PROMESSES
D’après Dan Graves
Pendant sa jeunesse, Abraham Lincoln, l’un des présidents américains les plus connus, se moquait des Écritures. Après la mort de son fils préféré, Willie, il a cherché un espoir qui pourrait lui apporter du réconfort. Sa femme Mary et lui ont assisté à des séances de spiritisme; mais ils y ont finalement renoncé en réalisant que c’était de la supercherie. Les soucis et les épreuves de la guerre ont rapproché Lincoln de plus en plus de sa Bible.
Beaucoup des messages de Lincoln font allusion à Dieu. Dans une lettre personnelle, il écrit : « Nous espérions que cette terrible guerre s’achèverait plus tôt de façon heureuse ; mais Dieu connaît le meilleur et en a décidé autrement. » Il se voyait de plus en plus comme un instrument de la volonté du Seigneur, aussi impénétrable soit-elle.
Il a ardemment cherché à comprendre pourquoi le Nord continuait à perdre, alors que la cause qu’il défendait — l’abolition de l’esclavage et le maintien de l’union du pays — semblait être la plus défendable. Finalement, dans un message privé, Lincoln a conclu : « Que la volonté de Dieu l’emporte. Les deux côtés ont peut-être tort ; dans la guerre civile actuelle, il est bien possible que l’objectif de Dieu soit bien différent de celui de chaque partie. »
Il y avait autant de péché pour provoquer la colère de Dieu sur l’Union que sur la Confédération esclavagiste. Le 12 août 1861, Lincoln a publié un appel dans les États du Nord à une journée d’humiliation publique, de prières et de jeûne « qui devait être observée par la population des États-Unis avec une gravité religieuse. […] Il est particulièrement approprié que nous reconnaissions la main de Dieu dans ces circonstances terribles et que, dans le souvenir douloureux de nos propres fautes et de nos crimes, en tant que nation et en tant qu’individus, nous nous humiliions devant lui et implorions sa grâce. »
Le jeûne fût observé le 26 septembre 1861. Les combats continuèrent pourtant pendant trois années encore. À la fin, Lincoln lui-même fût assassiné. Il nous reste le témoignage de ses paroles solennelles.
- Edité par _Anonyme
C’est en 2003 que je suis entré au conseil communal de Ballaigues, une petite commune suisse frontalière à la France et sise dans le Nord vaudois. L’organisation politique suisse prévoit qu’à chaque échelon institutionnel, communal, cantonal et fédéral, il y ait à la fois un organe législatif et un organe exécutif. Dans le canton de Vaud, le conseil communal (ou conseil général) est l’organe législatif d’une commune. La commune de Ballaigues compte environ 1200 habitants, autant d’emplois sur son sol, et gère un budget d’environ 8 millions de francs suisses.
Les tâches d’un législatif
À Ballaigues, le conseil communal se compose de 35 membres élus et se réunit environ 8 fois par année en séance plénière. Il approuve le budget de l’année à venir, les comptes de l’année écoulée, fixe le taux d’imposition communal, examine la gestion de l’exécutif et décide des investissements communaux (réseaux d’eau et d’épuration, bâtiments communaux comme salle de spectacle, salle polyvalente, poste, restaurant, chalets d’alpage, église, etc.). Il vote également des règlements de portée communale (règlement de police, déchetterie, épuration, cimetière, etc.) et suit l’implication de la commune dans des associations intercommunales (par exemple pour la gestion de la forêt et l’école pour ce qui nous concerne).
Servir la communauté
Depuis très longtemps, je me souviens avoir eu un intérêt pour la chose publique, suivant l’actualité tant régionale que nationale ou internationale par le moyen des journaux. L’implication de mon père dans ce même organe depuis 1983, de mon grand-père de 1943 à 1969 et de mes ancêtres dans la vie villageoise ont contribué à mon attachement à ma commune et au désir de servir mes concitoyens de cette manière. Le conseil communal comporte diverses commissions chargées d’examiner en profondeur certaines thématiques et de produire un rapport en vue du vote sur l’objet en question. J’ai le plaisir de siéger dans la commission des finances depuis 2006 : cela me permet de mettre les compétences acquises dans mes études d’économiste et dans mon activité professionnelle, au bénéfice de la commune.
Je vois mon engagement comme une forme de service en faveur de la communauté. Il est rendu d’autant plus facile que l’aspect partisan n’est pas présent (il n’y a pas de partis politiques), ce qui n’empêche pas que chaque membre du législatif ait sa propre sensibilité politique. Il est particulièrement agréable de ne pas avoir à suivre la ligne d’un parti, au risque d’être parfois en désaccord, mais de pouvoir voter et élire dans cet organe en toute liberté, sans pression aucune, en accord avec sa conscience.
Le conseiller communal a aussi la possibilité de faire des propositions par le biais de divers instruments. Il m’est ainsi arrivé d’intervenir plusieurs fois pour faire des propositions dans les domaines de la circulation ou de l’économie. Ainsi, servir, c’est pour moi faire des propositions, notamment dans deux domaines qui me tiennent particulièrement à cœur : améliorer la vie des villageois et prévoir l’avenir économique d’un village périphérique.
Un service qui forme le caractère
Dans ce service à la communauté, je souhaite donner le meilleur de moi-même et honorer Dieu : « Faites tout pour la gloire de Dieu » (1 Cor 10.31). C’est pourquoi je souhaite dépendre de lui et puiser en lui les forces pour agir avec droiture, justice et honnêteté. En fait, comme dans toute autre activité, c’est la responsabilité du chrétien de montrer le fruit de l’Esprit qui est « l’amour, la joie, la paix, la patience, la bonté, la bienveillance, la foi, la douceur, la maîtrise de soi » (Gal 5.22). Et c’est un exercice pour moi, car j’aime le débat et les joutes verbales, et aurais tendance, parfois, à m’emporter et à faire preuve d’impatience, de bien peu de bienveillance et de douceur. Rigoureux dans ma vision des finances communales, je dois aussi apprendre à accepter d’autres manières d’envisager les choses. Finalement, cela requiert de l’humilité : accepter, par exemple, que les propositions faites ne passent pas la rampe du vote ou que le point de vue que l’on a défendu soit minoritaire. Au final, comme l’ensemble de la vie chrétienne, c’est un service qui exerce ma foi et me permet de progresser, avec l’aide de Dieu, dans la formation de mon caractère.
- Edité par Bourgeois Nathanaël
L’immigration, un sujet politique…
Le sujet est également brûlant dans certains quartiers où il y aurait beaucoup à dire sur le manque d’intégration d’une partie de la population, sur le communautarisme parfois indéniable, sur l’avancée de l’islam, etc.
Mais si ce n’est pas le lieu pour prendre position par rapport aux choix politiques des différents gouvernements, ni pour dicter un choix politique personnel à quiconque sur ce sujet, est-ce une bonne excuse pour ne rien en dire ?
… mais également un sujet d’éthique personnelle
En premier lieu, nous pouvons prier pour tous ces gouvernements qui sont devant des choix difficiles, voire cornéliens.
En second lieu, n’abordons pas seulement le sujet d’un point de vue théorique et extérieur à nous : nous resterions froids et distants. Abordons-le d’un point de vue pragmatique et personnel : quelle personne d’origine étrangère est-ce que je côtoie quotidiennement ou ponctuellement ? –quelle attitude ai-je envers elle ? D’un coup, le sujet va nous concerner davantage ! Et nous aurons peut-être à reconsidérer certaines de nos positions…
Un sujet à examiner à la lumière de la Parole
Pour autant, si Dieu mentionne à plusieurs reprises les droits des étrangers sur le sol israélite, il n’oublie pas de rappeler leurs devoirs : « Vous aurez la même loi, pour l’étranger comme pour l’indigène » (Lév 24.22). Que cela nous incite à être équilibrés, en leur rappelant parfois les règles de vie de leur pays d’accueil.
Il est aussi instructif de voir l’attitude de notre Seigneur Jésus envers les personnes étrangères au peuple élu. Il n’hésite pas à s’entretenir avec une femme samaritaine, ce qui était choquant pour un Juif de cette époque (voyez la réaction de ses disciples quand ils le voient avec elle, Jean 4.6-42).Alors, si notre Seigneur n’hésitait pas à se « compromettre » avec des étrangers qui sommes-nous pour les éviter, les mépriser, voire les rejeter ?
Un sujet sur lequel mettre notre foi en pratique
- En manifestant l’amour envers notre prochain qui nous est ordonné par le Seigneur. Lorsque la Parole nous demande d’aimer notre prochain comme nous-mêmes, il ne s’agit pas seulement de celui qui nous ressemble…
- En ne jugeant pas hâtivement et sur l’apparence. Les différences de culture ou d’éducation nous égarent parfois sur les intentions de nos interlocuteurs. Par exemple, dans certaines cultures, il est habituel de rire lorsque l’on est gêné, ce qu’en tant que Français nous pourrions prendre dans certaines situations pour de la moquerie.
- En cherchant à découvrir les qualités de quelqu’un, en passant outre ce qui nous rebute au départ. Cela prendra peut-être plus de temps que pour quelqu’un qui nous ressemble davantage, mais si nous avons vraiment envie de nouer une relation profonde, nous découvrirons des « perles » dans l’être intérieur d’une personne vers qui nous ne serions pas allés spontanément.
- En ne nous immisçant pas abruptement dans la vie de personnes dont nous ne sommes pas proches. Quand nous faisons connaissance avec un étranger, assez vite nous voudrions comprendre pourquoi il a émigré et nous aurions tendance à apprécier les raisons de son départ à l’aune de nos propres critères. Gardons-nous de le faire car cela touche à son intimité et peut faire resurgir des souvenirs douloureux. C’est seulement quand une relation de confiance s’est nouée que ce sujet viendra peut-être.
- En témoignant de notre foi chrétienne auprès de personnes d’horizons très variés et que nous n’aurions jamais rencontrées si elles n’avaient pas immigré dans notre pays. Une des conséquences bénéfiques de ces flux de populations est le fait que des musulmans venant de pays fermés à l’Évangile vivent maintenant dans des pays où ils peuvent entendre la Bonne Nouvelle librement, occasion dont beaucoup de chrétiens ne manquent pas de profiter !
- En aidant les étrangers concrètement (cours de français, distribution alimentaire, etc.), si nous nous sentons appelés à cela. Notre mobile est notre amour pour Dieu et pour notre prochain et nous « prêchons » donc l’Évangile ainsi. Notre rôle sera peut-être simplement de faire changer de regard les musulmans : ils se méprennent souvent sur les chrétiens, qu’ils assimilent aux Occidentaux, qui selon eux ne croient pas en Dieu.
- Edité par Prohin Anne
Florent Varak et Philippe Viguier Éditions CLÉ, 2015
Ayant tous deux exercé des fonctions pastorales, Florent Varak et Philippe Viguier proposent un court essai, simple et pratique, inspiré par leurs prédications sur le thème des rapports entre l’Église et l’État. À l’origine de leur réflexion se trouve l’interrogation suscitée par les prises de position publiques de responsables d’églises au moment des élections françaises de 2012 et des débats sur la question de l’ouverture du mariage aux couples de même sexe. Néanmoins, loin de se limiter à une étude de cas, l’ambition de cet ouvrage est de conduire le lecteur, à la fois citoyen et chrétien, à s’interroger sur le rôle des croyants (pris individuellement) ou de l’Église (en tant qu’entité collective) vis-à-vis du pouvoir politique.
Pour cela, le premier chapitre présente une typologie des interactions entre l’Église et l’État. Outre les illustrations historiques qui étayent utilement le propos, les auteurs évaluent les forces et les faiblesses de chacun des modèles présentés à l’aune de la Parole de Dieu. Des croyants ont pu souhaiter imposer un « royaume chrétien » (modèle théocratique) ou exercer des pressions en vue d’établir des lois conformes à une perspective chrétienne. Par ailleurs, des actions politiques ont pu avoir une influence positive sur la société, grâce à l’influence de personnalités qui ont agi poussées par leur foi. Mais il convient, selon les auteurs, de distinguer les vocations individuelles de celle de l’Église, qui est d’abord et surtout de « refléter le corps de Christ » et d’ « incarner le message de l’Évangile », qui seul peut transformer les cœurs. Sans l’Évangile, il est vain de vouloir imposer au monde une éthique ou un mode de vie « chrétiens ». Pour autant, une séparation trop stricte entre les sphères spirituelles et politiques n’est pas non plus souhaitable. En restreignant exclusivement leur service à l’évangélisation et aux nécessités des chrétiens, les croyants courent le risque d’ignorer les souffrances et les besoins de leurs contemporains et se ferment à la possibilité d’avoir une quelconque influence sur les évolutions sociales. Ainsi, sans essayer de dominer l’État, mais sans y être passivement assujettis non plus, les croyants rassemblés en Église chercheront-ils à témoigner de Jésus-Christ afin que le monde perçoive ses caractères.
Ce témoignage se fera non seulement en parole, par l’annonce de l’Évangile, mais aussi par l’exemple donné, au sein de l’Église, d’une vie communautaire radicalement différente de celle du monde. Enfin, c’est par leur capacité à contribuer au bien de la société par un engagement séculier conforme à la vocation qu’ils ont reçue, que les chrétiens pourront incarner le message de l’Évangile.
Ces différents axes du témoignage sont ensuite développés à partir d’une étude détaillée des recommandations formulées par l’apôtre Pierre dans sa première Epître (1 Pi 2.11-17). « Étrangers et voyageurs », les croyants sont néanmoins appelés à accomplir les œuvres que leur foi produit et, désirant toujours connaître davantage le Seigneur, ils seront également conduits à le faire connaître. Pour cela, l’amour du prochain passera toujours au-dessus d’objectifs politiques particuliers.
Ainsi, plutôt que d’être remarqués pour ce à quoi ils s’opposent, les croyants sont-ils encouragés à se signaler par une présence positive et active dans le monde. En manifestant la bonté de Dieu par leurs propres bonnes œuvres et en recherchant « la paix de la ville » (Jér 29.5-7), voilà comment les chrétiens « réduiront au silence » leurs détracteurs (1 Pi 2.15). Cette mission, chacun la reçoit personnellement et pourra, en étudiant l’exemple laissé par le Seigneur Jésus, trouver le service qui lui permettra de faire resplendir la lumière de l’Évangile dans les ténèbres de ce monde.
Ces œuvres, fruits manifestes de leur foi, les chrétiens ne peuvent les pratiquer que parce qu’ils ont été libérés des liens du péché par le sacrifice de Christ. « Libres » (1 Pi 2.16) dans un monde asservi, les chrétiens montrent la voie. Mais leur liberté est aussi celle de désobéir aux autorités lorsque la liberté de conscience ou l’éthique biblique sont menacées, sans toutefois jamais se soustraire au respect dû aux gouvernements institués par Dieu. En toute chose, c’est la Parole qui guidera l’action du croyant et lui donnera le courage de ne pas couvrir le mal pour choisir au contraire d’annoncer les vertus de Dieu. Enfin, quel que soit leur degré d’engagement dans la société, les chrétiens doivent veiller à l’impact que celui-ci pourrait avoir pour l’Église et marcher sur terre avec prudence, dans la crainte de Dieu, qui évaluera chacun de leurs pas.
Invitant les chrétiens à prendre du recul sur les questions sociales, souhaitant qu’ils soient connus avant tout pour leur attachement à Christ et à la manière dont ils vivent l’Évangile, les auteurs évitent l’écueil d’une approche trop directive sur un sujet souvent polémique. Le propos est didactique et, notamment à l’aide des questionnaires proposés, le lecteur pourra prendre conscience de la nécessité d’approfondir l’étude de ce thème afin d’en comprendre pleinement les enjeux.
Recension par Thibaud Harrois
- Edité par Varak Florent
1. Le contexte historique
La période de la Réforme en Europe n’a pas été qu’une époque de renouveau spirituel initiée par plusieurs réformateurs. Elle a aussi été un temps de troubles sociaux, d’épidémies, et de guerres[note]Après la peste noire (1347-1352) qui a tué entre 30 et 50 % de la population européenne, les épidémies de peste se poursuivent à travers toute l’Europe. D’autres guerres succèdent à la guerre de cent ans (1337-1453). Parmi elles, la guerre d’Italie avec sa célèbre bataille de Marignan (Italie – 1515). À l’Est de l’Europe, le Sultan Soliman I lance une expansion de l’empire Ottoman en direction de l’Europe, elle s’achèvera aux portes de Vienne le 16 octobre 1529.[/note] . Ainsi dans des régions situées dans le Sud de l’Allemagne, le Sud de l’Autriche et l’Est de la France, des jacqueries éclatent sous forme d’émeutes, de conspirations, de soulèvements et de mutineries. On appellera ces révoltes le mouvement du Bundschuh (chaussures à lacets) qui durera de 1493 à 1517. Sur le plan social, la basse noblesse, en déclin, se marginalise, pille et brigande ici et là, rendant le courroux des paysans encore plus dur. C’est dans ce contexte que la Réforme va prendre racine, période de troubles, d’insécurité et d’incertitudes politiques, économiques, religieuses et sociales.
Elle est initiée par Martin Luther qui monte au créneau dès 1517 et dénonce les abus de l’église catholique romaine par la publication de ses 95 thèses sur la porte de l’église de Wittenberg. Mais à côté de ses travaux théologiques, Luther s’implique aussi dans des travaux d’ordre social et politique. Citons parmi ses écrits :
– À la noblesse chrétienne de la nation allemande sur l’amendement de l’état chrétien (1520)
– De l’autorité temporelle et des limites de l’obéissance qu’on lui doit (1523)
– Contre les hordes pillardes et criminelles de paysans (1525)
– Les soldats peuvent-ils être en état de grâce ? (1526)
– Le devoir des autorités civiles de s’opposer aux anabaptistes par des châtiments corporels (1536)
Parallèlement à Luther, un autre personnage prend de l’importance, Thomas Müntzer (env. 1489-1525). Ce dernier, né de parents pauvres, devient prêtre auxiliaire à Halle (Saxe-Anhalt) avant de rejoindre Luther dans le mouvement de la Réforme. Nommé pasteur à Zwickau (Saxe) en 1520, Müntzer va entamer un combat nettement plus radical et développer des idées personnelles liées à une révolution sociale. Son amitié avec Luther ne durera pas. En 1523, il s’en prend à lui dans ses écrits et profite des révoltes paysannes pour développer ses idées. En juin 1524 naît un nouveau mouvement de contestation dans le pays de Bade (Sud-Ouest de l’Allemagne actuelle) près de Schaffhouse. Les paysans sont soumis par leurs seigneurs à une corvée de ramassage de coquilles d’escargots qu’ils jugeront abusive. C’est le début de la guerre des paysans allemands. Müntzer, par ses idées fondées sur une lutte de libération violente, rejoindra ce mouvement et en deviendra l’une des icônes.
Le 15 août 1524, un traité d’assistance mutuelle est signé et une série de révoltes se développe dans différentes régions (Souabe, Franconie, Alsace et Alpes autrichiennes). Les paysans s’emparent de châteaux et de villes (Ulm, Erfurt, Saverne). En février et mars 1525, trois bandes de paysans se forment appuyées par des bourgeois et des religieux. Le 20 mars 1525, ces trois bandes, entrées en négociation avec la ligue de Souabe, adoptent une série de revendications formulées sous douze articles, basés sur des exigences ecclésiastico-économico-politico-sociales. Avec le souhait de prendre pour modèle la Confédération helvétique, les paysans fondent la Confédération de Haute-Souabe. Mais l’alliance avec la Ligue souabe leur sera fatale.
Le 16 avril 1525, dimanche de Pâque, quelque 6000 paysans odenwaldiens et hohenloheriens attaquent la ville de Weinsberg. La ville, faiblement défendue, sera aux mains des paysans en moins de deux heures. Après un procès sommaire mené tambour battant le même matin, le comte Ludwig von Helfenstein et une douzaine de nobles sont mis à mort par les paysans. La sanction consiste à les faire courir entre deux rangées de paysans munis de broche. La perpétration du bain de sang de Weinsberg fera violemment réagir Luther[note]Cet épisode fera pencher Luther en faveur des nobles. En réponse à cet évènement, il publiera son pamphlet « Contre les hordes pillardes et criminelles de paysans. »[/note] .
Le 15 mai 1525, la bataille de Frankenhausen oppose les paysans de Thuringe, conduits par Müntzer, à l’armée du Landgrave de Hesse et se soldera par la capture de Müntzer, il sera torturé puis décapité. La révolte sera matée vers la fin de l’année 1525 en Allemagne et en 1526 en Autriche. Les estimations évoquent l’implication de près de 300 000 paysans dont plus de 100 000 y trouveront la mort.
2. L’engagement de Müntzer dans le mouvement paysan et l’opposition de Luther
Müntzer opte en faveur de la lutte armée pour défendre les intérêts des pauvres et des paysans. Elle lui sera fatale. Il pensait que la lutte armée était la voie à adopter car il croyait au retour imminent du Christ sur terre et qu’il incombait donc aux chrétiens de préparer ce retour en vue du millénium. Les pensées millénaristes telles que celles de Müntzer n’était pas choses rares en ce temps, des anabaptistes allaient instaurer quelques années plus tard, entre 1534 et 1535, un régime théocratique dans la ville de Münster en Allemagne. Ils prétendaient avoir reconnu en cette ville la « nouvelle Jérusalem ». Mais ce mouvement sera combattu par la faible armée de l’archevêque, fortement assistée par les troupes des princes allemands, en particulier celles de Philippe de Hesse. Les protagonistes seront mis à mort à l’issue du siège de la ville.
Luther prendra position dans son écrit « Exhortation à la paix » à propos les douze articles de la paysannerie (avril 1525). Il ne s’oppose pas catégoriquement aux paysans mais il les met devant leurs responsabilités. Il rappelle aux paysans leur devoir de soumission aux autorités instituées par Dieu. Il écrit : « Le fait que les autorités soient mauvaises et injustes n’excuse pas la corruption ou les émeutes. Car punir la méchanceté n’appartient pas à tout le monde, mais aux autorités mondaines qui manient l’épée, comme Paul le dit dans l’épître aux Romains 13.4 et Pierre dans 1 Pierre 2.14, qu’elles sont ordonnées par Dieu pour punir les méchants .»
Parallèlement, il rappelle également à la noblesse son devoir : « Eh bien, parce que vous êtes alors la cause de cette colère de Dieu, elle éclatera sans doute aussi sur vous si vous ne vous améliorez pas au travers du temps […] Vous devez être différents et céder à la Parole de Dieu ». Toutefois, il encourage cette noblesse en y exposant le sens égoïste des douze articles : « Ils ont écrit douze articles, parmi lesquels certains sont tellement bon marché et raisonnables, qu’ils subtilisent l’honneur que l’on vous doit face à Dieu et au monde, de sorte qu’ils détournent le sens du Psaume 107.40, et méprisent les princes. Cependant, ces articles sont en majorité construits en leurs faveurs et besoins et n’incarnent pas ce qu’il y a de mieux. »
Lorsque Luther a écrit son traité sur la liberté chrétienne quelques années plus tôt, il défend une liberté spirituelle et non une liberté matérielle et temporelle. Pierre nous rappelle dans sa première Epître que nous ne devons pas abuser de cette liberté au profit du mal (1 Pi 2.16). Les paysans ont cru par erreur que Luther allait venir à leur secours pour les défendre vis-à-vis de leurs oppresseurs. Certains reprochent à Luther son manque de prise de position en faveur des plus pauvres. Luther aurait pu témoigner plus de compassion envers les paysans maltraités avec des interventions plus sociales, mais il a préféré garder des distances en raison des actes odieux perpétrés par les paysans, en particulier le bain de sang de Weinsberg. Luther avait bien compris ces deux dimensions de la liberté. Il n’a pas défendu le parti des pauvres, il a néanmoins interpellé les élites sur leur comportement et leurs responsabilités face à Dieu. Paul nous rappelle que les autorités sont instituées par Dieu pour notre bien (Rom 13.1, 4). Les autorités sont soumises à Dieu, Jésus le rappelle à Pilate avant sa crucifixion : « Tu n’aurais sur moi aucun pouvoir, s’il ne t’avait été donné d’en haut » (Jean 19.11).
3. Que penser de la lutte armée ?
Au travers de cet épisode de l’histoire, nous pouvons nous interroger sur la légitimité de la lutte armée contre l’autorité. Cette lutte est-elle un moyen pour aboutir à plus de justice sociale ? Ou encore, comme certains étaient tentés de le croire à cette époque, la lutte armée peut-elle servir à l’établissement du royaume de Dieu sur terre ? Daniel Arnold, après avoir courtement exposé l’usurpation du pouvoir par les rois dans le royaume d’Israël, écrit : « La révolution armée se veut courte, mais elle dégénère souvent en guerre civile, la pire des guerres.[note]Daniel Arnold, Vivre l’éthique de Dieu, L’amour et la justice au quotidien, éditions Émmaüs, 2010, p. 202[/note] » Dans sa patience, Dieu ne recherche pas que les hommes établissent avec violence et impétuosité un monde meilleur sur la terre mais qu’ils se repentent de leurs mauvaises actions. Pierre souligne cette vérité dans sa seconde épître : « Le Seigneur ne tarde pas dans l’accomplissement de la promesse, comme quelques-uns le croient ; mais il use de patience envers vous, ne voulant pas qu’aucun périsse, mais voulant que tous arrivent à la repentance » (2 Pi 3.9). Cette parole est valable tant pour le riche que pour le pauvre, pour le puissant que pour le faible, elle ne fait exception de personne. La repentance est une arme puissante qui, dans la durée, désarme bien des orgueilleux. Ce principe relève l’homme et le confronte au standard de divin au lieu de le faire sombrer dans la déchéance morale. En récompense, Dieu peut lui octroyer un pays avec plus de justice, de paix et d’amour du prochain.
Par-dessus tout, le chrétien est appelé à aspirer à cette espérance vivante à venir, la vie éternelle, et non aux choses temporelles périssables. Jésus a répondu à Pilate « Mon royaume n’est pas de ce monde, […]. Si mon royaume était de ce monde, mes serviteurs auraient combattu pour moi afin que je ne fusse pas livré aux Juifs; mais maintenant mon royaume n’est point d’ici-bas » (Jean 18.36).
- Edité par Herrmann Georges
Thierry Le Gall, au CNEF, le Conseil national des évangéliques de France, vous êtes responsable du service pastoral auprès des parlementaires de l’Assemblée nationale et du Sénat. Pouvez-vous d’abord nous retracer votre parcours ?
J’ai grandi dans une famille catholique pieuse influencée par la doctrine sociale de l’Église. Converti à 15 ans, j’ai mené pendant 17 ans une carrière dans la communication au sein d’un groupe agro-alimentaire.
Le désir de servir Dieu m’a conduit ensuite à devenir pasteur au sein des Assemblées de Dieu. J’ai aussi développé la communication de ce groupement d’églises, puis en 2011, le CNEF m’a contacté pour devenir leur directeur de la communication.
J’ai eu ensuite avec mon épouse la conviction qu’il serait utile d’avoir un ministère pastoral auprès des parlementaires. Après deux ans de réflexion et de prières, après décision du CNEF de créer un service d’aumônerie évangélique parlementaire j’ai commencé en 2015 un ministère à mi-temps auprès d’eux, qui s’est transformé ensuite en un service à temps plein. J’ai bénéficié de l’expérience de Georgina Dufoix, ancienne ministre de François Mitterrand, ainsi que de mes homologues à Berne et de Dick Forth qui a été en poste à la Maison Blanche pendant des années.
L’an dernier, j’ai suivi une formation certifiante à SciencesPo, Emouna, lancée avec le concours du ministère de l’Intérieur, qui rassemblait 30 représentants de divers courants religieux, du catholicisme au bouddhisme. Cette formation m’a permis de mieux comprendre le cadre républicain français ainsi que le fonctionnement de ces autres religions et surtout d’établir des contacts intéressants. Aujourd’hui, en France, le christianisme n’est plus qu’une proposition parmi d’autres et, même si je suis pleinement convaincu que Jésus est le chemin, la vérité et la vie, je dois réapprendre à le dire. J’ai dû adapter mon témoignage face à des personnes qui ont des convictions aussi fortes que les miennes.
En quoi consiste votre service auprès des parlementaires ?
J’ai une attitude proactive, empreinte de bienveillance et de respect de l’identité de chacun. Je sollicite des rendez-vous ou l’on me sollicite directement. L’entretien commence souvent par une clarification : qui sont vraiment les évangéliques ? C’est l’occasion pour moi de décrire la nature du monde évangélique, le mode de formation des pasteurs, le financement des églises, les origines ethniques, les positions éthiques, etc. — et de tordre le cou aux clichés qui nous desservent !
Souvent, l’entretien glisse vers des sujets plus personnels et mon rôle devient plus « pastoral ». D’un entretien qui implique en général les assistants du parlementaire, on passe alors au tête à tête et « quand la porte se ferme, le cœur s’ouvre ». Il voit alors en moi non plus uniquement un représentant du monde évangélique mais un simple pasteur, un aumônier qui accompagne l’élu dans son humanité. La soif de spiritualité est réelle dans ces sphères.
Mon rôle n’est cependant pas de faire du lobbying pour les thèses évangéliques : quand je suis interrogé par un parlementaire sur la vision des évangéliques sur un sujet donné, après une information générale, je me contente de le mettre en relation avec les personnes ou les structures compétentes, comme Portes Ouvertes sur la persécution des chrétiens dans le monde, le CPDH sur des questions de fin de vie, les associations familiales protestantes ou de lutte contre l’exclusion qui sont membres du CNEF, etc. Ces différentes instances sont découvertes et appréciées par les élus qui sollicitent ces dernières pour les aider à structurer leur réflexion ; cet échange peut à terme déboucher sur des amendements. Mais mon rôle à moi reste essentiellement pastoral.
Comment ce travail s’articule-t-il avec l’action du CNEF et les églises adhérentes ?
Il a déjà fallu une certaine dose de persuasion pour convaincre les responsables d’unions d’églises du CNEF de l’utilité d’une telle aumônerie.
L’enjeu est de développer la visibilité publique des évangéliques pour éviter qu’ils soient victimes de stigmatisations. Nous sommes d’ailleurs en partie responsables de ces dernières car le piétisme qui est largement à la base de notre théologie nous a enseigné pendant des décennies à nous séparer du monde et nous avons compris cette séparation non seulement comme une vie séparée du péché, mais aussi comme une vie coupée de la société. Cette perception évolue et de plus en plus d’évangéliques, en particulier parmi les jeunes, s’engagent dans les milieux associatifs ou dans les conseils municipaux.
Je travaille également à faciliter les relations entre les églises locales et les élus locaux qui ont longtemps été inexistantes, d’où une méfiance réciproque. J’encourage mes collègues pasteurs à aller voir non seulement leur maire (ce que plusieurs font déjà) mais aussi leur député ou leur sénateur. Les évangéliques ont tout à y gagner. Je relaie ce message en interne, dans les réunions institutionnelles du CNEF ou vis-à-vis des délégués.
Je reçois aussi des demandes de conseil pour des questions juridiques sur lesquelles le CNEF est bien équipé.
Je fais également des sensibilisations à la laïcité. Beaucoup de chrétiens s’auto-censurent en pensant que la laïcité est du laïcisme qui interdit de parler de ses opinions en public. À ce sujet,les petits livrets de vulgarisation que le CNEF a publiés, Libre de le dire, listent nos droits. D’autres chrétiens font des erreurs, par exemple en parlant de leur foi pendant le temps de travail, ce qui est interdit. Les pasteurs sont très demandeurs de ces présentations, ce qui témoigne d’une prise de conscience et d’un souci de formation de leurs équipes ou de leurs églises, dans une optique de changement de paradigme dans le rapport à la cité.
Que dites-vous aux chrétiens évangéliques qui pensent qu’il vaut mieux se tenir éloigné de la politique car elle représente « le monde » qui est sous l’influence du diable ?
Je suis souvent invité pour présenter mon ministère dans les églises locales et je rencontre en effet ce type de réaction. Ma réponse s’appuie sur trois textes bibliques :
– Matthieu 25.40 : Je comprends le terme « frères » au sens large, sans le limiter aux seuls croyants. Les chrétiens ont joué et doivent continuer à jouer un grand rôle dans les gestes de solidarité dans le monde.
– Jérémie 29.7 : Comme les croyants exilés en Babylonie, nous avons une responsabilité vis-à-vis de nos élus et de nos dignitaires. J’insiste sur le fait que nous avons à ne pas céder au biais bien français de critique de nos élites et d’insistance sur nos droits en oubliant nos devoirs…
– 2 Chroniques 7.14 : Il faut prendre conscience que la communauté des chrétiens a un rôle spirituel et prophétique à jouer dans le pays où elle est placée. Si les chrétiens français se mobilisent pour prier pour la nation, il se passera des choses !
Je constate également une tendance opposée, poussée par une minorité assez militante, qui voudrait que les chrétiens soient au pouvoir pour faire adopter des lois chrétiennes. Ils sont dans une vision prophétique illusoire de l’installation d’une théocratie. Je les sensibilise alors au fait que ce que nous voulons pour nous doit être recevable et bon pour l’ensemble de la population. Comment alors imposer une religion à tous sans en arriver à des dictatures et des persécutions qui sont des perversions de la doctrine chrétienne ?
Le positionnement du CNEF est donc missionnaire — être « sel et lumière » — mais non partisan ni militant.
- Edité par Le Gall Thierry
Placé dans le canon parmi les livres prophétiques, le livre de Daniel couvre une très large période qui débute avec le renversement de Jojakim par Nebucadnetsar en 606 av. J.-C., entraînant la première partie de la déportation de Juda à Babylone.
Riche en détails sur l’histoire des empires qui se succèdent en ce « temps des nations », le livre souligne la souveraineté de Dieu, y compris sur la scène politique nationale et internationale, alors qu’Israël, vaincu militairement, est mis de côté à cause de son infidélité.
La première partie (ch. 1 à 6) présente la manière dont un petit nombre de déportés de Juda demeurent fidèles à Dieu alors même qu’ils se trouvent à Babylone, lieu où siège le gouvernement des ennemis du peuple. Parmi ces quelques fidèles, quatre jeunes Hébreux : Hanania, Mishaël, Azaria et Daniel, membres de l’élite intellectuelle, que Nebucadnetsar et ses successeurs sur le trône cherchent à exploiter pour leurs propres desseins. Dans ces premiers chapitres, le livre de Daniel présente la situation et le caractère de ces étrangers en terre hostile.
Le fait que le livre soit placé dans le canon hébreu parmi les « Écrits » (« Ketubim ») au côté de textes sapientiaux comme l’Ecclésiaste, Job ou le livre des Proverbes nous invite d’ailleurs à porter une attention particulière à la manière dont la sagesse se traduit dans l’attitude de Daniel et de ses compagnons à la cour de Babylone. Le but de cet article est ainsi d’étudier la façon dont, face à un pouvoir autoritaire, quelques croyants demeurent fidèles à Dieu ; tout en œuvrant au bien de la cité et sans jamais manquer de respect envers les autorités, ils refusent de se compromettre, au prix de la persécution.
Un pouvoir autoritaire
Après le siège de Jérusalem et la défaite de Jojakim, Nebucadnetsar pille le temple et en transfère les ustensiles « dans la maison du trésor de son dieu » (Dan 1.2). Idolâtre, le roi de Babylone souhaite avoir une emprise spirituelle sur le peuple d’Israël soumis. Il cherche également à asseoir son pouvoir personnel en rassemblant à sa cour l’élite intellectuelle des nations conquises. Non seulement ces jeunes hommes devaient-ils être beaux, mais ils devaient posséder sagesse, connaissance et science (1.3-4). Toutefois, afin d’être rendus propres au service, les Hébreux devaient subir un processus d’acculturation et d’assimilation qui prenait trois formes : l’apprentissage des lettres et de la langue des Chaldéens (1.4), la consommation de mets et de vin provenant de la table du roi (1.5) et l’adoption de nouveaux noms (1.7). Ainsi, le pouvoir du roi s’exerçait-il sur les êtres tout entiers, corps, âmes et esprits.
En effet, en faisant apprendre les lettres et la langue de l’empire babylonien à ces jeunes, il s’agissait de modifier leur manière de penser pour leur faire adopter celle des conquérants idolâtres. De même, accepter de manger les mets du roi aurait signifié pour les Juifs se souiller en ne respectant pas les injonctions de la loi, alors que ces viandes étaient certainement sacrifiées aux idoles. Quant aux nouveaux noms que Daniel et ses compagnons reçoivent, ils altèrent l’identité des Hébreux pour leur faire porter le nom des dieux étrangers. Daniel, dont le nom signifie « Dieu est juge » ou « juge de Dieu », devient Belteshatsar, du nom du dieu babylonien Bel/Baal, et Hanania (« donné de Dieu en grâce »), Mishaël (« qui est comme Dieu ») et Azaria (« celui que Dieu aide ») sont appelés respectivement Schadrac, Méschac et Abed-Nego, également en référence à des divinités de Babylone.
Cette volonté de domination totale se retrouve au début du chapitre 3, lorsque Nebucadnetsar fait élever une statue d’or et réunit toutes les personnalités les plus importantes du royaume ainsi que les « peuples, nations, hommes de toutes langues » à l’occasion de sa dédicace (3.2-4). En faisant saluer la statue, le roi forçait ses sujets à adorer le dieu que, dans son orgueil, il s’était fait pour lui-même. À travers la statue, c’était lui-même que Nebucadnetsar désirait que les hommes adorent. De même Darius le Mède, sous l’influence de ses conseillers, se laisse déifier et être révéré (6.6-9), le culte idolâtre servant ainsi à conforter le pouvoir du tyran. Aujourd’hui encore, certains dirigeants cherchent à faire adorer leur personne et élèvent des statues à leur gloire (comme en Corée du Nord par exemple). Mais la liberté, en particulier celle de conscience, est bien souvent menacée de manière plus subtile, ce à quoi le croyant devrait être attentif.
Quelques fidèles
Face à l’oppression politique et spirituelle d’un pouvoir idolâtre qui, après les avoir privés de leur liberté, cherche à leur ôter leur identité, Daniel et ses compagnons choisissent de rester fidèles à Dieu. Parmi les caractéristiques de ces quatre serviteurs, notons tout d’abord qu’ils prient régulièrement, seuls, comme Daniel après la publication du décret de Darius (6.10), ou bien collectivement, comme lorsqu’il s’agit d’intercéder pour connaître la vision de Nebucadnetsar et son interprétation (2.17-18).
Ces prières sont également nourries par la lecture de la Parole (« les livres » mentionnés en 9.2), principalement des prophéties de Jérémie concernant Jérusalem et la durée de l’exil de Juda à Babylone, ce qui conduit Daniel à confesser les péchés du peuple et à intercéder pour lui.
Enfin, la fidélité de Daniel et ses compagnons se remarque dans leur volonté de s’abstenir de participer de près ou de loin au culte des idoles. C’est pourquoi Daniel résout « de ne pas se souiller par les mets du roi et par le vin dont le roi buvait » (1.8) et obtient du chef des eunuques une dispense pour lui et ses trois compagnons. Plus tard, ces derniers font preuve de la même résolution lorsqu’ils déclarent à Nebucadnetsar leur refus de participer au culte des dieux de Babylone et d’adorer la statue d’or (3.18).
Aujourd’hui encore, la prière et la lecture de la Parole aident le croyant à chercher la volonté de Dieu et à s’orienter dans un monde qui le rejette. Il convient également d’être prudent pour ne pas aveuglément adopter le langage ou la manière de penser de ceux dont les valeurs pourraient être contraires à l’Évangile. Néanmoins, le livre de Daniel montre également que le refus de la compromission morale ne passe pas nécessairement par un retrait complet des affaires de la cité.
Œuvrer au bien de la cité
Étant donnés la situation d’esclavage dans laquelle se trouvaient Daniel et ses compagnons, mais aussi les valeurs et le comportement des dirigeants qu’ils étaient contraints de servir, l’on pourrait s’attendre à ce qu’ils ne souhaitent pas particulièrement s’appliquer dans les tâches qui leur étaient confiées. Toutefois, il est dit que Dieu leur accorda « de la science, de l’intelligence dans toutes les lettres, et de la sagesse » (1.17) au point qu’ils surpassèrent les magiciens et les astrologues du royaume (1.19-20). Lorsque Babylone est conquise par les Mèdes et les Perses, Daniel est même établi comme l’un des trois chefs des satrapes et est distingué comme surpassant « les chefs et les satrapes, parce qu’il y avait en lui un esprit supérieur ; et le roi pensait à l’établir sur tout le royaume » (6.3). Bien qu’au service de dirigeants impies, Daniel s’efforce d’utiliser au mieux les talents intellectuels qu’il a reçus de Dieu. En œuvrant ainsi au bien de la cité, Daniel témoignait déjà de ce que l’apôtre Paul a plus tard enseigné : « Tout ce que vous faites, faites-le de bon cœur, comme pour le Seigneur » (Col 3.23). Pour Daniel, le fait qu’il soit au service d’un roi étranger n’enlevait rien au fait qu’il rendait gloire à Dieu en travaillant excellemment.
Ainsi Daniel ne s’est pas isolé avec ses compagnons d’exil, mais, tout en refusant tout compromis, il a cherché à tisser des liens qui lui furent souvent utiles. Il put demander à être autorisé à s’abstenir des mets et des vins de la table royale grâce à la faveur qu’il avait trouvée auprès d’Aschpenaz, le chef des eunuques (Dan 1.9). De même, il est peu probable que Daniel eût pu s’entretenir avec Arioc, le chef des gardes, au moment, où Nebucadnetsar lui avait ordonné de tuer les sages, si une relation n’avait pas existé auparavant (2.14).
Mais malgré sa capacité unique à connaître et interpréter les songes, Daniel sollicite ses compagnons et les associe à la prière qu’il adresse au « Dieu des cieux » (2.17-18). Et lorsque, après que son rêve eût été révélé et interprété, le roi souhaite récompenser Daniel en lui donnant « le commandement de toute la province de Babylone » et en le faisant « chef suprême de tous les sages de Babylone » (2.48), ce dernier demande que le roi promeuve également ses compagnons (2.49).
Les chrétiens impliqués en politique et dont l’appel est d’œuvrer au bien de la cité doivent pouvoir s’appuyer sur une église et sur la prière de compagnons fidèles. De plus, la construction de relations positives et un travail réalisé avec l’exigence de l’excellence seront un témoignage dans le monde. L’histoire de Daniel souligne néanmoins que la fidélité à Dieu, lorsqu’elle s’oppose à la volonté du souverain, devient un motif de persécution. Comment dès lors concilier respect envers les autorités et obéissance à Dieu ?
Craindre Dieu, honorer le roi
La succession des empires telle qu’elle est décrite dans le livre de Daniel invite le lecteur à considérer la souveraineté de Dieu, qui nomme et dépose les rois : « le Très-Haut domine sur le règne des hommes et […] le donne à qui il lui plaît » (4.25). Cette affirmation concorde avec ce que, s’adressant à d’autres croyants également soumis à un pouvoir despotique, l’apôtre Paul déclare : « il n’y a point d’autorité qui ne vienne de Dieu, et les autorités qui existent ont été instituées de Dieu » (Rom 13.1). Dès lors, l’apôtre Paul insiste sur la nécessité d’être soumis à ces autorités (Rom 13.5). De même, l’apôtre Pierre stipule : « Soyez soumis, à cause du Seigneur, à toute autorité établie parmi les hommes, soit au roi comme souverain, soit aux gouverneurs comme envoyés par lui pour punir les malfaiteurs et pour approuver les gens de bien » (1 Pi 2.13-14). Ainsi, quelle que soit la nature du gouvernement d’un pays, les croyants sont appelés à y être soumis pour la raison que c’est Dieu qui en est la source, et qu’un gouvernement, même mauvais ou corrompu, vaut mieux que l’anarchie.
Néanmoins, nous avons vu précédemment que Daniel et ses compagnons avaient à plusieurs reprises désobéi aux ordres du roi. Lorsque Schadrac, Méschac et Abed-Nego refusent de s’incliner devant la statue dressée par Nebucadnetsar, la menace est claire : ils seront jetés dans une fournaise ardente. Mais les trois Hébreux savent qu’en obéissant au roi ils violeraient l’un des dix commandements, et ils usent de la liberté qu’a tout croyant de désobéir aux lois qui contredisent explicitement la Parole. Alors ils répondent avec foi : « Voici, notre Dieu que nous servons peut nous délivrer de la fournaise ardente, et il nous délivrera de ta main, ô roi » (Dan 3.17). Dans le Nouveau Testament, l’on trouve une attitude similaire de la part de Pierre et Jean qui, lorsqu’on leur ordonne de ne plus « parler et d’enseigner au nom de Jésus », répondent aux autorités religieuses qui les ont convoqués : « Jugez s’il est juste, devant Dieu, de vous obéir plutôt qu’à Dieu » (Act 4.18-19).
Il n’est jamais attendu du croyant qu’il se soumette à un ordre qui irait à l’encontre de ce que lui dictent sa conscience et les principes éthiques de la Parole. Notons cependant qu’à aucun moment Daniel ou ses compagnons ne manquent de déférence envers le roi ; la désobéissance ne doit pas mener au mépris, à l’insulte voire à la violence, le croyant étant plutôt appelé à « [honorer] tout le monde », en particulier le roi (1 Pi 2.17).
Mais lorsque, ayant osé dire la vérité et rester droits devant Dieu, les jeunes Hébreux sont en butte à la persécution, alors le livre de Daniel montre comment la présence de Dieu se manifeste au cœur d’une opposition à laquelle ces serviteurs s’étaient préparés. Nebucadnetsar est lui-même étonné de constater qu’un quatrième homme, dont la figure « est semblable à celle d’un fils des dieux » (Dan 3.25) est présent dans la fournaise ardente. Plus tard, Daniel est lui-même en mesure de déclarer à Darius que « Dieu a envoyé son ange et fermé la gueule des lions » (6.22). Ainsi Dieu lui-même accompagne-t-il ceux qui sont à lui et les aide-t-il au cours des épreuves qu’ils rencontrent dans le service auquel il les a appelés. Mais nous avons également vu que Dieu pouvait récompenser la fidélité de ses serviteurs en leur faisant trouver faveur à la cour et gagner en responsabilité, la première partie du livre se concluant d’ailleurs sur cette note puisqu’il est dit que « Daniel prospéra sous le règne de Darius, et sous le règne de Cyrus, le Perse » (6.28).
Conclusion
Bien qu’exilés, soumis à un pouvoir tyrannique qui veut les priver de leur liberté, de leur culture voire de leur identité, et confrontés à l’utilisation politique d’un culte idolâtre, Daniel et ses compagnons ne sont pas découragés. Au contraire, ils saisissent chacune des occasions qui leur sont données de glorifier le Seigneur par un service fidèle. S’ils refusent toute forme de compromission, allant jusqu’à désobéir aux ordres royaux au prix de la persécution, ils n’en demeurent pas moins soumis aux autorités instituées par Dieu. En ce sens, ils constituent un modèle de sagesse pour le croyant engagé en politique, et plus généralement pour tout citoyen chrétien. L’influence de croyants comme Daniel et ses compagnons sur les dirigeants peut même les conduire à découvrir la vérité divine, à l’instar de Nebucadnetsar. Et si l’on ne peut attendre d’un État qu’il conforme ses lois à l’éthique biblique, du moins les chrétiens engagés en politiques peuvent-il œuvrer pour le bien, par exemple en cherchant à garantir la liberté de conscience.
- Edité par Harrois Thibaud
Il a toujours été discuté de savoir si le chrétien doit y prendre part. La question se pose avec autant d’acuité lorsqu’on voit la situation désastreuse dans laquelle vivent la plupart des pays africains aujourd’hui. Que peut faire l’homme de Dieu ou le chrétien tout court dans un tel contexte ? On peut considérer cette question sous trois angles.
De son identité
Le Seigneur Jésus avait prié le Père de ne pas nous ôter du monde, mais de nous préserver du mal (Jean 17.15). Il est donc conséquent que le chrétien puisse vivre dans son pays en évitant le mal et en se préservant des souillures du monde (Jac 1.27).
Le Seigneur nous fait comprendre aussi que le chrétien est le sel de la terre et la lumière du monde. Cette identité nous permet d’éclairer les uns et les autres à la lumière des saintes Ecritures, et de préserver notre entourage de la pourriture, tout en insufflant une bonne saveur comme le fait le sel.
Nos pays africains ont désespérément besoin aujourd’hui des chrétiens qui, loin de vouloir s’emparer du pouvoir politique, sont de véritables Joseph auprès de Pharaon ; de véritables Nathan auprès de David ; de véritables Daniel auprès des rois babyloniens ; et même de véritables Jean Baptiste auprès du roi Hérode. La double identité du chrétien veut aussi qu’il soit à la fois soumis aux autorités nationales (Rom 13.1-7), tout en obéissant à Dieu plutôt qu’aux hommes (Act 4.19 ; 5.29). Le chrétien, même s’il fait la politique, a ce devoir de par son identité de chrétien, de ne pas se conformer au monde (Rom 12.1-2).
De son engagement
Savoir si le chrétien doit prendre part à la vie politique de son pays est une question à laquelle il est très difficile de répondre.
S’il s’agit de la simple participation à la politique, il faut dire qu’il a ce devoir en tant que citoyen terrestre de voter pour désigner les élus qui le sont par le peuple, et de donner ses points de vue sur toutes questions non seulement pour dénoncer le mal, mais aussi pour conseiller le bien.
Mais qu’en est-il de ce que nous pouvons appeler la politique partisane ? Le chrétien doit-il fonder et diriger des partis politiques ? Doit-il postuler aux postes de Président de la République, de député, ou de sénateur etc ? C’est ce qui a toujours fait l’objet de vifs débats parmi les chrétiens. Il faut rappeler que sous la théocratie, les rois et leurs conseillers pouvaient être des croyants ou des impies, mais ils devaient diriger le pays d’Israël selon les lois divines.
À leurs côtés se trouvaient des prophètes qui avaient le devoir de leur rappeler le respect de ces lois. Malheureusement, il y avait aussi des faux prophètes qui les entouraient. D’un cas comme de l’autre, le véritable croyant devait participer à la vie politique selon les lois divines ; et c’est en respectant ces lois que Dieu leur avait promis la paix, la prospérité, et la longue vie (Deut 28.1-14 ; Rom 10.5). Si c’était le cas (la théocratie), la réponse serait absolument positive à cette question. Mais nos pays aujourd’hui sont soit sous la monarchie, soit sous la démocratie, soit même sous la dictature.
Depuis que les pays africains se sont engagés dans la voie de la démocratisation à l’occidentale, les choses deviennent de plus en plus chaotiques sur tous les plans. Il y a des lois dans la plupart des pays qui sont anti-bibliques (légalisation de l’homosexualité, des avortements, et d’autres vices de société, légalisation des emprisonnements à but d’élimination des opposants politiques etc).
La question qui se pose est donc de savoir si le chrétien africain qui veut avoir son parti politique et qui veut devenir Président de la République ou autre sera capable de maintenir et de préserver son identité de lumière du monde et de sel de la terre dans ce contexte.
Il n’est pas question ici de trancher le débat. Si le chrétien pense qu’il peut toujours dans ce contexte être un acteur politique de premier plan et glorifier Dieu selon 1 Corinthiens 10.31, qu’il le fasse, c’est Dieu qui le jugera. Il faut aussi se rappeler que devant Dieu, il n’y a point de favoritisme. Or les mœurs africaines sont toujours dominées par le favoritisme, le népotisme, et le tribalisme dont la plupart des chrétiens ont de la peine à se débarrasser.
Notre conviction est que, dans le contexte de la situation politique de nos pays, où les ténèbres morales dominent, le chrétien doit se préoccuper beaucoup plus de prêcher l’Évangile à toute la création, et de vivre comme un flambeau au milieu de cette génération perverse (Marc 16.15 ; Phil 2.15-16). L’apôtre Paul faisait remarquer à Timothée qu’« il n’est pas de soldat qui s’embarrasse des affaires de la vie, s’il veut plaire à celui qui l’a enrôlé. »
Si ceux qui étaient appelés à diriger les conférences souveraines organisées en Afrique dans les premières années 90, et même ceux qui sont appelés aujourd’hui à réconcilier les hommes politiques, en tant que chrétiens avaient vu les choses ainsi, il y aurait tout au moins un apaisement social aujourd’hui dans nos pays. Mais il semble qu’ils ont plutôt été motivés par le « partisanisme » et l’ambition de régner déjà dans ce monde. Or Jésus dit à Pilate : « mon royaume n’est pas de ce monde » (Jean 18.36).
De la non-résistance
Il faut tout simplement rappeler que lorsque nous regardons l’enseignement du Nouveau Testament, et même les exemples des prophètes et des apôtres, nous verrons qu’ils ont toujours pratiqué comme Jésus lui-même la politique de la non-résistance (Mat 5.38-48). Les prophètes, comme les apôtres, lorsqu’ils étaient arrêtés par les rois ou les gouverneurs de ce monde, n’ont jamais résisté à une arrestation. Ils fuyaient plutôt lorsqu’ils en avaient l’occasion, et ils se défendaient selon la Parole de Dieu lorsqu’ils étaient conduits devant les tribunaux. Lorsqu’il arriva même à l’apôtre Paul d’insulter le souverain sacrificateur, il demanda pardon en confessant qu’il n’est même pas permis de parler mal du chef de son peuple (Act 23.3-5).
Alors ceux des chrétiens qui pensent qu’ils doivent faire de la politique partisane, qu’ils sachent que les Écritures leur imposent un comportement de non-résistance à la persécution des autres hommes politiques qui ne connaissent pas Dieu. Ces persécutions devraient être plutôt l’occasion de prêcher l’Évangile.
Au lieu de s’engager dans les luttes politiques, il faut plutôt penser à combattre pour la foi transmise aux saints une fois pour toutes (Jude 3). Le malheur est que ce comportement porte atteinte à l’image de l’Église de Dieu dans le monde. Encore faut-il chercher à savoir s’il s’agit de véritables chrétiens (2 Pi 2.1-2).
En Afrique, il y a des cas où un mandat d’arrêt est lancé contre un pasteur, ainsi le pasteur est poussé à se cacher dans la forêt et devient incapable de s’occuper de ses brebis (si brebis il y en a). Il devient impossible de remplir la mission de Matthieu 28.18-20. Il apparaît comme si Christ n’avait pas reçu tout pouvoir dans le ciel et sur la terre. Il faut donc que les chrétiens africains qui pensent faire la politique partisane puissent bien y réfléchir.
Les mandats d’arrêt contre l’apôtre Paul l’ont conduit devant les gouverneurs et les rois pour prêcher l’Évangile de Christ. C’est pourtant aussi grâce à l’arrestation de Jean et son séjour en prison sur une île que nous avons le dernier livre de la Bible à savoir l’Apocalypse.
En conclusion, dans le contexte politique africain d’aujourd’hui, le chrétien doit comprendre que les jours sont mauvais, et qu’il est dès lors appelé et interpellé à un engagement politique de plus en plus avisé et brillant. Il doit participer à l’expression de sa volonté dans le choix des dirigeants de la société. Il doit dénoncer le mal et il doit conseiller les dirigeants politiques. S’il arrive par providence de Dieu et en vertu de sa souveraineté qu’il accède à un poste de dirigeant politique (comme ce fut le cas de Joseph, Daniel, Néhémie et autres), il doit gérer en s’assurant que lorsque les lois du pays sont en contradiction avec la Parole de Dieu, il agira selon la Parole de Dieu même s’il faut qu’il soit jeté dans la fournaise ardente (Daniel 3).
Chercher à savoir si le chrétien doit ou non faire la politique, n’est pas une question à trancher pour tous et de manière absolue. Ce n’est qu’avec la maturité d’esprit qu’on peut agir sachant que le chrétien est l’ouvrage de Dieu en Jésus-Christ pour des bonnes œuvres que Dieu a préparées d’avance pour qu’il les pratique (Éph 2.10). Et il n’est pas exclu que Dieu utilise son enfant partout où il veut, et lui donne la capacité de faire comme il veut.
- Edité par Mvondo Simon
Beaucoup des lecteurs de Promesses vivent dans des pays démocratiques où les élections sont le « moment politique » qui concerne toute la population[note]La situation en Suisse est singulière, puisque des « votations » sont souvent organisées pour se prononcer sur des sujets concrets. Dans la plupart des autres pays démocratiques, à l’exception de rares referendums, le vote concerne avant tout l’élection des représentants du pouvoir législatif ou du pouvoir exécutif. Le vote porte alors non pas sur la réponse à une question particulière, mais sur le choix d’un candidat ou d’une liste de candidats. Cet article s’intéresse donc à ce cas général.[/note] .
Dans certains pays (comme la Belgique), le vote est obligatoire ; d’autres pays (comme la France) permettent l’abstention[note]Mais même dans le cas du vote obligatoire, il reste généralement possible de voter « blanc » sans se positionner pour aucun candidat, ce qui revient de facto à s’abstenir.[/note] .
Cet article examinera quelques enjeux liés au vote. En effet, certains chrétiens sont fermement opposés au fait qu’un croyant puisse voter, tandis que d’autres voient dans le vote une obligation pour tout citoyen, chrétien ou non.
1. L’enjeu de la citoyenneté
Arguments favorables à l’abstention
Ce sont les citoyens d’un pays qui votent et le chrétien se définit avant tout comme un ressortissant d’un royaume « qui n’est pas de ce monde » :
– « Nous, nous sommes citoyens des cieux » dit Paul (Phil 3.20).
– Nous sommes « comme des étrangers et des voyageurs sur la terre » dit Pierre (1 Pi 2.11).
La vraie patrie du chrétien est le ciel ! Un commentateur écrivait : « Le chrétien n’est pas appelé à se mêler de quelque manière que ce soit à la politique du monde ; mais il a à marcher comme pèlerin, en se pliant patiemment aux lois humaines pour l’amour du Seigneur. » En s’impliquant dans la situation présente temporaire, le chrétien court le risque d’oublier sa vraie destinée future.
Arguments favorables au vote
Pour autant, le chrétien reste soumis aux autorités terrestres. Paul n’hésite pas à revendiquer sa citoyenneté romaine à plusieurs occasions. Lui qui se définissait comme citoyen du ciel savait utiliser son droit sur la terre.
Aux Juifs exilés en Babylonie, Jérémie recommande de rechercher le bien de la ville où ils sont (Jér 29.7). Le croyant est un peu comme eux : exilé loin de sa vraie patrie, mais ayant le devoir de s’impliquer dans son pays temporaire.
2. L’enjeu de la relation au monde
Arguments favorables à l’abstention
Le chrétien doit se séparer du monde. Paul dit : « Ceux qui usent du monde comme n’en usant pas, car la figure de ce monde passe » (1 Cor 7.31). Voter signifie dans une certaine mesure s’associer à un système opposé à Dieu.
Arguments favorables au vote
La séparation du monde ne se limite pas à refuser de toucher d’une quelconque manière à la politique. Combien de chrétiens se sont fait un point d’honneur à ne pas toucher à la chose publique, tout en usant abondamment du monde par ailleurs, par exemple sous son aspect économique en développant leurs affaires selon les mêmes principes que les autres. L’hypocrisie est vite arrivée et la séparation du monde souvent bien sélective…
Si nous ne sommes pas « du monde » (cf. Jean 17), nous sommes « dans le monde » et c’est dans le monde que nous sommes appelés à marcher dans les bonnes œuvres préparées d’avance (Éph 2.10) et à briller comme des flambeaux (Phil 2.15). La séparation du monde nous a fait parfois oublier l’amour du prochain. Or le contexte politique peut ou non favoriser l’action de l’Évangile ; voter pour un candidat qui veut maintenir la liberté de culte ou d’évangélisation peut marquer notre souci d’œuvrer dans le monde.
3. L’enjeu des objectifs et du programme
Arguments favorables à l’abstention
Les hommes politiques présentent tous un programme pour améliorer la situation. Or le croyant sait qu’il est impossible d’améliorer le monde qui est entièrement « sous la puissance du malin » (1 Jean 5.19). De plus, la Bible laisse même penser que les choses vont plutôt aller de mal en pis (cf. 2 Tim 3).
Le christianisme n’a jamais prôné la révolution, comme le prétend la théologie de la libération, mais par la transformation des cœurs il a amené une évolution tranquille qui a été souvent plus efficace sur le long terme.
De plus, un des points les plus délicats quant au vote est le mélange dans les programmes des candidats. En tant que chrétien, nous pouvons être en accord avec certaines de leurs idées ou avec certaines des mesures qu’ils voudraient mettre en œuvre, mais « en même temps » fermement opposés à d’autres propositions qui vont à l’encontre de l’Évangile. Les programmes ne seront jamais en tout point conformes à l’Évangile. Le reconstructionnisme[note]Mouvement évangélique américain qui visait à transposer dans le monde politique les lois bibliques.[/note] n’est pas une option viable. Aussi, devant l’impossibilité de faire une juste balance entre les deux côtés, mieux vaut sans doute s’abstenir.
Arguments favorables au vote
Tout chrétien lucide est bien convaincu que la politique ne peut pas résoudre tous les problèmes du monde. Mais en même temps, nous sommes ici-bas pour être « le sel de la terre » (Mat 5.13). Le « ce qui retient » de 2 Thessaloniciens 2.6 peut être interprété comme désignant les structures politiques actuelles qui ont pour fonction de limiter le mal. Comme Français, nous pouvons nous réjouir de vivre sous un régime démocratique, où le droit est largement maintenu.
Une autre raison peut inciter à voter : c’est l’occasion d’« annoncer la justice » (Ps 40.10). Nous avons la responsabilité d’œuvrer pour la justice à titre individuel, mais ce n’est pas suffisant : certaines actions ne peuvent être entreprises que collectivement. Pour ne prendre qu’un exemple, l’abolition de l’esclavage a nécessité une action politique ; la bonne volonté de quelques propriétaires éclairés ne suffisait pas.
La question du mélange à l’intérieur d’un programme électoral est pertinente. Mais ce dilemme est inhérent à notre situation hybride actuelle qu’il nous faut accepter : nous ne sommes pas encore dans la clarté du ciel, mais dans l’ambivalence de notre position d’aujourd’hui dans un monde pas encore racheté. Acceptons que tout programme reste imparfait et insatisfaisant. À chacun de « pondérer » les divers éléments du programme des candidats en fonction de sa compréhension des priorités du christianisme[note]Peu avant l’élection présidentielle française de 2017, un hebdomadaire chrétien a publié une série d’interviews dans lesquelles des croyants engagés justifiaient leur vote par leurs convictions chrétiennes— et chacun d’eux votait pour un programme différent ![/note]. Certains mettront les aspects d’amour du prochain et de justice sociale avant les enjeux sociétaux ou moraux ; d’autres feront le choix inverse.
4. L’enjeu du candidat
Arguments favorables à l’abstention
D’après Romains 13.1, le détenteur de l’autorité est un choix souverain de Dieu. Il n’appartient donc pas au chrétien de choisir à la place de Dieu ! Comment gérer le désaveu implicite que constitue l’élection d’un candidat différent de celui qui semblait le « moins mauvais » d’un point de vue évangélique ?
Arguments favorables au vote
Il est possible de distinguer entre la volonté permissive de Dieu et sa volonté directrice : par exemple, Dieu permet que des dirigeants corrompus ou immoraux accèdent au pouvoir, mais pour autant cela ne valide pas leur comportement !
En votant, le chrétien choisit en conscience devant Dieu de se porter en faveur d’un homme ou d’une femme, certes faillible, certes imparfait(e), certes dont l’action décevra forcément s’il (ou elle) est élu(e), mais ce faisant il a la possibilité d’accomplir son devoir de citoyen et d’orienter dans une mesure la situation vers le « mieux ». Et si son candidat n’est pas élu, qu’il accepte sans critiquer ce que la souveraineté de Dieu a permis.
En guise de conclusion
De bons arguments peuvent être apportés en faveur ou contre le vote. Il appartient donc à chaque lecteur ou lectrice, sans doute aussi en fonction de son contexte national, de se positionner sur ce sujet — et d’éviter de porter l’anathème sur ses frères et sœurs qui adoptent la position contraire. En effet, le vote fait partie de ces sujets sur lesquels le Nouveau Testament ne donne pas d’instruction contraignante, (il a été écrit à une époque où le régime politique n’était pas démocratique !) ; ne s’agissant pas d’un point fondamental de doctrine chrétienne, chaque croyant choisira une position selon sa conscience en cherchant à agir« pour le Seigneur » (cf. Rom 14).
Rappelons en terminant que le sujet du vote n’est que temporaire : tous les chrétiens attendent un régime où il n’y aura plus besoin de voter, lorsque le Roi des rois prendra enfin la domination universelle. « Que ton règne vienne ! »
- Edité par Prohin Joël
Au cours de sa longue carrière et au prix d’un labeur acharné, il a écrit une soixantaine de livres et plus d’un millier d’articles, sur des sujets aussi divers que la technique, la révolution, la politique, les lieux communs, mais aussi la Genèse, l’Ecclésiaste, l’Apocalypse, etc.
Spécialiste de la pensée de Karl Marx, il s’est toujours tenu à l’écart du marxisme (dans lequel il voyait une idéologie), tout en proclamant se référer à cette pensée, en même temps qu’à la Bible…
Cette double référence fait de lui un penseur original et atypique, présentant des analyses de la société d’une très grande finesse et sans concession. Son œuvre est entièrement axée sur la liberté, et fondée sur l’espérance, au sens biblique de ces termes.
Je crois que l’on ne peut pas se passer de son apport quand on réfléchit à l’engagement du chrétien dans la société, que ce soit au niveau de l’éthique ou à celui de la politique, que l’on adopte ses conclusions ou non. Par contre, on ne peut pas toujours suivre ses développements théologiques ou ses commentaires sur la Bible car il s’écarte parfois gravement de l’orthodoxie évangélique.
Dans les lignes qui suivent je n’aborderai que quelques aspects de la pensée de Jacques Ellul, ceux qui m’ont le plus marqué et inspiré et qui sont en rapport avec le thème de ce numéro.
Dans le monde, mais pas du monde
Cette position n’est bien sûr pas facile (nous l’expérimentons tous les jours), car bien que n’en faisant pas partie, le chrétien vit dans le monde et partage le sort de ceux qui l’entourent. Comment doit-il se comporter pour glorifier Dieu au milieu de ses contemporains ?
Bien entendu, chacun l’a compris, le monde dont il est question ici n’est ni l’univers ni l’ensemble des personnes qui vivent sur la terre à un moment donné. Mais alors, qu’est-ce que la Bible appelle le monde ?
Le monde, et son prince
Notre mot français « politique » vient du mot grec « polis » qui désignait la cité des grecs, la société grecque. Pour Jacques Ellul, « le politique est le domaine, la sphère des intérêts publics gérés et représentés par l’État. La politique est l’action relative à ce domaine, la direction du groupement politique, l’influence que l’on exerce sur cette direction. » (L’illusion politique, p. 13)
Quand nous traitons du sujet « le chrétien et la politique », c’est bien de l’action du chrétien dans ce domaine des intérêts publics gérés par l’État que nous parlons, de l’action du chrétien dans la société organisée.
Ce qui fait que si l’on accepte la définition du terme « monde » donnée au début de ce paragraphe, la politique est l’action dans l’organisation de ce monde, et l’engagement politique du chrétien est sa participation à l’organisation de la société dans laquelle il vit, société que la Bible appelle « le monde ».
La conclusion que Jacques Ellul tire à la fois de ce qui précède, de son analyse minutieuse de la société et de sa grande expérience de la politique est sans appel : « La politique est l’image actuelle du Mal absolu. Elle est satanique, diabolique, le lieu central du démoniaque. » (« La foi au prix du doute, p. 279 »).
Nombreux sont les chrétiens qui refusent l’engagement politique, mais je n’en connais aucun qui ait des paroles aussi dures pour définir la politique. Et en plus, cette définition ne découle pas du fait que d’après le Seigneur Jésus lui-même c’est Satan qui est le prince de ce monde : elle résulte de l’observation des faits, et confirme (si besoin en était) la parole du Seigneur.
Et pourtant, le Seigneur nous laisse dans le monde, et il ne fait rien sans but ! Alors, quels sont notre statut et notre fonction dans ce monde ?
Pas du monde
Celui qui a accepté le salut offert par le Seigneur Jésus a été « racheté de la vaine manière de vivre héritée de ses pères » (1 Pierre 1.18), « pour servir le Dieu vivant et vrai, et pour attendre des cieux son Fils qu’il a ressuscité d’entre les morts, Jésus » (1 Thessaloniciens 1.9-10).
Bien plus, il est devenu un enfant de Dieu (1 Jean 3.1) et a été transporté dans le royaume du Fils bien-aimé de Dieu (Colossiens 1.13).
Voilà pourquoi le Seigneur Jésus lui-même affirme que ses disciples ne sont pas du monde (Jean 17.14). Quant à l’apôtre Paul, il exprime la même vérité quand il dit que « notre citoyenneté est dans les cieux » (Philippiens 3.20).
Le chrétien n’est pas du monde, parce qu’il fait partie du royaume de Dieu, et nous pourrions citer de nombreux textes des Évangiles à ce propos. «Cela veut dire qu’il a une pensée, une vie, un cœur qui ne sont pas dirigés par le monde, qui ne dépendent pas du monde, mais qui sont à un autre maître. […] Nous n’avons le droit ni de nous accoutumer à ce monde, ni de le voiler d’illusions chrétiennes. » (Présence au monde moderne, p. 15)
Et pourtant, c’est vrai aussi, le chrétien est dans le monde… mais il y « séjourne » seulement (1 Pierre 1.17) ; il y est comme « un étranger, un voyageur (forain) » (1 Pierre 2.11).
C’est son statut, mais qu’en est-il de sa fonction : pourquoi le Seigneur le laisse-t-il comme un étranger dans un pays qui n’est pas le sien ?
Ambassadeur du Royaume
Jacques Ellul, se référant à 2 Corinthiens 5.20, définit la mission du chrétien dans le monde comme celle d’un ambassadeur. Un ambassadeur représente les intérêts de son pays dans un autre pays, auprès des autorités de ce pays qui n’est pas le sien mais dans lequel il séjourne.
On voit clairement ici le lien avec la définition de ce qu’est la politique : la fonction d’un ambassadeur est politique. Le chrétien est un ambassadeur du royaume de Dieu auprès de ce monde régi par Satan, et d’abord auprès des sujets de ce monde. Comment ? Nous allons le voir.
Brebis au milieu des loups
Lumière du monde
« La lumière est ce qui chasse les ténèbres, ce qui sépare la vie de la mort, ce qui donne le critère du bien. […] Hors de cette lumière, on ne peut rigoureusement pas savoir ce qu’est une bonne œuvre, ni ce qu’est le bien.» (« Présence au monde moderne », p. 17) On ne peut donc pas savoir non plus quelles sont les exigences de Dieu pour l’homme, ni comment y satisfaire.
Sel de la terre
Serviteur de la réconciliation
« Nous sommes mis par Jésus-Christ en présence de la fonction particulière du chrétien et il ne peut y en avoir d’autre. Il ne peut pas être autrement, il n’a pas le choix, et s’il n’est pas ainsi, il ne remplit pas son rôle. C’est une trahison à l’égard de Jésus-Christ mais aussi à l’égard du monde. Il peut toujours s’évertuer aux bonnes œuvres et se dépenser en activités pieuses ou sociales. Cela ne signifie absolument plus rien s’il n’accomplit pas la seule mission dont il a été chargé par Jésus-Christ et qui est d’être d’abord un signe. » (« Présence au monde moderne », p. 17)
Quelque part, Jacques Ellul nous rappelle ainsi que la façon dont nous vivons dans le monde, notre comportement et nos attitudes, sont plus importants que nos paroles dans la proclamation de la bonne nouvelle du salut que Dieu propose à l’homme en Jésus-Christ.
Vous avez dit : politique ?
Mais le fait d’être ambassadeur du Royaume de Dieu au milieu du royaume de ce monde, caractérisé par « le pouvoir des ténèbres » (Colossiens 1.13), suppose beaucoup plus que cela.
Jacques Ellul récuse toute action de politique politicienne, démontrant dans l’un de ses ouvrages qu’elle est basée sur une double illusion : celle de l’homme politique et celle du citoyen. En effet, l’homme politique croit maîtriser le Pouvoir et prendre des décisions efficaces, alors que la rigueur croissante des appareils d’État le réduit de plus en plus à l’impuissance. Quant au citoyen, il croit pouvoir orienter, participer, alors qu’il peut tout au plus contrôler des hommes politiques sans pouvoir réel.
De plus, pour Jacques Ellul, le ressort de toute action politique est la volonté de puissance, la recherche du pouvoir, et son arme par excellence est la propagande, qu’il qualifie de « mensonge en soi ». Quand il dit de la politique qu’elle est « diabolique », c’est dans le sens littéral du mot : la politique divise ; le fait même d’appartenir à un parti suppose la diabolisation de l’autre.
Pour le chrétien, il est clair que le mensonge nous renvoie à l’entrée du péché dans le monde, tandis que la volonté de puissance est en parfaite contradiction avec l’attitude du Seigneur (Philippiens 2.1-10), attitude que nous sommes pressés d’avoir puisque nous nous réclamons de lui.
Est-ce à dire que notre seule participation à la vie de la société dans laquelle nous vivons doit être celle que nous avons définie plus haut : être lumière du monde, sel de la terre et serviteur de la réconciliation, tout en étant des brebis au milieu des loups ?
Une politique non-politicienne
Participer à la vie de la société en étant porteur de valeurs qui lui sont étrangères, c’est déjà un acte politique ; témoigner de ces valeurs auprès des institutions de cette société, c’en est un autre, qui correspond vraiment à la fonction d’un ambassadeur qui défend les intérêts de son pays à l’étranger.
C’est tout autre chose que de vouloir « christianiser le monde », lui imposer nos valeurs par l’action politique. Essayer cela, c’est aller à l’échec, car « la politique possède un pouvoir d’absorption, d’assimilation irrésistible. […] Même le chrétien est pris dans le dilemme tragique, ou il cherche à rester chrétien et fera une politique stupide (Carter), ou il sera un politique efficace mais cessera fondamentalement, radicalement d’être chrétien. » (« La foi au prix du doute », p. 293).
Tirant des leçons de l’Histoire, Jacques Ellul fait remarquer à juste titre que le christianisme a été subverti par sa collusion avec l’état à partir du IVe siècle sous Constantin, et va jusqu’à dire que « le christianisme est la pire trahison du Christ » (« La subversion du christianisme »).
Il ne s’agit donc pas pour le chrétien d’établir le royaume de Dieu sur terre, mais d’y proclamer ses valeurs et de vivre dans l’espérance, dans la perspective de son établissement par le Seigneur.
Alors que ses analyses auraient pu le conduire au pessimisme, Jacques Ellul a proclamé toute sa vie son espérance en cet établissement du Royaume par Jésus-Christ à la fin des temps, et s’est engagé activement dans sa fonction d’ambassadeur de ce Royaume. Comment ?
En ne perdant aucune occasion de témoigner des valeurs du Royaume, par la parole ou par la plume, en particulier par le moyen de chroniques dans les journaux.
Tout en nous invitant à l’imiter, il nous met en garde : il ne s’agit pas de signer des pétitions ou de participer à des actions collectives, car « toute prise de position politique a une signification politique, d’abord, indépendamment des interprétations individuelles que j’aimerais lui donner. » (« L’illusion politique, » p. 132) Il s’agit d’être signe du Royaume de Dieu, là où nous sommes, à chaque instant, selon que l’Esprit-Saint nous conduira.
Jacques Ellul nous invite à nous acquitter de notre fonction d’ambassadeurs du Royaume de Dieu en nous engageant dans l’action politique non-politicienne, et nous rappelle que « cette action est un combat » non contre la chair et le sang, mais contre les puissances, les trônes, les dominations. « Et nous devons savoir que ce combat, d’abord principalement spirituel, est un combat mortel. » (« Présence au monde moderne, » p. 74)
Mais Jésus-Christ est Seigneur, et il vient établir son Royaume !
- Edité par Gimenez Olivier
Articles par sujet
abonnez vous ...
Recevez chaque trimestre l’édition imprimée de Promesses, revue de réflexion biblique trimestrielle qui paraît depuis 1967.