PROMESSES

À la fin de sa vie, l’apôtre Pierre rappelle aux destinataires de sa seconde lettre tout ce qu’ils ont reçu de Dieu : « Sa divine puissance nous a donné tout ce qui contribue à la vie et à la piété, en nous faisant connaître celui qui nous a appelés par sa propre gloire et sa propre force. » (2 Pi 1.3, NBS)
Ainsi, en nous ayant fait connaître Jésus, Dieu nous donne tous les « outils » pour vivre une vie de piété, c’est-à-dire une vie en relation avec lui, une vie spirituelle !
Est-ce à dire que la vie chrétienne est un « long fleuve tranquille » ? Certes non. L’apôtre exhorte les chrétiens à faire preuve de volonté pour « ajouter à la foi » : « Faites tous vos efforts pour joindre à votre foi la force morale, à la force morale la connaissance, à la connaissance la maîtrise de soi, à la maîtrise de soi la persévérance, à la persévérance la piété, à la piété l’affection fraternelle, à l’affection fraternelle l’amour. » (v. 5-7)
Quel beau programme pour une vie vraiment spirituelle ! Car en manifestant ces qualités chrétiennes, non seulement nous honorons Dieu dans notre vie, mais nous connaissons toujours mieux notre Seigneur Jésus-Christ : « En effet, si ces qualités sont en vous et y foisonnent, elles ne vous laissent pas sans activité ni sans fruit pour la connaissance de notre Seigneur Jésus-Christ. » (v. 8)
Ainsi, grâce à tout ce que Dieu nous a donné et par nos efforts dirigés par son Esprit, nous entrons dans un cercle vertueux : voici la vraie spiritualité chrétienne, qui mène à une connaissance toujours plus grande de Jésus-Christ, pour aboutir finalement à une large entrée dans son royaume (v. 11).


« Homme de Dieu, exerce-toi à la piété ! » C’est d’abord une exhortation de Paul à son disciple et « enfant spirituel » Timothée (1 Tim 4.7-8). Mais Timothée n’est pas le seul concerné, puisque tout « homme de Dieu » peut s’approprier cette exhortation pour lui-même. Et, connaissant Jésus comme Sauveur et Seigneur, nous sommes tous des « hommes de Dieu » !
Dans les Épîtres à Timothée, c’est un mot-clé qui revient avec une certaine insistance, et la clé de notre vie chrétienne, ce qui fait toute la différence. La « piété » est ce qui plaît à Dieu et le propre d’un homme « attaché à Dieu ». Nous sommes exhortés à la rechercher (1 Tim 6.11) et à nous y exercer (1 Tim 4.8 ; 6.6), ce qui devrait être un élan du cœur, un don de l’être tout entier par amour, avec ces promesses : « Le Seigneur sait délivrer de l’épreuve les hommes pieux » (2 Pi 2.9) ; Dieu « aime la piété et non les sacrifices… » (Osée 6.6).
Le livre de Kent Hughes traite de sujets dont on parle curieusement peu, mais pourtant largement abordés dans les Écritures : la piété et la discipline, ou plutôt, « l’exercice de la piété » ! Une expression qui, aux dires de l’auteur, « sent l’odeur de la sueur », celle « qui vient d’un bon entraînement ».
Ce livre nous saisit et nous provoque, comme nous provoquerait de façon franche et directe, mais toujours avec grâce, un aîné ou un père qui aurait fait du chemin avec Dieu, tout en étant conscients qu’il n’est pas encore « arrivé », lui non plus : « Et si vous recherchiez toujours plus à ressembler au Christ ? Pour cela, exercez-vous à [la discipline qui conduit à] la piété ! »
C’est aussi un livre exigeant avec lequel on lutte au corps à corps — tant son sujet, l’exercice de la piété, nous est à ce point bien peu naturel — avec la détermination « de ne pas le lâcher avant qu’il ne nous ait béni » (cf. Gen 32.26). À l’instar de Jésus, « qui, bien qu’il fût Fils, a dû apprendre l’obéissance par les choses qu’il a souffertes » (Héb 5.8), nous avons en effet à apprendre à devenir des hommes pieux, attachés à Dieu, et ne pas nous complaire dans « une grâce à bon marché » — la véritable grâce de Dieu étant en effet « une grâce qui a coûté » (à Christ) et « qui coûte », parce qu’elle appelle à l’obéissance (selon la formule de Dietrich Bonhoeffer et selon 1 Tim 4.7-10). Mais c’est « à cause de sa piété que Christ a été exaucé » (Héb 5.7).
Ce livre nous rend conscients que la piété n’est pas « un truc religieux » ou « un truc de bonne femme », puisqu’elle est concernée par tous les domaines de la vie. En clair, « s’exercer à la piété » implique de travailler ses relations [en veillant à sa pureté, à son mariage, mais aussi à ses amitiés], de prendre soin de son âme [ses pensées, son temps de recueillement et sa vie de prière…] et de son caractère [sa langue, sa façon d’être au travail…], et de porter une attention particulière à son ministère [son regard sur l’Église ; sa façon d’exercer le leadership, de donner et de servir…][note] Le livre est construit en 5 parties, composées chacune de 4 ou 5 chapitres en moyenne — chapitres suivis de « questions de réflexion » pour faire le point après la lecture.[/note]. À ce sujet, mes luttes et mes défis ne seront sans doute pas les vôtres. Dans tous les cas, il ne convient pas de « choisir » l’une ou l’autre des disciplines, décrites dans ce livre d’une manière inédite, mais de comprendre qu’elles forment un tout, comme autant de facettes d’une vie complète, pleine de sens et d’espérance de l’homme pieux authentique.
Ensuite, la discipline n’est en rien « une lubie légaliste », car le moteur de la discipline prend sa source dans l’amour et la grâce de Dieu. D’ailleurs, dans son chapitre introductif intitulé « La discipline au service de la piété », Kent Hughes nous explique que tout débute par une sorte de « coup de foudre », lequel nous enseigne « que la discipline personnelle est la clé pour accomplir quoi que ce soit dans cette vie ». Si cela est vrai, c’est doublement vrai pour les questions spirituelles. Dans d’autres domaines, nous pouvons peut-être revendiquer quelque avantage naturel. Un athlète peut être né avec un corps robuste, un musicien avec une oreille parfaite ou un artiste avec la perspective dans l’œil. Mais aucun de nous ne peut se vanter de posséder une supériorité spirituelle innée. En fait, nous sommes tous tout autant désavantagés. Aucun de nous ne cherche Dieu de façon naturelle, personne n’est intrinsèquement juste, personne ne fait instinctivement le bien (cf. Rom 3.9-18). Par conséquent, en tant qu’enfants de la grâce, tout est dans la discipline spirituelle — tout !
Mais l’exercice de la discipline qui conduit à la piété, pour devenir un « homme de Dieu » accompli, est tout à la fois un commandement et une promesse de Dieu : « Car (si) l’exercice corporel est utile à peu de chose (…) la piété est utile à tout, ayant la promesse de la vie présente et de celle qui est à venir. C’est là une parole certaine et entièrement digne d’être reçue ». Et parce que la clé de la victoire consiste aussi à jouer en équipe et non en solo, « nous travaillons, en effet, et nous combattons, parce que nous mettons notre espérance dans le Dieu vivant, qui est le Sauveur de tous les hommes, principalement des croyants » (1 Tim 4.8-10).
Un véritable défi, encore plus pour les hommes, déjà peu portés vers les choses spirituelles et moins disciplinés dans ce domaine que les femmes, et par ailleurs individualistes de nature !

Recension par Nicolas D. (http://pepscafeleblogue.wordpress.com)


« Heureux l’homme… qui trouve son plaisir dans la loi de l’Éternel et la médite jour et nuit ! Il est comme un arbre planté près d’un cours d’eau : il donne son fruit en sa saison… » (Ps 1.1-3).

Le livre des Psaumes, livre de la prière, s’ouvre par la déclaration que le bonheur humain trouve sa source et sa réalisation dans une relation quotidienne, jour et nuit, avec Dieu. Ce bonheur est lié à la méditation de la loi de l’Éternel, de la Bible. Dieu est un Dieu qui communique et qui parle à l’homme par la création, par les Écritures, par Jésus-Christ la révélation de Dieu, la Parole faite chair. Dieu parle, nous sommes invités à écouter avec attention et disponibilité. La méditation de la Bible nous amène à l’écoute de Dieu et ouvre à la prière comme une réponse d’amour à celui qui aime et parle le premier. Le bonheur est dans ce dialogue, face à face de l’homme avec Dieu dans l’intimité et le silence.

1. La méditation de la Bible, un défi pour le chrétien aujourd’hui

La méditation de la Bible constitue un véritable défi pour le chrétien aujourd’hui. Ces deux mots sont en complet décalage avec l’évolution de la société :

  • La Bible, Parole de Dieu, « vivante et permanente », livre immuable au fondement d’une civilisation multimillénaire, livre inscrit au patrimoine mondial de l’humanité rencontre une société devenue « société de l’information » dominée par des médias omniprésents et de plus en plus agressifs, qui saturent notre espace personnel et collectif de messages de toute nature, dont ils organisent à la fois l’impression de nécessité absolue et l’obsolescence rapide (cf. Promesses n° 191).
  • La méditation est une invitation à prendre du recul pour écouter la voix de Dieu dans le silence et la solitude. Elle paraît en opposition avec la suractivité, le stress professionnel, la multiplication des sollicitations de tous ordres, souvent obligatoires ou incontournables, qui viennent accaparer la vie des femmes et des hommes de ce siècle.

La « révolution numérique » transforme insensiblement notre vie, notre mode de pensée, notre manière de lire et de traiter l’information et jusqu’à notre approche de la Bible :

  • La prédominance et le défilement toujours plus rapide de l’image prennent le pas sur le texte écrit et entament notre capacité à lire et réfléchir.
  • Nous disposons ou sommes sollicités à portée de clic par des ressources numérisées quasi sans limites, du meilleur au pire dans tous les domaines, y compris pour la lecture et l’étude biblique. Cela nous expose aux lectures en diagonales qui donnent priorité aux dernières nouveautés, aux contenus « clés en mains », faciles ou à l’utilité immédiate.
  • « Combien de connaissance nous perdons dans l’information et combien de sagesse nous perdons dans la connaissance » : le mot d’Edgar Morin, penseur contemporain non chrétien, prend tout son sens pour nous à la lumière des premiers chapitres du livre des Proverbes (1.1-6 ; 2.1-11 ; 3.13-23). Il trace en quelque sorte l’enjeu de la méditation de la Bible : écoute, réflexion, sagesse, comme chemin vers la connaissance de l’Éternel, source de vie et du bonheur…

2. La méditation de la Bible, un enjeu au cœur de la vie du chrétien

Certaines approches de l’Écriture laissent perplexe :

  • Celle qui consiste à s’appuyer beaucoup sur les très nombreux matériaux à disposition (publications spécialisées, logiciels d’étude biblique, prédications et cultes en ligne, etc.) au détriment d’une préparation et d’une appropriation personnelle, intériorisée du texte.
  • Celle qui cherche à actualiser au maximum l’usage de la Bible par le choix systématique de thèmes d’actualité accrocheurs ; la lecture des textes risque alors de s’orienter vers une écoute intéressée et utilitaire.
  • Celle qui s’inscrit dans la mouvance des spiritualités extrême-orientales, où la méditation est considérée comme une activité de l’esprit, un exercice mental qui consiste à rechercher la pure intériorité, le vide de soi et de ses pensées. Il s’agit d’une démarche centrée sur soi, sur l’homme, égocentrique en quelque sorte, alors que la méditation chrétienne a toujours un contenu, centré sur Dieu et sur Jésus-Christ, avec la Bible comme référence.

Les auteurs des Psaumes n’orientent pas leur méditation vers eux-mêmes mais sur Dieu (63.6) ; sur les œuvres et les actes de Dieu (77.6-12 ; 143.5,6) ; sur la loi, les décrets, la parole de l’Éternel (119.15,27,97,148).
La méditation de la Bible est un enjeu au cœur de la vie du chrétien. Elle n’est pas essentiellement une approche intellectuelle d’analyse soigneuse du texte biblique comme l’exégèse. Elle est l’écoute d’une parole de Dieu, plutôt que la recherche d’une parole sur Dieu.
L’Écriture, ici, est reçue comme un message de Dieu à l’homme, pour rencontrer Dieu personnellement, rencontrer Jésus-Christ et vivre de lui. Ainsi, la Parole de Dieu est un livre, mais, plus que cela, elle s’est révélée dans une Personne, le Verbe, Jésus-Christ (Jean 1). La méditation par la foi, sous l’action de l’Esprit Saint, dans la durée, sans précipitation, laisse la Parole de Dieu nous pénétrer comme une parole de vie.
Trois images liées à la Parole de Dieu aident à comprendre la nature de la méditation biblique et son importance pour la vie du chrétien :

  • Elle est une semence plantée en nous (Jac 1.21), origine et développement de la vie divine, qui prospère et porte du fruit (Deut 32.47 ; Mat 13.23) ; Jésus dit : «Les paroles que je vous dis sont Esprit et sont vie» (Jean 6.63). La semence est de Dieu, la méditation favorise la germination et le fruit (Ps 1.2,3). La parole fait vivre (Ps 119).
  • Elle est une nourriture qu’il faut ingérer, digérer, assimiler, apprécier la saveur et qui produit la croissance (Ps 40.8 ; Jér 16.15). Ce processus renouvelé, lent, secret, que les pères de l’Église appelaient rumination fait vivre et revivre en nous la Parole par la réflexion, la mémorisation et l’action de grâce.
  • La méditation sollicite et transforme l’être entier, l’intelligence, le cœur, les cinq sens : voir, écouter, toucher, sentir, goûter (Ps 77.6 ; 119.103), sont alertés pour aller de la lecture à la connaissance et de la connaissance à la proximité et à cette intimité avec Dieu où « ta loi fait mes délices. Combien j’aime ta loi, tout le jour je la médite. » (Ps 119.47,77,97).

3. Quelques jalons pour la méditation de la Bible

1. S’attendre à l’Esprit saint, se disposer à accueillir son action

C’est l’Esprit qui rend la Parole féconde, vivante en celui qui l’écoute, alors l’homme doit rechercher une attitude de docilité et d’écoute dépendante pour se détacher de lui-même. Il ne faut pas chercher à satisfaire des besoins précis, mais chercher Dieu, élever notre âme vers lui, être attentif, à l’écoute du Seigneur qui nous parle, comme suspendus à son amour.

2. Prendre la Bible et lire

À un moment fixé, à des heures et une durée régulière, dans le silence qui permet l’écoute, car toute écoute implique le silence, la solitude avec Dieu. La Parole de Dieu n’atteint pas les bruyants, mais les silencieux, disait Dietrich Bonhoeffer.

  • Lisons des passages déterminés, sans préférence, pas au hasard, sans écarter les textes obscurs.
  • Lisons avec assiduité et continuité, non en glaneurs distraits, mais en s’immergeant dans la Parole.
  • Lisons lentement, plusieurs fois, en cherchant à écouter avec le cœur et l’intelligence.

3. Chercher à travers la méditation

  • Réfléchir avec son intelligence, interpréter l’Écriture avec l’Écriture.
  • Relire pour faire résonner le message en soi, murmurer la parole pour qu’elle m’habite.
  • Ruminer les paroles, les mémoriser : « Goûtez et voyez que le Seigneur est bon » (Ps 34.9).
  • Se laisser imprégner, guérir intérieurement, émerveiller, attirer, regarder le Christ.
    Alors l’homme qui écoute la Parole devient peu à peu l’homme qui répond…

4. Prier le Seigneur qui m’a parlé

La lecture et la méditation conduisent au ravissement en Dieu. Remplis de la Parole, nous pouvons entrer en conversation avec Dieu. La Parole qui est venue en nous retourne à Dieu dans la prière. C’est comme une réponse dans l’humilité, la confiance et la franchise, réponse rendue possible parce que nous parlons à Dieu avec ses propres paroles. La Parole qui était auprès de Dieu est désormais en nous. Elle est lumière et vie au plus profond de nous. Plus besoin de crier, nous laissons cette parole monter au ciel paisiblement, sans bruit. C’est un entretien tranquille avec Dieu sans autre désir que de demeurer près de lui.

5. Entrer dans la contemplation

Contempler, c’est voir toutes choses et tous les êtres avec le regard de Dieu. Les pages de l’Écriture dévoilent le Christ à contempler. Ni extase, ni expérience extraordinaire, c’est contempler celui qui est plus beau que les fils des hommes (Ps 45.3) ; celui qui est bon (Ps 119.68) ; celui qui pardonne et guérit (Ps 103.3). Il s’agit d’une expérience de foi, non d’une vision mystique (2 Cor 5.7). Nous contemplons la gloire du Seigneur et sommes transformés à son image (2 Cor 3.18).

6. Conserver la parole dans son cœur

Conservons, gardons, rappelons-nous heure après heure la parole reçue, le passage ou le verset médité. Ce souvenir de Dieu peut donner unité à la journée, au travail, à la vie sociale. Réveillons-nous, ne laissons pas s’endormir cette semence de la Parole déposée en nous.

7. N’oublions  pas : écouter, c’est obéir

Je m’engage à réaliser la Parole de Dieu. L’œuvre qui m’attend, c’est de croire et, par la foi, de montrer en moi le fruit de l’Esprit (Gal 5.22).

Conclusion

« Que la parole du Christ habite en vous dans toute sa richesse. » (Col 3.16)La pratique régulière de la méditation de la Bible, lecture priée à l’écoute de la Parole de Dieu par le Saint Esprit (Jean 14.26), est certainement d’une importance capitale. Elle est de nature à transformer notre vie, notre relation avec Dieu et notre service :

  • par une attitude face à l’information qui donne plus de place à la réflexion et à la sagesse,
  • par une approche de la Bible moins utilisée comme livre de recettes ou boîte à outils, mais reçue comme semence vivante, nourriture assimilée et puissance de transformation intérieure, par une approche de la prière moins liée à des demandes précises qu’à un entretien intime,
  • par une connaissance de Dieu, moins une connaissance purement intellectuelle sur Dieu qu’une relation de communion personnelle et d’adoration nourrie par la Parole,
  • par une conception du service, beaucoup plus envisagé comme le fruit de l’Esprit que des œuvres à accomplir,
  • par une vision de la vie qui rééquilibre la place de la pensée et celle de l’activité.

« Que les paroles de ma bouche et la méditation de mon cœur soient agréables devant toi, ô Éternel, mon Rocher et mon Rédempteur » (Ps 19.14, Darby ; 19.15 dans les autres versions)


1. Une définition de la prière personnelle

La prière personnelle est une communication personnelle avec Dieu. Ce n’est pas simplement parler, mais être en communication avec Dieu. Sans doute avons-nous tous déjà fait l’expérience qu’en priant, le Seigneur nous a parlé, a répondu à nos questions, nous a montré clairement sa pensée sur ce que nous lui avons présenté. Il est très important que nous nous rappelions qu’il y a ces deux sens : nous lui parlons, mais lui nous parle aussi.
La condition pour que nous ayons une communication avec Dieu, est que nous soyons avec lui dans une communion vivante et vécue, comme celle dont nous jouissons avec nos enfants, avec nos amis, avec nos frères et sœurs. C’est la base de la prière.

2. Des entraves à la prière personnelle

A. Le péché non confessé

Le péché non confessé est une entrave à la prière dans son sens général. Si je sais qu’il y a des choses non confessées dans ma vie, je peux les cacher devant les autres, mais devant Dieu ?
« Si j’avais regardé l’iniquité dans mon cœur, le Seigneur ne m’aurait pas écouté. » (Ps 66.18). Naturellement, ce verset peut être compris ainsi : si je réalise qui je suis, je ne prierai peut-être même pas ; mais aussi dans un autre sens : s’il y a des choses qui ne sont pas jugées en moi, dans ma vie, il semble que mes prières redescendent ou ne peuvent même pas dépasser le plafond. N’avons-nous pas déjà fait cette expérience ? Le péché est une grande entrave pour la prière. Et il peut arriver que nous ne puissions pas entrer en contact par la prière avec le Seigneur comme nous l’aimerions. Dans les Psaumes, le psalmiste supplie Dieu de lui révéler les péchés cachés qui pourraient être une entrave à la prière (Ps 19.13 ; 51.6 ; 139.24).
La communication, et donc la prière, est un acte essentiel. Si quelque chose se révèle être une entrave à la prière, nous avons tout intérêt à rechercher ce qui retient et à nous sentir totalement dans la présence de Dieu, afin qu’il nous aide à discerner ce qui nous a été une entrave.

B. Le manque de temps

Le manque de temps nous pose à tous un grand problème. Des hommes et des femmes de prière ont prié durant des heures ; quant au Seigneur Jésus, lui, a prié toute une nuit. Souvent, après avoir prié pendant cinq minutes, nous avons l’impression d’avoir bien suffisamment prié. À quoi, en fait, nous occupons-nous par ailleurs ? C’est une question de priorité. Si nous réalisons l’importance de la prière, nous y consacrerons plus de temps.

C. La routine

Le langage routinier, habituel, est une troisième entrave. Je suis peiné quand je me rends compte que je parle à Dieu d’une manière routinière, ou de façon répétitive. Dans la Parole, le Seigneur nous dit qu’il ne faut pas utiliser des répétitions en priant. Nous pouvons même aussi avoir certaines expressions que nous n’employons que dans la prière. Est-ce normal ?
On change souvent de ton quand on prie. Pourquoi ? La prière ne devrait-elle pas ressembler à la communication que nous avons avec la personne que nous aimons le plus ? Ce devrait être une expression très spontanée, réelle, et non le rappel ou la répétition de paroles déjà dites ou routinières. La prière ne doit pas donner l’impression qu’il faut changer de langage quand nous nous adressons à Dieu, mais elle doit être spontanée.
En tout cas, je sais que si je commençais à parler à ma chère épouse avec un débit un peu rapide et dans un français un peu spécial, comme pour l’impressionner, elle me regarderait avec étonnement en me disant : « Que se passe-t-il ? Que veux-tu dire ? Explique-toi. Dis clairement ce que tu veux. Parle normalement. »
Le Seigneur ne voudrait-il pas nous dire parfois la même chose : « Mais parle naturellement ; dis-moi ce que tu veux ; dis-moi ce que tu as sur ton cœur » ? Ce travers s’amplifie dans la prière commune, en famille ou en assemblée : vouloir impressionner les autres par la prière. Sans doute, cela déplaît au Seigneur. Disons-nous : « Je me tiens devant le Seigneur. Même s’il y a des frères et sœurs qui écoutent, c’est une affaire entre lui et moi. Je veux parler d’une façon que lui puisse comprendre. Eh bien, je dis ce que j’ai dans mon cœur. » La routine, le retour des mêmes formules et l’emploi de certaines expressions inhabituelles ne devraient pas caractériser notre prière.

3. Le secret du Seigneur

J’ai souvent été frappé de voir que le Seigneur Jésus connaissait tous les besoins autour de lui. De plus, il avait tout pouvoir pour aider. Pour nous, le premier obstacle est de ne pas discerner les vrais besoins autour de nous et le second réside en ce que nous sommes bien limités dans nos ressources. Mais comment le Seigneur, l’homme Christ Jésus, qui connaissait tous les problèmes qui se posaient autour de lui, qui avait toutes les ressources, a-t-il su ce qu’il devait faire et ne pas faire, ou à quel moment le faire ? La réponse est en Marc 1.35 : dès le matin, longtemps avant le jour, il est allé prier.
Il est le serviteur prophétiquement présenté en Ésaïe 50.4-8 :
« Le Seigneur l’Éternel m’a donné la langue des savants, pour que je sache soutenir par une parole celui qui est las. Il me réveille chaque matin, il réveille mon oreille pour que j’écoute comme ceux qu’on enseigne. Le Seigneur l’Éternel m’a ouvert l’oreille, et moi je n’ai pas été rebelle, je ne me suis pas retiré en arrière. J’ai donné mon dos à ceux qui frappaient, et mes joues à ceux qui arrachaient le poil ; je n’ai pas caché ma face à l’opprobre et aux crachats. Mais le Seigneur l’Éternel m’aidera : c’est pourquoi je ne serai pas confondu ; c’est pourquoi j’ai dressé ma face comme un caillou, et je sais que je ne serai pas confus. Celui qui me justifie est proche : qui contestera avec moi ? »
Le Seigneur a connu ce secret et l’a mis en pratique : apprendre à connaître la volonté de Dieu un jour après l’autre. Il est très important, pour nous aussi, de prendre le temps, tôt le matin, d’entrer en communication avec lui. Le voir, le contempler, mais aussi nous mettre à sa disposition et dire : « Seigneur, que veux-tu que je fasse aujourd’hui ? » Il ne nous donnera sans doute pas un emploi du temps détaillé de la journée, avec ce que nous devons faire et ne pas faire ; mais quand on se remet à lui avec la pensée de ce qu’il faudrait faire et qu’on lui montre notre disponibilité, alors la paix nous inonde, en contraste avec celui qui ne prend pas le temps d’entrer dans la présence du Seigneur, et c’est solennel.
J’en ai fait moi-même l’expérience. Quand je ne prenais pas le temps le matin de parler avec lui, de lui exposer mes besoins, je constatais souvent, en travaillant, qu’il me fallait faire plus d’effort pour discerner sa volonté. C’est là un des problèmes de beaucoup de chrétiens qui ne prennent pas le temps d’écouter le Seigneur pour savoir exactement ce qu’Il veut qu’ils fassent. Alors, mus par un vague sentiment de culpabilité, il nous semble que notre action ne correspond pas exactement à ce que le Seigneur attend de nous, et cela parce que nous ne l’avons pas suffisamment écouté le matin ; et nous multiplions les activités de façon désordonnée, croyant que par la somme de travail que nous fournirons, le Seigneur sera satisfait. Combien de fois, lorsque nous revenons au Seigneur le soir, s’il pouvait nous parler directement, il nous dirait : « Oui, tu as fait ceci et cela, et encore bien autre chose, mais j’avais prévu quelque chose de complètement différent pour toi. » N’est-il pas humiliant de devoir découvrir que notre activité, que nous pensions bonne, n’était pas selon sa pensée ? Le secret est de se mettre vraiment à la disposition du Seigneur et d’entendre ce que lui veut que nous fassions.
D’un côté, le but de se laisser ouvrir l’oreille, c’est la qualité de vie. D’un autre, le but de ne pas prendre le temps de prier, c’est la quantité de vie.
L’explicitation se trouve en 1 Corinthiens 3.9-15, au jour où nous paraîtrons devant le tribunal de Christ : ceux qui auront fourni la quantité, c’est-à-dire le bois, le foin, le chaume, verront leur ouvrage entièrement consumé, quand le Seigneur regardera de ses yeux, comme une flamme de feu. Par ailleurs, d’autres auront beaucoup moins travaillé, mais en qualité.
En Luc 19.11-27, chacun des dix serviteurs a reçu une mine. À celui qui d’une mine en avait produit dix, le Seigneur a dit : « Tu as été fidèle en ce qui est très peu de chose. » Le Seigneur recherche la qualité de vie et non la quantité. Aujourd’hui, même entre chrétiens, on se compare aux autres, en se disant que certains font plus que soi et on se laisse trop facilement influencer par ce que d’autres font. Mais il y a la quantité et non la qualité.
Basons-nous sur ce verset clé : « Tu garderas dans une paix parfaite l’esprit qui s’appuie sur toi » (És 26.3). Quel contraste entre cette personne qui jouit de cette paix parfaite parce qu’elle s’appuie sur le Seigneur et celui qui veut s’employer selon sa propre pensée, semblable à la bale chassée par le vent (Ps 1.4) !
Notre « mode de vie » est soit d’être dirigés et aidés par Dieu, avec pour seule ambition sa gloire, soit d’être remplis d’ambitions spirituelles. Les incrédules ne sont pas les seuls à avoir des ambitions ; même en tant que chrétiens, nous pouvons en avoir : aimer faire bonne impression, penser qu’il faudrait faire ceci ou avoir cela. Mais tant que la gloire du Seigneur ne demeure pas notre plus grande ambition, je crains qu’on ne se trouve du mauvais côté.

Conclusion

D’un côté, le modèle, l’homme Christ Jésus, d’un autre côté, les grands de ce monde auxquels on se compare et que l’on veut imiter. Que nous nous appliquions vraiment à plaire au Seigneur et, en ouvrant la parole de Dieu, que nous le cherchions, lui. Et plus on le connaîtra, lui, plus on sera transformés à sa ressemblance. Comme un mari et une femme se ressemblent après un certain temps, parce qu’ils ont beaucoup communiqué entre eux, le but de notre vie devrait être que les hommes puissent dire et reconnaître que nous ressemblons au Seigneur Jésus par une vie de prière, une vie de communion, de communication.
La Parole de Dieu met en contraste un arbre en pleine vigueur, chargé de fruits et la balle qui est souillée par le vent (Ps 1). Naturellement, c’est le contraste entre les croyants et les incrédules. Mais nous pouvons, dans notre vie, être semblables à ces incrédules, déstabilisés, toujours en train de courir, recherchant toujours quelque chose de plus grand. Que, par la Parole, nous puissions atteindre cette stabilité, découvrir cette profondeur et porter du fruit à sa gloire, en ayant une vie de prière personnelle vivante !


Les causes du découragement spirituel sont multiples : Les causes du découragement spirituel sont multiples :
– Un péché dont vous n’arrivez pas à vous défaire ?
– Une épreuve qui vous fait douter de la bonté de Dieu à votre égard ?
– Une multitude de petits péchés et de petites épreuves qui vous tiennent éloignés de Dieu ?

Le Psaume 77 d’Asaph nous aide à comprendre le découragement et offre un remède biblique puissant contre l’abattement. Bien qu’ayant la foi en Dieu et une vie engagée à son service, Asaph a connu des périodes de doute, de deuil, de détresse et de tristesse lorsqu’il a traversé des épreuves.
Dans sa divine pédagogie, Dieu fait en sorte que la Bible soit son message pour nous, mais qu’elle nous aide également à exprimer nos messages pour lui. Les Psaumes bibliques nous permettent de découvrir le cœur d’hommes auxquels nous pouvons nous identifier. Souvent, nos expériences sont de même nature que les leurs.
Ainsi, par leur exemple, Dieu veut nous conduire dans l’adoration, mais aussi nous réconforter dans les moments les plus sombres et nous montrer l’issue qui le glorifie.

Au chef des chantres. D’après Jeduthun. Psaume d’Asaph.
2 Ma voix s’élève à Dieu, et je crie ;
Ma voix s’élève à Dieu, et il m’écoutera.
3 Au jour de ma détresse, je cherche le Seigneur ;
La nuit, mes mains sont étendues sans se lasser ;
Mon âme refuse toute consolation.
4 Je me souviens de Dieu, et je gémis ;
Je médite, et mon esprit est abattu. — Pause.
5 Tu tiens mes paupières en éveil ;
Et, dans mon trouble, je ne puis parler.
6 Je pense aux jours anciens,
Aux années d’autrefois.
7 Je pense à mes cantiques pendant la nuit,
Je fais des réflexions au-dedans de mon cœur,
Et mon esprit médite.
8 Le Seigneur rejettera-t-il pour toujours ?
Ne sera-t-il plus favorable ?
9 Sa bonté est-elle à jamais épuisée ?
Sa parole est-elle anéantie pour l’éternité ?
10 Dieu a-t-il oublié d’avoir compassion ?
A-t-il, dans sa colère, retiré sa miséricorde ? — Pause.
11 Je dis : Ce qui fait ma souffrance,
C’est que la droite du Très-Haut n’est plus la même…
12 Je rappellerai les œuvres de l’Éternel,
Car je me souviens de tes merveilles d’autrefois ;
13 Je parlerai de toutes tes œuvres,
Je raconterai tes hauts faits.
14 Ô Dieu ! tes voies sont saintes ;
Quel dieu est grand comme Dieu ?
15 Tu es le Dieu qui fait des prodiges ;
Tu as manifesté parmi les peuples ta puissance.
16 Par ton bras tu as délivré ton peuple,
Les fils de Jacob et de Joseph. — Pause.
17 Les eaux t’ont vu, ô Dieu !
Les eaux t’ont vu, elles ont tremblé ;
Les abîmes se sont émus.
18 Les nuages versèrent de l’eau par torrents,
Le tonnerre retentit dans les nues,
Et tes flèches volèrent de toutes parts.
19 Ton tonnerre éclata dans le tourbillon,
Les éclairs illuminèrent le monde ;
La terre s’émut et trembla.
20 Tu te frayas un chemin par la mer,
Un sentier par les grandes eaux,
Et tes traces ne furent plus reconnues.
21 Tu as conduit ton peuple comme un troupeau,
Par la main de Moïse et d’Aaron.

Dieu m’a-t-il abandonné ?

Nous découvrons la prière d’un homme inconsolable : il cherche Dieu mais ne se sent pas consolé. Nous ne savons pas pourquoi Asaph est si triste, mais cela nous permet de mieux nous identifier à lui. Peut-il y avoir quelque chose de plus décourageant que d’avoir l’impression d’être face au silence du Dieu vers qui nous crions ? Qui d’entre nous n’est pas tenté d’en vouloir à Dieu dans les moments difficiles ?
Asaph en vient à la conclusion suivante : Dieu a abandonné son peuple et se moque de sa détresse. Pourtant, est-ce réellement le cas ? Ses sentiments reflètent-ils la réalité ? Peut-être pensez-vous que Dieu ne vous aime pas assez pour venir vous réconforter, ou que vous ne méritez pas sa miséricorde ? Peut-être pensez-vous que Dieu ne s’implique plus dans les affaires des hommes et de l’Église ?

Se rappeler ce que l’on sait de Dieu

Asaph malgré sa souffrance décide de reconsidérer qui est Dieu et ce qu’il a fait : il fait face à sa douleur en se remémorant combien Dieu a démontré sa fidélité par le passé.
Asaph se remémore en particulier les œuvres merveilleuses et prodigieuses de Dieu au moment de la libération du pays d’Égypte. Au travers des événements de l’Exode et de l’histoire de la rédemption, il se rappelle que Dieu est : saint, incomparable (v. 14), tout puissant et souverain (v. 15), libérateur (v. 16), fidèle (v. 16), protecteur (v. 18) et conducteur de son peuple (v. 21).

Dieu est à l’initiative de toutes choses selon sa grâce

Asaph se rappelle que Dieu a accompli tout cela selon son plan, à son initiative et par grâce seulement ! Dieu est le seul acteur de la rédemption. Dieu est le libérateur et le fondateur de son peuple selon la promesse faite à Abraham.
Pour lutter contre le découragement spirituel, Dieu nous invite à nous remémorer qui il est et sur quoi se fonde sa relation avec son peuple. C’est cela qui permet à Asaph de mettre à mort son découragement spirituel et de passer à l’adoration.

Dieu est avec nous dans l’épreuve

Ce Psaume est la démonstration que Dieu ne se tient pas à distance de notre souffrance, mais qu’il l’accueille. Bien plus, l’Évangile nous enseigne qu’il n’a pas hésité à la partager pour venir nous sauver.
Or, nous avons prioritairement besoin que le médecin nous soigne, pas de comprendre les mécanismes neurologiques liés à la douleur. Notre désir de comprendre est naturel, mais ce qui nous soulage c’est le soin, pas l’explication. Elle est utile bien sûr, mais pas vitale (cliniquement parlant).
Dieu ne se justifie pas de ce qu’il fait. Il est Dieu. Dans ce Psaume, Asaph n’obtient aucune réponse à ses questions. Il obtient cependant bien plus : une vision de Dieu renouvelée, qui produit en lui un changement radical.

Le découragement est une « amnésie spirituelle »

Le tournant du Psaume est au v. 12 : « Je rappellerai les œuvres de l’Éternel, car je me souviens… ».  Asaph était découragé parce qu’il avait perdu de vue, oublié qui était son Dieu. Ce n’est pas par magie qu’Asaph passe de la lamentation à la louange. C’est en se rappelant ce qu’il sait de Dieu au travers du témoignage des Écritures. Il rappelle à sa mémoire la vérité révélée de l’alliance de la promesse. C’est Dieu qui est à l’origine :
– de la Pâque,
– de la libération de l’emprise du pharaon,
– de l’Exode vers la terre promise sous la conduite de Moïse au travers de la Mer Rouge.

Dieu est rédempteur sur la base de son amour souverain et libre. Le salut de son peuple repose là-dessus uniquement.
Et par rapport à Asaph, nous sommes bien avantagés, parce que nous connaissons par la Bible l’ensemble du plan de Dieu. Nous savons que Dieu se révèle pleinement en Christ, auteur d’un Exode bien plus parfait : qu’il nous libère de la malédiction du péché et nous conduit au salut et à la vie éternelle par son sacrifice. C’est par Jésus et en Jésus que nous recevons toutes les bénédictions spirituelles de la part de Dieu (Éph 1.3).

La lutte typique de la vie chrétienne

Nous luttons tous avec le sentiment que Dieu ne nous est pas (ou plus) favorable. Nous avons l’impression que son amour pour nous varie selon certaines circonstances.
Sans une vision biblique de l’Évangile, nous ne pouvons pas savoir si Dieu nous est favorable. Cette lutte interne est le fruit d’une confusion entre la vérité, la foi et nos émotions.
– La vérité : Le regard de Dieu sur le sacrifice de Jésus à la croix m’assure mon salut, puisqu’il est impossible à Dieu de regarder Christ, notre sauveur ensanglanté, et d’être alors fâché contre nous, car les péchés ont déjà été punis en lui. Il brise les liens de mon iniquité, il porte sur la croix mon péché.
– La foi : Je crois à cette vérité, je me la rappelle, je la fais mienne. Je la repasse en mon cœur et m’en remets à mon sauveur.
– Les émotions : Elles sont alimentées par ce que je sais de la croix et Dieu me communique la joie de son salut (Ps 51.14). Je peux me sentir en paix, restauré. Je me sens renouvelé pour le servir, résister au péché, et l’adorer.

Si je prends mes émotions pour la réalité, cette réflexion perverse s’en suivra : je me sens loin de Dieu (émotion), donc je crois que Dieu est loin de moi (foi). Mais Dieu a-t-il oublié de faire grâce ? (vérité).
Nous affermir dans la connaissance de Christ est donc ce qu’il y a de plus important. Il est la vérité, le chemin et la vie. Notre bonheur spirituel est lié à notre connaissance intime de Dieu. Je ne parle pas seulement d’une connaissance intellectuelle. Il ne s’agit pas de connaître des choses à propos de Christ, mais de le connaître lui, le ressuscité, vivant en nous par son Esprit saint.
En effet, Paul affirme : « Je considère tout comme une perte à cause de l’excellence de la connaissance du Christ Jésus, mon Seigneur. […] Mon but est de le connaître, lui, ainsi que la puissance de sa résurrection et la communion de ses souffrances, en devenant conforme à lui dans sa mort, pour parvenir, si possible, à la résurrection d’entre les morts » (Phil 3.8,10-11).

Se souvenir de Jésus-Christ

Si vous ne connaissez pas la Parole de Dieu, vos émotions modèleront votre vision de Dieu. Vous connaîtrez un Dieu selon votre humeur. Vous serez faibles face à la tentation, bloqués dans vos réflexions, paralysés par vos soucis et perdus dans l’épreuve. En revanche, si, comme Asaph, vous vous attachez à la lecture de la Parole de Dieu, à sa mémorisation, à sa méditation, à son étude et son écoute, alors vous pourrez passer de la tristesse à la louange. C’est en se rappelant de ce qu’il connaît de Dieu par le témoignage des Écritures, qu’Asaph a vu la lumière.
Dieu se dévoile dans le message qu’il nous a laissé : dans la Bible et ultimement dans son Fils Jésus !
C’est probablement ce que Paul veut dire quand il dit à Timothée : « Souviens-toi de Jésus-Christ », en pensant à ceux qui ont abandonné le combat pour l’Évangile (2 Tim 2.8). La vie chrétienne n’est pas à la merci de nos ressentis, mais de la vérité de Jésus-Christ. C’est une personne qui nous aide à lutter contre le découragement spirituel. C’est Christ lui-même.


Il y a presque vingt ans, j’ai écrit un essai intitulé « Quand la spiritualité est-elle spirituelle ? Réflexions sur certains problèmes de définition ».
J’aimerais approfondir ici un aspect de ce sujet.
Il faut tout d’abord rappeler le cadre plus général de la discussion. « Spirituel » et « spiritualité » sont devenus des mots notoirement vagues. Dans l’usage courant, ils ont presque toujours une connotation positive, mais ils sont rarement utilisés selon leur sens biblique. Les gens se considèrent comme « spirituels », parce qu’ils ont une certaine sensibilité esthétique, ou parce qu’ils ressentent une sorte de lien mystique avec la nature, ou parce qu’ils adoptent une version très personnelle d’une des nombreuses religions (mais « religion » est un mot qui a tendance à prendre une connotation négative, tandis que « spiritualité » a une connotation positive). Cependant, selon les termes de la nouvelle alliance, seule peut être considérée comme « spirituelle » la personne qui a l’Esprit saint, répandu sur les personnes régénérées. L’alternative, selon la terminologie de Paul, est d’être « naturel » — simplement humain — et non « spirituel » (1 Cor 2.14). Pour le croyant dont le vocabulaire et les concepts sur ce sujet sont façonnés par l’Écriture, seul le chrétien est spirituel. Puis, par une extension évidente, les chrétiens qui manifestent des vertus chrétiennes sont spirituels, puisque ces vertus sont le fruit de l’Esprit. Ceux qui sont « de simples enfants en Christ » (1 Cor 3.1), s’ils sont vraiment en Christ, sont spirituels dans la mesure où ils sont habités par l’Esprit, mais leur vie peut laisser beaucoup à désirer. Cependant, le N.T. ne qualifie pas les chrétiens immatures de non spirituels, comme si la catégorie « spirituelle » devait être réservée uniquement aux plus mûrs, à l’élite des élus : c’est une erreur répandue dans une grande partie de la spiritualité de tradition catholique romaine, dans laquelle la vie spirituelle et les traditions spirituelles se rapportent souvent à des croyants qui veulent transcender l’ordinaire. Une telle vie « spirituelle » est généralement liée à l’ascétisme et parfois au mysticisme, aux ordres religieux, et à différentes techniques qui vont bien au-delà de l’ordinaire du chrétien lambda.
En raison de l’usage répandu du mot « spirituel », bien au-delà de l’usage du N.T., le langage des « disciplines spirituelles » s’est également étendu à des domaines qui font réagir ceux qui aiment l’Évangile. De nos jours, les disciplines spirituelles peuvent inclure la lecture de la Bible, la méditation, l’adoration, le don d’argent, le jeûne, la recherche d’un moment de solitude, la communion, les actes de service, l’évangélisation, l’aumône, l’écologie, la tenue d’un journal, le travail missionnaire, etc. Elles peuvent comprendre des vœux de célibat, de l’autoflagellation et des psalmodies de mantras. Dans l’usage courant, certaines de ces disciplines prétendument spirituelles sont totalement distinctes de toute doctrine spécifique, quelle qu’elle soit, chrétienne ou autre : elles ne sont qu’une question de technique. C’est pourquoi certains disent parfois : « Pour la doctrine, adhérez bien sûr à la confession de foi évangélique, mais quand il s’agit de disciplines spirituelles, passez au catholicisme ou peut-être au bouddhisme ». Ce qui est universellement présupposé par l’expression « discipline spirituelle », c’est que de telles disciplines sont destinées à accroître notre spiritualité. Du point de vue chrétien, cependant, il n’est tout simplement pas possible d’augmenter sa spiritualité sans posséder le Saint-Esprit et se soumettre à son enseignement et à son pouvoir de transformation. Les techniques ne sont jamais neutres. Elles sont inévitablement chargées de présupposés théologiques, souvent méconnus.
Comment évaluerons-nous cette approche répandue des disciplines spirituelles ? Comment devrions-nous penser aux disciplines spirituelles et à leur relation avec la spiritualité telle que définie par l’Écriture ? Voici quelques réflexions préliminaires :

1. La recherche de la connaissance mystique de Dieu sans intermédiaire n’est pas autorisée par l’Écriture et elle est dangereuse à plus d’un titre.

Peu importe que cette recherche soit entreprise dans le cadre, disons, du bouddhisme (bien que les bouddhistes éclairés ne parlent probablement pas de « connaissance mystique de Dieu sans intermédiaire » — ils laisseraient tomber « de Dieu »)[note]Cf. Keith Yandell and Harold Netland, « Buddhism: A Christian Exploration and Appraisal », IVP, 2009.[/note] ou, dans la tradition catholique, par Julienne de Norwich[note]Religieuse mystique anglaise (1342-1416) dont la pensée se nourrissait de visions et qui prônait l’universalisme. (NDLR)[/note]. Aucune des deux voies ne reconnaît que notre accès à la connaissance du Dieu vivant passe exclusivement par Christ, dont la mort et la résurrection nous réconcilient avec le Dieu vivant. Rechercher la connaissance mystique de Dieu sans médiation, c’est annoncer que la personne de Christ et son œuvre sacrificielle en notre faveur ne sont pas nécessaires à la connaissance de Dieu. Malheureusement, il est facile de se complaire dans des expériences mystiques, agréables et stimulantes en elles-mêmes, sans rien connaître de la puissance régénératrice de Dieu, fondée sur l’œuvre de Christ à la croix.

2. Nous devrions nous demander ce qui cautionne telle discipline spirituelle particulière.

Pour des chrétiens conscients du rôle régulateur de l’Écriture, rien, assurément, ne peut être considéré comme une discipline spirituelle à moins d’être mentionné dans le N.T. Cela élimine donc non seulement l’autoflagellation, mais aussi l’action écologique. Sans doute, cette dernière est, au moins, une bonne chose à faire : elle fait partie de notre responsabilité comme gardiens de la création de Dieu. Mais il est difficile de trouver un appui scripturaire pour considérer une telle activité comme une discipline spirituelle, c’est-à-dire comme une discipline qui augmente notre spiritualité. La Bible dit beaucoup de choses sur la prière et sur le fait de serrer la Parole de Dieu dans nos cœurs, mais peu de choses sur l’action écologique ou la psalmodie de mantras.

3. Certains éléments de la liste sont légèrement ambigus.

Quelques exemples :
– D’une part, la Bible ne dit rien du tout sur tenir un journal quotidien. D’autre part, si tenir son journal quotidien est simplement un moyen pratique pour aider à un auto-examen soigneux, à une lecture attentive de la Bible et à une vie de prière sincère, cette activité ne peut pas être écartée de la même façon que l’autoflagellation.
– L’apôtre déclare que le célibat est une chose excellente, pourvu que l’on ait reçu ce don (le mariage et le célibat sont nommés charismata, « dons de grâce »), et pourvu que ce soit pour un engagement plus grand dans le ministère (1 Cor 7). D’un autre côté, rien ne suggère que le célibat soit un état intrinsèquement plus saint, et absolument rien dans les développements de la nouvelle alliance ne cautionne le retrait dans un monastère de moines ou de nonnes célibataires qui se sont physiquement retirés du monde pour devenir plus spirituels.
– La méditation n’est pas bonne en elle-même. Cela dépend en grande partie de l’objet sur lequel on médite. Est-ce un point noir imaginaire sur une feuille blanche ? Ou bien est-ce la loi du Seigneur (Ps 1.2) ?

4. Même les disciplines spirituelles reconnues comme telles par presque tout le monde ne doivent pas être mal comprises ou mal utilisées.

L’expression même peut être trompeuse : la discipline spirituelle, comme si la maîtrise de soi, l’exigence de l’autodiscipline permettaient en elles-mêmes d’être plus spirituel. De telles principes et associations mentales ne peuvent mener qu’à l’arrogance ; pire encore, ils conduisent souvent à un moralisme condescendant : d’autres ne sont peut-être pas aussi spirituels que moi, car je suis suffisamment discipliné pour avoir un excellent moment de prière ou une parfaite méthode de lecture de la Bible. Or, l’élément véritablement transformateur n’est pas la discipline en elle-même, mais la valeur de la tâche accomplie : la valeur de la prière, la valeur de la lecture de la Parole de Dieu.

5. Il ne sert à rien d’énumérer les différentes responsabilités du chrétien et de les appeler disciplines spirituelles.

Cela semble être le raisonnement qui sous-tend la théologie qui introduit, par exemple, l’action écologique ou l’aumône. Mais par le même raisonnement, si par compassion chrétienne vous massez le dos d’une vieille dame qui a mal au dos et à l’épaule, alors le massage du dos devient une discipline spirituelle. Avec un tel raisonnement, toute obéissance chrétienne est une discipline spirituelle, c’est-à-dire qu’elle nous rend davantage spirituels. Classer les disciplines spirituelles de cette manière a deux conséquences fâcheuses :
– Premièrement, si chaque acte d’obéissance est une discipline spirituelle, alors cela banalise les moyens de grâce sur lesquels la Bible insiste expressément : la prière, par exemple, et la lecture sérieuse et la méditation de la Parole de Dieu.
– Deuxièmement, une telle façon d’envisager les disciplines spirituelles nous incite subtilement à penser que la croissance dans la spiritualité ne demande rien de plus que de se conformer aux exigences d’un grand nombre de règles, et d’y obéir scrupuleusement. Certes, il n’y a pas de maturité chrétienne manifeste s’il n’y a pas d’obéissance. Pourtant, la Parole insiste aussi beaucoup sur la croissance dans l’amour, dans la confiance, dans la compréhension des plans du Dieu vivant, dans le travail de l’Esprit pour nous remplir et nous fortifier.

6. Pour ces raisons, il semble que la sagesse consiste à restreindre l’appellation « disciplines spirituelles » aux activités prescrites par la Bible, dont il est explicitement dit qu’elles augmentent notre sanctification, notre conformité à Jésus-Christ, notre maturité spirituelle.

Lorsque Jésus, en Jean 17, prie pour que son Père sanctifie ses disciples par la vérité, il ajoute : « Ta parole est la vérité. » Il n’est pas étonnant que les croyants aient longtemps appelé des notions comme l’étude de la vérité de l’Évangile un « moyen de grâce » — une belle expression, moins susceptible d’être mal interprétée que celle de « disciplines spirituelles ».


[note]Ce texte a été initialement publié par La Bonne Nouvelle (n° 3/2015). Il est reproduit avec l’aimable autorisation de son auteur. Un autre article du même auteur sur ce sujet est diffusé par les éditions CLKV.ch (http://www.clkv.ch/fremdsprachige-texte/cat_view/25-fremdsprachen/27-franzoesisch).[/note]

Nous autres chrétiens sommes encouragés par l’Écriture à marcher de progrès en progrès, à viser le meilleur selon Dieu : « Que tout ce qui est vrai, tout ce qui est honorable, tout ce qui est juste, tout ce qui est pur, tout ce qui est aimable, tout ce qui mérite l’approbation, ce qui est vertueux et digne de louange, soit l’objet de vos pensées » (Phil 4.8).  Il s’agit donc de tendre à une vie spirituelle de qualité. À fuir le minimalisme, la médiocrité, la passivité, la paresse d’esprit. À combattre le bon combat de la foi (cf. Phil 3.14 ; 1 Cor 9.24 ; Héb 12.1,2). Qui peut ne pas se sentir concerné par de telles exhortations ?
Dans l’espoir de favoriser leur épanouissement spirituel, beaucoup d’esprits fervents se tournent aujourd’hui vers une piété d’inspiration mystique. Ce choix n’est pas anodin. Au sein du monde évangélique, des tendances affirmées dès les années 1970, mais déjà perceptibles antérieurement, prennent aujourd’hui des tournures aberrantes — à rebours du but recherché. Alors pourquoi tant de fourvoiements sur la route d’une spiritualité en harmonie avec la volonté de Dieu ? Et comment les éviter ?

1. D’une mauvaise théologie biblique à une fausse évaluation de nos vrais besoins

Un vœu profond de changement intérieur, d’épanouissement spirituel est louable. Toutefois, il arrive que la source de ce désir soit trouble, et le but visé moins chrétien qu’il n’y paraisse.
Premier indice d’une mauvaise assise : se croire automatiquement guidé par l’Esprit et approuvé de Dieu. La Bible, pleine de réalisme, nous incite à la prudence. Elle nous exhorte à veiller sur nous-mêmes (1 Tim 4.16). Elle nous enseigne que l’âme humaine (c.à.d. le siège de nos sentiments, de notre intelligence et de notre volonté) mérite d’être surveillée de près. En effet, la conversion à Christ — la nouvelle naissance spirituelle par l’Esprit — ne libère pas instantanément notre âme de sa nature pécheresse. Notre cœur, par ses raisonnements, ses dispositions, ses penchants reste potentiellement capable d’engendrer « mauvaises pensées, meurtres, adultères, prostitutions, vols, faux témoignages, blasphèmes » (Mat 15.19 ; cf. Rom 7.18 ; Jac 4.1-7). Il y a donc des élans du cœur qu’il s’agit d’apprendre à identifier, à réprimer et à dominer (Rom 8.5-9).
Dans notre combat pour le discernement des choses les meilleures selon Dieu, nous avons également à traverser le labyrinthe des idées reçues. La culture antichrétienne, hédoniste, émotionnelle et permissive qui est la nôtre nous conditionne, parfois à notre insu. Ainsi, notre âme peut facilement se gonfler d’envies, d’aspirations, d’ambitions que nous estimons légitimes, mais qui égarent. Nous avons besoin d’un fil à plomb, d’un éclairage, extérieurs à nous-mêmes, pour juger du caractère de nos impulsions (ou de nos pulsions), et pour orienter nos âmes vers les seuls objets véritablement nécessaires à notre salut.
Notre responsabilité de chrétiens est donc premièrement de rester constamment dépendants de Dieu et remplis de l’esprit « de force, d’amour et de sagesse » qu’il nous a donné à notre conversion (2 Tim 1.7b). Notre esprit — cette partie de nous-mêmes qui est destinée à une réconciliation et à une communion éternelle avec Dieu — ne peut prospérer de manière autonome. Pour être agissant et capable de piloter notre âme, notre esprit reçoit énergie et clairvoyance par la Parole de Dieu : « Car la parole de Dieu est vivante et efficace, plus acérée qu’aucune épée à double tranchant ; elle pénètre jusqu’à la division de l’âme et de l’esprit […] ; elle juge des sentiments et des pensées du cœur » (Héb 4.12).  De plus, notre esprit doit s’appliquer à obéir à cette parole en vue d’une meilleure connaissance de notre Seigneur Jésus-Christ, à cause de notre entrée prochaine dans son royaume éternel (2 Pi 1.3-11). « C’est pourquoi, rejetant tout excès de méchanceté, recevez avec douceur la parole qui a été plantée en vous et qui peut sauver vos âmes » (Jac 1.21).
Ne confondons donc pas croissance spirituelle (la « sanctification » selon Jean 17.17 ou 1 Thes 4.3,7) et culture de nos envies instinctives de dépaysement psychologique.

2. D’une fausse évaluation de nos vrais besoins à l’égarement spirituel

Comme le rappellent les passages de l’Écriture mentionnés ci-dessus, vivre en laissant notre âme naturelle (notre « vieil homme », notre « chair ») gouverner équivaut à retourner à la vaine manière de vivre que nous avions condamnée et quittée. S’ensuivent alors de mauvais fruits dans notre marche chrétienne. C’est en partie pour éviter une telle inconséquence que le Seigneur a enseigné ses disciples et que les apôtres ont rédigé leurs Épîtres, parfois dans les larmes.
Parmi les destinataires de ces textes, des églises qui souffraient de carences morales plutôt triviales (animosités, immoralité, mondanité). Mais d’autres qui présentaient des symptômes plus subtils. Leur désordre était comme camouflé sous la respectabilité religieuse, sous une apparence de spiritualité « chrétienne » prétendument supérieure. Certains membres influents se distinguaient par leur illuminisme, se disant porteurs de révélations spéciales (et supérieures) ; ou par leur autodiscipline ascétique (une forme de légalisme) ; ou encore par un christianisme « augmenté » de concepts de la philosophie ou de la psychologie humaine (cf. Col 2.4,8,16-23).
Les Épîtres bibliques sont claires : ces meneurs se déroutent du chemin de Dieu. S’écartant progressivement de l’essentiel, ils ne s’attachent plus au « chef », Jésus-Christ, mais cèdent à leurs pensées charnelles et orgueilleuses. Il est donc primordial qu’ils se repentent et retrouvent la simplicité à l’égard de Christ (cf. 2 Cor 11.1-5).
Pourtant, que de croyants en quête de mieux courent aujourd’hui sans prudence derrière de tels « serviteurs (ou servantes) de Dieu » (évangéliques, catholiques ou orthodoxes) à cause des révélations exceptionnelles dont on les croit détenteurs. Cette spiritualité nourrie de notions et de préceptes humains ne contribue réellement qu’à « la satisfaction de la chair » (cf. Col 2.23).

3. De l’égarement spirituel à l’hérésie mystique

On l’a dit, la pratique religieuse actuelle est souvent dominée par une subjectivité envahissante. Plus que cela, la spiritualité chrétienne, minée par les égarements dont nous avons parlé, ne fait plus barrage aux thèses les plus antichrétiennes. Ainsi, les années passées ont vu l’entrée en force, même au sein d’églises réputées conservatrices, d’un des concepts phares du mysticisme oriental : à savoir que Dieu habite naturellement au centre de tout être humain (une variante du panthéisme antique), et que l’enjeu consiste à redécouvrir ce noyau divin de notre personne. Bien que les mystiques « chrétiens » aient souvent considéré cette présence divine immanente comme une conséquence de la conversion ou du baptême, la conception orientale tend à l’emporter. Elle consiste à penser que la divinité est innée et universelle, mais demande à être affranchie de sa prison corporelle. Cette « vision du monde » s’invite facilement en Occident, parce que c’est ici l’expérience (le ressenti) qui fait foi. Moments d’extase (de transes ?), de dissolution du moi personnel en Dieu (?) ou dans le grand Tout (?) ; impression d’échapper au carcan du temps, de l’espace et de son propre corps ; rencontres avec des êtres surnaturels ; diverses sensations très fortes, tout cela suffit à légitimer — faussement — la démarche mystique.
Pour ces « croyants », pas besoin d’exposer leur « vécu » à la lumière de toute l’Écriture. Pourquoi le faudrait-il si des techniques de méditation, de respiration ou de descente en soi-même peuvent conduire n’importe qui à l’expérience directe de la présence divine ? Et pourquoi insister sur le caractère exclusif du message chrétien si les mystiques de toutes les religions (en particulier leurs représentants chamaniques, hindouistes, bouddhistes, kabbalistes ou soufis) parviennent sans l’Écriture à l’« union sacrée » avec le cosmos, avec « l’âme universelle » de Dieu ?
Un honnête examen de cette dernière voie montre qu’elle ne peut conduire à Dieu pour bien des raisons. Elle annule, entre autres choses :
– la possibilité du Dieu personnel, éternel, créateur, transcendant (c.à.d. absolument distinct de sa création), trois fois saint et juge de tous les vivants — tel qu’il est révélé par l’Écriture ;
– la réalité du péché originel, qui nous barre l’accès à Dieu ;
– la réalité de la perdition éternelle et de l’enfer ;
– la révélation écrite, complète, parfaite et suffisante de l’Écriture sainte ;
– l’œuvre expiatoire unique et parfaite de Jésus-Christ, Parole incarnée et Fils de Dieu, seul Médiateur entre Dieu et les hommes ;
– la réelle portée de l’activité de Satan dans le monde ; le sens de la défaite que Christ lui a infligée à la Croix ;
– l’œuvre du Saint-Esprit, seul moyen d’être convaincu de péché, de justice et de jugement ; seule voix capable de nous ouvrir à l’Évangile ; seul instrument assez puissant pour engendrer la vie de Dieu en nous et nous rendre capables de vivre en communion avec Christ ;
– le sens biblique de la conversion, de la sanctification, de la justification et de la glorification finale ;
– le sens biblique de l’Église, corps universel de Christ.
Mais, objectera-t-on, ne peut-on vivre en mystique chrétiennement, sans rejeter tous ces éléments de doctrine ? N’y a-t-il pas un mysticisme acceptable ?

4. Pourquoi le mysticisme ne doit pas nous faire lâcher la proie pour l’ombre

Le mysticisme porte en lui-même une ambition trompeuse et toxique, pour l’une ou pour plusieurs des raisons qui suivent.
En effet, le croyant habité de la foi véritable, celle qui sauve…

  • se nourrit de la Parole écrite (2 Tim 3.14-17) où rien ne lui manque. Mais le mystique cherche des révélations particulières, des messages obtenus par d’autres canaux (cf. Gal 1.6-9).
  • se réjouit de son adoption définitive par le Père céleste (1 Jean 3.1), l’Esprit témoignant à son esprit qu’il est devenu enfant de Dieu par la conversion (Rom 8.15,16 ; 1 Jean 5.10). Mais le mystique ne peut espérer une relation avec Dieu s’il n’a pas reçu le Christ de la Bible comme sauveur et seigneur personnel (1 Jean 4.2,3 ; 5.12) ; et s’il est déjà chrétien, ce mystique n’a pas besoin d’autre témoignage que celui des promesses de l’Écriture pour le rassurer à ce sujet.
  • recherche les « choses d’en haut, où Christ est assis à la droite de Dieu » et se réjouit à l’avance de ce qui lui est réservé dans les cieux (Col 1.5 ; 3.1-4), tout en accomplissant sa tâche journalière dans le respect des principes de la Parole. Mais le mystique est en réalité tourné vers l’intérieur de lui-même et préoccupé de trouver un chemin jusque vers « sa » réalité divine personnelle. C’est un égocentrique en habits spirituels.
  • fait confiance à Christ sans le voir (1 Pi 1.8), sachant qu’un jour, il le verra tel qu’il est (1 Jean 3.2-3) . Il salue ces choses de loin et à cause d’elles, il est prêt à ne pas voir s’accomplir tous ses désirs légitimes ici-bas (Héb 11.1,6,9,10,13,35). Mais le mystique aspire, hic et nunc, à déjà voir, sentir, toucher les réalités glorieuses ou le monde invisible. Il confond eros (l’amour des sens) et agapè (l’amour de Christ).
    s’efforce de demeurer dans l’amour de Dieu en confessant Jésus-Christ, en aimant les frères et sœurs dans la foi, en obéissant à la Parole (1 Jean 4.7,8 ; 5.2-4). Mais le mystique conçoit son épanouissement personnel comme non lié à ces exigences.
  • exclut d’adopter d’autre médiateur entre Dieu et lui que Christ (1 Tim 2.5,6). Mais le mystique a recours à quantité de médiations (techniques de conditionnement psychologique ou physique ; maîtres de sagesse en tous genres ; êtres surnaturels « angéliques », saints, démons ; prêtres et sacrements, etc.).

C’est pourquoi, loin de céder à la tentation mystique, prenons plutôt exemple sur l’apôtre Paul. Il aurait pu se prévaloir de ses expériences mystiques, lui qui avait rencontré Jésus sur le chemin de Damas et avait été « ravi jusqu’au troisième ciel », « enlevé dans le paradis » pour y entendre « des paroles ineffables qu’il n’est pas permis à un homme d’exprimer » (2 Cor 12.2,4). Or, il n’avait pas délibérément provoqué ces expériences. Il n’en a pas recherché d’autres semblables à tout prix. Le Seigneur l’a au contraire amené à cette confession : « [Le Seigneur m’a dit] Ma grâce te suffit, car ma puissance s’accomplit dans la faiblesse. Je me glorifierai donc bien plus volontiers de mes faiblesses, afin que la puissance de Christ repose sur moi » (2 Cor 12.9).

* * *

Retenons, en conclusion, les paroles de l’apôtre Paul, en Col 2.6 à 12 :
« Ainsi donc, comme vous avez reçu le Seigneur Jésus-Christ, marchez en lui, étant enracinés et fondés en lui, et affermis par la foi, d’après les instructions qui vous ont été données, et abondez en actions de grâces.
Prenez garde que personne ne fasse de vous sa proie par la philosophie et par une vaine tromperie, s’appuyant sur la tradition des hommes, sur les rudiments du monde, et non sur Christ. Car en lui habite corporellement toute la plénitude de la divinité. Vous avez tout pleinement en lui, qui est le chef de toute domination et de toute autorité. Et c’est en lui que vous avez été circoncis d’une circoncision que la main n’a pas faite, mais de la circoncision de Christ, qui consiste dans le dépouillement du corps de la chair : ayant été ensevelis avec lui par le baptême, vous êtes aussi ressuscités en lui et avec lui, par la foi en la puissance de Dieu, qui l’a ressuscité des morts. »

 


Le contexte

Paul pose les fondements de la 1re Épître aux Corinthiens dans les neuf premiers versets du chapitre 1. Il suppose que ses lecteurs sont de vrais saints ; par conséquent, il rend grâces à Dieu, parce qu’il sait que Dieu a abondamment pourvu à leur salut, leur sanctification et leur glorification future. La confiance de Paul n’est pas dans les Corinthiens, mais dans le Dieu qui les a sauvés et qui les perfectionnera (1.4-9).
Or les saints à Corinthe tendaient à mépriser Paul (et les autres apôtres) et le message évangélique en le trouvant simpliste (Christ crucifié) et proclamé d’une manière peu attractive. Les Corinthiens s’étaient détournés de Paul et de son genre de prédication pour aller vers d’autres prédicateurs, dont la « sagesse » et la « puissance » étaient de leur monde. Leur excuse était que Paul n’était pas au niveau de l’élite culturelle.
Paul va surprendre les Corinthiens au chapitre 3. Pensent-ils que Paul est le problème ? Ils ont tort ! Le problème est chez eux : ils ne sont pas des chrétiens matures (2.6). Si Paul ne peut pas leur dire des paroles de sagesse, c’est parce qu’ils sont « charnels ».

Est-il légitime de parler de « chrétien charnel » ?

Paul vient de diviser le monde (2.14-16) en deux groupes : ceux qui sont « spirituels » (sauvés, qui possèdent l’Esprit) et ceux qui sont « naturels » (non sauvés, et donc qui n’ont pas l’Esprit). Il parle maintenant de trois catégories (3.1-4) : sauvés et spirituels, sauvés et charnels, et non sauvés.
L’idéal serait que tous les chrétiens soient « spirituels ». Chaque chrétien est habité par l’Esprit Saint, et chaque chrétien devrait marcher par l’Esprit. Mais parmi ceux en qui l’Esprit habite, certains ne vivent pas en accord avec qui ils sont.
L’expérience du « chrétien charnel » n’est pas si éloignée de l’expérience du « chrétien spirituel ». Tous deux luttent contre les attraits de la chair et expérimentent qu’elle est opposée à l’Esprit (cf. Gal 5.16). La différence entre les deux est que le chrétien charnel est en train de perdre la bataille, tandis que le chrétien spirituel, par la grâce de Dieu, résiste victorieusement.

Caractéristiques d’un chrétien charnel

Pour moi, frères, ce n’est pas comme à des hommes spirituels que j’ai pu vous parler, mais comme à des hommes charnels, comme à des enfants en Christ. Je vous ai donné du lait, non de la nourriture solide, car vous ne pouviez pas la supporter ; et vous ne le pouvez pas même à présent, parce que vous êtes encore charnels. En effet, puisqu’il y a parmi vous de la jalousie et des disputes, n’êtes-vous pas charnels, et ne marchez-vous pas selon l’homme ? Quand l’un dit : Moi, je suis de Paul ! et un autre : Moi, d’Apollos ! n’êtes-vous pas des hommes ? (1 Cor 3.1-4)

1. La pensée et les actions du chrétien charnel sont inspirées par la chair

Inversement, le chrétien spirituel est le saint dont les attitudes, les pensées et les actions sont influencées par le Saint-Esprit. Le chrétien charnel possède bien l’Esprit, mais il choisit de suivre les incitations de la chair.

2. Le chrétien charnel et l’homme « naturel » sont parfois difficiles à distinguer

Parce que le chrétien charnel vit selon la chair, il peut parfois être difficile de le distinguer de l’homme « naturel » non sauvé, qui lui aussi pense et marche selon la chair.
La différence entre les deux est que le chrétien charnel a les moyens de vivre une vie de piété, tandis que l’homme naturel ne le peut pas. Le premier est sauvé et va au ciel, tandis que le second est perdu et condamné à une éternité en dehors de Dieu.

3. Les chrétiens charnels sont des bébés

Quand Paul vint pour la première fois à Corinthe, il annonça la base de l’Évangile à des païens, des « hommes naturels », c’est-à-dire des incroyants, qui ne possédaient pas l’Esprit. Mais, même après leur conversion, Paul a encore dû parler aux Corinthiens comme à des enfants, comme s’ils étaient de tout nouveaux croyants. Tout au long de 1 Corinthiens, nous trouvons des caractéristiques de leur immaturité.
Tout comme les bébés ou les petits enfants, les Corinthiens avaient besoin de grandir, ils étaient dépendants des autres, étaient égocentriques, se disputaient.

4. Les chrétiens charnels ne grandissent jamais

Soyons prudents lorsque nous parlons des nouveaux convertis : ils ont leurs faiblesses, mais aussi leurs forces. Des chrétiens de fraîche date nous en remontrent souvent par leur zèle pour les perdus, par l’audace avec laquelle ils partagent leur nouvelle foi, par leur faim de la Parole.
Paul ne critique pas les Corinthiens pour leur immaturité après leur conversion, mais parce qu’ils sont restés des enfants. Ils n’ont pas grandi et mûri en servant les saints. Sur le plan physique, la croissance est normale et naturelle — il est tragique pour un enfant de ne pas grandir. Sur le plan spirituel, on s’attend aussi à voir une croissance ; si elle ne se produit pas, c’est anormal. Rester immature est un péché. Les Corinthiens sont coupables de cette maladie.

5. Les chrétiens charnels sont « faiblards dans la Parole »

Les chrétiens de Corinthe n’étaient capables que de prendre du « lait », pas de la « viande ». Paul ne précise pas ce qu’il entend par ces images, mais l’auteur de l’Épître aux Hébreux le fait : « Quiconque en est au lait n’a pas l’expérience de la parole de justice ; car il est un enfant. Mais la nourriture solide est pour les hommes faits, pour ceux dont le jugement est exercé par l’usage à discerner ce qui est bien et ce qui est mal. C’est pourquoi, laissant les éléments de la parole de Christ, tendons à ce qui est parfait, sans poser de nouveau le fondement du renoncement aux œuvres mortes, de la foi en Dieu, de la doctrine des baptêmes, de l’imposition des mains, de la résurrection des morts, et du jugement éternel. » (Héb 5.13-6.2). Selon ce texte, le « lait » serait les vérités élémentaires nécessaires au salut et aux premiers pas dans la marche par l’Esprit. Quand le chrétien passe du « lait » à la « viande », il ne passe pas du « Christ crucifié » à des « vérités plus profondes ». Il passe d’une compréhension de base de la signification du Christ crucifié à une compréhension plus profonde du Christ, de l’Évangile et de ses implications pour la vie de piété.
Dit simplement, le « lait » comme la nourriture solide (la « viande »), est la Parole de Dieu, centrée sur le Christ crucifié. Les chrétiens charnels du temps de Paul méprisent la doctrine, comme ils le font de nos jours. Ils ne veulent pas d’un régime qui nécessite de l’étude, un travail acharné et de la réflexion. Il existe dans la communauté chrétienne un « marché » très important pour les gourous chrétiens qui nous prémâchent la vérité et nous disent ensuite exactement comment tout faire. Les livres sur le mariage chrétien, l’éducation des enfants, les problèmes d’argent sont innombrables. Non que tous ces livres soient faux (même si certains le sont) ; mais ils nous empêchent parfois de penser par nous-mêmes. Notre but dans l’éducation est de fournir aux gens les outils, les méthodes et la motivation pour apprendre par eux-mêmes. Nous ne sommes jamais complétement indépendants des autres et nous ne devrions pas l’être non plus ; mais, à mesure que nous grandissons dans la Parole, nous devrions devenir moins dépendants. En ce sens, le « lait » est ce qui a été produit par quelqu’un d’autre ; le bébé vit de ce que la mère a produit. La nourriture solide est celle que nous devrons obtenir par nous-mêmes. La pléthore de livres, de vidéos, de conférences, etc., peut être une bénédiction ou une malédiction pour nous, selon qu’ils nous aident à apprendre la vérité dans les Écritures ou qu’ils nous donnent une excuse pour ne pas chercher la vérité par nous-mêmes.

6. Les chrétiens charnels sont ceux qui se considèrent comme spirituels

Il me semble qu’il y a une catégorie que nous pouvons à juste titre désigner comme chrétien « charnel ». Ce n’est pas la personne qui a fait une profession de foi et qui n’a rien montré depuis. Le chrétien charnel est la personne que nous considérons comme spirituelle — et aussi celle qui se considère elle-même comme spirituelle.
En parlant de chrétien « charnel », Paul ne pense pas à quelqu’un qui a fait profession de foi, qui a continué pendant un certain temps à vivre de façon chrétienne, puis qui est revenu à un mode de vie indiscernable à tous points de vue de celui du monde. Après tout, ces croyants corinthiens se réunissent pour le culte (ch. 14), ils invoquent le nom du Seigneur Jésus-Christ (1.2), ils sont extraordinairement dotés de dons spirituels (1.5,7, ch. 12 à 14), ils se débattent avec des questions théologiques et éthiques (ch. 8 à 10), et ils sont en contact avec l’apôtre dont le ministère les a amenés au Seigneur. Loin d’être vendus au monde, à la chair et au diable, ils poursuivent une expérience spirituelle, même si c’est parfois de façon peu sage.
Comment se peut-il que ceux qui se considèrent comme « spirituels » et que d’autres considèrent comme « spirituels » soient ceux que Dieu désigne comme « charnels » ? Parce que nos critères pour juger la spiritualité de quelqu’un sont mauvais. Notre jugement est basé sur les actes extérieurs, sur les apparences de la spiritualité. Mais Jésus a mis en garde contre de tels jugements : « Vous, vous cherchez à paraître justes devant les hommes, mais Dieu connaît vos cœurs ; car ce qui est élevé parmi les hommes est une abomination devant Dieu. » (Luc 16.15) Les « faux prophètes », contre lesquels Jésus a averti, ont accompli des œuvres très impressionnantes, et pourtant Jésus les appelle ceux qui commettent l’iniquité (Mat 7.15-23).
S’adressant à des chrétiens « charnels », l’auteur de l’Épître indique que leur immaturité est due à leur manque d’utilisation de la Parole, tandis que les chrétiens matures discernent entre le bien et le mal grâce à leurs connaissances bibliques (Héb 5.14).
Des personnes apparemment spirituelles peuvent s’agiter frénétiquement dans l’église et en faire des tonnes pour donner honte aux autres, alors qu’en réalité leurs œuvres sont charnelles. Le chrétien « charnel » peut même dévoyer ses dons spirituels en les employant de manière égoïste et pour sa propre gloire. Être charnel n’est pas manquer de « bonnes œuvres », mais manquer de l’action de l’Esprit dans ces « bonnes œuvres ».
Pour les Corinthiens, cela dut être un choc de recevoir cette lettre de Paul. L’apôtre ira plus loin : les Corinthiens charnels ne sont pas seulement ceux qui sont considérés comme spirituels et qui se croient spirituels ; ils sont aussi ceux qui ont l’audace de prétendre que Paul et ses compagnons apôtres sont « charnels » (cf. 2 Cor 10.1-3) !

Conclusion

Les chrétiens charnels sont des croyants en Jésus-Christ dont la pensée et les actions sont enracinées dans la chair plutôt que dans l’Esprit. Les chrétiens « spirituels » sont ceux qui mortifient la chair et marchent (quoique imparfaitement) selon les incitations et la puissance du Saint-Esprit. Les chrétiens charnels ne maîtrisent pas les Écritures (cf. 2 Cor 2.14-16), alors que les chrétiens spirituels cherchent à sonder les profondeurs de la sagesse de Dieu révélée dans sa Parole sous l’action du Saint-Esprit et, de plus, ils cherchent à appliquer les enseignements des Écritures à travers la puissance de l’Esprit.
Le salut est un changement radical. Ce n’est pas simplement « inviter le Christ dans notre vie ». C’est un changement de la mort à la vie, de l’obscurité à la lumière. Il s’accompagne d’un repentir ; il transforme la vie, les valeurs et les pensées. Certains changements sont instantanés lors de la conversion, mais de nombreux autres se produisent au cours du processus de sanctification qui dure toute la vie, processus par lequel nous sommes transformés en l’image et la ressemblance du Christ.
Le chrétien « charnel », lui, résiste à ce changement. Bien qu’il ait tout ce qui est nécessaire à la croissance de sa piété, il ne parvient pas à s’approprier ces ressources et, ce faisant, il devient charnel. Avec le temps, il perd non seulement son appétit pour la Parole, mais il commence à chercher sa nourriture spirituelle dans le puits de la « sagesse du monde » — ce qui n’est pas étonnant, puisque cette sagesse est aimable pour la chair. La croix de Christ exige la mortification et non l’indulgence de la chair.
Paul a donné en 1 Corinthiens 2 les deux clefs de la vie spirituelle : l’action de la Parole de Dieu et de l’Esprit de Dieu. Combien avons-nous besoin de grandir en tant que chrétiens et de devenir de plus en plus dépendants de la Parole de Dieu et de son Esprit !
La spiritualité ne s’apprécie pas sur la base de ce qui se voit à l’extérieur, mais sur la base du travail de l’Esprit dans la vie de l’individu. Comme Paul le dira plus loin (1 Cor 4.1-6), la spiritualité n’est pas vraiment quelque chose que nous pouvons juger, mais quelque chose que nous devons laisser à Dieu. Ne nous préoccupons pas tant de la chair chez les autres, que de la chair dans nos propres vies.


Dieu a créé les êtres humains avec une infinie variété de personnalités. Si ce constat est évident pour la première création, il vaut aussi pour la nouvelle création. Chaque croyant a sa propre relation avec le Seigneur, sa propre façon de vivre la commune foi, sa propre spiritualité.
Il est possible, au risque d’une schématisation excessive, de distinguer quelques grands types de spiritualités au sein du christianisme et, plus particulièrement, au sein du mouvement évangélique. Ce dernier se caractérise par la force de sa référence à la Bible et par son insistance sur une expérience personnelle avec Dieu. Toutefois, l’accent mis sur la spiritualité des mouvements en vient parfois à « gommer » la diversité des approches au sein même des évangéliques. Nous allons tenter de les regrouper en quelques grandes catégories.[note]Cet article s’inspire librement en grande partie de réflexions glanées dans des messages donnés par Louis Schweitzer et Philippe Fournier. Qu’ils en soient remerciés.[/note]

Cinq types polaires de spiritualités

La spiritualité d’orthodoxie

Le croyant proche de cette spiritualité met l’accent sur la doctrine, sur la rigueur de la formulation théologique. Il est très attentif à « garder le bon dépôt de la foi ». Il cultive une relation avec le Dieu de vérité, au travers d’une étude suivie et réfléchie de l’Écriture.
Ses livres bibliques de prédilection se trouvent plutôt du côté des Épîtres de Paul, en particulier l’Épître aux Romains. Il s’intéresse à l’apologétique et à la théologie systématique. Il aime à conceptualiser sa foi. Sa vie de prière est nourrie de références à l’Écriture. Il aime chanter les credos ou les textes bibliques mis en musique.
Les points forts de cette approche tiennent à la fidélité à la révélation divine, au maintien de la foi apostolique dans un contexte où elle est remise en question.
Elle n’est cependant pas exempte de danger : facilement, le chrétien « intellectualisant » peut prendre ses propres chevaux de bataille pour le cœur de l’évangile et mettre sur le même plan des points secondaires, (parfois basés sur un seul verset), avec des points fondamentaux (attestés, eux, par de nombreux textes clairs). Il peut adopter une attitude de supériorité vis-à-vis de ceux qui sont moins « éclairés » que lui, ou cultiver le syndrome du dernier des fidèles ou du rempart de la vérité.

La spiritualité de sainteté

Le croyant met l’accent sur l’exigence d’une vie de disciple consacrée et sur la poursuite de la sainteté pratique. Il examine volontiers sa conduite et cherche à se conformer aux nombreuses injonctions pratiques qu’il trouve dans la Bible. Plus que sur la doctrine, il insiste sur la mise en pratique et cherche à vivre pour plaire à son Seigneur « à tous égards ».
Il est particulièrement sensible au sermon sur la montagne de l’Évangile selon Matthieu ou au livre des Proverbes. Sa vie de prière fait une belle place à la confession. Il apprécie les chants de consécration inspirés du piétisme.
Ses points forts tiennent au fait que la doctrine, si elle n’est pas traduite en pratique, est morte. Celui qui reconnaît Jésus comme son Sauveur personnel, qui se sait justifié éternellement devant Dieu, doit également accepter Jésus comme son Seigneur et « poursuivre la sainteté », dans un engagement constamment renouvelé du quotidien.
Le risque est alors d’adopter un code de règles par lequel il croit plaire à Dieu et à l’aune duquel il juge tout autre chrétien qui y déroge. Il peut aussi chercher désespérément à atteindre un niveau de perfection qu’il n’aura qu’au ciel et s’enfoncer dans un perfectionnisme frustrant et desséchant.

La spiritualité contemplative

Le chrétien cherche à établir une relation intime et directe avec Dieu. Sa foi le pousse à méditer sur Dieu, à chercher à ressentir sa présence, son onction. Il peut voir Dieu dans la création quand il s’arrête pour contempler un beau soleil couchant. Il passe volontiers du temps à méditer sur la croix ou sur le ciel.
Il relit volontiers les dernières paroles de Jésus à ses disciples dans l’Évangile selon Jean et cherche à « demeurer en lui ». Le Cantique des cantiques l’inspire dans sa relation presque « amoureuse » avec son Seigneur. Il apprécie les expressions poétiques des chants romantiques ou les invocations répétées sur la grandeur de Dieu. Ses prières peuvent facilement s’interrompre pour faire place au silence et à la contemplation.
Le chrétien contemplatif comprend que Dieu n’est pas réductible à un corpus doctrinal, si juste soit-il, ou à une conduite irréprochable ; la relation avec Dieu est une relation de personne à personne, qui doit être réellement vécue et qui doit nécessairement toucher les sentiments.
Néanmoins, il est possible de s’abîmer tellement dans la contemplation qu’on en oublie les contingences actuelles, la réalité de la vie dans ce monde à laquelle nous sommes appelés. Les élans mystiques sont parfois trompeurs et peuvent faire dévier d’une saine et sobre prise de conscience de la distance qui demeure entre le Dieu infini et sa créature limitée.

La spiritualité charismatique

En prenant le terme dans un sens plus large que le seul courant qui porte ce nom, la spiritualité de type charismatique englobe les chrétiens qui cherchent à voir Dieu à l’œuvre. Ils sont sensibles à son action à travers des réponses à des prières, des paroles fortes reçues comme des messages directs du Seigneur, des directions face aux décisions à prendre, etc.
Ces frères et sœurs apprécient de relire le livre des Actes ou le livre de l’Exode. Ils font monter à Dieu des prières hardies, en demandant son intervention directe et immédiate. Ils chantent des hymnes de victoire et de confiance.
Ils alertent les autres chrétiens sur le danger de limiter l’action de Dieu à la petitesse de notre foi. Ils connaissent un Dieu agissant, proche de ses enfants. Ils montrent le chemin d’une foi vivante, alimentée par les réponses reçues et basée sur la victoire qu’ouvre l’œuvre de Christ sur le mal et le diable.
Toutefois ils risquent de valoriser exagérément l’expérience et de la placer au-dessus de la révélation objective de Dieu. Ils peuvent être très déstabilisés par la survenance d’épreuves ou de contretemps qui ne rejoignent pas leur attente de l’action divine.

La spiritualité de l’action

Un croyant attiré par ce type de spiritualité est très sensible à l’action du chrétien dans le monde. Il s’implique dans des actions humanitaires, cherche à pousser les réformes de société qui vont dans le sens d’une plus grande justice et d’une meilleure égalité et peut s’engager concrètement dans la vie politique. Il est conscient des enjeux écologiques et milite volontiers pour la paix et l’égalité entre les sexes.
Il aime relire l’Évangile selon Luc où l’accent est mis sur les pauvres, les exclus, les femmes. Les reproches d’un Amos font écho en lui. Il intercède volontiers pour les autorités, même si sa vie de prière et de chant n’est pas toujours sa priorité.
Son point le plus positif tient à la cohérence entre son amour envers Dieu et son amour envers son prochain. Dire qu’on aime Dieu sans le traduire en actes concrets est un leurre.
Mais, du fait de toutes ses activités, il peut en arriver à oublier de prendre du temps de ressourcement avec le Seigneur, à brusquer les autres sous prétexte d’efficacité et à penser que son action va amener le royaume de paix sur terre, alors qu’il faudra attendre le retour du Seigneur pour qu’il soit effectif.

Une spiritualité ou des spiritualités ?

Sans doute vous êtes-vous un peu reconnu dans ces divers portraits, rapidement brossés. Ou bien avez-vous pensé que, bien équilibré, vous preniez finalement le meilleur de chaque spiritualité ? Ne nous leurrons pas : personne ne peut viser au parfait équilibre. L’important n’est d’ailleurs pas de rejeter la spiritualité qui nous attire le plus : Dieu nous a créés différents et il est normal qu’il en soit ainsi ; ce n’est qu’au travers de la diversité et de la complémentarité des personnalités et de leurs spiritualités dans l’Église de Jésus-Christ que « la sagesse infiniment variée de Dieu » est connue par les dominations et les autorités dans les lieux célestes (Éph 3.10).
Il importe cependant que nous soyons conscients de trois éléments importants :

  • Le crible de toute spiritualité est la norme établie par l’Écriture. Non pas que la spiritualité d’orthodoxie soit supérieure aux autres, mais parce que ce n’est que la Bible qui peut d’une part nous éclairer sur ce qui plaît à Dieu et sur la façon dont il souhaite entrer en relation avec nous, et d’autre part nous garder des excès. L’expérience doit toujours être contrôlée par la doctrine.
  • C’est pourquoi il est primordial d’être lucide sur les dangers que nous fait courir le type de spiritualité qui nous est le plus proche. Veillons aux dérives toujours possibles et écoutons ceux qui, peut-être parce qu’ils sont moins sensibles à cette approche, en discernent mieux les écueils.
  • Enfin, même si la maturité chrétienne ne signifie pas le changement total de notre personnalité, restons ouverts aux spiritualités qui nous sont les moins proches et cherchons à apprendre à rencontrer Dieu d’une manière un peu différente de celle qui nous est la plus familière.
    Ne négligeons pas, non plus, l’influence que peut avoir sur notre spiritualité personnelle celle qui se rencontre le plus fréquemment dans l’église locale que nous fréquentons. Une église de type pentecôtiste sera sans doute plus accueillante pour une personne sensible à la piété charismatique, tout comme une communauté de l’Armée du salut plus proche d’une spiritualité de l’action, pour ne prendre que deux exemples. Toutefois, il serait dommage que les églises locales ne soient pas (ou plus) capables d’accueillir et de laisser prospérer tous les types de spiritualités : quel enrichissement quand un frère plus « charismatique » encourage un frère plus « orthodoxe » à attendre l’action de Dieu et quand ce dernier, à son tour, montre au frère charismatique, qui s’étonne de ne pas recevoir de réponse à sa prière, que nous ne sommes « pas encore » dans le temps de la pleine manifestation de la puissance du Seigneur.

L’exemple de Jésus-Christ

Puisque nous sommes « chrétiens » (« petits christs ») et cherchons à suivre l’exemple du Maître, nous osons poser la question : quelle était la spiritualité de l’homme Jésus ? Nous partons du postulat, étayé par tant de textes irréfutables de l’Écriture, que Jésus fut le seul homme parfait, sans péché, absolument équilibré qui ait vécu sur terre. Aussi n’est-il pas étonnant que nous trouvions dans sa spiritualité des éléments des cinq types recensés plus haut. En témoignent des récits des Évangiles, dans la mesure où les Évangélistes ont pu percevoir la forme de piété de Jésus. En témoignent aussi des expressions des Psaumes, dont les citations fréquentes dans le N.T. montrent qu’ils peuvent valablement être compris, pour une large part, comme des paroles de Jésus :

  • Les fréquentes allusions que Jésus fait dans ses discours à l’A.T. montre qu’il se laissait enseigner : « Ta loi est au fond de mon cœur » (Ps 40.9) ; « Il éveille, chaque matin, il éveille mon oreille, pour que j’écoute comme écoutent des disciples. » (És 50.4) Toute sa vie était en conformité avec la parole divine qu’il interprétait comme nul autre (cf. Jean 8.28)
  • Quant à la sainteté, Jésus pouvait dire à ses détracteurs : « Qui de vous me convaincra de péché ? » (Jean 8.46) Absolument « saint, innocent, sans tache », il n’a jamais bronché — en rien.
  • Comme homme dépendant, nous le voyons souvent en prière, prenant de longues heures pour cultiver la communion avec son Père, dans un lieu désert (cf. Luc 4.42).
  • Jésus s’attendait aussi à une action directe, immédiate de Dieu : par exemple, juste avant de ressusciter Lazare, il rend grâces car il se sait déjà exaucé (Jean 11.41). Sur la croix, il cite le Psaume 31 : « Je remets mon esprit entre tes mains » — et le Psaume continue : « Tu me délivreras, Éternel, Dieu de vérité ! » — ce qui fut le cas par la résurrection.
  • Enfin, il a toujours porté une attention touchante aux besoins de ceux qui l’entouraient. Jusque sur la croix, où il oublie ses propres souffrances pour donner l’assurance du salut au brigand repentant et réconforter sa mère.

La norme du Maître sera toujours inaccessible sur terre, mais encourageons-nous à progresser vers « l’état d’homme fait, à la mesure de la stature parfaite de Christ » (Éph 4.13), dans une spiritualité toujours plus riche et plus équilibrée.


Introduction

Rue piétonne, au centre de Lyon. Une femme écoute attentivement la présentation de l’Évangile. Elle vient vers moi, rouge de colère, et me lance « Pourquoi parler d’un Dieu extérieur aux gens ? Vous êtes Dieu ! Je suis Dieu ! » avant de disparaître dans la foule. Cette scène aurait fait sourire il n’y a pas si longtemps. Aujourd’hui, des hommes très en vue de notre société vantent les mérites d’une « nouvelle spiritualité » (NS) fortement imprégnée de pensées orientales.
Françoise Champion, chargée de recherche au CNRS, les qualifie au vitriol de « nébuleuse mystique-ésotérique » :
Nébuleuse : ces mouvements n’ont pas un contour précis. Des milliers d’associations différentes, dont nul référentiel n’homogénéise les pensées (pas de Bible, de clergé ayant autorité, etc.), forment un réseau informel. Réseau dispersé, mais bien réel.
Mystique-ésotérique : l’approche du spirituel est initiatique. L’individu entre par un rituel ou une expérience initiatique dans une dimension spirituelle intangible en d’autres circonstances. Cette mystique est influencée par les conceptions orientales, modifiées au goût des Occidentaux[note]Malédiction pour les Hindous, la réincarnation est au contraire une bénédiction chez les Occidentaux ![/note]. Elle s’appuie parfois sur des religions païennes anciennes telles que le culte des déesses mères, le chamanisme, etc.

Mesurer l’avancée des NS en Occident est difficilement possible. Certains adeptes sont aussi membres de religions classiques. La France compte 80 % de catholiques. Pourtant, 24 % des Français déclarent croire en la réincarnation (doctrine à l’influence orientale manifeste)[note]L’Express, n° 2378 (du 30 janvier au 5 février 1997), p. 30s.[/note]. Est-ce à dire que de nombreux catholiques (ou se disant tels) croient en la réincarnation ? Et que le ¼ des Français adhère aux NS ?

Les facteurs du succès

Deux raisons expliquent la percée des NS.

La fin (l’échec) des grands systèmes

Les débats politiques du passé n’ont plus d’intérêt. La génération de l’après-guerre ne s’est pas rassasiée des « Trente Glorieuses »[note]Expression qui désigne en Occident la période 1945-1975 marquée par une forte croissance économique, le plein emploi et un large accès aux outils modernes (automobile, objets ménagers, etc.). (NDLR)[/note], et constate la ruine des pays marxistes.
On observe une diminution de l’influence des systèmes chrétiens (catholiques), ce qui favorise la percée des NS. Cette déchristianisation est une seconde brèche. Françoise Champion constate : « La nébuleuse mystique-ésotérique est un (petit) sous-ensemble d’une vaste subculture où l’on trouve aussi bien toutes les médecines «douces», «parallèles» et les thérapies psychologiques «humanistes», «transpersonnelles», que la voyance, l’astrologie, etc. Le développement de cette subculture est lié [à la perte d’emprise accélérée des grandes institutions religieuses, et au statut actuel de la science et de la technologie]. Les deux autorités majeures en matière de contrôle des croyances, la science et les grandes institutions religieuses […] n’arrivent plus à imposer leur ligne de partage entre les croyances légitimes (orthodoxes) et les croyances illégitimes (ou hétérodoxes).[note]Françoise Champion, « Croire en l’incroyable : les nouvelles religiosités mystiques-ésotériques », Les nouvelles manières de croire, Éditions de l’atelier, 1996, p. 81-82.[/note] »

La « nouvelle » science

Un nouveau type de science se profile pour justifier une nouvelle spiritualité. La science s’éprend de repères qu’elle avait un temps jugés infantiles. Elle constate ses limites. Elle ne donnera pas le sens de la vie, parce qu’elle est trop « matérielle ».
« Seulement voilà, après Einstein sont venus d’autres génies, qui minèrent la vision «classique». En inventant la mécanique quantique, Niels Bohr et l’école de Copenhague scièrent à la base toute la science, de Descartes à Einstein. Depuis 1927, le statut du réel a fondu dans un brouillard vertigineux.[note]Patrice Van Eersel, « Nouvelle science, nouvelle spiritualité », Nouvelles Clés, fév.-mars 1994, p. 24.[/note] » Selon Basarab Nicolescu, physicien théoricien quantique, « il n’y a plus, selon les données actuelles sur lesquelles on peut s’appuyer, une objectivité totale ; et cela est lié à la faillite du scientisme »[note]Basarab Nicolescu, « Un scientifique nous parle de spiritualité », Terre du Ciel, oct.-nov. 1995, p. 40.[/note].
La science importe ou exporte du spirituel ! Elle croit constater dans les NS un sage compagnon qui l’aurait même précédée.

L’expérience prime

Les croyances essentielles sont difficiles à cerner. Puisqu’il n’y a pas de référentiel, presque tout est permis. C’est ce qui est d’ailleurs reproché aux croyants des NS : « L’adepte «mystique-ésotérique» croit à diverses croyances incroyables comme les «régressions dans les vies antérieures», les «sorties hors du corps physique», les communications avec des «guides spirituels». Il faut croire aussi au pouvoir de guérison des cristaux, aux «voyages astraux» (notamment dans le passé), aux tarots, en diverses pratiques de type magique, même si chez lui, les conditions psychologiques (de concentration, d’ouverture…) nécessaires à la réussite des pratiques l’emportent sur le respect des règles purement comportementales. »[note]Champion, op. cit., p. 73-74.[/note]
C’est l’une des nombreuses contradictions des NS qui cherchent à légitimer leurs croyances dans la science, tout en croyant… à l’incroyable ! C’est que le vrai n’est pas conçu d’une manière objective. Il est subjectif et passe par le vécu, par l’expérience.
Pire ! L’expérience est révélatrice du vrai : « Le bouddhisme, et en particulier le bouddhisme tibétain, nous propose une vision toujours révolutionnaire à ce jour, à savoir que la vie et la mort existent dans l’esprit et nulle part ailleurs. Mais ceci est tout simplement proposé. C’est la force et l’originalité de ces enseignements qui reposent essentiellement sur l’expérimentation individuelle. Ainsi, la vérité n’est pas imposée, mais bien au contraire, elle peut être découverte par soi-même au fond de cette existence. Voilà la voie. Maintenant la question est simplement de s’y engager. »[note]Gérard Riba, « Jouer avec l’esprit », Terre du Ciel, avr.-mai 1996, p. 37.[/note]

Que dit la Bible ?
Le Christ, Parole vivante, nous laisse une Parole écrite parfaite (2 Tim 3.16), dont la véracité ne dépend pas de la manière dont on vit son enseignement.
Une expérience ou une émotion spirituelle, même bouleversante, ne recevra pas toujours une approbation divine (Apoc 3.1). Pierre, présent lors de la transfiguration, minimise l’impact de cette expérience lorsqu’il la compare à l’enseignement prophétique qu’il prend pour « d’autant plus certain » (2 Pi 1.18-20).
Une expérience que Dieu approuve fait suite à l’appropriation d’une vérité révélée dans l’Écriture. La « naissance d’en haut » (Jean 3.3) fait suite à la confiance que l’on place en Christ pour le pardon de nos fautes. La joie du pardon suit la compréhension de la miséricorde de Dieu (Ps 51), etc.

Les croyances essentielles

Monisme / Panthéisme / Universalisme

Tout ce qui existe provient d’une seule source d’énergie divine. Tout ce qui existe est Dieu ; Dieu est tout ce qui existe. De là l’idée que l’homme est divin. La divinité n’est pas à rechercher dans des textes, ou dans les cieux. Elle est à trouver en nous-mêmes.
Puisque tout est Dieu, il n’existe qu’une réalité, difficile à cerner, mais abordable de tout côté. Aucun chemin n’est exclusif.

Que dit la Bible ?
Paul présente aux Athéniens un Dieu autonome, distinct de sa création (Act 17.24-25).
Le monde naturel révèle suffisamment l’existence d’un Dieu invisible et parfait (Rom 1.20), qui appelle les hommes à la repentance. Ceux qui refusent d’admettre son existence pour en tirer les conséquences, sont livrés à une spiritualité « folle » puisqu’en adorant la création, ils offensent le créateur (Rom 1.21-23).

Le karma / la réincarnation

Les actes bons ou mauvais forment un passif ou un actif que l’on appelle le karma(n). À la fin d’une vie, le karma détermine les punitions ou les récompenses attribuées à chaque individu, pour ses prochaines vies. Il se réincarnera immédiatement (pour les Tibétains), après 49 jours (Druzes), selon un cycle de 144 ans (Rosicruciens) ou de 1000 à 1400 ans (Théosophes). Mais l’homme meurt et renaît plusieurs fois afin de se purifier et mûrir.
Cette pensée est de plus en plus à la mode, car elle fait écho au sens de la justice de l’homme : celui qui a commis beaucoup de mal se réincarnera dans une condition difficile. Cela donne une explication rationnelle pour expliquer les inégalités fondamentales entre les hommes dès la naissance.

Que dit la Bible ?
La loi du karma s’oppose à la grâce : la première propose le paiement de nos fautes par des œuvres compensatoires, alors que le Père offre un pardon complet, puisque la dette de tout péché a été « payée » par son Fils mourant sur la croix (Héb 9.12 ; 10.10). L’homme ne peut parvenir à Dieu par ses propres efforts, mais uniquement par Christ (Tite 3.5 ; 1 Tim 2.5).
La Bible enseigne que nous ne passons qu’une seule fois sur terre — il n’y a pas de réincarnation (Héb 9.27). L’homme demeure dans son état à son décès : pécheur pardonné, il rejoint Dieu ; s’il ne s’est pas repenti, il demeure séparé de Dieu, pour toujours (Dan 12.2 ; Mat 25.46).

Les objectifs

L’éveil intérieur

La réalité est diffuse, difficilement saisissable. La vie a pour objectif de réaliser un éveil intérieur qui conduira à l’illumination. De nombreuses techniques sont proposées, de la drogue à la méditation transcendantale, en passant par le yoga ou les cercles de discussions ésotériques.
À mon sens, ce n’est pas un éveil, mais un endormissement de la volonté consciente pour un échange de valeurs, une influence des pensées et de l’esprit. Ces transformations ne sont pas neutres. Elles peuvent être dangereuses et conduire à de grands désordres psychiques. C’est une porte ouverte sur un monde ténébreux, dont le chef se présente en vêtements de lumière (voir 2 Cor 11.14)
Que dit la Bible ?
L’homme n’a aucune ressource personnelle pour découvrir la divinité. Profondément enraciné dans le péché (Rom 3.23), sa nature même est corrompue (Éph 2.1-3) et incapable même d’aspirer réellement à connaître Dieu (Rom 3.10-18). Il ne faut pas un éveil intérieur, mais un appel extérieur puissant — celui de Dieu ! — pour que l’homme découvre sa faute et la grâce que Dieu lui propose.
Le chrétien reçoit de Dieu un « équipement » suffisant pour vivre pleinement jusqu’à son arrivée dans la cité céleste. Béni de « toute bénédiction spirituelle » (Éph 1.3), ayant reçu « tout ce qui contribue à la vie et à la piété » (2 Pi 1.3), étant « scellé du Saint-Esprit » (Éph 4.30), il est qualifié pour « toute œuvre bonne » par l’application de la Parole (2 Tim 3.17). Il ne lui manque aucune expérience spirituelle en dehors de ce que l’Écriture lui propose.

Le soin du corps

Le corps reçoit une attention dévouée, notamment par le biais des médecines douces. Celles-ci sont une vitrine alléchante pour la pensée des NS. Je ne veux pas dire que ces médecines sont nécessairement mauvaises. J’observe seulement que bon nombre d’entre elles font l’apologie des NS, et y conduisent parfois.

L’œcuménisme total

Les partisans des NS œuvrent avec intensité pour rapprocher les religions humaines. Ils organisent des congrès œcuméniques pour tenter de définir les points communs et de construire une plate-forme commune à toute religion. Ils croient à l’évolution de toutes les spiritualités vers cette plate-forme commune. Un prêtre jésuite, assez proche des NS, écrit : « L’Église a à apprendre des bouddhistes et des hindouistes, du confucianisme et du taoïsme, et de l’islam et du judaïsme. »[note]Boulad, S.J., « Espoir et soucis de l’Église de demain », Terre du Ciel, n° 27, déc. 1994-janv. 1995, p. 46.[/note] Cette convergence vise ainsi la création d’une seule foi…

L’entraide planétaire

Les intellectuels poussent les dirigeants politiques à créer un gouvernement mondial. Cette période, cet Âge Nouveau, est parfois appelé Nouvel Ordre Mondial, ou encore l’Ère du Verseau.
Cette mondialisation est dans l’ère du temps. Plusieurs essais d’unification planétaire (économique ou politique) ont eu lieu depuis la Deuxième Guerre mondiale. Le désir d’en finir avec la guerre et l’injustice, de répondre aux problèmes écologiques, à la faim dans le monde, engendre une passion pour la construction d’une unité planétaire. Cette envie (louable, mais si dangereuse, car éloignée des peuples) est partagée par les responsables des NS, qui apportent ici et là une contribution significative à l’ensemble.

Comment aborder les adeptes des NS ?

On peut schématiser en répartissant les adeptes en trois catégories, et adapter l’approche en conséquence.

L’initié

C’est un homme dont la foi aux NS se fonde non sur un dogme ou une doctrine lue dans les livres, mais sur un vécu profond qui a bouleversé sa vie. Cette initiation pourra être une « expérience de mort imminente » (l’individu est laissé pour mort, se voit visiter l’au-delà, et reçoit divers enseignements[note]Voir F. Varak, La réincarnation, Éditions Clé, 1994, pour une évaluation de ces phénomènes.[/note]), une sortie du corps lors d’une méditation transcendantale, ou sous l’effet de la drogue, une rencontre avec des esprits ou des anges. La liste n’est pas exhaustive.
Il est stérile d’argumenter sur le terrain de la réalité de l’expérience. Plus intéressant est celui de la source de l’expérience. Toutes les expériences ont-elles la même valeur ? Certaines peuvent-elles être manipulées par des éléments spirituels négatifs ? Comment distinguer entre des influences spirituelles positives et des influences spirituelles négatives ?

L’intéressé

Il a tout lu sur la question — ou presque ! Il campe au pied des rayons ésotériques des librairies, et il est prêt à traverser la France pour entendre une célébrité du milieu s’exprimer sur la spiritualité orientale. Il n’a rien vécu de fort, mais pressent qu’il y a là la réponse au sentiment de désordre qu’il connaît dans son cœur.
C’est le terrain le plus propice à l’annonce de l’Évangile, car cet homme est en recherche. Pour peu qu’il trouve un chrétien respectueux (la perception du moindre orgueil disqualifiera le messager), il sera prêt à dialoguer. L’un des points les plus importants est la question du péché. Or, la compensation du mal selon le karma est injuste et dérésponsabilisante : le mal actuel sera toujours justifié par celui d’hier — et donc inévitable. D’autre part, on ne saurait aider ceux qui souffrent — ils doivent payer. Enfin, comment oser croire que le bien paierait le mal ? Faire le bien, c’est normal, pas méritoire !

L’innocent

C’est un homme qui croit ce que la mode enseigne. Il n’a ni vécu un événement fort ni réfléchi à la question. La réincarnation ? Ça l’arrange ! Mais il ne faut pas aller plus loin.
Pour l’aborder, on retombe sur des pistes classiques de l’annonce de l’Évangile.

Pour tous

L’amour. Ce que les chrétiens vivent (parfois), peu de gens le connaissent. S’aimer entre chrétiens, aimer ceux qui affirment des choses si aberrantes, est un devoir. Une nécessité. Lorsque j’étais attaché aux NS, je trouvais les conceptions de mon ami protestant tellement obsolètes. Mais son écoute, l’amour de ses amis, ont eu raison de mes préjugés.
Le péché. Il faut oser à nouveau dire clairement que le bien et le mal sont réels et distincts. La lecture des 10 commandements ou de Matthieu 5 sont des tuteurs utiles pour prendre conscience du sérieux et de l’étendue du mal.
L’Évangile. La grâce du Christ est un « scandale », une occasion de chute, pour les adeptes des NS. Leur système favorise l’orgueil (puisqu’on parvient par soi-même aux hautes sphères spirituelles). L’Évangile exige l’humilité. Des versets tels que Hébreux 9.27-28 ou Jean 14.6 peuvent « dynamiter » les cœurs endurcis pour les conduire à l’amour de Dieu. Proclamer l’Évangile, même si on ne peut le démontrer, c’est largement suffisant pour que la semence croisse sous l’influence du Saint Esprit.
« Que votre parole soit toujours accompagnée de grâce, assaisonnée de sel, afin que vous sachiez comment vous devez répondre à chacun. » (Col 4.6)