PROMESSES

« Que votre privilège ne soit pas un sujet de calomnie. Car le royaume de Dieu, ce n’est pas le manger et le boire, mais la justice, la paix et la joie, par le Saint-Esprit. Celui qui sert Christ de cette manière est agréable à Dieu et approuvé des hommes. Ainsi donc, recherchons ce qui contribue à la paix et à l’édification mutuelle. »

Romains 14.16-19

Le but principal de Romains 14 est d’appeler les forts à aimer les faibles… et aussi l’inverse ! Le v. 3 illustre ces devoirs réciproques : « Que celui qui mange ne méprise point celui qui ne mange pas, et que celui qui ne mange pas ne juge point celui qui mange, car Dieu l’a accueilli. » Ainsi, à la fois ceux à qui leur conscience permet de manger et ceux à qui elle ne le permet pas doivent apprendre à s’aimer l’un l’autre, et à ne pas se juger ou se mépriser l’un l’autre.

Des exhortations aux forts

Toutefois ce chapitre est surtout adressé aux forts qui sont en danger d’afficher leur liberté, faisant ainsi trébucher les faibles. Les exhortations aux forts ponctuent tout le chapitre :

– « Pensez plutôt à ne rien faire qui soit pour votre frère une pierre d’achoppement ou une occasion de chute. » (v. 13)

– « Ne cause pas, par ton aliment, la perte de celui pour lequel Christ est mort. » (v. 15)

– « Pour un aliment, ne détruis pas l’œuvre de Dieu. » (v. 20)

– « Il est bien de ne pas manger de viande, de ne pas boire de vin, et de s’abstenir de ce qui peut être pour ton frère une occasion de chute, de scandale ou de faiblesse. » (v. 21)

– « Cette foi que tu as, garde-la pour toi devant Dieu. » (v. 22)

Les raisons pour lesquelles il faut obéir à ces exhortations

Outre ces exhortations à aimer et à ne pas détruire, adressées principalement aux forts, Paul donne tout au long de ce chapitre des raisons pour les mettre en pratique :

– Christ est mort pour être le Seigneur à la fois des morts et des vivants, d’autant plus des forts et des faibles (v. 9) !

– Nous ne devons pas juger notre frère, car Dieu l’a accueilli (v. 3b).

– Nous ne devons pas juger, car nous comparaîtrons tous devant le tribunal de Dieu (v. 10).

– Nous ne devons ni juger notre frère, ni mépriser notre frère, parce que l’on peut glorifier Dieu en mangeant tout comme en s’abstenant (v. 6b) : « Celui qui mange, c’est pour le Seigneur qu’il mange, car il rend grâces à Dieu; celui qui ne mange pas, c’est pour le Seigneur qu’il ne mange pas, et il rend grâces à Dieu. »

Dans les v. 16 à 19 que nous étudions, Paul donne une raison supplémentaire pour laquelle le fort ne devrait pas afficher sa liberté, mettant ainsi des pierres d’achoppement sur le chemin des faibles :

– sous un angle négatif : « Que votre privilège ne soit pas un sujet de calomnie. » (v. 16)  – sous un angle positif : « Recherchons ce qui contribue à la paix et à l’édification mutuelle. » (v. 19)

Entre ces deux exhortations, Paul donne au verset 17 une raison qu’il n’a pas encore citée dans ce chapitre, mais qui s’enracine profondément dans son développement des chapitres 1 à 8 de l’Épître aux Romains : la manifestation de l’Esprit dans la vie chrétienne. Paul affirme que le royaume de Dieu n’est pas manger et boire, mais justice, paix et joie dans l’Esprit Saint. Puis au verset 18, il confirme que servir Christ ainsi est effectivement une manifestation du royaume de Dieu parce que cela plaît à Dieu et remporte l’adhésion des hommes.

Quand le bien peut devenir mal (v. 16)

Paul vient de dire : « Si, pour un aliment, ton frère est attristé, tu ne marches plus selon l’amour : ne cause pas, par ton aliment, la perte de celui pour lequel Christ est mort. » (v. 15) Puis il ajoute : « Que votre privilège ne soit pas un sujet de calomnie. » (v. 16) En d’autres termes, si vous prenez votre bonne foi, votre bonne liberté et votre bonne et saine nourriture, et que vous les utilisiez d’une manière telle qu’un frère en soit peiné, et peut-être même détruit, alors votre « bonne » foi, votre « bonne » liberté et votre « bonne » et saine nourriture ne seront pas louées. On en dira du mal. En fait, elles seront devenues mauvaises : vous ne marchez plus selon l’amour (v. 15). Et le manque d’amour doit être traité comme un mal.

Paul nous donne au verset 17 une raison supplémentaire pour laquelle cette conduite ne rime à rien. Comment pourriez-vous penser que votre liberté de manger et de boire est tellement importante, au point de blesser votre frère ? Ne savez-vous pas que le royaume de Dieu, ce n’est pas le manger et le boire, mais la justice, la paix et la joie par le Saint-Esprit ?

N’accordez pas autant d’importance à la nourriture et à la boisson. Ce n’est pas primordial. Pourquoi ? Parce que le règne de Dieu en salut, en rédemption, en sanctification — son « royaume » — est apparu dans ce monde en Jésus-Christ, le Messie-Roi et la preuve de ce règne dans vos vies n’est pas manger et boire. Vous pouvez penser qu’avoir la liberté de manger de tout est un effet du royaume de Dieu. Mais cela n’est pas tout à fait vrai. Ce que produit le royaume est plus profond, plus grand et gouverne la manière dont vous utilisez votre liberté pour manger de tout.

Justice, paix et joie par le Saint-Esprit (v. 17)

Que veut dire l’apôtre lorsqu’il écrit que le royaume de Dieu est « la justice, la paix et la joie par le Saint-Esprit » ? La pensée de Paul n’est pas évidente, car il utilise au moins deux de ces termes dans plus d’un sens.

La « justice » peut signifier celle que Dieu nous impute lorsqu’il nous déclare justifiés par la foi, alors même que nous sommes des pécheurs coupables (Rom 4.5). Elle peut également désigner la justice qui, sur ce fondement, commence à œuvrer en nous (Romains 6.13,16,18-20).

La « paix » peut s’appliquer à celle que nous avons avec Dieu (Rom 5.1) ou celle que nous avons les uns avec les autres (2 Cor 13.11).

Je suis enclin à penser que Paul avait à l’esprit la seconde forme de justice et de paix, c’est-à-dire celles que Dieu opère en nous et dans nos relations les uns envers les autres. Mais peut-être désire-t-il que nous pensions aux deux et que nous nous souvenions qu’en pratique, notre justice et notre paix les uns envers les autres sont fondées sur la justice parfaite que Dieu nous impute sur la base de la foi seule, et sur la paix dont nous jouissons avec lui.

Cette succession justice — paix — joie rappelle remarquablement le fil conducteur de Romains 5.1-2 : « Ainsi, nous avons été rendus justes devant Dieu à cause de notre foi et nous sommes maintenant en paix avec lui par notre Seigneur Jésus-Christ. Par Jésus nous avons pu, par la foi, avoir accès à la grâce de Dieu en laquelle nous demeurons fermement. Et ce qui nous réjouit, c’est l’espoir d’avoir part à la gloire de Dieu. » (BFC) Paul veut probablement que nous ayons ce texte à l’esprit, comme base de son exhortation en 14.17.

Ce qui me fait penser que Paul fait probablement allusion à notre justice et à notre paix expérimentées et mises en pratique avec nos prochains, est l’expression : « par le Saint-Esprit ». L’Esprit saint opère maintenant en nous, afin de nous rendre plus justes, plus paisibles et plus joyeux. Il s’agit du fruit actuel de l’Esprit, pas d’un acte déclaratif remontant au début de notre vie chrétienne.

Voilà, écrit Paul, ce qu’est le royaume de Dieu. En d’autres termes, le travail du Saint-Esprit et l’avancement du royaume de Dieu sont la même chose. Jésus fait le même rapprochement entre l’Esprit et le royaume : « Si c’est par l’Esprit de Dieu que je chasse les démons, le royaume de Dieu est donc venu vers vous. » (Mat 12.28) Le travail de l’Esprit témoigne de la présence du royaume de Dieu, ou, en d’autres termes, le règne de Dieu s’exerce au moyen de son Esprit.

Alors, lorsque l’Esprit dirige et vainc notre égoïsme et notre orgueil pour le remplacer par un comportement juste, paisible et joyeux — semblable à celui de Christ — il crée son royaume et produit la justice, la paix et la joie. Et lorsque nous les manifestons, nous n’affligeons ni ne détruisons un frère plus faible pour de simples questions matérielles.

Servir ainsi Jésus-Christ plaît à Dieu (v. 18)

Au verset 18, Paul explique que ce qu’il vient d’exposer est ce qui plaît à Dieu et remporte la pleine adhésion des autres.

Il existe une manière de servir Dieu qui ne l’honore pas. Par exemple, ne pensons pas que Dieu ait besoin de nous ou qu’il dépende de nous : « Il n’est point servi par des mains humaines, comme s’il avait besoin de quoi que ce soit, lui qui donne à tous la vie, la respiration, et toutes choses », déclare Paul (Act 17.25). C’est nous qui dépendons totalement de lui, pour la vie, le salut et tout le reste ! Nous plaisons à Dieu lorsque nous montrons dans notre service pour lui qu’il est, lui, le donateur.

Celui qui dépend de l’Esprit saint pour le guider, sert avec la conviction profonde et heureuse que Dieu nous sert lorsque nous le servons (cf. Marc 10.45). Il est toujours celui qui donne, toujours !

Pierre exhorte chacun de nous à servir comme par la force que Dieu fournit, afin qu’en toutes choses Dieu soit glorifié par Jésus Christ (1 Pi 4.11). Nous servons parce qu’il nous donne la force pour le faire et pour qu’il en reçoive toute la gloire. Voulons-nous que notre ministère soit l’expression de son royaume, ou de notre propre puissance ? Dieu opère en nous ce qui lui est agréable, et son travail en nous fait partie de ce qui lui plaît (Héb 13.20-21). Lorsque notre ministère est un fruit de l’Esprit saint, il plaît à Dieu, et entraîne l’approbation des autres.

Alors, ainsi que nous y invite le verset 19, « recherchons ce qui contribue à la paix et à l’édification mutuelle. » Ce verset est une exhortation positive qui résume l’ensemble du passage. N’affichons pas notre liberté. Aimons nos frères et nos sœurs. Et ne le faisons pas avec nos forces, mais par le Saint-Esprit. C’est ainsi que nous vivrons au quotidien le royaume de Dieu, son règne au milieu de nous.

 

Écrit par


Le « royaume/règne de Dieu » annoncé par Jésus est une réalité nouvelle, inaugurée en sa personne, par sa venue, dans l’histoire des hommes. Elle est déjà à l’œuvre partout où se manifeste l’action de Dieu et où s’accomplit sa volonté. Elle débouchera sur le règne universel et pleinement visible de Dieu sur toute chose, dans une création renouvelée. Mais ce règne de Dieu doit se manifester, aussi, par des vies transformées, vécues selon la volonté de Dieu. Prier « Que ton règne vienne » implique aussi, pour chacun, de se soumettre à la volonté de Dieu dans sa manière de vivre.

L’éthique, c’est l’ensemble des règles et des principes moraux qui déterminent la conduite. C’est ce qui donne les orientations d’une vie. C’est aussi le critère qui les juge, qui les évalue. Nous sommes appelés à faire nôtres ces normes éthiques, mais nous n’en disposons pas à notre guise. D’une certaine façon, elles s’imposent à nous : imaginons ce que serait la vie si chacun déterminait lui-même, à son envie, ce qui est bien et ce qui est mal !

Dans la perspective biblique, le fondement de l’éthique, c’est que Dieu est le Créateur, le Seigneur et la source de tout bien. Nous sommes appelés à vivre selon sa volonté, à respecter ses commandements. L’éthique chrétienne est donc, d’abord, une éthique de la volonté de Dieu.

D’autres conceptions de l’éthique ont d’autres priorités : il existe des éthiques du Bien vers lequel on tend et auquel on veut s’assimiler ; du Bonheur à atteindre ; de la Vie à promouvoir ; de l’Utilité à rechercher. L’éthique chrétienne intègre ces éléments, mais de façon dérivée. Son premier souci, c’est de faire ce que Dieu veut, et de lui exprimer ainsi notre amour, notre respect, notre reconnaissance. Nous savons, aussi, que la volonté de Dieu est orientée vers notre bien, qu’elle est l’expression de son amour, de sa sagesse, qu’elle vise ce qui est le mieux pour nous, qu’elle veut nous conduire sur les chemins du bonheur véritable. On retrouve donc les thèmes évoqués. Mais le souci premier, la norme fondamentale, c’est le respect de la volonté de Dieu, et le désir de s’y conformer.

On voit, ici, un lien avec le thème du « royaume de Dieu » : l’éthique est une manière de manifester que nous voulons, concrètement, que le Seigneur « règne » sur notre vie. C’est une façon de nous insérer dans l’œuvre que Dieu fait, dans les plans qu’il met en œuvre pour l’humanité, dans ce qu’il a inauguré et qu’il achèvera.

1. Les formes et les lieux

Les Évangiles ne sont pas construits comme des manuels d’éthique. Ils nous rapportent la vie et l’enseignement de Jésus, au sens le plus large. Les textes sur l’éthique se trouvent donc en plusieurs endroits.

Le texte fondateur de l’enseignement éthique de Jésus est, incontestablement, le « Sermon sur la Montagne » qui, en trois chapitres (Mt 5-7), en condense les principes.

La nouvelle « loi » du royaume de Dieu est enseignée par Jésus à ceux qui sont ses « disciples » (5.2). Il ne s’agit pas d’une éthique universelle, pour tous les hommes, mais d’une éthique pour ceux qui veulent suivre Jésus, et vivre selon la charte du royaume inauguré par Jésus.

Si le Sermon sur la Montagne est le « cœur » de l’enseignement éthique de Jésus, plusieurs enseignements éthiques sont donnés en d’autres circonstances en réponse à des questions, ou à des situations : « Quel est le plus grand commandement de la loi ? » ; « Est-il permis à un homme de répudier sa femme pour un motif quelconque ? » Jésus développe alors un enseignement en réponse à la question précise qui lui est adressée.

Certains enseignements éthiques sont aussi donnés dans le cadre de controverses. Jésus y trouve occasion à fustiger la « tradition des anciens » ajoutée à l’Écriture (Mat 15) ou l’hypocrisie religieuse (Mat 23).

Quant à la forme, Jésus développe son enseignement éthique en des formules ramassées, souvent bien travaillées. Il ne se limite pas à enseigner des principes : il veille à donner des exemples, des illustrations, des cas-types, des applications. Il n’hésite pas à inventer des formules frappantes, qu’on retient. Il manie avec art l’hyperbole, cet art de l’exagération calculée pour produire un effet sur l’auditeur (comme « arracher son œil » s’il est occasion de chute, 5.30). Il emploie aussi parfois un langage symbolique, une façon de s’exprimer appréciée en Orient.

2. L’éthique de Jésus et le royaume de Dieu

Quel lien établir entre l’éthique de Jésus et le reste de son enseignement, en particulier de son enseignement sur le royaume de Dieu ?

Admirations sélectives

Plusieurs admirent sans borne l’éthique de Jésus, mais rejettent le reste de sa théologie comme un certain nombre d’auteurs juifs, ou des théologiens libéraux. Chanter la beauté de l’éthique de Jésus peut avoir un côté ambigu. Si l’on valorise un côté pour en dévaloriser un autre, on traite Jésus et son enseignement comme si l’on pouvait disposer d’eux à sa guise. On risque fort, en agissant ainsi, de faire de l’enseignement de Jésus autre chose que ce que lui-même entendait. Il faut considérer l’enseignement éthique de Jésus à l’intérieur du cadre qu’il a lui-même donné.

Éthique et royaume

Il est assez clair, quand on lit le Sermon sur la Montagne, que l’éthique de Jésus est bel et bien liée au royaume de Dieu, comme en témoignent les nombreuses références au royaume tout au cours du Sermon (Mat 5.3,19,20 ; 6.33 ; 7.21)

Ce lien a été compris de plusieurs façons différentes, qui chacune a une incidence sur la façon dont on s’approprie l’éthique de Jésus.

Une éthique de l’intérim

Certains ont pensé que, pour Jésus, le royaume de Dieu allait venir très vite. Il faut revenir à Dieu, et manifester une attitude de renouvellement moral radical. L’éthique de Jésus serait donc une éthique de l’urgence, qui expliquerait le regard assez négatif sur l’attachement à la famille, à la richesse ou le peu d’intérêt pour les questions sociales : on est dans l’intérim. C’est aussi ce qui expliquerait son caractère « impossible » à réaliser : son but est de faire revenir sur soi-même et d’inviter à une position radicale en face de l’imminence. Cette position a été défendue par Albert Schweitzer.

Mais, à aucun moment, dans le Sermon sur la montagne, il n’est question de l’imminence du royaume. Il est donc artificiel de lier les deux thèmes.

Si, par ailleurs, on examine la raison des exigences élevées de l’éthique de Jésus, c’est à Dieu et à ses perfections qu’il faut les rattacher, et non à l’imminence du royaume : « Soyez donc parfaits, comme votre Père céleste est parfait. » (Mat 5.48) De même, ce n’est pas parce que le temps est proche qu’il faut aimer même nos ennemis ; c’est « afin d’être fils de notre Père » qui est dans les cieux (Mat 5.43).

Une perspective future

D’autres adoptent une position inverse, et disent que l’enseignement éthique concerne le royaume futur. Nous n’y sommes pas encore : l’éthique de Jésus n’est donc pas pour nous. C’est la loi qui prévaudra dans le royaume à venir. Pour certains, le Sermon sur la Montagne est la règle de ce royaume, qui concerne Israël, et qui est reporté après le retour de Jésus. Mais une vision purement future du royaume peut conduire à nous priver aujourd’hui de cet enseignement éthique de Jésus.

Pour répondre à cette vision des choses, on rappellera que Jésus s’adressait prioritairement à ses disciples (Mat 5.1-2) : cela concerne donc la vie d’aujourd’hui. Et bien des situations évoquées dans le Sermon sur la montagne renvoient à une situation où le mal (adultère, vengeance, etc.) est encore bien présent, et non pas à un royaume solidement établi.

La conception dynamique du royaume

Cette conception dit que Jésus a inauguré le royaume de Dieu, mais qu’il n’est pas encore pleinement abouti. Nous sommes dans une situation d’entre-deux.

Avec la personne de Jésus, sa venue et son œuvre, une nouvelle réalité est inaugurée. Elle manifeste déjà sa nouveauté : c’est pourquoi Jésus pousse plus loin que la loi de Moïse. Il vient « accomplir » cette loi, en approfondissant ses exigences (Mat 5.17-48).

Mais nous ne sommes pas encore dans le royaume achevé : le royaume de Dieu se fraie un chemin dans le monde mauvais où nous vivons, et l’une des manières dont il doit se manifester, c’est par notre conduite éthique : nous sommes appelés à être, par notre conduite et nos paroles, « lumière du monde » (Mat 5.14-16).

Comment ? En appliquant le Sermon sur la montagne ! Il nous faut vivre, dans le monde présent, selon les normes de Dieu. Il y aura parfois des tensions, des choix, des priorités : mais nous avons à exprimer, par notre conduite, que nous attendons la pleine manifestation du royaume de Dieu, et que c’est cette perspective qui aimante et détermine notre vie. 1

3. L’exigence de justice

Par son annonce du royaume de Dieu, Jésus inaugure une nouvelle phase de l’histoire. Mais il implique aussi une exigence nouvelle en ce qui concerne l’éthique. Il le dit très clairement : « Car, je vous le dis, si votre justice ne surpasse celle des scribes et des pharisiens, vous n’entrerez point dans le royaume des cieux. » (Mat 5.20) Pour comprendre cette parole de Jésus, il faut l’écouter dans son contexte.

Jésus et le temps de l’accomplissement

Jésus se situe par rapport à tout ce qui l’a précédé, « la Loi et les Prophètes » (Mat 5.17). Une nouvelle ère intervient, qui est celle de l’« accomplissement ». En Jésus, par sa présence et dans sa mission, tout l’A.T. a atteint son but. Ce qui était annoncé s’accomplit. Ce que Dieu avait préparé, préfiguré, trouve son aboutissement et sa lumière. Tout (non seulement l’éthique, mais aussi le salut, la relation de Dieu avec l’homme, l’inauguration d’une nouvelle alliance) arrive à son accomplissement. Jésus, en disant cela, anticipe la suite de son œuvre, car c’est avec sa mort et sa résurrection que se manifestera l’accomplissement décisif.

• Du point de vue de la loi, ce qui était de l’ordre de la préfiguration (lois rituelles : cérémonies, sacrifices, etc.) s’efface devant l’accomplissement, tout comme l’ombre qui annonce quelqu’un n’a plus de raison d’être lorsque la personne réelle est là, en pleine lumière.

• Pour ce qui concerne la justice, ceux qui ont « faim et soif de justice » peuvent être déclarés « heureux », car ils seront « rassasiés »… Rassasiés de pardon, de grâce, comme ce pauvre péager de Luc 18.9-14. Cela, Jésus l’a illustré dans tout son ministère, en accueillant celles et ceux qui venaient à lui en reconnaissant leur besoin de Dieu.

• Pour ce qui concerne les moyens de vie, une nouvelle alliance est inaugurée, selon laquelle Dieu promet de nouvelles ressources pour accomplir sa volonté : la loi est « gravée dans le cœur », renouvelé pour pouvoir pratiquer ses lois (Jér 31 ; Éz 36.27).

Cet accomplissement de la loi et des prophètes en Jésus est un grand privilège. Sur la base de ce privilège, Jésus affirme une exigence éthique encore plus grande. Rien de ce que Dieu a demandé ne doit être supprimé, ni édulcoré : la volonté de Dieu exprimée dans ses commandements subsiste, et doit être respectée. Plus encore, il faut aller jusqu’au bout de la justice, avec une exigence encore plus pointue.

Quelle est-elle, cette justice qui « surpasse celle des scribes et des pharisiens » ?

• C’est une justice qui a des ressources que n’ont pas les scribes et les pharisiens, qui sont simplement face à la Loi de Moïse. Les disciples de Jésus, eux, peuvent être mis au bénéfice des ressources qu’apporte le royaume de Dieu, grâce à l’œuvre de Jésus qui « accomplit la loi et les prophètes ».

• Mais c’est aussi une justice qui donne toute sa radicalité au commandement et à la volonté de Dieu, sans essayer de le contourner.

Autrement dit : un privilège et une responsabilité. Il me semble que l’on a là une sorte de clé du Sermon sur la montagne. Jésus va très loin dans les exigences de justice parce qu’il sait que les temps de l’accomplissement sont inaugurés, avec toutes les ressources de grâce, de pardon et de vie nouvelle qu’ils impliquent. La « justice qui surpasse celle des scribes et des pharisiens » est à la fois une justice reçue par le pardon pleinement disponible, et une justice à accomplir grâce aux ressources de vie nouvelle.

Des dépassements demandés

Du coup, Jésus pousse très loin son appel à une vie selon Dieu. À six reprises, il donne une application plus radicale de certains commandements contenus dans la loi de Moïse, et (mal) interprétés par la tradition (Mat 5.21-47). Jésus invite à aller jusqu’au bout du commandement. Cela, on peut le faire, parce que de bonnes bases sont données dans la nouvelle alliance que Jésus est venu inaugurer.

1. Jésus invite à une éthique de la reconnaissance : pourquoi imiter Dieu ? Parce que l’on reconnaît qu’on lui doit tout, qu’il nous a tout donné. En lui nous recevons la vie, le salut. Nous l’aimons parce qu’il nous a aimés le premier (1 Jean 4.19).

2. Jésus nous invite à une éthique relationnelle et motivée : ce que nous faisons, dans les grandes ou dans les petites choses, est appelé à devenir une expression de l’amour pour Dieu (Mat 22.37-39). L’éthique est une forme de la relation entre Dieu et nous : on n’obéit pas à un code, on cherche à plaire à Dieu. Il y a là une source d’élan, de motivation, de joie, de sens. Bien des actes simples peuvent être « transfigurés » par cette motivation.

3. Parce que le vis-à-vis est le Seigneur, Jésus invite à une éthique de la transparence et de la transformation intérieure. Jésus est très sévère avec les pharisiens qui pratiquaient une éthique qui cherchait surtout à préserver les apparences (Mat 23.25-26). Jésus dit ici : il faut aller au fond des choses, ne pas se contenter de la superficialité. Et cela, c’est le fruit d’une éthique relationnelle, où l’on se place constamment devant Dieu et sous son regard. Cela demande aussi un travail sur nos motivations, une purification, une transformation. Mais le but est de conduire à une cohérence plus grande : c’est de l’intérieur que tout doit se construire, pour aller ensuite vers l’extérieur.

4. Parce qu’elle se situe dans la relation avec Dieu, l’éthique est soutenue par l’exemple même de Dieu (Mat 5.45). Jésus développe la même perspective dans d’autres domaines. « Combien de fois pardonnerai-je ? », demande Pierre. La réponse de Jésus est, en substance : « Autant de fois que Dieu te pardonne » (Mat 18.21-35). Jésus veut que la relation avec Dieu nous transforme et nous pousse à agir à son image. C’est ce qu’il dit, dans une formule indépassable : « Soyez donc parfaits, comme votre Père céleste est parfait. » (Mat 5.48)

Pour certains, c’est le commandement impossible, l’objectif irréalisable, la parole toujours culpabilisante. C’est se méprendre sur cette parole que d’en faire juste un commandement, juste une exigence. Jésus ne dit pas : « comme Dieu est parfait. » Il parle de « votre Père céleste », décrivant ainsi une relation. Dans cette relation, nous sommes invités à une transformation, constante. Nous recevons du Père force, soutien, encouragement, en même temps que les objectifs. C’est un travail constant, progressif. Jésus dit, en substance : il faut que la relation avec votre Père céleste vous change, vous pousse sans cesse plus loin, et voyez jusqu’où cela va.

L’éthique de Jésus va loin, parce qu’elle combine le modèle et la relation. Jésus nous propose ce qu’il a lui-même vécu (voir Jean 5.19).

4. À la suite du Christ

La grandeur et la particularité de l’éthique de Jésus ne proviennent pas simplement d’une éthique théorique, requise ; celle-ci est aussi pleinement vécue, pleinement incarnée. Quand on regarde la vie de Jésus, quand on médite sur ses attitudes, ses choix, ses priorités, ses réactions, on a un modèle vivant. On peut, constamment, mettre en relation l’enseignement de Jésus et la façon dont il l’a incarné.

Du coup, Jésus lui-même devient source d’inspiration. Il le déclare, lui-même, à la fin de son ministère, juste avant la Croix : « Comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres. » (Jean 13.34)

La nouveauté du commandement, c’est le « comme je vous ai aimés ». L’éthique chrétienne est une éthique « à la suite du Christ ». Il nous offre :

– un exemple concret,

– une motivation : on suit le Christ par amour, pour lui faire plaisir, en reconnaissance pour ce qu’il a fait pour nous ; c’est un bonheur de pouvoir le faire, y compris dans des situations exigeantes ;

– un encouragement : on voit, dans la vie de Jésus, le fruit et la fécondité de certaines attitudes, qui sont parfois difficiles à adopter (cf. la valeur du service, de l’amour qui se donne, la confiance accordée, le pardon renouvelé…)

On ne peut pas penser l’éthique de Jésus sans méditer, en même temps, sur la vie de Jésus. Ce sont les deux parties d’un même livre, à lire ensemble. Si le Sermon sur la montagne vous semble irréaliste, méditez, en face, la vie de Jésus (Jean 13.15 ; 1 Pi 2:21).

5. Priorités et récompenses

Une éthique des priorités

L’éthique de Jésus se présente souvent comme une éthique des priorités (Mat 6.33). Il y a des choix clairs à faire, en fonction du royaume de Dieu et de sa justice. Il faut savoir donner priorité au royaume de Dieu, de manière claire, nette. Et cela se manifeste par des choix, concrets. Choix du bien par rapport au mal. Choix de nos attitudes, à l’exemple de Jésus. Mais parfois, aussi, savoir donner priorité au royaume de Dieu par rapport à des choses légitimes.

Jésus en parle par rapport à la famille : Jésus valorise le souci et l’amour des siens (Mat 15.4), mais en même temps, il demande à ce que l’on sache donner priorité au royaume de Dieu, même par rapport aux siens, si cela est nécessaire (Mat 19.29 ; cf. 19.12 ; 16.24-25).

Une éthique de la récompense

Enfin il est frappant que jamais Jésus ne tienne ce langage à sens unique. À chaque fois qu’il parle de priorité à donner, de renoncement à effectuer, ou d’engagement à consentir, il a soin d’ajouter que cela ne sera jamais sans récompense, sans compensation (« toutes choses par dessus », 6.33 ; « le centuple », Mat 19.29).

Pourquoi cet accent ? Est-ce la « carotte » pour nous faire avancer ? Est-ce la négation de la gratuité, du don entier ? En aucune manière ! L’idée de « récompense », voire de « compensation », s’inscrit dans la perspective relationnelle de l’éthique de Jésus. Quelle est la récompense du serviteur qui a bien accompli sa tâche ? C’est d’avoir fait la joie de son maître (Mat 25.21). Dieu nous aime : nous pouvons avoir confiance en cet amour ; s’il nous demande, il nous donnera aussi en retour. Nous ne sommes pas dans un calcul d’intérêt. Nous sommes dans une relation réciproque d’attention et d’amour.

1Le témoignage de l’Église ne parviendra toutefois pas à lui seul à instaurer le Royaume de Dieu « sur la terre comme au ciel ». C’est malheureusement ce qu’enseignent les partisans de la théologie dite « dominationniste » comme C. Peter Wagner ou le « restaurationnisme » (postmillénariste). Ces théories ont un fort retentissement dans certains milieux charismatiques. Nous croyons que le monde actuel est en phase de désagrégation spirituelle et morale (apostasie) et que la pleine manifestation du Royaume de Dieu coïncidera avec le retour visible de Jésus-Christ. (NDLR)

Écrit par


« Cherchez premièrement le royaume [de Dieu] et sa justice, et toutes ces choses vous seront données par-dessus. » (Matthieu 6.33)

1. « Premièrement » : quelles sont mes priorités ?

L’homme passe sa vie à s’inquiéter « premièrement » pour ses besoins propres. En Matthieu 6.25-34, Jésus l’illustre dans nos rapports aux besoins vitaux (nourriture) et sociaux (l’apparence) — ce qui, selon ce monde, définit vie intérieure et extérieure. La pyramide de Maslow des besoins de l’homme enseigne à peu près ceci : occupe-toi d’abord de ta survie et de ta sécurité, puis de l’image que tu renvoies en société, et en toute fin (si tu en as encore le temps), de ton accomplissement (y compris spirituel). Mais Jésus, comme à son habitude, renverse les priorités : premièrement le spirituel, le reste des besoins suivra. Principe pour le moins subversif, mais en continuité avec l’A.T. : « Craignez l’Éternel, vous ses saints ! Car rien ne manque à ceux qui le craignent. » (Ps 34.10)

De manière générale, les renversements de Jésus font surgir la question fondamentale : qui est mon dieu ? Sera-ce mon petit ego, le « qu’en dira-t-on » ou bien le Dieu tout-suffisant ? Notre passage décline cette question générale ainsi : à qui fais-tu confiance pour tes besoins ? Autrement dit : qui pourvoit ? Bien des païens se sont convertis parce qu’ils ont observé comment leurs voisins chrétiens confiaient tous leurs soucis au Dieu qui pourvoyait à leur besoins quotidiens et le remerciaient (Phil 4.6-7).

Ces choses, comme la nourriture ou le vêtement, sont bonnes. Mais sont-elles dignes d’angoisse ? L’inquiétude que nous ajoutons aux activités éphémères de ce monde nous fait dévier1 de l’objectif premier. Combien de temps, d’argent et d’énergie avons-nous dépensé dans notre vie et qui ont « mangé » des objectifs plus précieux et éternels ?

Dans un monde toujours plus affamé de tout et son contraire, l’enjeu de la providence est donc de taille. De quoi avons-nous faim ? Qu’est-ce qui mérite que l’on s’en préoccupe ?

2. « Cherchez » : quelle est la vraie préoccupation du chrétien ?

Un chrétien doit-il négliger de faire les courses pour manger ou peut-il porter des habits déchirés sous prétexte qu’il serait «  plus spirituel » qu’un autre ? Certes pas. Un chrétien s’occupe des choses terrestres sans toutefois se préoccuper à cause d’elles. Nous apprenons progressivement que tout n’est pas prioritaire.

Si d’un côté le chrétien s’occupe sans s’en préoccuper des choses auxquelles Dieu pourvoira, d’un autre côté, il doit s’affairer, “se creuser les méninges” pour la « seule chose […] nécessaire ». Jésus prend cette recherche du royaume avec un tel sérieux qu’il l’a inscrite dans le modèle de prière qu’il nous a laissé : « Que ton règne vienne. » (Mat 6.10) Ce n’est pas un hasard si notre passage se trouve seulement quelques versets plus loin. Paul relaiera cette exhortation vibrante à rechercher « les choses d’en haut » afin de s’y attacher fermement (Col 3.1,3).

Exhortation sérieuse et vibrante, car « chercher », c’est se démener au point de laisser tomber ce que l’on possède afin d’obtenir ce que l’on ne possède pas (ou ce que l’on a perdu). Pensez au berger qui ne se préoccupe plus des 99 brebis afin d’aller « chercher » celle qui s’est perdue (Mat 18.12).

Chercher le royaume, c’est se donner du mal comme ce marchand qui « cherche » (Mat 13.45-46) la plus belle des perles, la trouve et la considère si précieuse qu’il estime avantageux de se dépouiller de tout le reste. Dans notre course quotidienne, demandons-nous : le royaume éternel de Dieu vaut-il la peine que je lâche prise sur les choses passagères et la mentalité de ce monde ? Même si la promesse de satisfaction de ce dernier m’attire, brille-t-elle du même éclat que la perle du royaume ?

3. « le royaume… » : qu’est-ce que « chercher le royaume » ?

Le royaume, voilà l’un des thèmes les plus vastes de la Bible ! Rappelons seulement que le terme grec basileia signifie royaume ou règne. Il indique donc soit un royaume visible (comme la manifestation future du royaume de Christ : 1 Thes 2.12 ; 1 Tim 6.15 ; Jac 2.15, etc.) soit le règne spirituel et présent d’un homme ou d’une tendance dans les cœurs (Rom 5.21 ; 1 Cor 15.25 ; Col 1.13 ; etc.).

C’est pour cela qu’il est possible, dans le même chapitre 6 de Matthieu, de prier « que ton règne [visible et futur] vienne » (v. 10) et en même temps de « chercher le royaume [présent et spirituel] » (v. 33). Entre le « déjà là » et le « pas encore », chercher le royaume, ce serait donc se nourrir de l’espérance « que [son] règne vienne » et participer à l’exaucement de cette prière en se préoccupant avec le plus grand sérieux de n’avoir pour seul roi que Dieu le Père tous les jours de sa vie, dans son être intérieur et dans sa vie publique, en attendant le retour visible du Roi des rois.

4. « …et la justice » : comment s’articulent royaume et justice ?

Quel lien Jésus fait-il entre le royaume et sa justice ? Peut-on considérer ces termes sur un même plan ?

Rappelons que ces paroles de Jésus s’inscrivent en plein cœur de son Sermon sur la montagne qui énonce les règles du royaume selon les plus hautes exigences de la « justice » : « Si votre justice ne surpasse celle des scribes et des pharisiens, vous n’entrerez point dans le royaume des cieux. » (Mat 5.20 ; cf. 6.1)

Le verset semble indiquer un objectif (le royaume), puis le chemin à prendre pour l’atteindre (la justice). Ce rapport est explicité quelques chapitres plus loin, lorsqu’il est question d’entrer « dans le royaume » en suivant « la voie de la justice » (Mat 21.31-32). Ce passage du chap. 21 oppose deux justices : celle de nos efforts religieux ou moraux, à celle de l’œuvre parfaite et substitutive de Christ. Un disciple de Jésus cherche à être justifié non par ses propres œuvres, mais en suivant le chemin de foi ouvert par Jésus. Son ardente recherche du royaume le fera rejeter tout ce qui, selon sa justice propre, paraît un « gain » dans cette vie. Comme Paul le dit, il le considérera comme une « perte », « afin d’être trouvé en lui, non avec [sa] justice, celle qui vient de la loi, mais avec celle qui s’obtient par la foi en Christ, la justice qui vient de Dieu par la foi » (Phil 3.9 ; cf. Rom 1.17).

Mais, à moins de « théologiser » dans le vide, cette justice-réconciliation (Rom 5.1-3) ne peut être dissociée d’une justice pratique (illustrée par le Sermon sur la montagne). La justice céleste (garantie par l’expiation) a pour fruit une justice pratique dans ma relation avec mon prochain. C’est un fruit de l’Esprit2 que le chercheur du royaume souhaite donc porter.

5. « et toutes ces choses vous seront données par-dessus » : comment comprendre cette promesse ?

La crainte matérielle du lendemain est un tueur de justice, de joie et de paix, tandis que le chrétien qui renonce chaque jour à lui-même et s’occupe sans se préoccuper des priorités matérielles incarne dans sa vie quotidienne l’espérance qu’il mentionne dans sa prière chaque jour : « Que ton règne vienne. » Il laisse l’Esprit de Dieu en lui porter un fruit de justice, de joie et de paix ; ce chrétien entre dans une promesse à nulle autre pareille pour un habitant de la terre : « tout le reste vous sera donné de surcroît ». Une application peut se lire en 2 Chroniques 1.11-12, lorsque Dieu offre à Salomon non seulement la sagesse qu’il a demandée, mais, de surcroît, les richesses qu’il avait considérées comme secondaires.

Le chrétien attaché au royaume et à la justice est-il assuré de ne jamais mourir de faim ? Il n’est pas improbable, à la lumière des autres promesses de l’Évangile, que « tout le reste » signifie aussi des épreuves qu’il n’aurait pas demandées, comme lorsque Jésus répond à Pierre qui a tout quitté pour lui. Ne lui promet-il pas des mères et des frères au centuple, « avec des persécutions » ? Ou encore lorsque Paul exalte ce que possède le chrétien en Christ : « […] soit la vie, soit la mort […]. Tout est à vous. » (1 Cor 3.22)

Celui dont le Dieu est El-Jireh (le Dieu qui pourvoit) a rétabli ses priorités. Le royaume de Dieu et sa justice sont devenus les seules choses dignes de préoccupation. Abaissant le regard sur ses besoins terrestres, il apprend à dire, comme Paul : « J’ai appris à être content dans l’état où je me trouve. Je sais vivre dans l’humiliation, et je sais vivre dans l’abondance. En tout et partout j’ai appris à être rassasié et à avoir faim, à être dans l’abondance et à être dans la disette. » (Phil 4.11-12) Et : « C’est, en effet, une grande source de gain que la piété avec le contentement. » (1 Tim. 6.6)

Conclusion : la provocation tranquille du chrétien

Le « chercheur du royaume » peut s’approprier cette belle promesse, quelques versets plus loin : « Cherchez, et vous trouverez. » (Mat 7.7) Résumons le principe comme suit : celui qui cherche à se soumettre au Roi des rois dans sa vie intérieure en suivant la voie de la justification par la foi, et qui le manifeste dans sa vie publique par des relations justes, d’une justice supérieure à celle de la morale religieuse, dans le but que le règne de Dieu vienne, celui-là, qu’il vive ou qu’il meure, voit déjà ses besoins essentiels comblés ici-bas.

Le chrétien humble et confiant, s’appuyant sur la providence divine en toutes choses, pourra exprimer avec douceur le verset qui provoque le plus notre société consumériste insatiable : « L’Éternel est mon berger, je ne manquerai de rien. » (Ps 23.1)

1 En grec, le verbe « s’inquiéter » (merimnáô) signifie aussi : distraire.
2 Ce point est développé par l’article de John Piper sur Romains 14.17.


Dans la période où Jésus est sur la terre, il prononce des discours. L’un d’eux appelé « le sermon sur la montagne » est en quelque sorte la charte du royaume (Mat 5-7), introduite par les béatitudes1 qui vont nous occuper (Mat 5.3-12).

Deux difficultés se présentent à nous quand nous abordons cette section.

Première difficulté (qui s’étend à d’autres passages des évangiles) : Jésus parle-t-il pour les croyants de l’Église ou pour les croyants du « résidu2 pieux » des temps de la fin ?

Tout d’abord, il nous faut garder à l’esprit que Jésus voit dans ses disciples tantôt l’embryon de l’Église, tantôt les croyants pieux du « résidu juif » de la fin, car dans les Évangiles, nous sommes comme sur une frontière : nous ne sommes plus sous « l’ancienne alliance » — puisque Jésus est là — mais nous ne sommes pas encore dans la pleine bénédiction qui va être dévoilée dans les Épîtres — puisque Jésus n’est pas encore mort, ressuscité, glorifié, et que l’Esprit n’est pas encore venu.

Pourquoi ne pas envisager que ces enseignements sont pour les deux ? (Quand un père s’adresse à l’un de ses enfants, à table par exemple, les autres peuvent en tirer profit, même si cela n’est pas directement pour eux.)

Deuxième difficulté : comment traduire le mot « bienheureux » ?

Le terme grec correspondant, « makarios », est souvent traduit par « bienheureux » , mais aussi par « en marche » 3.

Comment concilier cela ? Le terme « en marche » a l’avantage de véhiculer une dynamique, une espérance, un but… Aussi nous proposons une synthèse : « en marche les bienheureux ! » (sous-entendu vers le royaume de Dieu) ou « sur la route du bonheur » (qui conduit au royaume de Dieu). Nous retrouvons d’ailleurs cette pensée de dynamique, cette marche en avant, dans plusieurs passages (És 35.5-10 ; 42.16 ; 43.16-21 ; 51.9-11 ; Apoc 7.4-17). Cela va nous éclairer les paroles parfois bien étranges de Jésus. Survolons donc les « béatitudes ».

« Bienheureux les pauvres en esprit, car c’est à eux qu’est le royaume des cieux. » (v. 3)

Peu de béatitudes ont donné lieu à autant de malentendus, voire même de sarcasmes. Jésus a-t-il voulu dire que ceux qui s’avancent vers le royaume de Dieu doivent nécessairement posséder un quotient intellectuel déficient et manquer d’instruction ou, pire encore, que ce soient des gens au psychisme altéré ?

Jésus a plutôt voulu dire qu’ils doivent être comme des petits enfants qui croient simplement, qui ne raisonnent pas, qui ne sont pas occupés de leur importance. D’ailleurs ils ne sont pas importants pour le monde et le monde n’est pas important pour eux. Ils peuvent même être méprisés. La seule chose qui compte pour eux c’est qu’ils se sentent aimés. N’est-il pas désirable que nous soyons tels (Mat 18.1-4) ?

« Bienheureux ceux qui mènent deuil, car ce sont eux qui seront consolés. » (v. 4)

Beaucoup de fidèles juifs des temps de la fin tomberont sous les coups terribles de l’Antichrist pendant la grande tribulation (cf. Dan 11.35 ; Apoc 10.7-8). Et dans le temps actuel, aucun d’entre nous ne peut traverser la vie sans connaître le deuil. Mais le croyant dans le deuil possède trois grandes ressources, trois piliers sur lesquels repose sa foi.

1. La sympathie de Jésus : Cela nous renvoie à la scène de Béthanie de Jean 11. Jésus pleure avec nous. Il sympathise avec nous. Il est capable de nous comprendre, maintenant dans notre souffrance (voir Héb 4.14-16).

2. La résurrection de Jésus : Quand tout semblait perdu, quand la mort avait même atteint le Fils de Dieu venu dans l’humanité, Dieu a manifesté sa puissance en le tirant de la mort, montrant ainsi qu’il était supérieur à cette terrible conséquence du péché de l’homme. La lumière du matin de Pâques éclaire maintenant nos plus sombres deuils et nous montre que ce qui paraît définitif ne l’est pas.

3. La venue de Jésus : « Le Seigneur lui-même descendra du ciel et les morts en Christ ressusciteront premièrement… » (1 Thes 4.16-17), c’est-à-dire ces bien-aimés appartenant à Christ que nous pleurons. Ainsi, nous sommes consolés à leur sujet. Leur corps que nous avons enseveli va être transformé !

« Bienheureux les débonnaires, car ce sont eux qui hériteront de la terre. » (v. 5)

Un débonnaire est quelqu’un qui est plein de bonté, doux. Il n’insiste pas sur ses droits (cf. Phil 4.5). Pourquoi revendiquerais-je agressivement un droit et une possession si je suis en route vers le royaume ?

Plus que pour nous, l’expression « hériter de la terre » sera une merveilleuse promesse, et un encouragement pour le résidu juif pieux accablé par toutes les spoliations du règne de l’Antichrist.

« Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice car ce sont eux qui seront rassasiés. » (v. 6)

Notre monde est plein d’injustices. Elles engendrent frustrations et souffrances pour les plus faibles. Elles nous heurtent, nous révoltent ; mais nous ne pouvons faire que peu de choses en face d’elles. Il faudra qu’arrive le règne du Messie sur la terre pour que la justice soit enfin instaurée (voir Ps 9.7-9 ; 72.12-14). Toutefois, nous pouvons poursuivre personnellement et ardemment ce qui est juste devant Dieu, entre nous et dans l’Église.

Le résidu juif souffrira aussi de l’injustice, mais il sera lui aussi sur le chemin du bonheur, sur le chemin du règne.

« Bienheureux les miséricordieux, car c’est à eux que miséricorde sera faite. » (v. 7)

Notre monde est dur, c’est la loi de la jungle, du chacun pour soi, du « pousse-toi que je passe ».

Mais les miséricordieux font attention à la misère qui les entoure, ils ont un cœur qui cherche à prodiguer au moins un peu de soulagement. Le résidu juif en bénéficiera alors pour entrer dans le règne (És 49.13 ; Jér 12.15 ; Osée 2.23). Sommes-nous ces miséricordieux dans le temps présent ?

« Bienheureux ceux qui sont purs de cœur, car ce sont eux qui verront Dieu » (v. 8)

Si nous sommes de ceux-là, notre amour pour Dieu sera exclusif. Le propos de notre cœur sera clair, nos motivations simples. Nous rechercherons sa volonté et non la nôtre, sa gloire et non la nôtre. Pensons à un exemple pratique parmi beaucoup d’autres : nous ne « forcerons pas les portes », mais nous laisserons Dieu nous les ouvrir si c’est sa volonté. Si réellement nous maintenons dans la durée cette attitude de cœur et de foi, nous « verrons Dieu » agir. Il n’y aura pas de doute, ce sera lui.

« Ceux qui sont purs de cœur » — le résidu pieux sera de ceux-là, quand « ils retourneront vers Dieu de tout leur cœur » (Jér 24.7 ; 29.11-14).

« Bienheureux ceux qui procurent la paix car ce sont eux qui seront appelés fils de Dieu. » (v. 9)

Les conflits sont incessants et à tous les niveaux dans notre monde. Dans les couples, dans les familles, entre voisins, entre nations. Mais ces bienheureux qui s’avancent vers le royaume recherchent la paix, au prix même de certains de leurs intérêts. Ils savent que la paix sera une caractéristique du royaume terrestre du Messie, qu’il l’incarnera (Mich 5.4) ; que le règne sera fondé sur la justice (És 32.17-18). Mais dès à présent, ces bienheureux « la procurent » à ceux qui les entourent. Ils manifestent déjà les caractères du Dieu de paix ; ils en sont « les fils ». Que Dieu nous soit en aide pour la procurer autour de nous !

« Bienheureux ceux qui sont persécutés à cause de la justice car c’est à eux qu’est le royaume de Dieu. Vous serez bienheureux quand on vous injuriera et qu’on vous persécutera… » (v. 10-12)

Jésus ferait-il ici (comme aussi lors de la deuxième béatitude) l’apologie de la souffrance ? Assurément non. La souffrance est difficile, même terrible ; mais elle manifeste, chez la personne qui la traverse, la fidélité, la pureté — tel le métal dans le creuset.

Ceux qui sont (et seront, pour le résidu juif) soumis à la persécution violente, sont (et seront) plus que d’autres, aux portes du royaume. Ils y auront en tous cas une place de choix. Ils y recevront la couronne de vie (Apoc 2.10). Mais, dès maintenant, ils peuvent se réjouir d’être estimés dignes de souffrir pour le nom infiniment glorieux de leur Maître. « L’Esprit de gloire et de Dieu demeure sur eux. » (1 Pi 4.12-14)

Beaucoup de chrétiens souffrent actuellement souvent jusqu’à la mort, mais ils sont ces bienheureux.

Conclusion

Tous ces bienheureux sont en marche vers le royaume. Le résidu juif pieux portera en son temps tous les caractères mentionnés ci-dessus. Ils seront développés en eux par un grand travail de cœur et de conscience, au travers de la « grande tribulation » (Mat 24.21), pour les préparer à reconnaître le Messie qu’ils avaient rejeté4 (voir Zach 12. 10-11).

Pour nous, chrétiens, qui attendons et aimons l’apparition glorieuse de notre Seigneur Jésus-Christ (Tite 2.13 ; 2 Tim 4.8), nous sommes aussi ces bienheureux en qui le Saint-Esprit forme ces caractères, au travers des épreuves et des difficultés de la vie.

1 Le terme « béatitude » désigne le bonheur que Dieu donne à ses élus. « Les béatitudes » désignent plus spécifiquement les expressions de Matthieu 5 commençant par « bienheureux ».
2 Le terme « résidu » traduit aussi par « reste » (voir par ex. Rom 9.27 ; 11.5) ne véhicule pas la pensée de quelque chose de méprisable, de peu de valeur, mais au contraire de ce qui retrouve des caractères originels et, de ce fait, est précieux pour Dieu. Ces juifs pieux, qui se repentiront du rejet du Messie et entreront dans son règne avec lui, portent bien ces caractères.
3 Le terme grec « makarios » veut dire : bienheureux, heureux, chanceux ; ce terme signifie qu’une personne est bénie de Dieu et que cette bénédiction la remplit de joie, la rend heureuse. Il correspond au terme hébreu « ashréhy » (que l’on trouve 26 fois dans les Psaumes, 8 fois dans les Proverbes et 3 fois en Ésaïe) et qui est compris de différentes façons par les hébraïsants : il peut être une interjection, une exclamation « heureux ! » ou un nom pluriel, « les bonheurs », traduit par « ô les bonheurs de » . Ce mot là, au singulier : « èshèr » vient d’une racine verbale qui signifie à la forme intensive « mener, guider » et à la forme simple « marcher », d’où la traduction de Chouraqui : « en marche ! » Une théologienne suisse, Thérèse Glardon a écrit à propos de la traduction de Chouraqui pour ce terme : « Ce dernier rapprochement suggère non des bonheurs statiques ou des satisfactions béates, mais des bonheurs dynamiques, toujours à découvrir, toujours neufs et qui nous mettent en mouvement. » Dieu est deux fois qualifié de makarios : c’est une de ses qualités qu’il nous souhaite (1 Tim 1.11 ; 6.15).
4 Retrouvailles magnifiquement illustrées par l’histoire des frères de Joseph (Gen 45)

Écrit par


« A leur départ, Jésus se mit à dire aux foules, à propos de Jean : Qu’êtes-vous allés contempler au désert ? Un roseau agité par le vent ? Mais qu’êtes-vous allés voir ? Un homme vêtu somptueusement ? Mais ceux qui portent des vêtements somptueux sont dans les maisons des rois. Qu’êtes-vous donc allés (faire) ? Voir un prophète ? Oui, vous dis-je, et plus qu’un prophète. Car c’est celui dont il est écrit : Voici, j’envoie mon messager devant ta face, pour préparer ton chemin devant toi. En vérité je vous le dis, parmi ceux qui sont nés de femmes, il ne s’en est pas levé de plus grand que Jean-Baptiste. Cependant le plus petit dans le royaume des cieux est plus grand que lui. Depuis les jours de Jean-Baptiste jusqu’à présent, le royaume des cieux est soumis à la violence, et ce sont les violents qui le ravissent. Car tous les prophètes et la loi ont prophétisé jusqu’à Jean ; et, si vous voulez l’admettre, c’est lui qui est l’Élie qui devait venir. »

Matthieu 11.6-13

Héraut du royaume

Jean est en prison depuis près d’un an. Il entend parler du Christ, de ses discours, de ses miracles, mais il est inquiet. Il doute. Il ne voit pas l’accomplissement des prophéties messianiques. Jésus n’a toujours pas imposé la justice au monde. Et lui est toujours en prison. Jean envoie des émissaires à Jésus pour lui demander : « Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? » (Mat 11.3)

Pour rassurer son ami, Jésus réalise sur le champ plusieurs miracles (Luc 7.21) qui authentifient son rôle de messie. Puis il prononce les paroles les plus élogieuses jamais sorties de sa bouche. Le témoignage du Christ en faveur de Jean-Baptiste est impressionnant.

Le ministère de Jean-Baptiste a été extrêmement influent. Marc 1.4-7 indique que « tout le pays de Judée et tous les habitants de Jérusalem se rendaient auprès de lui ; et ils se faisaient baptiser par lui dans le fleuve du Jourdain en confessant leurs péchés. » Parmi la foule, certains n’étaient que curieux de voir le premier prophète depuis Malachie, après 400 ans de silence ; d’autres se repentaient sincèrement.

La prédication de Jean-Baptiste était orientée résolument vers les gestes concrets qui accompagnent la foi (Luc 3.10-14). Mais avant tout elle annonçait un être supérieur à lui, qui baptiserait d’Esprit saint ceux qui se tourneraienont vers Dieu, et de feu ceux qui refuseront refuseraient de le faire (cf. Mat 3.121). Jésus marque de son sceau d’approbation le ministère de Jean- Baptiste, exposant par là même la motivation de certains des spectateurs qui n’appréciaient pas son ministère.

Jean-Baptiste n’était pas une girouette s’agitant en vain — à l’instar des roseaux qui poussent facilement sur les berges d’un fleuve, et qui se couchent dans le sens du vent. Jean-Baptiste n’était pas un dignitaire de la société suscitant l’admiration des foules — ses vêtements étaient primitifs, son mode de vie frugal. Lorsque Jésus pose la question « qu’êtes-vous donc allés voir ? », il invite le peuple indécis à se positionner. Car Jean- Baptiste est prophète, et même,  « plus qu’un prophète ».

Une supériorité qui tient au fait qu’il fait lui-même l’objet d’une prophétie : « Voici que j’enverrai mon messager ;; il ouvrira un chemin devant moi. Et soudain entrera dans son temple le Seigneur que vous cherchez ; et le messager de l’alliance que vous désirez, voici qu’il vient, dit l’Éternel des armées. » (Mal 3.1). Mais également parce que Jean-Baptiste est l’annonciateur, le héraut, du Roi des rois. Les autres prophètes de l’Ancien Testament n’ont pas eu ce privilège et ne faisaient qu’investiguer sur une époque future (1 Pi 1.10-12).

Témoin par anticipation du royaume

Selon Jésus il n’y a pas eu d’homme plus grand que Jean-Baptiste depuis Adam. Ni Job, ni Abraham, ni David, ni Daniel ne peuvent rivaliser avec lui. L’honneur que Christ attribue à Jean-Baptiste est spectaculaire.

Mais il ajoute : « Cependant le plus petit dans le royaume des cieux est plus grand que lui. » Une parole énigmatique ! Don Carson recense deux interprétations à écarter, car trop isolées du contexte2 :

– Comprenant le « royaume des cieux » dans un sens futur, certains voient le contraste entre Jean-Baptiste maintenant, et le croyant plus tard dans le royaume des cieux. La phrase dirait donc : « Le plus petit dans le royaume des cieux de demain est plus grand que lui aujourd’hui. »

– Comprenant les rapports dans un sens temporaire immédiat, certains entendent : le plus petit dans le sens de « plus jeune » : « Le plus jeune [c’est-à-dire Jésus] est plus grand que lui, bien qu’il que celui-ci soit plus âgé. »

D’autres y voient un contraste entre les croyants de l’Ancien Testament, et les croyants du Nouveau Testament, ces derniers bénéficiant d’un statut spirituel supérieur. Mais c’est une manière étrange de séparer les sauvés, qui le sont par la même œuvre substitutive du Christ.

Deux perspectives sont à considérer :

– 1. Jean-Baptiste est le plus grand homme, mais avec le sacrifice du Christ, les chrétiens reçoivent par grâce une justice par la grâce qui est supérieure à celle des plus grands hommes.

– 2. L’illumination du Christ modifie la hiérarchie entre les prophètes. Jean-Baptiste était une « lampe » qui éclairait Jésus- Christ. Mais après la mort et la résurrection de Jésus, la venue du Saint-Esprit sur les hommes a donné aux chrétiens une lumière bien plus vive ! C’est comme comparer une lampe de poche à une lampe halogène. Parce qu’ils ont l’Esprit saint, et qu’ils reflètent le Christ, les chrétiens ont une fonction de « poteau indicateur » supérieure à celui celle de Jean-Baptiste (cf. 2 Cor 5.14-21).

Mais les implications sont importantes ! Il n’existe pas de plus grand appel que de faire connaître le saint Évangile du Christ. Il n’y a pas d’existence plus « « prophétique » que celle qui se consacre à être témoin de Jésus Christ.

Précurseur du royaume

Selon le Seigneur, le royaume est « soumis à la violence ». Le temps grammatical du verbe peut se traduire de deux façons :

– Au sens passif : le royaume des cieux est « violenté ». Jean-Baptiste, puis Jésus plus encore, sont sujets à une critique violente, contestés par les chefs religieux. Une opposition nette, une rivalité précise s’est établie entre le royaume des cieux et le royaume du monde.

– Au sens actif : le royaume des cieux exige des gens violents, c’est-à-dire des gens passionnément désireux d’y entrer. Jésus ferait remarquer ici la difficulté de faire partie de ce royaume ; les tièdes ne peuvent y entrer parce que leur cœur est rempli de compromis.

Ces deux sens se complètent. En venant sur terre, Jésus vient pour arracher avec force des hommes au monde des ténèbres (Col 1.13). Les démons empêchent les gens de comprendre l’Évangile (Mat 13.19). Satan aveugle les pensées des hommes de notre temps (2 Cor 4.4). Dieu propose un royaume qui est rudement contesté, car ses valeurs sont opposées aux valeurs du monde (1 Jean 2.16).

Seuls les gens qui « poussent », y mettant toute leur énergie, pénètrent dans le royaume des cieux. Bien évidemment, il ne s’agit pas d’une flambée d’œuvres mais d’un cœur confessant clairement son attachement à Jésus- Christ. Jésus use d’une image qui n’invalide en rien les doctrines de la grâce !

Jean-Baptiste est le brise-glace qui ouvre le chemin au Christ, il est le service d’ordre qui force un passage, il est l’éclaireur qui révèle le cœur des hommes et leur besoin de Jésus.

Il est aussi « Élie qui doit venir » (Mal 4.5). Est-ce à dire que Jean-Baptiste est la réincarnation d’Élie ? C’est une lecture bizarre que l’on trouve aujourd’hui dans divers cercles ésotériques. Mais c’est impossible :

– Tout d’abord Jean-Baptiste dit lui-même qu’il n’est pas Élie (Jean 1.21).

– Ensuite, parce qu’Élie n’est jamais mort — il est monté au ciel. Jean-Baptiste est né d’une femme ; ses jours ont commencé d’une manière naturelle qui ne fait pas suite à la vie d’Élie.

– Enfin et surtout parce que la Bible enseigne clairement qu’on ne meure qu’une fois, et que notre sort éternel est déterminé par notre justification qui ne dépend que de notre union à Christ (Dan 12.2-3 ; Héb 9.27 ; 1 Jean 5.11-13).

En fait, Jean-Baptiste est venu « avec l’esprit et la puissance d’Élie » (Luc 1.17). Il y a dans sa personne et son œuvre les caractéristiques de la fonction d’Élie. En sorte que si Israël l’avait reconnu, les conditions étaient réunies pour l’accomplissement des prophéties.

La promesse du retour d’Élie se rattache probablement à un passage surprenant d’Apocalypse 11 où deux témoins sont suscités, dont l’un accomplit les miracles faits par Élie autrefois (Apoc 11.5-6), même si l’identité de ces deux témoins n’est pas explicitement révélée.

Jésus conclut par une mise en garde solennelle : « Que celui qui a des oreilles entende ! » En acceptant Jean-Baptiste comme précurseur du Seigneur, on accepte dès lors que Jésus est soit le Seigneur ; l’horloge prophétique se met en marche et le royaume peut s’établir dans sa plénitude. Mais en refusant d’admettre Jean-Baptiste dans son rôle, alors on refuse la messianité de Jésus. Le Roi des rois est rejeté, et l’avènement public du royaume est reporté. C’est ce qui s’est passé. Un jour, comme le disait Jean-Baptiste, Jésus triera entre les hommes et répartira départagera entre ceux qui sont sauvés et ceux qui ne le sont pas.

Dieu s’est déplacé en la personne de Jésus. Il a envoyé son précurseur pour attester sa venue. Son appel à la repentance nous invite à changer radicalement notre manière de penser au sujet de la vie, du péché, de Dieu, et à nous engager à sa suite…

Un grand homme

La grandeur d’un homme ne se mesure pas à son apparence ! La grandeur d’un homme n’est pas anéantie par un moment de déprime ou de doute. La grandeur d’un homme ne se mesure pas à sa popularité auprès des personnalités reconnues.

Voici ce qui fait la grandeur de Jean-Baptiste :

– il était consacré à Dieu — pas de superflu dans son style de vie ;

– il ne faisait pas de distinction de personnes, comme l’atteste ses propos courageux à Hérode et aux prêtres ;

– il savait conseiller ceux qui venaient à lui, même des soldats œuvrant pour un gouvernement corrompu ;

– il avait l’humilité de reconnaître les limites de son appel : « Il faut qu’il croisse, et que je diminue. » (Jean 3.30)

1 La notion de tri entre le blé et la paille milite en faveur de cette interprétation.
2 « Matthew », Expositor’s Bible Commentary, vol. 8, Zondervan, 1984, p. 264.

 

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Certains chrétiens se demandent s’il y a une différence entre « royaume de Dieu » et « royaume des cieux ». En effet, nous constatons que les Évangiles emploient les deux expressions. Sont-elles synonymes ou existe-t-il une différence de sens ?

L’expression « royaume des cieux »

En relevant les différents emplois de « royaume des cieux » et « royaume de Dieu », nous remarquons que l’expression « royaume des cieux » n’est employée que par Matthieu.

Par ailleurs, si nous mettons côte à côte les passages parallèles de Matthieu, Marc et Luc, nous nous apercevons que les termes « royaume de Dieu » et « royaume des cieux » sont interchangeables : lorsque Matthieu parle de « royaume des cieux », Marc et Luc parlent de « royaume de Dieu ». Voici quelques exemples :

Exemple 1

« Dès ce moment Jésus commença à prêcher, et à dire : Repentez-vous, car le royaume des cieux est proche. » (Matthieu 4.17)

« Il (Jésus) disait : Le temps est accompli, et le royaume de Dieu est proche. Repentez-vous, et croyez à la bonne nouvelle. » (Marc 1.15)

Exemple 2

« Je vous le dis en vérité, parmi ceux qui sont nés de femmes, il n’en a point paru de plus grand que Jean-Baptiste. Cependant, le plus petit dans le royaume des cieux est plus grand que lui. » (Matthieu 11.11)

« Je vous le dis, parmi ceux qui sont nés de femmes, il n’y en a point de plus grand que Jean. Cependant, le plus petit dans le royaume de Dieu est plus grand que lui. » (Luc 7.28)

Exemple 3

« Et Jésus dit : Laissez les petits enfants, et ne les empêchez pas de venir à moi ; car le royaume des cieux est pour ceux qui leur ressemblent. » (Matthieu 19.14)

« Jésus, voyant cela, fut indigné, et leur dit : Laissez venir à moi les petits enfants, et ne les en empêchez pas ; car le royaume de Dieu est pour ceux qui leur ressemblent. » (Marc 10.14)

« Et Jésus les appela, et dit : Laissez venir à moi les petits enfants, et ne les en empêchez pas ; car le royaume de Dieu est pour ceux qui leur ressemblent. » (Luc 18.16)

Métonymie et euphémisme

Je pourrais multiplier les exemples mais je pense que ces trois-là suffisent à montrer que ces deux termes sont synonymes. Comment donc expliquer cette différence ? Pour cela, il faut connaître les habitudes des Judéens de l’époque.

Le royaume des cieux est en fait une « métonymie toponymique euphémisante ». Qu’est-ce que cela ?

Une « métonymie toponymique » est une figure de style qui permet de désigner un objet ou une personne par un lieu qui lui est lié. Par exemple : la Maison Blanche pour le président des ÉEtats-Unis ; l’ÉElysée pour le président de la République française ; le Kremlin pour le président russe ; Matignon pour le Premier ministre français.

L’ « euphémisme » est une figure de style qui a pour but d’atténuer une réalité jugée trop choquante, trop brutale ou désagréable, souvent en rapport avec la mort, la violence ou la sexualité. Par exemple, on dira : « Il nous a quittés » (c’est-à-dire il est mort) ou « avoir des relations intimes » (c’est-à-dire avoir des relations sexuelles).

Depuis le temps de l’exil à Babylone, les Judéens se montraient beaucoup plus prudents, presque superstitieux, vis-à-vis du nom de Dieu. Ainsi, ils ne prononçaient plus le tétragramme sacré (YHWH), et lorsqu’ils devaient le lire dans le texte biblique, ils le remplaçaient par « Adonaï », qui veut dire « Seigneur ». Dans le Nouveau Testament, lorsque les auteurs citent un verset de l’Ancien Testament qui contient le tétragramme YHWH, ils le remplacent par « kurios », qui veut dire « Seigneur », et qui est en fait la traduction grecque d’ « Adonaï ».

Mais certains, allant plus loin, estimaient même qu’il fallait éviter de prononcer le terme de « Dieu » lui-même et ils préféraient donc, pour parler de Dieu, employer le terme de « ciel » ou de « cieux ».

La première attestation de ce remplacement se trouve dans Daniel 4.26 : « Et quant à ce qu’on a dit de laisser le tronc des racines de l’arbre, ton royaume te demeurera, quand tu auras connu que les cieux dominent » — c’est-à-dire que Dieu domine.

L’expression « les cieux » apparaît plusieurs fois dans les livres des Maccabées rédigés à l’époque hellénistique, puis dans la Mishnah, des écrits rabbiniques rédigés en hébreu à l’époque de Jésus et compilés définitivement au IIe siècle.

Nous avons aussi un exemple de cette pratique dans le Nouveau Testament. Dans la parabole du fils prodigue, celui-ci se dit : « Je me lèverai, j’irai vers mon père, et je lui dirai : Mon père, j’ai péché contre le ciel et contre toi. » (Luc 15.18)

« Cieux » est donc simplement un terme pour désigner Dieu, de la même façon que « l’Élysée » désigne le président de la République française.

L’Évangile selon Matthieu

Pour comprendre maintenant pourquoi Matthieu a opté pour cette solution, à l’inverse de Marc et de Luc, il faut remonter à l’origine des Évangiles. Chaque Évangile a au départ été écrit dans un but précis et pour un destinataire particulier. Or, Matthieu a deux particularités, puisque cet Évangile a été écrit, au moins dans sa plus grande partie, pour les Hébreux, dans leur langue (hébreu ou araméen, la question est disputée entre spécialistes1). Eusèbe de Césarée, dans son Histoire ecclésiastique, cite Papias de Hiérapolis : « Matthieu réunit donc en langue hébraïque les sentences (logia) de Jésus et chacun les interpréta comme il en était capable. » Irénée de Lyon ajoute : « Ainsi Matthieu publia-t-il chez les Hébreux, dans leur propre langue, une forme écrite d’évangile. » (Irénée de Lyon, Contre les Hérésies, III, 1)

Conclusion

Matthieu a donc employé l’expression « royaume des cieux » pour s’adapter aux habitudes de ses destinataires et éviter de les choquer. Une étude comparative des trois Évangiles nous montre cependant que les expressions « royaume de Dieu » et « royaume des cieux » sont synonymes, le terme « des cieux » étant simplement une métonymie toponymique euphémisante pour désigner Dieu.

1Remarquons que les textes antiques de Matthieu dont nous disposons sont tous en grec, tout comme les citations que les Pères de l’Église font de cet Évangile. (NDLR)

 

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Jésus indique clairement qui entre dans le royaume de Dieu et comment cette entrée se fait. Cet article vise simplement à rassembler divers textes qui donnent les conditions pour faire partie de ce royaume et les obstacles qui empêchent d’y parvenir.

1. Les conditions pour entrer et vivre dans le royaume

a. La repentance et la foi

Dès le début de son ministère, Jésus prêche le royaume de Dieu : « Le temps est accompli, et le royaume de Dieu est proche. Repentez-vous, et croyez à la bonne nouvelle. » (Marc 1.15) Le message de la grâce est proclamé : reconnaître son péché et croire à l’évangile (cette bonne nouvelle du salut de Dieu par pure grâce) est la porte d’entrée dans le royaume de Dieu.

b. La nouvelle naissance

Jésus annonce à Nicodème comment « entrer » et comment « voir » le royaume : « En vérité, en vérité, je te le dis, si un homme ne naît de nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu. Nicodème lui dit : Comment un homme peut-il naître quand il est vieux ? Peut-il rentrer dans le sein de sa mère et naître ? Jésus répondit : En vérité, en vérité, je te le dis, si un homme ne naît d’eau et d’Esprit, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu. Ce qui est né de la chair est chair, et ce qui est né de l’Esprit est esprit. Ne t’étonne pas que je t’ai dit : Il faut que vous naissiez de nouveau. » (Jean 3.3-7) Contrairement à ce que pouvait penser Nicodème, pour qui tout bon juif avait sa place dans le royaume, on n’y entre pas automatiquement. Pour être sauvé, avoir la vie éternelle et ainsi entrer dans ce royaume, il faut une opération surnaturelle de l’Esprit de Dieu qui convainc qu’on est perdu et que Dieu a donné son Fils.

Pour cela, le statut terrestre, qu’il soit social ou religieux, n’a pas d’importance. Jésus dit aux sacrificateurs et aux anciens qui avaient rejeté l’appel de Jean-Baptiste à se repentir : « Les publicains et les prostituées vous devanceront dans le royaume de Dieu. Car Jean est venu à vous dans la voie de la justice, et vous n’avez pas cru en lui. Mais les publicains et les prostituées ont cru en lui ; et vous, qui avez vu cela, vous ne vous êtes pas ensuite repentis pour croire en lui. » (Mat 21.31-32) C’est pourquoi le royaume de Dieu a été enlevé aux Juifs pour être donné à d’autres qui se repentent, d’où qu’ils viennent (Mat 21.43)1.

c. L’humilité et la simplicité d’un enfant

L’homme doit mettre de côté ses prétentions et reconnaître ses besoins, sa pauvreté spirituelle pour entrer dans le royaume : « Heureux les pauvres en esprit, car le royaume des cieux est à eux ! » (Mat 5.3). Plus tard, quand les disciples se demandaient qui était le plus grand dans le royaume des cieux, Jésus prend l’exemple d’un enfant : « Ayant appelé un petit enfant, il le plaça au milieu d’eux, et dit : Je vous le dis en vérité, si vous ne vous convertissez et si vous ne devenez comme les petits enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux. C’est pourquoi, quiconque se rendra humble comme ce petit enfant sera le plus grand dans le royaume des cieux. » (Mat 18.1-3)

Un peu plus tard, à ses disciples qui écartaient de lui des enfants, « Jésus, voyant cela, fut indigné, et leur dit : Laissez venir à moi les petits enfants, et ne les en empêchez pas ; car le royaume de Dieu est pour ceux qui leur ressemblent. Je vous le dis en vérité, quiconque ne recevra pas le royaume de Dieu comme un petit enfant n’y entrera point. » (Marc 10.14-15) La caractéristique d’un petit enfant, c’est de croire ce qu’on lui dit. Entrer dans le royaume implique d’abandonner ses raisonnements et de se confier humblement en Jésus.

d. L’obéissance à la volonté de Dieu

Jésus avertit : « Ceux qui me disent : Seigneur, Seigneur ! n’entreront pas tous dans le royaume des cieux, mais seulement celui qui fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux. » (Mat 7.21) Écouter seulement la parole de Dieu sans la mettre en pratique, c’est s’exclure du royaume.

Cette volonté s’exprime par les commandements de Dieu et en particulier par les deux principaux selon Jésus : aimer Dieu et son prochain. C’est pourquoi Jésus dit au scribe qui lui avait demandé quel est le plus grand commandement  et qui avait répondu avec intelligence : « Tu n’es pas loin du royaume de Dieu. » (Marc 12.28-34)

Jacques parle de la « loi royale » (la « loi du royaume ») : « Si vous accomplissez la loi royale, selon l’Écriture : Tu aimeras ton prochain comme toi-même, vous faites bien. » (Jac 2.8)

Dans une parabole du royaume des cieux, tous sont invités aux noces que le roi a préparées pour son fils, à condition d’avoir revêtu le bon vêtement, comme le Roi l’a prescrit (Mat 22.2-14) ; sinon on est jeté dans les ténèbres, hors du royaume.

Il faut une justice meilleure qu’une simple obéissance religieuse extérieure : « Car, je vous le dis, si votre justice ne surpasse celle des scribes et des pharisiens, vous n’entrerez point dans le royaume des cieux. » (Mat 5.20) La seule justice qui permette d’y entrer n’a rien à voir avec des œuvres religieuses ; elle est celle que Dieu nous donne par l’œuvre de Jésus à la croix (2 Cor 5.21). Ensuite, une fois entré, le fils du royaume se garde de pécher, non parce que la loi lui dit de ne pas le faire, mais parce qu’il a le désir de plaire à Dieu par amour pour lui.

e. L’amour pour Dieu

Jacques reprend les mêmes thèmes que Jésus et affirme : « Dieu n’a-t-il pas choisi les pauvres aux yeux du monde, pour qu’ils soient riches en la foi, et héritiers du royaume qu’il a promis à ceux qui l’aiment ? » (Jac 2.5) L’amour pour Dieu dans un monde où les fidèles peuvent être pauvres aura sa contrepartie dans le royaume futur où Dieu récompensera leur foi.

f. La sanctification

Le thème du royaume est lié de près aux récompenses que Dieu donnera dans le futur à ceux qui auront été fidèles et auront recherché la sanctification. Si on s’y applique, « l’entrée dans le royaume éternel de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ [nous] sera largement accordée » (2 Pi 1.11). Paul exhortait, consolait, conjurait « de marcher d’une manière digne de Dieu, qui vous appelle à son royaume et à sa gloire » (1 Thes 2.12).

Si la place dans le royaume sous sa forme glorieuse future dépend de la fidélité ici-bas (cf. les paraboles des talents et des mines, Mat 25.14-30 ; Luc 19.11-27), n’oublions pas que l’entrée dans le royaume n’est que le résultat de la grâce de Dieu. C’est ce qu’indique la parabole du royaume dite « des ouvriers de la 11e heure », où, par la bonté du maître, même les derniers reçoivent une récompense identique aux premiers (Mat 20.1-16).

g. La souffrance aujourd’hui

Pour entrer dans le royaume, il faut être prêt à souffrir ensuite pour Jésus. Ce thème revient dans les 4 grandes parties du N.T. :

– dans les Évangiles : « Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des cieux est à eux ! » (Mat 5.10)

– dans les Actes : Paul et Barnabas fortifiaient « l’esprit des disciples, les exhortant à persévérer dans la foi, et disant que c’est par beaucoup de tribulations qu’il nous faut entrer dans le royaume de Dieu. » (Act 14.22)

– dans les Épîtres : « Toutes vos persécutions [… sont] une preuve du juste jugement de Dieu, pour que vous soyez jugés dignes du royaume de Dieu, pour lequel vous souffrez. » (2 Thes 1.5)

– dans l’Apocalypse : « Moi Jean, votre frère, qui ai part avec vous à la tribulation, au royaume et à la persévérance en Jésus, j’étais dans l’île appelée Patmos, à cause de la parole de Dieu et du témoignage de Jésus. » (Apoc 1.9)

Tant que le Roi est rejeté, les disciples du royaume doivent accepter de partager son rejet. Une fois que le Roi aura établi son royaume visible, ceux qui souffrent aujourd’hui avec lui règneront avec lui (2 Tim 2.12).

h. L’effort

Jésus ne sous-estime pas les obstacles qui se posent devant celui qui veut entrer dans le royaume : « Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite. Car, je vous le dis, beaucoup chercheront à entrer, et ne le pourront pas. » (Luc 13.24) Lorsque le royaume glorieux sera établi, certains s’apercevront trop tard qu’ils n’y entreront pas parce qu’ils ont refusé la voie plus difficile qui mène à la vie éternelle. D’où des regrets éternels : « C’est là qu’il y aura des pleurs et des grincements de dents, quand vous verrez Abraham, Isaac et Jacob, et tous les prophètes, dans le royaume de Dieu, et que vous serez jetés dehors. Il en viendra de l’orient et de l’occident, du nord et du midi ; et ils se mettront à table dans le royaume de Dieu. Et voici, il y en a des derniers qui seront les premiers, et des premiers qui seront les derniers. » (Luc 13.28-30)

Actuellement, il faut se faire violence pour entrer, pour lutter contre la pente naturelle de la facilité, de l’amour des richesses terrestres ou de la propre justice. « La loi et les prophètes ont subsisté jusqu’à Jean ; depuis lors, le royaume de Dieu est annoncé, et chacun use de violence pour y entrer. » (Luc 16.16)

2. Les obstacles pour entrer dans le royaume

Jésus n’a pas caché qu’il y avait des obstacles qui peuvent empêcher quelqu’un d’entrer dans le royaume de Dieu.

a. Les richesses

« Jésus, regardant autour de lui, dit à ses disciples : Qu’il sera difficile à ceux qui ont des richesses d’entrer dans le royaume de Dieu ! […] Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu. » (Marc 10.23,25)

Les disciples sont très étonnés par ces affirmations de Jésus : pour eux, la richesse était au contraire un signe de la faveur de Dieu. Mais entrer dans le royaume coûte quelque chose. Pierre avait tout abandonné pour suivre son Maître.

Ailleurs, Jésus indique que le royaume est pour les pauvres : « Alors Jésus, levant les yeux sur ses disciples, dit : Heureux vous qui êtes pauvres, car le royaume de Dieu est à vous ! » (Luc 6.20)

b. L’immoralité

Paul aussi met en avant l’amour des richesses (la « cupidité ») comme un obstacle pour obtenir l’héritage dans le royaume : « Sachez-le bien, aucun débauché, ou impur, ou cupide, c’est-à-dire idolâtre, n’a d’héritage dans le royaume de Christ et de Dieu. » (Éph 5.5) Il y ajoute l’immoralité : la débauche ou l’impureté.

C’était le cas autrefois des Corinthiens, mais l’Esprit de Dieu avait agi pour les détourner de leur conduite immorale précédente : « Ne savez-vous pas que les injustes n’hériteront point le royaume de Dieu ? Ne vous y trompez pas : ni les débauchés, ni les idolâtres, ni les adultères, ni les efféminés, ni les homosexuels, ni les voleurs, ni les cupides, ni les ivrognes, ni les outrageux, ni les ravisseurs, n’hériteront le royaume de Dieu. Et c’est là ce que vous étiez, quelques-uns d’entre vous. Mais vous avez été lavés, mais vous avez été sanctifiés, mais vous avez été justifiés au nom du Seigneur Jésus-Christ, et par l’Esprit de notre Dieu. » (1 Cor 6.9-11)

c. Le péché

Jésus avertit : « Et si ton œil est pour toi une occasion de chute, arrache-le ; mieux vaut pour toi entrer dans le royaume de Dieu n’ayant qu’un œil, que d’avoir deux yeux et d’être jeté dans la géhenne. » (Marc 9.47)

Paul confirme, à la fin de la liste des œuvres de la chair : « Je vous dis d’avance, comme je l’ai déjà dit, que ceux qui commettent de telles choses n’hériteront point le royaume de Dieu. » (Gal 5.21)

Persévérer volontairement dans le péché sans prendre les mesures pour le combattre montre qu’on n’a pas compris l’enjeu du royaume et, à la fin, empêchera d’y entrer.

d. L’hypocrisie

Les scribes et les pharisiens se contentaient de l’apparence et leur hypocrisie était contagieuse, comme Jésus le leur reproche très sévèrement : « Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites ! parce que vous fermez aux hommes le royaume des cieux ; vous n’y entrez pas vous-mêmes, et vous n’y laissez pas entrer ceux qui veulent entrer. » (Mat 23.13)

e. Les mauvaises priorités

Jésus ne cache pas l’exigence du royaume et le prix à payer, même par rapport à des devoirs qu’on peut considérer comme légitimes : « Pendant qu’ils étaient en chemin, Jésus dit à un autre : Suis-moi. Et il répondit : Seigneur, permets-moi d’aller d’abord ensevelir mon père. Mais Jésus lui dit : Laisse les morts ensevelir leurs morts ; et toi, va annoncer le royaume de Dieu. Un autre dit : Je te suivrai, Seigneur, mais permets-moi d’aller d’abord prendre congé de ceux de ma maison. Jésus lui répondit : Quiconque met la main à la charrue, et regarde en arrière, n’est pas propre au royaume de Dieu. » (Luc 9.57-62)

f. Le manque de pardon

Jésus y consacre une des paraboles du royaume des cieux (Mat 18.23-35) : l’esclave n’a pas été sensible à l’immensité du pardon que le roi lui avait accordé. « Alors le maître fit appeler ce serviteur, et lui dit : Méchant serviteur, je t’avais remis en entier ta dette, parce que tu m’en avais supplié ; ne devais-tu pas aussi avoir pitié de ton compagnon, comme j’ai eu pitié de toi ? Et son maître, irrité, le livra aux bourreaux, jusqu’à ce qu’il ait payé tout ce qu’il devait. C’est ainsi que mon Père céleste vous traitera, si chacun de vous ne pardonne à son frère de tout son cœur. » (Mat 18.33-35) Refuser de pardonner éloigne inexorablement du royaume du Dieu qui pardonne.

Conclusion

Dans le N.T., l’entrée dans le royaume est à la fois présente et future. Comme à Nicodème autrefois, Jésus offre encore aujourd’hui la nouvelle naissance à toute personne qui croit en lui. Ce salut est reçu par pure grâce, sans aucun effort ; il marque l’entrée dans la sphère actuelle du royaume. Cette sphère, c’est les cœurs de ceux qui ont cru dans l’amour du Sauveur à la croix.

Mais le chrétien, purifié de ses anciens péchés, doit s’appliquer d’autant plus « à affermir [sa] vocation et [son] élection » (2 Pi 1.10). Il montre qu’il est vraiment entré dans le royaume en recherchant ce qui lui donnera une large entrée dans le royaume futur, éternel, du Seigneur et Sauveur Jésus-Christ (2 Pi 1.11). Il se soumet à la royauté du Seigneur dans sa vie en faisant « tous [ses] efforts » pour croître dans la foi (2 Pi 1.5), dans la grâce et dans la connaissance de Jésus (2 Pi 3.18). Sa place future sera alors à la hauteur de sa fidélité présente.

1 Cette référence, confirmée par le verdict de l’apôtre Paul à la fin du livre des Actes (28.25-28), ne signifie pas un écartement définitif du peuple juif en tant que peuple élu. Comme Paul l’affirme clairement en Rom 9-11, il s’agit d’un rejet provisoire (11.1-2a) dont le terme coïncide avec l’achèvement du plan de Dieu envers les nations païennes. Lorsque le nombre des rachetés d’entre celles-ci sera complet (11.25), alors Israël sera conduit vers son relèvement (11.12), vers sa réinté-gration (11.15) par sa conversion au Messie, son libérateur (11.26). (NDLR)


Qu’est-ce que le royaume de Dieu ?

La notion de « royaume de Dieu » paraît bien floue à certains chrétiens. Face à des interprétations parfois contradictoires, les questions affluent : Est-il actuel ou futur ? Est-il seulement pour Israël ou aussi pour nous ? Peut-on dire que Jésus est notre roi ? Qu’est-ce que « l’évangile du royaume » ? Le royaume de Dieu est-il différent du royaume des cieux ?

Cet article ne prétend pas répondre à toutes ces questions (d’autres articles de ce numéro s’y essayeront), mais il vise à clarifier le sens du royaume et à décrire son développement.

Qu’est-ce qu’un roi ?

Selon le dictionnaire, un roi est : – soit un chef d’état qui accède au pouvoir souverain par voie héréditaire, – soit une personne qui domine un champ particulier (le roi du pétrole), – soit un représentant éminent d’une espèce donnée (le roi des animaux).

Le Nouveau Testament utilise le terme « roi » (basileus) pour désigner l’empereur romain, comme c’était le cas dans la koinè, la langue grecque populaire du 1er siècle (cf. 1 Pi 2.17). Ce terme peut aussi désigner un roi plus local comme Hérode le tétrarque (cf. Mat 14.9), mais aussi Dieu lui-même ou Christ (cf. Apoc 15.3).

Qu’est-ce qu’un royaume ?

Qui dit roi, dit royaume. Selon le dictionnaire, un royaume désigne soit un pays gouverné par un roi, soit les sujets d’un roi.

Et là, le sens biblique prend des acceptions plus larges. Le sens premier de « royaume » (basileia) est abstrait ou conceptuel, plutôt que géographique ; il désigne avant tout la souveraineté, le pouvoir royal, la domination, le pouvoir de gouverner. Ce n’est que dans un sens second, par métonymie, qu’il prend une signification concrète pour désigner le territoire ou le peuple sur lequel règne une personne appelée « roi ». C’est pourquoi plusieurs versions rendent justement le terme par « règne » plutôt que par « royaume », trop connoté en français.

Le parallélisme du Psaume 145 aide à saisir le sens biblique fondamental du « règne » ou « royaume » : « Ils diront la gloire de ton règne et ils proclameront ta puissance, pour faire connaître aux fils de l’homme ta puissance et la splendeur glorieuse de ton règne. Ton règne est un règne de tous les siècles et ta domination subsiste dans tous les âges. » (Ps 145.11-13) Le « règne » répond à la « puissance », à la « domination ».

Cela étant, comme on l’a dit, le « royaume est une des notions les plus complexes de l’Écriture »…

1. Dieu, le roi créateur

La souveraineté absolue de Dieu

L’Écriture affirme que Dieu est roi, en raison de sa nature même de Dieu grand et éternel (Ps 93.1-2 ; 95.3 ; 103.19). La première doxologie de 1 Timothée proclame : « Au roi des siècles, immortel, invisible, seul Dieu, soient honneur et gloire, aux siècles des siècles ! Amen ! » (1 Tim 1.17)

Il est aussi roi parce qu’il est le créateur (Ps 47 ; 29.10) : il domine sur les œuvres de ses mains.

N’ayons donc aucune crainte à appeler Dieu notre roi : c’est reconnaître sa grandeur intrinsèque et ses droits de Créateur.

Dieu et les rois de la terre

En créant l’homme, Dieu lui a délégué une part de son autorité (Gen 1.28). Mais l’homme, par son péché, s’est volontairement assujetti au diable. Satan est devenu le prince du monde, sans être qualifié de roi (Luc 4.6).

Après le déluge, l’homme se voit confier une responsabilité de gouvernement. Le premier roi mentionné est Nimrod (Gen 10.10). Mais si les rois de la terre exercent une autorité déléguée (Rom 13.1-7), Dieu est pourtant toujours au-dessus des rois ; il est « le Dieu des dieux et le Seigneur des rois » (Dan 2.47). Il est aussi le « faiseur » des rois : « C’est lui qui renverse et qui établit les rois. » (Dan 2.21) « Le Très-haut domine sur le royaume des hommes et il le donne à qui il veut. » (Dan 4.32)

2. La royauté de Dieu sur Israël

L’origine de la royauté

Babel et l’histoire humaine subséquente conduisirent Dieu à choisir un peuple particulier, Israël, issu d’Abraham, par lequel la royauté sur le monde serait établie (Gen 12.3). Israël devait être une lumière pour toutes les autres nations : « Si vous écoutez ma voix, et si vous gardez mon alliance, vous m’appartiendrez entre tous les peuples, car toute la terre est à moi ; vous serez pour moi un royaume de sacrificateurs et une nation sainte. » (Ex 19.5-6)

La théocratie en Israël

Pendant plusieurs siècles, de Moïse à Samuel, le peuple fut sous la domination directe de Dieu : c’est l’Éternel qui dominait sur le peuple (Jug 8.22-23) et ses conducteurs puis ses juges n’étaient là que pour le conduire et le ramener à Dieu.

Mais, lassé de la théocratie directe, le peuple réclama un roi humain (1 Sam 8.4-6). La réponse de l’Éternel indiquait clairement qu’il s’agissait d’un refus déguisé de son autorité : « C’est moi qu’ils rejettent, afin que je ne règne plus sur eux. » (1 Sam 8.7) Désormais la royauté divine deviendrait indirecte, avec la médiation d’un homme comme roi.

3. L’annonce de la venue du Roi

En même temps qu’une royauté humaine se met en place sur Israël, Dieu commence à annoncer la venue d’un roi, de son roi, le Roi parfait et définitif. Cette annonce se fait :

Par les rois d’Israël : Après Saül (qui représente l’homme incapable de remplir le plan de Dieu), David (le roi selon le cœur de Dieu, qui délivre le peuple de Dieu de ses ennemis) reçoit la promesse d’un descendant dont le « trône sera pour toujours affermi » (1 Chr 17.11-14). Salomon, le fils direct de David, même si son règne fut brillant, ne faisait qu’annoncer un « plus grand » que lui, le Roi glorieux qui règne en justice.

Par les prophètes : Au fur et à mesure de la déliquescence de la royauté en Israël et en Juda, les annonces prophétiques du royaume se font plus précises. Emmanuel, le fils donné (És 9.7) sera le Roi qui règnera selon la justice (És 32.1), le « germe juste qui règnera en roi » (Jér 23.5), celui qui unira les deux fonctions rigoureusement distinctes sous l’ancienne alliance de la royauté et de la sacrificature (Zach 6.13).

4. La première venue du Roi et son rejet

La naissance du Roi

Les premiers mots de l’Évangile établissent le droit juridique de Jésus-Christ au trône : il est avant tout le « fils de David » promis, enfin là (Mat 1.1). Dès avant sa conception, l’ange annonce à Marie que l’enfant qui va naître est bien le Roi promis : « Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David, son père. Il règnera sur la maison de Jacob éternellement, et son règne n’aura point de fin. » (Luc 1.32-33)

Les mages qui viennent peu après le reconnaissent comme « le roi des Juifs qui vient de naître » (Mat 2.1-2). À travers eux, la royauté de Jésus dépasse dès sa naissance le cercle du seul peuple d’Israël.

Le royaume prêché

Si le Roi est né, c’est que le royaume s’est approché. Dieu n’est plus seulement le créateur absolu, dominant sur ses œuvres ; le Roi est entré dans sa création pour visiter sa créature. Ce « rapprochement » du royaume de Dieu est le thème de la prédication :

– de Jean-Baptiste, en précurseur : « En ce temps-là parut Jean-Baptiste, prêchant dans le désert de Judée. Il disait : Repentez-vous, car le royaume des cieux est proche. » (Mat 3.1-2) ;

– de Jésus, dès le début de son ministère : « Après que Jean eut été livré, Jésus alla dans la Galilée, prêchant l’Évangile de Dieu. Il disait : Le temps est accompli, et le royaume de Dieu est proche. Repentez-vous, et croyez à la bonne nouvelle. » (Marc 1.14-15) ;

– des disciples, envoyés par le Roi : « Jésus envoya [les douze], après leur avoir donné les instructions suivantes […] : Allez, prêchez, et dites : Le royaume des cieux est proche. » (Mat 10.5-7)

Les caractères du Roi et du royaume

Et pourtant ce royaume qui s’approchait dans la personne du Roi lui-même ne laissait pas de surprendre beaucoup ceux qui attendaient une manifestation bien plus politique et visible. Ce royaume paradoxal était marqué par :

la discrétion : Quand « les pharisiens demandèrent à Jésus quand viendrait le royaume de Dieu, il leur répondit : Le royaume de Dieu ne vient pas de manière à frapper les regards. On ne dira point : Il est ici, ou : Il est là. Car voici, le royaume de Dieu est au milieu de vous. » (Luc 17.20-21)

l’humilité : Montant à Jérusalem, Jésus accomplit la prophétie de Zacharie : le « roi qui vient » à Sion ne chevauche pas un cheval, l’attribut des rois du monde, mais « il est humble et monté sur un âne » (Zach 9.9).

Le Roi partiellement reconnu

À trois reprises, au moins, Jésus fut reconnu comme roi :

– au début de son service, par Nathanaël : « Rabbi, tu es le Fils de Dieu, tu es le roi d’Israël » (Jean 1.49) ;

après la multiplication des pains, lorsque les gens rassasiés vinrent l’enlever pour le faire roi — ce que Jésus refusa, car il ne souhaitait pas prendre un rôle politique : le royaume qu’il annonçait était d’un autre ordre ;

lors de l’entrée à Jérusalem, quand la foule s’écria : « Hosanna ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur, le roi d’Israël ! » (Jean 12.13)

Le Roi rejeté

L’annonce de la venue du royaume n’a pas été reçue et le Roi a été rejeté :

– Au cours de son ministère, on attribua la puissance spirituelle indéniable qui se manifestait par des guérisons et des exorcismes à celle du diable (Mat 12). À partir de ce moment, la proclamation du royaume par Jésus prit une forme plus cachée, mystérieuse, au travers de paraboles destinées à révéler et à cacher (Mat 13.34-35).

– Le rejet alla s’amplifiant au cours des mois et fut scellé par le conseil des principaux des Juifs lors de la semaine pascale. Lors de son procès, Jésus indiqua à Pilate, effrayé d’avoir à juger un roi, que son royaume était d’un autre monde (Jean 18.33-37). Mais le procurateur n’hésita pourtant pas à suivre l’avis des Juifs et à condamner leur Roi.

– Le rejet aboutit finalement à la crucifixion du Roi ! Mais sur la croix, Dieu permit qu’un témoignage public multilingue annonce à tous ceux qui passaient que le crucifié était le « roi des Juifs » (Jean 19.19-22), pendu par la volonté délibérée d’un peuple qu’il était venu sauver mais qui le faisait mourir.

Le Roi glorifié

Jésus n’est pas resté dans le tombeau et le Ressuscité peut annoncer qu’il a désormais tout pouvoir dès aujourd’hui. L’Évangile du Roi se termine par cette proclamation : « Tout pouvoir m’a été donné dans le ciel et sur la terre. » (Mat 28.18) Paul confirme aux Éphésiens que « le Dieu de notre Seigneur Jésus-Christ, le Père de gloire a fait asseoir le Christ à sa droite dans les lieux célestes, au-dessus de toute domination, de toute autorité, de toute puissance, de toute dignité, et de tout nom qui peut être nommé, non seulement dans le siècle présent, mais encore dans le siècle à venir et qu’il a tout mis sous ses pieds. » (Éph 1.20-22)

Pour autant, ce pouvoir n’est pas encore visible et ne s’impose pas pour le moment : « Dieu n’a rien laissé qui ne lui soit soumis. Cependant, nous ne voyons pas encore maintenant que toutes choses lui soient soumises. » (Héb 2.8) Selon les plans de Dieu, la manifestation glorieuse et publique de la souveraineté de son Fils ne suit pas immédiatement la croix et sa glorification.

5. Le royaume en l’absence du Roi

Depuis le départ de Jésus, le royaume de Dieu prend une forme mystérieuse, paradoxale, temporaire : celle que nous vivons actuellement. Il est déjà là, mais pas encore pleinement établi.

Le royaume prêché

La prédication du royaume de Dieu continue dans la période actuelle. Sa proclamation est au cœur du livre des Actes, où il est mentionné à 7 reprises :

– prêché par le Seigneur ressuscité aux apôtres à qui il parla « des choses qui concernent le royaume de Dieu » (Act 1.3) ;

– prêché par Philippe en Samarie, qui « annonçait la bonne nouvelle1 du royaume de Dieu et du nom de Jésus-Christ » (Act 8.12) : les Samaritains crurent Philippe qui leur annonçait les bonnes nouvelles touchant le royaume de Dieu et le nom de Jésus Christ.

– prêché par Paul, en particulier à Éphèse et à Rome (Act 19.8 ; 20.25 ; 28.31).

Chaque fois que le pur Évangile est annoncé, on proclame Jésus comme Sauveur et Seigneur — exactement le message du royaume de Dieu !

Les sujets du royaume

Le règne de Dieu s’étend aujourd’hui à tous ceux qui sont nés de nouveau (Jean 3.3-7). Avant de régner un jour, plus tard, les croyants sont actuellement « un royaume » (Apoc 1.5-6). Chaque fois qu’ils montrent dans leur vie les caractères du royaume — des caractères liés à ceux du Roi et à ce qu’il a montré sur terre — les chrétiens rendent visibles le règne de Dieu sur leur cœur : justice, paix et joie (Rom 14.17), puissance spirituelle (1 Cor 4.20), amour (Col 1.15)…

En l’absence du Roi, les sujets sont invités à « faire valoir » les dons qu’il leur a laissés (Luc 19.12-27), à être des ambassadeurs zélés de leur Seigneur (2 Cor 5.20). C’est aussi sur terre qu’ils préparent leur entrée dans le royaume visible futur : elle sera d’autant plus « largement accordée » (2 Pi 1.11) qu’ils auront été fidèles maintenant (2 Tim 4.1,18), même au travers des persécutions (Act 14.22 ; 2 Tim 2.12).

6. L’établissement du règne du Roi

L’établissement du royaume sur la terre

L’Apocalypse dépeint une scène où les vieillards adorent Dieu en disant : « Nous te rendons grâces, Seigneur Dieu Tout-Puissant, qui es, et qui étais, car tu as saisi ta grande puissance et pris possession de ton règne. Les nations se sont irritées; ta colère est venue, et le temps est venu de juger les morts, de récompenser tes serviteurs les prophètes, les saints et ceux qui craignent ton nom, les petits et les grands, et d’exterminer ceux qui détruisent la terre. » (Apoc 11.17-18) L’introduction du royaume sera donc précédé d’une phase de jugements. Elle est liée à la victoire sur la coalition maléfique de l’Antichrist et du faux prophète sous l’instigation de Satan, et à la mise hors d’état de nuire de ce dernier (Apoc 12.10 ; 19.11-20.3).

Les caractères du règne

Les trois mêmes caractères moraux que nous sommes appelés à montrer aujourd’hui (Rom 14.17) seront alors visibles et partagés par une humanité apaisée : la justice (És 32.1-8 ; Ps 45.6 ; 89.14), la paix (Mich 4.3 ; 5.5), la joie (Ps 47.1-2).

La place centrale sera occupée par le Roi des rois qui règnera depuis Jérusalem sur la terre entière (Ps 2.6-7). L’épouse de l’Agneau partagera le règne de son royal époux (Col 3.4). Les apôtres auront une place privilégiée (Luc 22.28-30). Si Israël a une place centrale (És 60 ; Jér 3.17), toutes les nations seront bénies à travers lui (Zach 8.13,23 ; 14.16) — réalisation de la bénédiction faite autrefois à Abraham.

Jésus concentrera en sa personne tous les pouvoirs : selon És 33.22, il sera à la fois juge (pouvoir judiciaire), législateur (pouvoir législatif) et roi (pouvoir exécutif) : plus besoin de constitutions imparfaites pour garantir l’équilibre des pouvoirs : le Roi parfait les concentra tous pour la bénédiction de tous. Les trois fonctions autrefois séparées de roi, de prêtre (Zach 6.13) et de prophète (Apoc 19.13b,15a) seront réunies en lui.

7. Le royaume éternel

La fin du royaume terrestre

Le royaume terrestre est, selon nous, une nécessité théologique : « Il faut qu’il règne. » (1 Cor 15.25) Sur la terre où il a été rejeté, il faut qu’il soit reconnu et qu’il règne. Pour autant, le millénium n’est pas encore l’état final parfait : le péché et la mort seront toujours présents (És 11.4) et la révolte continuera à gronder dans certains cœurs, même de façon cachée (Zach 14.17-19). Aussi ce règne aura-t-il un aspect coercitif : l’autorité de Christ sera exercée avec une verge de fer (Ps 2.9-12 ; Apoc 2.26-27).

La vaste perspective tracée par Paul en 1 Cor 15.20-28 montre qu’au royaume médiatorial du Fils de l’homme succède « la fin », où Christ « remettra le royaume à celui qui est Dieu et Père, après avoir réduit à l’impuissance toute domination, toute autorité et toute puissance », jusqu’à la dernière, à savoir la mort. L’Apocalypse décrit le diable délié pour un bref laps de temps, la dernière révolte, le jugement final et la fin de la mort (Apoc 20).

Dieu, roi éternel

Alors est introduit finalement le règne éternel de Dieu. L’état éternel est une forme bien mystérieuse du royaume, peu explicite pour nous. « Dieu sera tout en tous. » (1 Cor 15.28) Il habitera avec les hommes « et ils seront son peuple, et Dieu lui-même sera avec eux, leur Dieu » (Apoc 21.1-3). Ces mots doivent nous suffire pour aspirer à ce « royaume éternel » d’où toute opposition sera définitivement bannie, dans un bonheur, une paix et une harmonie que plus rien ni personne ne troubleront jamais.

Conclusion

Nous avons donc vu que l’essence du « royaume », cette domination souveraine de Dieu, est la même au cours de ces 7 phases ; mais son expression et sa manifestation varient dans l’histoire de la rédemption. Continuité et ruptures marquent l’histoire du règne de Dieu.

Nous vivons aujourd’hui dans une phase paradoxale, magistralement résumée dans l’expression « déjà… et pas encore » : le « siècle à venir » est « déjà » introduit depuis la première venue de Christ, mais il n’est « pas encore » réalisé. Les changements politiques ne sont « pas encore » là, mais les révolutions spirituelles dans les cœurs sont « déjà » en route. La puissance du royaume est « déjà » réelle, mais elle est « encore » résistible. Nous qui « aimons son apparition », qui prions « Que ton règne vienne », cherchons donc, en attendant que notre Roi vienne dans sa splendeur, à faire déjà sa volonté en démontrant dès aujourd’hui les qualités du Roi au travers de nos vies.

1 Litt. « évangélisait le royaume de Dieu », remarquable rapprochement entre le royaume et l’évangile.

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Lorsque Jésus enseigne sur la montagne dans Matthieu 5 à 7, il enseigne aussi à prier. Il propose une prière, appelée le « Notre Père », dans laquelle nous trouvons cette demande : « Que ton règne vienne. » (Mat 6.10) À quoi fait référence cette requête ? Un peu plus loin, Jésus nous exhorte : « Cherchez premièrement le royaume et la justice de Dieu. » (Mat 6.33) Lorsque la Bible parle de règne, elle évoque la réalité du roi et/ou du royaume. Dans certains de nos milieux évangéliques, nos discours insistent trop souvent sur le plan rédempteur de Dieu, aspect certes très important, mais qui ne devrait pas voiler la réalité du royaume et de ses implications pour notre foi. Si Jésus mentionne le « règne » dans le « Notre Père », c’est qu’il s’agit d’un point essentiel, tant dans le cadre de nos prières que dans notre vie.

La rédemption est une nécessité pour le salut d’une humanité perdue, la recherche du royaume de Dieu est une priorité pour le chrétien. À trois reprises, nous pouvons lire dans l’Évangile selon Matthieu : « Le royaume des cieux est proche. » Par la venue de Jésus sur terre, par sa mort sur la croix et par l’envoi du Saint-Esprit, Dieu inaugure une nouvelle ère pour l’humanité. L’apôtre Paul écrira aux Romains : « Le royaume de Dieu, ce n’est pas le manger et le boire, mais la justice, la paix et la joie, par le Saint-Esprit. » (Rom 14.17) Aujourd’hui, le royaume de Dieu n’est pas matériel ou politique, mais il est spirituel, il répond aux besoins de notre âme (justice, paix et joie).

Fait remarquable : la littérature chrétienne qui aborde précisément le thème du royaume est bien maigre au vu de l’importance de celui-ci au cœur du message biblique. Au travers de ce numéro, nous allons humblement tenter de mettre en lumière cette dimension délaissée de notre sphère d’existence.


Avant l’établissement du royaume (Marc 13)

Difficultés futures

Après avoir publiquement manifesté son autorité au temple, Jésus se retire du lieu « saint » pour annoncer à ses disciples les signes relatifs à l’établissement de son royaume. Ce discours peut nous étonner. En effet, Jésus vient de se présenter comme maître et Seigneur qui reprend tout contestataire (Marc 12). Les disciples pourraient croire que la vie du fidèle sera aisée avec un chef qui peut réduire au silence chaque ennemi. Il n’en est rien. Jésus annonce dans son discours eschatologique une série de calamités qui atteindront la terre et les chrétiens. Jésus est Seigneur, mais la manifestation de son règne n’est pas pour l’immédiat.

Dans l’avenir, les problèmes vont se multiplier. Une intensification des difficultés est perceptible. Pour commencer, Jésus relève des problèmes auxquels tous les hommes seront confrontés : bruits de guerres, guerres, catastrophes naturelles (Marc 13.7-8). Puis il annonce les troubles supplémentaires que subiront les chrétiens (les persécutions religieuses : 13.9-13). Ensuite, il décrit un temps d’épreuves unique dans l’histoire de l’humanité (13.14-23). « Car la détresse, en ces jours, sera telle qu’il n’y en a point eu de semblable depuis le commencement du monde que Dieu a créé jusqu’à présent, et qu’il n’y en aura jamais. » (13.19) Pour finir, juste avant l’avènement du Fils de l’homme, « les cieux seront ébranlés » (13.25).

Les fidèles sont exhortés à persévérer, à mettre leur confiance dans leur Seigneur et à ne pas se laisser troubler par ces difficultés1. Jésus les a annoncées (13.23), elles ne doivent donc pas nous surprendre lorsqu’elles surviennent. Les premières difficultés seront suivies d’autres (« il faut que ces choses arrivent, mais ce ne sera pas encore la fin », 13.7), puis d’autres encore (« Ce ne sera que le commencement des douleurs », 13.8). Aucune promesse de salut n’est formulée pour ce temps d’épreuve, car la délivrance est pour un temps futur (« celui qui persévérera jusqu’à la fin sera sauvé », 13.13). Les seules aides reçues serviront au témoignage clair de notre foi (« ce n’est pas vous qui parlerez, mais l’Esprit-Saint », 13.11). L’épreuve finale sera aussi abrégée « à cause des élus qu’il a choisis » (13.20).

Comparaison avec les paraboles du royaume

Ce discours est le second discours développé de Jésus que Marc nous transmet, le premier ayant été prononcé au début du ministère de Jésus sous forme de paraboles (4.1-34). Les deux discours présentent des similitudes et des contrastes. Le discours en paraboles était résolument optimiste. Chaque parabole se terminait par le succès qui augmentait d’une parabole à l’autre. Les difficultés initiales étaient non seulement résolues à la fin de la première parabole, mais elles n’étaient même plus mentionnées par la suite.

Au chapitre 13, le discours eschatologique est différent. Le ton en est sinistre, car les difficultés ne cessent de croître. Certes, la victoire finale est promise (13.26-27), mais elle viendra comme une surprise et non comme l’aboutissement d’un long mûrissement. La différence de ton entre ces deux discours tient au fait que le premier est centré sur le royaume de Dieu et le second sur le monde. Le premier garantit le succès de l’Évangile et le second décrit l’effondrement inéluctable du monde. Que les disciples ne placent pas leur espoir dans le monde, car celui-ci n’a pas d’avenir ; il finira par s’écrouler. Jésus annonce pour commencer la destruction du temple (« Il ne restera pas pierre sur pierre qui ne soit renversée », 13.2), une construction qui suscitait l’admiration de tous (« Maître, regarde quelles pierres, et quelles constructions ! », 13.1). À la fin de son discours, Jésus annonce que même l’univers sera touché par la déchéance : « Le soleil s’obscurcira, la lune ne donnera plus sa lumière, les étoiles tomberont du ciel, et les puissances qui sont dans les cieux seront ébranlées. » (13.24-25) Ces deux discours sont complémentaires et non pas contradictoires.

Dans ces deux récits, l’auditeur ou le lecteur est exhorté à comprendre la parole : « Que celui qui a des oreilles pour entendre entende » (4.9) ; « Si quelqu’un a des oreilles pour entendre, qu’il entende. » (4.23) ; « Que celui qui lit fasse attention. » (13.14)

Comparaison avec l’Apocalypse

Le discours eschatologique de Jésus est appelé parfois « la petite apocalypse ». Il se rapproche en particulier du livre de l’Apocalypse et de la deuxième partie du livre de Daniel qui soulignent :

1. des guerres entre nations (13.7,8),

2. la persécution religieuse (13.9,11),

3. des fléaux climatiques (13.8a),

4. l’intensification des difficultés (13.8b),

5. un tournant décisif (13.14),

6. des références géographiques à la Judée (13.14),

7. des exhortations à veiller et persévérer malgré les difficultés (13.13),

8. la manifestation temporaire de l’Antichrist (13.14),

9. la venue glorieuse du Fils de l’homme (13.26),

10. le salut final des élus (13.27).

Notons dans le discours de Jésus l’absence de toute référence au royaume divin, un aspect apocalyptique fréquent. La « petite apocalypse » est aussi dépourvue de tout langage symbolique, contrairement à de nombreux textes apocalyptiques. Jésus suit ainsi le mouvement général de la révélation qui devient de plus en plus explicite. En effet, lors de son premier discours (les paraboles du royaume), il avait utilisé des images, mais maintenant, il parle en termes clairs à ses disciples.

Utilité de ce discours

Personne ne connaît « le jour et l’heure » du retour de Jésus (13.32). Bien que le retour de Christ puisse être daté par rapport à l’avènement de l’Antichrist (moins d’une génération), cela ne signifie pas que tout soit dévoilé concernant la durée de cette période : « Pour ce qui est du jour ou de l’heure, personne ne les connaît, pas même les anges dans le ciel, pas même le Fils, mais le Père seul. » (13.32) Le chrétien doit vivre dans la dépendance de Dieu, qui connaît tout, mais qui a décidé de ne pas tout révéler. Il suffit au chrétien de savoir que Dieu connaît toutes choses pour être rassuré, car tout « connaître » signifie pour Dieu tout contrôler. Les jours et les heures sont fixés par le Seigneur (cf. Apoc 9.15). Le monde court à sa perte, mais le fidèle est entre de sûres mains.

Jésus termine son discours par diverses exhortations à « veiller en tout temps ». La connaissance de certains signes précis (par exemple la profanation du temple par l’Antichrist) ou la prolongation de l’attente du Seigneur (cf. 2 Pi 3.3-10) ne doit pas diminuer l’intensité de notre attente. Jésus peut revenir à n’importe quel moment.

Jésus avait commencé son discours avec l’impératif du verbe blepô (« prenez garde », litt. « voyez », « veillez » : 13.5 ; même mot qu’en 13.2, « vois », 13.9,33, « prenez garde » et 13.23, « soyez sur vos gardes »). Il le termine avec un autre impératif qui souligne encore davantage la vigilance : grêgoreite (« veillez comme des veilleurs professionnels », 13.35,37).

1Il y a 19 impératifs dans les versets 5 à 37. Il est donc manifeste que le but principal de ce discours n’est pas de satisfaire notre curiosité concernant le futur, mais de nous donner un enseignement pratique et éthique.

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