PROMESSES

« Il n’en est aucun qui fasse le bien, pas même un seul. » (Romains 3.12)

« Comment pouvez-vous dire qu’il n’y a personne qui fait le bien ? Et ces hommes et ces femmes qui s’engagent dans l’action humanitaire pour sauver des vies humaines ? Et toutes ces personnes dévouées et qui mènent une vie respectable ? »

Ah ! il ne fait pas bon dire que personne n’est bon dans notre siècle pétri d’humanisme ! Cette affirmation surprend, choque, révolte. Mais nous devons accepter les affirmations radicales de la Parole de Dieu aussi bien que celles qui nous paraissent plus acceptables. Entendre « Dieu est amour » est certainement plus agréable que lire « Il n’y a pas de juste », mais les deux affirmations sont tout aussi vraies l’une que l’autre.

Ce verset se comprend dans son contexte. Paul traite du sujet de la justification. Après avoir posé le principe du salut par la foi seulement (1.16-17), il examine la situation de l’homme. Tant le païen que l’homme instruit ou le Juif, tous sont unanimement reconnus coupables et enfermés sous la même sentence. Pour ce qui regarde la justification, même les actes les plus grandioses ou les plus méritoires aux yeux des hommes n’ont aucune valeur. Déjà le prophète Ésaïe écrivait : « Toute notre justice est comme un vêtement souillé. » (És 64.6). Se dévouer corps et âme pour son prochain vous vaudra sans doute l’estime méritée de vos concitoyens, mais ne vous rapprochera pas d’un pouce du ciel. Le seul moyen de salut est ailleurs : accepter ce que Jésus a fait à la croix (3.21-24).


La grâce de Dieu nous a placés dans la liberté (8.1-2). C’est sur le principe de la grâce, et de la grâce toute pure, que nous pouvons nous tenir dans une relation heureuse devant Dieu, sans conscience de péché ; absolument pas sur le principe de l’accomplissement de règles de conduite.

Mais, dans notre vie, il n’y a pas qu’une relation verticale avec Dieu ; nous vivons avec d’autres hommes, dans une société humaine (12.1-13.14), et avec des frères et sœurs dans la foi. À partir du chapitre 14, Paul parle de la manière d’aider nos frères et sœurs à vivre dans la liberté chrétienne.

Recevons sans préjugés nos frères et sœurs

Accueillez celui qui est faible dans la foi, et ne discutez pas les opinions. […] Que celui qui mange ne méprise point celui qui ne mange pas, et que celui qui ne mange pas ne juge point celui qui mange, car Dieu l’a accueilli. Qui es-tu, toi qui juges un serviteur d’autrui ? S’il se tient debout, ou s’il tombe, cela regarde son maître. Mais il se tiendra debout, car le Seigneur a le pouvoir de l’affermir. (14.1-4)

Au temps de Paul, un certain nombre de chrétiens avaient des scrupules à manger de la viande car ils savaient bien que, très généralement, les bêtes dont elle provenait avaient été sacrifiées à une idole. Les autres, la majorité, avaient la liberté d’en manger et rendaient grâces à Dieu pour cette nourriture. Alors Paul recommande à ces derniers de recevoir ceux qui n’avaient pas la même liberté, de les accepter sans soulever de discussions sur ces questions liées à leur avancement spirituel dans la liberté chrétienne.

Aujourd’hui, ce problème de la viande se pose beaucoup moins, mais dans les milieux évangéliques, il en existe de semblables, variables suivant les pays, les cultures, et les époques. Ici cela concerne la façon de s’habiller, là celle de se coiffer, ailleurs tels loisirs sont mal considérés ; suivant les endroits, mettre une bouteille de vin sur la table peut être un scandale ou une obligation culturelle, etc. Dans certains pays, croiser les jambes quand on est assis au culte est considéré comme une attitude irrévérencieuse à l’égard de Dieu et cela vaut des reproches à celui qui l’ignore.

À ceux qui ont été libérés de la tendance à se faire des lois, Paul recommande de ne pas mépriser leurs frères qui se font des scrupules à propos de ceci ou de cela ; et, inversement, il demande à ces derniers de ne pas juger les autres, c’est-à-dire de ne pas avoir une attitude critique quant à l’état spirituel de ceux qui ne font pas comme eux.

Agir ainsi, c’est la condition pour que nos frères et sœurs ne déterminent pas leur manière d’être par rapport à l’opinion d’autrui et qu’ils aient, au contraire, affaire avec le Seigneur comme un serviteur vis-à-vis de son maître.

Soyons pleinement persuadés

Tel fait une distinction entre les jours ; tel autre les estime tous égaux. Que chacun ait en son esprit une pleine conviction. Celui qui distingue entre les jours agit ainsi pour le Seigneur. Celui qui mange, c’est pour le Seigneur qu’il mange, car il rend grâces à Dieu ; celui qui ne mange pas, c’est pour le Seigneur qu’il ne mange pas, et il rend grâces à Dieu. (14.5-6)

La vraie liberté pour tout croyant, c’est de déterminer sa conduite en fonction des désirs du Seigneur, en ayant égard à ce qui lui plaît. Nous avons ce privilège d’avoir une relation vivante avec lui par le Saint Esprit qui nous conduit dans la prière et la méditation de la Bible. Nous pouvons acquérir ainsi, tout en restant conscients de notre faillibilité, une conviction concernant ce que Dieu attend de nous, être pleinement persuadés de sa volonté.

Notre frère ou notre sœur peut faire la même démarche et ne pas parvenir à la même conviction sur certains points. Paul le constate dans les versets ci-dessus à propos des jours à observer ou non et des aliments qu’on peut manger ou non : chacun agit différemment tout en ayant égard à la volonté du Seigneur.

N’usons donc pas sur les autres d’une autorité déplacée en prenant, dans leurs décisions, la place qui revient au Seigneur seul. Laissons soigneusement au Seigneur le soin de diriger leur vie. Laissons-les apprendre de lui, à leur propre rythme, même s’ils enregistrent quelques échecs ou erreurs.

Une telle attitude ne signifie pas que nous ne puissions pas aider les autres dans leur recherche de ce qui plaît au Seigneur — ou nous-mêmes nous faire aider. Au contraire, il faut que notre comportement leur montre que nous sommes accessibles, et qu’ils peuvent nous faire part de leurs idées, de leurs doutes ou de leurs appréhensions sans s’attendre à être mal considérés.

Même si nous leur indiquons que nous pensons qu’ils se trompent sur ceci ou cela, nous leur faisons comprendre que nous ne dominons pas sur leur foi et que c’est en ayant égard au Seigneur qu’ils doivent être pleinement persuadés. Disons-leur : « Si vous êtes en quelque point d’un autre avis, Dieu vous éclairera aussi là-dessus. Seulement, au point où nous sommes parvenus, marchons d’un même pas. » (Phil 3.15-16)

Ne jugeons pas notre frère ou notre sœur

Christ est mort et il est revenu à la vie, afin de dominer sur les morts et sur les vivants. Mais toi, pourquoi juges-tu ton frère?  ou toi, pourquoi méprises-tu ton frère ? puisque nous comparaîtrons tous devant le tribunal de Dieu. […] Ainsi chacun de nous rendra compte à Dieu pour lui-même. (14.9-12)

C’est tellement important qu’il ne règne pas entre les croyants une ambiance de mépris et de jugement que l’apôtre Paul revient sur ses injonctions du verset 3 : toi, ne méprise pas ton frère qui ne possède pas la même liberté que toi, et toi, en face, ne juge pas celui qui n’a pas les mêmes scrupules que toi.

Un seul a le droit de juger : Christ lui-même qui s’est acquis tous les droits sur ses rachetés et à qui, en fin de compte, ceux-ci auront à répondre, chacun pour lui-même. Ne prenons pas sa place : nous ne sommes, du reste, ni habilités à juger ni capables de le faire vraiment en connaissance de cause.

En effet, nous ne pouvons distinguer que les apparences ; ce qui se passe dans la tête d’autrui nous échappe : ses motifs, les séquelles de son passé ou de son éducation, sa sensibilité profonde, etc. De plus, nous ne sommes pas neutres ni totalement objectifs : nos préjugés, nos expériences, notre culture constituent des lunettes déformantes, même si l’œuvre sanctifiante de l’Esprit nous aide à les mettre progressivement de côté.

Enfin, nous sommes si faillibles et limités que nous avons un constant besoin de la grâce de Dieu. Heureusement, Dieu ne nous méprise pas ; il ne nous juge pas indignes de sa miséricorde lorsque nous trébuchons, et il veut bien nous aider à résoudre nos problèmes.

Bien entendu, il nous est permis d’apprécier, d’après la Bible, si le comportement, l’acte ou la parole de notre frère ou de notre sœur est selon Dieu. Si c’est le cas, n’hésitons pas à l’encourager. Si tel n’est pas le cas, nous avons parfois le devoir, après avoir prié de manière très précise à ce sujet, d’alerter l’intéressé sur sa façon de faire ou de parler. Accomplissons alors ce service avec toute la grâce dont nous souhaiterions bénéficier si les rôles étaient inversés.

Ayons égard à notre frère ou à notre sœur

Ne nous jugeons donc plus les uns les autres ; mais pensez plutôt à ne rien faire qui soit pour votre frère une pierre d’achoppement ou une occasion de chute. Je sais et je suis persuadé par le Seigneur Jésus que rien n’est impur en soi, et qu’une chose n’est impure que pour celui qui la croit impure. Mais si, pour un aliment, ton frère est attristé, tu ne marches plus selon l’amour : ne cause pas, par ton aliment, la perte de celui pour lequel Christ est mort. (14.13-15)

Le chrétien a été libéré des lois à connotation judaïque qui le tenaient asservi en lui prescrivant impérativement : ne prends pas, ne goûte pas, ne touche pas. Paul envisageait même qu’un croyant pouvait avoir la liberté de s’asseoir à table dans un temple d’idoles pour y manger (1 Cor 8.10).

Il y a pourtant des restrictions à cette liberté chrétienne :

– par rapport à nous-mêmes, car «tout est permis, mais tout n’est pas utile ; tout est permis, mais tout n’est pas constructif » (1 Cor 10.23, NBS) ;

– par rapport aux autres : c’est ce que Paul expose en Romains 14 et ailleurs (1Cor 8.9-13; 10.23-33).

En effet, le croyant qui désire suivre son Maître se préoccupe des autres pour leur être utile et ne pas les entraver dans le développement de leur vie chrétienne. Comment en serait-il autrement quand il considère que son frère est « celui pour lequel Christ est mort », expression utilisée à deux reprises par l’apôtre ?

J’ai peut-être la liberté d’aller voir tel spectacle, ou de faire tel voyage, ou que sais-je encore qui relève de mes goûts personnels, mais j’apprends que cela pourrait attrister mon frère, même le scandaliser. Alors, j’y renonce, par amour pour lui, et pas du tout parce que j’y suis contraint ou que je désire grimper dans son estime.

Une autre raison pour m’abstenir, c’est que je pourrais, par mon exemple, inciter mon frère à agir contre sa conscience et l’amener ainsi à pécher (14.21-23). Quel dommage pour lui et pour Christ !

Souvenons-nous : « Le royaume de Dieu n’est pas le manger et le boire », autrement dit la recherche de ma satisfaction personnelle, « mais la justice, la paix et la joie par le Saint-Esprit. Celui qui sert Christ de cette manière est agréable à Dieu et approuvé des hommes. » (14.17-18).

« À celui qui peut vous affermir selon mon Évangile et la prédication de Jésus-Christ, conformément à la révélation du mystère caché pendant des siècles, mais manifesté maintenant par les écrits des prophètes, d’après l’ordre du Dieu éternel, et porté à la connaissance de toutes les nations, afin qu’elles obéissent à la foi, à Dieu seul sage, soit la gloire aux siècles des siècles par Jésus-Christ ! Amen ! » (Romains 16.25-27)


Je vous exhorte donc, frères, par les compassions de Dieu, à offrir vos corps comme un sacrifice vivant, saint, agréable à Dieu, ce qui sera de votre part un culte raisonnable. Ne vous conformez pas au siècle présent, mais soyez transformés par le renouvellement de l’intelligence, afin que vous discerniez quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bon, agréable et parfait. (Romains 12.1-2)

Après avoir consacré onze chapitres à de la théologie solide, Paul passe, au chapitre 12, de la doctrine au devoir et de la croyance à la conduite. En d’autres termes, l’apôtre nous encourage à vivre ce que nous professons. Paul utilise l’impératif 13 fois dans les onze premiers chapitres de Romains et 11 fois dans le seul chapitre 12 qui mentionne plus de commandements que tout autre chapitre du N.T. C’est un chapitre d’action ! Dans les deux premiers versets, il montre comment notre foi devrait changer notre comportement.

1. Présentez votre corps (12.1)

Par le mot « donc » (oun), qu’on peut traduire « par conséquent », Paul fait le lien avec toute la doctrine qu’il a développée dans les chapitres 1 à 11. Selon Paul, vous n’avez pas vraiment appris la Parole tant que vous ne vivez pas la Parole. Êtes-vous simplement un auditeur de la Parole ou êtes-vous un « faiseur » de la Parole ?
Au lieu d’un commandement ou d’une demande, Paul « exhorte » ses lecteurs. Le verbe parakaleo indique un sentiment d’urgence avec une note d’autorité (cf. 12.8 ; 15.30 ; 16.17) Ce terme était utilisé en grec classique pour exhorter les troupes qui allaient entrer dans la bataille. Quelle belle image de la vie chrétienne où Dieu est notre général et où nous sommes enrôlés dans une bataille spirituelle.
Paul ajoute une note de tendresse à cet appel. Il parle comme un frère chrétien à d’autres frères et sœurs chrétiens. C’est une affaire de famille ! Et il nous exhorte à répondre aux « compassions de Dieu ».
Certes, il peut être difficile de toujours être conscient des compassions de Dieu. Je retombe souvent dans un état d’esprit malsain où je veux faire des efforts. Ce peut être vrai pour ma vie personnelle, pour mon ministère, pour mon mariage ou pour mes enfants. Quand j’adopte cette fausse motivation, je vois souvent des résultats, mais seulement pour quelques jours. Le changement durable ne se produit que lorsque la gratitude pour les miséricordes de Dieu est ma principale motivation. La façon dont la Bible enseigne la sainteté est de commencer par rappeler aux chrétiens qui ils sont, ce qu’ils sont et ce qu’ils ont. Qui sommes-nous ? Des enfants de Dieu avec toute la puissance de Dieu travaillant en nous. Où sommes-nous ? Dans le royaume de Dieu, morts à la domination du péché. Qu’avons-nous ? L’Esprit Saint en nous, l’intercession de Jésus pour nous, et la puissance de Dieu prête à nous aider. Ainsi, la meilleure façon de motiver les gens est de leur montrer ce que Dieu a fait pour eux et les laisser répondre à cet amour de manière appropriée.
En réponse aux compassions de Dieu, Paul nous met au défi d’ « offrir » (paristemi) nos corps. Paul ne dit pas « céder » ou « remettre » vos corps mais les « présenter ». Le présent implique une offre heureuse, joyeuse et volontaire de soi-même. Dieu ne vous demande pas de lui offrir vos dons, vos capacités, votre argent, votre temps, votre créativité, etc. Il vous demande de vous sacrifier vous-même. C’est un appel à ceux qui ont été libérés par la grâce pour vivre sous la grâce en présentant tout ce qu’ils sont à Dieu. Incidemment, Paul utilise le même verbe grec en 14.10 : si vous présentez fidèlement votre corps au Christ, une grande récompense vous attend au tribunal de Christ.
Paul déclare qu’on doit présenter son corps comme un « sacrifice vivant, saint, agréable à Dieu » :
 « vivant » : Dans l’A.T., les croyants étaient appelés à « faire » un sacrifice d’un animal mort. Dans le N.T., les croyants sont appelés à « être » un sacrifice vivant. Dieu veut que vous viviez pour mourir. La plupart des croyants pourraient accepter de mourir pour le Christ dans un instant de courage, mais chaque croyant se bat pour mourir à soi-même et vivre pour le Christ chaque jour.
 « saint » : Nous devons être entièrement consacrés, mis à part du monde pour appartenir à Dieu. Cela signifie que nous devons tout faire pour promouvoir la sainteté, tant individuellement que comme église. Voilà pourquoi nous devons exercer la discipline dans l’Église, dire la vérité dans l’amour et enseigner aux nouveaux convertis comment vivre en tant que disciples. Soyons saints comme Dieu est saint.
 « agréable » : ce terme s’appuie sur la notion de « sacrifice agréable » ou de « bonne odeur » (cf. Ex 29.18 ; Ps 51.19 ; 2 Cor 5:9 ; Éph 5.2 ; Phil 4.18). Présenter son corps comme un sacrifice vivant et saint plaît à Dieu, le satisfait.
Lorsque vous présentez votre corps comme un sacrifice, vous avez accompli votre « culte raisonnable » ou votre « service spirituel de culte ». L’adjectif grec est logikos, d’où dérive le mot « logique » et se rapporte à la raison. C’est comme si Paul disait : « Si vous considérez tout ce que Dieu a fait pour vous, un être pécheur, la seule réponse raisonnable est de lui offrir votre vie » (cf. 6.1-3,15-16). Pourquoi des esclaves libérés continueraient-ils à servir leur ancien maître ? Présenter son corps pour servir les intérêts de son nouveau Maître est complétement logique. S’offrir en sacrifice d’adoration témoigne d’un cœur plein de reconnaissance.
Peut-être avez-vous offert votre corps à Christ en promettant de l’honorer en restant pur ; mais vous vous êtes trouvé dans une situation compromettante, et vous avez cédé. Peut-être vous êtes-vous engagé vis-à-vis de Dieu à l’honorer par un comportement éthique au travail ; mais votre patron vous a offert une promotion si vous vouliez juste vous compromettre un peu. Dieu nous prend au sérieux et il n’aime pas qu’on prenne des engagements à la légère. Il nous dit plutôt : « Vous avez été achetés à prix. » (1 Cor 6.19)
Comment alors pouvez-vous présenter votre corps en sacrifice ?
 Décidez de faire du culte une priorité : le culte est un mode de vie de toute la semaine et pas seulement du dimanche matin. Chaque jour, adorez le Seigneur et déclarez-lui chaque matin : « Mon Dieu, à cause de Jésus, je suis à toi. »
 Recherchez des occasions pour servir : donnez un coup de main, prenez le temps de faire une visite, décrochez le téléphone pour encourager un ami qui passe par un combat particulier, faites du bénévolat sur un projet qui montrera la grâce de Dieu… Cherchez des façons pour montrer votre amour au Seigneur de manière pratique. Martin Luther a dit un jour : « Les mains au ralenti sont l’atelier du diable. » Plus vous êtes occupé, moins vous êtes susceptible de donner cours à vos pulsions charnelles coupables.
 Faites de l’exercice physique. Être disciple exige de la discipline. Si vous voulez « présenter » votre corps, vous devez le soumettre. La plupart des personnes pieuses que j’estime font de l’exercice physique.

2. Renouvelez votre esprit (12.2)

Des corps offerts viennent d’esprits changés parce que l’esprit contrôle le corps. Le verset 2 donne les moyens par lesquels nous pouvons mettre en pratique le verset 1, avec deux impératifs.
Le premier est négatif : « Ne vous conformez pas au siècle présent. »« Conformez » (suschematizo) signifie littéralement être façonné selon un modèle. Le verbe est au passif en grec, ce qui implique que, si vous ne résistez pas activement et intentionnellement à ce monde, vous lui serez conforme. Par le mot « siècle » (aion), Paul ne fait pas référence à une durée, mais au système de pensée qui a cours actuellement.
La philosophie du monde est assez simple. Quelques exemples :
– Si vous voulez quelque chose (partenaires, possessions ou pouvoir), allez-y ! Vous êtes le centre de votre univers.
– L’opinion publique définit la vérité et la popularité est plus importante que la sainteté.
–La tolérance est la vertu suprême ; toutes les religions se valent et aucune vérité n’est absolue, chacun la sienne pour soi-même.
Ne vous laissez pas façonner par ces influences. Luttez contre l’emprise du péché, de l’égoïsme et de Satan. Combien de temps passez-vous devant la télévision au cours d’une semaine ? Quel type de musique écoutez-vous ? Combien d’heures consacrez-vous aux réseaux sociaux ? Qui sont vos amis et quelle influence ont-ils sur vous ? Quels sont vos hobbies ?
Même si Paul écrit à une église, nous sommes un groupe d’individus et ces versets s’adressent spécifiquement à chacun. Une personne qui se conforme au monde aura un effet négatif sur toute l’église. C’est pourquoi osez être différent. Levez-vous pour Christ. Allez à contre-courant. Devenez un disciple du Christ.
Passant du négatif au positif, Paul poursuit : « Soyez transformés par le renouvellement de l’intelligence. ». Le verbe « transformés »a donné « métamorphose ». Quand une chenille devient papillon, on parle de métamorphose. C’est ce que Dieu veut pour chacun de ses enfants. À quel stade êtes-vous dans cette transformation chrétienne ? Larve ? Chenille ? Bébé papillon ? Papillon adulte ? Où vous situez-vous sur l’échelle de la conformité à Christ ?
Faisons trois observations sur ce verbe :
– Il est au présent : ce n’est pas une transformation par à-coups, mais en continu.
– Il est au passif : le catalyseur de la transformation est Dieu.
– Il est à l’impératif : nous avons effectivement une responsabilité. L’Esprit nous « change » et nous permet de nous offrir totalement à Dieu. Ce changement se passe dans notre esprit. Comment ?
 Saturez votre esprit des pensées de Dieu. Lisez la Parole de Dieu — plus que ça, interagissez avec elle. Lorsque nous lisons la Bible, demandons-nous constamment : « Qu’est-ce que cela signifie pour ma vie quotidienne ? » Nourrir ses pensées selon Dieu, c’est aussi lire des auteurs chrétiens, rencontrer régulièrement des amis qui partagent notre engagement envers le Christ.
 Mémorisez l’Écriture. Ne prétendez pas être trop vieux ou pas doué pour ça. Lisez et relisez la même portion de l’Écriture maintes fois et la mémorisation viendra naturellement.
 Ralentissez. Nous sommes pris dans le tourbillon de la vie. « Arrêtez et sachez que je suis Dieu » (Ps 46.10). Aujourd’hui voudriez-vous commencer à être renouvelé dans votre esprit en vous éloignant de l’agitation et des distractions de la vie ? Éteignez le téléviseur, la radio, votre téléphone portable, l’ordinateur — et écoutez Dieu.
Paul conclut en donnant le but :« afin que vous que discerniez quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bon, agréable et parfait ». Paul ne parle pas de « trouver » ou de « découvrir » la volonté de Dieu, mais de la discerner (doximazo). Cependant, l’apôtre ne répond pas à des questions comme : Dois-je me marier ? Où dois-je déménager ? Quelle maison acheter ? Ces questions sont importantes, mais elles sont secondaires. La « volonté de Dieu » ici est l’obéissance à sa volonté générale. Si vous obéissez à la volonté révélée de Dieu, il peut tout à fait dévoiler sa volonté spécifique pour votre vie. Mais si vous refusez d’obéir à sa volonté morale explicite, il ne sert à rien de prier pour que Dieu révèle sa volonté spécifique.
Dieu veut votre corps et votre esprit ; il vous veut tout entier. Voulez-vous vous présenter à lui aujourd’hui et tous les jours qui suivent ? Si vous le faites, votre vie ne sera jamais plus la même.


Cet article peut être lu comme un complément au texte intitulé : « Plan de route pour Israël », paru dans le n° 145 de Promesses. Mais avant tout, relisons Romains 9 à 11.

Les chapitres 9 à 11 de l’Épître aux Romains posent le fondement théologique des rapports entre le peuple juif et l’Église universelle. Depuis l’ascension de Jésus-Christ, ces deux entités sont les signes majeurs de la présence de Dieu dans le monde. D’où la colère de Satan qui, lorsque d’autres armes échouent, cherche à les affaiblir en les opposant. Comme nous ne voulons pas ignorer 2000 ans de tensions douloureuses entre l’Église et les Juifs, nous lirons ces chapitres cruciaux avec beaucoup de considération.

1-Le salut national d’Israël au centre

Le préambule des chapitres 1 à 8 de l’Épître pose les fondements du salut personnel (1.16,17). Après avoir démontré la faillite universelle de la race humaine, spirituellement morte dans son péché, l’apôtre dessine le chemin du salut et décrit la vie toute nouvelle qui en découle, dès la conversion à Christ. Paul est bien placé pour savoir que les débuts de l’Église ont été marqués par la conversion d’un grand nombre de Juifs auxquels, à leur grand étonnement, se sont progressivement adjoints des croyants d’origine païenne (Act 10.43-48 ; 14.27-15.31).

Toutefois, le fil rouge des chapitres 9 à 11 est déterminé par le tourment de l’apôtre, bouleversé de ce que la plupart des enfants d’Israël se comportent en « ennemis » de son Évangile (11.28).[note]Le qualificatif d’« ennemis » de Christ appliqué exclusivement aux Juifs n’a aucune justification. Tout être humain est par nature « ennemi » de Dieu et de la vérité : Rom 3.10-18 ; 5.10 ; Col 1.21.[/note] Paul, anciennement Saul, le persécuteur des premiers chrétiens (Act 7.51-8.1), n’a pas ménagé sa peine pour évangéliser ses frères de race et ex-coreligionnaires, mais force lui a été de constater que les païens recevaient le Messie d’Israël en plus grand nombre. Le livre des Actes, jusqu’en ses dernières pages, témoigne de l’opposition rencontrée parmi la majorité des Juifs, à Jérusalem et dans la diaspora (Act 17.5-13 ; 22 ;23 ; 28.17-31).

Que va-t-il advenir de son peuple appelé à tant de bénédictions ? Est-il désormais voué à ne récolter que des malédictions ? L’immense chagrin (9.1-5) et l’instante prière de Paul : « Frères, le vœu de mon cœur et ma prière à Dieu pour Israël, c’est qu’ils soient sauvés » (10.1) indiquent que sa pensée se concentre sur le salut collectif de la nation d’Israël.[note]Notons au passage que le terme « Israël » signifiant la « nation d’Israël » apparaît 12 fois dans Romains 9 à 11, à nul autre endroit dans l’Épître et seulement 5 fois dans les autres lettres clairement attribuées à Paul. À une reprise, pour désigner les chrétiens d’origine juive, Paul emploie l’expression l’« Israël de Dieu » (Gal 6.16), par contraste avec les chrétiens d’origine païenne (le « tous ceux qui » du début de ce verset).[/note]

Le propos de Paul dans Romains 9 à 11 est donc le sort actuel et final de ses parents « selon la chair » encore incrédules (9.3,5). Il est clairement question du destin historique d’Israël, ainsi que de la place de ce peuple dans l’histoire du salut, dont l’Église est aujourd’hui la grande bénéficiaire. Ne voir dans ces chapitres qu’une occasion pour justifier la suprématie supposée du « peuple » de l’Église sur celui d’Israël, voilà le moyen de passer à côté du sujet.

2-La pérennité des alliances avec Israël (9.1-5)

« … les Israélites, à qui appartiennent l’adoption, la gloire, les alliances, la loi, le culte, les promesses, les patriarches, et de qui est issu, selon la chair, le Christ, qui est au-dessus de toutes choses, Dieu béni éternellement. Amen ! » (9.4,5)

Dieu, sachant que les hommes n’échapperont jamais par eux-mêmes aux ravages du péché, a pris l’initiative de préparer leur salut en suscitant une nation particulière. Il a donc appelé Abraham, à qui il a offert son alliance inconditionnelle. Il lui a promis une postérité, un pays et une bénédiction aux effets universels (Gen 12.1-3,7 ;13.14-17 ; 15 ;17.1-19 ; 22.15-18). Il a ajouté à cet engagement une alliance conditionnelle avec le peuple issu d’Abraham : la fidélité à la Loi y détermine la bénédiction (Ex 6.2-8 ; Deut 4.13,23 ; 29,30).Plus tard, ces dispositions sont complétées par un pacte avec les Lévites (Nom 25.12,13 ; Mal 2.4,8) et par l’alliance avec David (2 Sam 7.1-29 ; 1 Chr 17.1-27).

Les prophètes annoncent de surcroît une alliance ultime, orientée vers un sommet pour Israël :tout le peuple sera purifié par Dieu, lui obéira et l’aimera (Jér 31.31-40). Cette alliance est clairement la nouvelle alliance en Jésus-Christ, inaugurée à la Pentecôte par les quelques milliers de Juifs qui en sont les premiers bénéficiaires (Act 2.14-36). Les bienfaits de cette alliance, comme ceux des précédentes, sont l’héritage des Israélites en premier chef, car « ils sont aimés à cause de leurs pères » et c’est envers eux que Dieu s’est engagé (11.28b).

Or, à quoi l’apôtre assiste-t-il peu avant les années 60 ? L’adhésion initiale de nombreux Juifs à l’alliance en Christ a été suivie d’une attitude de fermeture chez la majorité d’entre eux. Nombre de païens par contre sont entrés dans la vie de la foi par la puissance de l’Esprit, de sorte que la bénédiction semble passée à ceux qui n’étaient pas un peuple, mais font désormais partie de la maison de Dieu (9.25-26).Le peuple des alliances anciennes serait-il durablement supplanté ?L’affliction de l’apôtre est extrême.

Mais soyons attentifs au cheminement de Paul dans nos trois chapitres. La tempête intérieure que déclenche le spectacle de son peuple en déshérence va être progressivement matée par l’Esprit de Dieu, qui lui révèle au fur et à mesure les secrets attachés à ce redoutable mystère. Autant de ressources pour le prémunir contre le catastrophisme ou le défaitisme.

3-Salut pour Israël, salut pour le monde (9.6-11.36)

Voyons quelles sont les plus coriaces énigmes que Paul doit affronter sur la route de l’avenir national d’Israël.

3a-L’éloignement d’Israël change-t-il les plans de Dieu à son égard ?(9.6-13)

Comment comprendre l’élection originelle d’Israël au vu des égarements subséquents du peuple ? Dieu n’aurait-il pas dû renoncer à un choix aussi peu fructueux ? Paul se souvient que la Parole, qui n’est jamais périmée (9.6), n’enseigne pas que tous les descendants d’Abraham seront considérés comme « enfants de la promesse ». Parmi les enfants d’Abraham, Isaac, et non Ismaël, était fils de la promesse. Jacob et Ésaü descendaient tous deux d’Abraham par Isaac, mais seul Jacob allait donner son nom au peuple élu et devenir l’ancêtre de la nation.[note]La citation du v. 13 provient de Malachie 1.2,3, texte écrit presque 1500 ans après la naissance de Jacob et d’Ésaü. Pour le prophète, le choix divin (sur lequel revient Rom 9.12 en citant Gen 25.23) concerne non l’élection au salut personnel, mais une détermination de la lignée messianique ainsi que des destins nationaux respectifs d’Israël et d’Edom (= Esaü). Du reste, en Romains 9.1-29, l’« élection » n’a pas trait à l’élection d’individus en vue de leur salut. Il s’agit principalement de l’élection d’Israël (9.4-5) et de celle de la communauté issue des Juifs et des païens convertis à Christ (9.24).[/note] Fondée sur un choix souverain antérieur à toute action humaine (9.11a), la distinction entre « enfants de la chair » et « enfants de la promesse » nous rappelle qu’indépendamment des mérites ou des défauts des individus à naître (9.11b), Dieu peut librement en admettre certains dans la lignée de la promesse et en exclure d’autres.

Par analogie, si Dieu, dans sa bienveillance, a aimé la nation d’Israël sur la base des promesses inconditionnelles faites à Abraham (Gen 12.1-3), les errances d’un grand nombre d’Israélites et leur disqualification ne sauraient être un motif de rejet de ce peuple — de même que les fautes de Jacob ne l’ont pas dépouillé de son héritage spirituel.

3b. L’éloignement d’Israël annonce-t-il sa ruine définitive ? (9.14-29)

Pour sa gloire, Dieu gouverne souverainement les peuples en montrant selon les circonstances le bien-fondé de sa colère envers certains et la grandeur de sa miséricorde envers d’autres (9.14). Sa patience, sa compassion, ses délivrances, mais aussi ses interventions dans les cœurs des « pharaons » de ce monde et ses jugements, sont à la mesure de sa perfection (9.18-23). Bien mal inspiré le « vase d’argile » qui voudrait les lui reprocher (9.20).

Mais comme Dieu a glorifié son nom « par toute la terre » (9.17) en utilisant l’endurcissement volontaire des Égyptiens pour libérer Israël, de même il se glorifie maintenant en appelant des Juifs et des païens hors du monde pour en faire son peuple spirituel (9.24-26). Un avocat de la cause d’Israël pourrait s’insurger : si Dieu « endurcit » la majorité d’Israël pour faire miséricorde à des nations étrangères, Israël serait donc devenu comme l’Égypte et marcherait inéluctablement vers sa perte (9.19). L’Esprit répond à ce reproche par trois arguments :

  • Il fournit l’image du souverain potier (9.20-24), qui doit être bien comprise. Nul individu, Juif ou non, n’est victime d’un jugement ou d’un « formatage » arbitraires du Tout-puissant. En effet, les vases de colère « formés pour la perdition » sont « préparés » à leur sort final par leur propre résistance à la grâce. Romains 2.4-6 l’a établi : la colère, l’endurcissement irréversible et le déshonneur éternel découlent du refus obstiné de la bonté rédemptrice de Dieu. Et avant d’en arriver là, ils sont maintes fois avertis par l’Esprit des conséquences de leur résistance. Quant aux vases d’honneur, Dieu les a d’avance préparés à la gloire parce qu’ayant été appelés, ils se sont laissés saisir par la grâce et la miséricorde de leur Sauveur.
  • La bénédiction de Dieu répandue sur les nations ne contredit en rien les promesses et les prophéties. Que la citation d’Osée, destinée à Israël, soit maintenant appliquée au peuple de l’Église constitue une extension de la grâce conforme aux promesses faites à Abraham.
  • Les chutes de nombreux Israélites, principalement à cause de leur désobéissance, sont un fait récurrent tout au long de l’histoire (9.27,28 ; És 10.21-22). Mais lorsqu’Israël était dans la détresse, parfois au bord de l’extermination, Dieu s’est plu à sauver un « reste » du peuple.[note]Voici quelques références de l’A.T. qui parlent du « reste » d’Israël : Gen 45.7 ; És 1.9 ; 10.21-22 ; 11.11,16 ; 46.3 ; Jér 23.3-6 ; Éz 6.8 ; Amos 5.15 ; Mich 2.12-13 ; 5.7-8 ; Soph 2.7,9 ; 3.13 ; Zach 8.6,11-13. Plusieurs de ces textes évoquent le « reste » d’Israël, recueilli d’entre toutes les nations, qui sera entièrement sauvé au retour du Messie. Il faut distinguer ce « reste » eschatologique du « reste » actuel des Juifs incorporés au Corps de Christ (voir point 3.e).[/note] Souvent instrument de redressement spirituel, ce « reste » témoigne de la miséricorde de Dieu (9.29).

3c. Dieu traite-t-il Israël avec équité ? (9.30-10.13)

Dieu a-t-il, dans un moment de lassitude ou d’impatience, délaissé son peuple d’Israël pour en aimer un autre ? Non, il n’y pas d’infidélité en Dieu. Si maintenant sa faveur repose sur les païens et si la majorité des Juifs ne sont pas sauvés, ce n’est pas que Dieu use de deux poids, deux mesures, car « quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé » (10.13). La grande évidence, c’est que les Juifs se trompent en s’échinant à obtenir la faveur de Dieu par leurs performances, et non par la foi en Christ (9.30-10.4). S’ils étaient lucides, ils reconnaîtraient que leur zèle pour Dieu et leur attachement à la loi (10.2-4) n’ont pas résisté à l’examen que Christ leur a imposé. Ils ont trébuché (9.32-33 ;11.9,11). Quant à ceux qui, païens ou Juifs, sont prêts à admettre par la foi leur insuffisance et leur indignité devant Dieu, la route de la rédemption leur est largement ouverte (9.30b ; 10.9-13 ; Éph 3.5-6).

3d. Les missionnaires chrétiens ont-ils négligé les Juifs ? (10.14-21)

Ah ! pense Paul à ce stade de sa réflexion, si seulement tous mes frères de race entendaient et comprenaient que Dieu veut amener toutes les nations, y compris la nôtre, à l’obéissance de la foi (10.15,18 ; 1.5-6) !

Mais voilà que les paroles de Moïse et d’Ésaïe se font entendre : non, ce n’est pas d’abord par ignorance de l’Évangile qu’Israël ne parvient pas à la foi, mais par insoumission et incrédulité naturelles (10.21). Le salut n’est pas loin (10.8), car même les païens les moins instruits et les plus indifférents à la vérité divine parviennent à le trouver (10.19-20). Du côté de Dieu, tout est prêt.

3e. Les Juifs convertis à Christ sont-ils utiles à Israël ? (11.1-10)

Bien ! poursuit Paul, l’accession à la foi et au salut de quelques Juifs me réjouit, mais est-ce là le couronnement des merveilleuses visions messianiques des Écritures ? Comme Élie autrefois, je me sens bien impuissant face à l’incrédulité du peuple. Pourtant, je me souviens que Dieu a consolé ce prophète en lui révélant qu’une poignée d’Israélites étaient restés fidèles (les « sept mille hommes », 11.4). Ce « reste d’Israël » constituait, aux yeux de Dieu, le cœur de la nation et le gage de sa survie.

Il doit en être ainsi, parmi les Juifs de notre temps, du « reste selon l’élection de la grâce » (11.5), de ceux qui ont embrassé l’Évangile et qui entrent déjà dans la bénédiction des rachetés. Car « l’élection de la grâce » (11.5) est la source commune du salut de tous ceux que Dieu ajoute au Corps de Christ, Juifs ou non-Juifs. Les « élus » juifs du temps présent (11.7) sont ces « saintes prémices » du « reste » national futur qui sera sauvé dans sa totalité par la venue du Libérateur (11.25-27 ; Zach 12).

Quant aux autres qui ont été « endurcis » à cause de leur religion fondée sur leurs mérites propres, ils sont maintenus dans un état d’« assoupissement » et d’amoindrissement spirituel (11.8-10). Dieu nous révèle là un« mystère » : le corps de la nation souffre d’un « endurcissement partiel » (11.25), limité dans sa durée, dans sa gravité et dans son étendue (voir 2 Cor 3.14-16). Jusqu’à la disparition de cette torpeur, les Juifs déjà convertis attesteront de la persistance de la grâce divine et des promesses.

3f. Le calendrier de Dieu est-il troué de parenthèses ? (11.11-25)

Certainement pas. Notre « ère chrétienne » est l’occasion pour l’Église de croître sans cesse, jusqu’à l’entrée de son dernier représentant (11.25b), jusqu’à sa plénitude numérique. Pendant tout ce temps, des Juifs continuent de se joindre à elle (11.13,14), car le témoignage des chrétiens, lorsqu’il est dispensé avec amour et sagesse, incite les Juifs à croire et à recouvrer leur héritage distinctif (11.24 : « leur propre olivier »).[note]Par contre, lorsque la « chrétienté », l’islam ou certaines idéologies politiques dévoyées se sont liguées contre les Juifs, sous toutes sortes de prétextes, ils ont dû apprendre à leurs dépens que Dieu est celui qui garde Israël (Ps 121 ; Zach 2.8).[/note] Le temps de l’Église n’est donc pas un temps mort pour les Juifs, car déjà maintenant, « Dieu est puissant pour les greffer de nouveau » sur l’olivier de la vraie foi (11.23b). Tous ceux d’entre eux qui « ne demeurent pas dans l’incrédulité » (11.23a) deviennent membres de la communauté des croyants à part entière (Gal 3.26-29) et conjointement, constituent les signes annonciateurs de la « réintégration » d’Israël (11.15b), de son « relèvement » (11.12b) et du renouvellement de toutes choses (11.15b).

Quant aux rachetés d’entre les païens, ils ont constamment sous les yeux un rappel de la sévérité de Dieu envers ceux qui oublient sa bonté (11.22). La mise à l’écart d’Israël nous sert d’avertissement solennel, car Dieu n’est pas prêt à cautionner notre suffisance ou notre orgueil, tout comme il ne l’a pas fait pour son peuple terrestre (11.20,21 ; Héb 3 ;4). L’existence d’Israël dans son amoindrissement actuel a donc une fonction précise : celle de nous empêcher de nous glorifier à tort (11.18) et de juger les Juifs de haut. C’est malheureusement cette leçon que beaucoup n’ont pas voulu recevoir tout au long des heures noires de la chrétienté — engendrant par là d’indicibles souffrances…

3g. Israël a-t-il un autre Sauveur que celui des chrétiens ? (11.26-27)

Point final du « temps des nations » (Luc 21.24) lors de la venue en gloire du Seigneur Jésus-Christ à Jérusalem : la conversion de la totalité du peuple d’Israël en vie à ce moment (11.26a). Comme nous l’avons déjà souligné, le thème central de ces chapitres est celui du salut de la nation d’Israël. Il n’est pas acceptable, comme le font certains exégètes, de donner à tous les termes clairs de ces versets (« ainsi », « le libérateur », « Sion », « Jacob », « alliance », « lorsque j’ôterai leurs péchés ») une portée à tel point intemporelle et métaphorique que la dimension historique de ce dénouement en soit occultée. Du reste, nombre de textes prophétiques parlent des retrouvailles bouleversantes du Messie et de son peuple repentant dans des termes si clairs (És 54.5-10) que les « spiritualiser » est aussi incongru que de réduire l’incarnation ou la résurrection de Christ à des réalités symboliques.

Mais c’est bien ce même Roi et Juge qui, entrant dans son règne, y associe aussi toute son Église (Rom 16.25-27 ; Apoc 19).

3h. Pourquoi Dieu sauve-t-il Israël et l’Église ? (11.28-36)

Dans la perspective de Dieu, les destins de l’Église et d’Israël, quoique distincts dans le cours de l’histoire, ne vont pas l’un sans l’autre. Les deux parcours sont tracés selon les décrets irrévocables de Dieu, rendus possibles par sa seule miséricorde, par sa sagesse, par sa puissance et pour sa seule gloire. Nos grandes préoccupations, à l’instar de celles de Paul, trouvent leur apaisement en Dieu qui peut les métamorphoser en pensées d’adoration.

4-Pour l’essentiel

L’endurcissement spirituel de la majorité de l’Israël actuel n’est pas définitif. Il y a un avenir pour ce peuple. L’Esprit convainc Paul qu’il y a cinq choses que Dieu n’a pas faites ou ne fera pas :

  • Dieu n’épargne pas ceux qui persistent dans l’incrédulité (11.21,22) ;
  • Dieu n’a pas abrogé ses promesses à l’égard du peuple d’Israël (9.6) ;
  • Dieu ne commet pas d’injustice ni ne se trompe dans ses choix (9.14) ;
  • Dieu n’a pas rejeté son peuple terrestre (11.1) ;
  • Dieu ne se repent pas de ses dons et de son appel (11.29).

Mais il y a une chose qu’il offre à tous : le salut par grâce et par la foi. C’est selon ce principe qu’il a sauvé les croyants de l’Ancienne Alliance (Héb 11). C’est ainsi qu’il sauve les Juifs et les non-Juifs du temps présent — jusqu’à ce tous les païens qui se convertiront soient « entrés » (11.25). C’est ainsi qu’il sauvera la totalité du reste d’Israël lors de son retour visible à Jérusalem.

Ce plan décourage tout esprit de rivalité ou de supériorité entre Israël et l’Église. Il nous est révélé pour nous pousser à reconnaître la sagesse de Dieu, à craindre la rigueur de sa justice et à le louer pour la valeur inestimable de sa miséricorde, fondement de notre salut à tous (11.30-36). Puissions-nous ne pas défigurer ce message, mais y trouver un puissant réconfort — pour nous et pour son peuple terrestre.

« Ô profondeur de la richesse, de la sagesse et de la science de Dieu !
Que ses jugements sont insondables, et ses voies incompréhensibles !
Car qui a connu la pensée du Seigneur, ou qui a été son conseiller ?
Qui lui a donné le premier, pour qu’il ait à recevoir en retour ?
C’est lui, par lui, et pour lui que sont toutes choses.
À lui la gloire dans tous les siècles ! Amen ! »
(Romains 11.33-36)


Les commentaires de qualité sur l’Épître aux Romains ne manquent pas en français. Un des derniers parus, celui de Brad Dickson, aux éditions CLE, se distingue par sa clarté et son accessibilité. Nous en citons un extrait ci-dessous, en recommandant la lecture entière de cet ouvrage.

Ainsi donc, frères, nous ne sommes point redevables à la chair, pour vivre selon la chair. Si vous vivez selon la chair, vous mourrez ; mais si par l’Esprit vous faites mourir les actions du corps, vous vivrez. Car tous ceux qui sont conduits par l’Esprit de Dieu sont fils de Dieu. Et vous n’avez point reçu un esprit de servitude pour être encore dans la crainte ; mais vous avez reçu un Esprit d’adoption, par lequel nous crions : Abba ! Père ! L’Esprit lui-même rend témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. (Romains 8.12-16)

Paul a largement établi l’état impuissant de celui qui n’a pas l’Esprit (7.7-25 ; 8.5-8). Il nous conduit ensuite à la reconnaissance obéissante, en rappelant que l’Esprit nous a libérés de l’emprise de la chair et de la mort même (8.9-11). « Ainsi donc, frères, nous ne sommes point redevables… » (8.12). Le peuple libéré a un devoir envers son libérateur. Ce fut le cas au Sinaï, où Dieu a appelé le peuple qu’il avait libéré à le servir (Ex 20.2-3). Paul semble toujours essayer de prévenir le chrétien d’arriver à de fausses conclusions telles que : chercher à profiter du pardon du péché, sans chercher à vivre sans péché (6.2), ou profiter de son statut d’homme libéré de la loi pour ne pas devenir esclave de la justice (6.18).

Non, nous ne devons rien à la chair– ni obéissance ni même affection. Loin s’en faut, nous chercherons surtout à la faire mourir !

Une note d’explication sur le terme « chair » s’impose. Ce mot n’est pas utilisé ici par l’apôtre comme synonyme de « corps ». Sinon l’attitude qui nous serait proposée dans ce texte ressemblerait à de l’ascétisme, ce qui impliquerait le mépris du corps. L’apôtre, fidèle à toute la tradition hébraïque depuis Genèse 1, est le premier à reconnaître l’importance du corps. La sexualité est bonne (1 Corinthiens 6 et 7), la nourriture aussi (1 Tim 4.1-4). Ce que nous devons chercher à « faire mourir » (8.13), ce sont les mauvaises « actions du corps », les convoitises qui émanent de la chair. La chair est donc ici la nature humaine telle qu’elle est décrite par Paul en 3.9-18, c’est-à-dire […] la tendance au péché enracinée en nous.

Si nous sommes contraints à cette déclaration de guerre contre la chair c’est parce qu’elle n’est pas neutre à notre égard. « Si vous vivez selon la chair, vous mourrez. » (8.13) C’est elle ou nous, qu’on le veuille ou non ! Ce texte nous rappelle le défi que Moïse a placé devant le peuple d’Israël avant de mourir. Il a décrit pour eux deux chemins, celui de la vie et celui de la mort, puis il les a exhortés instamment à choisir la vie (Deut 30.15-19). La mort à laquelle Paul se réfère ne peut être simplement la mort physique car tous meurent (8.10). Il pense plutôt à la mort spirituelle, aboutissement d’une vie vécue sans Dieu et sans son Esprit. « Vous n’avez rien à faire sur ce chemin-là », pourrait-il dire pour interpeller les chrétiens de Rome.

Mais comment combattre cet ennemi si redoutable, cet ennemi si proche ? Une seule solution : « par l’Esprit » (8.13). Cette précision est vitale pour avoir la victoire. La chair est inutile contre la chair. Comme il a fallu pour notre salut admettre notre incapacité totale de nous justifier par une œuvre quelconque, de même pour la marche chrétienne faut-il admettre notre incapacité totale de nous sanctifier sans l’aide du Saint-Esprit. Nous sommes justifiés par la foi et sanctifiés par la foi. […] Christ seul a vaincu le péché dans la chair, et lui seul pourra être vainqueur en nous.

Pratiquement, pour tordre le cou aux tendances pécheresses, il va nous falloir affectionner les choses de l’Esprit : nous préoccuper de la Parole, de la communion fraternelle, de la prière et de la sainte cène. « Faire mourir », dans un passage parallèle en Colossiens 3.5, traduit le mot grec « nécroser ». L’idée est de donner la mort par privation. Faire mourir veut aussi dire exposer, mettre à la lumière. Comme certains insectes qui se portent mieux en se cachant sous des rochers pour fuir le soleil, le mal prospère lui aussi dans les ténèbres et dans le secret. L’exercice douloureux de la confession de nos péchés à Dieu et à nos frères, quand c’est nécessaire, est une arme puissante contre la prolifération du mal.

Dans les versets 14 à 17, Paul nous donne une image précieuse et encourageante de la vie selon l’Esprit. C’est vivre comme des « fils de Dieu » (8.14). Il ne s’agit pas de s’octroyer ce titre ou de « faire comme si ». C’est l’Esprit lui-même qui nous déclare légitimes et qui nous pousse à appeler Dieu « Père ». Pour encore mieux nous faire toucher du doigt notre privilège d’être enfants de Dieu, Paul compare ce statut favorable à celui d’esclave, un statut bien connu du public romain. Explorons les richesses de cette comparaison.

« Vous n’avez point reçu un esprit de servitude pour être encore dans la crainte. » (8.15) Le serviteur vit dans l’appréhension perpétuelle de se faire renvoyer, ou d’être vendu par son maître. Son statut n’est pas définitif, mais précaire. Il n’est pas l’objet de l’amour de son maître, mais un moyen, une « ressource humaine » pour l’accomplissement de ses projets. Il faut que l’esclave ou l’employé soit performant pour obtenir et maintenir sa place.

Cet état d’esprit, dit Paul, ne décrit en rien notre véritable relation avec Dieu, rendue possible en Christ. Il correspond plutôt à la mentalité de celui qui veut plaire à Dieu, mais qui n’a pas encore compris l’Évangile. Par son obéissance et ses efforts, il espère obtenir et conserver la faveur de Dieu. Mais il ne sait jamais si elle est acquise. Il est constamment tendu. Dieu lui semble lointain et impersonnel.

Non, le statut de celui en qui l’Esprit de Dieu habite est tout autre. Il nous introduit dans une relation intime et sûre avec Dieu où les mots qui conviennent sont : « Abba, Père » (8.15). Ce terme, Abba, expression de grande intimité, contient un enseignement riche qui vaut la peine d’être exploré. Paul, en empruntant ce mot araméen au vocabulaire de Jésus, veut nous amener au jardin de Gethsémané tel que la scène a été décrite par l’évangéliste Marc (Marc 14.32-42). Là, notre Seigneur est « saisi d’effroi et d’angoisse », « triste jusqu’à la mort ». Dans un tel moment de tourmente spirituelle, incompris et abandonné des siens, il a besoin de parler à son Père. Seul, à genoux, transpirant, il crie avec des sanglots dans la voix, « Abba (Papa), éloigne de moi cette coupe. » Nous sommes les observateurs silencieux et respectueux de cette scène. Quelle intimité avec Dieu ! Jamais nous n’oserions nous adresser à lui avec la même liberté. Jamais ?

Mais si ! Le même Esprit qui animait Jésus à Gethsémané nous anime. Cette présence de l’Esprit de Jésus en nous nous établit en tant que fils de Dieu, et donc en tant que frères de Jésus (8.29). Nous avons désormais le même accès confiant au Père que lui. De mendiants que nous étions, Dieu nous a adoptés pour faire de nous des princes. À lui soit la gloire !


Ce chapitre de l’Épître aux Romains a fasciné des générations de théologiens et de prédicateurs, tant il trouve un écho profond dans l’expérience humaine. Cet attrait provient principalement du débat concernant l’identité de la personne dépeinte dans les versets 7 à 25. Force est de constater que les solutions proposées sont souvent liées à différentes doctrines de la sanctification.

Ceci dit, ce débat ne doit pas faire oublier le sujet principal du chapitre, celui de la loi mosaïque, après le chapitre 6 consacré à la libération de l’esclavage du péché.

Paul aborde la loi sous deux aspects :

  • Un aspect négatif : la loi, pourtant issue de Dieu, est devenue l’auxiliaire bien involontaire du péché : elle ne pouvait ni justifier, ni sanctifier.
  • Un aspect positif : notre libération des liens de la loi était nécessaire pour que nous soyons placés dans une nouvelle relation avec Jésus Christ.

Cet enseignement sur la loi s’insère dans le développement de la Lettre aux Romains de trois manières :

  • Tout d’abord, Paul mentionne à diverses reprises leseffets négatifs de la loi ( 3.19-20,27-28 ; 4.13-15 ; 5.13-14,20).
  • Ensuite, il existe un parallèle entre la loi (ch. 7) et le péché (ch. 6) : de même que le croyant est mort au péché (6.2), libéré du péché (6.18,22) qui ne règne plus sur lui (6.14), de même aussi, il est mort à la loi (7.4), a été libéré de la loi (7.6) et de son autorité (7.1).
  • Enfin, ce chapitre est relié à une affirmation précédente : le chrétien n’est plus « sous la loi » (6.14,15). Paul explique ce que cela veut dire, comment cela a été réalisé, et pourquoi c’était nécessaire.

Délivré de la loi, uni à Christ (7.1-6)

En reprenant l’allusion à la loi faite en 6.14-15, Paul interpelle ses lecteurs et fait référence à un principe général : la loi a autorité sur l’homme aussi longtemps qu’il vit. Il illustre cela par une analogie avec le mariage : la mort libère de la loi comme des liens du mariage rendant une nouvelle relation possible. Ce qui est vrai du mariage (7.2-3) l’est aussi de l’union du croyant avec Christ (7.4).

La loi, loin d’être un rempart contre le péché, est utilisée par le péché pour produire plus de péchés (7.5,8), et rendre la situation pire qu’en l’absence de loi (7.9-11,13). En cela, la loi est bien un pouvoir de l’âge ancien (6.14 ; 7.4) : le chrétien est « mort au péché » pour « vivre à Dieu », et a « été mis à mort à la loi »« pour être joint à Christ ».

Mais le croyant, délivré du pouvoir de condamnation de la loi et de son autorité, n’a-t-il « plus rien à faire avec la loi » ? L’enseignement de Paul conduit-il à vivre sans loi ?

Paul, dans son langage habituel « car… mais maintenant », explique pourquoi il était nécessaire pour les croyants d’être délivrés du domaine de la loi. Il nous décrit comme étant, avant notre nouvelle naissance, « dans la chair », à savoir enveloppés, contrôlés par ses principes et ses valeurs. Paul dépeint la chair[note]Le terme « chair » décrit ici la manière de vivre en opposition ou en indépendance de Dieu, c’est-à-dire l’homme livré à lui-même, comptant sur ses seules ressources pour diriger sa vie et satisfaire ses besoins.[/note] comme un autre pouvoir de l’âge ancien, en opposition avec l’Esprit. L’existence dans la chair est « réglée » par le péché, la loi et la mort, ici cités ensemble (7.5). Paul réaffirme la connexion entre la loi et le péché, tout en allant plus loin :la loi révèle le péché (3.20), elle tourne la faute en transgression (4.15), elle stimule le péché (7.7-11).

Il faut reconnaître à la loi des aspects positifs : elle enseigne la sainteté de Dieu et celle qu’il attend des siens (3.21-22) ; les commandements individuels de la loi sont accomplis en ceux qui marchent par l’Esprit (8.4 ; 13.8-10). Le chrétien est donc sous « une loi » au sens large du mot (Gal 6.2 ; 1 Cor 7.19).

Anticipant le chapitre 8, le verset 6 proclame l’affranchissement par rapport à la loi et un régime nouveau, celui de l’Esprit, tandis que le verset 5 annonce et résume la section qui suit.

L’homme aux prises avec la loi de Dieu (7.7-25)

Dans les versets 1 à 6, Paul a montré que chacun devait être délivré des liens de la loi pour être uni à Christ, car la vie sous la loi ne produit que péché et mort. Cependant, une question légitime peut être posée : comment la loi peut être à la fois bonne et un instrument qui conduit au péché et à la mort ? Paul explique cela dans la longue parenthèse des versets 7 à 25 :le péché utilise la loi comme « tête de pont » pour produire plus de péché et conduire l’homme sur un chemin de mort.

Ces versets ont donc deux objectifs :

– affirmer que la loi est bonne en elle-même,

– et montrer comment, malgré cela, elle a exercé une influence négative en suscitant le péché.

Ils se divisent en deux sections, chacune étant introduite par une question suivie de l’exclamation : « Certainement pas ! »

De qui s’agit-il ?

Paul utilise ici la première personne du singulier. Mais de qui parle-t-il ? Les (nombreuses) interprétations proposées au cours des âges peuvent être regroupées sous trois lignes générales :

  1. La situation du Juif, dans une ligne autobiographique: c’est celle qui vient le plus naturellement à l’esprit du lecteur ; Paul décrirait son expérience, celle d’un homme aux prises avec la Torah, et évaluant sa situation passée à la lumière de ses convictions chrétiennes.
  2. La condition humaine, avec l’écho de l’expérience d’Adam en Gen 2-3, Adam représentant ici le genre humain : les versets 9 et 10 seraient lus de la manière suivante : « J’étais vivant spirituellement avant que la loi [à propos du fruit défendu] ne vienne… et le péché [par l’intermédiaire du serpent] … et alors je mourus [spirituellement]. »
  3. L’expérience chrétienne: Paul, en s’exprimant à la première personne du singulier et au présent à partir du verset 14, décrirait ainsi l’état d’un chrétien. Cette lecture, déjà présente chez Augustin a été popularisée par Luther qui voyait le croyant « à la fois juste et pécheur » ; jusqu’au XXe siècle, les Réformés ont vu dans ce texte l’expérience chrétienne typique.

Le courant piétiste, par réaction à l’interprétation réformée qui ouvrirait trop la porte à une vie de compromis, a vu dans ces versets quelqu’un sur le chemin de la nouvelle naissance (ayant la conviction de péché mais non né de nouveau), ou alors un chrétien, généralement décrit comme jeune converti, se débattant pour essayer d’obéir à la loi par lui-même.

Le style narratif et descriptif ainsi que l’usage du mot « loi » par Paul pour désigner la loi de Moïse (et non pas une loi générale[note]Dans les versets 21 et 23 le mot « loi » ne désigne pas la loi mosaïque, mais un principe, comme la « loi de la foi » en 3.27.[/note])fait préférer la ligne 1 et éliminer la ligne 2, sans toutefois écarter l’hypothèse 3 à ce stade.

Ainsi, Paul décrit son expérience, et plus largement celle de l’homme sous la loi, et ce sous deux aspects : d’une part la venue de la loi et ses conséquences (7.7-12), et d’autre part l’échec de la loi, à cause de la chair, à délivrer du pouvoir du péché (7.13-25). En conclusion, dans les versets 7 à 12, Paul décrirait son vécu de l’entrée de la loi dans sa vie, et dans les versets 13 à 25, son expérience quotidienne sous la loi.

La relation entre le péché, la loi et la mort (7.7-12)

Paul reprend le style de questions-réponses du chapitre 6. La question reflète certainement encore une critique essuyée par Paul : s’il enseigne que la loi suscite le péché, ne dit-il pas que la loi est péché en elle-même ? Si Paul affirmait cela, il détruirait effectivement toute continuité entre l’A.T. et le N.T., entre Moïse et Christ. C’est pour cela que sa dénégation est très claire :« Certainement pas ! »

En revanche, la loi amène la connaissance du péché. Plus encore, elle est utilisée par le péché pour accomplir plus de mauvaises actions, selon le phénomène du « fruit défendu » : qui n’a pas expérimenté que lorsque l’on interdit quelque chose à un enfant, il va s’empresser de le faire ! Israël a été stimulé à désobéir : juste après avoir entendu le commandement de ne pas se faire d’idoles, Aaron leur a fait le veau d’or !

Sans loi, on « vit » (on existe) car les péchés ne sont pas encore explicitement pris en compte (5.13), ils ne constituent pas une transgression (4.15). Mais la loi, tournant alors la faute en transgression, confirme et radicalise la mort spirituelle dans laquelle tous gisent depuis Adam. La loi est venue avec des promesses de vie liées à l’obéissance (Lév 18.5 cité en Romains 10.5), mais elle aurait alors dû être parfaitement observée — ce qui était impossible compte tenu du pouvoir du péché. Donc, bien que le commandement soit censé mener à la vie, il conduit à la mort.

Dans cette section, Paul ne laisse aucun doute quant au rang élevé qu’il attribue à la loi, mais, en montrant comment le péché s’en sert pour parvenir à des fins funestes, il la repousse comme moyen de salut et de sanctification.

L’homme déchiré (7.13-25)

Paul, en passant du passé au présent décrit avec beaucoup d’acuité le conflit pratique que fait naître la perception de l’exigence divine et l’incapacité à l’honorer — autrement dit, la division entre le vouloir et le faire. Parce que le « je » est incapable de faire ce que la loi réclame, il se trouve être prisonnier du péché, une situation, dont Dieu en Christ, peut délivrer (7.24 ; 8.1-4). En revanche, Paul montre encore que la loi est incapable de délivrer du péché. Aussi bonne soit elle, elle s’adresse à des gens « de chair », habités et dominés par le péché (7.17,20).

L’enseignement essentiel de l’incapacité de la loi mosaïque à délivrer de la puissance spirituelle du péché peut s’appliquer aux personnes non régénérées (dans le sens qu’elles ne peuvent être sauvées par la loi), et aux personnes régénérées (qui ne peuvent être sanctifiées et délivrées de la puissance du péché par la loi).

Mais qui est cet homme « sous la loi », déchiré entre le vouloir et le faire ? Est-ce l’expérience d’un Juif pieux ou celle d’un chrétien ?

Sans rentrer dans le détail des arguments avancés par les uns et les autres, notons que chaque lecture peut être étayée par des éléments de ce texte.

Cependant, deux arguments nous semblent décisifs pour ne pas y voir la condition et la vie normales d’un chrétien :

– le contraste entre la description du « je » vendu au péché (7.14b) et l’affirmation que le croyant a été délivré du péché (6.8,22) ;

– le contraste entre le « je », « captif de la loi du péché » (7.23) et le croyant, qui a été libéré de la loi du péché (8.2).

Toutes ces expressions décrivent une situation objective, et il est difficile de voir comment elles peuvent être appliquées en même temps à la même personne. Dans les chapitres 6 et 8, Paul établit clairement qu’être libéré du péché et de la loi du péché sont des affirmations vraies pour tout chrétien, même immature. Par ailleurs, l’absence de référence au Saint-Esprit dans cette section est significative.

Même si le croyant continue d’être influencé par ses anciens maîtres, le péché et la chair, il est mort au péché (6.2), n’est plus sous l’empire de la chair (8.9), et a été fait esclave de Dieu (6.22). Cela ne veut pas dire pour autant que le chrétien ne lutte pas avec le péché ! Paul l’établit explicitement (cf. Gal 6.1) et implicitement, par toutes les exhortations contenues dans ses lettres. Les chrétiens ne sont pas totalement délivrés de l’influence du péché, ni de leur propension à servir leurs anciens maîtres, le péché et la chair.

La portée de ce passage peut être difficilement étendue à tous les hommes sans Dieu, puisque la loi mosaïque est le sujet principal du chapitre 7. Ceci explique d’ailleurs le regard positif du « je » sur la loi de Dieu. Paul ne reproche pas aux Juifs de ne pas aimer la loi de Dieu, mais de se tromper sur son intention (10.1-4) et de ne pas y obéir (2.17-29).

Après le verset 13 qui sert de transition, Paul décrit donc, dans les versets 14 à 20, comment, de manière pratique, la loi l’a mené à la mort, comment le péché habite en lui, à tel point que sa personne est divisée entre le vouloir et le faire (7.15,16a,18b,19,20a). Paul ne nie pas sa responsabilité, mais fait l’aveu d’un homme « dépassé » par le pouvoir du péché (« ce n’est plus moi qui produis cela » 7.17b). Sa chair (c’est-à-dire ses membres) n’est pas mauvaise en elle-même, mais elle est le moyen par lequel il pèche et il est dominé par le péché (7.18).

Dans les versets 21 à 23, Paul dépeint une réalité plus objective : il décrit les deux lois[note]Dans les versets 21 et 23 le mot « loi » ne désigne pas la loi mosaïque, mais un principe, comme la « loi de la foi » en 3.27.[/note] qui agissent dans le Juif non régénéré :

– la loi de son intelligence, qui discerne dans la loi mosaïque le chemin à suivre (7.22,23a), car les Juifs pieux aimaient la loi (10.2) ;

– puis la loi du péché, qui le contrôle et a gagné la bataille (7.21a,23b) : il est prisonnier de cette dernière.

Paul appelle donc à la délivrance (7.24), puis remercie pour la libération survenue (7.25a), anticipation de la victoire à venir. Il conclut par le résumé de l’état du Juif sous la loi, servant deux maîtres : la loi de Dieu et la loi du péché (7.25b). Le « donc » qui ouvre alors le chapitre 8 fait le lien avec les chapitres précédents : plus de condamnation, de verdict à attendre, car il a été déjà rendu en Christ, et plus de sanction à redouter. Le « maintenant » qui retentit vise l’étape nouvelle dans laquelle les chrétiens, délivrés de la loi, sont entrés, même si l’achèvement glorieux reste objet d’espérance.

* * *

En conclusion, si Paul ne décrit pas ici littéralement la situation d’un chrétien, il dépeint généralement la situation d’échec d’un homme sous la loi. L’application de ce texte peut donc être étendue à tout homme, Juif pieux ou chrétien qui s’efforce d’obéir à la loi en comptant sur ses propres ressources, sans dépendre de l’Esprit de Dieu.

Ainsi, un prédicateur pourrait à la limite prêcher sur ce passage sans même trancher sur l’identité du « je ». En effet, comme chrétiens, nous sommes avertis que la loi mosaïque — et donc toute autre loi ou forme de légalisme — ne saurait nous délivrer du pouvoir du péché. Tout comme l’illusion de pouvoir faire le bien seuls, en suivant une multiplication de règles, de commandements, nous conduira immanquablement à la défaite, et pourra même engendrer une véritable souffrance.

Seule une loi nouvelle, celle de l’Esprit de Dieu, nous délivre de la loi du péché, accomplit la justice de la loi en nous, nous transforme et nous conduit à la vie (8.2,6) !

« Le Créateur, qui est béni éternellement. Amen ! » (Romains 1.25)


Mais maintenant, sans la loi est manifestée la justice de Dieu, à laquelle rendent témoignage la loi et les prophètes, justice de Dieu par la foi en Jésus-Christ pour tous ceux qui croient. Il n’y a point de distinction. Car tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu ; et ils sont gratuitement justifiés par sa grâce, par le moyen de la rédemption qui est en Jésus-Christ. C’est lui que Dieu a destiné à être, par son sang pour ceux qui croiraient, victime propitiatoire, afin de montrer sa justice, parce qu’il avait laissé impunis les péchés commis auparavant, au temps de sa patience ; il montre ainsi sa justice dans le temps présent, de manière à être juste tout en justifiant celui qui a la foi en Jésus.       (Romains 3.21-26)

Martin Luther décrivait ce passage comme « le thème principal et le point central de l’Épître aux Romains et de la Bible tout entière » [note]Commentaire sur Romains 3.23 inscrit dans la marge de sa Bible.[/note].

Ce paragraphe fait immédiatement suite à une longue section (1.18-3.20) dont le but principal consiste à démontrer que tous,Juifs et Grecs, encourent la juste colère de Dieu : nous sommes donc tous condamnés. L’argument que Paul avance entre profondément en conflit avec la pensée moderne. Le message le plus difficile à communiquer aujourd’hui est ce que la Bible dit à propos du péché. Ce mot amuse et n’a plus aucune connotation de honte. Notre culture contemporaine façonne de mille façons l’idée que le péché est quelque chose que chacun a le droit de définir, que ce soit sur le plan personnel ou collectif. Ce qui est péché pour un groupe donné ne l’est pas pour un autre.

À n’en pas douter, le péché est une réalité sociale qui se répercute sur les autres. Mais le mal que nous avons commis n’a pas qu’une dimension horizontale ; la nature du problème est le fait que nous avons offensé Dieu. En conséquence, notre plus grand besoin pour être sauvés est de trouver un moyen par lequel nous pouvons être réconciliés avec Dieu.

Pour ce qui est d’être à la hauteur des normes morales divines, Paul déclare que personne ne les respecte parfaitement. Même lorsque nous faisons du bien, nous agissons le plus souvent indépendamment de Dieu parce que nous nous plaçons au centre de l’univers. Tous les maux qui ont souillé les sombres couloirs de l’histoire humaine résultent de cet insatiable désir d’indépendance. Tout vient de ce que je me dis :« C’est moi qui suis Dieu. »

Pour Dieu, l’idolâtrie est une offense suprême et grave qui dénature et rabaisse son être. Chaque fois que nous commettons un péché, Dieu est la personne que nous offensons le plus.

Si nous n’arrivons pas vraiment à reconnaître l’état de perdition dans lequel nous gisons en tant qu’êtres humains, nous aurons beaucoup de mal à comprendre la suite du passage.

Ce court texte (3.21-26) traite la question de savoir comment un homme peut être regardé juste aux yeux du Dieu saint, sachant à la lumière de la section précédente que sa condition est misérable.

  1. La justice de Dieu manifestée en Christ est directement liée à l’alliance de l’Ancien Testament (3.21)

Paul introduit son argumentation par les mots : « Mais maintenant ». À quel changement Paul fait-il référence ? Selon une opinion courante (bien que fausse), le Dieu de l’A.T. serait un être sévère et courroucé, « mais maintenant », dans le N.T., il fait particulièrement preuve d’amour et de bonté. Cette opinion est une grave erreur :

  1. Bien que l’A.T. renferme de nombreuses manifestations de jugement, nous y trouvons aussi une abondance d’expressions de bonté, de générosité, d’amour et de grâce de la part de Dieu (cf. Ps 103.8,9,13,14).
  2. Ce point de vue fait fi des textes du N.T. qui parlent de la colère divine. Il est vrai que Jésus enseigne de tendre l’autre joue, mais les descriptions les plus frappantes de l’enfer viennent de sa bouche même. Dans l’A.T., les manifestations de la colère de Dieu sont de nature temporelle et sont décrites principalement en termes historiques. Les images du N.T. sont présentées essentiellement en termes eschatologiques et apocalyptiques. Comme la plupart des gens ne croient pas vraiment que ces images reflètent une quelconque réalité, on n’éprouve aucune frayeur en les lisant. Notre culture est axée avant tout sur l’instant présent. Nous redoutons davantage les jugements temporels (vieillesse, maladie, guerre, …) que le jugement dernier. Le N.T. amplifie les deux thèmes de la colère et de l’amour de Dieu. La croix manifeste de manière extraordinaire l’amour de Dieu, mais elle révèle tout autant sa colère contre le péché.
  3. L’argument de Paul est le suivant : dans l’histoire du salut, avant l’événement de la croix, le peuple de Dieu était sous la loi de Moïse ; en vertu des dispositions de l’ancienne alliance, il était impossible de concevoir la justice de Dieu indépendamment des nombreuses règles constitutives de cette ancienne alliance. « Mais maintenant » la même justice de Dieu se manifeste d’une manière différente, en dehors de cette alliance de la loi.

Toutefois, même si la justice de Dieu se manifeste « sans la loi », elle est « attestée dans la loi et les prophètes ». L’A.T. annonçait et prophétisait la venue de Christ et son œuvre. La nouvelle alliance est l’accomplissement de l’ancienne (cf. 1 Cor 5.7 ;Héb 9-10).

  1. Tous les êtres humains, sans distinction de race ou de nationalité, ont accès à la justice de Dieu moyennant la foi (3.22-23)

Le verset 22 comprend une répétition :« foi » et « croient » qui ont la même racine grecque. Pour mieux saisir, traduisons ainsi : « la justice de Dieu par la confiance en Jésus pour tous ceux qui se confient en lui ». Pourquoi Paul se répète-t-il ? La raison se rattache au mot « tous » : tous sont sous l’empire du péché, tous sont condamnés, tous ont besoin de la justice de Dieu. La seule façon dont la « justice de Dieu » peut remédier à toute l’ampleur du besoin universel de salut, est d’être disponible à tous, sans distinction de nationalité, mais à la condition qu’ils croient. C’est ce principe qui constitue en partie la nouveauté de la « nouvelle alliance ».

En tant que chrétiens, nous sommes sans doute habitués à cette vision universelle de la grâce de Dieu. Mais nous avons besoin d’en ressentir à nouveau le merveilleux. Tous sont à la fois condamnés et rachetables.

Comment cette réalité nouvelle se traduit-elle concrètement ? Si le voisinage est pluriethnique, idéalement, il faudra sans doute faire en sorte que cette diversité ethnique se voie nettement dans l’assemblée : une communauté de croyants différents, qui forment pourtant une incroyable union et unité en Jésus-Christ. Cette profonde universalité doit transcender nos goûts personnels sur le plan de la musique, de la nourriture ou de l’habillement. Elle doit déborder des considérations sociales, nationales, économiques, intellectuelles ou autres.

Le même principe doit aussi orienter notre évangélisation. Jésus lui-même n’enseigne-t-il pas qu’il n’y a aucun mérite à être l’ami de ceux qui nous ressemblent, que même les non-croyants en sont capables ? Nous avons besoin du secours de la grâce divine pour transcender ce genre de limitations.

  1. La source de la justice de Dieu découle du don de Jésus-Christ comme victime propitiatoire pour nos péchés (3.24-25a)

Deux termes méritent une explication un peu plus détaillée :

La rédemption

À notre époque, un tel mot appartient au vocabulaire religieux. Dans l’Antiquité, la notion de rachat (ou de rédemption) était courante. On la trouve amplement dans la Bible et dans le monde gréco-romain on « rachetait » fréquemment des esclaves. À l’époque, beaucoup étaient réduits à l’esclavage parce qu’ils avaient fait faillite. Si vous perdiez tout ce que vous aviez emprunté, vous deviez vous vendre et devenir l’esclave de quelqu’un. Mais un « rédempteur »pouvait payer le prix de votre rachat via un temple païen qui prélevait un petit pourcentage. L’esclave racheté devenait la propriété de la divinité du temple. Cet artifice juridique permettait de déclarer qu’une personne conservait son statut d’esclave tout en étant affranchie de l’esclavage dans le domaine humain. Au moyen de cette terminologie, Paul déclare que les chrétiens ont été rachetés de l’esclavage du péché et, de ce fait, sont devenus les esclaves de Jésus-Christ (6.16-19).

Paul n’a pas encore expliqué comment cette rédemption s’opère. Quel que soit le prix du rachat, il n’est certainement pas payé littéralement au péché. La réponse est la propitiation.

La propitiation

La propitiation est l’acte par lequel une personne (en l’occurrence Dieu) devient propice ou favorable à quelqu’un.

Dans le paganisme ancien, les hommes devaient rendre propices les dieux capricieux. Par exemple, avant de voyager en mer, on offrait un sacrifice propitiatoire à Neptune dans l’espoir qu’il permettrait de voyager en toute sécurité.

Dans la Bible, le péché est d’abord et avant tout une offense infligée à Dieu. Certes, il doit être effacé : c’est le but de l’expiation. Mais le Dieu qui a été offensé doit aussi obtenir satisfaction : c’est le rôle de la propitiation. C’est pour cela que le premier commandement consiste à aimer Dieu de tout son être. Nous le violons chaque fois que nous enfreignons n’importe quel autre commandement. Si vous fraudez le fisc, trompez votre conjoint, etc., c’est toujours Dieu qui est la partie la plus offensée. Le péché revêt un caractère si exécrable parce qu’il est une offense contre lui.

La Bible présente un Dieu qui se dresse face à nous avec un regard à la fois de colère (qui est le résultat inévitable de la confrontation de sa sainteté avec notre péché) et d’amour (non parce que nous en sommes dignes ou que nous sommes aimables, mais parce qu’il est un Dieu qui aime).

Une différence fondamentale sépare cependant la propitiation du paganisme et celle du christianisme. Dans la première, un être humain offre une victime propitiatoire en sacrifice afin de se rendre une divinité favorable. Dans la seconde, Dieu le Père offre Jésus comme victime propitiatoire afin de se rendre lui-même favorable. Il est donc à la fois l’agent et l’objet de la propitiation : il pourvoit lui-même au sacrifice, de manière précisément à détourner sa colère de nous. Dieu le Père est ainsi celui qui offre la victime propitiatoire et celui pour qui elle est offerte et Dieu le Fils est lui-même la propitiation offerte. Dieu envoie donc par amour son Fils comme victime pour nos péchés afin de détourner sa colère de nous.

  1. La justice de Dieu se manifeste par le moyen de la croix de Christ (3.25b-26)

Dieu n’a pas destiné Christ comme victime propitiatoire d’abord et avant tout pour nous sauver ou prouver son amour. Il l’a fait « afin de montrer sa justice ». La justice divine se met en œuvre en Christ, lequel porte notre malédiction et la peine de nos péchés en son propre corps sur le bois. Pour cette raison, les chrétiens disent que la colère de Dieu est satisfaite. Cette expression ne signifie pas que, dans son ciel, Dieu arbore un air béat et repu, mais que les exigences de sa sainteté sont remplies par le sacrifice de son propre Fils. Il rend la justice tout en justifiant l’impie (4.5). C’est le point central de l’Évangile.

La propitiation est ce qui lie ensemble toutes les analogies bibliques qui servent à décrire la croix. Par exemple, la croix nous réconcilie avec Dieu. Pourquoi devons-nous être réconciliés ? Parce que nos péchés nous ont séparés de lui. Cette séparation est causée par la justice de Dieu, laquelle condamne nos péchés. Notre péché nous sépare de lui. Rendre Dieu propice malgré notre péché permet donc de nous réconcilier avec Dieu.

La description d’un Dieu qui destine son Fils à être une victime propitiatoire ne constitue pas un exemple de « violence cosmique faite à un enfant » : Dieu maltraitant son propre fils[note]Opinion de S. Chalke et A. Mann qui rejettent les notions de substitution pénale et de sacrifice propitiatoire.[/note]. Ne pensons pas que le Père soit en conflit contre Christ, assouvissant sa colère sur lui. Dieu prouve son amour en voyant Christ. Cette intervention s’inscrit dans la nature même de l’incarnation et du mystère de la Trinité. Le Père souffre de perdre son Fils, mais il le fait par amour pour son peuple. Le Fils, quant à lui, prouve son amour envers nous en obéissant à la volonté de son Père et en se conformant à son plan merveilleux.

La croix est le lieu où la colère et la miséricorde se conjuguent, où la sainteté et la paix s’embrassent. La croix est le moment le plus fort de l’histoire de la rédemption. Par la croix Dieu manifeste sa colère sur lui-même : « Dieu était en Christ, réconciliant le monde avec lui-même » (2 Cor 5.19). Voyons-nous comme les objets de l’amour profond de Dieu, déclarés justes par Dieu lui-même, parce qu’il a offert son Fils Jésus à la croix comme victime propitiatoire pour nos péchés.


Dieu a donné à l’homme trois formes de révélation, le livre de la nature, la conscience et la Bible. Les deux premières permettent à l’homme de discerner l’existence de Dieu. La troisième donne du sens à sa vie.

  1. Le livre de la nature

En effet, les perfections invisibles de Dieu, sa puissance éternelle et sa divinité, se voient comme à l’œil nu, depuis la création du monde, quand on les considère dans ses ouvrages. Ils sont donc inexcusables, car ayant connu Dieu, ils ne l’ont point glorifié comme Dieu, et ne lui ont point rendu grâces ; mais ils se sont égarés dans leurs pensées, et leur cœur sans intelligence a été plongé dans les ténèbres. Se vantant d’être sages, ils sont devenus fous. (Rom 1.20-22)

La nature a pour objet de révéler l’existence de Dieu. Il est facile à un apologète d’argumenter rationnellement sur l’existence de Dieu au travers de la nature, car elle démontre par elle-même l’existence d’un créateur ou d’un concepteur.

Considérons quelques découvertes scientifiques factuelles :

– l’ADN, gigantesque système de codage d’information que certains qualifient de langage et que d’autres comparent à un livre ;

– le moteur électrique bactérien constitué de parfois plus de 30 protéines ou « pièces mécaniques » soigneusement assemblées ;

– les nano-robots qui s’occupent du bon fonctionnement des cellules vivantes, etc.

Ces découvertes nous poussent à nous interroger sur leur origine. En considérant l’ADN, posons-nous la question : un « livre » peut-il s’écrire à partir de rien ? Certains commentateurs scientifiques s’interrogent par un raisonnement absurde : les organismes vivants s’inspireraient-ils des inventions de l’homme ? Un tel raisonnement révèle soit un état d’ignorance, soit une attitude hypocrite qui refuse d’y voir l’évidence d’un créateur. Leurs a priori athées ou agnostiques leur servent d’excuse pour nier la réalité objective d’une origine divine et du caractère éternel de ce créateur. Oui ! seul un dessein intelligent[note]Au cours des dernières décennies, le mouvement de l’Intelligent Design s’est développé, surtout dans les pays anglophones. Ce mouvement a élaboré un raisonnement rationnel appuyant l’idée d’un être intelligent, auteur de l’apparition de la vie sur la terre. La pensée de ce mouvement scientifique remet en question le paradigme de l’évolution tel qu’il est enseigné dans les écoles et universités. Par certains aspects comme la complexité irréductible, il sous-entend une création originelle de bactéries ; il interpelle sur l’idéologie d’une évolution conduite par le hasard et sans finalité. Malheureusement il ne statue guère sur une capacité évolutive des organismes vivants telle que les promoteurs évolutionnistes souhaitent nous l’imposer et ne se ne prononce pas sur la question du « qui est le créateur ? ». La littérature francophone est maigre en comparaison avec celle des milieux anglophones. Pour davantage de détails, voir l’article de Frank Horton, « A la redécouverte du Dieu Créateur », Promesses, n° 135, janvier-mars 2000 (http://promesses.local/a-la-redecouverte-du-dieu-createur/).[/note] divin et éternel peut être à l’origine de la création.

Une question découle de cette recherche : quelle en est la finalité ? Dès que la question de la finalité surgit, elle interpelle l’esprit humain sur ses implications sur le plan moral. Si donc un créateur existe, ne lui sommes-nous pas redevables de quelque chose ?

  1. La conscience

Quand les païens, qui n’ont point la loi, font naturellement ce que prescrit la loi, ils sont, eux qui n’ont point la loi, une loi pour eux-mêmes ; ils montrent que l’œuvre de la loi est écrite dans leur cœur, leur conscience en rendant témoignage, et leurs pensées s’accusant ou se défendant tour à tour. (Rom 2.14-15)

Paul nous apprend dans ce passage que tout homme a une conscience qui lui permet de distinguer entre ce qui est bien et ce qui est mal. Le païen qui ne connaît pas Dieu a une perception morale. Il sait implicitement qu’il y a des principes éthiques dans la vie. Or si l’homme est capable de discerner le bien du mal, il est en droit de se poser la question s’il existe un législateur. Dans l’absolu, s’il n’existe pas de législateur, il peut donc faire le mal en toute impunité car il ne craint pas le jugement de ses actes. Un courant de pensée populaire balaie très simplement le problème en prétendant que la perception du bien et du mal relève d’une invention de l’esprit humain, mais cette objection n’est qu’une réponse insatisfaisante pour esquiver la problématique : le païen, comprenant que le mal et le bien existent, se sent inéluctablement accusé par son comportement. Sa conscience le lui révélant, il préfère botter en touche en refusant d’examiner honnêtement la possibilité de l’existence de ce législateur. Comme dans le cas du livre de la nature, cette approche ne permet pas à l’homme de connaître vraiment Dieu ; elle ne lui permet que de révéler son existence et d’entrevoir certains de ses attributs (puissance, sagesse, bonté, justice…).

Il arrive souvent que des incrédules refusent de croire à l’existence d’un Dieu bon en raison de tous les malheurs et de la souffrance que connaît le monde. Mais s’ils reconnaissent qu’il y a malheur et souffrance, ils reconnaissent alors implicitement l’existence d’une réalité qui serait le bien. Mais la logique que veulent soutenir ces individus n’est qu’une attitude de déni de la seconde réalité. Dès lors, comme le bien et le mal existent, la dimension morale est réelle et la question d’un législateur devient pertinente.

  1. La révélation inspirée : la Bible

Car je n’ai point honte de l’Évangile : c’est la puissance de Dieu pour le salut de quiconque croit, du Juif premièrement, puis du Grec, parce qu’en lui est révélée la justice de Dieu par la foi et pour la foi ; selon qu’il est écrit : Le juste vivra par la foi. La colère de Dieu se révèle du ciel contre toute impiété et toute injustice des hommes qui retiennent injustement la vérité captive. (Rom 1.16-18)

Bien que les deux premières formes de révélations témoignent de l’existence de Dieu aux hommes, elles n’ont pas la capacité de donner un sens à la vie. Dieu a donc pourvu à un troisième livre qui révèle sa personne (Père, Fils et Saint-Esprit), son caractère, ses attributs, sa volonté, son amour pour l’homme, ses plans pour celui-ci. Ce livre est la Bible. Par-dessus tout, la Bible est une « révélation » à l’homme :

– de sa nature corrompue et pécheresse, passible du jugement de Dieu (1.18),

– et du plan du salut pour l’homme (1.16-17).

C’est ce que Paul affirme dès le début de sa lettre aux Romains.

Alors qu’il est assez facile de prouver l’existence de Dieu, il n’est pas possible de prouver les vérités bibliques comme la justification. La justification nous est acquise par la foi. Il n’est rien que nous puissions faire ou donner en échange de notre âme. Si la justification était basée sur les œuvres, personne ne serait justifié et tous iraient en enfer. Mais la justification par la foi donne un sens à ce que nous croyons. Cette vérité est raisonnable et rationnelle, intrinsèquement consistante, et il n’y a pas d’auto-contradiction. Elle donne un sens.

Prenons ce problème par un autre bout. Avons-nous besoin de renoncer à comprendre pour croire ? Il est vrai que certaines personnes pensent que le christianisme est ce saut de foi que seules des personnes ayant un raisonnement confus sont capables de faire. Certes, une démarche de foi est nécessaire pour entrer en relation avec Jésus-Christ, mais elle n’implique nullement la nécessité de devenir illogique. Comparé aux autres systèmes de foi comme l’humanisme, l’athéisme, les philosophies ou d’autres religions, le christianisme est plus sensé et rationnel qu’aucun d’entre eux.

Dans nos échanges avec les inconvertis, le problème n’est pas l’aspect intellectuel de la foi. Nous pouvons concevoir un argumentaire considérable et logique, mais ce n’est pas pour autant que les gens vont embrasser la foi chrétienne. Le problème n’est pas dans la dimension intellectuelle des questions et des interrogations qu’amènent de telles discussions. Le problème est moral. Dès qu’une personne admet qu’il existe un Dieu, elle réalise qu’elle fait partie intégrante de la création, et instinctivement elle comprend qu’elle doit rendre des comptes à son Créateur. Et il y a une forte probabilité qu’elle n’aime pas devoir rendre des comptes ! Dès qu’elle ressent sa culpabilité, elle peut se bloquer et rétorquer :« Comment pouvez-vous croire en un Dieu qui envoie des personnes en enfer parce qu’ils n’ont jamais entendu parler de Jésus-Christ ? » Les hommes ne vont pas en enfer parce qu’ils ne connaissent pas Jésus-Christ, mais parce qu’ils ont péché. Nous pouvons donc développer tout un argumentaire rationnel et raisonnable, mais les oppositions de nos interlocuteurs sont rarement intellectuelles ; au fond, elles sont toujours morales. Ne soyons donc pas frustrés dans une telle situation, car dès cet instant le Saint-Esprit fait son travail dans la personne et nous ne pouvons juger de l’issue.

Rappelons-nous donc que la base de tout, c’est la foi. Soyons reconnaissant envers Dieu parce qu’il ne nous a pas implanté une noix à la place du cerveau, que sa révélation par la Bible est sensée, cohérente et convaincante, que notre foi s’accorde avec ce que nous voyons dans la création, dans l’histoire et dans toute chose. Il y a certes des choses qui nous demeurent cachées, que nous ne pouvons simplement pas comprendre, mais elles nous amènent à nous agenouiller devant Dieu avec foi. Dieu nous demande que nous lui fassions confiance ; il nous fait le don de comprendre ce qu’il nous a révélé sur son caractère et sa volonté au travers de la Parole.

 


La situation de l’église à Rome

À partir d’éléments du livre des Actes et de l’Épître aux Romains, il est possible de reconstituer l’histoire de l’église à Rome.

On peut penser qu’elle a été fondée par des convertis du jour de la Pentecôte vers l’an 33 : plusieurs Juifs ou prosélytes habitant Rome y séjournaient pour la fête (Act 2.10) et ont été touchés par la prédication de Pierre.La première phase de l’église est donc sans doute judéo-chrétienne.

En 49, l’empereur Claude décide d’expulser les Juifs de Rome (Act 18.2)[note]Voir pour plus de détails l’excursus de Ben Witherington III, The Acts of the Apostles, a Social-RhetoricalCommentary, p. 539-545.[/note]. L’église à Rome devient majoritairement pagano-chrétienne. La longue liste des salutations envoyées par Paul (16.3-16) suggère que plusieurs païens convertis par Paul (directement ou non) se sont établis dans la ville.

À partir de 54, les Juifs sont autorisés à revenir à Rome et le retour de chrétiens d’arrière-plan juif a pu créer quelques tensions avec les chrétiens d’origine païenne, même si ces derniers restent majoritaires (cf.« vous, païens », 11.13,28)

C’est dans ce contexte que Paul, en 58, rédige de Corinthe cette lettre. Contrairement à plusieurs de ses Épîtres, Paul n’écrit pas pour contrer un danger imminent : l’église est globalement prospère et dynamique : leur « foi est renommée dans le monde entier » (1.8) ; ils sont « pleins de bonnes dispositions, remplis de toute connaissance, et capables de [s’]exhorter les uns les autres » (15.14).

Paul, quant à lui, estime son travail autour de la mer Égée arrivé à sa fin (15.23a) et désire porter l’évangile jusqu’en Espagne (15.24,28) en s’arrêtant à Rome au passage. Il profite donc du voyage de Phoebé pour envoyer cette lettre à Rome (16.1). L’Épître aura des résultats positifs si on en juge à l’accueil chaleureux que Paul, prisonnier, recevra de la part des frères de Rome, trois années plus tard (Act 28.15). Et l’église à Rome va continuer à se développer, tout en souffrant le martyre sous Néron. Elle produira une génération d’écrivains doués, tels Clément de Rome[note]Un des principaux « pères apostoliques », probablement mort martyr en 98 et auteur d’une Épître aux Corinthiens qui était tellement appréciée qu’elle avait été intégrée un moment dans le canon du N.T. avant d’en être retirée.[/note].

Une lettre pour nous affermir

Dans son introduction, Paul donne le but premier de sa lettre: puisqu’il ne peut pas encore rendre visite physiquement aux chrétiens de Rome, il va leur écrire pour les « affermir » (1.11). Et dans ce but, il va leur prêcher l’Évangile, dans le plein sens du mot (1.15-17 ; 15.15-16) — cet Évangile qui va bien au-delà de la seule prédication du salut « initial » et qui englobe tout le développement ultérieur de la vie chrétienne.

Affermir va aussi pour Paul avec réfuter : il semble que des opposants de l’apôtre lui aient attribué indûment des propos (3.8) ou aient tordu certaines de ses affirmations (d’où ses « Loin de là ! », 6.2,15 ; 7.7,13 ; 9.14 ; 11.1,11).

Affermir passe avant tout pour Paul par un exposé clair et ordonné de la vérité chrétienne. L’Épître aux Romains est sans doute la plus systématique de ses lettres, développant de façon logique l’état de perdition de l’homme devant Dieu (1.18-3.20), puis l’œuvre de justification de Dieu en notre faveur par l’œuvre de son Fils à la croix (3.21-5.11), ensuite l’œuvre de sanctification et de libération par l’Esprit (5.12-8.39). Il poursuit en examinant les liens entre l’œuvre de Dieu pour les Juifs et pour les nations (9.1-11.36), avant de s’attarder sur les applications pratiques de ces doctrines dans notre vie personnelle, d’église, publique ou fraternelle (12.1-15.13).

Notre foi se doit d’être intelligente. Même si le péché a obscurci les pensées de l’homme (1.20-21), la foi s’appuie sur ce que Dieu expose de façon claire et adaptée à l’intelligence qu’il nous a donnée, éclairée par le Saint Esprit.

L’Épître n’est pourtant pas un traité juridique ou un manuel de théologie. C’est un exposé « en situation », où l’on ressent la fraîcheur de la vie de l’auteur et des destinataires.

Romains aborde des thèmes bibliques fondamentaux, comme — dans le désordre — la justice de Dieu, le péché, le salut, la colère de Dieu, la sanctification, l’élection, l’œuvre du Saint Esprit, les plans de Dieu quant à Israël, etc. L’Épître aux Romains mérite donc sa place en tête des 21 lettres du canon[note]En fait, elle figure en premier lieu car c’est la plus longue. Les lettres de Paul sont en effet classées par ordre décroissant de longueur, sans logique ou signification particulière.[/note]. Toutefois des thèmes importants ne sont pas touchés, ou à peine esquissés, dont plusieurs chers à Paul comme l’Église (il en parlera dans Éphésiens ou 1 Corinthiens), l’eschatologie (cf. 1 & 2 Thessaloniciens) ou la personne de Christ (plus développée en Colossiens).

Néanmoins, relisons fréquemment à cette riche lettre, car, même après des années de vie chrétienne, nous avons toujours besoin de revenir aux fondements et d’être mieux affermis dans la position où Dieu nous a mis, dans la liberté où l’Esprit nous introduit, dans la grandeur des plans de Dieu dans lesquels nous sommes inclus. Un commentateur encourageait à « se prêcher l’évangile chaque jour » — c’est sans doute un secret de la maturité chrétienne et du bonheur au quotidien. Redisons-nous :« Heureux ceux dont les iniquités sont pardonnées et dont les péchés sont couverts ! » (4.7) Relire cette lettre nous aidera également à savoir présenter l’Évangile de façon claire, dans toute l’étendue de la portée de ce terme.

Une lettre pour nous aider à vivre ensemble

Le N.T. se fait l’écho de tensions dans les églises du 1ersiècle. Cohabitaient des Juifs encore attachés à la loi de Moïse et à tous leurs privilèges (3.1-2 ; 9.3-5) et des païens encore influencés par leur ancien mode de vie laxiste (cf. la description de 1.18-32).

C’est pourquoi Paul fait de fréquents parallèles entre Juifs et Grecs :

– Tous sont également coupables : « Nous avons déjà prouvé que tous, Juifs et Grecs, sont sous l’empire du péché. » (3.9)

– Tous sont également sauvés : « Il n’y a aucune différence, en effet, entre le Juif et le Grec, puisqu’ils ont tous un même Seigneur, qui est riche pour tous ceux qui l’invoquent. Car quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé. » (10.12-13)

Le salut n’est pas une question d’origine religieuse ou ethnique ! « Il y a un seul Dieu, qui justifiera par la foi les circoncis, et par la foi les incirconcis. » (3.30)

Ainsi les chapitres 9 à 11, loin d’être une parenthèse, participent pleinement au développement de l’Épître. Et on peut voir la section 12.1 à 13.13 comme une préparation au dernier sujet majeur que Paul a devant lui : améliorer la cohabitation entre chrétiens de convictions différentes sur des sujets pratiques (14.1-15.13).

Les tensions se traduisaient par des dissensions entre « faibles » et « forts » : certains se permettaient des choses que d’autres condamnaient. Paul enjoint qu’il n’y ait :

– ni jugement : « Que celui qui ne mange pas ne juge point celui qui mange, car Dieu l’a accueilli » (14.3) ;

– ni mépris : « Que celui qui mange ne méprise point celui qui ne mange pas » (14.3)

Au contraire, nous sommes invités à nous accueillir « les uns les autres, comme Christ [nous] a accueillis, pour la gloire de Dieu » (15.7). Chacun a sa place dans l’Église, vue sous l’image d’un corps dont les membres sont interdépendants (12.3).

Même si les opinions divergentes aujourd’hui ne portent plus sur les viandes sacrifiées au temple ou sur les jours de la semaine, les différences d’origine géographique, ethnique, de rang social, d’habitudes, de styles familiaux, etc., peuvent facilement créer des incompréhensions, voire des dissensions, au pire des divisions dans les églises locales (cf. 16.17-19). Aussi apprenons de cette lettre à voir d’abord l’unité que crée entre nous notre commun salut et accueillons la diversité des modes de vie sur les questions secondaires.

Une lettre pour nous réveiller

Un troisième but peut être perçu dans l’exhortation vigoureuse que Paul adresse à la fin du chapitre 13 : « Cela importe d’autant plus que vous savez en quel temps nous sommes : c’est l’heure de vous réveiller enfin du sommeil, car maintenant le salut est plus près de nous que lorsque nous avons cru. La nuit est avancée, le jour approche. Dépouillons-nous donc des œuvres des ténèbres, et revêtons les armes de la lumière. Marchons honnêtement, comme en plein jour, loin des orgies et de l’ivrognerie, de la luxure et de la débauche, des querelles et des jalousies. Mais revêtez-vous du Seigneur Jésus-Christ, et n’ayez pas soin de la chair pour en satisfaire les convoitises. » (13.11-14)

Même si les chrétiens de Rome avaient une foi plutôt vivante, ils sont invités à ne pas se relâcher dans leur vie pratique.

Paul les exhorte aussi indirectement (10.14-17) et directement (15.24) à réveiller leur zèle missionnaire. Il désire faire de l’église de Rome sa nouvelle tête de pont dans le but d’évangéliser la partie occidentale du bassin méditerranéen.

Les projets ont été partiellement compromis et le N.T. n’indique nulle part s’il a pu aller plus à l’ouest que Rome ou si le zèle missionnaire des Romains a été réveillé, mais il est certain que l’Épître aux Romains a suscité ou provoqué de nombreux réveils au cours de l’histoire de l’Église :

– Vers 386, Augustin se convertit en entendant une voix lui dire : « Prends et lis ! » Il ouvre Romains 13.13-14 et cède. Quelques années plus tard, vers 411, c’est la controverse pélagienne :Pélageaffirme que l’homme est innocent et bon à sa naissance et ne devient pécheur que par imitation. Augustin réfute fermement cette erreur et développe la doctrine du péché originel et de la nécessité de la grâce, à partir de l’Épître aux Romains.

– Au début du XVIe siècle, Luther se convertit à partir de Romains 1.16-17 qu’il était en train d’exposer. L’Épître aux Romains est au cœur de ses écrits et du début de la Réforme.

– Wesley, insatisfait de ses exercices spirituels, se convertit en 1738 en entendant lire la préface du commentaire de Luther sur l’Épître aux Romains. La doctrine du salut et surtout de la sanctification qu’il prêche ensuite est l’occasion d’un réveil extraordinaire en Grande-Bretagne et aux États-Unis.

– Le prédicateur écossais Haldane est à l’origine du réveil de Genève (1817). C’est l’exposé systématique fait dans sa chambre d’hôtel par ce chrétien qui fut à l’origine de la conversion ou de l’affermissement des pionniers du réveil en Europe continentale (Empeytaz, Malan, Monod).

Alors que nous fêtons le 500e anniversaire de la Réforme et le 200e anniversaire de ce dernier réveil, la même Épître vient nous stimuler pour nous réveiller de notre matérialisme, de notre conformisme, de notre légalisme ou de notre laxisme. Au milieu des difficultés inhérentes à la condition intermédiaire dans laquelle nous sommes (8.18-25), elle vient nous proposer une vie dans la puissance du Saint Esprit qui peut faire abonder dans chacun de nous la justice, la paix et la joie (14.17) pour la gloire de Dieu.

 

 

Un plan détaillé de l’Épître aux ROMAINS

Introduction                                                                                                1.1-17

Salutations                                                                                                           1.1-7

Actions de grâces et annonce de sa visite                                                      1.8-15

Le thème de l’Épître : l’Évangile                                                                     1.16-17

Condamnation : la culpabilité de l’homme                                  1.18 – 3.20

La culpabilité des païens                                                                                 1.18-32

La culpabilité des païens éduqués                                                                  2.1-16

La culpabilité des Juifs                                                                                      2.17 – 3.8

La culpabilité de tous les hommes devant Dieu                                          3.9-20

Justification : l’œuvre de Dieu pour nous                                     3.21 – 5.11

La justice de Dieu pour tous les hommes par l’œuvre de Christ               3.21-30

Les exemples d’Abraham et de David                                                             4.1-25

Abraham et David justifiés sans les œuvres                                                   4.1-8

Abraham justifié sans la circoncision                                                             4.9-12

Abraham justifié sans la loi                                                                              4.13-16

Abraham justifié par sa foi en une promesse                                               4.17-22

Application à ceux qui ont la même foi qu’Abraham                                  4.23-25

La certitude de la justification et ses effets                                                     5.1-11

Sanctification : l’œuvre de Dieu en nous                                     5.12 – 8.39

Le règne de la grâce par la justice                                                                      5.12-21

La sanctification quant au péché                                                                       6.1-23

Unis avec Christ dans sa mort et sa vie                                                             6.1-11

Libérés pour servir volontairement Dieu                                                         6.12-23

La sanctification quant à la loi                                                                          7.1-25

L’autorité de la loi                                                                                                 7.1-6

Le rôle de la loi                                                                                                       7.7-13

L’impuissance de la loi pour la sanctification                                                  7.14-25

La sanctification par la puissance de l’Esprit                                                   8.1-17

Le but de la sanctification au travers des épreuves                                        8.18-39

Les souffrances actuelles et l’espérance                                                             8.18-28

Le dessein de Dieu                                                                                                  8.29-30

L’assurance de l’amour de Dieu                                                                            8.31-39

Dispensation : l’œuvre de Dieu pour Israël et les nations      9.1 – 11.36

La souveraine élection de Dieu dans le passé                                                      9.1-33

Les sentiments de Paul pour les Israélites                                                           9.1-6

Le libre choix de Dieu dans l’histoire d’Israël                                                      9.7-19

Le libre choix de Dieu dans l’élection                                                                    9.19-33

L’égalité du salut pour Juifs et païens dans le présent                                       10.1-21

Le salut obtenu par la foi confessée                                                                         10.1-13

L’annonce du salut                                                                                                       10.14-21

Le rejet temporaire d’Israël et son rétablissement dans le futur                        11.1-36

Le rejet n’est pas complet                                                                                           11.1-10

Le rejet n’est pas final                                                                                                  11.11-24

Le rétablissement futur d’Israël                                                                                11.25-32

Doxologie : louange à la sagesse de Dieu                                                                11.33-36

Application : l’œuvre de Dieu par nous                                                12.1 – 15.13

Dans notre vie personnelle                                                                                        12.1-2

Dans la vie de l’Église                                                                                                  12.3-16

Quant à l’usage des dons spirituels                                                                            12.3-8

Quant à l’amour en pratique                                                                                        12.9-21

Dans la vie publique                                                                                                      12.17 – 13.14

Par rapport à nos ennemis                                                                                           12.17-21

Par rapport aux autorités                                                                                              13.1-7

Par rapport à notre prochain                                                                                        13.8-10

Se réveiller dans la perspective du retour de Christ                                                13.11-14

Dans nos relations fraternelles avec les « faibles »                                                     14.1 – 15.13

Le principe de liberté : ne pas juger                                                                             14.1-12

Le principe de fraternité : chercher le bien de l’autre                                               14.13-23

L’accueil réciproque à l’exemple de Christ                                                                  15.1-13

Conclusion et salutations                                                                               15.14 – 16.27

Le service et les projets de Paul                                                                                     15.14-33

Salutations aux chrétiens de Rome                                                                               16.1-16

Épilogue et louange finale                                                                                                16.17-27

Avertissement sur les diviseurs                                                                                       16.17-20

Salutations des chrétiens présents avec Paul                                                               16.21-24

Louange finale                                                                                                                     16.25-27

 

 


Une fois par an, Promesses présente un livre de la Bible. Ce numéro est consacré à la présentation de l’Épître aux Romains. Première lettre dans le canon des Écritures, elle exprime le fondement de la foi chrétienne.

  • Cette lettre universelle nous apprend comment Dieu se révèle à tout homme par la nature et par la conscience.
  • Elle expose comment Dieu se propose de sauver tous les hommes perdus : Romains 3.21-26 n’est-il pas le point central de la Bible ? Quel magnifique condensé du salut !
  • L’Épître développe comment ce grand salut de Dieu nous libère de la loi de Moïse et de la loi du péché, mais elle n’occulte pas le combat et les souffrances que nous traversons, et dans lesquelles Dieu nous porte.
  • Dans le centre de l’Épître, Dieu, par l’apôtre Paul, nous informe de ses conseils pour son peuple Israël et comment il demeure fidèle à ses promesses.
  • Cette lettre va nous aider à vivre ensembledans nos églises, nous qui sommes tellement différents les uns des autres— quelle actualité et quelle utilité !
  • La fin de l’Épître nous parle des projets de Paul, qui ne se sont pas réalisés comme il le pensait (c’est aussi un encouragement). Elle se termine par une photo de l’église de Rome, de ses difficultés comme celles que connaît toute église et des ressources pour y faire face.
  • Cette lettre stimule enfin notre adoration par de magnifiques doxologies.

Bonne lecture de la revue et surtout bonne lecture de l’Épître aux Romains !