PROMESSES
« Prête l’oreille, et écoute les paroles des sages ;
Applique ton coeur à ma connaissance.
Car il est bon que tu les gardes au dedans de toi,
Et qu’elles soient toutes prêtes sur tes lèvres.
Afin que ta confiance repose sur l’Éternel,
Je veux t’instruire aujourd’hui, oui, toi !
N’ai-je pas déjà pour toi mis par écrit
Des conseils et des réflexions,
Pour t’enseigner ce qui sûr, des paroles vraies,
Afin que tu répondes par des paroles vraies à celui qui
t’envoie ? »
Proverbes 22.17-21
Les questions sur la transmission et la conservation du texte biblique reviennent toujours. Si Dieu est bien l’auteur d’un livre qu’il a inspiré pour nous parler, comment la Bible, donnée à ses premiers lecteurs il y a si longtemps,a-t-elle été préservée et transmise aux générations futures ?
Nous voudrions d’abord rappeler qu’il a plu à Dieu de conserver le texte sacré parla considération dont il fut l’objet au sein du judaïsme et de la chrétienté.1
I. Témoignages passés et présents à l’autorité des Écritures
1. Le judaïsme rabbinique
À partir de l’exil babylonien (586-539 av. J-C.), le judaïsme s’ancra fortement dans les 39 livres de l’Ancien Testament, considéré comme entièrement inspiré, jusqu’à la moindre lettre.En voici deux témoignages : « Celui qui dit que laToran’est pas venue du ciel n’a pas part dans le monde à venir. » (Sanh.10.1) Et touchant l’inspiration du livre d’Esther : il a été « écrit par le Saint-Esprit. » (Meg. 7a)
Cependant, le judaïsme rabbinique ajouta peu à peu à l’Ancien Testament la loi orale :la Mishna. Cette compilation d’explications formulées par des juifs érudits gravitait autour des textes bibliques rassemblés après l’Exil.2 Dès avant l’époque néotestamentaire, les rabbinss’octroyèrentprogressivement le droit d’imposer à leurs disciples la mémorisation de tous ces commentaires (d’où l’expression de « loi orale »). À l’époque de Jésus, ces interprétations rigidestenaient le haut du pavé dans les synagogues. On honorait le texte biblique, mais en forçant son interprétation comme son application. Le Nouveau Testament évoque les préceptes abusifs et légalistes propres à la tradition pharisienne (Mat 12.2 ; 15.1–3).
Après la destruction du Temple en 70 apr. J-C, la mouvance intellectuelle juive commença à mettre la loi oralepar écrit. Ainsi fut achevée, au IIe siècle apr. J-C., la rédaction complète de la Mishna,qui devint partie intégrante du Talmud(collection des enseignements divers des plus grand rabbins). Cette tradition écrite se veut (encore) l’instrument d’interprétation suprême de l’Ancien Testament, auquel elle se réfère constamment.3
Ainsi, de manière paradoxale, le texte de l’Ancien Testament fut conservé intact grâce à une tradition qui, à sa façon, s’arrogeait des droits supérieurs à ceux de l’Écriture ou en dénaturait parfois l’application (cf. Mat 15.6-9). Ce phénomène n’est pas sans parenté avec ce que le catholicisme fera de sa tradition (voir plus loin).
2. La période de l’Église dite « primitive » (70-150 apr. J-C.)
De même que Jésus et les auteurs du Nouveau Testament affirmaient l’inspiration pleinement divine de l’Ancien Testament, ainsi les « Pères de l’Église » affirmaient la pleine inspiration du Nouveau Testament. Clément de Rome le qualifiait de « Saintes Écritures […] données par le Saint-Esprit » (ch. 45 de son Épître aux Corinthiens). Polycarpe, disciple de l’apôtre Jean, dans son Épître aux Philippiens (ch. 12), cite de nombreux passages des deux Testaments en les rangeant dans la catégorie des « Écritures ». Papias, disciple de Polycarpe, confère la qualité d’« oracles » à des passages des deux Testaments dans son commentaire de Romains 3.2 (cf.son Exposition des Oracles du Seigneur).
3. La période pré-nicéenne et nicéenne 4(150-350 apr. J-C)
Justin Martyr désigne les Évangiles comme la « Voix de Dieu »dans son Apologie(ch. 65), puisil affirme que le langage inspiré employé par les apôtres fut celui « de la Parole divine ». Irénée, qui avait connu Polycarpe, écrit dans Contre les Hérésies(II.28.2) : « Les Écrituressont certainement parfaites, parce qu’elles ont été prononcées par la Parole de Dieu (Christ) et par son Esprit. » Hippolyte, disciple d’Irénée, fut davantage explicite en parlant de la Loi, des Prophètes et de l’Évangile. Tertullien, considéré comme le père de la théologie latine, affirma l’inspiration par l’Esprit de toutes les Écritures. Clément d’Alexandrie, dans ses Stromata(2 : 408-9), désigne la Loi, les Prophètes, et l’Évangile comme « les Écritures […] valides à causede leur autorité omnipotente ».Pendanttoute cette période fructueuse, nous constatons facilement que tous ces « Pères » (et d’autres, commeOrigène, Cyprien, Athanase d’Alexandrie, Cyril de Jérusalem, etc.) considéraient les Écritures (notre Bible) comme la véritable Parole de Dieu donnée comme guide de la vraie foi et de la conduitepour tous les convertis. Que leurs interprétations n’aient pas concordé en tous points est un autre sujet…
4. La période de l’Église médiévale (350-1350apr. J-C.)
Jérôme (~347-420) futle plus grand érudit biblique de son tempset le traducteur de toute la Bible en latin (la Vulgate). On lui doit la phrase célèbre : « Ignorer les Écritures, c’est ignorer le Christ ».Il se distingua par son opposition radicale à l’inclusion des livres « apocryphes » dans sa traduction.Malheureusement le Pape Damasel’y contraint.Voici le conseil de Jérôme : « Lisez les divines Écritures constamment ; jamais ne les laissezglisser de vos mains. »
Ambroise de Milan, qui amena Augustin au Sauveur, adressa une lettre à l’Empereur Gratien dans laquelle il parle des « Écritures divines. » Augustin affirma sans aucune hésitation la vérité, l’autorité, et l’origine divine des « Écritures infaillibles », allant jusqu’à défendre qu’aucun auteur des Écritures n’a commis d’erreur dans les textes reconnus comme canoniques.Anselme de Canterbury et Thomas d’Aquin étaient du même avis.
5. La période de la pré-Réforme (1350-1500)
Avant la Réforme du XVIe sièclecommença à se manifester parmi des gens ordinaires le désir d’entendre la Parole de Dieu. Suite à la lecture du Nouveau Testament, un riche marchand lyonnais, Pierre Valdès(ou Valdo ; ~1140~1206), se convertit et devint l’instrument d’un réveil spirituel. Ceux qui se convertissaient reçurent le nom de « Vaudois ». Leurs convictions évangéliques se propagèrent dans le sud de la France, en Italie du Nord, en Espagne, en Allemagne. La doctrine traditionnelle de l’inspiration et de l’autorité des Écritures fut la base de leur foi.
Plus tard, le réveil spirituel anglais, sous l’influence de l’érudit biblique John Wycliffe (1320-1384),se développa surla conviction que la Bible, pleinement inspirée, est l’unique fondement de l’Église et de la vie chrétienne. Encouragé par ses disciples, Wycliffe traduisit la Bible en anglais courant. Cette entreprise eut plus tard une très grande influence sur Jan Hus et sur Martin Luther.
6. La période de la Réforme (dès le XVIe siècle)
Ce temps fut traversé par un bouleversant retour à la Bible. Le pape et le système romain virent leurs prétentions à l’autorité spirituelle absolue contestées en plusieurs régions d’Europe. Les « protestants »partageaient la devise :Sola Scriptura —la Bible seule contient l’unique vérité nécessaire au salut et à la vie chrétienne. Malgré les divergences entre réformés,on s’accordait sur ce point. Ce fut le cas de Martin Luther, d’UlrichZwingli, des anabaptistes, de Martin Bucer (dont l’influence sur les gouvernants de Strasbourg amena ceux-ci à promulguer officiellement que les Écritures inspirées faisaient autorité pour leurs citoyens !), et bien sûr de Jean Calvin.5
Historiquement, il faut reconnaître que l’Église catholique romaine a aussi admis, bien avant Luther, l’inspiration plénière et l’autorité des Saintes Écritures. Or, à partir de la Contre-Réforme et du Concile de Trente (1545-1564), la Rome papale décrète : « Les sources de la foi se trouvent non seulement dans les Écritures, mais également dans les traditions apostoliques non écrites. L’Écriture s’interprète d’après l’enseignement de l’Église et le consentement unanime des Pères. » (8 avril 1546) 6La compréhension de la Bible se trouve donc accaparée par le clergé catholique. Mais que penser lorsque les interprètes principaux, les Papes, se contredisent, et que l’enseignement officiel déforme le sens évident du texte biblique ?
7. Le catholicisme romain actuel
« L’Église tient les livres de l’Ancien Testament et du Nouveau Testament pour saints et canoniques parce que, composés sous l’inspiration de l’Esprit Saint, ils ont Dieu pour auteur… » (Concile de Vatican II, 1965). Toutefois, ce Concile a aussi affirmé solennellement : « La charge d’interpréter de façon authentique la Parole de Dieu, écrite ou transmise, a été confiée au seul Magistère vivant de l’Église dont l’autorité s’exerce au nom de Jésus-Christ, c’est-à-dire aux évêques en communion avec le successeur de Pierre, l’évêque de Rome.[…] Les fidèles,se souvenant de la parole du Christ à ses apôtres : Qui vous écoute, m’écoute (Luc 10.16), reçoivent avec docilité les enseignements et directives que leurs pasteurs leur donnent sous différentes formes. » (Catéchisme de l’Église catholique, Éd. Mame/Plon, nov. 1992,p. 32,33). Ainsi, pratiquement, Rome hisse les décrets du Pape et l’enseignement du Magistère au niveau des Saintes Écritures !
* * *
En résumé, jusqu’au XXIe siècle, il s’est trouvé des défenseurs de l’autorité et de la perfection du texte inspiré de la Bible parmi les représentants du judaïsme (pour l’Ancien Testament), du catholicisme et du protestantisme. Parallèlement, et ce dès le début de l’Église, une multituded’interprétations tendancieuses ou d’instrumentalisations partisanes du texte sacré ont ternil’éclat de la Révélation. Dieu a néanmoins permis qu’un consensus sur l’origine et la nature des Écrituresen préserve la place éminente et facilite sa transmission jusqu’à nous. Qu’en est-il du statut de la Révélation inspirée et infaillible en nos temps ?
II. L’autorité divine des Écritures en péril
1. Le protestantisme libéral
Les partisans de cette tendance, opposés aux convictions évangéliques, soutiennent que toute allusion au surnaturelest problématique : il faut s’en écarter. Selon eux, les Saintes Écritures ne sont ni plus saintes ni plus inspirées que n’importe quel autre livre.Pour les théologiens libéraux héritiers du déisme de Voltaire, des philosophies post révolutionnaires (Hegel, Marx, Darwin) ou des thèses rationalistes d’un ErnestRenan (1823-1892), la Bible n’est qu’un livre humain jalonnéd’obscurités, de contradictions et d’histoires immorales. Cette forme de théologie rationaliste et critique sera celle de beaucoup de facultés universitaires dès le XIXe siècle. L’inerrance ou l’infaillibilité bibliques semblent alors destinées aux oubliettes.
2. La néo-orthodoxie européenne à partir des années 1920
Ce courant,différent du précédent, mais partageant un certain bagage philosophique avec lui, naquit après la Première Guerre mondiale, essentiellement sous l’influence du théologien suisse Karl Barth. Ce dernier fut lui-même marqué par Søren Kierkegaard7 qui postulait que les vérités exprimées en clair dans la Bible ne sauraient faire naître la foi chez l’homme qui les entend, parce que, à cause du péché, tout homme tend à se soustraire à l’autorité de Dieu. Selon Kierkegaard, la vraie foi chrétienne implique un « saut » irrationnel en direction de Dieu.Ce « saut de la foi » est rendu possible sous la pression, non seulement de la Révélation écrite, mais d’états d’anxiété, de tension et de crise.
Dans cette ligne, Barth estimait que la Bible n’est pas la Parole de Dieu, mais contient un « témoignage » à cette parole, et qu’elle peut devenir « révélation » pour un lecteur particulier dans des circonstances spéciales. Il va de soi que la position évangélique traditionnelle n’est pas conciliable avec ces concepts. Affirmer que le texte biblique ne devient réellement Parole de Dieu que pour le lecteur dont le cœur est extraordinairement « touché » par tel verset, par telle « vérité », au point d’expérimenter une vraie « rencontre avec Christ », tout cela porte gravement atteinte à la nature de la Révélation. La Bible existe en effet de manière objective, en elle-même. Son statut de Parole permanente de Dieu ne dépend pas de mon ressentisubjectif, ni de mon évaluation à un instant particulier. Ses mots et son contenu sont Parole divine propre à engendrer et à nourrir ma foi (2 Tim 3.16,17 ; Rom 10.16-21 ; Mat 5.18,19 ; 1 Pi 1.23-25).Et si un verset ne me « parle » pas, il n’en est pas moins Parole de Dieu ! Il me parlera peut-être plus tard…
La néo-orthodoxie qui s’est développée à partir de ces concepts ne propose pas une doctrine unifiée et fermée. La démarche fondamentale de ce mouvement repose sur une théologie du paradoxe et des crises (inspirée par Kierkegaard) et sur la méthode dialectique (issue de Hegel, et résumée par l’axiome : thèse + antithèse => synthèse).Pour le néo-orthodoxe, la foi doit rester paradoxale : elle se nourrit d’éléments apparemment incompatibles (les vérités spirituelles que l’on a reconnues dans l’Écriture d’un côté, et les chocs de l’existence de l’autre) pour produire une foi dynamique et authentique… mais cette foi « contingente »8 est-elle pleinement chrétienne ?
3. Les partisansde l’inerrance partielle(ou limitée)
Succinctement, ces nouveaux interprètes9 ne reconnaissent la véracité et l’autorité des Saintes Écritures que dans les passages concernant l’objectif central de celles-ci, à savoir le salut.
Le reste du texte biblique subit le sort de toute littérature. On va se distancer plus ou moins :
- de certaines expressions culturelles ou éthiques particulières à une époque,
- de certaines déclarations considérées comme fausses en regard desspéculationsdescientifiques actuels,
- de certaines difficultés de chronologie historique.
Ce traitement de l’Écriture nous amènelogiquement à la conclusion qu’un lecteur chrétien contemporain peut être aussi inspiré que les auteurs bibliques traditionnels,ou alors que la Bible n’est qu’une collection de toutes sortes de traditions et de convictions dépassées. On en vient aussi à classer les auteurs bibliques en catégories, des plus autorisés aux moins dignes de crédit.
De plus, ces interprètes distinguent entre divers niveaux de communication du texte biblique. Il y a le noyau du message, d’origine divine, comparé à un grain à l’intérieur d’un épi de blé. Puis il y a la balle du grain, c’est-à-dire la forme historico-grammatico-culturelle, d’origine strictement humaine et de nature transitoire.Le noyau est ce qui est important, tandis que la balle joue un rôle très secondaire. Il est probable que cette conception de la Bible soit de loin la plus dangereuse pour le chrétien, car elle accorde à chacun le droit de décider par lui-même ce qui est vrai ou non, et d’en faire ou non un objet de foi et d’obéissance. C’est une perversion du principe de libre-examen cher aux réformés. On devine qu’un tel lecteur aura vite fait d’adopter les passages qui lui plaisent et d’éliminer ceux qui heurtent sa nature pécheresse !
4. Le mysticisme
Cette tendance aspire à mieux qu’à l’humble étude de la Bible. Elle préconise,pour recevoir « la lumière intérieure », pour entrer en communion directe avec Dieu et pour atteindre à la vérité dans notre expérience et dansnos sentiments, dese mettre en condition par divers exercices spirituels, par des pratiques ascétiques ou par des rituels.Le mysticisme suppose qu’une telle approche nous ouvre à de nouveaux états de conscience et à la compréhension de la parole de Dieu, laquelle peut alors nous parvenir avec ou sans l’aide du texte biblique.
5. Fausses interprétations
La place manque pour détailler toutes les voix qui, à notre époque, se sont inscrites en faux à propos de l’inerrance, soit en la contestant directement, soit en l’annulant par des positions incompatibles avec le contenu de la Bible. Quelques exemples :
L’agnosticisme
Bertrand Russell (1872-1970), logicien, philosophe et pacifiste américain bien connu, a décrété que la Bible n’est pas inspirée, car pleine de légendes, ponctuée de récit immoraux et d’erreurs.
Des sectes
– La Science chrétienne prétend que les écrits de Mary Baker Eddy (1821-1910, fondatrice du mouvement)dévoilent le sens profond de la Bible et que la Bible ne peut être comprise sans eux.
– Les Témoins de Jéhovah suivent la ligne de leur fondateur, C. T. Russell (1852-1916), qui a estimé que ses propres commentaires sur la Bible étaient plus nécessaires qu’une simple lecture de la Bible.
– Les Mormons affirment que Le Livre de Mormon possède la même valeur que la Bible ; on doitdonc intégrer cette nouvelle révélationà la Bible, avec l’avantage d’une « mise à jour » plus sûre.
III. L’autorité des Écritures réaffirmée
Bien que les tentatives de discréditer la Bible se soient multipliées du XIXe siècle à nos jours, il s’est toujours trouvé des résistants pour affirmer leur foi indéfectible en l’inspiration et en l’inerrance du Texte sacré.
À la fin du XIXe siècle, un groupe de chrétiens évangéliques ont voulu relever le défi posé par les négateurs du statut divin de l’Écriture. Ce fut la naissance du « fondamentalisme » chrétien. Arrêtons-nous un instant sur son développement.
1. Inerrance biblique et fondamentalisme
Le terme « fondamentaliste » n’a pas, à l’origine, le sens général de « fanatique religieux » qu’il a pris aujourd’hui. Il est né de l’initiative de quelques chrétiens américains d’obédience presbytérienne qui désiraient s’opposer aux tendances théologiques rationalistes et libérales, ainsi qu’à l’évolutionnisme de la fin du XIXe siècle. Réunis annuellement en conférence de 1876 à 1897, ces croyants publièrent un credo en 14 points : le Niagara Creed (1878). Le premier point affirme l’inspiration verbale et plénière des Écritures dans les manuscrits originaux. Parmi ces chrétiens se trouvaient A.A. Hodge, B.B. Warfield, J. Brookes, D.L. Moody, J.H. Taylor, C.I. Scofield. Plusieurs des participants étaient calvinistes et/ou prémillénaristes.
L’influence de ce groupe va s’étendre. Entre 1910 et 1915 paraissent 12 volumes regroupés sous le titre de The Fundamentals : A Testimony to the Truth (sous la supervision de R.A. Torrey). Succès de la publication jusqu’en France ! En 1919, des pasteurs presbytériens, baptistes et méthodistes fondent la World’s Christian Fundamentals Association, pour défendre les éléments fondamentaux de la foi.
Toutefois, à partir de cette époque, certains tenants des positions fondamentalistes commenceront à en critiquer les orientations prémillénaristes et dispensationalistes10, tout en restant fermement attachés à l’inerrance biblique (comme, par exemple, le calviniste J.G. Machen).
Après la SecondeGuerre mondiale, des chrétiens persistent à se qualifier de « fondamentalistes », montrant ainsi leur attachement aux points principaux du Niagara Creed. Ilsfondent l’International Council of Christian Churches (ICCC) en 1948.
Plusieursde ces fondamentalistes, craignant que le mouvement néo-évangélique (dont Billy Graham deviendra le fer de lance) n’aboutisse, dans les faits, à une ouverture en direction de l’œcuménisme, s’en distancientpubliquement dès la fin des années 1950.
2. L’inerrance aujourd’hui
Un récent congrès s’est penché sur le thème de l’inerrance biblique. Sous l’égide de John MacArthur, cette Conference on Inerrancy a eu lieu en mars 2015 à Los Angeles. On y a reparlé des Déclarations de Chicago 11.Un site Internet et une pétition en sont nés 12. Quelques pages abordent la question : l’affirmation de l’inerrance biblique est-elle le fait d’une dénomination particulière ? Les réponses sont claires : aucun mouvement chrétien ne détient l’exclusivité de cet article de foi. Du début du christianisme à nos jours, cette doctrine a eu ses illustres défenseurs. Pour appuyer cette réalité, des porte-paroles de mouvements évangéliques divers attestent de leur fidélité à une Parole de Dieu pleinement inspirée, infaillible et inerrante. Réjouissons-nous de cette belle harmonie.
Quant aux courants historiques représentés par les tenants de l’inerrance biblique, on les voit défiler sous la forme de citations des Pères de l’Église (à l’exclusion d’Origène), des docteurs médiévaux (Augustin, Thomas d’Aquin), des réformateurs (Calvin, Luther, Wesley) et de leur descendance spirituelle. Dans les temps modernes, les auteurs du site mentionnent à plusieurs reprises le rôle déterminant de A.A. Hodge (1823-1886) et de B.B. Warfield (1851-1921) évoquésdans le point précédent (III,1). Ces derniers contribuèrent à perpétuer la doctrine de l’autorité du texte biblique dans leur ouvrage Inspiration (1881).13] Ici aussi, nous pouvons nous réjouir de ce que des chrétiens se soient mobilisés pour réaffirmer d’antiques vérités, parce qu’elles sont vitales pour la foi et pour l’Église de Christ. Mais attention : la proclamation de l’inerrance des Écritures ne dispense aucun lecteur de « veiller sur lui-même » et sur sa conduite(cf.1 Tim 4.12-16), car l’histoire démontre que quelques-uns ont défendu cette doctrine, mais se sont néanmoins fourvoyés.
- Les références suivantes témoignent de ce statut reconnu : Ex 24.4 ; 34.27 ; Deut 18.17-22 ; Néh 9.13-14 ; Zach 7.12 ; Act 22.12-15 ; 1 Cor 2.12-13 ; 2 Tim 3.16-17 ; Apoc 1.1-3
- Cf. Esd 7.10 et Néh 8.8 : ces passages offrent des modèlesd’enseignement fructueux du texte biblique à cette époque
- À noter qu’au sein du judaïsme, les partisans du mouvement nommé le « karaïsme » ont choisi de s’émanciper du joug talmudique pour remettre le texte biblique au centre (dès le IXe siècle apr. J-C.)
- « Nicéen » fait référence au premier Concile œcuménique de Nicée, en 325 apr. J-C. Ce concile vit la rédaction du Symbole (ou Credo) de Nicée, qui contribua à étayer la doctrine de la divinité de Christ. Malheureusement, ce Concile autorisa le culte des images, avec des nuances qui n’empêchèrent pas cette pratique d’ouvrir la porte à l’idolâtrie
- « Comme Dieu ne parle pas chaque jour du ciel et que sa vérité, selon sa volonté, est et sera connue jusqu’à la fin dans les seules Écritures, les croyants doivent considérer comme arrêté et certain qu’elles émanent du ciel et qu’en les lisant, c’est comme s’ils entendaient Dieu parler de sa propre bouche. » (Institution de la religion chrétienne, I,vii,1, transcription en français moderne, Éd. Kerygma-Excelsis, Aix-en-Provence, France, 2009, p.36)
- Simultanément, les livres apocryphes furent officiellement intégrés au canon biblique (sous l’appellation ambiguë de « livres deutérocanoniques ») et les traductions en langues communes mises à l’index (c.à.d. interdites)
- 1813-1855, écrivain, théologien et philosophe danois, considéré comme le père de l’existentialisme moderne
- « Contingent » : ici dans le sens de « qui peut arriver ou ne pas arriver ; fortuit, occasionnel ; accidentel, incertain »
- De leur nombre sont par exemple Henry P. Smith (1847-1927), Richard Coleman, Stephen T. Davis… ou les rédacteurs du document Dei Verbum lors du Concile Vatican II en 1965 (art.11)
- Les dispensationalistes, à l’instar de J.N. Darby, découpent l’histoire humaine en périodes distinctes, ou « dispensations »
- Voir l’introduction à l’article de P. Wells dans ce numéro
- http://defendinginerrancy.com/sign-the-petition/
- Non sans prendre une distance critique par rapport à la défense magistrale de l’inspiration biblique offerte par L. Gaussen en 1840 dans sa Théopneustie
Être chrétien et douter ? Ces deux verbes apparaissent a priori contradictoires. Pourtant, se déclarer chrétien tout en éprouvant des doutes fut l’expérience de plusieurs (de beaucoup ?). En témoignent par exemple des paroles de cantiques :
« Tel que je suis, bien vacillant,
En proie au doute à chaque instant,
Lutte au dehors, crainte au dedans… » (Charlotte Eliott)
ou :
« Et si parfois dans mon cœur vient le doute… » (auteur inconnu)
De tels accents permettent déjà de prendre conscience que, si je doute, je ne suis pas le seul !
Pourquoi est-ce que je doute ?
Les raisons peuvent être multiples, d’origine et d’importance variées. En voici quelques-unes :
– Parce que la foi est un sujet important : Si je base ma vie présente et mon avenir après la mort sur une croyance, il est naturel que j’attache une importance particulière à ce sujet et que je me pose sérieusement des questions sur son fondement.
– Parce que j’ai un tempérament « à douter » : Nous ne sommes pas égaux dans notre fonctionnement psychologique. Certains reçoivent simplement ce qu’on leur dit ; d’autres, plus méfiants, remettent vite en cause la véracité de ce qu’ils lisent ou entendent.
– Parce que je n’ai pas de solides principes bibliques : Je douterai d’autant plus facilement que je connais peu la Bible ou que j’ai cultivé une vision déformée de Dieu, peut-être liée à mon histoire personnelle ou à la culture dans laquelle je baigne.
– Parce que cela me permet d’éviter d’obéir à Dieu : Le « je ne sais pas » déguise en fait un « je ne veux pas ». On pense au célèbre aphorisme de Mark Twain : « Ce ne sont pas les parties de la Bible que je ne comprends pas qui me gênent, ce sont les parties que je comprends. » Douter, c’est alors esquiver l’exigence divine.
– Parce que cela « fait bien » de douter : Notre génération récuse les absolus et absolutise le relativisme. Gare à celui qui prétend avoir trouvé « la » vérité ! « Réinterroger les textes », « revisiter les doctrines », « découvrir une nouvelle perspective », … — les euphémismes abondent pour désigner au fond une posture systématique de remise en cause permanente et de soupçon envers ce qui nous est présenté comme la vérité.
Le doute fondamental : faire douter de la Parole de Dieu
Dans un Éden où tout était paix, le mal surgit brusquement, rompant l’harmonie initiale. « Le serpent était le plus rusé de tous les animaux des champs, que l’Éternel Dieu avait faits. Il dit à la femme : Dieu a-t-il réellement dit : Vous ne mangerez pas de tous les arbres du jardin ? » (Gen 3.1) Une traduction plus littérale pourrait donner : « Ben alors ! Dieu a dit ça ? » — avec une nuance d’ironie et de moquerie14.
Le doute qu’instille le tentateur s’attaque d’abord à ce que Dieu a « dit », à sa Parole. Il sait que, s’il arrive à remettre en cause ce fondement, la partie est bien entamée pour lui : il n’aura qu’à « tirer sur la pelote » pour petit à petit éloigner le croyant désormais suspicieux du Dieu dont il vient de lire les paroles.
Le doute est le contraire de la foi, qui « vient de ce qu’on entend, et ce qu’on entend vient de la parole de Christ » (Rom 10.17). Si je doute de la Parole de Dieu, je n’ai plus de base objective à ma foi, qui devient alors une croyance subjective et mouvante ; je perds tout fondement solide et je deviens « semblable au flot de la mer, agité par le vent et poussé de côté et d’autre » (Jac 1.6).
Ce doute initial, au jardin, se marque par plusieurs détails significatifs :
– Tout d’abord, il est une distorsion de la parole véritable de Dieu, par exemple en extrayant un verset de son contexte. Une contrevérité patente est bien plus facile à discerner qu’une remise en cause « en biais », partielle, mais néanmoins réelle de ce que Dieu a dit. Aussi revenons avec humilité au texte tel que Dieu nous l’a transmis et non pas tel que d’autres l’ont compris.
– Il ironise sur ce que Dieu dit. Des incrédules qui raillent les soi-disant incohérences de l’Écriture peuvent instiller en moi un doute d’autant plus difficile à contrer que j’aurais peur de me ridiculiser si j’essaie de prendre sa défense.
– Il met l’accent sur le négatif. Implicitement, Dieu est celui qui « empêche », qui « frustre ». Alors que le Créateur avait tout fait « bon », le diable instille l’idée qu’il a privé le premier couple d’un bienfait — qu’au fond, ce Dieu n’est pas bon. Douter, c’est souvent imaginer autre chose sur Dieu que ce qu’il nous révèle de lui-même. Alors, laissons de côté nos idées préconçues et cherchons à voir Dieu « tel qu’il est, vraiment ».
– Dans une seconde étape, le tentateur s’oppose frontalement à la Parole divine : « Vous ne mourrez point. » (Gen 3.4) Au fil des siècles, cette opposition a pris des formes variées. Mais chaque fois, c’est l’orgueil de l’homme (la « faute du diable » !) qui place sa pensée au-dessus de la révélation de Dieu. On juge ce que Dieu dit et on estime si c’est vrai ou non, au lieu de le recevoir avec humilité et reconnaissance. Reconnaissons notre orgueil et « soumettons-nous à Dieu » : c’est ainsi que nous résisterons au diable (Jac 4.7).
Comment en sortir ?
Sur un plan plus pratique, que faire pour retrouver une pleine confiance dans la Parole de Dieu ? Voici quelques pistes :
– Je peux avoir confiance dans la Bible parce que Dieu a donné des preuves externes nombreuses, pertinentes et vérifiables de sa véracité. Quelques exemples : l’abondance des prophéties déjà réalisées, le miracle de sa transmission au cours des siècles, la concordance toujours croissante entre les découvertes archéologiques et l’histoire biblique, etc.
– Je peux avoir confiance dans la Bible parce que Dieu a donné des preuves internes de sa véracité. La cohérence de son message au travers des 15 siècles de sa rédaction et de la multiplicité de ses auteurs humains frappe de façon croissante le lecteur non prévenu. L’honnêteté de son propos qui « parle vrai », loin de mythes enjolivés, contraste avec tout autre livre fondateur de religion.
– Je peux avoir confiance dans la Bible parce que, par elle, je vois Dieu transformer des hommes et des femmes. Que ce soit au travers de biographies historiques, de témoignages actuels ou de constatations personnelles chez des proches, la Parole de Dieu a montré et continue à montrer sa puissance. À moi de me laisser aussi transformer par elle.
Je décide alors de faire face à mon doute : au lieu de chercher à le camoufler, il vaut bien mieux se l’avouer à soi-même et en parler à d’autres. Ma foi chancelante pourra se fortifier au contact de plus solides que moi. Je dois aussi éviter de me complaire dans mon doute et d’y trouver un plaisir malsain : la foi est aussi « vertu » et décision. Comme ce père de l’Évangile, je crierai : « Je crois ! Viens au secours de mon incrédulité ! » (Marc 9.24)
Et pour éviter de retomber dans le doute, je vais affermir ma foi :
– en la détachant de mes sentiments subjectifs, si fluctuants au gré des circonstances et de mes humeurs,
– en évitant certains contacts nocifs (personnes, écrits, etc.) qui m’éloignent de Dieu et de sa Parole,
– en m’abreuvant d’une lecture régulière et sans a priori de l’Écriture pour que ma foi soit toujours plus fondée sur l’objectivité du texte,
– en cherchant la face du Seigneur par la prière et la louange : les deux chants cités en introduction ne se terminent-ils pas par ces invitations : « Agneau de Dieu, je viens » et « Si tu lèves vers Jésus les yeux » ?
Paul Wells est professeur émérite de la Faculté Jean Calvin d’Aix-en-Provence. L’article qui suit est un condensé de La Revue réformée, numéro 272, 2014/5, Tome LXV. Ce texte permet de faire le lien avec les Déclarations de Chicago (1978 et 1982), documents de première importance sur les thèmes de l’inerrance biblique et de l’herméneutique. Promesses en a publié plusieurs comptes rendus, disponibles sur notre site Internet (voir Promesses n° 128 et 129, parus en 1999).
La vérité est capitale dans tous les domaines de la vie, religieux ou non, car la vérité nous lie à la réalité. Les idées, même les plus agréables, sont trompeuses, quand elles ne sont pas amarrées au réel.
Pour un très grand nombre de nos contemporains, il va sans dire que la Bible est truffée d’erreurs. Pour eux, la question ne se pose même pas, parce qu’ils pensent que les textes bibliques sont comme des contes de fées. La critique historique de la Bible a, sans doute, contribué à favoriser cette attitude. Beaucoup de chrétiens aussi ont un peu la même idée ; pourtant, ils retiennent de la Bible un noyau de vérités, comme, par exemple, l’existence d’un Dieu qui est amour. Soyons-en conscients, il n’y a, aujourd’hui, que les catholiques romains orthodoxes et les évangéliques qui parlent de l’inerrance de l’Écriture et, pour un nombre croissant d’évangéliques, non sans un certain embarras.
Le mot « inerrance » appartient au jargon théologique et paraît obscur : on ne le trouve pas dans les dictionnaires courants et il fait penser au mot « inhérent », qui a un tout autre sens ; en fait, il signifie tout simplement « sans erreur » et, appliqué à la Bible, il exprime qu’elle est exempte d’erreurs et que ce qu’elle affirme est garanti.15
1. Des questions
Depuis presque un siècle, les attaques se multiplient contre la notion de vérité biblique et des doutes apparaissent aujourd’hui jusque dans les milieux évangéliques. […]
C’est ainsi que certains croyants éprouvent un malaise dans leur lecture de la Bible dès qu’ils doivent envisager qu’elle puisse être « sans erreurs ». Trois questions précises les empêchent de croire à l’inerrance biblique.
En premier lieu, l’inerrance est suspectée de rationalisme et accusée de remplacer une rencontre vivante avec Dieu par une lettre morte. La pensée d’Emil Brunner, au milieu du XXe siècle, a beaucoup contribué à établir une dichotomie entre l’expérience d’une vérité personnelle et une vérité impersonnelle, écrite dans un texte. 16
André Gounelle a dit que le texte biblique est comme la confiture, alors que la vérité personnelle est comme le fruit vivant sur l’arbre. L’idée d’une révélation divine écrite ne serait-elle pas complètement dépassée ?
Ces auteurs donnent l’impression que l’inerrance de l’Écriture remplacerait l’autorité personnelle du Dieu vivant par l’autorité abstraite et impersonnelle d’un code. L’autorité personnelle de Dieu et l’autorité d’une révélation écrite sont considérées comme s’excluant mutuellement. Certains ajouteraient même qu’en acceptant l’inerrance de la Bible, les évangéliques courent le risque du légalisme.
Toutefois, la vérité, c’est-à-dire l’inerrance de l’Écriture, n’est pas le fruit d’un rationalisme démodé ; elle s’accorde parfaitement avec la nature de la foi chrétienne, de tout ce que nous croyons. Rien de ce que nous croyons n’est susceptible, en effet, d’être l’objet d’une démonstration rationnelle acceptable par la plupart des non-croyants que nous fréquentons. Pensez simplement à la naissance virginale, à la résurrection ou au fait que la nouvelle naissance n’est pas simplement une expérience psychologique. Croire à l’inerrance n’est certainement pas plus difficile que croire à la divinité de Christ !
En deuxième lieu, on prétend que la foi en l’inerrance ne peut pas subsister face à certains faits de la Bible, dont certains apparaissent problématiques et ne pourraient être qu’historiquement inexacts. Les émissions de Mordillat et Prieur17 à la télévision et leurs livres ont beaucoup contribué au développement de cette opinion. Et l’on en vient à penser que croire à l’inerrance de l’Écriture est l’expression d’une foi aveugle, d’une foi sans appui réel, qui serait en opposition avec la nature même de la Bible et avec ses origines historiques. Selon ce point de vue, penser que certains textes de la Bible évoquant son inspiration ou sa vérité peuvent s’appliquer à tous, sans exception, est inimaginable. Pour cette raison, de nombreux croyants, y compris parmi les évangéliques, adoptent et défendent une théorie de l’inspiration limitée de la Bible et, en conséquence, une inerrance limitée qui concernerait seulement les enseignements principaux de l’Écriture. Le reste des textes bibliques manquerait d’intérêt…
Enfin, les débats portent sur les mots infaillible et inerrance, utilisés pour qualifier ce qui est « vrai ». Récemment, ces mots, presque synonymes, ont généré beaucoup de discussions, certains préférant le premier, d’autres le second.18 Ne serait-il pas suffisant de dire tout simplement que la Bible est vraie ? Personnellement, je préfèrerais de beaucoup ne parler que de la vérité de l’Écriture, me contentant des mots mêmes des textes de la Bible, comme, par exemple, ceux de Jean 17.17 : « Ta parole est la vérité. » Ce texte, comme beaucoup d’autres du même genre, indique que la parole de Dieu, à savoir, dans le cas de Jean 17, le témoignage de l’apôtre Jean, reçu de Jésus, est absolument digne de confiance. La Bible contient donc une vérité inébranlable.
Ultimement, la question de l’inerrance n’est pas vraiment compliquée. Si la vérité est d’une importance capitale, car elle nous lie à la réalité, et s’il y a un Dieu derrière la réalité que nous connaissons, pourquoi penser quand il nous parle, même à travers des hommes, qu’il serait impossible qu’il nous informe sans erreur, sur lui, sur ses actions dans l’histoire, sur notre situation humaine et sa solution ? La Bible est qualifiée de sainte car c’est par son enseignement que Dieu nous fait retrouver le sens de la réalité. En dehors d’elle, nous ne pouvons qu’aller à la dérive.
2. Disputes de mots ?
Si la Bible était un mélange de vérités, de vérités partielles et d’erreurs, elle ne serait, en définitive, qu’une collection de contradictions. Son témoignage ne tiendrait pas debout. La véracité de l’Écriture est capitale pour assurer la qualité et l’unité de son message.
Certains sont effrayés par les notions d’infaillibilité ou d’inerrance. [Selon eux,] ces mots ne sont pas bibliques tandis que le mot « vérité » répond de manière adéquate à nos besoins. La vérité est un attribut de Dieu et l’utiliser à propos de l’Écriture établit un lien direct entre Dieu et sa parole. Pour cette manière de penser, aller au-delà de la notion de « vérité » est peu souhaitable. […]
[Pourtant,] dans sa section intitulée « Exposé », la Déclaration de Chicago dit : « L’Écriture sainte, Parole inspirée de Dieu, témoignage autorisé rendu à Jésus-Christ, sera justement dite infaillible et inerrante. Ces mots négatifs sont particulièrement précieux, car ils sauvegardent explicitement des vérités positives d’importance cruciale. »
L’inerrance signifie être libre de tout mensonge et de toute erreur. Elle protège donc la vérité selon laquelle l’Écriture Sainte est entièrement vraie et digne de confiance dans toutes ses affirmations. L’inerrance atteste que la vérité de l’Écriture s’étend à chacun des faits et des détails qu’elle rapporte. Aucune inexactitude ne peut être trouvée dans les affirmations du texte biblique. A l’inerrance correspond l’idée qu’il n’y a jamais d’erreur dans les faits et dans les détails tels que l’Écriture les rapporte, ce qui nous oblige à défendre l’idée que la Bible a raison quand elle dit que Mathusalem a vécu jusqu’à l’âge de 969 ans.
On est ainsi conduit à considérer l’inerrance comme un aspect de l’autorité biblique. Cette doctrine, soutenue par l’Écriture, fait partie du témoignage divin sur sa vérité.
3. L’inerrance et l’autorité divine
De nombreux chrétiens affirment admettre une certaine sorte d’autorité biblique. Toutefois, seul le christianisme évangélique (en plus de quelques courants traditionnels du catholicisme) soutient que cette autorité est inerrante et que l’Écriture témoigne elle-même de ce fait. Voilà pourquoi l’inerrance est importante pour les évangéliques. [Cette position] est également l’objet de critiques et d’idées fausses.
L’inerrance est un type de l’autorité biblique perceptible surtout dans les informations et les faits présents dans l’Écriture. L’information qui se trouve dans l’Écriture a une autorité propre parce qu’elle est exacte et fiable. Plusieurs remarques importantes peuvent être faites sur l’inerrance :
- Premièrement, elle correspond à une absence d’inexactitude provenant d’erreurs humaines.
- Deuxièmement, elle est le fruit de l’inspiration divine des paroles de l’Écriture, laquelle est un témoignage véridique de la révélation de Dieu à l’homme, qui aboutit à Jésus-Christ.
- Troisièmement, l’autorité de l’Écriture associée à l’inerrance appartient en fin de compte à Dieu. L’idée que la Parole de Dieu ne serait pas entièrement vraie contredit le caractère même de Dieu.
- Finalement, l’inerrance est compatible avec l’idée que la nature humaine est limitée, faible et pécheresse et que l’homme est enclin à commettre des erreurs. Elle s’applique aux situations où l’inspiration spéciale de Dieu a été à l’œuvre.
L’inerrance signifie deux choses à propos de la Parole de Dieu : Dieu en est l’autorité suprême et l’Écriture contient des empreintes de sa nature et de son origine, ce qui nous encourage à nous fier à elle.
4. L’Écriture se décrit-elle comme inerrante ?
Actuellement, la plupart des personnes interrogées à ce sujet répondraient soit par la négative, soit en affirmant que cette question n’a aucun intérêt. Pourtant, il y a une foule d’éléments qui permettent de soutenir l’idée que la Bible se décrit comme inerrante (ce que nous appelons son auto-attestation). A ce sujet, voici quelques points à considérer :
- Dans l’Ancien Testament, le peuple de Dieu et la parole de Dieu apparaissent en même temps. Dieu parle à son peuple (Deut 27.9-11). L’Écriture est canonique car elle en détermine les conditions de vie.
- La parole écrite de la Loi que Dieu donne à son peuple est présentée de façon surprenante avec des attributs qui appartiennent à Dieu seul (Ps 119.7, 9-11, 86, 129-130, 137, 142 ; És 55.10-11).
- Jésus atteste la véracité de l’histoire de l’Ancien Testament et de l’accomplissement de ses prophéties. C’est ainsi qu’il affirme que l’on reconnaît son peuple au fait que celui-ci reçoit sa parole comme une vérité (Jean 17.6, 16-19) ; il utilise l’Ancien Testament pour interpréter sa résurrection (Luc 24.25, 44).
- Les apôtres attestent la véracité de leurs propres enseignements (Gal 1.6-10 ; Éph 3.2-5).
- Aucun passage de la Bible ne suggère qu’une autre partie de celle-ci serait erronée ou incertaine, même s’il y est reconnu que ses auteurs peuvent se tromper et sont dans l’erreur en certaines circonstances.
L’Écriture n’affirme nulle part : « L’Écriture est inerrante. » Mais l’attitude de Jésus et celle des auteurs de la Bible envers leurs propres écrits comme envers ceux des autres sont tout à fait cohérentes avec ce fait. Leur attitude serait incompréhensible s’ils pensaient que l’Écriture était faillible comme toute autre parole humaine.
5.Quid des difficultés et des erreurs ?
Affirmer que la Bible est inerrante ne rend pas aveugle et n’empêche pas de voir les nombreuses difficultés pratiques suscitées par cette affirmation. Impossible d’éviter la question des prétendues erreurs de l’Écriture.
Une « erreur » peut correspondre à une faute de jugement s’intercalant entre un fait observé et ce qui en est dit. Dans le cas de l’Écriture, l’inerrance implique l’absence d’erreur en général, non seulement au niveau des détails, mais aussi de ses propositions plus larges. On n’y relève ni contradiction interne, ni contrevérité quant à la nature de Dieu, de l’homme et du salut, ni même aucune contradiction avec des faits connus grâce à d’autres sources que la Bible, des sources scientifiques, historiques, notamment. Par exemple, la Bible ne suggère jamais que Dieu n’est pas une Trinité ou le Créateur, que Jésus n’est pas divin ou humain, qu’il ait dit des mensonges ou qu’il ne reviendra pas en gloire, que ce monde est éternel ou qu’il n’y aura pas un jugement dernier. Aucune source en dehors de la Bible ne peut contester ces enseignements. La façon dont s’accordent tous les enseignements est remarquable étant donné la durée de la période d’écriture de la Bible et le nombre des auteurs qui ont participé à sa rédaction.
Une autre explication des prétendues erreurs contenues dans la Bible pourrait être la suivante : l’Écriture, pour être inerrante, n’est pas appelée à répondre à toutes nos règles actuelles d’exactitude. Tout dépend du contexte. Dans certains cas, trop de précision nuit à la communication, tandis que, dans d’autres, la précision est capitale.
La Bible ne prétend pas à la précision absolue dans ses affirmations. Son langage est familier, naïf, souvent simple et ne vise pas l’exactitude dans le détail. Elle suit les conventions de son époque pour des pratiques que nous observons toujours : récits non chronologiques, citations imprécises, télescopages historiques, chiffres ronds, langage peu raffiné ou encore descriptions préscientifiques de l’origine et du fonctionnement de la nature. L’objectif global de l’Écriture est d’inciter à la foi en Dieu et en Christ comme Jean l’a formulé : « Ces choses ont été écrites afin que vous croyiez que Jésus est le Messie, le Fils de Dieu, et qu’en croyant vous ayez la vie en son nom. » (Jean 20.31) Il ajoute dans le chapitre suivant : « Nous savons que son témoignage est vrai. » (21.24) Le langage et la présentation de la Bible sont adaptés à cet objectif fondamental de vérité.
Cependant, il serait incorrect de réduire l’objectif de la Bible à faire connaître la vérité dans chaque situation, comme si l’Écriture ne pouvait pas donner également des informations sur l’histoire ou sur le monde naturel. Le contexte permet de déterminer la façon dont l’Écriture accomplit son propre objectif.
6. Problèmes majeurs et détails
La Bible ne peut pas être accusée d’être dans l’erreur si elle ne répond pas à toutes les questions que nous souhaiterions poser. Elle ne peut pas être taxée d’insuffisance si elle ne nous dit pas comment utiliser un ordinateur ou comment conduire une voiture. Nos normes en tous domaines ne peuvent pas non plus lui être imposées. La Bible doit être reçue pour ce qu’elle est. Cette question peut être abordée selon trois niveaux d’informations :
Les détails
Nous devrions chercher à réconcilier les contradictions apparentes que nous rencontrons dans la Bible, par exemple celles que nous trouvons dans les généalogies de Jésus, dans les différents récits des évangiles à propos de l’expulsion des marchands du temple ou dans les chronologies de l’Ancien Testament. Il y a plusieurs manières de résoudre ces difficultés. Par exemple, les divergences apparentes entre passages parallèles reflètent, chez leurs auteurs, des perspectives ou des objectifs différents. Les détails disponibles ne permettent pas de tout expliquer et, bien des fois, la solution se trouve dans une lecture plus pointue du texte. Il arrive même qu’un problème puisse être lié à un manque de compréhension volontaire ou coupable de notre part. Parfois, il nous faut attendre des années avant de trouver la solution à un problème particulier. Dans certains cas, nous devrons peut-être accepter qu’aucune solution ne surgisse.
Les grandes lignes
L’inerrance concerne les enseignements de la Bible relatifs aux « grandes questions ». Peut-être avons-nous été, en tant qu’évangéliques, trop restrictifs en limitant le débat sur l’inerrance aux questions de détails. La Bible dit que Dieu est amour, que Dieu a créé le monde ex nihilo, que l’homme est tombé dans le péché à un moment précis, que l’exode s’est effectivement produit, que David a existé, que Jésus était l’homme-Dieu, qu’il a effectué des miracles, qu’il est revenu d’entre les morts, qu’il habite les croyants par son Esprit et qu’il vit éternellement. Ces choses sont-elles vraies ? Elles sont, à la fois, essentielles et opposées à notre mode de pensée, limité à ce que nous observons maintenant dans le monde qui nous entoure. Nombre de nos réticences à propos de l’inerrance concernent les miracles et la notion moderne selon laquelle nous habiterions un univers fermé.
Si nous croyons ce qu’affirme la Bible, c’est uniquement grâce à la confiance que nous avons en son témoignage. En effet, les affirmations bibliques sont éloignées historiquement de nous ; […] elles sont du domaine de la foi et non du domaine de la vue. Elles ne sont pas irrationnelles, mythiques ou fausses. Dans un système chrétien de pensée, elles sont parfaitement cohérentes et raisonnables.
La vision du monde19
L’inerrance est liée à la vision chrétienne du monde, qui est tout à fait différente des autres perspectives. En fin de compte, la vision chrétienne ne s’intéresse pas à des faits isolés mais à l’harmonie entre les différents aspects de la réalité. Ces aspects sont ce qu’ils sont grâce à Dieu, leur auteur. L’inerrance de l’Écriture est l’expression de notre relation avec Dieu et de notre dépendance vis-à-vis de lui pour connaître la vérité. Dans la révélation biblique, nous voyons le Dieu Créateur et Sauveur d’une manière qui correspond à nos aspirations les plus profondes. L’inerrance implique la confiance suprême en Dieu.
7. Une illustration : l’importance de l’harmonisation
La critique biblique moderniste évoque invariablement, de façon méprisante, les tentatives d’harmonisation biblique, en particulier en ce qui concerne les récits des évangiles. Pourtant l’harmonisation des informations est une méthode de recherche reconnue et honorée dans toutes les disciplines scientifiques. De plus, cette approche est une application de l’herméneutique qui consiste à comparer « l’Écriture avec l’Écriture ».
La réflexion biblique se doit d’être plus positive à ce sujet, comme le suggère Vern Poythress dans son livre L’inerrance et les Évangiles.20 Voici une illustration que donne Poythress. Dans les deux récits de la guérison du serviteur du centurion, il semble y avoir une contradiction flagrante ; en effet, en Matthieu, le centurion vient auprès de Jésus en personne, alors qu’en Luc c’est par l’intermédiaire d’amis qu’il fait appel au Seigneur.
Matthieu 8
5 Un centenier aborda Jésus.
7 Jésus lui dit : J’irai le guérir.
8 Seigneur, dis seulement un mot et mon serviteur sera guéri.
Luc 7
2 (Le centurion) entendit parler de Jésus et lui envoya quelques anciens des Juifs pour lui demander de venir sauver son serviteur.
4 Ils arrivèrent auprès de Jésus et le supplièrent.
6 Jésus s’en alla avec eux.
Les deux récits sont tellement proches qu’il est difficile de conclure qu’il s’agit de deux incidents différents, comme c’est le cas pour la purification du temple par Jésus.
Une solution proposée par le commentateur Norval Geldenhuys consiste à y voir un incident se déroulant en deux temps successifs. On harmonise les deux récits en disant que le centenier envoie d’abord des anciens des Juifs et puis qu’il se présente lui-même après cette première approche.
On peut, en effet, imaginer qu’après avoir envoyé ses amis, le centenier se soit présenté lui-même. Le sérieux de la situation et son fort désir d’aller vers Jésus lui-même, malgré son sentiment d’indignité, ont surmonté sa pudeur initiale. Les deux évangiles se complètent…21
Cette explication est tout à fait possible et satisfaisante, mais elle n’est pas la seule, car Augustin et Calvin font une autre suggestion. Dans leurs Harmonies des Évangiles respectives, ces deux théologiens proposent que le centenier a suivi la pratique habituelle d’envoyer une délégation représentant son autorité et mandatée comme si elle était ses ambassadeurs. Quand la délégation parle, c’est comme représentante du centenier. R.T. France et C. Blomberg n’ont pas de peine à adopter cette interprétation.22 Blomberg émet une idée supplémentaire à titre d’illustration : en Matthieu 27.26 et Marc 15.15, on lit que Pilate a fouetté Jésus, mais personne n’imagine qu’il l’ait fait lui-même : il l’a accompli par l’intermédiaire de soldats délégués par lui pour cette tâche !
Choisissez la solution qui vous plaît ! Ce qui est certain, c’est qu’il est exagéré de parler ici d’erreur ou de contradiction. Vern Poythress, dans son étude de ce passage, ajoute une information qui soutient cette complémentarité et explique pourquoi il existe deux versions différentes de cet incident. Matthieu, dit-il, met l’accent sur le centurion, qui est un païen, alors que Luc cible son humilité. Les deux disent quelque chose d’important à propos du royaume de Dieu, selon une perspective différente. Le premier montre que le royaume inclut les païens qui viennent par la foi, alors que les Juifs incroyants s’excluent ; et le second récit montre que l’humilité est nécessaire pour entrer dans le royaume, car nous sommes tous indignes du salut que Dieu offre. Il y a donc une belle complémentarité des deux récits : forme et fond.
L’harmonisation ne s’accommode pas de la paresse friande de solutions faciles et elle pousse à sonder l’Écriture avec pour résultat une explication satisfaisante pour la plupart des difficultés bibliques.
8. Discernement spirituel
En soulevant la question de l’inerrance de l’Écriture, nous ne nous interrogeons pas uniquement sur la Bible en tant que norme ou sur son contexte historico-culturel. Nous posons une question sur nous-mêmes, sur nos aspirations et sur ce qui fait que notre vie est ce qu’elle est. Notre vie est-elle compatible avec l’enseignement de la Bible ?
Pour savoir comment bien utiliser la Bible, nous avons besoin de sagesse spirituelle. Notre intelligence doit être formatée spirituellement afin que nous puissions recevoir la vérité de l’Écriture. Est-ce parce que notre intelligence ne l’est pas que tant de personnes ne peuvent pas aller au-delà de la première « erreur » qu’ils pensent discerner dans l’Écriture ? Dieu aurait-il donné à l’Écriture son aspect quelque peu compliqué et énigmatique pour, précisément, nous rappeler que le message de l’Écriture doit être discerné spirituellement plus encore que naturellement ?
Éphésiens 4.17-24 présente un contraste frappant entre les païens à l’esprit futile, peu instruit et endurci et ceux qui, ayant connu Christ, ont une nouvelle attitude et une nouvelle nature créée par Dieu dans la justice et dans la vérité.
Grâce à l’Esprit de Dieu, la vérité et l’harmonie de l’Écriture, en pénétrant dans nos vies, nous transforment à l’image du Christ et nous font connaître sa pensée.23
Conclusion
Les sujets de l’inerrance et de la vérité objective de la Bible peuvent décourager à première vue. Ils semblent négatifs et restrictifs alors qu’ils sont positifs et constructifs. Ils permettent de bâtir une foi solide et d’avoir un esprit de confiance qui repose sur Dieu et sur sa Parole.
Celle-ci est vérité et s’il arrive que nous pensions y trouver une erreur, que notre réaction soit à la fois de nous dire « La Bible ne se trompe pas » et « Quels moyens ai-je à ma disposition pour arriver à surmonter cette difficulté ? » 24
À l’instar de la foi, la vérité de l’Écriture doit toucher tous les aspects de la vie pour que la grâce de Dieu les affecte tous.
- « garanti » : dans le sens de « digne de confiance » (NDLR)
- E. Brunner, Dogmatique, I, Genève, Labor et Fides, 1960, chap. IV
- G. Mordillat, J. Prieur, leurs livres et coffrets médiatisés sur les origines du christianisme, Jésus contre Jésus, L’Apocalypse, notamment. Ces auteurs, qui se présentent comme étant à la pointe de la critique, sont à la remorque d’hypothèses modernistes courantes depuis un siècle
- Voir en particulier le livre d’A.T.B. McGowan, The Divine Authenticity of Scripture : Retrieving an Evangelical Heritage, Leicester, IVP Academic, 2008
- Voir V.S. Poythress, Inerrancy and Worldview : Answering Modern Challenges to the Bible, Wheaton, Crossway, 2012. Disponible en ligne, http://www.frame-poythress.org/
- V.S. Poythress, Inerrancy and the Gospels : A God-Centered Approach to the Challenges of Harmonization, Wheaton, Crossway, 2012. Disponible en ligne, http://www.frame-poythress.org/
- N. Geldenhuys, Commentary on the Gospel of Luke, Grand Rapids, Eerdmans, 1950, 220 ; G.L. Archer, Encyclopedia of Bible Difficulties, Grand Rapids, Zondervan, 1982, 322
- R.T. France, Inerrancy and New Testament Exegesis, Themelios 1 (1975), 17 ; C.L. Blomberg, The Historical Reliability of the Gospels, Downers Grove, InterVarsity, 2007, 176
- Sur l’inerrance et l’interprétation, voir Inerrance et herméneutique, La Revue réformée, 34 (1983:4), 187-205
- D’excellents outils peuvent aider : Gleason L. Archer, Enclyclopedia of Bible Difficulties, Grand Rapids, Zondervan, 1982, et l’ouvrage important d’Alfred Kuen, qui s’en est inspiré, Encyclopédie desdifficultés bibliques, Saint-Légier, Editions Emmaüs, dont huit volumes sont parus.
Le texte qui suit, légèrement adapté, est extrait d’un discours tenu par J-H. Merle d’Aubigné devant des collègues pasteurs, peu avant 1850. L’auteur fut docteur en théologie et président de la direction de l’École de théologie évangélique de Genève. L’ensemble des trois discours prononcés à Genève lors de ces rencontres avait pour but d’affirmer l’autorité des Écritures dans un monde qui les conteste.
Le titre et les notes de bas de pages sont de la Rédaction.
Source : L’Autorité des Écritures inspirées de Dieu, Bureau de l’Alliance biblique, Genève, 1916.
Portrait de J-H. Merle d’Aubigné, par A. Baud-Bovy
Quand on est appelé à combattre une erreur, deux dangers se présentent : le premier, de n’avoir pas assez d’amour pour ceux qui se trompent ; le second, de n’avoir pas assez de décision contre l’erreur. Je demande à Dieu de me préserver de l’un et de l’autre. Il est des affections vraies et profondes qui résistent même à de grands naufrages : elles ont été tout au fond du cœur, et elles n’en sortiront jamais ; depuis quelque temps, je n’ai pas cessé de le sentir.
Mais, d’un autre côté, quand la base de la foi des chrétiens est attaquée, quand des jeunes, en qui l’Église plaçait beaucoup d’espoir, tombent dans le piège, entraînés par la nouveauté qui a tant de charmes à vingt ans, etmalheureusement, obstruent eux-mêmes l’entrée de leur carrière au moment où ils allaient la commencer ; quand on voit se répandre des doctrines directement opposées à celles qu’a enseignées le Seigneur de gloire, celui qui a apporté la vérité sur la terre, comment de telles choses nous laisseraient-elles muets ? « Ah! disait Calvin dans ces mêmes murs de Genève, un chien aboie bien quand on attaque son maître, et moi, je me tairais quand on attaque mon Seigneur et mon Dieu ! »
Toutefois, mes frères, je le déclare, je ne viens m’occuper ni d’un homme ni d’un enseignement particulier. Sans doute, cette réunion a une occasion spéciale ; mais mon intention est, non de lutter avec mes adversaires, mais d’affermir les cœurs de mes amis. Ne l’oubliez pas. La première de ces tâches serait pénible ; la seconde est pleine de douceur. Je ne viens pas parler à l’Église comme docteur, mais, comme ancien, prémunir ce troupeau et lui dire avec Jean : « L’ancien à ceux qu’il aime dans la vérité. Marchez dans ce que vous avez entendu dès le commencement. Nous parlons devant Dieu pour votre édification. »25
« S’il en est, disait Luther, qui reconnaissent que les écrits évangéliques sont la Parole même de Dieu, nous voulons bien parler avec eux ; mais avec ceux qui le nient, nous n’échangerons pas un mot. On ne doit pas discuter avec ceux qui rejettent les prima principia, les fondements essentiels. […] » Ainsi parle Luther. Je suivrai ce précepte.
Et en m’adressant à vous, qui êtes assemblés dans cet oratoire, je me rappellerai que présenter la vérité est le meilleur moyen de prévenir l’erreur. Il se pourrait que quelqu’un prétende un jour que le soleil n’a pas de lumière. Cela s’est vu, et, hélas ! pire encore. Si cette assertion était faite en présence de personnes auxquelles on me demanderait de prouver le contraire, je les prendrais par la main, je les sortirais de la cave, où, à la lueur d’une faible lampe, on aurait avancé cette étrange assertion, je leur montrerais le soleil, « semblable, dit le prophète, à un héros qui s’apprête à faire sa course » (Ps 19.6), et ce serait toute ma démonstration. […] Nous ne ferons pas autrement quand il s’agit de la Parole de Dieu.
Attaquées dans tous les siècles, attaquées maintenant encore, les saintes Écritures le seront aussi dans les siècles futurs. Mais vous connaissez le symbole qu’aimaient nos pères : une enclume sur laquelle trois hommes faisaient tomber les coups de leur marteau, et autour de l’enclume cette devise :
« Plus à me frapper on s’amuse,
Tant plus de marteaux on y use. »
Voilà l’histoire de la Parole écrite de Dieu.
Ne craignez donc point ! Si vous vous trouviezun jour au pied du Mont-Blanc,26 à la place où ce géant des monts jette dans la terre des inébranlables fondements, et que vous voyiez quelques petites fourmis, sortant de leur fourmilière, travailler, creuser, piquer, courir, prendre, l’une un brin d’herbe, l’autre un grain de sable, croiriez-vous que le Mont-Blanc va chanceler ? Et penseriez-vous que d’autres petites fourmis, telles que nous, dussent faire la guerre à leurs camarades pour empêcher nos Alpes gigantesques de s’écrouler ?– Non, certes. – Eh bien ! réunissez les efforts de tous les hommes qui ont en tout lieu et en tout temps attaqué la Parole de Dieu : il n’y a pas plus que cela. Je me trompe : il y a moins. La sainte Écriture, quand elle reçoit la piqûre des hommes, ne court pas même le danger auquel est exposé le Mont-Blanc quand une fourmi l’attaque. Jésus-Christ n’a pas dit seulement : « Le Mont-Blanc passera, » mais il a dit :« La terre (la terre avec ses plus hautes montagnes), la terre et les cieux passeront, mais mes paroles ne passeront point. »27
La démarche de l’auteur s’inscrit dans une autre perspective que celle de l’article précédent. Elle correspond à l’apologétique réformée calviniste. On la nomme « présuppositionnaliste », parce qu’elle met en avant le fait que toute vision du monde, y compris celle de la foi chrétienne, repose sur un certain nombre de présupposés, de partis pris. Aussi, la manière la plus efficace de « démontrer » la divine autorité de la Bible, c’est de conduire l’incroyant à la lire en laissant à Dieu la possibilité de se révéler en elle et de convaincre ce lecteurde la vérité de l’Évangile.
1. Possibilité et crédibilité d’une révélation divin
Comme la Bible n’est pas le seul livre à affirmer être Parole de Dieu, nous aimerions faire quelques remarques en lien avec la possibilité qu’un Dieu qui ne ment pas se révèle à l’être humain, ainsi qu’avec la crédibilité d’une telle affirmation.
Concernant la possibilité d’une telle révélation, nous ne pouvons pas, a priori, répondre à cette question. En effet, si le dieu qui existe est une force impersonnelle, alors une telle révélation n’est pas possible. Par contre, si le Dieu qui existe est un Dieu personnel, qui connaît les besoins de l’homme et l’aime, alors il faut s’attendre à ce qu’un tel Dieu se révèle à lui. D’une certaine façon,nous pouvons dire que ce n’est qu’une fois que l’être humain est en possession d’une « soi-disant révélation divine », qu’il peut juger si le dieu qui se présente dans cette révélation est effectivement un dieu susceptible de se révéler.
Venons-en maintenant à la question de la crédibilité d’une telle révélation : tout dépend de son contenu. Par exemple, si elle affirme que la réalité n’est qu’illusion, alors ce n’est pas à partir de nos sens que nous allons pouvoir juger de sa crédibilité. Cette idée mériterait d’être développée, mais comme notre sujet concerne la Bible en tant que révélation divine, c’est uniquement dans ce cadre-là que nous allons prolonger un peu cette réflexion. La Bible se présente comme Parole d’un Dieu d’amour, personnel, créateur, omniscient et souverain qui ne ment pas : en tant qu’être doué de personnalité, le Dieu de la Bible est donc susceptible d’entrer en relation avec l’être humain ; en tant que Créateur omniscient, il est à même de connaître les besoins profonds de l’être humain, et en tant que Dieu souverain qui « n’est pas un homme pour mentir » (Nom 23.19) et qui aime sa créature, il est à même de lui amener une réponse véritable qui comble ses besoins ! Le fait que le Dieu de la Bible se révèle à l’être humain est donc non seulement crédible, mais même tout à fait probable !
Si nous nous penchons maintenant sur la révélation qu’un tel Dieu pourrait faire, nous pouvons affirmer qu’elle doit être l’autorité absolue, puisqu’elle émane d’un Dieu souverain omniscient qui ne ment pas. Cela implique donc que nous devons renoncer à faire appel à toute autre autorité que la Bible elle-même28, pour statuer quant à sa crédibilité de révélation divine ;s’appuyer sur la logique, sur l’exactitude historique, etc., pour « prouver » que la Bible est la Parole de Dieu, c’est placer l’autorité de la logique, de l’histoire, etc., au-dessus de celle de la Bible. Comme le souligne fort bien le théologien Jules-Marcel Nicole, « l’autorité souveraine par définition ne peut dépendre que d’elle-même, autrement elle ne serait pas suprême ».29 En effet, « tous les arguments visant à démontrer l’autorité absolue de quelque chose doivent tôt ou tard faire appel à cette autorité pour asseoir leur légitimité : autrement cette autorité ne serait ni absolue ni souveraine ».30 Cette impossibilité de « prouver » que la Bible est Parole de Dieu par la raison humaine est renforcée par un autre facteur : puisque l’être humain est marqué par le péché dans toutes les dimensions de son être, cela signifie entre autres que sa raison ne peut prétendre être source de vérité absolue.31 Il n’est donc pas surprenant de constater que la Bible souligne la nécessité que l’homme soit éclairé par l’Esprit de Dieu pour recevoir ce qui vient de Dieu(1 Cor 2.14). Si la Bible est la vérité absolue qu’elle prétend être(Jean 17.17), ce n’est que par ses affirmations, éclairées par le Saint-Esprit, que nous pourrons être convaincus de son statut de Parole de Dieu, comme le relève justement le théologien Wayne Grudem :« C’est une chose d’observer que la Bible revendique à plusieurs reprises la qualité de Parole de Dieu. C’en est une autre d’être convaincu qu’elle possède vraiment une telle qualité. » Et, poursuit-il, « nous ne sommes vraiment convaincus de l’origine divine des paroles de la Bible que si le Saint-Esprit parle à notre cœur dans et par ces paroles et nous donne l’assurance intérieure que ces paroles nous sont adressées par notre Créateur. »32 En fait, « la Bible se montrera plus convaincante si notre perception de la réalité, de nous-mêmes et de Dieu est correcte. Le problème est qu’à cause du péché notre perception et notre analyse de Dieu et de la création sont erronées. Le péché est irrationnel et il fausse notre perception de Dieu et de la création.[…] Il est donc nécessaire que le Saint-Esprit agisse en nous et annule les effets du péché pour que nous puissions être persuadés que la Bible est bien la Parole de Dieu, comme elle le revendique elle-même. »33
Cela ne signifie pas que divers arguments en faveur de la véracité des Écritures ne puissent pas être avancés, mais ces arguments ne peuvent que rester seconds par rapport à l’autorité de la Bible. Par exemple, le fait que la Bible soit historiquement exacte, le fait qu’elle reflète une cohérence interne ainsi qu’avec la réalité, le fait que des prophéties se soient accomplies, le fait qu’elle transforme des vies, etc., ne constituent pas une preuve absolue de son origine divine.34 En effet, beaucoup de livres rapportent des faits qui sont vrais, mais cela n’en fait pas pour autant des écrits inspirés par Dieu ! Néanmoins, si la Bible émane effectivement du Dieu de la Bible,35 alors elle doit être historiquement exacte, alors elle doit manifester une cohérence interne ainsi qu’une cohérence avec la réalité, alors ses prophéties doivent s’accomplir, etc.
2. Nécessité d’une révélation écrite
Le Dieu de la Bible étant radicalement différent de l’être humain et de tout ce qui existe dans la création, il faut qu’il se révèle à l’homme pour que ce dernier puisse le connaître. Cette nécessité est également liée à la présence du péché qui conduit l’homme à avoir une perception faussée de la réalité(Rom 1.21). Nous pouvons encore ajouter, que pour avoir une connaissance certaine de la vérité, l’homme doit avoir accès à une révélation inspirée par ce Dieu qui ne ment pas. En effet, lui seul connaît avec exactitude tous les états passés, présents et futurs de ce qui existe ; or pour posséder une connaissance absolument sûre, une telle omniscience est indispensable, sinon rien ne permet de garantir que ce qui est estimé comme une vérité sûre ne sera pas corrigé par une nouvelle donnée à venir ! 36
La Bible affirme que Dieu s’est révélé à l’être humain de diverses façons :
–par la création qui témoigne de sa gloire(Ps 19.1), de sa puissance et de sa divinité(Rom 1.20), et au travers de laquelle il témoigne de ses bienfaits envers les hommes(Act 14.16-17) ;
–par la conscience de l’homme qui révèle quelque chose de la volonté divine, puisque même les païens ont une certaine notion du bien et du mal(Rom 2.14-15).
En théologie, on parle de la révélation générale de Dieu : elle témoigne à tout homme de l’existence de Dieu, de sa puissance et de sa gloire, ainsi que de l’existence du bien et du mal.
Dieu se révèle aussi de façon plus précise, au travers d’événements surnaturels : les théologiens parlent de la révélation spéciale de Dieu. Ainsi Dieu se manifeste dans l’histoire, que ce soit par le biais d’événements comme l’Exode(Ex 9.16), ou que ce soit directement à des personnes comme Abraham(Gen 12.1), Moïse(Ex 33.11)et bien d’autres. Ces manifestations qui peuvent se faire par le biais d’apparitions physiques de Dieu(Gen 18.1-2), de voix audibles(Deut 5.24), de visions ou de rêves(Nom 12.6), ou encore par l’intermédiaire d’anges(Héb 2.2), ont un caractère ponctuel : par exemple, au temps de Samuel, la parole de l’Éternel était rare et les visions peu fréquentes (1 Sam 3.1). Elles ne concernent pas non plus tous les hommes : nous avons mentionné que Dieu s’était révélé à certaines personnes, et l’Écriture affirme qu’il a révélé ses paroles à Jacob, ses ordonnances à Israël et qu’il n’a pas agi de même pour toutes les nations qui ne connaissent pas ses ordonnances(Ps 147.19-20). Ces révélations de Dieu aux Israélites se sont faites tout au long de l’histoire de ce peuple : Dieu ne s’est pas dévoilé en une seule fois, mais de façon progressive, révélant toujours plus de choses au fil du temps, et permettant que beaucoup de ces révélations soient rapportées dans sa révélation écrite, la Bible.
Toutes ces manifestations préparaient la révélation ultime de Dieu, qui, après avoir parlé à plusieurs reprises et de plusieurs manières, a finalement parlé en Jésus-Christ dans les derniers jours (Héb 1.1-2) : il est l’image du Dieu invisible(Col 1.15), celui qui fait connaître ce Dieu que personne n’a vu(Jean 1.18), celui qui donne l’intelligence pour connaître le Dieu véritable (1 Jean 5.20), ou encore celui qui révèle le Père(Mat 11.27).
Pour que l’ensemble de ces révélations nous soient accessibles et compréhensibles, Dieu a choisi de se révéler à nous par sa Parole écrite, la Bible. Cette « nécessité » choisie de Dieu nous paraît être en lien avec plusieurs points. Tout d’abord, les révélations dans l’histoire ainsi que celle en Jésus-Christ, ont eu lieu à un moment donné de l’histoire et ne sont pas directement accessibles à toute personne qui vit à une autre époque : par sa Parole écrite, Dieu permet qu’elles traversent les âges.
Ensuite, cela nous paraît aussi être lié à la présence du péché dans le monde. En effet, suite à la chute en Éden le sol a été maudit(Gen 3.17)et la création a été soumise aux effets du péché et aspire à en être délivrée(Rom 8.20-21) : la création qui s’offre à nos yeux est donc « un chef d’œuvre endommagé »,37 qui témoigne de son Créateur de façon imparfaite.
De plus, l’homme est marqué par le péché, ce qui le conduit à interpréter de façon erronée les autres révélations qu’il peut avoir à sa disposition : par exemple, face au témoignage de la création, les hommes « se sont égarés dans de vains raisonnements, et leur cœur sans intelligence a été plongé dans les ténèbres »(Rom 1.21) ; face aux miracles de Jésus, certains en ont conclu qu’il agissait par le prince des démons(Mat 12.24), et malgré le témoignage de la conscience, les hommes appellent parfois le mal bien(És 5.20), etc. L’homme avait donc besoin d’une référence claire qui lui permette d’interpréter correctement les différentes révélations de Dieu et c’est, nous semble-t-il, ce que Dieu apporte à travers la Bible. Ainsi, comme le remarque W. Grudem :« Le chrétien qui considère la Bible comme la Parole de Dieu échappe au scepticisme philosophique quant à la possibilité d’acquérir une connaissance certaine avec notre intelligence limitée. En ce sens donc, il est correct de dire que, pour nous qui ne sommes pas omniscients, la Bible est nécessaire pour connaître quelque chose avec certitude. »38 Il faut néanmoins garder à l’esprit que notre état de pécheur, qui peut nous conduire à mal interpréter les autres révélations divines, peut aussi nous conduire à des interprétations erronées de la vérité divine exprimée dans l’Écriture.
Pour terminer, nous relèverons qu’à travers sa Parole écrite, Dieu explicite et développe les autres révélations en y inscrivant des pensées qui ne seraient jamais venues à l’esprit de l’homme (1 Cor 2.9-10). Si la révélation générale témoigne de Dieu, elle ne permet pas à l’homme de savoir comment il peut être réconcilié avec Dieu ;la Bible, elle, permet de connaître le chemin du salut en Jésus-Christ : elle nous apprend que c’est par la grâce de Dieu, par le moyen de la foi en Jésus, que nous pouvons être sauvés(Éph 2.8), et que la foi naît de la parole du Christ entendue(Rom 10.17). Cette révélation écrite nous est aussi nécessaire pour vivre le salut qu’elle révèle : c’est par elle que nous sommes régénérés (1 Pi 1.23), nous avons besoin des paroles de Dieu pour vivre(Mat 4.4), c’est par « le lait non frelaté de la parole » que nous grandissons dans le salut (1 Pi 2.2), c’est par elle que Dieu nous révèle ce qu’il attend de nous pour que nous le pratiquions(Deut 29.28), etc.
La brève réflexion que nous venons d’avoir montre qu’il est tout à fait probable que le Dieu de la Bible se révèle à l’être humain, et que, si la Bible est réellement sa Parole comme nous le croyons, c’est uniquement en nous mettant à son écoute avec l’aide de l’Esprit, que nous pourrons avoir une certitude à son sujet.
- Ou Dieu lui-même puisque la Bible est sa Parole
- J.-M. Nicole,Précis de doctrine chrétienne, (IBN, 1994), p. 30
- Wayne Grudem,Théologie systématique, (Excelsis, 2010), p. 63-64
- Il est important de garder cela à l’esprit, car c’est principalement sur la base de la raison humaine qu’au XVIIe siècle, des philosophes et théologiens ont commencé à contester l’autorité et la fiabilité de l’Écriture
- W. Grudem, op.cit., p. 62
- W. Grudem, op.cit., p. 64-65
- Ces remarques indiquent que l’auteur conçoit l’approche « évidentialiste » (voir l’article précédent) comme complémentaire de la sienne. Nous croyons que la Bible elle-même, en parlant des choses de Dieu, cherche à nous toucher tantôt par des arguments « évidentialistes », tantôt par des invitations à laisser tomber nos présupposés pour les remplacer par les vues de l’Esprit. Il y a complémentarité de moyens persuasifs, sans hiérarchie. (NDLR)
- Le Dieu de la Bible se présente comme le Dieu créateur de toutes choses, comme un Dieu qui connaît toutes choses (passées, présentes et futures), comme un Dieu qui ne ment pas : la Bible ne peut donc qu’être en cohérence avec la réalité
- Par exemple, une personne peut être « certaine » que des choses sont de la même teinte, jusqu’au jour où elle va apprendre qu’elle est daltonienne.
- J.-M. Nicole,op.cit., p. 16
- W. Grudem, op.cit., p. 111
Les 66 livres de la Bible furent écrits par environ 40 personnes. Les noms des écrivains de la Parole de Dieu ne sont d’ailleurs souvent pas nommés ou mis en avant d’une façon particulière. Ils appartenaient à des périodes, des classes sociales et des professions très diverses.
Selon les propres termes de la Bible, les prophètes de l’Ancien Testament étaient « de saints hommes de Dieu […] poussés par l’Esprit Saint » (2 Pi 1.21). C’étaient des hommes qui recevaient leur message de Dieu lui-même. C’est sous la conduite de Son Esprit qu’ils parlaient ou écrivaient la Parole de Dieu. « L’Esprit du Seigneur, l’Éternel, est sur moi, parce que l’Éternel m’a oint pour apporter de bonnes nouvelles… », dit le prophète Ésaïe pour lui-même et les autres prophètes (És 61.1).
Qu’est-ce que l’inspiration ?
Pour parler de l’activité du Saint-Esprit chez les écrivains des livres de la Bible, le terme inspiration est passé dans l’usage, mais il vaudrait mieux dire « insufflation », sans imaginer pour autant que les écrivains de la Bible aient été remplis d’un élan surnaturel lors de la rédaction des livres. S’il s’agissait d’inspiration dans le sens courant du terme, ce ne serait pas très différent de ce qui se passe pour un poète, par exemple, qu’une pensée « inspire » et amène à écrire un poème. Dans ce cas, les écrivains des livres bibliques auraient été d’une certaine façon inspirés en tant que personnes, mais ce qu’ils écrivaient aurait été leur propre témoignage. De tels écrits ne pourraient en aucune manière être revêtus de l’autorité divine.
Tous les écrivains des livres de la Parole de Dieu furent conduits par le même Saint-Esprit de Dieu. Ils étaient certes aussi imparfaits et faillibles que tous les autres hommes. Cependant, ils furent conduits d’une façon miraculeuse et surnaturelle par Dieu lors de la rédaction des Saintes Écritures, et gardés de fautes et d’erreurs.
À ce sujet, nous ne pouvons pas ne pas remarquer les différences entre les livres de la Parole. Certains contiennent des récits historiques que les écrivains ont rédigés en se basant sur des expériences personnelles ou des sources disponibles. C’est par exemple le cas des livres historiques de l’Ancien Testament (Josué à Esther), des Évangiles et des Actes des Apôtres dans le Nouveau Testament (voir Luc 1.1-4). D’autres livres restituent des pensées et des sentiments personnels, comme la plupart des Psaumes et l’Ecclésiaste.
Inspiration et révélation
Quand Paul exprime son opinion personnelle en 1 Cor 7.25 et 40, cela ne signifie surtout pas qu’il n’est pas inspiré par le Saint-Esprit. En tant que serviteur de Christ, il communiquait certes sa propre opinion spirituelle, mais sous l’inspiration du Saint-Esprit.
L’inspiration, c’est la conduite du Saint-Esprit dans la consignation écrite de la Parole de Dieu sans faute et infaillible. Il ne faut pas la confondre avec la révélation. La révélation est la communication divine de faits cachés jusque-là. La plus grande partie des livres prophétiques (Ésaïe à Malachie et l’Apocalypse) reposent sur de telles révélations de la part de Dieu, de même que de nombreux passages dans d’autres écrits (par exemple 1 Cor 11.23 ; 1 Thes 4.15). Moïse aussi reçut les détails du récit de la création au travers de la révélation de Dieu. Il en était de même pour Paul lors de la communication du mystère de Christ et son Assemblée (Rom 16.25-26 ; Éph 3.5).
Le témoignage de la Bible sur l’inspiration
Comment comprendre le concept d’inspiration ? On ne peut naturellement s’attendre à aucune réponse à cette question en dehors de la Bible. Il y a certes beaucoup d’explications de la notion d’inspiration, mais elles sont sans valeur si elles ne s’appuient pas sur la Parole de Dieu et ses déclarations. Il faut donc chercher les réponses à cette question dans la Bible. On la trouve de la façon la plus claire dans quatre passages :
- 2 Pi 1.21 :« De saints hommes de Dieu ont parlé, étant poussés par l’Esprit Saint. » Pierre écrit ici au sujet des prophètes de l’Ancien Testament, mais cette déclaration peut aussi bien être transposée aux autres écrivains de la Parole de Dieu. Ils n’étaient certes pas des hommes parfaits, mais ils vivaient une vie de consécration à Dieu. Pensons par exemple à Moïse, Josué, Samuel ou David. On constate tout d’abord qu’ils étaient des croyants mis à part pour Dieu, qui furent conduits par le Saint-Esprit —et non des hommes doués ou illustres qui suivaient leur propre élan. À cet égard, on trouve un bel exemple dans l’Épître de Jude (v. 3) :« Bien-aimés, alors que je m’empressais de vous écrire au sujet de notre commun salut, je me suis trouvé dans la nécessité de vous écrire pour vous exhorter à combattre pour la foi qui a été une fois enseignée aux saints. » Jude qui se nomme « esclave de Jésus Christ » prévoyait d’écrire autre chose, quelque chose de positif. Il n’a pas pu réaliser son souhait, mais a été conduit par l’Esprit Saint à appeler les croyants au combat pour la foi. Sa propre volonté était ainsi mise de côté.
- 2 Tim 3.16 :« Toute Écriture est inspirée de Dieu ». Au lieu de « inspirée de Dieu », on pourrait traduire le mot grec theopneustos par « insufflée de Dieu » ou « inspirée par l’Esprit de Dieu », car la racine grecque pneuma peut autant signifier « esprit » que « souffle ». Cette expression va aussi plus loin que la première. Toute Écriture, c’est-à-dire la Bible tout entière, est ce que Dieu voulait faire consigner pour les hommes. Les écrivains n’étaient pas seulement poussés ou conduits par l’Esprit Saint en tant que personnes, mais il les inspirait concernant ce qu’ils devaient écrire. Ce verset réfute l’opinion selon laquelle la Bible contiendrait certes la Parole de Dieu, mais ne serait pas uniformément inspirée. Une traduction qui rendrait « Toute Écriture, qui est inspirée de Dieu … » n’y changerait rien. Avec « toute Écriture », c’est bien la Bible entière qui est envisagée.
Comme on peut aisément le constater, tous les écrits de la Bible ne parlent pas de la même manière. Le livre de l’Ecclésiaste considère par exemple les hommes et toutes choses « sous le soleil », l’Épître aux Éphésiens présente les rachetés comme bénis « dans les lieux célestes en Christ ». Malgré cela, il n’y a aucune distinction entre ces livres dans le degré d’inspiration et d’authenticité ou de fiabilité. Les deux sont la Parole de Dieu, ce sont les buts et la présentation qui sont distincts. On peut expliquer cette différence par un exemple : un plan de Paris, qui ne représente que les lignes et arrêts de métro, n’est pas moins précis qu’un plan de toutes les rues et monuments de Paris. Les deux décrivent certes le même périmètre mais avec une finalité différente.
- 1 Cor 2.13 :« … et nous en parlons, non selon des parolesenseignées par la sagesse humaine, mais selon des paroles enseignées de l’Esprit, communiquant des choses spirituelles par des moyens spirituels ». Ce verset va encore plus loin, car il nous enseigne que non seulement le contenu du message du Nouveau Testament est enseigné par le Saint-Esprit, mais que les paroles des apôtres (le « nous » est apostolique) avec lesquelles il est proclamé le sont aussi. Il ne faut pas se faire ici l’idée de rédacteurs de la Bible qui auraient travaillé mécaniquement, un peu comme des machines à écrire. Si nous lisons par exemple les diverses Épîtres du Nouveau Testament, nous notons des différences dans l’expression et le style. Le caractère personnel de l’écrivain n’était ainsi pas mis de côté, il demeure entièrement reconnaissable. Paul écrivait autrement que Jean. Malgré cela, le résultat est dans chaque cas la Parole de Dieu, inspirée mot à mot (inspiration verbale).
Ici aussi des exemples seraient appropriés. Le mot utilisé en grec profane pour « autel », bômos, n’apparaît qu’une seule fois dans le Nouveau Testament : en Actes 17.23 pour l’autel que les Grecs païens avaient érigé « au dieu inconnu ». Dans tous les autres passages (au nombre de 20) 39 où le mot « autel » est utilisé, le grec est thysiasterion, un mot qui n’existe pas en grec profane, et que les traducteurs de la version des Septante ont spécialement « inventé » pour le mot hébreu mizbeakh ! C’est de là qu’il s’est introduit dans le Nouveau Testament grec.
Un autre exemple est le terme « amour ». Le substantif grec très fréquent, eros, qu’on retrouve dans notre adjectif « érotique », n’apparaît pas du tout dans le Nouveau Testament. La racine phil-os, phil-eoqui signifie « amour, affection » est utilisée pour parler d’amour réciproque. Mais pour désigner l’amour de Dieu qui est amour, le Saint-Esprit utilise un terme, très rarement utilisé en grec profane, faisant référence à un amour non susceptible d’être souillé par le péché :agapê.
- Mat 5.18 :« Jusqu’à ce que le ciel et la terre passent, un seul iota ou un seul trait de lettre ne passera pas de la Loi, que tout ne soit réalisé. » Ces paroles que le Seigneur a lui-même prononcées sont bien ce qui va le plus loin. Elles confirment d’une part l’inspiration verbale mentionnée au point précédent. D’autre part, elles semblent indiquer que déjà du temps de notre Seigneur, l’habitude de compter les lettres des livres de la Bible s’était imposée, afin qu’aucune faute ne puisse s’immiscer dans les copies des textes saints. Ceci montre à nouveau que les Juifs de l’époque croyaient à l’inspiration littérale de l’Ancien Testament. On ne peut qu’expliquer ainsi le fait qu’ils ne voulaient pas laisser perdre la moindre lettre de la Parole de Dieu.
La conséquence de ces déclarations est qu’aucun homme n’est habilité à manipuler le contenu de la Bible. Les deux passages suivants nous mettent en garde :
– « Vous n’ajouterez rien à la parole que je vous commande, et vous n’en retrancherez rien, afin de garder les commandements de l’Éternel, votre Dieu, que je vous commande. » (Deut 4.2).
– « Moi, je rends témoignage à quiconque entend les paroles de la prophétie de ce livre : si quelqu’un ajoute à ces choses, Dieu lui ajoutera les plaies écrites dans ce livre ; et si quelqu’un ôte quelque chose des paroles du livre de cette prophétie, Dieu ôtera sa part de l’arbre de vie et de la cité sainte, qui sont décrits dans ce livre. » (Apoc 22.18-19)
La réalité de l’inspiration
Malgré ces passages clairs, certains prétendent toujours qu’on ne peut pas dire que toute la Bible soit la Parole infaillible de Dieu. Le manque de connaissance des écrivains, leur vision du monde erronée, etc. seraient intervenus dans leurs écrits. Aujourd’hui, dit-on, beaucoup de choses seraient inadmissibles scientifiquement, erronées et donc non crédibles. Ce n’est qu’en mettant de côté les éléments humains et erronés que l’on atteindrait ce qui est le cœur véritable et intemporel de la Parole de Dieu, qui lui, serait revêtu de l’autorité de l’inspiration.
Dans cette argumentation, on tombe dans la faute qui consiste à ériger la raison humaine en juge de la Parole de Dieu, au-dessus d’elle. Face à cela, la Bible déclare :« La Parole de Dieu est vivante et opérante, plus pénétrante qu’aucune épée à deux tranchants : elle atteint jusqu’à la division de l’âme et de l’esprit, des jointures et des moelles ; et elle discerne les pensées et les intentions du cœur. Il n’existe aucune créature qui soit cachée devant lui, mais tout est nu et découvert aux yeux de celui à qui nous avons affaire. » (Héb 4.12-13)Ce n’est pas l’homme qui doit juger la Bible, mais c’est la Bible qui juge les hommes.
Selon une autre conception tout aussi erronée, il n’y aurait aucune différence entre les parties inspirées et non inspirées de la Bible. L’inspiration consisterait en ceci, que les récits de la Bible représenteraient en fait des révélations anciennes de Dieu aux hommes dans les circonstances du moment. Elle deviendrait Parole de Dieu pour l’homme moderne qui lit la Bible dans une situation similaire et qui la laisse s’adresser à lui, en ce qu’elle lui parle personnellement dans son contexte particulier. C’est ainsi que l’homme reconnaîtrait la voix de Dieu dans sa vie personnelle par la lecture de la Bible qui ne serait pas parfaite en soi.
Dans ce cas c’est l’humeur ou l’état de l’âme, c’est-à-dire les sentiments de l’homme, qui distingue ce qui est Parole de Dieu de ce qui ne l’est pas.
Comme nous l’avons vu, la Bible elle-même donne des réponses claires à toutes ces restrictions et objections humaines. C’est ainsi que l’on peut parler d’une inspiration littérale (ou : inspiration verbale) de la Parole de Dieu. Le Seigneur Jésus résume les choses ainsi :
« L’Écriture ne peut être anéantie. » (Jean 10.35)
Cet article est un extrait traduit de l’ouvrage Why Trust the Bible?40de G. D. Gilbert. L’auteur ydéveloppe une ligne apologétiquequ’on appelle parfois « évidentialiste ». Ce terme vient de l’anglais evidence, qui signifie preuve. Dans cette démarche, on rassemble tous les éléments objectifs de la réalité susceptibles deconforter la nature divine du texte sacré, afin de disposer les non-croyants à en examiner plus à fond le contenu. C’est la démarche traditionnellement en faveur chez les évangéliques fondamentalistes non calvinistes.
Examinons les documents qui forment le Nouveau Testament non pas d’abord comme étant la Parole de Dieu, mais simplement comme étant des documents historiques, puis en partant de là, voyons s’il est possible d’en arriver à une conclusion fiable selon laquelle Jésus serait ressuscité des morts. Même le non‑chrétien ne devrait pas s’y opposer. Après tout, aborder le Nouveau Testament simplement comme un recueil de documents historiques n’exige aucun plaidoyer particulier, aucun statut particulier, ni aucune prétention particulière à la vérité. Laissons donc parler ces documents devant « le tribunal de l’opinion historique », en quelque sorte.
De plus, le fait d’aborder le Nouveau Testament sous l’angle historique ne devrait soulever aucune objection particulière parmi les chrétiens. Après tout, ce n’est pas comme si nous cherchions à le traiter comme s’il s’agissait d’autre chose que ce qu’il est. Les documents néotestamentaires affirment eux‑mêmes leur historicité ; leurs auteurs les ont voulus historiques. Prenons l’exemple de Luc. Il amorce son Évangile en disant qu’il l’écrit dans le but de raconter à son destinataire la vie et les enseignements de Jésus « de manière suivie » (Luc 1.3). On aura beau lui prêter toutes sortes d’autres intentions, Luc n’en écrivait pas moins l’Histoire. Bien entendu, la méthode employée dans l’Antiquité pour écrire l’Histoire diffère de notre méthode contemporaine, mais l’idée fondamentale demeure la même : les auteurs rapportaient des événements qu’ils croyaient avoir réellement eu lieu. Or, étant donné que Luc et les autres auteurs s’employaient à ce type de travail, il n’y aurait certainement rien de répréhensible dans le fait de laisser ses livres, et ceux des autres, s’exprimer conformément à leur intention de toujours.
Par ailleurs, le christianisme se présente lui‑même comme historique, plus encore que les religions du monde. Il ne s’agit pas d’une simple liste d’enseignements moraux, d’une collection de chimères philosophiques ou de « vérités » mystiques, ni même d’un recueil de mythes et de fables. Le christianisme constitue foncièrement une déclaration selon laquelle [des choses extraordinairesse sont produites au fil du temps, en particulier la résurrection de Jésus – des choses concrètes, réelles et historiques.]
Une chaîne de fiabilité
Même si c’est le cas, reste qu’une autre question s’impose ici. Les documents néotestamentaires — plus particulièrement les quatre Évangiles, en l’occurrence — sont‑ils vraiment fiables en tant que témoins historiques ? À savoir, pouvons‑nous nous fier à eux pour nous renseigner avec justesse au sujet des événements de la vie de Jésus, surtout de sa résurrection, afin que nous puissions en venir à déclarer : « Oui, j’ai l’assurance que cela s’est produit » ? Personnellement, je suis d’avis que nous pouvons nous fier aux documents néotestamentaires, mais qu’afin de parvenir à cette conclusion, il nous faudra beaucoup y travailler précisément parce que, comme c’est le cas de tout document historique, de nombreuses questions relatives à leur fiabilité risquent d’être soulevées chemin faisant.
Pour bien comprendre ce que je veux dire par là, envisagez les choses de la manière suivante : si vous lisez un passage relatant un événement particulier de la vie de Jésus, disons dans l’Évangile selon Matthieu, vous savez qu’au moins trois personnes ont participé à ce récit et l’ont donc influencé d’une certaine façon. Premièrement, et le plus évident, c’est que le récit provient de l’auteur qui l’a mis par écrit. Deuxièmement, il y a au moins une personne, et probablement d’autres, qui a copié cet écrit original et l’a transmis, pour ainsi dire, au fil des siècles jusqu’à ce qu’il nous arrive entre les mains. Troisièmement, quelqu’un (ou un comité) a traduit cette copie de sa langue d’origine dans votre langue maternelle afin que vous puissiez la lire. Or, à chaque étape de ce processus, des questions ont été soulevées quant à la fiabilité du récit dont vous faites la lecture, à savoir s’il vous rapporte avec exactitude ce qui s’est réellement produit. Ainsi, en remontant le temps jusqu’au moment de l’événement raconté, vous finirez avec une chaîne constituée de cinq grandes questions :
- Pouvons‑nous avoir l’assurance que la traduction de la Bible de sa langue d’origine dans notre langue rend l’écrit original avec justesse, ou lui fait‑elle dire des choses qu’il n’a jamais dites ?
- Pouvons‑nous avoir l’assurance que les copistes nous ont transmis une copie exacte de l’écrit original, sans y ajouter, en retrancher ou en déformer quoi que ce soit (délibérément ou non) au point de rendre celle que nous avons en main infidèle à l’écrit original ?
- Pouvons‑nous avoir l’assurance que nous examinons le bon ensemble de livres dans son intégralité, sans passer à côté ou omettre d’autre ensemble de livres donnant une perspective de Jésus qui serait différente, mais tout aussi fiable et plausible ? Pouvons‑nous donc être certains d’avoir raison d’examiner ces livres plutôt que les autres ?
- Pouvons‑nous avoir l’assurance que les auteurs d’origine étaient eux‑mêmes fiables ? Cherchaient‑ils donc véritablement à nous relater les événements tels qu’ils se sont déroulés ou poursuivaient‑ils un autre but — par exemple, écrire une fiction ou même tromper leurs lecteurs ?
- Et pour terminer, si nous pouvons avoir l’assurance que les auteurs ont effectivement voulu raconter avec exactitude ce qui s’est produit, pouvons‑nous avoir la certitude que ce qu’ils ont décrit a réellement eu lieu ? Bref, pouvons‑nous avoir l’assurance que ce qu’ils ont écrit est réellement véridique ? Ou encore, serions‑nous mieux avisés de les croire erronés à certains égards ?
Si nous pouvons répondre à chacune de ces questions (traduction / transmission / choix des livres / fiabilité / véracité) par l’affirmative et avec certitude, alors nous aboutirons à une chaîne de plausibilités nous reliant aux événements mêmes qui nous sont rapportés. Nous pourrons ainsiestimer avec raison que :
- nous disposons de bonnes traductions des manuscrits bibliques ;
- ces manuscrits sont des copies recevables de ce qui a été écrit à l’origine ;
- les livres que nous examinons sont effectivement les bons et donc les meilleurs que nous puissions examiner ;
- les auteurs de ces documents désiraient réellement nous rapporter avec exactitude ce qui s’est produit ;
- nous n’avons aucune bonne raison de penser qu’ils se sont trompés en nous racontant ce qu’ils ont vu et mis par écrit.
Peu importe sous quel angle nous les examinons, ces affirmations donnent un fondement très solide à la pensée que nous pouvons tout à fait accepter la Bible comme étant d’une historicité fiable. Et si nous le pouvons, c’est donc dire que nous pouvons aussi déclarer au sujet du récit biblique de la résurrection de Jésus : « Oui, je crois vraiment que cela s’est produit. Autant que je crois que tout autre événement de l’Histoire s’est produit, je crois que Jésus est ressuscité des morts. »41
- Crossway, 1300 Crescent Str, USA, Wheaton, Illinois 60187, 2015, ch. 1, p.19-22.
- Comme aucun article de ce numéro ne traite systématiquement les cinq questions mentionnées dans l’article de G. D. Gilbert, nos lecteurs ont le choix entre : lire le livre de cet auteur ; ou bien partir à la recherche de nombreux indices de la fiabilité de l’Écriture dans des ouvrages traitant de l’histoire de la Bible, des prophéties accomplies, des découvertes archéologiques confirmant les données bibliques, etc. Cela dit, nous croyons que même les preuves les plus flagrantes ne convaincront jamais un incrédule qui a décidé de le rester (cf. Jean 3.19-21 ; Luc 16.27-31). (NDLR)
Jean Hoffmann (1925-2002) fut pendant plus de 40 ans pasteur dans des églises évangéliques en France et en Suisse ; il fut aussi rédacteur de la revue La Bonne Nouvelleet chargé de cours de formation dans des églises et dans divers instituts bibliques. Le texte qui suit est extrait de la collection de courts messages intitulée Points de repères (Éd. Farel, F-77421 Marne-la-Vallée et Éd. Emmaüs, CH-1806 St-Légier, 1996).
« Il y a autant de points de vue qu’il y a de gens » dit-on ! Il est évident que notre origine, nos tendances, notre éducation et nos connaissances, forcément imparfaites, nous amènent à considérer les choses dans telle ou telle optique. Nous nous plaçons ainsi à un point de vue personnel d’où nous voyons tout à notre manière. Mon point de vue n’est donc pas nécessairement le point culminant d’où l’on aurait la meilleure vue ou qui donnerait l’image la plus fidèle des réalités environnantes.
Trompés par nos préjugés, nos partis pris et nos faux raisonnements, nous manquons souvent d’objectivité, de clairvoyance et de précision. Chacun examine les mêmes phénomènes d’un autre côté et l’on aboutit à des vues divergentes. Il est vrai qu’un chat doit paraître fort petit aux yeux d’un éléphant, tandis que ce même chat donnera une tout autre impression à une souris ! C’est ainsi que tout est relatif et que certains en ont déduit qu’il n’existait pas de vérité absolue. La découverte d’Einstein semble même prouver la relativité de la notion du temps alors que pour le commun des mortels rien n’était aussi sûr et précis qu’un chronomètre suisse ! Or, voici que le temps même a quelque chose d’illusoire et l’on croit comprendre que pour Dieu il n’existe qu’un éternel présent puisqu’il est celui qui s’appelle : « Je suis » (Ex 3.14).
Il serait pourtant très faux et fort imprudent de vouloir appliquer cette notion de relativité aux vérités spirituelles qui nous ont été révélées par les Saintes Écritures, pour en arriver à croire que rien n’est sûr, que tout est sujet à caution et qu’on ne peut jamais être affirmatif en matière de foi. Non, il faut tout simplement s’en tenir à ce qui est écrit et éviter de s’engager sur les sables mouvants des spéculations humaines, fussent-elles théologiques. Dieu n’est pas un Dieu de confusion. Tout ce que l’on dit à son sujet n’est pas également vrai et juste. Tous les chrétiens n’ont pas raison quand ils affirment des choses contradictoires. Seul le point de vue de Dieu est juste et il importe que nous l’adoptions. Ce qu’il nous faut redouter le plus, c’est d’être en désaccord avec Dieu.
Mais comment connaîtrons-nous le point de vue de Dieu ? Ce n’est certes pas un lieu que l’on puisse fixer selon la longitude et la latitude ! L’Éternel disait un jour à Moïse : « Voici un lieu près de moi, tu te tiendras sur le rocher. » (Ex 33.21) Cette invitation demeure spirituellement valable pour nous. Plus nous nous tiendrons près de Dieu sur le rocher qui est Christ, mieux nous verrons les choses comme il les voit. Et s’il nous paraît impossible de nous hisser nous-mêmes à une telle altitude spirituelle, disons avec David : « Conduis-moi sur le rocher que je ne puis atteindre. » (Ps 61.3) C’est une position élevée réservée à ceux qui sont assez humbles pour reconnaître que leurs points de vue sont faux et qui sont disposés à se laisser instruire et conduire par la Parole et par l’Esprit de Dieu.
Sommes-nous vraiment de ceux-là ?
Voltaire, qui s’amusait à détecter nombre d’incohérences et d’erreurs dans la Bible, combattait l’idée d’une Vérité révélée.42 Mais il se montrait aussi critique envers l’être humain : « Nous sommes tous pétris de faiblesses et d’erreurs. »43 Comment donc se fait-il que d’aucuns, bien que pétris de faiblesses et d’erreurs, soient à même de décréter ce qui vient ou ne vient pas de Dieu ? Sera-ce au nom de la raison ? Mais la raison aussi s’égare.
Une foi solide en la véracité, en la perfection et en l’autorité de l’Écrituredoit provenir d’une autre source que la perspicacité ou l’érudition du lecteur. Elleest un don de Dieu, rendu effectif par l’Esprit qui a inspiré les auteurs sacrés.Elle a pour objet la Parole incarnée, Jésus-Christ, par qui et pour qui sont toutes choses. Elle se nourrit des mots de Dieu.
Mais cette foi en la parfaite crédibilité et divinité du texte bibliquene doit pas nous laisseren position de simples consommateurs d’informations ; elle nous pousse à marcher avec Dieu, à obéir à la voix du Père.
Les pharisiens pensaient fort bien posséderl’Ancien Testament et croyaient en son inspiration divine, mais ils ne voulaient ni reconnaître le Fils de Dieu, ni entendre les Paroles que Dieu lui avait données. Signe d’une « orthodoxie incrédule » qui passe à côté de l’essentiel.
A l’opposé, un centurion romain ne savait presque rien de Dieu, mais était convaincu de la supériorité de Christ et plein de respect envers lui. « Dis seulement un mot et mon serviteur sera guéri. » (Mat 8.8) Le Seigneur honora instantanément cette foi entière en la valeur d’un seul mot venu de lui. Voilà avec quelle attitude nous nous approcherons utilement du Dieu qui nous parle.
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