PROMESSES
Le 7 juin 1891, Charles Spurgeon donne son dernier sermon au Tabernacle de Londres. Il est très atteint dans sa santé depuis quelques mois et prêche assis en raison de son grand état de fatigue.
Il avait choisi pour texte 1 Samuel 30.21-25, et voici les dernières phrases de ce sermon :
« Si vous vous enrôlez sous la bannière du Christ, vous découvrirez en lui un chef si doux, si humble de cœur, que vous trouverez le repos de vos âmes. Il est le plus magnanime des capitaines. Parmi les plus excellents princes, personne ne peut lui être comparé. Il est toujours au plus fort de la mêlée. Si un vent glacial souffle, il prend toujours le côté de la colline le plus exposé. C’est toujours l’extrémité la plus lourde de la croix qui pèse sur ses épaules. S’il nous ordonne de porter un fardeau, il le porte avec nous. S’il y a quoi que ce soit de bienveillant, de généreux, de tendre, d’aimable, quelque surabondance d’amour, c’est toujours en lui que vous le trouverez. Le servir, c’est la vie, la paix, la joie. Ah ! Puissiez-vous le servir dès maintenant. Que Dieu vous aide à vous enrôler sous la bannière de Jésus-Christ. »
D’après Mme Geroges Brunel, Spurgeon, sa vie et son œuvre, Éditions Impact, Trois-Rivières, 2013, p.230-231
- Edité par Spurgeon Charles
Les secrets d’une victoire impossible
David est un jeune berger ; il garde les brebis de son père. Mais un jour, son père, le vieil Isaï, lui confie une autre tâche :« Prends pour tes frères cet épha de grain rôti et ces dix pains, et cours au camp vers tes frères ; porte aussi ces dix fromages au chef de leur millier. Tu verras si tes frères se portent bien, et tu m’en donneras des nouvelles sûres » (1 Sam 17.17-18). En arrivant sur place, David constate que les deux armées sont face à face, juste séparées par une étroite vallée. Chaque jour, un philistin géant, Goliath, insulte l’armée d’Israël et son Dieu, l’Éternel. L’armée d’Israël est terrifiée, paralysée. La situation s’enlise.
La Bible raconte comment David va finalement affronter Goliath, le vaincre et ainsi donner une grande victoire à son peuple. Le récit se trouve dans 1 Samuel 17. Quels sont les secrets de cette victoire ?
1. Quels obstacles David a-t-il dû surmonter ?
Un ennemi redoutable : Goliath mesure près de trois mètres ; il est protégé par une armure impressionnante et il dispose d’une épée, d’un javelot et d’une lance ; sa voix porte comme le tonnerre. Quand il se dresse, même à distance face à l’armée d’Israël, celle-ci est effrayée et se disperse en désordre (v. 24) ;
David n’a pas d’expérience militaire : s’il a une habileté pour combattre l’ours et le lion , il n’a pas à proprement parler d’expérience militaire. De plus, il est jeune, tout juste jugé par son frère Éliab capable de garder quelques brebis dans le désert (v. 28) ;
David n’est pas mandaté par son père pour combattre ; Isaï lui a demandé de ravitailler ses frères et de ramener de leurs nouvelles (v. 17). Toutefois, Dieu a en vue quelque chose de plus grand que ce petit service ;
David n’a même pas la confiance entière de son père pour remplir cette modeste mission : il doit lui rapporter des preuves pour l’assurer qu’il est bien allé voir ses frères (v. 18) ;
Dès son arrivée, David est plongé dans une ambiance générale de désarroi, de frayeur, de panique, de désordre (v. 24) ;
David se heurte à la colère et l’opposition de son frère aîné : celui-ci lui reproche d’avoir déserté son poste de berger et d’être venu pour le plaisir d’assister à un spectacle sanglant ; il le traite injustement, lui prête des intentions méchantes et le rejette ; il oublie de remercier David pour ce qu’il a apporté (v. 28) ;
David entend des paroles décourageantes de la part du roi Saül :« Tu ne peux pas aller te battre avec ce Philistin, car tu es un enfant… » (v. 33). Puis Saül lui propose sa propre armure, prestigieuse, mais totalement inadaptée ; David l’essaie : il ne peut même plus marcher ! En réalité, cette « aide » proposée par le roi met David en danger de mort ! (v. 38-39) ;
Au moment où David s’approche de Goliath, celui-ci lui promet de donner son cadavre aux animaux et le « maudit » par ses dieux. Ces terribles menaces, physiques et spirituelles, sont effrayantes ! (v. 43-44).
David avait donc toutes les raisons de s’en tenir à la mission que son père lui avait confiée et de vite rentrer au village pour rapporter des nouvelles. Personne ne le poussait à se sentir personnellement concerné et interpellé par le défi de Goliath, au contraire.
2. Alors qu’est-ce qui pousse David à s’impliquer personnellement ?
Il n’accepte pas que son peuple soit outragé et humilié (v. 26) ;
Surtout : il n’accepte pas que le nom de l’Éternel soit outragé (v. 45). David est très conscient de la gloire de Dieu, du respect et de l’honneur qu’on lui doit. Goliath insulte Dieu ; le roi et le peuple semblent avoir oublié Dieu. Pour David, ces deux attitudes sont intolérables. Dieu va faire taire définitivement celui qui l’outrage depuis 40 jours. David proclame :« Et toute la terre saura qu’Israël a un Dieu » (v. 46). Dieu va rappeler au peuple israélite qu’il est son Dieu. Il ajoute :« Et toute cette multitude saura que ce n’est ni par l’épée ni par la lance que l’Éternel sauve. Car la victoire appartient à l’Éternel » (v. 47). Il en est tellement sûr qu’il est prêt à être l’homme que Dieu va utiliser pour affronter Goliath et offrir la victoire au peuple.
Chez David, pas d’orgueil, pas de prétention, pas d’inconscience folle. Mais il s’indigne en voyant un homme tellement sûr de sa force qu’il se permet d’insulter Dieu et son peuple. La préoccupation principale de David est claire : Dieu doit être connu, respecté et honoré.
3. Qu’est-ce qui permet à David de remporter une victoire rapide et totale ?
Il ne se laisse pas arrêter par les obstacles : il remplit fidèlement la mission que son père lui a confiée, mais par la foi s’avance pour une mission plus grande ; il voit et entend Goliath, mais ne se laisse pas impressionner ; il constate la panique dans l’armée, mais reste calme et confiant ; il se heurte aux paroles dures de son frère aîné, mais ne se laisse pas abattre : il répond poliment, se détourne de lui et reprend ses questions aux soldats ; il écoute les paroles décourageantes du roi, mais réaffirme et explique sa foi ; il accepte d’essayer l’armure royale, mais n’hésite pas à la laisser ;
Il a déjà expérimenté la puissance de Dieu personnellement : dans son modeste travail de berger, il a eu l’occasion d’affronter et de vaincre un ours et un lion. Il en conclut :« L’Éternel, qui m’a délivré de la griffe du lion et de la patte de l’ours, me délivrera aussi de la main de ce Philistin » (v. 37) ;
Son modeste travail quotidien a été l’occasion de devenir très habile dans le maniement de son arme, la fronde ;
Pour faire tomber ce géant, il utilise comme armes sa fronde de berger et les cailloux du torrent, puis pour tuer le gérant, il saisit l’épée de Goliath : David est préparé et saisit l’opportunité que Dieu place devant lui !
Il est prudent et préparé : il prend cinq pierres, comme s’il prévoyait d’en avoir besoin ;
Il s’attaque directement au vrai problème : Goliath, l’ennemi principal, car il a outragé Dieu ; il ne commence pas par s’en prendre au porteur de bouclier qui le précède ;
Il prend le temps de parler, de se renseigner, de se préparer et d’expliquer. Au moment de l’action, il prend l’initiative, s’approche, puis se dépêche et court (v. 48,51) pour garder l’avantage de la surprise. Rapide, mais sans précipitation ;
Il prend conscience qu’il a été préparé et appelé par Dieu pour cette mission ; Dieu va donc aller lui donner la victoire.
Ainsi David a terrassé le géant !
4. Qui est « mon Goliath » ?
Il n’y a plus de soldat Goliath aujourd’hui. Mais il y a d’autres défis ! Des exemples : le défi de répondre à un appel de Dieu pour une tâche qui me semble au-dessus de mes capacités ; le défi de ne pas laisser le peuple de Dieu se morfondre dans l’une ou l’autre difficulté, le défi de ne pas laisser Dieu être déshonoré, mais plutôt l’ardent désir de le voir glorifié, etc. Le Dieu de David est aussi le mien ! S’il me voit fidèle et animé par la volonté de l’honorer, il me donne la victoire dans mes luttes.
- Edité par Lacombe Jean
David dit : Reste-t-il encore quelqu’un de la maison de Saül, pour que je lui fasse du bien à cause de Jonathan ? Il y avait un serviteur de la maison de Saül, nommé Tsiba, que l’on fit venir auprès de David. Le roi lui dit : Es-tu Tsiba ? Et il répondit : Ton serviteur ! Le roi dit : N’y a-t-il plus personne de la maison de Saül, pour que j’use envers lui de la bonté de Dieu ? Et Tsiba répondit au roi : Il y a encore un fils de Jonathan, perclus des pieds. Le roi lui dit : Où est-il ? Et Tsiba répondit au roi : Il est dans la maison de Makir, fils d’Ammiel, à Lodebar. Le roi David l’envoya chercher dans la maison de Makir, fils d’Ammiel, à Lodebar. Et Méphiboscheth, fils de Jonathan, fils de Saül, vint auprès de David, tomba sur sa face et se prosterna. David dit : Méphiboscheth ! Et il répondit : Voici ton serviteur. David lui dit : Ne crains point, car je veux te faire du bien à cause de Jonathan, ton père. Je te rendrai toutes les terres de Saül, ton père, et tu mangeras toujours à ma table. Il se prosterna, et dit : Qu’est ton serviteur, pour que tu regardes un chien mort, tel que moi ? Le roi appela Tsiba, serviteur de Saül, et lui dit : Je donne au fils de ton maître tout ce qui appartenait à Saül et à toute sa maison. Tu cultiveras pour lui les terres, toi, tes fils, et tes serviteurs, et tu feras les récoltes, afin que le fils de ton maître ait du pain à manger ; et Méphiboscheth, fils de ton maître, mangera toujours à ma table. Or Tsiba avait quinze fils et vingt serviteurs. Il dit au roi : Ton serviteur fera tout ce que le roi mon seigneur ordonne à son serviteur. Et Méphiboscheth mangea à la table de David, comme l’un des fils du roi. Méphiboscheth avait un jeune fils, nommé Mica, et tous ceux qui demeuraient dans la maison de Tsiba étaient serviteurs de Méphiboscheth. Méphiboscheth habitait à Jérusalem, car il mangeait toujours à la table du roi. Il était boiteux des deux pieds.
David avait promis à Jonathan (1 Sam 20.14-17,42) et à Saül (1 Sam 24.17-23) qu’il ne retrancherait pas leur postérité ni leur nom d’Israël. Dans ce récit de 2 Samuel 9, je suggère que nous nous focalisions sur Méphiboscheth, le descendant du roi Saül.
1. Le descendant du roi Saül recherché (v.1-3a)
Le mobile de sa recherche est clairement identifié : « à cause de Jonathan » (v. 1). Une amitié forte les liait. David avait demandé à Jonathan de l’aide (1 Sam 20.8), et Jonathan avait fait de même vis-à-vis de David : « Si je meurs, ne retire jamais ta bonté envers ma maison, pas même lorsque l’Éternel retranchera chacun des ennemis de David de dessus la face de la terre .» (1 Sam 20.14). C’est donc maintenant le temps pour David de tenir sa promesse.
David se met méthodiquement à la recherche d’éventuels descendants de Jonathan en interrogeant un serviteur de la maison de Saül, Tsiba. David précise bien ses intentions : démontrer envers lui la bonté de Dieu (v. 3). Tsiba indique au roi qu’il existe bel et bien un descendant de Jonathan, son fils Méphiboscheth, et que celui-ci est infirme des pieds.
2. Le descendant du roi Saül retrouvé (v. 3b-5)
Saül, le grand-père de Méphiboscheth, avait refusé d’obéir à Dieu et recherché sa propre gloire. C’est pourquoi Dieu l’avait rejeté. Saül s’est suicidé sur le champ de bataille après avoir été mortellement blessé (1 Sam 31.4). L’oncle de Méphiboscheth, Ish-Boscheth, fils de Saül, n’avait pas été tué comme ses frères au mont Guilboa. Sous la protection d’Abner, chef de l’armée de Saül, il a commencé à régner en Israël suite au décès de son père (2 Sam 2.8-9). La guerre entre la maison de Saül et celle de David a duré des années (2 Sam 3.1). Mais pendant que la maison de Saül s’affaiblissait, celle de David se fortifiait. Ish-Boscheth et Abner furent tués. Dès lors, David devenait le roi non seulement de Juda, mais également d’Israël ; le royaume était ainsi unifié (2 Sam 5.1-6).
Après que David a été établi roi sur tout le pays, il eût été juste pour lui d’éliminer tous les descendants de son rival, Saül, comme le faisaient tous les rois de l’époque. Méphiboscheth lui-même a reconnu qu’il méritait la mort (2 Sam 9.8, 19.27-28) : il était un ennemi naturel de David. Cela rend cette histoire d’autant plus extraordinaire : le roi fait grâce à un condamné à mort !
3. Le descendant du roi escorté (v. 6)
En présence du roi, Méphiboscheth tombe sur sa face devant David ! Il se prosterne devant lui et démontre une attitude respectueuse, de crainte.
4. Le descendant du roi effrayé (v. 7)
Mais dès qu’il est en présence de David, ce dernier lui dit : « Ne crains point » (v. 7a). David surenchérit immédiatement et lui annonce qu’il veut lui faire du bien à cause de son père Jonathan. Cette grâce que Méphiboscheth va éprouver n’a rien à voir avec lui-même, ni à cause de ce qu’il est ou ce qu’il a fait. La raison de la grâce royale est dévoilée : c’est à cause d’une promesse faite à son père par David.
5. Le descendant du roi déconcerté (v. 8)
6. Le descendant du roi élevé (v. 9-13)
1) La grâce de Dieu est divine
2) La grâce de Dieu est nécessaire
a. Il était maudit
Parce qu’il est le petit-fils de Saül, Méphiboscheth est né dans une famille ennemie de David. Il a hérité, sans le vouloir, d’une malédiction. Nous aussi, nés d’Adam, avons reçu de celui-ci la nature pécheresse (Rom 5.12), car à cause d’une seule offense, la condamnation a atteint tous les hommes (Rom 5.18).
b. Il avait un nom de honte
Méphiboscheth signifie « honte ». Devant Dieu, tout homme, à cause de son péché, devrait avoir honte. Suite à leur péché, Adam et Ève ont eu honte (Gen 3.7).
c. Il était infirme
Méphiboscheth est infirme des pieds. De son côté, l’homme pécheur ne peut marcher devant Dieu d’une manière satisfaisante.
d. Il était pauvre
Méphiboscheth était pauvre avant de recevoir de David toutes les terres de son père. Avant d’être enrichis par Dieu de nombreuses bénédictions spirituelles (Éph 1.3ss), nous étions pauvres.
e. Il était fugitif
Vraisemblablement, Méphiboscheth fuyait le nouveau régime. L’homme pécheur fuit Dieu : Adam et Ève après avoir péché ont fui la présence de Dieu. Jonas également a fui la présence de Dieu après lui avoir désobéi.
f. Il était oublié
Si le serviteur de Saül n’avait pas été là ; qui se serait souvenu de Méphiboscheth ? Aujourd’hui, combien d’hommes et de femmes ont l’impression de ne compter pour personne ? d’être abandonnés ?
g. Il était condamné à mort
Méphiboscheth se savait condamné à mort tout comme la juste rétribution du péché, c’est la mort (Rom 3.23 ; 6.23).
h. Il était un ennemi de David
Si Méphiboscheth était de facto un ennemi de David, notre nature caractérisée par le péché nous constitue, que nous le voulions ou pas, comme des ennemis de Dieu (Rom 5.10).
3) La grâce de Dieu est active
4) La grâce de Dieu est inattendue
5) La grâce de Dieu est surprenante
6) La grâce de Dieu élève
7) La grâce de Dieu est disponible
« Jésus, se tenant debout s’écria : Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il la boive » (Jean 7.37-38).
- Edité par Glass John
Une longue préparation
En faisant appel à un adolescent, Dieu sait que David est sans expérience pour gouverner. Il n’a jamais manié les armes comme le démontrera l’épisode de Goliath, il n’a jamais dirigé d’hommes et sait encore moins administrer un territoire. On peut donc, sans se tromper, conclure que la longue attente qui sépare son onction de son accession au trône est un temps de préparation. Et tous les éléments d’une longue et patiente formation sont là :
a) L’accès à la cour royale
b) L’apprentissage des armes et de la guerre
c) La patience dans l’adversité
Il devra prendre la tête d’une bande de marginaux de 400, puis de 600 hommes (22.2; 23.13) à qui il doit tout apprendre — la foi et la discipline. C’est avec eux qu’il apprendra vraiment à diriger les hommes, à canaliser leur ardeur et à les mener à la victoire malgré les difficultés.
Il devra quitter son pays et se mettre au service des Philistins. Il se mettra d’ailleurs dans une situation impossible quand, à force d’avoir fait croire qu’il mettait à sac son propre pays, il est enrôlé par Akisch pour combattre ses frères d’Israël. Le Seigneur lui fera grâce par l’intermédiaire des princes des Philistins qui, suspicieux, exigeront son retrait des forces armées philistines (1 Sam 29). Cet épisode a probablement dû lui apprendre qu’il ne servait à rien de jouer de dissimulation pour se tirer d’affaire, car c’est Dieu, et Dieu seul, qui délivre le juste de ses ennemis.
Il essuiera les sarcasmes des notables (25.10-11), l’acharnement des délateurs (23.19 ; 24.2 ; 26.1) et la lâcheté des hommes secourus à Keïla (23.5-12).
Il sera l’objet d’une traque meurtrière par Saül (23.26 ; 24.1).
Il manquera enfin de se faire lyncher par ses propres hommes lorsque, revenant de l’enrôlement forcé dans les armées philistines, ils découvriront que leurs femmes ont été enlevées et leurs biens volés au camp de base, à Tsiklag, par les Amalécites pendant leur absence (1 Sam 30.1-20).
Autant dire que David, véritable type du sauveur, a appris dans la douleur les leçons qui feront de lui un homme préparé pour le service que Dieu va lui confier. Et il ne faudrait pas croire que, parce qu’il est un homme selon le cœur de Dieu, il ait subi l’épreuve sans états d’âme. Les Psaumes, qu’il a écrits, rendent abondamment témoignage à la détresse qui l’a souvent saisi devant tant de méchanceté (voir par exemple Ps 55.1-8).
Je tire de cette longue et douloureuse préparation, plusieurs leçons pour la préparation au ministère :
Le temps de Dieu n’est pas le nôtre
La certitude de la vocation ne dispense pas d’une solide formation
La persévérance est un aspect essentiel du ministère (1 Tim 4.16)
Il nous faut probablement redécouvrir ce que prendre sa croix pour suivre le Christ veut dire si nous voulons servir sans faiblir, ni reculer.
Un mot encore sur la longue préparation de David. Ce qui fait de David un modèle, ce n’est ni son stoïcisme, ni même sa parfaite obéissance dans la difficulté, mais son recours à Dieu dans la détresse. Alors que Saül, aux abois à Guilboa face aux Philistins, s’enfonce dans le péché en consultant un défunt, Samuel, au moyen d’une nécromancienne (1 Sam 28.7-25), David, à la même époque, menacé de lynchage par ses hommes, s’est fortifié et a consulté l’Éternel (30.6).
Une accession progressive au trône
Quand David devient roi à Hébron (2 Sam 2.1-3), il se heurte, lui homme du sud, à la résistance du nord du pays. Abner, général du défunt roi Saül, s’assure la maîtrise des régions du nord d’Israël et met sur le trône le seul fils survivant de Saül, Isch-Boscheth (2 Sam 2.10). Le règne de ce dernier durera deux ans dont on ne sait pas s’il faut les situer au début ou à la fin du règne de David à Hébron. Devant cette situation embrouillée, David ne fait pas de forcing comme il aurait légitimement pu s’y employer, mais il consulte l’Éternel avant d’aller à Hébron (1 Sam 2.1), puis attend patiemment que Dieu guide les événements. Il ne reste néanmoins pas inactif, mais avec une grande habileté conquiert le cœur des hommes du nord :
a) Il fait exécuter l’Amalécite qui prétend avoir achevé Saül (1.13-16) et fait de même avec les hommes qui lui apportent la tête d’Isch-Boscheth (4.9-12). Contrairement aux pratiques de l’époque, il ne construit pas son règne sur l’extermination de la dynastie précédente. Il évite ainsi de bâtir sur le sang et de se faire exécrer par les gens du nord (contrairement à Roboam, fils de Salomon qui, par sa dureté, provoquera le schisme du royaume).
b) Il remercie les hommes de Jabès de Galaad qui ont pris soin de la dépouille de Saül (2.4b-7). Il fait à la fois preuve de reconnaissance et de sens de la diplomatie.
c) Il refuse de négocier secrètement avec Abner (3.12-13) et ne se réjouit pas de son assassinat qui lui ouvrait pourtant le chemin au trône d’Israël (3.28-36). David travaille à la réconciliation de la nation et ne peut admettre que le sang coule pour obtenir le pouvoir.
Une qualité ambiguë
Soyons donc plus réalistes avec nous-mêmes et avec ceux qui collaborent avec nous : aussi grandes soient-elles, nos qualités ne font pas de nous des anges. Nous avons les défauts de nos qualités et nous pouvons céder à la tentation quand bien même nous sommes loués et admirés pour notre piété. Le Seigneur donne des Barnabas à l’Église qui sont doués pour encourager les Saul de Tarse, mais le fonceur acceptera difficilement qu’il fasse de même avec Jean-Marc un peu plus tard (Act 15.36-40). Il faut pourtant dans le service de Dieu des fils d’encouragement qui prennent le temps de remettre en selle les jeunes découragés ; des hommes au caractère entier qui osent défricher des terres nouvelles ; des frères burettes qui mettent de l’huile dans les rouages. Mais, de grâce, ne demandez pas aux personnes de jouer à contre-emploi. Le patient pourra vous paraître faible, le fonceur cassant et le réconciliateur trop arrangeant, mais Dieu les a appelés ainsi et agit avec leurs qualités et malgré leurs faiblesses. Et c’est plutôt une bonne nouvelle, parce que cela veut dire que le Seigneur vous utilise et vous sanctifie sans attendre votre perfection.
- Edité par Lhermenault Etienne
Or, même si sa chute morale ne doit pas occulter le fait qu’il fut un homme selon le cœur de Dieu, le Saint-Esprit a jugé bon de laisser ce triste récit dans les Saintes Écritures afin qu’on en tire des leçons, « pour nous servir d’avertissement, à nous que les fins des siècles ont atteints » (1 Cor 10.11).
Immoralité sexuelle sans précédent
Non pas que ce péché n’ait jamais existé depuis la chute de l’homme dans le jardin d’Éden, mais ce fléau a pris aujourd’hui des proportions inégalées.
Oui, aux jours de Noé, les pensées et les intentions du cœur étaient continuellement méchantes. Aujourd’hui, nous avons la technologie pour prendre les fantaisies les plus scabreuses de l’esprit humain et les projeter sur un écran que même un enfant peut tenir dans sa main.
Et le déclin moral, approuvé par l’État et encouragé par les médias, ne fait que s’accélérer alors que ceux qui pratiquent de telles choses trouvent leur plaisir en ceux qui les commettent (Rom 1.32).
D’ailleurs, trois raisons expliquent la prolifération des sites pornographiques : c’est accessible, anonyme et abordable. En d’autres mots, il est tellement facile d’y avoir accès en secret. On est à un clic sur notre ordinateur pour visionner de la pornographie, et ce, gratuitement et discrètement. Danger.
Or, la crise morale dépasse largement la pornographie sur Internet. Des pièges sont placés partout. Que ce soit sur la couverture d’un magazine vendu à l’épicerie, à la télévision, dans nos journaux, sur les panneaux d’affichage ou dans une vitrine commerciale : l’incitation à la convoitise sexuelle est omniprésente.
Une alliance avec nos yeux
Et si un homme de la trempe de Job a cru nécessaire de faire alliance avec ses yeux pour ne pas arrêter ses regards sur une vierge (Job 31.1), à plus forte raison devrions-nous prendre un engagement de pureté sexuelle !
D’ailleurs, pour prévenir ce regard de convoitise envers une femme, nous sommes invités par Jésus à prendre des mesures drastiques. Dans un langage qui se veut symbolique, il dira que « si ton œil droit est pour toi une occasion de chute, arrache-le et jette-le loin de toi; car il est avantageux pour toi qu’un de tes membres périsse, et que tout ton corps ne soit pas jeté dans la géhenne » (Mat 6.28-29). Cela montre le sérieux du péché sexuel. À chacun d’évaluer les moyens à prendre pour ne pas se placer dans une situation de tentation.
Un simple premier regard… prolongé
Dans 2 Samuel 11.2, on y lit que David vit une femme qui se lavait, et la femme était très belle à voir. C’était au temps du soir, et David se leva de dessus son lit de repos et se promena sur le toit de la maison du roi.
On dit souvent que le problème n’est pas le premier regard, mais le second. Sauf que trop souvent, le premier regard est prolongé. Et ni le fait d’apprendre qu’elle soit mariée, ni le temps qui s’écoule entre son premier coup d’œil et ses démarches à son égard n’auront réussi à calmer la convoitise sexuelle de David. Et fait à noter, son propre statut d’homme marié ne l’a pas freiné dans son élan adultère. Ce qui démontre que des années de mariage ne suffisent pas à prémunir le couple contre le danger de l’immoralité sexuelle. Pour preuve, ces trop nombreuses histoires d’infidélité qui mènent au divorce.
Si souvent, tout commence incidemment sur un réseau social…Un simple contact peut potentiellement conduire à une liaison si nous n’y prenons pas garde. La prudence est requise dans les échanges professionnels avec le sexe opposé.Par mesure de précaution, il est même préférable de ne pas correspondre avec une femme qui ne soit pas notre épouse, à moins qu’elle soit notre sœur, notre mère ou notre fille. Car comme le dit si bien 1 Corinthiens 10.12 : « que celui qui croit être debout prenne garde de tomber ». Soyons clairs : personne n’est immunisé contre l’immoralité sexuelle, pas même le roi David !
Une suite de péchés
Il est renversant de voir ce qu’un simple regard de convoitise a déclenché comme suite de péchés. S’il est vrai que nous sommes libres de nos choix, nous ne sommes pas libres des conséquences de nos choix. David l’a vite réalisé en apprenant que Bath-Shéba était enceinte.
Après avoir péché avec Bath-Shéba, David est prêt à tout pour que rien ne se sache. D’ailleurs, les relations illicites sont caractérisées par la culture du secret. Aujourd’hui, les réseaux sociaux favorisent le développement de ces aventures extraconjugales « en toute discrétion ».
Pourtant, c’est oublier que le péché ne peut être caché de Dieu. Il voit tout et il sait tout. Il sait et il voit quand nous sommes assis devant notre ordinateur. Comme le dit le commentateur biblique William MacDonald :« le péché secret sur terre est un scandale ouvert au ciel ».
D’ailleurs, le plus grand antidote pour le péché sexuel est de s’injecter une bonne dose d’omniprésence et d’omniscience de Dieu. Personne ne ferait la sorte de chose qu’elle fait, ni ne penserait la sorte de chose qu’elle pense devant le trône de Dieu. Mais nous oublions si facilement cette réalité : « Les yeux de l’Éternel sont en tout lieu, regardant les méchants et les bons » (Pr 15.3). « Car ses yeux sont sur les voies de l’homme et il voit tous ses pas » (Job 34.21). « Et il n’y a aucune créature qui soit cachée devant lui, mais toutes choses sont nues et découvertes aux yeux de celui à qui nous avons affaire » (Héb 4.13).
L’auteur du magnifique Psaume 139 a pensé pouvoir dissimuler son péché. Lui qui a écrit : « Les ténèbres même ne sont pas obscures pour me cacher à toi, et la nuit resplendit comme le jour, l’obscurité est comme la lumière » (v. 12). Et encore : « Où irai-je loin de ton Esprit ? Et où fuirai-je loin de ta face ? » (v 7).
Malgré cela, il commet l’irréparable. Et devant la mauvaise nouvelle de cette maternité non désirée, David emprunte les voies tortueuses du mensonge. Devant l’échec de sa machination, et pour sauver la face à tout prix, il va jusqu’au meurtre.
Évidemment, quand Bath-Shéba apprit la mort de son mari, « elle se lamenta sur son mari » (2 Sam 11.26). Non seulement David l’avait amenée à tromper son mari, mais voilà qu’il la privait à jamais de son mari. En devenant la femme de David, elle était loin de se douter qu’elle était devenue l’épouse du meurtrier de son mari. Le péché dans toute sa laideur !
David pensait s’en tirer, maintenant que Bath-Shéba était devenue sa femme et qu’elle lui enfanta un fils conçu lors de ce fameux soir. Sauf qu’il y a un « mais » à la fin du verset 27. « Mais la chose que David avait faite fut mauvaise aux yeux de l’Éternel ».
Une conséquence au péché sexuel
Si nous cédons à la tentation sexuelle, notre épouse (ton mari) va expérimenter l’angoisse de la trahison et du rejet en plus d’éprouver du chagrin et de la solitude. Notre compagne (ton compagnon) de vie ne pourrait plus jamais dire que nous sommes un modèle de fidélité. La confiance va faire place au soupçon. La dévastation que ces actions apporteraient à nos enfants est incommensurable. Leurs croissance, innocence et confiance ainsi que leur regard sain à la vie seraient sévèrement endommagés.
Les hommes, nous devrions penser à cela quand des pensées de convoitise nous assaillent. Pensons à notre femme et à nos enfants !Le chagrin que nous pourrions causer non seulement à nos parents et notre famille, mais aussi à nos amis est indescriptible. Quel embarras de faire face à des chrétiens qui nous ont appréciés, respectés et qui nous ont déjà fait confiance ! Et, probablement, la chute en inciterait d’autres à faire de même.
Une grâce accessible par la repentance
Par une histoire, le prophète amène David à reconnaître son péché. « Et David dit à Nathan : j’ai péché contre l’Éternel » (2 Sam 12.13). Une confession bien sentie dans son merveilleux Psaume 51.
D’ailleurs, dans ce psaume, il fait appel dès le départ à la grâce de Dieu en demandant ceci : « use de grâce envers moi, ô Dieu » ! Et David reconnaît, au verset 4, que c’est contre Dieu seul qu’il a péché. Voilà une réelle repentance : reconnaître que mon péché est d’abord et avant tout une transgression envers mon Dieu.
David pourra alors dire, dans le Psaume 32, au verset 1 : « bienheureux celui dont la transgression est pardonnée ».
« Si nous confessons nos péchés, il est fidèle et juste pour nous pardonner nos péchés et nous purifier de toute iniquité » (1 Jean 1.9). Il y a toujours de l’espoir, car la grâce de Dieu est toujours accessible par la repentance.
Une grande leçon
Alors que dans 2 Samuel 11.1, nous apprenons que c’était le temps où les rois entraient en campagne, la fin du verset se termine par un « mais ». « Mais David resta à Jérusalem ». Son oisiveté a ouvert la porte au péché. Parce qu’il est resté à Jérusalem, il a vu Bath-Shéba. Son regard prolongé l’a conduit à pécher. On connaît la suite.
Et dire que s’il avait simplement été là où il devait être, à mener bataille, il se serait épargné cette attraction fatale.
- Edité par Rochette Marc
Cet événement soulève alors une question fondamentale en lien avec la théologie biblique de la monarchie en Israël : la monarchie était-elle voulue ou non par Dieu ? Très souvent, surtout en raison des circonstances mauvaises entourant la demande d’un roi, on y répond en affirmant fermement que la monarchie n’était pas voulue par Dieu, mais qu’elle a été permise pour différentes raisons, dont celle d’apprendre à son peuple ce qu’il en coûte de le rejeter.
Cependant, il est important de toujours vérifier le développement de toute doctrine biblique à travers la révélation progressive de Dieu avant d’en tirer des conclusions. Dans ce qui suit, il sera démontré que la monarchie en Israël était non seulement permise mais voulue par Dieu, en accord avec ses plans parfaits à l’égard d’Israël et du monde.
Une monarchie annoncée
Treize ans après la naissance d’Ismaël, Dieu promet pour la quatrième fois à Abraham une postérité très nombreuse et qui aura en partage le pays de Canaan. Cependant, au fur et à mesure que Dieu réitère sa promesse, il y apporte toujours plus de précision. Ainsi, l’Éternel révèle maintenant à Abraham que des rois sortiront de lui. Avec cette promesse, nous avons déjà une connaissance partielle d’une monarchie qui sera établie à travers la lignée d’Abraham.
« Dieu lui dit : Je suis le Dieu Tout-Puissant. Sois fécond, et multiplie ; une nation et une multitude de nations naîtront de toi, et des rois sortiront de tes reins » (Gen 35.11).
Dieu refait la même promesse à Jacob. Cette répétition démontre clairement que la monarchie était voulue et prévue par Dieu.
« Voici les rois qui ont régné dans le pays d’Édom, avant qu’un roi règne sur les enfants d’Israël » (Gen 36.31).
Certains commentateurs pensent que ce verset a été ajouté plus tard par des scribes. Selon eux, il ne peut venir de Moïse, qui a écrit le livre de la Genèse environ 400 ans avant le début de la monarchie en Israël.
Cependant, en tenant compte des deux autres passages de la Genèse mentionnés ci-haut (17.6 et 35.11), il semble évident que le rédacteur de la Genèse reçut la révélation précise d’une future monarchie en Israël.
« Le sceptre ne s’éloignera point de Juda, ni le bâton souverain d’entre ses pieds, jusqu’à ce que vienne le Schilo[a], et que les peuples lui obéissent» (Gen 49.10).
Dans Genèse 49, Jacob prononce des paroles prophétiques sur chacun de ses fils. A-t-il une pleine conscience ou connaissance de ce qu’il dit, ou annonce-t-il simplement des choses prophétiques qu’il ne saisit pas lui-même ? Difficile de répondre à cette question. Cependant, rappelons-nous que Dieu avait promis à Jacob que des rois sortiraient de lui (Gen 35.11). Quoiqu’il en soit, que Jacob en soit pleinement conscient ou non, il annonce clairement que Juda sera la tribu royale. Le mot « Shilo », qui semble être ici une personnification du Roi-Messie, signifie « ce qui lui appartient », c’est-à-dire que le roi appartient à la tribu de Juda, ou il signifie « celui qui le possède », c’est-à-dire que le roi possèdera le sceptre.
Cette prophétie de Jacob précise la promesse faite à Abraham en Genèse 17.6 et à Jacob lui-même en Genèse 35.11.
« Son roi s’élève au-dessus d’Agag, et son royaume devient puissant » (Nom 24.7).
Cette prophétie de Balaam met l’accent sur la grandeur du futur roi d’Israël et de son royaume.
« Un astre sort de Jacob, Un sceptre s’élève d’Israël. Il perce les flancs de Moab, Et il abat tous les enfants de Seth. Il se rend maître d’Edom, il se rend maître de Séir, ses ennemis. Israël manifeste sa force. Celui qui sort de Jacob règne en souverain, Il fait périr ceux qui s’échappent des villes » (Nom 24.17-19).
Dans cette prophétie, Balaam voit à l’avance un roi qui sortira d’Israël (le mot « sceptre » ici apparaît clairement comme une personnification d’un roi qui règne en souverain). L’histoire subséquente d’Israël démontre comment le roi David s’est emparé de Moab et d’Édom (2 Sam 8.2,14). Ainsi, David a parfaitement accompli ce que Balaam avait prédit dans ces versets.
Certains pensent que ce texte de Nombres 24 se rapporte plutôt au Messie. Quoiqu’il en soit, cela n’affecte en rien la vérité d’une monarchie en Israël, car le Messie est également le Roi davidique.
« Lorsque tu seras entré dans le pays que l’Éternel, ton Dieu, te donne, lorsque tu le posséderas, que tu y auras établi ta demeure, et que tu diras : Je veux mettre un roi sur moi, comme toutes les nations qui m’entourent, tu mettras sur toi le roi que choisira l’Éternel, ton Dieu, tu prendras un roi du milieu de tes frères, tu ne pourras pas te donner un étranger, qui ne soit pas ton frère » (Deut 17.14-15).
Dieu, dans sa prescience, annonce à l’avance les circonstances et les temps des débuts de la monarchie en Israël, ainsi que les exigences de la loi envers le futur roi (lisez jusqu’au verset 20). Ce passage vient donc confirmer toutes les prophéties que nous avons déjà considérées.
« L’Éternel te fera marcher, toi et ton roi que tu auras établi sur toi, vers une nation que tu n’auras point connue, ni toi ni tes pères. Et là, tu serviras d’autres dieux, du bois et de la pierre » (Deut 28.36).
Ici, le texte regarde encore plus loin, soit la fin de la période de monarchie en Israël, lorsque le peuple de Juda sera exilé à Babylone. Encore une fois, il est clair que Moïse a reçu cette connaissance par révélation.
Voici donc comment se résume le développement de la théologie biblique de la monarchie jusqu’à ce point dans la révélation progressive de Dieu : Dieu est le grand Roi d’Israël. Cependant, Dieu a aussi prévu une monarchie humaine en Israël, à travers laquelle viendrait un roi puissant et souverain, le Shilo. Cette monarchie humaine devait être soumise à Dieu et elle devait être instituée selon son plan, à travers la tribu choisie, soit celle de Juda.
« Les hommes d’Israël dirent à Gédéon : Domine sur nous, et toi, et ton fils, et le fils de ton fils, car tu nous as délivrés de la main de Madian. Gédéon leur dit : Je ne dominerai point sur vous, et mes fils ne domineront point sur vous ; c’est l’Éternel qui dominera sur vous » (Jug 8.22-23).
Cette demande des hommes d’Israël laisse supposer une prédisposition à accepter une monarchie humaine, mais pas dans une optique de soumission à la royauté de Dieu. Cela ressemble davantage à un premier pas vers le rejet du règne de Dieu sur son peuple. Cependant, pour Gédéon, un seul doit régner et dominer sur Israël : Dieu lui-même.
« Tous les habitants de Sichem et toute la maison de Millo se rassemblèrent ; ils vinrent, et proclamèrent roi Abimélec, près du chêne planté dans Sichem.» (Jug 9.6).
Ce règne d’Abimélec a été limité à un petit territoire et à une durée de trois années seulement. Il est devenu roi par ruse et avec manigance, après avoir assassiné presque tous les fils de Jérubaal (Gédéon). Jotham, le seul fils de Gédéon ayant échappé à ce massacre, a prophétisé la chute d’Abimélec au moyen d’une parabole avec des arbres.
L’enseignement principal de cette parabole est que les arbres, même s’ils jouent un rôle utile (comme Gédéon l’avait fait), ont autre chose à faire que de devenir roi. Ce mépris pour la monarchie humaine démontre bien qu’elle n’avait pas encore toute la place dans le cœur de tous les Israélites.
Les Juifs en général semblent cependant prêts à vouloir un roi humain, mais au détriment de la royauté de Dieu. Cet épisode se passe environ 100 ans avant la demande des fils d’Israël pour un roi humain « comme » les autres nations.
« En ce temps-là, il n’y avait point de roi en Israël. Chacun faisait ce qui lui semblait bon » (Jug 17.6).
« En ce temps-là il n’y avait point de roi en Israël.» (Jug 18.1).
« Dans ce temps où il n’y avait point de roi en Israël… » (Jug 19.1).
« En ce temps-là, il n’y avait point de roi en Israël. Chacun faisait ce qui lui semblait bon. (Jug 21.25).
Ces quatre passages indiquent qu’il n’y avait pas encore eu de roi bien établi en Israël, selon le plan de Dieu, à l’époque des Juges. De plus, ils semblent démontrer que l’absence de monarchie, autant humaine que divine, était la cause de l’anarchie. Dans le livre des Juges, si Dieu est rejeté comme roi par son peuple, l’anarchie prépare l’arrivée de la monarchie en Israël.
Ainsi, une lecture attentive du texte biblique jusqu’à ce point dans la révélation progressive de Dieu nous prépare clairement à ce qui vient dans le premier livre de Samuel.
Une monarchie instaurée
Anne avait-elle connaissance des promesses faites aux patriarches et des prophéties à propos de la monarchie à venir en Israël ? Consciente ou non de ses propres paroles, elle prononce clairement une prophétie à ce sujet. La juxtaposition des mots « roi » et « oint » dans son cantique démontre probablement qu’ils sont synonymes. L’oint ici est donc le roi choisi et soutenu par Dieu.
Dans une période où quelques juges sont encore actifs, mais pendant laquelle l’anarchie règne, nous sommes préparés prophétiquement à la mise en place d’une monarchie humaine en Israël.
« Maintenant, établis sur nous un roi pour nous juger, comme il y en a chez toutes les nations. Samuel vit avec déplaisir qu’ils disaient : Donne-nous un roi pour nous juger. Et Samuel pria l’Éternel. L’Éternel dit à Samuel : Écoute la voix du peuple dans tout ce qu’il te dira ; car ce n’est pas toi qu’ils rejettent, c’est moi qu’ils rejettent, afin que je ne règne plus sur eux » (1 Sam 8.5-7).
Ce passage décrit les circonstances mêmes conduisant à l’établissement d’une monarchie en Israël. Évidemment, la demande était erronée parce qu’elle était fondée sur le rejet du règne de Dieu. Cependant, Dieu a utilisé cette situation pour établir son propre plan de monarchie en Israël. Lorsque nous nous rappelons les circonstances dans lesquelles Dieu a accompli son grand plan de rédemption, c’est-à-dire à travers le rejet de Christ et sa crucifixion, faut-il vraiment s’étonner qu’il ait pu établir son plan de monarchie à travers le rejet de son propre règne par le peuple d’Israël ?
Dieu a répondu à cette demande des anciens du peuple premièrement en leur donnant Saül, un homme correspondant parfaitement aux désirs des enfants d’Israël. Il était un « homme d’élite et beau et […] plus grand que tout le peuple » (1 Sam 9.2, Darby). Saül était donc le choix de Dieu selon le critère des hommes. Mais Saül ne pouvait pas être le roi à la tête de la monarchie établie par Dieu puisqu’il était de la tribu de Benjamin et non de la tribu royale de Juda. Par contre, David, le fils d’Isaï, de la tribu de Juda, allait être le premier véritable roi d’Israël choisi par Dieu selon ses propres critères et sa souveraineté (1 Sam 16.1).
Dans 2 Samuel 7, Dieu confirmera son programme de monarchie en Israël par une alliance irrévocable, inconditionnelle et éternelle, l’alliance davidique. Cette alliance plonge ses racines directement dans l’alliance abrahamique. Il s’agit en fait d’une amplification des promesses faites à Abraham et aux patriarches que des rois sortiront d’eux.
Toutefois, il est important de noter que les promesses de l’alliance davidique ne concernent pas directement David lui-même — bien que les promesses lui soient données — mais son fils qui viendra après lui, c’est-à-dire Salomon. Encore plus, l’alliance davidique concerne un autre fils de David, Jésus-Christ, le Messie promis. Le commentateur juif A. G. Fruchtenbaum écrit : « Dieu a promis quatre choses éternelles à David : une maison ou une dynastie éternelle, un trône éternel, un royaume éternel et un descendant éternel. Le caractère éternel de la maison, du trône et du royaume est garanti parce que le descendant de David culmine en celui qui est lui-même éternel : le Messie Homme-Dieu. »
Ainsi, la monarchie en Israël était voulue par Dieu et absolument nécessaire pour l’accomplissement de ses promesses en lien avec la venue du Roi des rois et l’établissement de son propre royaume.
- Edité par Despins Gilles
La nation désire un roi, « comme il y en a chez toutes les nations » autour d’elles (1 Sam 8.5). Alors, Dieu leur donne Saül.
Pourquoi Dieu a-t-il choisi cet homme pour couronner le premier roi humain de son peuple ? La chose étonne d’autant plus lorsque nous considérons le plan de tout le premier livre de Samuel. En effet, après avoir suscité Samuel comme dernier juge et grand prophète (ch. 1 à 7), Dieu appelle un homme, Saül, à régner (ch. 8 à 12) pour finalement le rejeter (ch. 13 à 15) au profit d’un autre, David (ch. 16 à 31). La première impression laisse un goût amer. Dieu se serait-il trompé, lui qui confiera à son prophète : « Je me repens d’avoir établi Saül pour roi » (1 Sam 15.11) ?
1. Un schéma biblique récurrent
Pour sortir de cet étonnement paralysant, prenons un peu de recul et considérons le récit biblique dans son ensemble. Nous allons, en quelque sorte, accéder à un point de vue plus englobant pour admirer un paysage trop imposant de près.
Lorsque Dieu s’apprête à choisir un homme lors d’un moment-clé de son dessein, il le fait régulièrement dans un contexte d’opposition : il disperse Babel et appelle Abraham, il « hait » Ésaü et « aime » Jacob, il détruit Pharaon et libère Israël, il renie Saül et oint David. Dieu spécifie ainsi les critères qui rendent une personne « bonne » à ses yeux, c’est-à-dire apte à accomplir son dessein, et ce, au-delà des apparences souvent prisées par l’homme (1 Sam 16.7 ; cf. Jean 15.5 ; Rom 7.18).
Au-delà d’un système moral, ces critères fondent une spiritualité qui affecte tous les aspects d’une vie. Lorsque Dieu dévoile un peu plus son dessein dans l’histoire des hommes, il le fait en contrecarrant la façon dont les hommes voudraient conduire cette histoire. Il rejette des motivations et des valeurs purement humaines au profit de sa propre vision et de ses propres valeurs spirituelles. Chaque fois qu’un individu ou une civilisation dominants sont rejetés au profit d’une nation ou d’un homme « selon le cœur de Dieu », nous entendons à nouveau la déclaration forte de Dieu : « mes pensées ne sont pas vos pensées, vos voies ne sont pas mes voies » (Ésaïe 55.8). Tâchons de comprendre plus en détail cette distinction profonde entre ses pensées, ses voies et celles de l’humanité.
2. Mes pensées et vos pensées, vos voies et mes voies
Rejet de Babel au profit de Abram
L’épisode de Babel (Gen 11) se comprend pleinement dans le contexte du choix d’Abraham (il explique Gen 10 et la création des « familles de la terre » qui feront l’objet de la bénédiction abrahamique, Gen 12.3). Babel ne se disperse pas, contrairement au mandat créationnel de Dieu (de se multiplier et de remplir la terre). Sous cette désobéissance, se cache un péché plus fondamental : Babel n’a aucune intention d’honorer le nom de Dieu et de propager sa bonté sur toute la terre. Son ambition de toucher le ciel n’est pas mauvaise en soi (au fond, ce désir a été mis dans le cœur de l’humanité par Dieu lui-même pour qu’elle le cherche en tâtonnant). Le problème vient de la pensée (la vision du monde et les valeurs) qui influence la voie choisie par Babel. Elle n’a nul désir de mieux connaître Dieu (fondement) ni de lui rendre gloire (finalité).
La pensée et les voies de Babel sont rejetées, l’Éternel se choisira un homme, Abram, pour montrer la voie d’une adoration « selon le cœur de Dieu » : une adoration fondée sur une relation avec Dieu et dont la finalité vise sa gloire mondiale. En effet, Abraham, motivé par une relation personnelle avec Dieu, obéit aussitôt à sa parole et bâtit sa réputation d’adorateur du nom de l’Éternel (Gen 12.8 ; et plus tard en 13.18 ; 14.22 ; 21.33 ; cf. Rom 4.11). Il sera béni personnellement afin que cette bénédiction porte, en soi, une bonne nouvelle de la part de Dieu pour tous les peuples (cf. Gen 24.1,27,31 ; 28.4 ; Ésaïe 51.2 ; Gal 3.9 ; Héb 7.1). Abraham est béni pour bénir. Sommes-nous de ceux qui gardent pour eux-mêmes cette bénédiction ou bien qui en font un tremplin pour être aussi en bénédiction pour les autres ? Propagerons-nous, comme c’est le dessein de Dieu depuis le début quand il bénit ses enfants, la bonne nouvelle du salut de Dieu dont nous sommes personnellement les bénéficiaires ?
Rejet d’Ésaü au profit de Jacob
D’autres épisodes éclairent progressivement ce rejet de la pensée et des voies de l’homme naturel au profit de la pensée et des voies spirituelles. Prenons, par exemple, l’épisode d’Ésaü et Jacob. D’un point de vue moral, c’est un euphémisme de dire que Jacob ne paraît pas meilleur que son frère. Dans ce cas, pourquoi Dieu rejettera-t-il l’aîné au profit du cadet ? Pourquoi faire de ce dernier la lignée messianique (Mal 1.2-3 ; Rom 9.10) ? Notamment parce qu’en vendant son droit d’aînesse pour un plat de lentilles (Gen 25.34), Ésaü affirme sa pensée profonde : il préfère un plaisir matériel de court terme à une promesse spirituelle à long terme. Sa moralité ne le sauvera pas, car ses valeurs s’enracinent dans une vision du monde erronée. En revanche, Jacob le « trompeur » court littéralement après la bénédiction de Dieu. Autrement dit, au milieu de ses ruses, il semble saisir que la promesse faite à Dieu à son grand-père Abraham est précieuse. Sa morale ne le sauve pas mieux que son frère (heureusement pour lui !), mais ses motivations s’enracinent dans une vision du monde baignée d’une foi relationnelle avec Dieu. Plus tard, sa lutte avec Dieu confirmera son statut de « transmetteur » officiel : c’est par sa lignée, celle de l’ancien « trompeur » devenu Israël, que le salut viendra (Jean 4.22, 42). Quel honneur fait au pécheur !
Une fois de plus, notez que, dans ce schéma, celui qui est agréé, c’est l’homme ou le peuple (1) qui agit au nom d’une relation spirituelle avec Dieu, et (2) qui vise à glorifier Dieu (au sens où cela rend honneur à son identité et à sa renommée mondiale). L’image est encore incomplète, mais elle se dessine : un fondement relationnel basé sur la grâce de Dieu, et une finalité à sa gloire mondiale.
Rejet de Saül au profit de David
Revenons à Saül. (1) Comme chef militaire, Saül a tout donné, il a remporté de belles victoires, mais la bataille qui lui a coûté la vie a laissé à David un pays très fragilisé. (2) Comme roi, Saül après avoir fait preuve de réticence, a toutefois endossé le rôle. Mais sans prédécesseur qui aurait pu lui fournir un modèle, sans un franc soutien de Samuel, et pressé par ses soldats et l’urgence de la situation, Saül a fini par s’octroyer une capacité et un rôle de sacrificateur qui ne lui revenaient pas (1 Sam 13.9). (3) Comme homme, il a chuté souvent, lutté toujours, parfois même avec honnêteté, regrettant ses excès.
Qui ne lutte pas ? Ne sommes-nous pas, par nature, esclaves du péché ? Saül pouvait-il s’arracher de cette vision naturelle et choisir la pensée et la voie de Dieu ? Oui, car Dieu l’avait « changé en un autre homme » et lui avait donné « un autre cœur » (1 Sam 10.6,9). Sans signifier là « la régénération radicale qui n’appartient qu’à la nouvelle alliance » (F. Godet), il pourrait s’agir d’une compréhension nouvelle des intérêts du pays et d’un discernement de la voie à suivre. Malgré cela, son erreur fut de ne pas s’appuyer sur une vision et des valeurs centrées sur Dieu, mais profondément humaines. Conscient de la désapprobation divine, il l’avouera lui-même à Samuel : « J’ai transgressé l’ordre de l’Éternel […] ; je craignais le peuple, et j’ai écouté sa voix » (1 Samuel 15.24).
L’Éternel se choisit alors David, un chef « selon son cœur » (1 Sam 13.14), c’est-à-dire d’après ses critères de réalité. Yahvé reprend la main, en quelque sorte, et après avoir dénoncé l’impasse du choix des hommes, il montre qu’il est celui qui prend l’initiative de sauver ce peuple pour être son peuple bien-aimé (Deut 4.20).
3. Choix naturel des hommes, le naturel est rejeté par Dieu au profit de son choix
Dieu regrette-t-il ?
Comment Dieu peut-il dire : « Je me repens d’avoir établi Saül pour roi » (1 Sam 15.11) ? Comme le portent d’autres traductions, « regrette-t-il » son geste ? Du point de vue de son amour parfait, il est probable que oui, dans un sens, comme un père est triste de voir son enfant se retourner contre lui (« il se détourne de moi », explique-t-il dans le même verset). Du point de vue de sa parfaite sainteté, Dieu ne regrette jamais ses choix, car « il n’est pas un homme pour se repentir » (v. 29 du même chapitre).
Le principe biblique
Pourquoi, alors, avoir choisi un homme qui allait échouer ? Paul nous éclaire là-dessus, par le biais d’un principe fondamental qu’il va fournir aux Corinthiens : « Ce qui est spirituel n’est pas le premier, c’est ce qui est naturel » (1 Cor 15.46). Prenez le temps de lire le passage entier. D’abord le naturel, puis le spirituel. Il y a là un principe qui explique beaucoup de choses.
Paul appliquera même ce principe à l’histoire des deux meneurs d’humanité : l’un naturel et pécheur (Adam), et l’autre, spirituel, juste et droit (Christ). En rejetant Adam, Dieu rejette la façon dont l’humanité adamique désire mener seule sa barque… au profit de la nouvelle humanité en Christ, vivant selon les pensées et les voies de Dieu (1 Cor 15.47 ; Rom 5.12,15-19). Il y a là plus qu’un exemple supplémentaire : c’est un contraste fondateur. Il jette un éclairage pertinent sur les confrontations entre les choix des hommes et ceux de Dieu – tant dans les récits bibliques que dans nos histoires personnelles.
Un choix stratégique
Alors, pourquoi avoir « choisi » Saül ? Certes, Dieu a oint Saül, mais il le fait notamment pour dénoncer la vision et les valeurs auxquelles la nation s’attache, et les rejeter au profit d’un roi qui défendra sa vision et ses valeurs. La nation désire un roi « comme il y en a chez toutes les nations » (1 Sam 8.5). En cela, sa vision du monde et ses valeurs sont inspirées par la culture ambiante idolâtre et non par la crainte de Dieu (« ils m’ont abandonné, pour servir d’autres dieux », 1 Sam 8.8). L’Éternel leur donne, en quelque sorte, le roi qu’ils méritent. Autrement dit, à cette nation qui suit les penchants « naturels » de l’homme, Dieu donne en « premier », un roi « naturel », qui craint l’homme plutôt que Dieu. Dieu choisit puis rejette Saül pour dénoncer la vision du monde « naturelle » au profit d’une vision « spirituelle » (représentée par la ferveur du jeune David pour défendre l’identité et la réputation de Dieu, 1 Sam 17.26c).
Serait-ce dû, notamment, à la dureté naturelle de notre cœur ? Il semble que Dieu nous pousse dans les retranchements stériles de nos initiatives « naturelles », sans lui, avant de nous permettre de considérer plus sérieusement ses voies, qui découlent d’une vision « spirituelle ». Il nous laisse essayer, tâtonner, échouer, avant de nous tourner vers une vie à sa manière et non plus à la nôtre. Puissions-nous apprendre la leçon de plus en plus rapidement !
4. Faire le bien, mais le faire mal
Voies de l’homme, voies de Dieu
Jésus est présent au milieu de son peuple, mais sommes-nous présents à lui ? Nous connaissons nos valeurs morales et religieuses et nous voulons agir en plein accord avec elles, mais il est possible de les mettre en pratique sans être spirituellement uni à Christ.
On peut faire une chose bonne, mais de la mauvaise façon : adorer Dieu, aimer son prochain, diriger une Église, etc. Comme Saül, nous pouvons être tentés de prendre des raccourcis par crainte des hommes et sous la pression de nos urgences (ce qui est un esclavage issu de cette crainte). Il faut contenter tout le monde : la famille, l’entreprise, la communauté spirituelle, les autorités. Nous souhaitons être aimés, ou du moins respectés. Alors, les raccourcis, nous les connaissons. Ils se basent sur des choses bonnes : des formules pieuses répétées régulièrement, des rites qui rassurent, des rendez-vous qui rassemblent, etc. La tentation est grande de consacrer toute notre énergie à ce qui ressemble à de la piété, mais sans celui qui en fait la force (2 Tim 3.5).
Certains systèmes moraux (y compris les principes chrétiens quand ils sont envisagés comme un système moral seulement) ont tendance à favoriser une bonté comportementale de surface plus qu’ils ne transforment véritablement la vision du monde au niveau plus profond (celui de nos convictions réelles, qui motiveront nos valeurs et nos actions). Ma vision du monde change-t-elle progressivement à mesure que j’en apprends plus sur Dieu et l’œuvre de sa grâce en moi ?
Agir pour lui ou avec lui ?
Nous voulons faire le bien, mais à notre manière, agités que nous sommes, en « oubliant » de commencer par nous rendre disponibles au pied du Maître. Sans Dieu – qui, seul, est bon – tout notre bien n’a rien de bon (Rom 7.17s). Moi qui ai professé suivre Christ, je désire suivre son enseignement, mais est-ce que je désire le suivre, lui ? Suis-en train non seulement d’agir selon des valeurs chrétiennes, mais aussi de grandir dans ma dépendance de sa réelle présence ? J’ai probablement progressé dans ma connaissance doctrinale et pratique, mais ai-je régulièrement grandi en Christ, uni à lui, et dans sa puissance d’action ? Ma vision du monde est-elle formée, transformée, par la pensée de Dieu et mes voies entrent-elles dans les voies de Dieu ?
- Edité par Mondin Frédéric
Les livres historiques de Josué à Rois [note]Hors Ruth, qui est classée dans la Bible juive parmi les « 5 rouleaux ».[/note] forment un ensemble important de 147 chapitres, soit 23 % environ du texte de l’A.T. Le canon hébraïque l’inclut dans la deuxième division de l’A.T., les Nebiim, et les désigne sous le titre « les premiers prophètes[note]Les « derniers prophètes » regroupent Ésaïe, Jérémie, Ézéchiel et les 12 petits prophètes. Le nombre de mots de ces livres représente aussi 23 % du texte de l’A.T.[/note] » . Ce long développement expose l’histoire du peuple d’Israël de son entrée en Canaan jusqu’à la déportation de Juda à Babylone.
Dans ces chapitres, nous trouvons nombre d’histoires riches d’applications morales — comme l’appel de Gédéon, David et Goliath, les miracles d’Élisée, etc. Toutefois, si intéressants que soient les récits particuliers, il faut se souvenir qu’ils s’inscrivent dans un grand mouvement d’ensemble, dont une section du Deutéronome donnait en quelque sorte le sommaire par avance.
Le Deutéronome, ou « deuxième loi », donne les instructions que le peuple d’Israël devait suivre dans le pays où il allait entrer. Au cours du livre, Moïse va évoquer une suite d’« institutions » selon Dieu qui vont permettre au peuple de « fonctionner ». De Deutéronome 16.18 à 18.22[note]La partie centrale du Deutéronome (12-25) donne des lois détaillées qu’il est possible de relier successivement au Décalogue (voir Eugene H. Merrill, Deuteronomy, NAC). La portion 16.18-18.22, sur les autorités dans le pays, se rattache au 5e commandement, l’autorité dans la famille. Le juge puis le roi puis le prophète ont joué historiquement un rôle de « père » pour la nation (cf. 1 Sam 24.12 ; 2 Rois 2.12 ; 6.21)[/note] , trois catégories d’autorités sont mentionnées successivement :
- les juges et les sacrificateurs (16.18-17.13) ;
- le roi (17.14-18.8) ;
- le prophète (18.9-22).
Jusque-là, pendant toute la traversée du désert, Moïse jouait à la fois le rôle de « roi en Israël » (Deut 33.5) et de prophète (Deut 18.18, « un prophète comme toi »), tandis que la sacrificature était confiée à Aaron son frère.
Après leur décès, Josué d’un côté et Éléazar de l’autre vont prendre leur suite pour faire entrer le peuple dans le pays. Le livre de Josué se termine par la double mention de la mort de Josué (Jos 24.29-31) et d’Éléazar (Jos 24.33). Les porteurs de la conquête disparaissent, et les institutions prévues par Dieu vont devoir prendre la suite.
1. La décadence de la sacrificature et des juges
De façon significative, le livre des Juges commence par rappeler la mort de Josué (Jug 1.1), avant de donner deux introductions successives. La première (Jug 1.1-2.5) surprend : les fils d’Israël n’ont pas chassé les Cananéens, alors que la fin de Josué suggérait que la conquête avait été achevée ; la mission de Josué n’avait pas été totalement remplie. La seconde (Jug 2.6-3.6) donne le résumé du cycle qui va se répéter au cours des siècles qui suivront sous les 12 juges : les fils d’Israël rejettent Dieu ; Dieu envoie un ennemi pour les asservir ; les Israélites implorent Dieu ; Dieu suscite un juge pour les délivrer et opérer un retour temporaire vers lui. Ces cycles vont aller de mal en pis, en particulier quant à l’attitude du peuple vis-à-vis du juge — jusqu’à Samson, rejeté par son peuple qui prend son parti de la domination des Philistins (Jug 15.11).
Dans cette période, Dieu prend soin de son peuple au travers de la sacrificature et des juges : Israël est alors une théocratie directe, comme l’indique le dernier verset du livre : « En ce temps-là, il n’y avait point de roi en Israël. Chacun faisait ce qui lui semblait bon » (Jug 21.25).
Mais cette médiation de la sacrificature et des juges entre Dieu et le peuple a failli. Les juges ont été incapables de ramener durablement le peuple à Dieu. Quant à la défaillance de la sacrificature, elle est exposée dans les deux conclusions du livre (Jug 17-18 et 19-21). La première narre le dévoilement de la sacrificature par un homme qui, via un Lévite, va établir son propre culte en détournant ce que Dieu avait institué pour y substituer une idole. La seconde conclusion rapporte l’histoire très glauque d’un autre Lévite et témoigne de l’épouvantable décadence morale qui sévissait parmi le peuple ; or ce récit ne se situe pas à la fin de la période des Juges, mais au début puisque Phinées, successeur d’Éléazar, est encore vivant (Jug 20.28) ; la faillite de la sacrificature a donc été très rapide, et même la présence du champion de la sainteté selon Dieu qu’est Phinées (cf. Nom 25) ne suffit pas à éviter l’horreur décrite dans ces chapitres. La sacrificature, parce qu’elle était confiée à des humains faillibles, n’a pas été capable d’assurer la bénédiction du peuple de Dieu.
2. La faillite de la royauté
Le livre de Samuel s’ouvre par l’histoire d’Elkana, le père de Samuel. Samuel joue un rôle important dans cette métahistoire, puisqu’il est à la fois un Lévite et un juge. Il fait l’intermédiaire entre la période des juges-sacrificateurs et celle des rois. Même s’il est personnellement fidèle, ses fils ne le sont pas (1 Sam 8.3-4) et le peuple exige un roi. Ce faisant, les Israélites rejettent la théocratie directe en vigueur jusque-là : « Écoute la voix du peuple dans tout ce qu’il te dira ; car ce n’est pas toi qu’ils rejettent, c’est moi qu’ils rejettent, afin que je ne règne plus sur eux » (1 Sam 8.7).
Même si Dieu, dans sa souveraineté, avait déjà prévu dans le Deutéronome la demande du peuple (Deut 17.15), il ne dédouane pas pour autant Israël de sa responsabilité. Ce dernier doit assumer pleinement son mauvais choix.
Le premier roi, Saül, ayant tôt fait de montrer qu’il ne faisait pas l’affaire, Dieu choisit un autre roi, David, « selon son cœur » (1 Sam 13.14). Après de multiples péripéties, David devient enfin roi (2 Sam 5.4). Peu après, l’Éternel annonce à David une magnifique promesse : « J’élèverai ta postérité après toi, celui qui sera sorti de tes entrailles, et […] j’affermirai pour toujours le trône de son royaume. Je serai pour lui un père, et il sera pour moi un fils. » (2 Sam 7.12-14) Arrivés à ce point, nous pourrions penser que la royauté est enfin la solution, puisque Dieu a établi une dynastie « pour toujours ».
La suite du livre révèle qu’il n’en est rien : David, infidèle, doit fuir devant son fils Absalom, l’héritier auto-proclamé. Le roi finit son règne fatigué et guère perspicace [note]Voir par exemple son jugement hâtif concernant Méphibosheth (2 Sam 19.29).[/note].
La promesse de Dieu envers le fils de David semble s’accomplir en Salomon. Si David a, en partie, failli, le début du règne de Salomon est brillant : le roi met en œuvre la sagesse qu’il a demandée et reçue de Dieu dans ses affaires intérieures (1 Rois 3.16-28), dans ses relations extérieures, dans ses écrits (1 Rois 4.29-34), dans ses réalisations (1 Rois 5.1-12). La dédicace du magnifique temple qu’il construit pour Dieu est l’apogée de son règne. L’institution de la royauté aurait-elle réussi là où l’institution précédente avait failli ? Hélas non et la triste fin du règne de Salomon le démontre : contrairement aux recommandations du Deutéronome, il accumule femmes, chevaux et or ; pire encore, il tombe dans l’idolâtrie.
La suite de la royauté s’enfonce dans la décadence jusqu’à la reconstruction de Jéricho sous Achab (1 Rois 16.34) qui ramène le peuple avant la conquête, au début du livre de Josué. C’est comme si tout ce qui avait été construit pendant tous ces siècles s’écroulait.
3. L’échec de la prophétie
Dieu introduit alors le ministère prophétique avec Élie le Thischbite. Autant David a symbolisé la royauté [note] Les rois de Juda sont estimés par rapport à David tout au long du livre des Rois.[/note] , autant Élie a incarné la prophétie[note]C’est ainsi que le N.T. le présente à maintes reprises.[/note] . Puisque la sacrificature et la royauté ont failli, la prophétie est instaurée pour ramener le peuple à Dieu — et en premier lieu, à travers Élie et Élisée, le royaume du nord, Israël, qui s’était le plus éloigné. En dépit de leur ministère puissant, la décadence continue jusqu’à la déportation du royaume du nord en –722 par les Assyriens. « L’Éternel fit avertir Israël et Juda par tous ses prophètes, par tous les voyants, et leur dit : Revenez de vos mauvaises voies, et observez mes commandements […] Mais ils n’écoutèrent point. […] Les enfants d’Israël s’étaient livrés à tous les péchés que Jéroboam avait commis ; ils ne s’en détournèrent point, jusqu’à ce que l’Éternel ait chassé Israël loin de sa face, comme il l’avait annoncé par tous ses serviteurs les prophètes.» (2 Rois 17.13-14,22).
Le royaume du sud connaît la même fin tragique, en dépit de deux rois fidèles, Ézéchias et Josias, qui essayent de réveiller le peuple, et des prophètes qui se succèdent pour avertir (cf. 2 Rois 24.2). La prophétie n’a pas eu plus de succès que la sacrificature ou la royauté pour maintenir le peuple près de Dieu. Toutes ces institutions, pourtant établies par l’Éternel, n’ont pas apporté la solution.
4. La seule solution
De façon surprenante, le livre des Rois ne se termine pas sur la fin de Jérusalem, mais par le rétablissement partiel de Jojakin, l’héritier direct de la couronne de David (2 Rois 25.27-30). Du tronc d’Isaï qui paraissait complètement mort sort un tout petit rejeton… qui allait permettre à la lignée de continuer et à un descendant de David de remplir enfin un jour la promesse de 2 Samuel 7 (És 11.7).
Car si la sacrificature, la royauté et la prophétie ont failli, c’est parce que Jésus est le seul espoir. Toutes ces longues pages de l’A.T. nous sont données pour nous prouver qu’aucune solution humaine ne peut réussir : tout ce qui a été essayé a été insuffisant et a échoué. Si Jésus-Christ n’était pas venu pour changer le cours de l’histoire dans le cœur des hommes, il n’y aurait aucune solution. Ce ne sont pas des institutions humaines, si bien pensées qu’elles puissent être — et comment auraient-elles pu être mieux pensées que données directement par Dieu — qui ouvriront une solution au drame de l’humanité. Israël est le prototype choisi par Dieu, mais si Dieu avait choisi une autre nation, le résultat aurait été exactement le même.
Chacun de nous avons besoin d’intérioriser profondément ce constat : Jésus est la seule solution — tant pour l’humanité en général que pour notre vie individuelle. Confusément, nous espérons toujours en « l’homme providentiel » :
lors d’une élection, nous attendons le dirigeant politique providentiel qui remettra l’économie, la société, les institutions en bon ordre — et nous sommes toujours déçus, comme autrefois le roi décevait toujours ;
les « prophètes » d’aujourd’hui, qu’ils soient sociologues, économistes, penseurs ou autres, ont peut-être de bonnes idées qui nous séduisent, mais elles ne pourront pas être appliquées efficacement, parce que la « matière humaine » n’est pas bonne ;
dans notre vie personnelle, nous mettons si vite notre espoir en un médecin, un psychologue, un conseiller, en oubliant qu’ils ne sont que des hommes faillibles ;
ce constat vaut aussi pour l’église. N’arrive-t-il pas que nous attendions beaucoup, trop, d’un « pasteur providentiel », d’un prédicateur puissant ?
Jésus est, lui, l’homme providentiel, à la fois le parfait sacrificateur, le parfait roi et le parfait prophète. Pour chaque homme en salut et pour chaque croyant dans le quotidien de son chemin, Jésus est le seul espoir. Telle est une leçon fondamentale de ces livres historiques.
- Edité par Prohin Joël
A Introduction | 1S.1-15 |
1 Le ministère fidèle du juge Samuel et le rejet de la maison d’Eli | 1-7 |
…2 L’instauration de la royauté | 8-12 |
.…..a La demande formulée par le peuple | 8 |
………b L’appel de Saül (et de sa maison) | 9.1-11.13 |
……a’ La demande confirmée par Samuel | 11.14-12.25 |
1’ Le ministère infidèle du premier roi et le rejet de la maison de Saül | 13-15 |
B Le problèmes de David avant son accession au trône | 1S 16.1- 2S 2.7 |
1 Appel et onction de David | 16-17 |
…2 La famille de David (femme et beau-frère) le délivre des griffes de l’ennemi | 18.1-21.1 |
……3 Les problèmes de David à l’étranger | 21.2-23.28 |
………4 Attitude remarquable de David : il épargne trois fois des vauriens | 24-26 |
……3’ Les problèmes de David à l’étranger | 27-29 |
…2’ David délivre sa famille (ses femmes et enfants) des griffes d’un ennemi | 30 |
1’ Onction de David et accession au | 1S 31.1-2S 2.7 |
C- Le règne de David | 2S 2.8-10.19 |
1 Attitude exemplaire de David envers les hommes | 2.8-5.25 |
…a Guerre civile : combat victorieux contre un fils de Saül | 2.8-3.39 |
……b Respect de David envers un fils de Saül (Ich-Bocheth) | 4 |
………c Guerre de conquête | 5 |
2 Attitude exemplaire de David envers Dieu | 6-7 |
…………d Respect de David pour Dieu : l’arche (i.e. l’alliance) est ramenée au centre de la nation | 6 |
…………….e L’alliance de Dieu avec la maison de David | 7.1-17 |
…………d’ Respect de David pour Dieu : sa prière d’adoration | 7.18-29 |
3 Attitude exemplaire de David envers les hommes | 8-10 |
……..c’ Guerre de conquête | 8 |
……b Respect de David envers un fils de Jonathan (Mephibocheth, petit-fils de Saül) | 9 |
…a Conflit avec un allié : combat victorieux contre le fils d’Hanoun, roi des Ammonites | 10 |
B’ Les problèmes de David après son péché | 2S 11-20 |
1 Le péché de David | 11 |
…2 L’annonce du jugement de Dieu | 12 |
……a Les paroles du prophète | 12.1-15a |
……b Les signes du jugement | 12.15b-31 |
1’ Les problèmes de David | 13-20 |
…a Infidélité sexuelle et familiale | 13-14 |
……b Infidélité filiale et politique | 15-19 |
…c Infidélité politique | 20 |
A’ Conclusion ou appendices | 2S 21-24 |
1 Un péché de Saül : jugement et pardon | 21.1-14 |
…2 Les hommes vaillants de David | 21.15-22 |
……3 Cantique de David à la fin de ses difficultés | 22 |
……3’ Paroles (cantique) de David à la fin de sa vie | 23.1-7 |
…2’ Les hommes vaillants de David | 23.8-39 |
1’ Un péché de David : jugement et pardon | 24 |
- Edité par Arnold Daniel
L’histoire commence avec l’engendrement de Samuel, le dernier juge (1 Sam 1), et elle se termine avec l’achat, par David, du terrain sur lequel Salomon construira le temple de Dieu à Jérusalem (2 Sam 24). Les récits couvrent une période d’un peu plus d’un siècle (environ 1100 à 970 av. J.-C.).
1. L’auteur du livre
L’auteur de 1-2 Samuel n’est pas mentionné, ce qui est généralement le cas des livres historiques de l’Ancien Testament. La tradition juive attribue l’ouvrage à Samuel, Nathan et Gad sur la base de 1 Chroniques 29.29 : « Les actes du roi David, les premiers et les derniers, sont écrits dans les Actes de Samuel le Voyant, dans les Actes de Nathan le prophète et dans les Actes de Gad le Voyant ». Cependant, l’unité du livre rend peu probable que 1-2 Samuel ait été écrit par trois auteurs différents, à des époques différentes. L’auteur de 1-2 Chroniques cite, selon son habitude, des sources complémentaires que ses lecteurs pouvaient consulter après l’exil pour compléter les informations qu’il transmet. Samuel, Nathan et Gad ont donc écrit au sujet de David, mais qu’ont-ils écrit ? Beaucoup de livres cités par l’auteur de 1-2 Chroniques ont disparu. Dans tous les cas, Samuel n’a pas pu écrire l’ensemble du livre de 1-2 Samuel, puisque sa mort est mentionnée en 1 Sam 25.1, durant le règne de Saül, c’est-à-dire avant les événements rapportés dans 2 Samuel. Le livre porte le nom de « Samuel », car il est l’homme qui a instauré la royauté en Israël. Il reste Nathan ou Gad comme auteurs possibles du livre. Nathan semble particulièrement bien correspondre à la thématique du livre, centrée sur l’alliance avec la maison de David (cf. 2 Sam 7 ; 12).
2. L’instauration de la royauté
La période des juges est caractérisée par un pouvoir décentralisé. Durant trois cents ans (de la mort de Josué à Samuel), les douze tribus forment une confédération d’États dans laquelle chaque tribu gère ses affaires de manière autonome. Aucun pouvoir politique ne représente l’ensemble des tribus ni ne les guide. L’unité est religieuse. Le chef spirituel est le souverain sacrificateur qui officie au Tabernacle, lieu de rassemblement de la nation trois fois par année. Fondamentalement, l’unité d’Israël se trouve en Dieu.
L’instauration de la royauté marque un changement important dans l’organisation politique des tribus. Pour la première fois depuis l’entrée en Canaan, Israël est dirigé par un chef commun aux douze tribus. Le pouvoir politique devient même héréditaire, puisque la royauté se transmet de père en fils, à l’instar de la charge de souverain sacrificateur qui est, elle aussi, héréditaire.
Les douze premiers chapitres de 1 Samuel décrivent ce changement, mais l’ouvrage ne s’arrête pas avec l’onction du premier roi (1 Sam 10 ; 12), puisque l’auteur rapporte le règne des deux premiers rois, Saül et David, dans les quarante-trois chapitres suivants (1 Sam 13-2 Sam 24).
3. Des récits passionnants
L’auteur rapporte le comportement de plus de 80 personnages nommés. Les plus connus sont David (cité 450 fois), Saül (307x), Samuel (112x), Joab (85x), Absalom (83x), Jonathan (77x) et Abner (50x), et parmi les femmes, nous avons Bath-Chéba (18x), Mical (14x), Abigaïl (13x), Anne (13x) et Tamar (13x).
Les personnages principaux sont généralement liés entre eux par des liens de parenté, de mariage, d’amitié et de travail. De David par exemple, on connaît le père (Isaï), les frères (Eliab, Abinadab, Chamma), les fils (Amnon, Absalom, Salomon, et 11 autres 2 Sam 5.14-16), une fille (Tamar), les épouses (Mical, Abigaïl, Ahinoam, Bath-Chéba), le beau-père (le roi Saül), les beaux-frères (Jonathan, Ich-Bocheth), les généraux (Joab, Abner), les compagnons de lutte (voir la liste commentée en 2 Sam 23.8-39), quelques amis influents (Samuel, Ahimélek, Akich, Nathan, Gad), des ennemis (Chiméï) et des traîtres (Ahitophel).
Certains personnages interviennent dans un seul récit, d’autres sont mentionnés dans plusieurs narrations, voire presque tout au long du livre. Chaque personnage mérite d’être étudié pour lui-même, mais une étude en parallèle permet de faire mieux ressortir des caractères très contrastés.
Par exemple, Jonathan est le contraire d’Absalom. Le premier s’attache à David et le soutient bien que, sur le plan humain, il puisse être jaloux de lui et craindre celui qui régnera (à sa place) sur le trône d’Israël. Absalom est le fils de David, mais au lieu d’être soumis à son père, il veut lui ravir le pouvoir et le tuer.
Autre exemple : Abigaïl est le contraire de Bath-Chéba. Les deux femmes sont mariées lorsqu’elles rencontrent David pour la première fois. Abigaïl est noble et sage, et va permettre de sauver de la mort aussi bien ses serviteurs que son mari pervers (Nabal), et éviter à David de commettre une action qu’il aurait regretté par la suite. Bath-Schéba se trouve être une occasion de chute pour David. Elle trahit son mari admirable (Urie). Les deux femmes deviendront à la mort de leur mari, les épouses de David.
4. La trame du livre : l’alliance avec la maison de David
L’alliance divine avec la maison de David est le thème fondamental autour duquel s’articulent tous les récits. Cinq sections composent l’ouvrage.
A | 1 Sam 1-15 | La première section sert d’introduction. L’auteur présente Samuel, l’homme qui a établi la royauté en Israël, a choisi le premier roi, puis l’a rejeté. |
B | 1 Sam 16-2 Sam 1 | La deuxième section présente l’onction de David par Samuel, et les persécutions injustes que le futur roi a dû subir avant son accession au trône. |
C | 2 Sam 2-10 | La troisième section est au centre de l’ouvrage. Elle présente le règne glorieux de David. Au centre de cette section se trouve le chapitre clé du livre, celui qui rapporte l’alliance éternelle que Dieu a établie avec la maison de David (2 Sam 7). |
B’ | 2 Sam 11-20 | La quatrième section décrit les difficultés rencontrées par David à la suite de son péché avec Bath-Chéba. Cette section rappelle la seconde, à la différence que les souffrances de David sont la conséquence de son péché. | A’ | 2 Sam 21-24 | La cinquième et dernière section est un épilogue dans lequel l’auteur transmet certains événements qu’il n’a pas encore eu l’occasion de rapporter. En particulier, le dernier chapitre permet à l’auteur de conclure sur « la maison de Dieu » (le temple) qui sera construite à Jérusalem (2 Sam 24). |
A. L’introduction (1 Sam 1-15)
L’engendrement de Samuel est miraculeux tout comme celui de Jean-Baptiste. La mère de Samuel est remarquable, tout comme le sont les parents de Jean-Baptiste. Anne, la mère de Samuel, est remplie de foi et consacre son fils à l’Éternel comme elle l’avait promis (1 Sam 1.24-28). Quant à Zacharie et Élisabeth, les parents de Jean-Baptiste, ils « étaient tous deux justes devant Dieu, et suivaient d’une manière irréprochable tous les commandements et les ordonnances du Seigneur » (Luc 1.6). Le cantique d’Anne lorsqu’elle consacre son enfant au tabernacle (2 Sam 2.1-10) anticipe le cantique de Marie, lorsque celle-ci rencontre Élisabeth qui lui annonce que son enfant Jean-Baptiste a bondi de joie dans son ventre au son de la voix de Marie (Luc 1.39-55).
Une fois adultes, les deux hommes critiquent les autorités religieuses et politiques. Samuel annonce le jugement de Dieu au souverain sacrificateur Éli (1 Sam 3.11-18) et au roi Saül (1 Sam 13.13-14 ; 15.16-29), tout comme Jean-Baptiste reprend les pharisiens hypocrites qui veulent se faire baptiser (Mat 3.7-12) et critique le roi Hérode Antipas pour ses mauvaises actions (Luc 3.19-20). Dans les deux cas, l’action rédemptrice de Dieu se déroule dans un monde rebelle et pécheur.
Notons que le premier chapitre de Samuel place d’emblée le lecteur dans un contexte de péché, de rivalités et de stérilité. Samuel est engendré dans une famille polygame marquée par la lutte entre les deux épouses d’Elkana. En particulier, Pennina afflige Anne et la pousse à se révolter contre Dieu, car cette dernière n’a pas d’enfant. Mais, Anne reste intègre et se confie en l’Éternel. Le conflit entre Anne et Pennina préfigure le conflit entre David et Saül, qui préfigure, à son tour, le conflit entre Jésus-Christ et Satan.
Vers la fin de la vie de Samuel, Dieu utilise le désir charnel du peuple, qui veut un roi comme toutes les autres nations, pour instaurer la royauté en Israël et préparer la venue de son roi-messie promis de longue date (1 Sam 8 ; cf. Deut 17.14-20). Comme premier roi, Dieu choisit un homme qui correspond exactement aux attentes du peuple. Saül est « un homme d’élite et beau, plus beau qu’aucun des Israélites, et les dépassant tous de la tête » (1 Sam 9.2). L’homme ne connaît rien de Dieu. Néanmoins, le Seigneur, miséricordieux, se révèle à lui par une série de signes (1 Sam 10), mais Saül ne s’attache jamais vraiment à lui. Le premier roi reste toute sa vie un homme religieux qui désire la bénédiction divine, mais transgresse constamment les commandements du Seigneur.[note]Voir les articles de Daniel Arnold dans Promesses n°133 (juil.-sept. 2000) « L’instauration de la royauté en Israël » ; Promesses n°134 (oct.-déc. 2000) « L’onction privée du premier roi » ; Promesses n°135 (janv.-mars 2001) « Saül : une foi mal exercée ».[/note]
B. Les souffrances injustes de David (1 Sam 16-2 Sam 1)
Immédiatement après son onction, David sert à la cour du roi comme musicien privé de Saül (1 Sam 16.14-23). Il apaise le roi de ses crises d’angoisse en jouant de la harpe, une musique probablement accompagnée de cantiques à la gloire de Dieu que David avait composés dans le passé. Le prochain épisode rapporte le combat et la victoire contre Goliath (1 Sam 17). L’engagement de David démontre sa foi et son courage, mais aussi la bénédiction divine.
Quand Saül entend les femmes admiratives accorder plus de gloire à David qu’au roi, ce dernier prend le nouveau héros en grippe (1 Sam 18.6-9) et cherche à le tuer à de nombreuses reprises, d’abord de manière discrète en lui proposant de se battre contre les Philistins pour obtenir la main de sa fille (1 Sam 18.17, 20-25). À deux reprises, sur un coup de tête alors que David joue de la harpe, il essaie de le transpercer avec sa lance (1 Sam 18.11 ; 19.9-10). Finalement, il le poursuit avec son armée.
Jonathan est le contraire de son père. Il admire David pour son courage et sa foi et s’attache à lui comme un frère. Il conclut même une alliance avec David (1 Sam 18.3-4), alors qu’il aurait pu craindre que David lui ravisse le trône qui lui était destiné.
Dieu protège David des projets meurtriers de Saül. Le Seigneur utilise divers agents pour sauver le futur roi. On peut noter l’agilité de David à se détourner de la lance de Saül (1 Sam 18.10 ; 19.10) et le succès du futur gendre lors des campagnes militaires contre les Philistins (1 Sam 18.27-30). Il y a aussi les enfants de Saül (Micah et Jonathan) qui protègent David contre leur père (1 Sam 19.11-17 ; 1 Sam 20), et les Philistins qui, sans le savoir, font une œuvre de diversion et obligent Saül à laisser filer David (1 Sam 23.25-28). Parfois, Dieu conseille David ; il lui révèle, par exemple, par le biais du souverain sacrificateur qui consulte l’éphod, que les gens de la ville de Qeïla livreront David, leur libérateur (1 Sam 23.1-13). À une occasion, l’Esprit de l’Éternel reprend même directement Saül pour un court instant et l’oblige à prophétiser et à s’humilier (1 Sam 19.19-24).
Devant les attaques répétées de Saül, David doit fuir à l’étranger, chez les Philistins, les ennemis d’Israël. Pris entre le marteau et l’enclume, David est obligé de ruser. Il joue à l’insensé (1 Sam 21.11-16), puis, plus tard, fait croire à Akich, le roi philistin, qu’il attaque les Hébreux, alors qu’il ne fait que combattre les ennemis communs à Israël et aux Philistins (1 Sam 27).
Dieu protège aussi David sur le plan moral. Il l’empêche de faire justice en Israël avant son onction officielle. David résiste au conseil de ses amis et à l’envie de tuer Saül lorsque les circonstances l’ont mis à portée de son épée (1 Sam 24 ; 26). À En-Guédi, dans la grotte, « David sentit battre son cœur » après avoir coupé le pan du manteau de Saül (1 Sam 24.6). Ainsi, par son esprit, Dieu reprend le fugitif qui, aussitôt, empêche ses hommes de tuer Saül (1 Sam 24.7-8). Dans le même ordre d’idées, lorsque Nabal, un homme inique et puissant, humilie David, celui-ci est empêché par la femme de Nabal de se faire justice (1 Sam 25). À une autre reprise, les princes philistins convainquent leur roi de ne pas laisser David accompagner leurs troupes dans la guerre contre Saül, craignant que David ne se retourne contre eux (1 Sam 30). Ainsi, David se voit dispensé de se battre, malgré lui, contre le roi d’Israël.
D’une manière générale, on peut affirmer que tous les récits de 1 Samuel 16 à 2 Samuel 1 soulignent la protection divine et la droiture de David.
C. Le règne glorieux de David (2 Sam 2-10)
1. David commence par régner au sud du pays à Hébron (2 Sam 2.1), puis, après sept ans de conflits avec le nord du pays qui s’est rallié à Ich-Bocheth (le fils de Saül), David règne sur tout Israël (2 Sam 5.1-5). Il conquiert alors Jérusalem des mains des Yébusiens, et en fait sa capitale, une ville située au centre du pays (2 Sam 5.6-10). L’auteur prend soin de noter la droiture de David à l’égard de la maison de Saül après son décès. Le second livre de Samuel commence par une oraison funèbre sur Saül et Jonathan, dans laquelle David vante les qualités des deux hommes (2 Sam 1). David n’a jamais été animé par un esprit revanchard. Même la lutte avec Ich-Bocheth, fils de Saül et successeur au trône, est empreinte de retenue, voire de noblesse (2 Sam 2.12-32). David ne cherche pas à tuer l’héritier de Saül. Il ira même jusqu’à punir de mort les serviteurs d’Ich-Bocheth qui l’ont lâchement assassiné (2 Sam 4).
2. Une fois Jérusalem conquise, David désire placer Dieu au cœur de son royaume. Il fait venir l’arche qui avait été oubliée dans la maison d’Abinadab depuis le temps des juges (1 Sam 7.1). David veut honorer Dieu plus que tout et il ne craint pas de paraître ridicule en dansant devant l’arche (2 Sam 6). Il projette aussi de construire une demeure permanente à l’arche, c’est-à-dire un temple, mais Nathan l’informe que ce ne sera pas David qui construira une maison à l’Éternel, mais l’Éternel qui construira une maison à David (2 Sam 7). L’alliance conclue avec la maison de David est au centre structurel du livre de 1-2 Samuel.
3. La troisième et dernière section du règne glorieux de David reprend deux thèmes présentés au début du règne de David. Sur le plan militaire, David affermit son règne en battant divers ennemis (2 Sam 8 et 10), et sur le plan personnel, il honore la mémoire de son ami Jonathan en prenant soin de son fils Mephibocheth, petit-fils de Saül (2 Sam 9).
D. Le jugement divin suite au péché de David (2 Sam 11-20)
Le prophète Nathan confronte le roi avec son double péché (adultère et meurtre) et lui annonce le jugement divin. David verra sa famille voler en éclats. Ses femmes lui seront volées et seront violées publiquement ; les rivalités internes déchireront sa famille, et son fils nouveau-né mourra. David a agi en secret, mais l’Éternel punira le roi « en face de tout Israël et à la face du soleil » (2 Sam 12.11).
Les huit chapitres suivants rapportent les misères de David (2 Sam 13 à 20). Amnon, le fils aîné du roi, viole sa demi-sœur Tamar (2 Sam 13.1-22). Absalom assassine Amnon, son demi-frère, pour venger sa sœur (2 Sam 13.23-39), puis planifie un coup d’État contre son père et prend le pouvoir, obligeant David à fuir à l’étranger (2 Sam 15-17). Face au comportement scandaleux de ses fils, David se montre faible et incapable de les punir. Sa passivité et son attentisme contrastent avec son zèle pour la justice qui l’avait animé avant son péché.
Pourtant, David n’a pas tout perdu. À la suite des reproches de Nathan, David s’est repenti, et le prophète lui annonce le pardon de l’Éternel (2 Sam 12.13). David n’est pas Saül. Le premier roi d’Israël n’a jamais marché avec Dieu, alors que David est toujours qualifié comme un homme selon le cœur de l’Éternel (cf. 1 Sam 13.14 ; 16.17 ; 1 Rois 14.8 ; 15.3). Certes, David a péché, gravement même, mais il s’est repenti, du fond du cœur. Dieu l’a puni, mais il ne lui a pas retiré son alliance. Un descendant de David régnera pour toujours sur le trône d’Israël.
E. Épilogue (2 Sam 20-24)
1-2 Samuel commence avec Samuel, le précurseur (le Jean-Baptiste de l’Ancien Testament), et se termine avec une allusion au ministère expiatoire de Jésus. David prépare cette venue de Jésus et la typifie d’une certaine manière (en particulier par les souffrances injustes subies avant son règne royal). Le fils d’Isaï est un homme admirable dès son onction et durant une grande partie de son ministère, mais il n’est pas sans péché. Lui aussi a besoin qu’un plus grand que lui, meilleur que lui, vienne mourir sur la croix pour lui. Cet homme est Jésus-Christ, le Messie promis, le descendant de David selon l’alliance conclue avec la maison de David.
- Edité par Arnold Daniel
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