PROMESSES

Un des fidèles collaborateurs de notre revue, Pierre Bigler-Andres, a été appelé auprès du Seigneur le 6 janvier 2018 à l’âge de 96 ans. Devenu presque aveugle et très peu mobile, il a reçu des soins adéquats dans un établissement médico-social. Bien entouré par sa famille, il s’est endormi paisiblement.

Né en 1921, Pierre passa son enfance à Oulens, dans le Canton de Vaud en Suisse. Passant par une profonde conviction de péché, il se donne au Seigneur en 1937. Il fait ensuite un apprentissage de banque à Lucens. Pierre se marie en 1947 avec Maria Andres, intendante de l’Institut Biblique Emmaüs. Ils auront quatre enfants, deux fils et deux filles. Maria décédera en 1998.

À l’âge de vingt ans, à l’école de recrues, Pierre tombe gravement malade et est hospitalisé. Il vivra ensuite avec « une écharde dans la chair » pendant toute sa vie. Peu après son mariage, il récidive de sa maladie et subit une gastrectomie. Quelques années plus tard, de graves complications l’obligent à se faire à nouveau hospitaliser. En 1968, une grave complication digestive révéla un angiome de la grosseur du poing au centre de l’œsophage et nécessite une intervention chirurgicale.

Pierre Bigler était un frère droit, refusant tout compromis. Comptable dans diverses entreprises, également à l’Institut Biblique Emmaüs, il sera engagé par le Département des finances du canton de Vaud en qualité d’inspecteur fiscal en 1956. Tout au long de sa vie, une solide amitié le liera à Henri Lüscher et c’est bien naturellement qu’il le conseillera dans le développement de l’œuvre de Promesses. Membre du comité de soutien, il aidera Promesses pour toutes les démarches administratives nécessaires à la signature de l’acte constitutif de la Fondation en décembre 2004. Ses connaissances comptables, fiscales et administratives ont été d’un grand secours à l’équipe des responsables de Promesses tout comme sa grande générosité.

Nous présentons à toute la famille de Pierre Bigler-Andres notre pleine affection et notre reconnaissance à Dieu de nous l’avoir prêté.


Saviez-vous que le mot « gêne » vient du mot biblique « géhenne » et a, en vieux français, le sens de « tourment » ? Il est vrai que nous éprouvons une certaine gêne à prêcher sur la géhenne !

Déjà, en 1955, Jean Cruvellier observait que « la place faite à l’heure actuelle à un tel sujet par les prédicateurs attachés à la doctrine traditionnelle eux-mêmes est la plupart du temps bien restreinte ; ce qui fait dire aux adversaires que l’on n’ose plus prêcher dans les termes employés par les prédicateurs d’autrefois. »[note]J. Cruvellier,  Le châtiment éternel, Études évangéliques, 1955, n°1-2, 82[/note]

Je vais donc tenter de montrer :

‒  pourquoi nous sommes si réticents à prêcher sur ce sujet ;

‒  pourquoi il faut malgré tout s’efforcer de le faire ;

‒  comment aborder un tel sujet.

1. Pourquoi sommes-nous si réticents à prêcher sur ce sujet ?

Nous sommes réticents à prêcher sur ce sujet parce que, même si nous sommes convaincus que cette doctrine est biblique, nous serions soulagés si elle ne l’était pas, tant l’idée de châtiment éternel nous est désagréable. Nous ne souhaiterions pas un tel supplice même à notre pire ennemi. Alexandre Vinet traduit bien cette tension lorsqu’il dit que « celui qui réussirait à nous prouver que le salut universel est biblique nous apporterait un immense soulagement ». C’est d’ailleurs une des premières doctrines que ceux qui cessent de croire à la véracité des Écritures ont tendance à abandonner.

Même le prédicateur qui parvient à surmonter cette tension reste tenté d’éviter d’aborder le sujet, car il sait que son enseignement rencontrera une certaine résistance chez ses auditeurs. Plus il cherchera, par conséquent, à plaire aux hommes, moins il abordera cette question délicate.

2. Pourquoi devrions-nous malgré tout nous efforcer de prêcher sur ce sujet ?

Nos prédécesseurs n’ont pas hésité à en parler clairement :

– Le symbole d’Athanase dit de ceux qui font le mal qu’« ils iront au feu éternel ».

– La prédication dominicaine était connue pour puiser abondamment dans ce registre.

– Les réformateurs et les prédicateurs du Réveil étaient moins réticents que nous à parler clairement de ces choses. Un des plus célèbres sermons de Jonathan Edwards s’intitule « Des pécheurs entre les mains d’un Dieu en colère ».

Dieu a utilisé ce genre de sermons pour réveiller les consciences et susciter un des plus grands réveils de l’histoire de l’Église au XVIIIe siècle en Nouvelle-Angleterre.

Pour des raisons théologiques

Jean Cruvellier dit, à juste titre : « Supprimez l’enfer éternel et vous ne comprenez plus rien aux autres dogmes, c’est comme une pierre fondamentale que vous enlevez, l’édifice tout entier en est ébranlé. »[note]Ibid., 85.[/note]. Une offense faite à un Dieu infini mérite un châtiment éternel, la perpétuité incompressible, assortie d’une période de sûreté sans limite.  Limiter la durée de cette peine, ce serait faire offense à la justice de Dieu et ouvrir une autre voie de salut que celle qui passe par le Christ.

Pour des raisons exégétiques

Matthieu 25.46[note] « Et ils s’en iront au châtiment éternel (aiônios). Tandis que les justes entreront dans la vie éternelle. »[/note] parle très clairement d’un châtiment éternel, même si certains ont tenté de donner à cette expression un sens atténué, celui d’un châtiment subi dans l’au-delà et non ici-bas, mais pas nécessairement éternel. Le parallèle entre le châtiment éternel et la vie éternelle, dans ce verset, ne laisse planer aucun doute quant au sens du terme « éternel » (aiônios). Jésus mentionne également « le feu éternel » au verset 41[note] « Retirez-vous loin de moi, vous que Dieu a maudits, et allez dans le feu éternel préparé pour le diable et ses anges. »[/note].

John Blanchard estime que 13% des 1 870 versets consacrés aux paroles de Jésus concernent le jugement et l’enfer. Il parle davantage de ces sujets que de l’amour[note]J. Blanchard, Où donc est passé l’enfer ?, Europresse, 1993, 130.[/note]. Il se sert de tout le vocabulaire connu de ses auditeurs pour décrire les tourments de l’enfer (la ruine, le feu, le ver, la géhenne, les ténèbres [du dehors]). On retrouve ces termes ainsi que d’autres dans le reste du Nouveau Testament.

Pour des raisons pastorales

Il semble évident que les non-croyants prendront davantage au sérieux l’appel qui leur est adressé si le sort des méchants leur est clairement présenté.

De plus, le fait que ceux qui marchent vers la perdition sont nombreux est un puissant encouragement à l’évangélisation et à la mission.

3. Comment prêcher sur les peines éternelles ?

Ne pas aller au-delà de ce que dit l’Écriture

Certains prédicateurs d’autrefois se sont laissé aller à des exagérations dantesques, laissant penser que Dieu était vraiment un « bourreau ». Mais l’imagerie biblique est suffisamment riche pour que l’on n’ait pas besoin d’en rajouter.

Ne pas rester en deçà de ce que dit l’Écriture

C’est la tendance actuelle. Le prédicateur qui choisit lui-même ses textes veillera à ne pas négliger ceux qui abordent cette question. La voie la plus sûre est, sans doute, de prêcher à partir d’un lectionnaire, qui offre généralement une grande diversité de sujets[note]Par exemple, l’avant-dernier dimanche de l’année liturgique a pour thème le jugement dernier.[/note], ou à travers un livre biblique, sans omettre les passages qui abordent cette question.

Même armé de ces précautions, la tentation demeure de ne couvrir qu’une partie des données du texte, celles qui rencontreront le moins de résistance chez les auditeurs. Il est important que le prédicateur s’astreigne à rendre compte de toutes les données, y compris celles qui nous dérangent , car « toute Écriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner, pour réfuter, pour redresser, pour éduquer dans la justice » (2 Tim 3.16). C’est ainsi qu’il sera « un ouvrier qui n’a pas à avoir honte, qui dispense avec droiture la parole de la vérité » (2 Tim 2.15).


Une question de Michael : « Pasteur John, comment puis-je parler de l’enfer à mon fils de six ans ? Quand un être cher, qui a aussi été chrétien, meurt, je lui dis qu’il est allé au paradis. Mais si quelqu’un meurt, quelqu’un qui n’est pas un chrétien, je ne veux pas lui mentir  en prétendant qu’il est aussi au paradis, mais j’ignore comment lui expliquer les choses qui ont trait à l’enfer. Il exprime une forte angoisse au sujet de la mort et j’ai peur qu’en lui parlant de l’enfer, cela le rende encore plus anxieux. Souvent lorsqu’il fait une bêtise ou quand je dois le corriger, il se contrarie. S’il désobéit, je ne veux pas qu’il s’inquiète en croyant qu’il sera envoyé en enfer. Comment puis-je lui apprendre cela ? »

Permettez-moi d’abord d’intervertir les rôles et de vous dire : nous devrions être cent fois plus préoccupés par un enfant de six ans qui n’a pas peur de la mort et de l’enfer que par un enfant qui les craint. Une des raisons pour laquelle nous n’éprouvons aucune inquiétude, trouve son origine dans le fait de croire que tout va bien.  C’est un petit garçon tellement joyeux ou une petite fille si heureuse. Quand un enfant a des angoisses, des cauchemars ou des peurs, notre esprit et notre instinct parental s’activent parce que nous voulons leur venir en aide. Nous ne réalisons pas qu’un enfant qui ne manifeste aucune peur, a besoin de plus d’aide de la part de ses parents qu’un enfant qui en manifeste beaucoup.

Je veux vous encourager, Michael, car la question que vous vous posez est très bonne. Si votre fils ne s’en préoccupait pas, il y aurait davantage à se soucier de la situation. Comment pouvons-nous aider un enfant de six ans à faire face à ces réalités terrifiantes que sont l’enfer et la mort ? L’essentiel est de réaliser que Dieu a voulu que notre réelle peur de l’enfer soit un moyen d’ancrer cinq grandes certitudes, cinq grandes vérités dans notre cœur. Dieu n’a pas l’intention d’envoyer ses enfants en enfer, mais de les éprouver en les avertissant de ce que représente l’enfer, afin d’enraciner ces vérités.  Que ce soit pour un enfant de 6 ans ou pour un adulte de 60 ans, la réalité est la même. Considérez cette occasion, Michael, dans la vie de votre enfant comme une occasion de lui apprendre beaucoup de choses merveilleuses. L’enfer est simplement l’arrière-plan par lequel ces choses vont devenir réellement glorieuses.

1. Le Dieu grand, merveilleux et vrai

La peur de l’enfer est une occasion extraordinaire pour qualifier Dieu de grand, de merveilleux et de tout à fait réel. Il est difficile pour les êtres humains, qui sont pécheurs, de ressentir la réalité de Dieu. Mais si Dieu est celui qui a créé l’enfer et dont la majesté rend l’enfer juste et compréhensible, alors c’est une occasion en or.  Dieu est si grand que le mépris à son égard est autrement mauvais ; cette punition terrible est donc le seul mérite que peut recevoir ce mépris. C’est la raison pour laquelle l’enfer est si terrifiant.

En d’autres termes, l’horreur de l’enfer est un panneau indicateur relatif à la valeur infinie, la préciosité, la beauté, la bonté et la justice de Dieu.  Si Dieu était petit, l’enfer serait tiède. Mais parce qu’il est grand, mépriser Dieu est une chose affreuse. C’est donc une occasion immense d’apprendre à un enfant à quel point Dieu est réel et grand.

2. La nature mauvaise du péché

La peur de l’enfer est une occasion extraordinaire pour comprendre la nature et l’extrême gravité du péché. L’enfer est l’aboutissement d’une vie imprégnée du péché, un enfant a donc besoin de comprendre ce qu’est le péché. Le péché revient à sous-estimer la gloire de Dieu, c’est-à-dire ne pas voir Dieu comme merveilleux, ne pas l’honorer, ne pas le remercier pour sa gloire, ne pas le suivre, ne pas le louer et le glorifier. Nous devons nous assurer que nos enfants voient le lien direct qui existe entre l’enfer et le péché.

Une vie sans peur de l’enfer est une grande tragédie car les enfants ne pourront pas discerner le péché comme une chose sérieuse.  Parce qu’ils n’ont pas été instruits sur le châtiment induit par le péché, à savoir l’enfer, ils n’arriveront pas à comprendre un jour que le péché est honteux et scandaleux ; de ce fait, ils ne le comprendront pas comme une offense profonde et affreuse envers Dieu. La peur de l’enfer est une occasion immense pour éclairer nos enfants à propos de l’effroyable obscurité du péché.

3. La justice de Dieu

La peur de l’enfer est une occasion extraordinaire pour amener l’enfant à prendre conscience de la réalité et de l’équité du jugement final de Dieu. Hébreux 9.27 dit : « Et comme il est réservé aux hommes de mourir une seule fois, après quoi vient le jugement ». Un enseignement majeur et central de la Bible est que tous les êtres humains se tiendront un jour devant Dieu pour lui rendre compte de leur vie.

Cela donnera du sérieux à sa vie. Les parents s’inquiètent bien trop souvent, craignant que leurs enfants ne soient malheureux à la pensée de la crainte du jugement. Ils devraient plutôt se réjouir de ce que leurs enfants seront plus heureux de ne plus craindre ce jugement. L’enfer est donc une occasion immense pour éclairer les enfants sur la réalité du jugement final de Dieu.

4. La croix et l’œuvre de Christ

C’est la clé absolue de toute chose. La peur de l’enfer est une occasion extraordinaire de magnifier la croix du Christ, la grandeur du Christ, de son sacrifice, de son amour, de sa miséricorde, de sa patience, de sa compassion, de sa proximité, de sa tendresse envers les enfants, de son amitié, de son pouvoir et de son autorité sur la mort et l’enfer. Quelle circonstance favorable pour les enfants de rencontrer et d’apprendre à connaître le Christ vivant, et de découvrir l’excellence de son œuvre à la croix. Le remède à la peur de nos enfants n’est pas d’occulter l’enfer, mais de révéler le Christ et la croix. Nous devrions être prêts à peindre l’œuvre de la croix avec des couleurs d’autant plus somptueuses qu’elles surpassent les angoisses de l’enfer.

Saisir la grandeur de l’œuvre de Christ est l’un des objectifs majeurs de l’avertissement que représente l’enfer pour nous, chrétiens ; elle nous libère de cette peur. Tous les soirs – j’ai personnellement agi ainsi – tous les soirs, quand vous rentrez dans la chambre de votre enfant à cause d’un cauchemar sur la mort, le jugement ou l’enfer, la solution ne consiste pas à lui dire que l’enfer est irréel ou à minimiser la peur qu’il inspire. Le remède est de lui chanter le triomphe de Jésus à la croix sur ce grand ennemi. Il entendra la confiance de papa. Vous lui caresserez le dos en lui fredonnant un chant proclamant la victoire de Jésus à la croix, pour qu’il s’endorme dans la paix de l’Évangile.

Illustrons-le d’une autre manière : si une grande armée venait contre votre localité, que votre enfant le savait et qu’il en était terrifié, comment le consoleriez-vous ? Lui mentiriez-vous en disant : « Eh bien, ces canons ne sont que des pétards » ? Balivernes ! vous ne feriez pas ça. Vous le conduiriez vers un lieu réellement sûr, où il serait en sécurité. C’est précisément ce que Christ a accompli parfaitement pour tous ceux qui lui font confiance.

La peur de l’enfer est une occasion immense pour comprendre l’immensité de l’œuvre du Christ mort pour nous, afin que nous ne subissions pas la colère. Dites à vos enfants les paroles de 1 Thes 5.9-10 en les regardant dans les yeux : « Car Dieu ne nous a pas destinés à la colère » – ou à l’enfer – « mais à la possession du salut par notre Seigneur Jésus-Christ, qui est mort pour nous, afin que, soit que nous veillions, soit que nous dormions, nous vivions ensemble avec lui. »

5. Une vie de foi intrépide

La peur de l’enfer est une occasion extraordinaire d’amener votre enfant vers l’expérience d’une vie de foi sans peur. Si vous apprenez à votre enfant à avoir confiance face à l’enfer, sur la base de la mort et de la résurrection de Jésus, vous lui aurez donné les bases d’une grande bravoure dans sa vie. Faites de lui un combattant, et d’elle une combattante, car ils n’auront jamais rien de plus grand à affronter que le péché, la mort et l’enfer.

S’ils savent vaincre ces choses par le Christ, alors ils pourront aussi faire face à n’importe quelle situation. Ils seront intrépides dans la vie ; et que feront-ils par la suite ? Quelles grandes œuvres accompliront-ils quand ils auront à affronter avec bravoure, toutes sortes d’ennemis, parce qu’ils ont appris de vous, alors qu’ils n’avaient que six ans, que rien ne peut les précipiter en enfer, même si par-dessus tout, l’enfer est un ennemi effrayant ?

 

Ne ratez pas cette occasion immense d’utiliser la peur de l’enfer comme un moyen d’établir et d’enraciner les vérités suivantes :

– la grandeur et la gloire de Dieu ;

– la nature mauvaise du péché ;

– la réalité et la justice du jugement futur ;

– la grandeur de la croix du Christ nous sauvant de l’enfer ;

– la gloire d’une vie de foi confiante, courageuse et de bravoure.

 

 


L’annihilationisme enseigne que Dieu condamnera les impénitents à l’extinction[note]L’annihilationisme se différencie du conditionalisme en ce que les conditionalistes vont amener un aspect supplémentaire lié à l’immortalité de l’âme. Pour ceux qui désirent approfondir cette question, nous recommandons l’ouvrage Universalism and the doctrine of Hell, Nigel M. et S. Cameron, Grands Rapids, Baker Books, 1992, p. 196-199.[/note].

1. Quelle est son origine ?

Son origine est incertaine, mais il semblerait que ce soit Arnobe de Sicca (204?-327?), d’origine berbère et habitant en Numidie (Afrique du Nord) qui en parla pour la première fois.  Il développa cette idée dans son œuvre Contre les gentils, une critique de l’enseignement de Platon concernant la nature immortelle de l’âme :

« Ce qui est immortel, ce qui est simple, ne peut être sujet à aucune douleur ; au contraire, ne peut être immortel ce qui ne souffre pas… car ils sont jetés dedans, et sont annihilés, ils disparaissent vainement dans la destruction éternelle… Car ce qui est vu par les yeux n’est qu’une séparation de l’âme du corps, pas la fin dernière – l’annihilation : ceci, dis-je, est la mort réelle de l’homme, quand les âmes qui ne connaissent pas Dieu seront consumées par un tourment prolongé avec un feu qui fait rage. »[note]Christopher W. Morgan et Robert A. Paterson, Hell under fire, Zondervan, 2004, p. 197[/note]

En 553, ce dogme est condamné au second Concile de Constantinople. Cette idée refait surface bien plus tard au XVIIe siècle chez les Sociniens comme John Biddle (1615-1662), puis au XVIIIe siècle chez des Arianistes comme William Whiston (1667-1752). À la fin du XXe siècle, ce thème revient sur le devant de la scène au travers de plusieurs livres, dont le plus connu est celui écrit par David L. Edwards et le théologien évangélique John Stott[note]cf. David L. Edwards et John Stott, Evangelical Essentials : A Liberal-Evangelical Dialogue, Intervarsity Pr, 1988[/note].

2. Que penser de la thèse annihilationiste ?

2.1-Le vocabulaire utilisé

La première affirmation se rapporte au vocabulaire utilisé. Le terme « destruction » est souvent employé en relation avec l’état final de perdition Deux mots grecs sont souvent mis en avant : apollumi (détruire) et olethros (ruine ou destruction)[note] cf. Ibid., p. 315[/note].

On trouve le verbe apollumi dans sa forme active et transitive dans les passages suivants :

– dans le sens de « tuer et exécuter quelqu’un » (Mat 2.13 ; 12.14 ; 27.4) ;

– dans le sens de « détruire l’âme et le corps » (Mat 10:28 ; Jac 4.12) ;

et dans sa forme moyenne et intransitive dans ces autres passages :

– dans le sens de « mourir de faim ou mordu par un serpent » (Luc 15.17 ; 1 Cor 10.9) ;

– dans le sens de « éternellement en enfer » (Jean 3.16 ; 10.28 ; 17.12 ; Rom 2.12 ; 1 Cor 15.18 ; 2 Pi 3.9).

Le nom olethros est, quant à lui, utilisé dans 1 Thes 5.3 et 2 Thes 1.9 dans le sens ruine ou destruction.

Les annihilationistes considèrent comme étrange le fait que les personnes qui souffrent, soient soumises à un processus de destruction permanent et éternel.  La destruction est censée s’arrêter un jour, lorsque tout sera détruit.

Nous pourrions être d’accord avec ce concept si la Bible n’enseignait pas différemment le sort des méchants (cf. Apoc 14.9-11, Apoc 20.10). Le mot apollumi apparaît 90 fois dans le N.T. sous différentes formes. Dans Mat 10.6 ou Mat 18.11, il revêt le sens de « perdu ». De même dans Luc 15, ce terme est employé pour illustrer trois choses perdues (la brebis, la drachme, le fils prodigue).

Dans Matt 2.13 et 12.14, le verbe apollumi est traduit par « périr » dans le sens de « tuer ». Tuer, ce n’est pas annihiler. Ce verbe revient dans Luc 17.29 avec le même sens au sujet de Sodome. Selon Matt 10.15, Sodome et Gomorrhe paraîtront au jour du jugement. Elles n’ont donc pas été annihilées, reléguées à la non-existence. L’idée que la mort est égale à l’annihilation est incorrecte. La mort selon la Bible ne signifie pas la fin mais la séparation d’avec Dieu.  Rappelons à cet effet que Dieu a dit à l’homme en Éden : « mais tu ne mangeras pas de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, car le jour où tu en mangeras, tu mourras certainement » (Gen 2.17).

Le mot olethros est utilisé quatre fois dans le N.T. Il est employé dans 1 Corinthiens 5.5 dans un contexte de censure vis-à-vis d’un homme vivant avec la femme de son père. On évoque ici la « destruction de la chair », c.-à-d. l’expulsion de l’homme de l’église. Dans le passage de 1 Timothée 6.9, le terme olethros fait référence à la ruine qui menace ceux qui se confient dans leurs richesses, il est associé au mot apōleia qui est traduit par perdition.

En se basant uniquement sur le vocabulaire, si les apôtres avaient voulu enseigner l’annihilation, ils auraient pu utiliser les termes exaleipho (enduire, effacer, essuyer – voir Col 2.14 ; Act 3.19), sbennumi (éteindre – Mat 25.8 ; Marc 9.48 ; Éph 6.16) ou pauô (cesser – Luc 5.4 ; Act 21.32), mais ils ne l’ont pas fait.

Nous pouvons donc conclure que la signification des mots apollumi et olethros ne peuvent enseigner l’idée d’annihilation. Aussi selon les données bibliques, il est clair que la mort physique et la mort spirituelle ne correspondent pas à l’extinction de l’être.

2.2-L’imagerie utilisée

La seconde affirmation se rapporte à l’imagerie utilisée dans l’Écriture pour caractériser l’enfer, et particulièrement le feu. L’image du feu est souvent citée en lien avec l’enfer (Matt 5.22 ; 18.8-9 ; 25.41) mais il est également fait mention d’un feu qui ne s’éteindra pas (Mat 3.12, Luc 3.17 ; Apoc 14.11 ; 19.3). C’est le feu qui n’aura pas de fin mais ceux qui y seront jetés, seront consumés. Le passage de Matthieu 25.46 ne fait aucune mention de durée par rapport à ce qui attend les méchants. Dans Apocalypse 20, la bête et le faux prophète représentent des symboles et non des êtres.[note]cf. Ibid., p. 316[/note]

Quelle est la fonction du feu ? La réponse se trouve dans la finalité pour laquelle le feu a été allumé. Un feu peut par exemple servir à cuire, à chauffer ou à produire de la lumière.  Ensuite, un feu réel n’anéantit pas tout, il reste toujours un résidu à l’issue de la combustion. Le feu décrit dans Exode 3 est encore plus frappant, le buisson ardent ne se consumait pas (v. 2). Lorsque nous lisons les deux expressions, le « feu qui ne s’éteint pas » et le « ver qui ne meurt pas », l’idée d’une souffrance temporaire ne nous vient pareillement pas à l’esprit.

Examinons trois versets afin d’authentifier nos remarques préliminaires :

Matthieu 25.46 : Le terme « éternel » (aionios) employé ici exprime la notion de durée, elle ne qualifie pas explicitement une durée liée à l’individu mais au châtiment. Ce terme est employé 30 fois dans les Évangiles, toujours dans le sens d’une durée éternelle (Matt 18.8, Marc 3.29, Luc 16.9). Croire dès lors que le sens peut varier selon la destinée (le ciel ou l’enfer) n’est pas cohérent.

Apocalypse 14.11 : C’est le verset qui enseigne le mieux la durée éternelle des peines et des souffrances pour les impies. Comme la fumée de leur tourment continue à monter dans l’éternité, leurs tourments durent ; si leurs tourments durent, leur souffrance est constante et éternelle, leur présence est donc avérée.

Apocalypse20.13 : Déjà au verset 10, Satan, la bête et le faux prophète sont mentionnés ; ils seront tourmentés à jamais ! (Apoc 20.10). Au verset 15, Jean indique que ceux qui ne sont pas inscrits dans le livre de vie seront jetés dans l’étang de feu. Il nous est intellectuellement impossible d’aller à l’encontre de ces versets et prétendre y voir symboliquement la destruction de l’inimitié et la résistance à l’encontre de Dieu.

2.3- La justice de Dieu

La troisième affirmation se rapporte à la justice de Dieu. Selon Apocalypse 20.12, les morts seront jugés selon leurs œuvres. La durée de la punition sera proportionnelle au mal commis. Ce principe a été appliqué par les tribunaux de la loi juive (Ex 21.23-25).[note]cf. Ibid., p. 318[/note]

Cette affirmation n’est pas restreinte à la pensée annihilationiste et ne date pas d’hier (cf. la position universaliste et les défenseurs de la conversion post mortem). La gravité du péché dépend de la personne envers qui le péché a été commis. La torture d’un animal est un crime mais sa gravité n’équivaut pas à la torture infligée à une personne.

Lorsque la femme de Lot regarda en arrière vers Sodome et Gomorrhe, elle fut transformée en statue de sel (Gen 19.26). Lorsque Achan convoita puis déroba une robe, de l’argent et de l’or, lui et sa famille furent brûlés (Jos 7.24-25). Lorsque Uzzah rattrapa l’arche avec ses mains, Dieu le frappa et il mourut (2 Sam 6.6-7). Lorsque Ananias et Saphira mentirent au Saint-Esprit, ils subirent la peine capitale pour un mensonge ! (Act 5.1-10). À première vue, ces peines sont exagérées, mais l’examen de chacun des cas révèle que le péché a été commis envers Dieu. De même, le péché d’Adam n’a pas uniquement eu des conséquences temporelles mais surtout éternelles (Rom 5.15-19).

2.4- Les textes dits « universalistes » et la victoire finale

La quatrième affirmation a trait aux textes utilisés par les courants de pensées universalistes. Si Christ attire tous les hommes à lui (Jean 12.32), si Dieu unit toute chose sous l’autorité de Christ (Éph. 1.10) et s’il  amène tout genou à fléchir et à confesser la seigneurie de Christ (Phil 2.10-11), pour qu’à la fin Dieu soit « tout en tout » ou « tout en tous », pourquoi reste-t-il des personnes qui continuent de se rebeller en enfer ? Comment la victoire finale sur le mal serait-elle possible ?[note]cf. Ibid., p. 319[/note]

Nous devons premièrement être prudents dans ce domaine. La Bible ne nous explique pas tout jusque dans les derniers détails. Il est dès lors très facile d’y inclure des éléments de notre culture contemporaine. Si Dieu veut la victoire finale sur tout et si nous comprenons cette victoire sous l’angle anthropomorphique, alors comment Dieu peut-il être « tout en tous », si le « tous » n‘est pas total ?

Nous pouvons également nous interroger sur l’existence éternelle du feu, des vers et de la fumée des tourments. Mais l’objection à cette affirmation se trouve dans les derniers chapitres de l’Apocalypse. Si Dieu est « tout en tous », cela doit se comprendre qu’il règne sur les justes et les injustes ; cela ne sous-entend pas que les seconds sont anéantis. Dieu, par sa victoire, manifeste l’exécution de ses jugements et sa souveraineté universelle.  Le désordre relatif qui a régné durant le temps de sa patience prendra fin.

En dernier lieu, soulignons que cette affirmation, poussée à l’extrême, relève davantage d’une défense de l’universalisme que de l’annihilationisme.

3. Conclusion

L’annihilationisme trouve sa source dans un déséquilibre entre le bannissement, la punition et la destruction. Si nous ne donnons pas assez d’importance au bannissement ou au jugement, nous favorisons l’idée de l’annihilation des impénitents.  Force est de constater que dans certaines bonnes églises évangéliques, l’accent est davantage mis sur l’idée de bannissement ; il convient donc de veiller à garder un équilibre entre ces trois aspects. Soyons également attentifs à ne pas nous perdre dans des spéculations vaines et inutiles (2 Pi 1.16, 2 Tim 4.1-5).

Nous croyons que si le sujet des peines éternelles est particulièrement difficile à aborder, ce n’est pas sans raison. Ce sujet revêt une importance capitale pour chacun d’entre nous. Ce que nous en faisons dans la pratique ne peut que montrer si nous en avons vraiment compris la gravité. Si Jésus, lors de son ministère terrestre, a eu à cœur d’en parler ce n’est certainement pas pour que, 2 000 ans plus tard, nous ayons honte d’en faire de même.

 

 


La Bible décrit deux cadres de vie idylliques dans les premiers et les derniers chapitres. Le jardin d’Éden (Gen 2.2-24) et la Jérusalem céleste (Apoc 21-22) partagent plusieurs caractéristiques : ils contiennent un arbre de vie situé au centre du jardin ou au centre de la place de la ville. Un fleuve sort du centre du jardin ou du temple pour irriguer la terre. Des fruits variés, abondants et sains sont à disposition des habitants, et des métaux précieux sont nommés. Et, par-dessus tout, les deux cadres de vie existent après la création du ciel et de la terre (Genèse) ou la création d’un nouveau ciel et de la nouvelle terre (Apoc 21.1).

Dans l’Apocalypse, juste après une première description de la nouvelle création, Dieu se présente comme l’Alpha et l’Oméga, le commencement et la fin (21.6). Cette affirmation encourage le lecteur à comparer le début de l’histoire de l’humanité à sa fin ultime.

Les deux cadres de vie sont tellement beaux qu’il semble hasardeux de vouloir suggérer une supériorité de l’un sur l’autre, par exemple du second sur le premier. D’autant plus que lors du premier récit de la création, il est affirmé que chaque acte créateur était bon (1.4, 10, 12, 18, 21, 25). Rien à redire ou à refaire. Le dernier acte est même qualifié de « très bon »[note] La traduction de la Bible utilisée dans cet article est Colombe Segond révisée 1978[/note] (1.31).  Dieu fait bien les choses, et il les fait même très bien.  D’ailleurs, l’apôtre Paul affirme que les perfections invisibles de Dieu se voient comme à l’œil nu quand on considère sa création (Rom 1.20). Néanmoins, certaines affirmations de Genèse 1-2 suggèrent que les premiers actes créateurs sont perfectibles, ce qui n’est pas le cas de la nouvelle création. Cette dernière est parfaite et définitive dès le départ (Apoc 21-22). Examinons de plus près ces deux créations.

1. Les étapes de la première création

Dans la Genèse, Dieu crée par étapes. Il y a un premier jour, puis un deuxième, un troisième et ainsi de suite pendant six jours. Ce que Dieu fait le premier jour est bien, mais incomplet, puisqu’il se remet à la tâche le lendemain pour continuer son travail. Dieu procède par différenciation. Il « sépare » les choses ; c’est le mot clé. Il donne une forme, il ajoute des détails, il met en place certaines spécificités, et le résultat est chaque fois bon.  La vie sur terre et autour de la terre s’anime progressivement. Le soleil, la lune et les étoiles sont créés et deviennent des luminaires qui se déplacent. Les eaux et le ciel grouillent d’animaux, puis la terre est aussi peuplée d’animaux et finalement, Dieu crée l’homme à son image. À ce moment seulement, Dieu déclare que tout est « très bon ». On est donc allé de progrès en progrès durant six jours. Au chapitre deux de la Genèse, l’auteur du livre (Moïse selon l’Écriture) donne un second récit de la création (2.4-25) qui complète le premier (1.1-2.3). Ce second récit se concentre sur Adam, le premier homme. Le lecteur apprend qu’avant la création d’Ève, soit avant la fin du sixième jour, tout n’était pas encore parfait. Dieu dit : « Il n’est pas bien que l’homme soit seul »  (2.18). Dieu fait défiler tous les animaux devant Adam pour qu’il puisse trouver une compagne, mais rien n’y fait, aucun d’eux ne convient. Dieu plonge alors Adam dans un sommeil, puis il crée la première femme (Ève) à partir d’une côte du premier homme. À son réveil, Adam s’écrie, enthousiaste, qu’Ève est l’être parfait qui lui convient (2.23).

Les deux premiers chapitres de la Genèse présentent une création par étapes. Ils décrivent aussi certaines tâches que les créatures doivent remplir pour que l’acte créateur prenne tout son sens. Les animaux et les hommes reçoivent l’ordre de se multiplier (1.22,28). Adam doit garder et cultiver le jardin (2.15). Il doit examiner les animaux et leur donner un nom  (c’est-à-dire relever leurs caractéristiques). Il reçoit la permission de manger des arbres du jardin, mais doit s’abstenir de « l’arbre de la connaissance du bien et du mal » (2.16-17). À cet ordre, est assorti un avertissement, voire une menace : en cas de transgression, la mort sera au rendez-vous pour l’homme (2.17). Le jardin d’Éden est donc un lieu magnifique, mais il est « ouvert » sur l’avenir. Il peut y avoir des améliorations (il faut cultiver le jardin et l’homme doit se multiplier), mais il peut aussi être exposé à des revers (la mort est envisagée).

2. Une ville céleste achevée

Le récit de la nouvelle création dans l’Apocalypse présente les choses sous l’angle de la perfection immédiate et totale. La Jérusalem céleste descend du ciel parfaite.  Ce n’est pas une ville en construction ou une ville dont seulement les bâtiments principaux sont érigés, mais qui laissent encore les abords en friche. Non, la Jérusalem céleste est entourée d’un mur décoratif exceptionnellement beau. La ville est habitée par les plus nobles personnages (le Dieu tout-puissant et l’Agneau de Dieu). Ils éclairent de leur lumière toute chose à tel point que le soleil est inutile. Le fleuve qui donne la vie coule déjà. La ville est livrée « clé en main ». Ainsi, le jardin d’Éden est bon, voire très bon, mais il n’est pas encore le lieu de vie dans lequel plus rien ne peut être amélioré. La Jérusalem céleste se présente au contraire comme une demeure parfaite dès le départ et qui le restera éternellement.  Ce constat va maintenant être encore mieux étayé, et pour ce faire, nous allons comparer certains éléments mentionnés dans les deux récits. Commençons par les éléments physiques, puis nous nous pencherons sur les individus.

3. Les métaux précieux

En Éden, de l’or, du bdellium et la pierre d’onyx sont disponibles dans une des quatre régions délimitées par les quatre fleuves (Gen 2.11-12). L’or est « d’excellente qualité » (v.12). Le minerai devra bien sûr être travaillé et épuré de ses scories, car « l’excellente qualité » de l’or ne signifie pas que ce métal est trouvé à l’état pur, mais que le pourcentage d’or par rapport aux résidus est excellent. Dans la Jérusalem céleste, l’or est « pur » (21.18,21). Cette information est répétée deux fois, une fois en lien avec l’or de la ville et une fois en lien avec la place centrale. Dans les deux cas, tout le travail de purification a déjà eu lieu. L’or épuré de toutes ses scories est utilisé dans une partie centrale de la ville. L’or est « comme du verre transparent » (21.21) (« À l’époque de Jean, le verre « transparent » était exceptionnel »), et voilà que l’or est crédité des mêmes qualités que ce verre qui servait à la fabrication des miroirs. Douze pierres précieuses ornent les fondements d’une muraille longue de plus de 9 000 kilomètres. Les douze portes de la ville sont constituées d’une perle chacune, ce qui suggère une perle gigantesque.

4. L’arbre de vie

En Éden, l’arbre de vie est au milieu du jardin et il est entouré de « toutes sortes d’arbres d’aspect agréable et bons à manger » (2.9). L’arbre de la connaissance du bien et du mal semble être à côté de l’arbre de vie, puisqu’ils sont mentionnés l’un à la suite de l’autre. En d’autres termes, l’arbre de vie fait partie d’un ensemble « botanique » essentiellement plaisant, mais pas sans danger. Après la chute, l’accès à l’arbre de vie devient impossible, car Dieu a placé deux chérubins pour empêcher que l’homme ne prenne du fruit de cet arbre et vive éternellement (3.22). Dans la Jérusalem céleste, l’arbre de vie est au milieu de la place de la ville (22.2) et en même temps sur les deux bords du fleuve qui sort de la ville. L’arbre est productif puisqu’il donne douze récoltes par année, autant dire sans interruption. Son fruit est donc disponible 365 jours par an. Aucun autre arbre n’est mentionné, ce qui laisse penser que l’arbre de vie répond à tous les besoins. Les feuilles de l’arbre « servent à la guérison des nations ». Elles ont donc une vertu guérissante pour tous les individus, quelle que soit leur origine ethnique. Il est aisé d’imaginer que ces feuilles soient envoyées au loin en grande quantité, car les feuilles sont beaucoup plus légères que les fruits et se conservent facilement. Une sorte de tisane guérissante pourrait servir aux quatre coins du monde. Notons qu’il n’est pas spécifié qu’elles seront un jour utilisées. En effet, juste après leur mention, il est dit « il n’y aura plus de malédiction » (22.3). Les feuilles semblent être là comme une roue de secours qui ne sera jamais utilisée, car les roues du royaume (si l’on peut s’exprimer ainsi) sont increvables.  En conclusion, l’arbre de vie de la Jérusalem céleste offre une garantie de vie éternelle et de bien-être que rien ne peut entacher.  Notons aussi l’absence de tout arbre « problématique » dans la Jérusalem céleste.

5. Le fleuve qui sort

En Éden, un fleuve sort du jardin pour l’arroser, puis il se divise en quatre bras (2.10-14). Ceux-ci sont nommés (Pichôn, Guihôn, Hiddéqel, Euphrate) et vont entourer diverses régions, dont trois sont identifiées (Havila, Kouch, orient de l’Assyrie). Dans la Jérusalem céleste, une source d’eau de la vie est offerte gratuitement à toute personne qui a soif (21.6). Cette source est identifiée comme un fleuve (22.1). L’eau est « limpide comme du cristal » et « sort du trône de Dieu et de l’Agneau ».

En Éden, le fleuve est là pour arroser, mais tout le monde sait qu’un fleuve n’arrose pas un jardin sans le travail du jardinier. Celui-ci doit canaliser l’eau du fleuve en creusant des tranchées pour irriguer les différentes parties du jardin. En Égypte, par exemple, où il ne pleut pas (une situation analogue à celle d’Éden), le travail d’irrigation est important. Dans la Jérusalem céleste, les habitants ne sont pas confrontés à ce problème, car le seul arbre qui est mentionné (l’arbre de vie) est planté sur les rives même du fleuve. Il puise donc directement l’eau nécessaire à sa production par ses racines. Notons que le fleuve d’Éden a essentiellement des fonctions botaniques, alors que le fleuve de la ville céleste a des vertus apaisantes (il rafraîchit « celui qui a soif » 21.6) et fait fructifier l’arbre de vie qui porte des feuilles guérissantes.

6. Les frontières fluviales et la muraille de Jérusalem

Les quatre cours d’eau qui sont alimentés par le fleuve qui sort du jardin d’Éden forment les frontières naturelles du jardin. L’image qui en résulte est celle d’un monde fermé sur lui-même. D’ailleurs après la chute, l’entrée du jardin est gardée par les chérubins.

La muraille de Jérusalem semble de prime abord former un rempart imposant. La hauteur de l’enceinte est impressionnante : 70 mètres (21.17). Cette première impression est vite dépassée quand on considère la vision dans son ensemble. La Jérusalem céleste n’est menacée par aucun ennemi. Ainsi les portes de la ville n’ont jamais besoin d’être fermées (21.25). D’ailleurs, le texte de l’Apocalypse, avant de décrire la muraille, informe que les méchants de toutes sortes ont été jetés dans l’étang de feu (21.8). Après la description de la muraille, la vision annonce que les nations viennent vers la ville, non pour s’en emparer et la piller, mais pour apporter leur gloire et leur honneur (21.26), c’est-à-dire ce qu’elles ont de meilleur. Jean apprend aussi qu’il n’y a plus de nuit (21.25) et que rien d’impur n’entrera dans la ville (21.27).

La preuve absolue qu’aucun danger ne menace la ville est le fait que la muraille est construite avec des pierres précieuses. Personne ne place ses bijoux sur la clôture de son jardin, car le premier voleur s’en emparerait.  Les bijoux sont placés dans des coffres forts à l’abri des voleurs, mais ici les pierres précieuses sont exposées, car il n’y a plus de voleurs. Les pécheurs ont disparu. Une muraille faite de pierres précieuses n’a donc aucune fonction défensive, mais elle est décorative. On pourrait rétorquer que la muraille est quand même bien haute. Certes, elle est imposante si on la prend isolément, mais quand on la compare à la grandeur de la ville, les 70 mètres de la muraille sont insignifiants par rapport à une ville haute de 2 300 kilomètres ! La muraille est tout juste un cordon décoratif qui prépare le visiteur au ravissement qui le saisira lorsqu’il entrera dans la ville.

7. La lumière sans soleil

Dans le premier récit de création, Dieu révèle que la lumière a été créée le premier jour (1.3-5), alors que les luminaires du ciel (soleil, lunes, étoiles) n’ont été créés que le quatrième jour (1.14-19). La lumière a donc précédé la création du soleil ! À la fin des temps, « la ville n’a besoin ni du soleil ni de la lune pour y briller, car la gloire de Dieu l’éclaire, et l’Agneau est son flambeau » (21.23). Ainsi, dans la première création, les grands astres sont secondaires, et dans la seconde, ils sont inutiles. Dans le récit de la Genèse, aucune explication n’est fournie sur l’existence de la lumière en l’absence du soleil, alors que dans l’Apocalypse, il est révélé que la présence même du Créateur est amplement suffisante pour éclairer les hommes. Celui qui a créé le soleil éclaire par sa seule présence le monde entier.  Lors de la première création, l’absence du soleil n’a duré que trois jours. Dans la nouvelle création, l’absence du soleil et de la lune est permanente.

8. La valeur des hommes

Lors du premier récit de création, les hommes sont présentés comme formant l’apothéose de l’œuvre divine. Ils sont créés « à l’image de Dieu » (1.27), et Dieu dit pour la première fois en considérant son œuvre que « tout cela était très bon » (1.31). Lors de la nouvelle création, Dieu dit à propos de ceux qui habiteront la ville : « Celui qui vaincra héritera ces choses ; je serai son Dieu, et il sera mon fils » (21.7). L’homme passe donc du statut de créature privilégiée et exceptionnelle (Genèse) à celui de « fils »  (Apocalypse). À la fin de toutes choses, il est question « d’héritage », donc de cadeau offert, qui clôt une période importante et annonce une période nouvelle. Dans le premier monde, l’homme est une créature terrestre parmi d’autres. Dans la nouvelle création, il est la seule créature terrestre. Aucune autre n’est mentionnée, aucune n’est autorisée à vivre dans la présence de Dieu et à partager le « tabernacle » divin. Il n’y a pas d’animaux, pas de serpent, même pas d’hommes pécheurs. Le seul animal nommé est « l’Agneau », un titre donné au Christ en référence à son œuvre expiatoire sur la croix.

9. Le lieu de vie

Le lieu de résidence du premier couple est un jardin. Par contre, à la fin de l’Apocalypse, Jean voit une ville cubique de 2 300 kilomètres de côté descendre du ciel. Ainsi entre le début et la fin de la Bible, on passe d’un jardin idyllique à une mégapole. Est-ce vraiment un progrès ?

Aujourd’hui les grandes villes n’ont pas bonne presse, car elles sont le lieu où la pauvreté, la criminalité et la pollution règnent. Les personnes riches préfèrent souvent vivre à la campagne, dans un espace vert. L’idéal écologique moderne n’est pas pour rien dans cet attrait de la campagne, mais la ville reste un pôle d’attraction pour beaucoup en raison des possibilités d’emplois et de la richesse culturelle qui gravite autour des centres humains.

Dans l’Écriture, la communauté humaine est un bienfait. Avoir des enfants est une grâce, et en avoir beaucoup est une grande bénédiction. L’homme aspire à avoir une descendance. Dieu promet à Abraham une postérité aussi nombreuse que les grains de sable au bord de la mer. C’est pourquoi Abraham doit quitter son pays pour aller dans une terre nouvelle où sa descendance pourra vivre. Mais lorsqu’Abraham se retrouve sans enfant dans la terre promise, il se lamente et se dit qu’une terre sans enfants n’a pas de sens. Une famille est une bénédiction et le regroupement familial est souhaitable. La communauté humaine est un lieu de réjouissance ; les fêtes ne se célèbrent pas seul, mais avec les proches, les amis, la famille élargie, la tribu, le clan, l’ethnie, les concitoyens.

La vision d’une ville immense (où le péché et les méchants sont exclus) est le symbole d’un bonheur immense qui attend l’humanité. Le jardin, les plantes, les animaux, un conjoint aimant, c’est bien (comme le souligne la Genèse), mais une ville immense remplie de gens charitables et consacrés à Dieu, membres d’une même famille, tous enfants de Dieu est une perspective encore beaucoup plus réjouissante. La Jérusalem céleste est un lieu de vie encore plus attrayant que le jardin d’Éden.

10. La présence de Dieu

Dans le premier récit de la création (Gen 1.1-2.3), Dieu se manifeste comme le Dieu souverain (Elohim), qui crée et agence le ciel et la terre. Lors du second récit de la création (Gen 2.4-25), Dieu se fait plus personnel. Il parle avec Adam et lui confie des tâches (cultiver et garder le jardin). Il le place aussi devant une interdiction et l’instruit des conséquences dramatiques d’une désobéissance. Dans ce récit, le Créateur est appelé « l’Éternel Dieu » (Yahweh-Elohim). Le nom du Dieu de l’alliance est utilisé (Yahweh). D’une manière générale dans Genèse 1-2, Dieu se révèle (1) comme le maître souverain qui offre un cadre de vie agréable à ses créatures (Gen 1.1-2.3) et (2) comme le Dieu personnel qui fixe aux hommes des objectifs (procréation pour toutes les créatures, et tâches supplémentaires pour l’homme).

Les derniers chapitres de l’Apocalypse contiennent aussi deux versions du nouveau monde (Apoc 21.1-8 ; 21.9-22.5). Cette fois, un homme a l’honneur d’être témoin de l’arrivée du nouveau cadre de vie. (Lors de la première création, c’était impossible, car le premier homme n’a été créé que le sixième jour.) Jean voit la ville sainte descendre du ciel « d’auprès de Dieu ». D’emblée Dieu est étroitement associé à cette ville, car la cité a été réalisée au ciel. On pourrait dire qu’elle est « made in heaven » (faite au ciel). Par contre le jardin d’Éden est planté sur terre ; on dirait « made on earth » (fait sur terre).

Lorsque la ville céleste arrive sur terre, une voix forte s’exprime, mais ce n’est pas pour transformer la ville (car elle est complète), mais pour expliquer à Jean sa signification et son utilité. « Voici le tabernacle de Dieu avec les hommes ». Moïse avait dû construire le tabernacle dans le désert en suivant des instructions précises. Ici, tout est construit. Dieu va vivre avec les hommes, il va habiter avec eux. Dieu n’est donc pas d’abord présenté comme le Dieu souverain qui ordonne, mais comme le Dieu qui vient vivre avec les hommes et leur tient compagnie.  « Il habitera avec eux, et ils seront son peuple, et Dieu sera lui-même avec eux » (21.3). Dans la nouvelle création, Dieu ne fixe pas d’abord des tâches aux hommes, mais il vient les aider et les consoler : « Il essuiera toute larme de leurs yeux, la mort ne sera plus, et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur, car les premières choses ont disparu » (21.4). Il leur offre de l’eau de la vie gratuitement (21.6). Aucune contribution n’est attendue, car tout est grâce. Il n’est pas question d’un salaire ou d’un dû, mais d’un héritage (21.7).

Dans le second récit des nouveaux cieux et de la nouvelle terre (Apoc 21.9-22.5), l’accent est placé sur la ville sainte et sur l’épouse. Le lecteur apprend que le lieu d’habitation des créatures sera un cube immense. Or, « le Saint des saints » dans le temple construit par Salomon était aussi un cube (1 Rois 6.20). Il faut donc comprendre que les hommes vivront non seulement dans la maison de Dieu (« le tabernacle » de Dieu), mais dans la partie la plus sainte de cette maison, le Saint des saints. Les hommes connaîtront Dieu, car ils vivront dans sa présence, et ils verront la « face » de Dieu  (22.4). Le nom de Dieu « sera sur leur front » (22.4). Notons encore que « l’Agneau » de Dieu est mentionné à sept reprises dans la dernière section (21.9-22.5). La consolation et la présence intime avec Dieu et avec l’Agneau ne sont possibles que grâce au sacrifice expiatoire de Jésus-Christ. Dieu et l’Agneau sont indissociables. Ils trônent tous deux dans la ville sainte.

11. L’épouse

Dans les récits de création du début et de la fin de la Bible, l’épouse occupe une position centrale. Dans Genèse 1, la création du premier couple humain clôt l’œuvre du Créateur (2.22-24) et lui permet d’affirmer, quand l’homme et la femme sont créés, que « voici tout était très bon » (1.31). Dans la seconde version du récit de la création en Genèse 2, alors que Dieu a presque tout terminé, le Créateur exprime une réserve : « Il n’est pas bon que l’homme soit seul ; je lui ferai une aide semblable à lui » (2.18). Le récit relève aussi l’insatisfaction d’Adam quand il passe en revue tous les animaux, et c’est seulement lorsque Dieu crée Ève qu’Adam exprime non seulement sa satisfaction, mais son enthousiasme. « Cette fois c’est l’os de mes os, la chair de ma chair. C’est elle qu’on appellera femme, car elle a été prise de l’homme » (2.23) ; en d’autres termes, elle est formidable. Dieu offre le mot de la fin en indiquant le lien qui unira les deux êtres : « C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme, et ils deviendront une seule chair » (2.24). Il y aura une unité profonde (« une seule chair ») et un engendrement (une nouvelle chair sera créée) dans la mesure où il y aura séparation et attachement : séparation du lien de sang (quitter père et mère) pour un attachement volontaire (une alliance nouvelle appelée mariage). Les bases de la multiplication de l’homme (créé à l’image de Dieu) sont mises en place.

Dans l’Apocalypse, l’épouse est le point d’orgue de la nouvelle création. Tout tourne autour d’elle, car la nouvelle Jérusalem n’est autre que « l’épouse, la femme de l’Agneau »  (21.9). « Cette nouvelle Jérusalem » est présentée aussi « comme une épouse qui s’est parée pour son époux ». (21.2). Dans toutes les cultures, les femmes se font ravissantes le jour de leur mariage. Elles s’habillent d’un habit exceptionnel et se parent de bijoux. Dans le cas de la Jérusalem céleste, la muraille est le vêtement de mariage de la ville. De même qu’une muraille entoure une  ville, ainsi une robe entoure le corps d’une femme. La muraille de la Jérusalem céleste est composée de perles et de pierres précieuses, tout comme une épouse se revêt de ses plus beaux bijoux.

La symbolique de la muraille comme vêtement décoratif est encore renforcée quand on réalise que les douze pierres précieuses de la ville rappellent les douze pierres précieuses ornant « le pectoral de jugement », un tissu décoratif de forme carrée suspendu à l’éphod, l’habit d’apparat du souverain sacrificateur. Les douze pierres précieuses étaient placées en trois rangées de quatre pierres (Ex 28.17 ; 39.10-13), ce qui rapproche encore davantage ce collier décoratif de la muraille de Jérusalem constituée de quatre côtés ayant trois ouvertures. Le tissu était assorti à l’éphod (même étoffe) et il était fixé aux anneaux de l’éphod avec un cordon violet, afin que le pectoral soit sur la ceinture de l’éphod et qu’il ne puisse pas se séparer de l’éphod (Ex 28.27-28).

Notons certaines différences quant aux pierres exposées sur l’habit du souverain sacrificateur, et celles composant les fondements des murailles. Sur les douze pierres précieuses de l’habit du sacrificateur, sept (le chiffre exprimant la totalité) sont présentes dans la muraille de Jérusalem et cinq sont nouvelles, une manière de dire que le passé est pris en compte, mais qu’il est aussi renouvelé. La dernière pierre mentionnée sur le pectoral devient la première à être mentionnée dans les fondements de la muraille, une autre manière de dire que les choses dernières seront les premières.

Concernant le pectoral et l’éphod, notons encore que « les noms des fils d’Israël » étaient gravés sur le pectoral (Ex 28.29). Ils étaient aussi gravés sur deux pierres qui étaient fixées sur les épaulettes de l’éphod. Or, sur les portes de la Jérusalem céleste (c’est-à-dire au-dessus des portes), il y a le nom glorieux des douze tribus d’Israël (21.12). Ainsi, les portes de la ville rappellent les épaulettes du souverain sacrificateur. Pour terminer, signalons que la muraille est construite sur le fondement qui porte le nom des douze apôtres (21.14). Ainsi, la muraille de la Jérusalem céleste n’est pas seulement ornée de pierres précieuses formées de minerais, mais elle est aussi ornée du nom précieux des fondateurs du passé, tant d’Israël que de l’Église. En résumé, la muraille de Jérusalem représente en même temps l’habit d’une épouse ornée pour rencontrer son époux, et en même temps l’habit d’apparat du souverain sacrificateur, l’homme le plus saint et le plus consacré en Israël.

L’identité de l’épouse est indiquée de plusieurs manières. Comme cela a été relevé, l’épouse est « la femme de l’Agneau ». Les noms sur les portes de la muraille identifient aussi la ville, de la même manière que le nom d’un bâtiment est fixé sur sa devanture. De plus, les noms liés aux fondements de la muraille permettent aussi d’identifier la ville-épouse. Ainsi, la Jérusalem céleste représente le lieu d’habitation de tous les croyants de l’ancienne et de la nouvelle alliance, les croyants qui ont été rachetés par le sang de l’Agneau, soit de manière anticipée, soit a posteriori.

12. La transparence

Une dernière caractéristique de la muraille mérite encore d’être relevée. La muraille est faite, partiellement en tout cas, de matériaux transparents. Quand la ville descend du ciel, Jean relève qu’elle a « un éclat semblable à celui d’une pierre très précieuse, d’une pierre de jaspe transparente comme du cristal » (21.11). Plus loin, l’apôtre note que « la muraille était construite de jaspe » (21.18). Cela peut surprendre qu’une muraille soit (partiellement) transparente et cela peut surprendre encore plus si la muraille symbolise un habit. Un habit transparent laisse apparaître la nudité. Un tel vêtement, s’il existe, semble totalement inapproprié pour une épouse qui va se marier. Mais la « nudité » de l’épouse de l’Agneau n’est pas nécessairement négative. Elle rappelle la nudité d’Ève dans le jardin d’Éden. Adam et Ève étaient nus avant la chute et n’en avaient point honte. Mais après la chute, tout change, et Adam et Ève cherchent à cacher leur nudité. La nudité dans le jardin d’Éden doit être comprise comme une caractéristique de l’innocence et de la pureté.  Adam et Ève n’avaient rien à cacher. Par contre, après le péché, ils ont peur de Dieu et se cachent derrière les arbres et derrière les feuilles de figuier qu’ils ont cousues ensemble en guise de ceinture. La Jérusalem céleste a une muraille partiellement transparente, car la ville n’a rien à cacher. Il n’y aucun mal dans la ville.

* * *

Pour terminer, relevons que si le mariage instauré dans la Genèse consiste en une séparation (du père et de la mère) et une union (entre conjoints), dans l’Apocalypse, l’épouse de l’Agneau est formée des individus qui ont quitté le monde ancien (celui du péché) pour s’attacher à Jésus-Christ. Entre le début et la fin de la Bible, on passe du mariage humain, au « mariage » divin. Il n’y a pas à dire, le paradis surclasse Éden.

 


La Bible nous présente le paradis comme une nouvelle terre avec un nouveau ciel. Nous passerons une éternité active dans ce nouvel univers. Nous nous demandons parfois, si nous nous reconnaîtrons dans l’éternité. Pourrons-nous identifier notre conjoint, nos enfants, nos parents, nos amis ?

En un mot, la réponse est : absolument ! La Bible présente sept indices qui militent en faveur de notre reconnaissance réciproque sur la nouvelle terre.

  1. Contrairement aux spiritualités bouddhistes, pour lesquelles la notion de « moi », d’identité, est une illusion dont il faudrait se débarrasser, l’Écriture enseigne la continuité de l’existence. L’être humain créé à l’image de Dieu a de la valeur et continue d’exister pour l’éternité — soit dans la présence de Dieu, soit séparé de Dieu.
    Quand Job, dans son contexte de souffrances, réfléchissait à son avenir, il a confessé sa confiance en sa résurrection future. Il s’exclama : « Je sais que mon Rédempteur est vivant, et qu’il se lèvera le dernier sur la terre. Quand ma peau sera détruite, il se lèvera ; après que ma peau aura été détruite, moi-même je contemplerai Dieu. Je le verrai, et il me sera favorable ; mes yeux le verront, et non ceux d’un autre ; mon âme languit d’attente au-dedans de moi. » (Job 19.25-27) On perçoit l’absolue certitude de Job dans la continuation de son existence en tant que Job, avec ce qu’il a vécu, ce qu’il a connu, lui, en personne.
  1. Quand Dieu se présente comme le « Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob », ces hommes sont morts. Mais ils existent devant Dieu en tant qu’êtres humains identifiables. Jésus ajoute d’ailleurs immédiatement : « Dieu n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants. » (Marc 12.27) Ces patriarches vivent dans la présence de Dieu avec leur nom, leur identité.
  2. Quand Lazare est porté dans le sein d’Abraham, il avait la forme… de Lazare ! Le riche l’a reconnu sans difficulté.
  3. Quand Jésus a été transfiguré, Moïse et Élie sont apparus et les disciples ont perçu que ces deux grands hommes du passé étaient en face d’eux, alors que, bien sûr, ils ne les avaient jamais vus auparavant. Ont-ils été présentés ? En tout cas Moïse et Élie existent encore dans leur identité, et cela nous fait penser que l’on pourra se reconnaître. Par quel mécanisme ? Par une intuition qui aujourd’hui nous échappe ? Nous ne le savons pas. Mais nous pourrons fréquenter des croyants d’autrefois en tant que personnes qui ont eu un certain vécu et certaines relations.
  4. Quand Jésus est ressuscité, les disciples l’ont reconnu, ils ont mangé avec lui, discuté avec lui.[note] Le fait que les disciples d’Emmaüs ne reconnaissent pas Jésus n’infirme pas le point. Miraculeusement, « leurs yeux étaient empêchés » dans une démarche pédagogique voulue par Jésus pour les faire progresser.[/note]
  5. Lorsque le voile se lève en Apocalypse 6.9-11 sur les morts qui attendent la résurrection, on perçoit qu’ils sont conscients de ce qui leur est arrivé : « Jusqu’à quand, Maître saint et véritable, tarderas-tu à juger, et à tirer vengeance de notre sang sur les habitants de la terre ? » Ils prient pour que justice soit faite face à ce qu’ils ont subi ici-bas.
  6. Le passage par la mort indique une continuité de notre existence intime et personnelle : « Nous sommes pleins de confiance, et nous aimons mieux quitter ce corps et demeurer auprès du Seigneur » (2 Cor 5.8).

Nous nous reconnaîtrons, c’est certain. Nous pourrons demander à Daniel ce qu’il avait compris des visions qu’il rapporte, discuter avec Abraham sur ce qu’a été pour lui le départ vers l’inconnu, se réjouir avec Jérémie que ses lamentations aient pris fin, échanger avec Calvin pour clarifier des points obscurs de ses écrits !

Il me semble que, tout en gardant le souvenir de nos liens, nous ne resterons pas dans ces liens. Avec ma femme et nos enfants nous serons, j’imagine, dans une proximité affective particulière (l’amour ne cesse pas avec le paradis), mais la nature de ces relations aura changé. La Bible ne précise pas davantage, mais nous serons, fondamentalement, des frères et sœurs, des cohéritiers de Jésus-Christ.

Bien entendu, il n’y aura plus de péché. À ce titre, j’ai de la peine à m’imaginer ce que je serai, et ce que seront mes proches. Les rapports seront radicalement transformés. Nous serons passés par le tribunal de Christ ; tous les conflits que nous aurons pu vivre auront été résolus. Nos cœurs auront été transformés par la résurrection. Nous aurons été consolés des douleurs de la vie et nous pourrons nous regarder d’une manière différente, nouvelle, totalement apaisée.

Quel bonheur de former tous ensemble, une famille parfaite, un peuple de toutes nations, qui aime Christ, dans un monde qui ne connaîtra ni guerre, ni racisme, ni égoïsme, ni domination… dans un amour parfait et complet à l’image de celui de Christ. C’est ce qui rend le paradis indescriptible !

Sophonie 3.9 annonce : « Alors je donnerai aux peuples des lèvres pures, afin qu’ils invoquent tous le nom de l’Éternel, pour le servir d’un commun accord. » Quelle belle perspective nous attend ! La place que Jésus nous prépare sera heureuse, joyeuse et pleine de satisfactions dans les relations que nous aurons les uns avec les autres. Cela doit nous donner le désir de nouer plus fortement dès maintenant des liens entre nous, anticipant cette dimension de l’éternité… et aussi de continuer à prier pour nos proches, ceux que nous aimons, et qui n’ont pas accepté Christ dans leur vie.


Définition du ciel

Le mot ciel, ou paradis, est utilisé plus de 580 fois dans la Bible dans plus de 550 versets. Le mot hébreu shamayin veut littéralement dire les hauteurs. Le mot grec ouranos, duquel dérive le nom de la planète Uranus, décrit ce qui est élevé ou haut.

Le passage de 2 Cor 12.3, où Paul parle de son ravissement jusqu’au troisième ciel peut troubler certains. Il n’y a pas trois ciels dans le sens de trois paradis. En fait, lorsque la Bible utilise le mot ciel, elle décrit trois choses différentes :

– Le premier ciel : l’atmosphère où volent les oiseaux,

– Le deuxième ciel : l’espace, là où vont les fusées, où se trouvent les planètes,

– Le troisième ciel : la demeure de Dieu où habitent les anges de Dieu et les saints décédés  (2 Cor 12.2).

Comment Dieu peut-il habiter le ciel lorsqu’on sait qu’il est omniprésent c.-à-d. qu’il est partout (Ps 139.8) ? La Bible explique que le ciel est sa demeure particulière, sa base d’opérations. C’est l’endroit où se trouve son trône et où se tient l’adoration la plus parfaite : « Car ainsi parle le Très-Haut, […] j’habite dans les lieux élevés et dans la sainteté » (És 57.15) ; « Notre Père qui es aux cieux ! Que ton nom soit sanctifié » (Mat 6.9)

Le ciel est-il limité dans l’espace et dans le temps ? La Bible enseigne que le ciel est réellement un endroit où nous habiterons, mais en même temps le ciel est un endroit qui n’est pas limité dans l’espace. Il semble être un endroit dont le pourtour est inexistant, sans fin ; une autre dimension pour ainsi dire.

Lorsque la Bible nous parle du ciel, elle utilise diverses expressions pour décrire le même endroit :

– Le nouveau ciel et la nouvelle terre (Apoc 21.1,5)

– Le paradis (Apoc 2.7 ; Luc 23.43)

– Le tabernacle de Dieu (v. Apoc 21.3)

– La patrie céleste (Héb 11.13-16)

– La montagne de Sion (Héb 12.18-24)

– Le ciel ou les cieux (Matt 6.9-10 ; 20)

– Le royaume céleste (2 Tim 4.18)

– En haut (Col 3.1-2)

– La maison du Père (Jean 14.2-3)

– La demeure du Très-haut (Ps 46.5)

– Devant le trône (1 Rois 22.19)

– Auprès du Seigneur (2 Cor 5-6-8)

Une des expressions les plus courantes pour décrire le ciel est la nouvelle Jérusalem, la cité céleste (Apoc 21-22). Au ciel, la nouvelle Jérusalem est le centre de vie pour les rachetés ; elle est en quelque sorte la capitale du ciel.  C’est pourquoi la Bible prend tellement de temps pour la décrire.


La mort est un sujet qui nous concerne tous, parce que tôt ou tard, chaque individu doit mourir ! La question fondamentale qui taraude au fond chaque être humain est : « Où passerai-je l’éternité ? »

Ce sujet est complexe, car le N.T. traite, parfois dans les mêmes versets, à la fois le destin de ceux qui ont accepté Jésus-Christ comme leur sauveur et celui de ceux qui ne l’ont pas accepté.

Rappelons qu’on peut considérer l’être humain, créé par Dieu, comme composé de trois parties : une matérielle — le corps — et deux immatérielles — l’âme et l’esprit (1 Thes 5.23)[note]Le sujet est complexe, car la Bible emploie parfois les mots « âme » et « esprit » pour désigner l’ensemble de la personne ou l’ensemble de sa partie immatérielle. Seuls quelques textes distinguent clairement l’un de l’autre (ex : Héb 4.12)[/note]. Selon cette compréhension, l’âme est cette partie immatérielle qui anime le corps de l’individu[note]La Bible affirme que l’homme est une âme (Gen 2.7 ; Act 2.41) et qu’il possède une âme (Lév 17.11, 14 ; Mat 10.28). L’âme est capable de vivre des expériences très différentes (Job 30.16 ; Ps 43.5 ; 2 Rois 4.27)[/note]. L’« esprit » désigne la partie spirituelle de l’homme (Nom 16.22 ; Héb 12.9)[note]Voir Ps 77.7 ; 1 Rois 21.5 ; Ps 32.2 ; Ecc 7.8-9 ; Mat 5.3 ; Gal 6.1 ; Rom 1.9 ; 8.6[/note] ; le salut en Christ (Act 2.21 ; 4.12) concerne en premier lieu notre esprit[note]Les versets suivants appuient fortement cette idée : Jean 3.6 ; Rom 1.9 ; 8.5-6, 16, 23 ; 1 Cor 5.5 ; 6.17 ; Gal 5.25 ; Éph 3.16[/note].

  1. Pourquoi l’homme meurt-il ?

En remontant à l’origine de l’humanité, la Genèse révèle que le premier couple avait désobéi à la volonté du Créateur : c’est le péché. Il avait outrepassé la règle du « comment vivre correctement par rapport à lui » (Gen 2-3) ; la conséquence en fut la « mort ». La Bible décrit trois types de mort :

  1. La mort physique, générale pour tous, est la séparation entre la partie immatérielle de l’homme et son corps (Job 14.10 ; 24.24 ; Rom 5.12 ; 6.23).
  2. La mort spirituelle, générale pour tous, est la séparation de l’homme avec Dieu ; elle concerne la partie immatérielle de l’être (Gen 2.17 ; Éph 2.1).
  3. La « seconde mort » sera la séparation éternelle de l’individu d’avec Dieu (Mat 10.28 ; Apoc 2.11 ; 20.14–15 ; 21.8).

 

Chaque homme, chaque femme, est atteint par la mort physique et par la mort spirituelle mais seuls ceux qui refusent Jésus-Christ comme leur sauveur personnel subiront éternellement la « seconde mort » (Apoc 21.8). En croyant en Christ, l’homme passe « de la mort à la vie » (Jean 5.24), c’est-à-dire qu’il n’est plus mort spirituellement  (Éph 2.5). Le chrétien acquiert ainsi la vie éternelle et, même s’il connaît encore la mort physique, il ne connaîtra pas la seconde mort.

  1. Où résident l’âme et l’esprit de chaque l’individu après la mort ?

Cet état est appelé par les théologiens « l’état intermédiaire ». L’expression n’est pas biblique mais exprime réellement la condition de l’individu (l’âme et l’esprit), entre les deux expériences inévitables que sont la mort et la résurrection corporelle. Le « lieu de résidence » de chacun dépend de la décision prise consciemment pendant sa vie terrestre.

Les Saintes Écritures enseignent très clairement et d’une manière incontestable où vont les perdus et les sauvés.

2.1. Les perdus

Tous ceux qui, pendant leur vie sur la terre, n’ont pas « fait la paix » avec Jésus, le reconnaissant comme seul Sauveur (Jean 3.3-8), vivent cet état intermédiaire en restant conscients (2 Pi 2.9b). Jésus décrit lui-même cet état dans Luc 16.19-31 : au travers du riche, ce passage dévoile la condition de l’âme et de l’esprit de celui qui a rejeté Christ en attendant son jugement final.

Le jugement final et éternel sera proclamé au moment du grand trône blanc après le millénium (Apoc 20.11-15). Il sera terrible, certain et éternel[note]Voir És 13.11,13 ; Soph 3.18b ; Héb 10.30-31 ; 2 Pi 2.4-7,9b-10 ; Apoc 6.15 ; Apoc 14.11 ; 19.3[/note]. Tous les morts, sans distinction d’âge, de classe sociale et d’origine, qui n’auront pas accepté Jésus-Christ comme seul Sauveur, seront ressuscités pour être jugés devant le trône de Dieu. Celui qui est assis sur ce trône comme juge est le Seigneur Jésus-Christ (Jean 5.22,27 ; Act 10.42 ; 17.31). « Et les morts [ceux sans la vie de Christ] furent jugés selon leurs œuvres, d’après ce qui était écrit dans ces livres. » (Apoc 20.12) Quelles œuvres ? De bonnes œuvres ? Croire qu’au travers de ce texte, le salut peut venir des œuvres est impossible  : de nombreux textes l’attestent : « C’est par la grâce que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi. Et cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu. Ce n’est point par les œuvres, afin que personne ne se glorifie. » (Éph 2.8-9, cf. Rom 3.28 ; Jean 3.19).

Ainsi, cet état intermédiaire ne permet pas « une deuxième chance » après la mort physique pour se « re-préparer » à aller au ciel  : « Il est réservé aux hommes de mourir une seule fois, après quoi vient le jugement. » (Héb 9.27, cf. Ecc 12.16). On ne trouve dans la Bible aucun élément qui appuierait l’idée d’une seconde chance.

Plusieurs interprétations fautives de l’état intermédiaire sont avancées :

  1. Le purgatoire : Cette hypothèse trouve son origine dans une invention des savants juifs[note]Voir le livre apocryphe de 2 Maccabées (12.42-45), écrit autour de 165 av. J.-C. et qui suggère qu’il pourrait exister une place temporelle de punition puis de purification des péchés en vue d’être admis plus tard au ciel. Ce livre n’est pas reconnu comme canonique par les juifs et les protestants et les catholiques ne l’ont inclus que tardivement, après la Réforme, lors du Concile de Trente[/note]. Elle suggère que les âmes des défunts en état de grâce et assurés du salut éternel, vont dans un lieu de purification afin d’y expier les péchés dont ils n’ont pas fait suffisamment pénitence avant leur décès. Elle n’a jamais fait partie de la doctrine de l’A.T. ni de celle du N.T., ni des croyances des premiers chrétiens. Cette spéculation fut affirmée comme « vérité absolue » par Rome après le Concile de Trente, dans une bulle papale rédigée en 1564 apr. J.-C. et que tout catholique devrait obligatoirement accepter pour éviter « l’anathème éternel ».
  2. Le sommeil de l’âme: Selon cet enseignement, quand une personne meurt, son âme « dort » jusqu’au moment de la résurrection future. Dans cette condition, la personne n’est pas consciente.

Les Adventistes du septième jour enseignent que l’âme est simplement inerte et réside dans la mémoire de Dieu. Les versets utilisés pour soutenir ce sommeil de l’âme sont tirés de l’Ecclésiaste :

– « Les vivants, en effet, savent qu’ils mourront ; mais les morts ne savent rien, et il n’y a pour eux plus de salaire, puisque leur mémoire est oubliée. » (Ecc 9.5)

– « … avant que la poussière retourne à la terre, comme elle y était, et que l’esprit retourne à Dieu qui l’a donné. » (Ecc 12.9)

Or l’Ecclésiaste doit être compris à la lumière de son point de vue, indiqué en introduction du livre, « Paroles de l’Ecclésiaste, fils de David, roi de Jérusalem. Vanité des vanités, dit l’Ecclésiaste, vanité des vanités, tout est vanité. Quel avantage revient-il à l’homme de toute la peine qu’il se donne sous le soleil ? » (Ecc 1.1-3). L’auteur nous raconte comment les choses se déroulent du point de vue humain (« sous le soleil »). Il ne fait aucune déclaration doctrinale quant à l’existence de l’âme au-delà la mort.

En outre, à la transfiguration de Jésus (Mat 17.1-8), Moïse et Élie apparaissent avec Jésus, bien vivants. Nul sommeil de l’âme pour eux. Lorsque Jésus parle au criminel crucifié à son côté, il lui dit : « En vérité, aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis. » (Luc 23.43) Certains insinuent que Jésus évoquait par là une situation temporaire limitée au jour même de la crucifixion (« aujourd’hui »). Rien dans le texte n’étaye cette supposition. Jésus disait simplement au criminel qu’il serait avec Jésus en tant que personne au paradis.

En conclusion, l’âme continue à exister après la mort dans un état de conscience.  Les méchants commenceront à affronter le jugement de Dieu, et les chrétiens habiteront en sa présence.

  1. L’annihilation temporaire : Selon cette doctrine, après la mort, la personne cesse d’exister, y compris dans sa partie immatérielle. À la résurrection future, l’âme est créée à nouveau. Par la suite, les bons entrent dans le règne terrestre de Christ. Cette version est soutenue par les Témoins de Jéhovah.

Si jamais un lecteur n’était pas sûr de sa destinée, je termine cette section par un appel sincère : qu’il se repente et qu’il croie en Jésus-Christ, en le recevant comme seul et unique sauveur, qui a souffert et qui a payé sa dette à la croix (Apoc 3.20).

2.2. Les sauvés

La doctrine de l’état intermédiaire du croyant est dynamique et rafraîchissante, car elle fortifie la foi de celui qui est sauvé : il va vivre avec Dieu pour l’éternité. Cette doctrine est abordée dans peu de textes, qui, de plus, sont épars à travers le N.T. Le N.T. nous enseigne tout ce que le Seigneur veut que nous sachions ! Il se peut que cette dispersion et cette rareté soient dues au fait que les premiers chrétiens s’attendaient à un retour imminent du Seigneur (Apoc 2.16 ; 3.11 ; 22.20). Notre tâche est donc de les réunir et d’essayer d’en faire une synthèse cohérente.

Pour ceux qui, pendant leur vie, ont sincèrement accepté Jésus comme Sauveur, cet état intermédiaire de leur âme et de leur esprit sera la suite logique de leur conversion et de leur mort physique. Un corps, parfait et incorruptible — l’élément manquant dans cet état intermédiaire — leur sera restitué plus tard, au moment de la résurrection  (1 Cor 15.42,52). C’est sur cet aboutissement final que le N.T. met surtout l’accent.

Au moment de sa mort, le croyant entre, par son esprit et son âme, dans la présence du Seigneur (2 Cor 5.8). Il est totalement conscient de son environnement là-haut et attend l’enlèvement futur des croyants encore vivants  (1 Thes 4.13-18).

Le lieu où il est

– Il se trouve dans la présence de Christ (Phil 1.23).

– Il entre dans le paradis (2 Cor 12.2-4a).

– Il est dans le royaume céleste de Dieu (2 Tim 4.18).

– Il réside dans la maison de l’Éternel pour l’éternité (Ps 23.6).

– Il est dans la présence de la gloire de Dieu (Ps 73.23-24).

Ce qu’il est

– Il se repose de ses labeurs terrestres (Apoc 14.13).

– Par analogie avec la situation de l’homme riche de Luc 16.19-31, il est conscient des circonstances (v. 23-24), des souvenirs (v. 27-28) et sujet à un raisonnement rationnel (v. 30, cf. Apoc 6.9-11).

– Il est conscient de la présence d’autres sauvés, « les esprits des justes parvenus à la perfection » (Héb 12.23).

– Il retrouve les croyants de l’A.T. qui ont eu foi par avance dans le Messie (voir Nom 20.24a).

– Il vit en paix (És 57.1-2a).

– Sa nouvelle existence « spirituelle » est un gain (Phil 1.21).

– Il reste assuré de l’amour de Jésus-Christ dont rien ne peut le séparer (Rom 8.38-39).

Dans cet état intermédiaire, l’absence de corps limite l’activité du croyant. S’il n’est pas inconscient, il n’est pas encore dans la situation future où il sera éternellement au service de son Dieu (Apoc 22.3).

La « réunion » de l’âme et de l’esprit du croyant avec son corps ressuscité aura lieu lors de la résurrection des corps (voir les descriptions de 1 Thes 4.13-18, 1 Cor 15.51-57 et Jean 14.1-3). Il est impossible ici-bas de savoir tout ce que l’éternité réserve au sauvé, lorsque le corps, l’âme et l’esprit seront réunis au moment de la résurrection.  Ce moment exceptionnel et futur de cette réunion des trois « composantes » de l’être du chrétien ne peut pas être décrit en détail ; il doit donc se dire : « Je ne sais pas quand ce moment arrivera, et je dois vivre en conséquence ! »

 

  1. La mise en pratique de ces vérités dans le quotidien

La doctrine biblique n’est ni stérile, ni inapplicable, ni purement intellectuelle. Au contraire, elle est d’une importance capitale pour la croissance spirituelle.  J’encourage tout croyant sauvé à s’appuyer sur les deux doctrines développées dans cette étude afin de sanctifier leur vie en Christ ici-bas :

  • Il peut remercier continuellement Dieu le Père et Jésus-Christ pour la grâce qu’il a déjà obtenue d’être arraché au jugement et à l’enfer.
  • Il peut se fortifier pendant toutes ses épreuves sachant qu’une vie meilleure l’attend là-haut.
  • Il peut se réjouir de savoir qu’il verra Dieu lui-même dans toute sa gloire.
  • Il peut se réjouir que son « état intermédiaire » sera presque comme l’éternité, dans l’attente de son nouveau corps.


Il y avait un homme riche, qui était vêtu de pourpre et de fin lin, et qui chaque jour menait joyeuse et brillante vie. Un pauvre, nommé Lazare, était couché à sa porte, couvert d’ulcères, et désireux de se rassasier des miettes qui tombaient de la table du riche ; et même les chiens venaient encore lécher ses ulcères. Le pauvre mourut, et il fut porté par les anges dans le sein d’Abraham. Le riche mourut aussi, et il fut enseveli. Dans le séjour des morts, il leva les yeux ; et, tandis qu’il était en proie aux tourments, il vit de loin Abraham, et Lazare dans son sein. Il s’écria : Père Abraham, aie pitié de moi, et envoie Lazare, pour qu’il trempe le bout de son doigt dans l’eau et me rafraîchisse la langue ; car je souffre cruellement dans cette flamme. Abraham répondit : Mon enfant, souviens-toi que tu as reçu tes biens pendant ta vie, et que Lazare a eu les maux pendant la sienne ; maintenant il est ici consolé, et toi, tu souffres. D’ailleurs, il y a entre nous et vous un grand abîme, afin que ceux qui voudraient passer d’ici vers vous, ou de là vers nous, ne puissent le faire. Le riche dit : Je te prie donc, père [Abraham], d’envoyer Lazare dans la maison de mon père ; car j’ai cinq frères. C’est pour qu’il leur atteste ces choses, afin qu’ils ne viennent pas aussi dans ce lieu de tourments. Abraham répondit : Ils ont Moïse et les prophètes ; qu’ils les écoutent. Et il dit : Non, père Abraham, mais si quelqu’un des morts va vers eux, ils se repentiront. Et Abraham lui dit : S’ils n’écoutent pas Moïse et les prophètes, ils ne se laisseront pas persuader même si quelqu’un des morts ressuscitait. (Luc 16.19-31) 

Le texte de Luc 16.19-31 laisse volontiers le lecteur perplexe : quels sont les éléments à prendre littéralement et ceux qui ressortent de l’allégorie ? quelles conclusions en tirer sur les sorts éternels des âmes ? etc.

Jetant une lumière assez unique sur ce qui se passe après la mort, ces paroles de Jésus, à la fois prenantes et solennelles, revêtent une importance capitale ; aussi allons-nous essayer de répondre à certaines des interrogations qu’elles soulèvent.

Quelle est la base du salut ?

À première lecture, selon la réponse d’Abraham (16.25), il semblerait que ce texte postule une inversion des rôles dans l’au-delà  : le riche a eu son plaisir sur la terre et il paye ensuite ; le pauvre voit ses malheurs présents contrebalancés par une éternité bienheureuse[note] Le « sein d’Abraham », dans lequel est porté Lazare, symbolise la félicité et la proximité des élus dans le banquet messianique attendu par les Juifs. Les repas de fête se prenaient couché sur des lits bas ; le convive le plus honoré se trouvait allongé à côté du maître de maison, sa tête étant alors près de la poitrine de ce dernier. C’était la place de Jean l’évangéliste lors de la dernière Pâque (Jean 13.23). Dans la symbolique juive, Abraham présiderait le banquet messianique (cf. Mat 8.11 ; Luc 13.28).[/note]. Le salut ou la perdition ne seraient-ils alors qu’une contrepartie au sort actuel ?

Il nous faut néanmoins dépasser cette lecture :

– L’ensemble de la révélation biblique va à l’encontre d’une automaticité de cette inversion. Il a existé et il existe des croyants riches et des pauvres impies.

– La fin du récit précise que le seul moyen pour les frères du riche de ne pas le rejoindre dans le lieu de tourments est d’écouter Moïse et les prophètes — en d’autres termes, d’accorder foi à la révélation qu’ils ont reçue. Et s’ils écoutent, leur richesse n’est pas un obstacle.

Évitons cependant d’esquiver la difficulté de la lecture : l’évangéliste Luc stigmatise souvent les riches : « Malheur à vous, riches, car vous avez votre consolation ! » rapporte-t-il dans sa version du sermon sur la montagne (Luc 6.24). Le contexte immédiat de ce récit pointe vers la même dénonciation : la parabole de l’économe infidèle (16.1-13) était destinée à attirer l’attention des disciples sur le danger de la poursuite des richesses : « Vous ne pouvez pas servir Dieu et Mammon. » (16.13) Et l’avarice des pharisiens est lié à la permanence d’une loi qu’ils ne mettaient pas en pratique (16.14-18). Contrairement à la pensée largement répandue chez les Juifs, la richesse n’était pas forcément un signe de la bénédiction divine et la pauvreté une preuve de leur éloignement de Dieu.

Si le riche avait vraiment écouté la loi et les prophètes, il lui aurait été impossible de continuer à festoyer alors que Lazare restait dans le dénuement total  : tant la loi (Deut 15.4) que les prophètes (pensons à Amos) s’insurgeaient devant une piété qui ne s’accompagnait pas d’un souci des pauvres. Ainsi, par son absence totale de considération pour Lazare (qu’il connaît bien, puisqu’il le nomme facilement dans la suite), le riche démontre qu’il n’a pas la foi dans la révélation de l’A.T. qui était à sa disposition. C’est pour cela qu’il est envoyé dans les tourments.

Ce récit porte donc l’attention sur les œuvres qui doivent immanquablement accompagner la foi pour qu’elle soit réelle.  Malgré son insistance par ses trois « Père Abraham », le riche n’était pas automatiquement fils d’Abraham, le père des croyants ; la naissance ou la bénédiction extérieure ne sont pas une garantie pour l’au-delà : seule la foi confiante, dont le nom du pauvre Lazare témoigne[note]Le nom « Lazare » signifie « celui à qui Dieu vient en aide ».[/note].

Quelle est la nature des tourments ?

La situation exacte des incrédules après la mort reste mystérieuse. Selon Apocalypse 20.11-15, le sort final ne sera scellé qu’après la seconde résurrection de jugement (cf. Jean 5.29). Toutefois, d’après notre récit, il semble bien que les « tourments » commencent immédiatement après la mort.

La première demande du riche concerne sa soif. Le texte la dépeint littéralement ; nous pouvons aussi y voir plus symboliquement l’aridité d’un cœur sans Dieu. Créé à son image, tout homme pécheur a en lui-même, qu’il en soit conscient ou non, une soif que seule une relation vivante avec Dieu peut étancher  (cf. Jean 4.13-14). Tragiquement, le riche ne souhaite pas aller vers Abraham, mais apaiser sa soif là où il est — ce qui, par principe, est impossible, étant donné qu’il est loin de Dieu.

La deuxième source de tourments est sans doute le souvenir des occasions manquées. Abraham lui rappelle le sort privilégié qui fut le sien et les maux qui accablaient Lazare. Peut-être les « pleurs », si souvent associés par Jésus à l’enfer (Mat 8.12 ; 13.42,50 ; 22.13 ; 24.51 ; 25.30 ; Luc 13.28), font-ils référence aux regrets qui tourmenteront ceux qui auront laissé « passer le temps ».

Une autre source de tourments est décrite ailleurs, en parallèle avec les pleurs : les « grincements de dents ». Cette image semble faire allusion à une révolte et une rage qui continueront éternellement. Le riche semble ici bien poli envers Abraham, mais il le contredit pourtant : même en enfer, il préfère sa théologie à celle du patriarche !  De plus, il continue de se considérer très au-dessus de Lazare, à peine bon à venir l’aider maintenant : quelle ironie, alors que sur terre il n’a pas aidé « celui que Dieu aide » ! Son identité profonde repose dans sa richesse, son statut et même là, les leçons qui nous semblent évidentes à la lecture ne sont pas apprises — et elles ne le seront jamais.

Y a-t-il une seconde chance ?

Un même sort atteint tous les hommes : la mort (Ecc 3.19). « Il est réservé aux hommes de mourir une seule fois, après quoi vient le jugement. » (Héb 9.27) Que Lazare meure, quoi de plus normal : il était bien malade, avec ses ulcères. Mais le riche « aussi » mourut. Que l’enterrement du second ait été somptueux n’influe en rien : Lazare va d’un côté, dans la bénédiction, et le riche dans la flamme.

Rien dans ce texte — pas plus que dans le reste de l’Écriture — ne laisse suggérer qu’il puisse y avoir une seconde chance : le « grand abîme » qui sépare les deux groupes est infranchissable dans les deux sens,  Abraham est formel. « Si un arbre tombe, au midi ou au nord, il reste à la place où il est tombé. » (Ecc 11.3)

De façon surprenante, le riche ne demande pas d’aller vers le lieu de la félicité de Lazare : il préfère que ce dernier vienne de son côté ! Même dans les tourments, le désir de Dieu n’existe pas plus qu’autrefois.

Un point positif pourrait cependant être mis au crédit du riche : son souci des siens. Serait-ce un indice ténu de meilleurs sentiments ? Malheureusement, il témoigne encore de son égoïsme : peu importe que Lazare jouisse maintenant du repos ; il n’est bon qu’à aller vers la propre famille du riche.

Non seulement il n’y a pas de seconde chance possible, mais serait-elle même proposée, elle serait refusée  : « l’enfer est simplement l’identité qu’un être humain choisit librement d’avoir en dehors de Dieu, sur une trajectoire qui mène à l’infini »[note]Tim Keller, La raison est pour Dieu, CLE, p. 103[/note]. L’égoïsme et la suffisance du riche continuent dans l’au-delà. C.S. Lewis disait : « En chacun de nous, il y a quelque chose qui grandit et qui sera l’enfer s’il n’est pas tué dans l’œuf. »[note]Cité dans Tim Keller, La raison est pour Dieu, CLE, p. 104[/note]

Que pouvons-nous faire après avoir lu ce texte ?

  1. Croire au sérieux des tourments éternels

Qu’il est difficile aujourd’hui de croire, et plus encore, d’affirmer qu’il y a un enfer ! Des chrétiens évangéliques sérieux, choqués par la perspective des peines éternelles mais désireux d’éviter le travers universaliste ambiant selon lequel « nous irons tous au paradis », ont cherché des échappatoires :

– l’annihilationisme stipule que le châtiment des incrédules s’arrêtera par un anéantissement pur et simple ;

– le restaurationnisme prétend que tous seront finalement sauvés après une période de châtiment ;

– le conditionalisme postule que l’âme ne continue à exister qu’à condition d’avoir reçu la vie éternelle.

Malheureusement, notre texte n’offre de support à aucune de ces trois théories. Les tourments sont et seront une épouvantable réalité. Jésus est venu apporter l’amour de Dieu, mais il est aussi celui qui a le plus parlé de l’enfer… et il nous est impossible de « trier » les paroles de celui qui est « la vérité ». Acceptons de soumettre humblement notre esprit à ce qu’il nous révèle, si dure que cette perspective nous paraisse.

  1. Prêcher la Parole

Abraham est très clair : un retour du royaume des morts n’emporterait pas la conviction. Un autre Lazare est d’ailleurs revenu des morts à la même période et la réaction des chefs des Juifs n’a pas été de croire en Jésus, mais de chercher à faire mourir à nouveau Lazare (Jean 12.10) ! Un miracle en tant que tel n’a pas de pouvoir salvateur, pas plus qu’une soi-disant expérience post-mortem.

Aussi demander une effusion spéciale de l’Esprit pour qu’il se produise des miracles, des signes et des prodiges et qu’ainsi les conversions abondent est-il inutile ; si Dieu les accorde, il est souverain. Notre responsabilité est de prêcher la Parole : « La foi vient de ce qu’on entend, et ce qu’on entend vient de la parole de Christ. » (Rom 10.17) Et nous avons plus que Moïse et les prophètes : s’y ajoute tout le N.T. qui jette, par ce texte et par d’autres, une lumière plus vive sur l’au-delà ; elle est loin d’être totale, mais elle est suffisamment claire pour avertir ceux qui, sinon, suivront le chemin du riche.

  1. S’occuper des pauvres

Si nous avons personnellement ajouté foi à la Parole présentée, nous avons l’assurance que notre destinée est la même que celle de Lazare : la félicité dans la communion éternelle avec Dieu.

Mais l’enseignement à tirer de ce texte ne doit pas s’arrêter là. Même si nos biens terrestres sont moins abondants que ceux du riche, il y a sans doute autour de nous de très nombreuses personnes moins favorisées que nous. La certitude de notre espérance doit se traduire par une préoccupation envers les pauvres.  Paul, dont la fortune a connu des hauts et des bas, s’y employait (Act 20.35) et exhortait les fidèles à être les « premiers dans les bonnes œuvres » (Tite 3.8,14). Sommes-nous sensibles à la misère de tant d’humains, aux injustices subies par un si grand nombre ? Ou bien tombons-nous sous le reproche de Jacques : « Et vous, vous avilissez le pauvre ! » (Jac 2.6) Cherchons donc à vivre plus simplement pour ne pas oublier les pauvres.


  1. Une quête universelle

L’homme tient au monde qui l’entoure par des liens qui lui pèsent parfois plus que des chaînes : sa famille, son milieu, ses amis ou ses ennemis, son métier, ses hobbies, ses passions, ses problèmes, ses vices peut-être. Il n’est donc pas surprenant qu’il rêve d’être ailleurs, d’être autre (ou d’un Autre), en particulier lorsqu’il s’ennuie, sent quelque malaise le gagner ou sombre dans le découragement. Cette quête d’un au-delà, terrestre ou céleste, se révèle souvent décevante : « On ne part pas », disait Rimbaud après avoir tenté les plus folles évasions hors de l’écœurant quotidien. Mais y renonce-t-on jamais vraiment ?  Désirer mieux, désirer plus : en même temps que les ressorts de l’action, ce sont là deux constantes de notre pensée qui laissent croire, à juste titre, que l’au-delà nous est nécessaire.

  1. Une offre déroutante

Quel au-delà ? Il ne suffit pas de n’importe quelle fantaisie, de n’importe quelle fable, bien que la mentalité contemporaine ait coutume de préférer l’agréable au vrai.  Une conception juste et saine de l’au-delà doit répondre aux attentes profondes de l’homme, tout en l’amenant à vivre pleinement dans le présent. Elle ne doit pas se réduire à une échappatoire facile, synonyme de refuge imaginaire pour gens frustrés ou demeurés. Nous aimerions montrer que la conception que nous avons choisie, celle de la Bible, satisfait largement de telles conditions.

Tout d’abord, l’au-delà biblique ne peut s’expliquer comme une banale reprise du mythe de l’âge d’or, même si l’Écriture annonce le retour de Christ et son règne sur la terre pendant mille ans. Jésus lui-même avait averti : « Mon royaume n’est pas de ce monde » (Jean 18.36), désirant par là nous garder d’une espérance purement terrestre. N’abaissons donc pas l’au-delà biblique au niveau d’un projet politique. Ne pensons pas que le « paradis » soit une image évoquant le stade ultime de l’évolution humaine, comme l’ont fait certains « prophètes » des derniers siècles : A. Comte (positivisme), K. Marx (communisme) ou P. Teilhard de Chardin (évolutionnisme religieux). Comme le font aujourd’hui les tenants du Nouvel Âge et du (faux) « messie » qu’ils appellent de leurs vœux, ou encore les partisans d’un Nouvel ordre mondial anti-chrétien. L’âge d’or, en fait, commence lorsque Christ, en réponse à la repentance et à la foi, vient habiter en l’homme par son Esprit.  La vraie vie débute, non après la mort, mais après le premier pas de la foi : « Celui qui a le Fils a la vie. » (1 Jean 5.12)

L’au-delà biblique ne peut pas non plus se définir uniquement comme un lieu où nous pourrons enfin accomplir ce dont nous avons toujours été incapables ici-bas. Car la forme de notre existence après la mort se détermine ici et maintenant. Jamais la Parole ne laisse entendre qu’une nouvelle occasion de se perfectionner, de se purifier ou de se réaliser sera offerte dans l’autre monde : « II est réservé aux hommes de mourir une seule fois, après quoi vient le jugement. » (Héb 9.27) La purification que procure au croyant le sang de Christ mort pour lui (Rom 8.1) est la seule dont on puisse jamais bénéficier, et c’est au corps, à l’âme et à l’esprit que nous possédons maintenant qu’elle s’applique. Pas question donc de remettre l’essentiel à plus tard, ni en se réincarnant d’aucune façon (hindouisme), ni en passant à travers quelque hypothétique purgatoire (catholicisme, islam).  La porte que Jésus nous ouvre, suffit au salut : « En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui écoute ma parole et qui croit à celui qui m’a envoyé, a la vie éternelle et ne vient pas en jugement, mais il est passé de la mort à la vie. » (Jean 5.24)

Pas question non plus d’éluder notre responsabilité envers un Dieu personnel en postulant qu’entre toute réalité extérieure et nous, il y a continuité d’être. En déclarant que l’homme est une parcelle de Dieu (panthéisme), que notre identité personnelle finira par se dissoudre dans le brahman (la Réalité suprême, dans l’hindouisme), que notre individu cesse d’exister dès que les atomes qui le composent sont « redistribués » pour former une nouvelle structure (matérialisme), les adeptes de ces positions volent à Dieu et à chacun le droit de subsister en tant qu’être libre et distinct. Pour les chrétiens qui ont reçu l’Esprit de Dieu par leur conversion à Christ, il n’y a qu’un seul Dieu et Père de tous, qui est au-dessus de tous, et parmi tous, et en tous  (cf. Éph 4.6) ; il n’y a pas pour autant dissolution de leur individu dans un grand Tout indifférencié.

L’au-delà biblique ne doit pas se confondre, même si certains prédicateurs débonnaires le proclament, avec le lieu où, entre Dieu et les hommes, tout finit par s’arranger. On n’y retrouve pas automatiquement les disparus qui nous étaient chers, de même que Dieu n’y passe pas l’éponge sur le péché de ceux qui se sont, pendant leur vie terrestre, détournés de son Fils et de sa grâce. De telles hypothèses (dites « universalistes ») ont parfois été de mode au sein de la chrétienté : d’Origène (IIIe siècle) à nos jours, l’idée d’un happy end facile a tenté ceux qui refusaient l’enseignement biblique au sujet du paradis et de l’enfer  (cf. Dan 12.2).

Enfin, le paradis biblique n’est pas, essentiellement, un lieu meilleur où les jouissances terrestres sont plus intenses, plus raffinées, plus durables. Rien de comparable aux paradis des mythologies (Champs-Élysées, Terres-sans-mal des Indiens d’Amérique du Sud, Prairies éternelles des Indiens d’Amérique du Nord) ou de certaines grandes religions (islam, mazdéisme). La Bible n’offre rien de meilleur à désirer que Dieu. Comme le souligne Augustin d’Hippone (354-430) : Dieu lui-même après cette vie est notre lieu  (cf. Apoc 21.22-22.5). Pour le reste, la Bible est très sobre dans ses descriptions de la gloire du Ciel (et des tourments de l’enfer).

  1. Le bon choix

Voilà l’enjeu clairement démarqué, nous osons l’espérer. Vers quel au-delà chemines-tu, ami qui nous lis ? As-tu fait de Dieu ton « lieu » ? A-t-il fait sa demeure en toi et inauguré sa vie éternelle dans ta vie d’aujourd’hui ? Au-delà de ton moi insatisfait, as-tu découvert l’extraordinaire puissance et la grâce sans limite de celui qui, sur la Croix, a promis au brigand à l’agonie, mais repentant : « Aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis » ? (Luc 23.43)