décrit le mieux la situation de l’humanité devant Dieu : nous sommes tous des mendiants incapables de donner quelque chose en échange de notre salut. Les invités de la parabole sont des pauvres, des estropiés, des aveugles et des infirmes (Luc 14.21). Reconnaissons-le honnêtement : il n’y a rien là qui soit particulièrement valorisant pour les pauvres. Quand la Bible compare à des pauvres ceux qui sont appelés par l’Évangile ou l’ensemble du peuple de Dieu, c’est pour exalter la bonté de Dieu plutôt que pour mettre les pauvres en avant. Dieu manifeste son amour à celui qui renonce à jouer au riche devant lui et qui fait appel à lui dans la détresse, comme un mendiant qui n’a aucun espoir en ses propres ressources. Or l’expérience montre que ceux qui se tournent ainsi vers Dieu sont souvent des pauvres au sens économique du terme et que la richesse donne fréquemment à celui qui la possède l’illusion qu’il peut se passer de Dieu. D’où les paroles de Jésus sur la difficulté pour les riches d’entrer dans le Royaume de Dieu (par exemple Marc 10.24-27) ou l’affirmation de Paul selon laquelle Dieu a choisi des choses folles, faibles, viles, méprisées « de sorte que personne ne puisse faire le fier devant Dieu » (1 Cor 1.27-29).
Lorsque Dieu intervient en faveur de quelqu’un, il le relève vraiment et il fait de lui une nouvelle création. Il ne le laisse pas dans une situation d’« extrême pauvreté » spirituelle, même si nous restons dépendants de la grâce de Dieu tout au long de notre vie. Il l’équipe pour qu’il soit capable de donner quelque chose de valeur aux autres.
Or la Bible décrit plusieurs fois Dieu comme celui qui relève le pauvre (voir le Psaume 113 par exemple) ! Les pauvres qui mettent leur confiance en Dieu ont beaucoup à nous apprendre sur la vanité de ce à quoi nous nous accrochons bien trop souvent, sur ce qu’est la vraie foi qui s’attend à Dieu au jour le jour sans savoir ce qu’il y aura dans l’assiette au prochain repas, là où nous serions peut-être dévorés par l’angoisse. L’apôtre Paul s’émerveille aussi de ce que les chrétiens démunis de Macédoine manifestent un tel zèle pour participer à la collecte destinée à d’autres chrétiens, pauvres eux aussi (cf. 2 Cor 8.1-5). Les pauvres sont parfois beaucoup plus ouverts au partage que les riches !
N’imaginons pas cependant que, s’il est difficile pour un riche de mettre sa foi en Dieu, ce soit nécessairement simple pour un pauvre. La pauvreté a aussi ses tentations et ses luttes, mais celui qui sait tenir bon dans la détresse, y compris matérielle et économique, a certainement beaucoup à nous apprendre.


Il y a quelque temps, j’ai assisté à l’enterrement d’un missionnaire de 42 ans, décédé subitement. Le moment le plus touchant de cette émouvante cérémonie fut le témoignage des hommes et des femmes que Dieu avait touchés par le biais de son ministère et qui seront au ciel avec lui un jour. Matériellement, il ne laisse pas grand chose mais spirituellement il a accumulé l’une des fortunes les plus précieuses qui attendent les hommes et les femmes ayant eu le sens de leur responsabilité.
L’intensité de notre consécration se démontre par ce que nous aimons, désirons ou servons. Quel est notre trésor ? Jésus nous pose la question dans ces versets du Sermon sur la montagne.

Quel est ton trésor ?

19 Ne vous amassez pas des trésors sur la terre, où la teigne et la rouille détruisent, et où les voleurs percent et dérobent.
« Amasser » a donné en français « thésauriser ». C’est comme si Jésus disait : « Ce que vous êtes en train de faire révèle un sens erroné des priorités. »
Le problème que Christ relève est de retenir des richesses à des fins égoïstes, ou de voir dans l’accumulation de richesses un but en soi, un moyen d’afficher sa valeur personnelle.
A cette époque, les trésors étaient difficiles à préserver. Beaucoup de riches investissaient leur argent dans des vêtements de qualité. Malheureusement, les mites les dévoraient et pouvaient facilement ruiner une toilette coûteuse. Les maisons étaient construites avec une sorte de pisé qu’il était facile de percer. Un voleur pouvait facilement creuser le mur et retirer un coffret contenant de l’argent ou des bijoux.
Ce passage ne condamne pas la constitution d’une épargne légitime. Les fourmis ont raison d’amasser l’été ce dont elles auront besoin l’hiver (Prov 6.6-8). Il est sage de se préparer, quand c’est possible, un coussin financier pour les « saisons de la vie ».
Mais, comme le dit le proverbe populaire, « l’argent est un bon serviteur et un mauvais maître ». Les richesses sont, comme notre temps et nos compétences, une ressource formidable. Le problème des trésors c’est que parfois, on y prend goût et qu’on se laisse dominer par eux. Le problème c’est d’aimer les richesses de ce siècle et de vivre pour elles, par elles (cf. 1 Tim. 6.9-10).
L’amour des richesses conduit certains à ne pas prendre soin des leurs, ce qui est pire que le comportement des infidèles (1 Tim. 5.8). Il conduit même des soi-disant leaders d’église à exploiter financièrement les personnes crédules qui suivront leurs enseignements corrompus (2 Pi 2.3). Méfiez-vous de ceux qui appellent vos dons sans votre réflexion et votre consentement. L’amour de l’argent touche aussi les pasteurs et autres responsables religieux…
Le jeune homme riche était remarquable dans ses relations à autrui. Il respectait à merveille la seconde partie des 10 commandements. Mais Jésus le conduit avec tact à réaliser combien il avait piétiné les premiers : son amour de l’argent était une idolâtrie qui le condamnait tout autant à l’enfer (Mat 19.16- 26). Quelle folie !
L’interpellation de Jésus doit nous conduire à examiner nos « trésors » : sensualité, richesse, désir d’influence – les options sont hélas fort nombreuses.
 » 20 Mais amassez des trésors dans le ciel, où ni les vers ni la rouille ne détruisent et où les voleurs ne percent ni ne dérobent. « 
Les richesses terrestres sont très volatiles (cf. Prov 23.4-5). Christ nous propose de ne pas miser sur cette terre comme si nous allions y rester, mais d’investir différemment, sur le long terme. Le rendement est généreux il n’apparaît qu’au seuil de l’éternité. Au tribunal du Christ, nous ne ferons que récupérer ce que nous avons placé. 2 Cor 5.10 affirme qu’il nous sera « rendu », une notion bancaire, selon ce que nous avons déposé par notre consécration.
Tous les réveils authentiques que l’Écriture nous relate, ont eu un effet spectaculaire sur les offrandes (Ex 35.21 ; 1 Chr 29.2-9 ; Néh 8.5-8). Comme si une vision spirituelle claire montrait la futilité de nos poursuites terrestres. Lorsque je donne à un frère en difficulté, lorsque je participe à l’offrande de l’Église et pour la mission, j’épargne en fait dans les caisses célestes.
Dieu veut que nous nous servions des richesses, pas que nous les aimions pour elles-mêmes. Que nous les utilisions pour jouir de la vie (1 Tim. 6.17), pour contribuer à l’œuvre de Dieu (Éph 4.18), pour être généreux (Luc 6.38).
Il y a eu des moments dans l’histoire où certains sont allés jusqu’à tout sacrifier pour Dieu (cf. Marc 14.5 ou le début des Actes). Il ne me semble pas toutefois que cela soit forcément à imiter. À situation exceptionnelle, solution exceptionnelle. Il se peut qu’en cas de réveil spirituel, en cas de guerre et d’énormes besoins de solidarité, certains se sentent conduits à voler au secours d’autrui par de tels sacrifices. Mais cela n’est pas sans conséquences terrestres. Quelques années plus tard, la famine a frappé la région de Jérusalem. Paul demande aux autres régions, qui avaient tant bénéficié de l’aide des chrétiens de Jérusalem, d’aider ceux qui vraisemblablement, n’avaient alors plus de champs…
21 Car là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur.
Finalement, la véritable question est le contrôle qu’exerce un trésor. Qu’est-ce qui vous passionne, vous fait vibrer, vous fait choisir comment vous passez votre temps, votre énergie ? Nos passions révèlent ce que nous sommes — la couleur de notre cœur. Elles orientent nos vies.
Quand on fait du deltaplane, le seul moyen de contrôler la direction, c’est de faire basculer son corps dans un sens ou dans un autre. Le centre de gravité se déplace et l’aile volante s’oriente dans la direction voulue. Il en va de même de nos trésors. Par une décision consciente, nous devons déplacer nos centres d’intérêts, pour que nos trésors ne mobilisent pas toute notre énergie.
Un objet (aussi petit qu’un ordinateur ou aussi grand qu’une maison), ou un plaisir (aussi légitime qu’un plat de lasagnes ou aussi indigeste qu’un excès de table) peuvent ôter à Dieu la place du maître.
Ces mêmes idées sont ensuite rappelées par deux fois d’une manière différente.

Quel est ton désir ?

22 L’œil est la lampe du corps. Si ton œil est en bon état, tout ton corps sera éclairé ; 23 mais si ton œil est en mauvais état, tout ton corps sera dans les ténèbres. Si donc la lumière qui est en toi est ténèbres, combien seront grandes les ténèbres !
Le corps ne perçoit les obstacles devant lui que grâce à l’œil. Si l’œil ne fonctionne pas bien, il est difficile de retrouver un chemin ou de bouger son corps comme il le faudrait. L’œil c’est aussi l’appréhension des désirs et des éléments qui nous entourent. Beaucoup des informations qui orientent ma vie passent par les yeux.
Dans le jardin d’Éden, Ève « vit » que « l’arbre était bon à manger et agréable à la vue » (Gen 3.6) et elle en prit. Acan « vit » un manteau d’une rare beauté et un gros lingot d’or parmi les objets interdits du butin (Jos 7.1,21). David « vit » Bath-Schéba avant de réaliser son plan (2 Sam 11.2).
L’apôtre Jean avertit : « Tout ce qui est dans le monde, la convoitise de la chair, la convoitise des yeux, et l’orgueil de la vie, ne vient point du Père, mais vient du monde. » (1 Jean 2.16) C’est comme si la chair était dans un état de manque continuel et cherchait l’appui des yeux pour la nourrir, et pour susciter « l’orgueil de la vie ».
Jésus parle d’un œil en « bon état ». Le terme grec évoque la simplicité, la franchise, le caractère sans détour, la sincérité, l’honnêteté. Il peut se traduire par « non artificiel », « non mélangé », mais « direct ».
Notre œil va entraîner notre corps, et si notre œil n’est pas honnête, il va générer des désirs, orienter le corps, conduire notre vie, contrôler notre être.
Un œil intègre, franc, centré sur Dieu fera des merveilles dans une vie. Et pour ceci nous avons besoin que Dieu éclaire nos yeux (Ps 13.4 ; Éph 1.18).
L’œil peut aussi être en « mauvais état ». Ce qui désigne ici un état moralement mauvais, des yeux avides de trouver de quoi nourrir sa passion, son cœur.
Chacun d’entre nous, je suppose, avons parfois des aspirations moralement mauvaises. Nos yeux se portent fort naturellement sur ce qui alimente ces aspirations. Celui qui laisse ses yeux désirer et chercher la satisfaction, la satiété, ne trouvera qu’un puits sans fond. Il se retrouvera de plus en plus lié.

Qui est ton maître ?

24 Nul ne peut servir deux maîtres. Car, ou il haïra l’un, et aimera l’autre ; ou il s’attachera à l’un, et méprisera l’autre. Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon.
En personnifiant la richesse par Mammon, Jésus pense à ce qui nous contrôle, qui nous motive, qui nous satisfait, qui nous rassure, qui nous donne le sens des valeurs. Bref, le dieu que nous servons !
Les directives de deux maîtres feront en sorte qu’un jour où l’autre, ils s’opposeront. L’écartèlement n’est jamais très agréable. Le choix devient alors obligatoire. Qui est votre maître ?
Lorsqu’on cherche à placer ses yeux sur deux objets à la fois, on louche bizarrement et on ne voit plus rien clairement. Tout devient confus et on n’arrive plus à prendre de bonnes décisions.
Jésus appelle à une consécration absolue — volontaire, aimante, confiante — à sa personne. Dès lors, vous ne pourrez plus placer vos trésors uniquement sur cette terre, car vous n’emporterez rien. Dès lors, vous ne pourrez plus désirer n’importe quoi, car en chemin vers Dieu vous visez la sanctification, jusqu’à ce qu’elle soit accomplie, au moment de son retour. Dès lors, vous resterez détaché de tout ce qui pourrait vous dominer, pour mieux être disponible pour le Dieu qui vous a racheté !

Conclusion

Le respect de la seigneurie du Christ est un mouvement perpétuel de mort à soi-même — et de résurrection en lui. En fait, comme le dit l’apôtre Pierre, « chacun est esclave de ce qui a triomphé de lui » (2 Pi 2.19).
Qui est notre maître ? Qui nous domine ? Comme le souligne Timothy Keller, « Nous savons tous qu’il est possible de faire de l’argent un dieu. Nous savons aussi qu’il est possible de faire des relations sexuelles un dieu. En fait, tout peut devenir une idole, une alternative au vrai Dieu, une contrefaçon […] Un faux dieu est tout ce qui devient tellement central et essentiel à votre cœur que sa perte vous ferait perdre le goût de la vie. Une idole contrôle votre cœur d’une façon telle que vous pouvez lui consacrer la plus grande part de votre passion et votre énergie, de vos ressources financières et émotionnelles, sans y réfléchir à deux fois. »[note]Timothy Keller, Les idoles du cœur, Éditions CLE, 2008. [/note]
Comment ôter ces idoles de nos cœurs ? En faisant de Jésus-Christ l’objet de notre admiration, de notre satisfaction, de notre dévouement. On ne peut brûler ses idoles sans les substituer à un amour plus grand. L’apôtre Jean termine sa première lettre sur ces mots :
« Nous savons que nous sommes de Dieu, et que le monde entier est sous la puissance du malin. Nous savons aussi que le Fils de Dieu est venu, et qu’il nous a donné l’intelligence pour connaître le Véritable; et nous sommes dans le Véritable en son Fils Jésus-Christ. C’est lui qui est le Dieu véritable, et la vie éternelle. Petits enfants, gardez-vous des idoles. » (1 Jean 5.19-21)
Amassons un capital dans le ciel. Faisons-le par toutes les œuvres bonnes, par tous les investissements financiers pour le royaume de Dieu, par tous les actes discrets de piété, par le pardon que nous offrons, par l’amour que nous vivons — en un mot, par le règne de Christ en nous.


Aborder le sujet de la richesse et de la pauvreté matérielles nous place d’abord devant notre propre situation financière. « Ne me donne ni pauvreté ni richesse » demandait le sage Agur à Dieu (Prov 30.8). Il avertissait les riches : vous devriez connaître les dangers qui vous guettent… ne plus se confier en Dieu pour son quotidien, aimer les richesses, voire devenir cupide et vivre pour elles, ou, plus sournoisement, y trouver sa valeur personnelle.
Ce numéro de Promesses nous rappelle bien entendu ces dangers, en nous remémorant que nos biens matériels ne sont pas à nous mais à Dieu et en nous encourageant à nous amasser un capital dans le ciel.
Il essaye aussi de varier les points de vue sur ce sujet : comment considérons-nous les plus pauvres que nous ? sommes-nous à leur écoute ? que penser des inégalités sur le plan mondial ou au sein de notre pays ? etc.
Il tente également de donner quelques pistes pratiques et actuelles : comment répondre aux défenseurs de l’évangile de la prospérité ? quelle est notre responsabilité, individuelle et collective, devant la grande pauvreté ? que penser de la dîme ? et de la dot ?
Alors, écoutons encore une fois la parole de Dieu : « Que le frère ou la sœur pauvre soit fier de ce que Dieu l’élève, et le riche de ce que Dieu l’abaisse. En effet, il passera comme la fleur des champs. » (Jac 1.9-10)
Et, pauvres ou riches, souvenons-nous que, en tant que rachetés de Christ, nous possédons tous les immenses richesses de la grâce et de la gloire de Dieu !