PROMESSES

Dans ce numéro nous vous présentons les divers aspects du travail : labeur, chômage, vocation et revenu, témoignage à nos places de travail, relations dans le travail, congés et sécurité dans nos occupations.

Tout commence par Dieu lui-même, créateur de l’univers. Dieu est saint, juste et amour. Nous avons affaire au Dieu trinitaire : Dieu Père, Fils et Saint-Esprit. Et ce Dieu merveilleux « créa au commencement les cieux et la terre » (Gen 1.1).

Oui, Dieu est au travail dès le commencement. Et tout au long de l’histoire, il a travaillé pour la bénédiction de l’homme. Il y travaille encore « à plein temps ». N’est-il pas venu s’incarner en la personne bénie de Jésus-Christ pour offrir le salut à quiconque croit en lui ? Quel travail extraordinaire tout au long de sa carrière terrestre (Jean 5.12-24) !

Notre grand adversaire, le diable, a fait tomber nos premiers parents au jardin d’Éden en leur faisant miroiter qu’ils « seraient comme Dieu » s’ils mangeaient du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal (Gen 3.1-7).

Dieu avait ordonné à Adam et Ève de soumettre les animaux et de cultiver la terre (Gen 1.27-31), de « travailler le sol » (Gen 2.5). Le travail était alors une activité bénie. Hélas, dès leur chute, il est devenu pénible à tous égards (Gen 3.17-19).

La croix a changé les choses : Dieu nous a acquis le salut en son Fils Jésus-Christ. Maintenant, il travaille en nous pour faire de nous, entre autres choses, des travailleurs justes, honnêtes. L’Esprit de Dieu intercède « pour les saints selon Dieu » (Rom 8.26-27). Désormais, « […] toutes choses travaillent pour le bien de ceux qui aiment Dieu. » (Rom 8.28)

Oui, Dieu travaille, et nous travaillons pour l’honorer par notre témoignage. Il a aussi créé un jour de repos par semaine. Là, encore, c’est pour l’adorer, le célébrer et lui rendre gloire par notre rassemblement le premier jour de la semaine (Act 20.7 ; 1 Cor 11.23-28).

Quel merveilleux plan de travail et de repos que celui de notre grand Dieu pour nous. Qu’il soit béni et adoré !

__________________________________________________________________________

Écrit par


Dossier, dernière page

QUOI QUE NOUS FASSIONS…

« Quoi que vous fassiez, faites tout pour la gloire de Dieu. » (1 Cor 10.31b)

La recherche du pourquoi de notre existence doit immanquablement nous pousser vers celui qui est à l’origine de notre vie : Dieu, le Créateur. Nous saurons alors que nous ne sommes pas sur terre par hasard, mais que nous avons bien une mission à remplir. Ainsi, nos activités prennent sens. Notre travail nous a été confié par Dieu.

Cependant, cette vocation ne se réduit pas à une ou plusieurs activités, mais il s’agit d’une vie dans laquelle le Seigneur veut être honoré par notre façon de la vivre. Alors, certes, si on ne vit pas seulement pour travailler, notre façon de travailler est d’une grande importance. Notre travail, comme toute notre vie, est pour lui.


QUAND TU TE RETROUVES ENTRE DEUX EMPLOIS…

Connaître une période de transition, occuper un poste temporaire ou être sans emploi représentent des saisons qui amènent presque toujours à douter de nos capacités et à nous inquiéter au sujet de notre avenir. C’est exactement ce qui m’est arrivé lorsque je me suis retrouvé sans emploi.

Dix mois avant la fin de mes études, j’ai reçu une offre d’emploi de l’employeur de mes rêves à Washington DC. J’exultais. Je priais pour ce poste depuis six ans en faisant tout pour être le meilleur candidat possible. L’occasion se présentait enfin. J’étais à deux doigts de l’obtenir. Mon futur se dessinait devant mes yeux.

Cette offre m’a procuré un grand soulagement, de même qu’à ma fiancée. Après des fréquentations à distance en raison des innombrables kilomètres qui nous séparaient, nous désirions par-dessus tout demeurer dans la même ville. Grâce à cette offre d’emploi, je savais que, non seulement nous pourrions nous installer à Washington, mais que je serais également capable de subvenir à ses besoins. Environ un mois après la réception de l’offre, je lui ai demandé de m’épouser avec la permission de son père. Nous avons fixé la date de notre mariage, qui aurait lieu deux semaines après la fin de mes études. Finis les « bonne nuit » au téléphone. Finis les « adieu » à l’aéroport. Tout se mettait en place. J’avais le sentiment que, quoi qu’il puisse arriver, je serais heureux.

Jamais je n’aurais pu imaginer ce qui allait se produire ensuite. Bien que les événements qui ont suivi se soient avérés éprouvants, j’en suis aujourd’hui profondément reconnaissant. J’ai eu l’occasion d’apprendre plusieurs leçons. En voici dix.

1.  Être prêt à tout lorsque je remets mes plans au Seigneur

 Après avoir reçu l’offre d’emploi, je n’ai pas cessé de prier. Je continuais de demander à Dieu que sa volonté soit faite. Il a répondu à ma prière, mais pas de la façon que j’espérais. Pour décrocher l’emploi, je devais passer le test du détecteur de mensonges. Dieu a permis que le test indique que j’avais menti alors que j’avais dit la vérité. C’est ainsi que, pendant la période d’examen, deux semaines avant la fin de mes études et un mois avant mon mariage, j’ai reçu un message m’informant que l’offre d’emploi de mes rêves était officiellement annulée. Aussi douloureux et décourageant que cela ait pu être, je me suis rappelé que Dieu est Dieu et que je ne le suis pas. « Il y a dans le cœur de l’homme beaucoup de projets, mais c’est le dessein de l’Éternel qui s’accomplit » (Pr 19.21).

2.  Sonder mon cœur et reconnaître ma véritable motivation

 Dans ce monde déchu, même le plus noble désir peut être inspiré par le péché. Est-ce que je désirais vraiment glorifier Dieu avec le travail de mes rêves ? Bien sûr. Toutefois, un grand nombre de plaisirs mondains y étaient également attachés : un excellent salaire, une (fausse) promesse de stabilité, une bonne dose de pouvoir et beaucoup d’admiration. J’aime à penser que tout ce que je voulais était de glorifier Dieu, mais il est difficile de croire que ces avantages n’influençaient pas mon désir de décrocher cet emploi. Merci Seigneur de m’avoir empêché de tomber dans ce piège ! Si être sans emploi peut me libérer ne serait-ce que d’une de ces idoles, l’épreuve n’en vaut-elle pas le coup ?

3.  Être sans emploi n’est pas toujours la conséquence d’un péché

 Oui, il arrive qu’on se retrouve sans emploi à cause d’un péché (Gal 6.7), mais comme pour toute épreuve, ce n’est pas nécessairement le cas (voir le livre de Job). Lorsqu’une personne qu’on soutient traverse une période de chômage, il faut faire bien attention de ne pas supposer qu’un péché en est systématiquement la cause.

4.  Le travail est un don de Dieu

 Après notre mariage, je suis retourné en Californie afin de permettre à ma jeune épouse de terminer ses études. Pour quelqu’un qui se cherchait un travail dans la sécurité nationale, quitter Washington était la dernière chose à faire. J’ai poursuivi ma recherche d’emploi à distance, en privilégiant les organisations qui correspondaient à mon domaine d’études. Toutefois, l’absence de réponse m’a contraint à étendre considérablement mes recherches. J’ai posé ma candidature à un poste de serveur, de réceptionniste dans un hôtel et même d’équipier en restauration rapide – n’importe quel travail qui me permettrait de régler mes factures. Mais quelque travail que je visais, ça ne fonctionnait pas. J’étais soit surqualifié, soit sous-qualifié. J’ai eu droit à une bonne leçon d’humilité. Malgré mes efforts, je ne pouvais pas obliger un employeur à m’engager. J’étais alors âgé de 24 ans, au bénéfice d’une maîtrise, recalé au profit de jeunes lycéens. Le Seigneur allait pourvoir en son temps. Tout ce que je devais faire était de rester fidèle dans la recherche d’emploi et d’abandonner le reste à Dieu.

5.  Désirer travailler est une bonne chose, désespérer de ne pas travailler ne l’est pas

 Dieu nous a créés pour travailler (Gen 1.27,28 ; 2.15). Paul rappelle aux Thessaloniciens que « si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus » (2 Thes 3.10) et à Timothée que si nous avons les capacités de pourvoir aux besoins de notre famille, mais que nous ne le faisons pas, nous sommes pires qu’un infidèle (1 Tim 5.8). J’étais triste de ne pas avoir de travail. C’est normal et même biblique, mais être dans le désespoir indique peut-être que nous trouvons notre identité dans le travail plutôt qu’en Dieu. Bien que cela puisse paraître contradictoire, ceux qui se démènent le plus pour trouver du travail sont parfois ceux qui ont le plus tendance à faire du travail une idole. Le travail est un don de Dieu, mais ce n’est pas la réponse à tous nos problèmes. Ce n’est pas notre salut. Il n’est pas facile de différencier une tristesse sainte d’un désespoir idolâtre, il faut donc demander l’aide de chrétiens plus matures pour discerner de quel côté nous penchons.

6.  Ce n’est pas mon emploi qui me définit, mais mon statut d’enfant de Dieu

 Les personnes de mon entourage qui ont traversé une épreuve liée à la perte d’un emploi semblent comprendre mieux que quiconque que leur identité n’est pas dans leur travail. Je ne crois pas que ce soit une coïncidence. L’Écriture regorge d’exemples de personnes à qui Dieu a tout enlevé (Job, Abraham, Daniel, David, etc.) afin de révéler ce en quoi ou celui en qui elles placent réellement leur confiance. Au-dessus de tout, les chrétiens sont des enfants de Dieu (Gal 3.26).

7.  Les non-croyants m’observent, quel genre de témoin vais-je être ?

 Lorsque j’étais sans emploi, mes amis et les membres de ma famille non croyants regardaient comment je gérais cette épreuve. Est-ce que j’allais m’inquiéter ou placer toute ma confiance en Dieu ?

8.  L’église locale est importante

 J’ai trouvé du réconfort et de l’espoir au sein de mon église dans cette période difficile de ma vie. Je n’y étais pas étiqueté comme « l’homme sans emploi ». Au contraire, on me rappelait souvent ma valeur éternelle aux yeux du Dieu souverain ainsi que l’espoir immense que j’avais en Christ, l’espoir qu’un jour toute épreuve aurait disparu. Dans l’église, juge-t-on les personnes sans emploi, consciemment ou non, comme étant moins intelligentes, moins travailleuses ou comme ayant moins de valeur ? L’Évangile n’est-il pas prêché chaque semaine pour nous rappeler notre valeur aux yeux du Père et l’espoir que nous avons en Christ ?

9.  Je dois être reconnaissant pour le travail que le Seigneur me donne, même si ce travail ne me passionne pas

 Dix mois après la disparition du poste de mes rêves, Dieu m’a donné un travail de livreur pour une agence gouvernementale à Washington. Ce n’était pas mon domaine, et ce n’était pas non plus mon travail de rêve, mais j’avais un emploi. Nous donnons souvent beaucoup trop d’importance à ce que nous faisons plutôt que comment ou pour qui nous le faisons. L’Écriture est claire à ce sujet : « Tout ce que vous faites, faites-le de bon cœur, comme pour le Seigneur et non pour des hommes, sachant que vous recevrez du Seigneur l’héritage pour récompense. Servez Christ, le Seigneur » (Col 3.23-24). Dieu veut que nous soyons fidèles et vaillants, même lorsque nous occupons un poste qui ne nous plaît pas particulièrement.

10.  Dieu me connaît mieux que moi-même

 Je croyais vraiment que la façon dont Dieu m’avait créé, avec mes talents et mes aptitudes, correspondait exactement à mon travail de rêve. J’ai eu tort, mais Dieu, « qui a formé mes reins » et « qui m’a tissé dans le sein de ma mère » (Ps 139.13), savait depuis le début ce qu’il me destinait. Sept années plus tard, je vois comment il m’a dirigé, me faisant passer d’un emploi de livreur à un emploi pour le Congrès. Ce dernier me convient beaucoup mieux que mon poste de rêve initial.

Écrit par


Dix-huit ans d’une carrière ascendante et une situation matérielle confortable. Quatre beaux enfants, une vie d’église agréable et simple, en somme une vie humainement considérée réussie et un avenir tout assuré… En 18 mois, tout bascule : investissement dans une entreprise contrainte de déposer le bilan, puis chômage avec son lot de perte de repères et d’abandons contraints en tout genre.

Les premières semaines me permettent de prendre le temps de faire les multiples petites choses que je n’ai jamais eu le temps de faire : accompagner les enfants à l’école, participer aux sorties scolaires, exécuter les travaux toujours remis à plus tard, participer aux tâches ménagères, etc., confiant que mes compétences reconnues et mon réseau relationnel me permettraient de retrouver rapidement un travail tout à fait convenable et même probablement meilleur puisque la Parole de Dieu nous assure que « toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment Dieu » (Rom 8.28).

Les mois passant, les interrogations, les inquiétudes pour le lendemain, les difficultés de positionnement se font de plus en plus nombreuses : que suis-je capable de faire ? Serai-je encore capable de subvenir aux besoins de ma famille et de lui assurer un cadre de sécurité matérielle alors même que mon épouse prévoyante a mis un terme à son congé parental et repris une activité professionnelle ? Comment me situer socialement, comment me présenter ? Comment me comporter devant la gêne des proches qui n’osent plus me questionner sur mon activité professionnelle ? Puis-je accepter l’aide proposée par les uns ou les autres ?

Après 6 à 8 mois de non-réponses ou de refus répétés s’enclenchent des réactions d’incompréhension, de colère ou/et de révolte contre la société incapable de reconnaître mes compétences et de les intégrer, contre l’indifférence de ceux qui ont un travail et n’en apprécient pas le privilège – ce qui a été mon cas, mais aussi contre Dieu qui semble être fermé aux prières sans raison apparente… avant que je puisse admettre que les leçons à apprendre passent par ce chemin.

Première leçon : ce que je suis

Pendant des années à la question « Que faites-vous dans la vie ? » je répondais par un « Je suis comptable, directeur… », confondant mon activité professionnelle et ma personnalité. Ayant perdu mon statut social, il a fallu :

– redécouvrir ce que je suis vraiment : un enfant de Dieu, un époux, un père de famille, indépendamment de mon activité professionnelle,

– me laisser convaincre que Dieu m’aime pour ce que je suis et non pour ce que je fais et que cet amour inconditionnel est aussi versé par Dieu dans le cœur de mon épouse (ce qui n’est malheureusement pas le cas dans tous les couples),

– admettre que Dieu peut m’utiliser autrement que par les compétences que je suis persuadé d’avoir acquises.

Deuxième leçon : les choses vraiment importantes

Dès lors que j’ai accepté que la sécurité matérielle et la reconnaissance sociale ne sont pas essentielles car elles ne concernent pas la vie éternelle, j’ai pu abandonner dans les mains de Dieu tout ce que notre Père céleste sait nous être utile.

La pleine confiance en la bonté de notre Père est une chose importante. Or, pour vivre cette confiance sur le long terme, il m’a fallu accepter de ne pas rechercher un certain niveau de vie.

Un autre point crucial est de rechercher premièrement le royaume de Dieu (Mat 6.33), ce qui implique de rechercher non pas un travail rémunérateur, mais ce que Dieu a préparé pour moi. Cela peut aboutir au même résultat, mais comme souvent, ce qui importe pour Dieu, c’est la disposition de cœur.

Pour ma part, cette priorité m’a fait passer par des activités bénévoles dont je ne comprenais pas bien l’issue et considérais même qu’elles entravaient mes recherches d’emploi, mais qui se sont révélées être une formidable préparation pour ce qui m’attendait.

Après deux ans, j’étais – et suis encore – en situation de pouvoir aider des personnes écrasées par le fléau du chômage, à la fois grâce aux leçons apprises dans ma vie et par l’activité que Dieu m’a confiée au sein d’une entreprise d’insertion professionnelle.


« Allez, faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et Saint-Esprit, et enseignez-leur à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde. » (Matt 28.19-20)

Certains évangélistes quittent leur travail séculier pour se dédier totalement à l’évangélisation. Ainsi, ils répondent à l’appel de leur maître, ce que nous ne saurions contester. Mais nous qui sommes salariés d’une société, de l’État, etc., ne sommes-nous pas appelés à évangéliser, y compris à notre place de travail ? Il ne s’agit pas de parler de Dieu, du Seigneur Jésus, du salut ou de l’enfer à tout bout de champ. Il s’agit de travailler comme un enfant de Dieu, et il me semble que l’évangélisation peut se faire dans deux directions.

1. Être chrétien au travail

a)  Il est connu pour la qualité de son travail

 Le chrétien doit être connu pour la qualité de son travail. Il est assidu et ne s’absente que pour des raisons vraiment importantes. Il est ponctuel, toujours à l’heure. Sans tomber dans le perfectionnisme, il est consciencieux et fait ce qui lui est demandé de son mieux. Il respecte la loi, les règlements intérieurs et les différentes directives. Paul enseignait à Timothée : « Efforce-toi de te présenter devant Dieu comme un homme éprouvé, un ouvrier qui n’a point à rougir. » (2 Tim 2.15)

b)  Sa probité est reconnue

 Il ne mélange pas les biens de l’entreprise et les siens. Il pratique ce qui est juste et condamne ce qui est injuste. « Ne prenez point part aux œuvres infructueuses des ténèbres, mais plutôt condamnez-les. » (Éph 5.11)

c)  Il est fidèle à ses engagements

 La parole du chrétien a du poids. Ce qu’il annonce est vrai. Il tient ses engagements, même s’il lui en coûte. « Il ne se rétracte point, s’il fait un serment. » (Ps 15.4) S’il se trompe, il reconnaît son erreur.

d)  Il est connu pour la façon positive dont il considère les personnes du haut en bas de la hiérarchie

 Il ne voit pas seulement des fonctions, mais il voit les personnes. Les fonctions peuvent être hautes ou basses, mais les personnes sont d’égale importance. Elles ont toute une âme éternelle. Le chrétien n’est pas vantard, hautain, il est accessible. « L’homme regarde à ce qui frappe les yeux, mais l’Éternel regarde au cœur. » (1 Sam 16.7)

L’exemple de Daniel, homme pieux et proche de son Dieu, est parlant. Son intelligence et sa sagesse sont remarquées successivement par Nebucadnetsar, par Belshatsar et par Darius. Appelé par ce dernier à de très hautes fonctions dans le royaume de Babylone, il est confronté à des opposants qui cherchent à le faire tomber. Ceux-ci doivent bien se rendre à l’évidence : « Ils ne purent trouver aucune occasion, ni aucune chose à reprendre, parce qu’il était fidèle, et qu’on apercevait chez lui ni faute, ni rien de mauvais » (Dan 6.4b). Quel témoignage devant les hommes !

Si le témoignage vis-à-vis de nos semblables est important, c’est le regard de Dieu qui est déterminant pour le croyant. Il trouve sa motivation à bien faire son travail à cause du Seigneur : « Tout ce que vous faites, faites-le de bon cœur, comme pour le Seigneur et non pour des hommes » (Col 3.23).

2. Avoir de vraies relations au travail

L’entreprise ou l’administration ne sont pas des lieux pour prêcher ou annoncer l’Évangile, ce serait un contre-témoignage de le faire. Le chrétien est payé pour son travail, non pas pour évangéliser ses relations de travail (collègues, clients, fournisseurs, etc.) ! Paul conseille : « Marchez dans la sagesse envers ceux de dehors, saisissant l’occasion » (Col 4.5, Darby).

Si nous considérons notre prochain au travail comme une créature aimée de Dieu, nous pourrons certainement établir des relations plus étroites avec lui. En tout cas, avec celui qui est en recherche, car à l’inverse, celui qui s’oppose à Dieu n’aime pas les chrétiens (voir Dan 6.4a). Sur la base de relations vraies, d’estime, de sincérité, nous pourrons peut-être inviter ce collègue, ce subordonné ou ce chef, chez nous à la maison, ou à une réunion, un spectacle ou une activité chrétienne. Cette personne nous écoutera et nous prendra au sérieux, car elle nous aura vus vivre au travail. Il me semble que c’est ainsi que nous pourrons évangéliser et témoigner à des collègues dans un lieu approprié. Ne fut-ce pas le cas de l’apôtre Paul lorsqu’il rencontra Aquilas et Priscilla à Corinthe ? « Il y trouva un Juif nommé Aquilas, originaire du Pont, récemment arrivé d’Italie avec sa femme Priscilla, parce que Claude avait ordonné à tous les Juifs de sortir de Rome. Il se lia avec eux ; et, comme il avait le même métier, il demeura chez eux et y travailla : ils fabriquaient des tentes. » (Act 18.2-3)

Voilà une raison pour partir chaque matin au travail avec intérêt. Le travail occupe une grande partie de notre temps et ce serait bien dommage qu’il se résume à une parenthèse dans notre vie chrétienne.

Écrit par


Qui n’a jamais été contacté par un télévendeur ? Qui n’a jamais été importuné par un vendeur indélicat dans un magasin ? Ce métier souffre d’une mauvaise réputation en raison des pratiques qui, souvent, l’accompagnent. Il peut exposer le chrétien à de nombreuses tentations au travers des différentes situations professionnelles, parfois complexes, et d’agissements iniques et immoraux. Il peut également être une école de vie chrétienne au même titre que d’autres professions.

1.  Un métier qui appelle à la vigilance

 Dans le cadre des activités commerciales, le vendeur est confronté à lui-même et à ses déficiences. Le mal couche à sa porte, et bien souvent il cède aux sirènes qui le dupent en le poussant à prendre des risques insensés. Mais la Bible nous appelle à demeurer fermes dans la foi afin de ne pas succomber aux appels insatiables de la tentation et du péché (Éph 6.11 ; 1 Pi 5.9).

1.1.  L’amour de l’argent

 Beaucoup de commerciaux dans le monde croient que l’argent les préservera de la misère. Ils se confient en leur force de persuasion pour convaincre le client potentiel, ceci afin d’atteindre les objectifs fixés et d’empocher la prime promise. Le chrétien est appelé à se confier en Dieu pour plusieurs raisons : – L’amour de l’argent est la racine de toutes sortes de maux (1 Tim 6.10).

– L’argent, bien plus qu’à l’époque de Jésus, est par exemple sujet aux variations des taux de change. La valeur des biens est donc sujette à fluctuation. Untel riche un jour peut se retrouver pauvre le lendemain. La richesse est donc incertaine. – On peut être riche un jour et mort le lendemain (cf. Luc 12.16-21, parabole de l’homme insensé ; Luc 16.19-31, parabole du riche et du pauvre Lazare). Le riche n’est pas certain de pouvoir jouir de ses richesses.

– L’homme qui se confie en ses richesses passe beaucoup de temps à les gérer. Il n’accordera que peu de temps au Seigneur. Il se prive ainsi de trésors qui eux sont assurés et fixes quant à leur valeur dans les cieux (Mat 6.19-20).

Lorsque Jésus aborde la question de l’argent, il l’aborde en lien avec la fidélité (Luc 16.10). Celui qui est fidèle dans les petites choses le sera aussi dans les grandes. Le chrétien doit être fidèle avec ses clients dès le départ, lorsque ceux-ci lui confient peu d’affaires. Par la suite, étant fidèle dans les petites affaires, il se verra chargé d’affaires plus importantes au travers de la confiance qu’il aura su développer (voir aussi la parabole des talents en Mat 25.14-30).

1.2.   Le mensonge

 Dans la vente, la tentation de mentir est réelle lorsqu’on ne veut pas porter la responsabilité d’une faute. Souvent, le mensonge est subtilement associé à l’art du discours afin de l’enrober et de mieux faire passer « la pilule ». Mais le mensonge n’est guère recommandable dans ce métier, car on sait bien que l’on construit un château de cartes susceptible de s’écrouler à tout instant et de créer un désastre pire que si l’on avait joué franc jeu. On sape son travail en écornant la confiance dont on bénéficiait, confiance souvent construite sur le long terme. Lorsque j’ai démarré dans le secteur de la vente, mon patron m’a mis au courant d’une pratique bien plus subtile : le mensonge par omission. La Bible condamne la pratique du mensonge (Ex 20.16), mais l’homme recherche constamment son intérêt de manière noble à ses yeux. En ne disant pas de manière consciente toute la vérité, il ne dit pas de mensonge. Certes, il n’y a pas de mensonge, mais il y a tout de même tromperie. Cette pratique est condamnée par la Parole (Lév 19.11). Malgré les risques de ne pas aboutir dans les affaires, une attitude saine à l’encontre du mensonge sous toutes ses formes est un gage que le Seigneur fera valoir le moment venu. Nous devons rester fidèles aux commandements de Dieu et persévérer. C’est une condition sine qua non de l’approbation du Seigneur sur notre travail.

1.3.  L’irritation et la convoitise

 Comme nous l’avons déjà abordé en ce qui concerne l’argent, l’amour de l’argent est la source de tous les maux. L’irritation et la convoitise sont des conséquences de l’amour de l’argent. Dans certaines entreprises, il est de coutume de mettre les personnes en concurrence en attribuant des promotions aux employés et en honorant les meilleurs commerciaux. Cette pratique éveille bien souvent l’animosité, l’irritation et la convoitise. La Bible nous apprend plusieurs choses au sujet de l’irritation et de la convoitise :

– L’irritation est le pain des insensés et des rebelles (Ecc 7.9 ; Rom 2.8) ; – La convoitise est autodestructrice : c’est une carie pour les os (Pr 14.30) ;

– La convoitise enfante le péché et produit la mort (Jac 1.15).

Avant une embauche, le bon choix de l’entreprise et une analyse de sa culture sont une précaution judicieuse pour se prémunir contre l’irritation ou la convoitise des biens d’autrui. Dans une entreprise, les rivalités internes sont les prémices de faillites à venir, la coopération constructive de chacun est le gage de sa survie. Relevons également que les petites sociétés ont bien souvent des moyens moins rémunérateurs que les grandes. Cela limitera aussi la convoitise sur le plan salarial entre collègues.

1.4.  L’adultère

 Il n’est pas rare d’être confronté à l’adultère dans le métier de la vente. Lorsque les affaires représentent des montants plus importants, certains utilisent des techniques que l’on appelle également les « passe-droits ». Parmi ces pratiques figurent les soirées dans des lieux de volupté. Le chrétien honnête est donc appelé à se mettre à l’abri de telles pratiques. Le meilleur moyen est encore de faire connaître sa foi à ses collègues ou à ses clients. Nous avons là un bouclier efficace qui évitera d’être embarqué de manière insidieuse dans une situation infâme (Éph 6.16).

1.5.  L’orgueil et le culte de la personne

 Le culte de la personne est une pratique assez répandue qui glorifie le plus méritant. Celui à qui les affaires réussissent se sent pousser des ailes, car il est de mois en mois toujours en haut de l’affiche. À force de figurer toujours à la meilleure place, le commercial développe de l’orgueil, il peut être tenté de se croire invincible. Il oublie alors très facilement que sa réussite est le fruit d’un travail parfois long et minutieux que d’autres personnes ont fourni dans l’ombre. La parole de Dieu nous apprend que l’orgueil de l’homme l’abaisse (Pr 29.23) et précède sa chute (Pr 16.18).

En s’efforçant de garder une attitude humble, on se protège du péché d’orgueil. Cette attitude est plus facile à tenir lorsqu’on ne se laisse pas tenter par la course au chiffre d’affaires, ceci par un travail constant et régulier, se limitant le plus possible au temps de travail imparti. Un profil bas, néanmoins joyeux, devant les clients et devant les collègues, accompagné de l’amour du prochain est un autre gage de réussite sur le plan professionnel et dans une optique chrétienne (1 Cor 13.4).

2.  Un métier qui appelle au développement d’aptitudes saines

 Ce métier qui semble a priori être un enchevêtrement de pièges est également une formidable école de vie. Les aspects relationnels, la rudesse du travail et les situations difficiles peuvent être les outils dont Dieu peut se servir pour former le chrétien impliqué dans un tel travail.

2.1.  Le développement de l’amour du prochain

 Le vendeur est en premier lieu l’interface entre l’entreprise et le client. À ce titre, il est le premier interlocuteur que le client rencontre. Le chrétien impliqué dans ce travail est appelé à témoigner de son amour pour son prochain, le client. Même si le client potentiel est contrariant, le chrétien, de par l’action du Saint-Esprit en lui, aura une ressource cachée qui lui permettra de maintenir le contact parfois même dans des situations avilissantes. D’autres fois, il doit s’occuper de factures impayées et trouver le tact adéquat pour réclamer les sommes dues sans blesser son interlocuteur. Il est appelé à être plein de douceur, pacifique et modéré, et à pratiquer le pardon, dans l’espoir de renouer les contacts avec de telles personnes (2 Tim 2.24-25 ; Phil 4.5).

2.2.  Le développement de la persévérance

 Le vendeur est souvent impliqué dans un travail solitaire. On l’apprécie autonome. Lorsqu’on lit les offres d’emplois relatives à un poste de vendeur, il est très rare de lire parmi les qualités recherchées le mot « persévérant ». Pourtant, c’est là une qualité toute particulière d’un bon vendeur. Lorsqu’il essuie un échec, il doit pouvoir rebondir dès le prochain contact. Un jour, un ami m’a rapporté un fait qui l’a marqué lors d’une formation de gestion à la vente. Le formateur expliquait qu’un bon vendeur est un homme qui après neuf échecs est encore en mesure de reprendre son bâton de pèlerin pour frapper à la porte d’un dixième client. On appelle cela « avoir de la persévérance ». Nous savons que l’affliction produit la persévérance et la persévérance, la victoire (Rom 5.3-4). Le chrétien peut donc s’exercer à la persévérance de manière très concrète au travers de ce travail.

2.3.  Le développement du courage

 Le courage est bien souvent une caractéristique essentielle du vendeur. Il doit affronter des situations difficiles. Dans les négociations, lorsque des acheteurs lui demandent continuellement de baisser les prix, le vendeur doit savoir jauger la situation pour ne pas se mettre en difficulté. D’autres fois, il doit se rendre chez un client afin de constater un défaut sur la marchandise livrée. Il doit donc manifester du courage et ne pas fuir l’adversité. Lorsque les douze espions furent revenus de leur mission dans le pays promis, seul Josué et Caleb manifestèrent du courage devant le peuple, car ils n’avaient pas oublié la promesse que Dieu avait faite lorsque le peuple d’Israël avait quitté l’Égypte (Nom 13.1-14.10). Dieu, qui les avait fait sortir de ce pays, leur demandait pourtant de combattre les peuples qui habitaient le pays promis avec son aide puissante. De même, le chrétien ne doit pas oublier que Dieu peut le précéder dans des situations ardues, s’il en fait la demande ; par exemple, dans le but de disposer favorablement le cœur de son client. Il doit toutefois aller à la rencontre de son interlocuteur.

Le vendeur devrait manifester les qualités suivantes :

– L’amour pour son prochain, sans quoi son travail est vain (2 Tim 1.7 ; Tite 3.1-2). – La persévérance, sans quoi il abandonnera rapidement (Luc 8.15 ; Luc 21.19).

– Le courage, sans quoi il n’ira pas affronter l’adversité (Jean 16.33 ; 2 Cor 4.1).

3.  Un métier qui appelle à la dépendance en Dieu

 Dans l’Évangile de Matthieu (6.19-34), Jésus aborde la question des richesses matérielles et des besoins physiologiques de l’homme. Il présente de manière très claire la relation qui existe entre les richesses matérielles, les besoins physiologiques et l’avenir céleste du chrétien. Rien ne sert de s’inquiéter pour son avenir, Dieu tient tout dans sa main : ce que nous allons manger, ce que nous boirons, ce que sera notre santé, de quoi nous serons vêtus, la durée de notre vie ici-bas, etc. Il nous demande, au contraire, de nous affectionner en premier aux choses célestes, à savoir le royaume et la justice de Dieu. En retour, Dieu pourvoira à nos besoins. À ce titre, le vendeur chrétien doit constamment se rappeler que Dieu est son gagne-pain, pas le client. Bien que sa fonction dans son entreprise contribue à faire vivre les personnes qui y travaillent et leurs familles, il ne doit pas oublier non plus qu’il n’exerce ce travail que pour un temps et qu’il ne jouira pas toujours des richesses matérielles que Dieu lui accorde. Le jour viendra où toutes les richesses matérielles lui seront retirées ; il ne lui restera, alors, que les richesses célestes : celles produites par la glorification de Jésus dans son travail.

« Ne vous inquiétez donc pas du lendemain, car le lendemain aura soin de lui-même. À chaque jour suffit sa peine. » (Mat 6.34)


Pour commencer, une petite question de connaissance biblique : quel est le premier commandement que Dieu a donné à son peuple après lui avoir fait passer la mer des Roseaux ?

Il se trouve en Exode 16. Un mois et demi après leur libération, les Israélites se plaignent (déjà !) d’être sortis d’Égypte où « ils n’avaient qu’à tendre le bras pour se rassasier de viande et de pain » et accusent Aaron et Moïse de vouloir les faire mourir au désert. On connaît la suite : Dieu envoie tellement de cailles qu’ils en seront dégoûtés, et commence sa livraison quotidienne de manne – qui durera 40 ans !

C’est en lien avec ce « pain du ciel » qu’arrive le premier commandement de Dieu à son peuple sorti d’Égypte. Tous les matins pendant cinq jours, les Israélites quitteront leur campement pour recueillir la manne, et le sixième ils en ont récolteront une double portion. Étonnés par cette abondante moisson, les chefs reçoivent par Moïse l’ordre de Dieu de se préparer à ne pratiquer aucun travail le lendemain – ni ramassage, ni cuisine – car ce jour sera le sabbat consacré à Yhwh (l’Éternel). Le lendemain, on ne trouvera plus de manne à récolter, et celle préparée la veille n’aura pas connu l’avarie.

1.  Stop !

 Le premier commandement de Dieu à son peuple… c’est de s’arrêter, de se reposer un jour par semaine (Ex 16.23). Mais comment manger, si on ne travaille pas pour se nourrir ? N’est-ce pas un manque de sagesse, une preuve d’irresponsabilité que de cesser ainsi son activité ?

Dieu anticipe cette résistance en pourvoyant à l’avance aux besoins des Israélites : le sixième jour, il leur donnera le double. Ils pourront donc s’arrêter de travailler, tout en ayant de quoi subvenir à leurs besoins. On découvre ainsi que c’est bien Dieu l’inventeur des congés payés !

Il est frappant que le premier commandement de Dieu concerne le travail des humains, leur activité pratique et quotidienne. Et c’est par une approche toute pratique que Dieu institue le sabbat : six jours de manne, un jour sans et une double portion au sixième jour pour le septième1.

Dieu met ainsi lui-même une limite au travail de l’homme et lui enseigne la confiance. Car on l’oublie peut-être, mais il faut une certaine confiance pour s’arrêter de travailler et croire que nous aurons suffisamment pour vivre le temps de notre inactivité, croire que nous pourrons reprendre normalement notre activité après l’avoir laissée. Cet arrêt oblige l’homme et la femme à se remettre eux-mêmes entre les mains de Dieu, ainsi que leur activité : qui dit que le retard pris ne gâchera pas tout le travail accompli ? qui dit que la place laissée vacante ne sera pas occupée par quelqu’un d’autre ?… S’arrêter, c’est faire confiance que Dieu pourvoit.

2.  Dieu en congé

 Est-ce à cause des circonstances seulement que le sabbat est la première institution de Dieu après la sortie d’Égypte ? La place donnée au congé du 7e jour par la suite prouve le contraire. En effet, l’ordre de respecter le sabbat est d’une grande importance dans l’A.T. Aucun autre commandement du Décalogue n’est autant développé que celui-là : 4 versets sur 14 en Exode 20, et 4 sur 15 en Deutéronome 5.

La Bible ne donne quasiment aucune instruction concernant le contenu du sabbat. Cela peut paraître étrange, car c’est sans doute par cela que nous aurions commencé (se réunir, adorer Dieu, manger ensemble, etc.). Mais si aucun détail ne nous est donné, c’est parce que l’essentiel est ailleurs : la fonction principale du sabbat n’est pas de rendre un culte à Dieu, mais bien de s’arrêter ! Et pour comprendre le sens profond de cet « arrêt obligatoire », il faut regarder les raisons que la Bible donne à l’institution du sabbat.

En Exode 20.8-11, le motif donné au respect du sabbat est l’imitation de Dieu. Le quatrième commandement trouve sa justification dans la cessation divine au septième jour de la création : comme Yhwh s’est reposé (Gn 2.1-4), de même son peuple et ce qui lui appartient ne doivent faire aucun travail. Mais comment comprendre ce « repos » de celui qui « ne sommeille ni ne dort » (Ps 121.4) ? Un petit retour aux premiers chapitres de la Bible s’impose.

En Genèse 2.2-3, l’activité de Dieu le septième jour nous est décrite avec le verbe shavat – d’où dérivera le terme sabbat. Le sens premier de ce verbe n’est ni se reposer, ni célébrer le sabbat. Le plus généralement, il signifie cesser, mettre un terme à, faire cesser, achever avec les nuances que le processus qui se termine dure depuis un certain temps et que sa cessation possède un caractère conclusif, définitif.

L’interprétation la plus sobre de shavat dans le contexte de Genèse 1.1-2.4 est celle de l’achèvement, de la cessation, plutôt que du repos. En effet, le septième jour arrive au terme de l’œuvre de création et, comme le souligne l’usage répété du verbe achever en Genèse 2.1-2, le propos de Genèse 2.2-3 est avant tout la conclusion de la semaine créatrice. Étymologiquement, le sabbat renvoie donc à un temps de cessation des activités (Ex 16.30) plutôt qu’à un temps de célébration ou un temps de repos.

Pour Augustin d’Hippone2, le fait que le septième jour n’ait ni soir ni matin signifie qu’il dure encore aujourd’hui. L’activité de ce jour « ouvert » renverrait donc à l’achèvement de la création, achèvement qui permet à l’histoire humaine d’exister dans un cadre stable, à l’abri des bouleversements causés par les actes créationnels. Cela ne signifie pas que Dieu soit absent du monde ou inactif après le sixième jour, mais, comme le dit Calvin dans son Commentaire sur la Genèse : « Dieu a cessé toute œuvre parce qu’il n’a plus créé d’espèces nouvelles. »3 En d’autres mots, Dieu travaille pendant six jours puis s’arrête pour laisser à l’homme – son image sur terre – la place de travailler. Mais, en tant qu’image, l’homme se doit lui aussi de s’arrêter.

Le texte de Genèse 2 ne contient aucune institution du sabbat comme une obligation pour les humains. Il faut attendre Exode 16 pour que le sabbat devienne un commandement. C’est ce que Dieu révèle à son peuple en Exode 20. En se référant au septième jour de Genèse 2.1-4, Exode 20 présente donc le repos à la fois comme but et accomplissement du travail.

3.  Libérés pour appartenir

 Quelques chapitres plus loin, en Exode 31.12-17, en guise de conclusion de ses instructions concernant la construction du tabernacle, Dieu rappelle le quatrième commandement et lui confère une nouvelle fonction : le respect du sabbat sera le signe de l’alliance perpétuelle entre Dieu et son peuple, un témoignage que c’est bien lui qui sanctifie Israël.

En plus de leur corps marqué par la circoncision, signe de l’alliance abrahamique, les membres du peuple devront « couper » dans leur temps pour marquer leur appartenance à Dieu.

Pour en souligner l’importance, Dieu assortit son ordonnance d’une clause très sévère : le contrevenant qui travaillera le jour du sabbat sera exclu du peuple et puni de mort. Le sabbat comme signe de l’alliance mosaïque sera souvent rappelé par les prophètes (És 56.2-7 ; 58.13-14 ; Éz 20.12,20). En Exode 31, le fondement du sabbat demeure identique à celui invoqué en Exode 20 : c’est le repos divin au septième jour qui lui donne son sens.

En Deutéronome 5, Moïse rappelle à la génération suivante, avant son entrée en Canaan, les Dix commandements. Ce texte jette encore un autre éclairage sur l’institution du sabbat. En effet, la raison invoquée pour le repos des membres du peuple et de tous les êtres qui dépendent d’eux, en particulier les esclaves, n’est plus l’imitation de Dieu qui s’est reposé le septième jour, mais le souvenir de l’esclavage égyptien et de la libération que Dieu a opérée en leur faveur. L’ancien statut d’Israël doit l’appeler à la bienveillance envers ses propres esclaves en leur offrant le même jour de repos que lui. Cette insistance sur l’aspect de justice sociale du sabbat est sensible au v. 14 où Dieu ordonne le repos de tous les humains, celui de l’esclave comme celui de l’homme libre. 4

4.  Le sabbat et moi

 Lorsqu’on parle du travail et de ses limites, il est beau de voir que Dieu nous donne l’exemple : il est le premier à s’arrêter. Pourquoi le fait-il ? Pas parce qu’il aurait besoin de récupérer, mais pour que nous puissions agir à notre tour.

De son côté, Dieu nous ordonne de nous arrêter. Il en fait même un signe de son alliance avec son peuple dont la violation est punie de mort ! Quelle sévérité ! Cela peut paraître extrêmement lourd de devoir se soumettre à un tel commandement, mais rappelons-nous sa teneur : cette loi oblige à arrêter le travail, à ne pas agir… pour laisser Dieu agir.

Le but du sabbat n’est pas d’enfermer l’homme, mais plutôt de le libérer, de l’empêcher de devenir esclave de son travail, de lui permettre de vivre sa liberté. C’est un beau signe d’alliance entre Dieu et son peuple : un signe de confiance et de liberté.

Le but du sabbat n’est pas de passer d’une activité séculière à une activité religieuse, de se lever à 5 heures du matin pour aller à la synagogue au lieu d’aller aux champs.

Le but du sabbat, c’est de s’arrêter pour trois raisons :

S’arrêter pour Dieu

S’arrêter ne signifie pas ne rien faire, ni simplement se reposer. Mais plutôt stopper son activité quotidienne, nécessaire, pour laisser de la place pour autre chose. Cette place ouverte, c’est bien sûr à Dieu que nous sommes invités à l’offrir !

S’arrêter pour moi

– Pour profiter de la liberté : le travail n’est pas tout, je ne suis pas esclave de mon travail (comme en Égypte), un jour sur sept je m’arrête pour rappeler que je suis libre parce que Dieu m’a libéré.

– Pour faire confiance à Dieu : arrêter son travail, c’est mettre une limite à mon activité, dire « tout ne dépend pas de moi », c’est faire confiance à Dieu qu’il pourvoira pour le septième jour.

– Pour rappeler l’alliance de Dieu avec son peuple : Dieu m’a libéré pour appartenir à son peuple, et il est bon d’arrêter mes activités propres pour vivre cette réalité du peuple de Dieu et rappeler l’alliance qu’il a faite avec nous.

S’arrêter pour l’autre

Ce que je m’impose à moi, je l’impose aussi à l’autre. Dans les deux sens ! Quel impact ma façon de vivre a-t-elle sur les autres ? Est-ce que, à cause de moi et de mes exigences, d’autres se retrouvent en « esclavage » ? Déjà dans ma propre famille, à mon travail, à l’Église, comment puis-je « libérer » ceux qui m’entourent ? Et au niveau de la société, suis-je sensible aux conditions de travail imposées aux plus faibles, aux esclaves de notre temps ?5

Le sabbat aujourd’hui ?

Comment mettre le sabbat en pratique aujourd’hui ? Devons-nous cesser toute activité le septième jour (ou le premier !) sous peine de mort ou d’exclusion ?

Paul nous explique : « Que personne donc ne vous juge au sujet du manger ou du boire, ou à propos d’une fête, d’un nouveau mois ou du sabbat: tout cela n’était que l’ombre des choses à venir, mais la réalité est en Christ. » (Col 2.16-17)

Christ, le Maître du sabbat (Marc 2.28), a parfaitement accompli le sabbat pour nous. Nous ne péchons pas en travaillant le samedi ou le dimanche. Mais la sagesse présente dans la loi de Dieu est toujours valable aujourd’hui : n’avons-nous pas nous aussi besoin de détrôner l’idole « travail », « activité » ? N’avons-nous pas aussi besoin de « couper » dans notre temps pour grandir dans notre dépendance du Dieu qui pourvoit ?

Arrêtons-nous, et laissons une place à Dieu, dans nos journées et dans nos semaines, pour vivre – en particulier – la bénédiction de la vie communautaire (Hé 10.25) !

Libération, confiance, repos : battons-nous pour les vivre et permettre à d’autres de les vivre6 !

1 On retrouve cette même logique de Dieu nourrissant son peuple en Lévitique 25 et Deutéronome 15, lors de l’institution de l’année sabbatique et du jubilé : Dieu pourvoira avec une double portion au sixième temps pour que le septième puisse être chômé.
2 Augustin d’Hippone, Confessions, livre 13, ch. 36 (51).
3 Jean Calvin, Commentaire sur la Genèse, Labor et Fides, p. 42.
4 Cette dimension rédemptrice du sabbat est également présente en Lévitique 25 et Deutéronome 15 dans les instructions concernant l’année sabbatique et le jubilé, périodes de libération des dettes, des esclaves, comme de la terre.
5 La terre n’a jamais compté autant d’esclaves (au sens strict) qu’aujourd’hui ! L’ONG Made in a Free World propose de calculer l’« empreinte esclavagiste » de chacun : combien de personnes sont-elles contraintes à l’esclavage pour maintenir mon niveau de vie ? http://slaveryfootprint.org (en anglais, trad. automatique en français)
6 Pour poursuivre la réflexion sur le sujet du repos, une série de quatre vidéos de 15 minutes ainsi que des fiches d’animation pour groupes de partage sont gratuitement disponibles sur www.frecollege.ch > groupes de maisons

Écrit par


À l’époque biblique, les relations professionnelles admettent le principe de l’esclavage1. Nous tirerons une réflexion biblique sur la base du texte principal2 d’Éphésiens 6.5-9, employant les termes modernes de « patron » et « employé » pour en faciliter une application immédiate dans l’esprit du lecteur.

1. Égalité spirituelle au sein des différences sociales

1.1. Une nouvelle perspective dans les relations familiales

Le texte d’Éphésiens 6.5-9 et son corollaire en Colossiens 3.18-25 pensent la relation entre patrons et employés dans le cadre des relations familiales, après la relation conjugale (5.22-33) puis parentale (6.1-4). Rien d’étonnant à cela puisque le personnel de maison vivait alors sous le même toit que ses maîtres, ce qui faisait de lui un membre (de seconde classe) de la famille3 pendant le temps de son service (cette pratique existe encore dans certaines régions d’Amérique du Sud, par exemple, où « l’employé de maison » vit dans un petit studio de la demeure et participe comme invité aux grandes occasions familiales).

Le principe qui dirige toute relation familiale saine est celui d’une soumission mutuelle de personnes elles-mêmes soumises à Christ (Éph 5.21 ; 1 Pi 5.1-6). Paul explique ainsi aux épouses le principe de leur soumission (5.22-244), puis aux enfants, entités privées du droit d’opinion (6 .1-35), enfin, en troisième position, aux esclaves (6.5-9). Sans tomber dans une lecture révolutionnaire de l’Évangile, Paul revalorise ces trois entités familiales socialement déconsidérées à la lumière de l’Évangile, pour lequel l’aspect « mutuel » des rapports fait loi. Il enrichit ainsi le devoir de soumission6 d’un devoir de réciprocité.

Ouvrant un droit d’accès égal à la nouvelle alliance, il montre aussi que la nouvelle communauté de la foi ne fait acception de personne, puisque, d’un point de vue strictement spirituel, tous sont un en Christ (Gal 3.28s ; Éph 6.9 ; Col 3.11).

1.2. Limites de l’autorité et de l’obéissance

Le maître est maître « selon la chair » (Éph 6.5 ; Col 3.22). Cela semble évident, pourquoi le mentionner ? Lorsqu’une évidence est exprimée, elle lance souvent un message implicite, en l’occurrence celui-ci : le maître selon la chair n’est pas le Maître selon l’Esprit. Que le patron ne le soit que d’un point de vue terrestre implique au moins deux choses :

a) C’est l’affirmation d’une limite : l’autorité ne peut outrepasser son champ d’action terrestre. Façon de dire que le patron n’est pas un directeur de conscience (Mat 23.10). Son autorité investit uniquement le domaine temporel ; il n’a pas à dicter à son employé des convictions ou des comportements d’ordre spirituel. Ce qui, nous le verrons plus bas, le soumet, lui aussi, à la loi spirituelle d’amour du prochain.

b) C’est aussi l’expression d’une consolation : Paul relève l’âme affligée par le mépris de sa condition ou par un maître despote, comme lui disant : « Ne gémis pas de te voir au-dessous de la femme et des enfants : ta servitude est purement nominale : la domination à laquelle tu es soumis est une domination selon la chair, éphémère, de courte durée, comme tout ce qui est charnel7 ». Jésus-Christ lui-même a conseillé à tout homme de ne pas laisser influencer son comportement par ce genre de menaces, mais plutôt par Dieu dont la puissance d’action est infiniment supérieure (Mat 10.28).

1.3. Une nouvelle perspective

Si le patron l’est « seulement » selon la chair, il n’en demeure pas moins patron, c.-à-d. une autorité supérieure et incontestable. « Maître » traduit notre fameux kurios, aussi rendu par « Seigneur » (qui a droit de vie et de mort). Un employé nouvellement converti pouvait en effet succomber à la tentation de mépriser son patron terrestre sous prétexte d’en avoir un supérieur au ciel. Quelle perspective étrange, en effet : un employé chrétien éventuellement méprisé ira au ciel tandis que son patron païen demeure sous la colère de Dieu !

Paul est clair : il ne sera toléré aucune impertinence non justifiée sous prétexte de supériorité spirituelle. Être affranchi du péché n’affranchit pas des obligations sur terre (1 Cor 7.20-24)… au contraire (Éph 6.6-7) ! L’Évangile renverse la perspective : l’employé chrétien est d’autant plus l’obligé de son supérieur qu’il engage désormais la réputation du christianisme. D’après 1 Timothée 6.1, il doit agir comme si son patron était digne de tous les honneurs avec, en vue, la défense de l’honneur de Dieu et de l’Évangile8.

Et si le patron est injuste ou insupportable ? L’apôtre Pierre confirme la position de Paul, et cela, que le patron soit, par ses attitudes et son comportement, digne ou non de respect9 (1 Pi 2.18, dans les limites des abus dénoncés ailleurs par la Bible) ! L’employé ne peut donc pas justifier sa négligence ou ses plaintes sous le prétexte de subir le mauvais caractère de son patron. Il doit diriger son regard plus haut. Paul va en montrer la direction.

2. Conduite de l’employé vis-à-vis de son patron

2.1. Une activité qui ressemble à de la vénération

L’activité principale de l’employé qui le définit en tant que tel, au-delà de son profil de poste et des objectifs du mois, c’est l’obéissance.

Dans les versets 7 à 9, Paul encourage l’employé à suivre le modèle de sa soumission au Seigneur (idée reprise en Col 3.22). Balayons un malentendu : Paul ne dit pas que le maître terrestre vaut notre Maître céleste. Il ne s’agit pas de vénérer un pécheur. La figure de style employée est une comparaison (« comme au Christ », v. 5 ; « comme des esclaves de Christ », v. 6 ; « comme des esclaves du Seigneur », v. 7). L’accent est mis non sur la personnalité objective du patron, mais sur le zèle subjectif de l’employé. Et ce zèle ne doit ni plus ni moins s’inspirer du zèle chrétien envers le Seigneur !

2.2. Une attitude proche de la sainteté

• L’employé doit obéir « avec crainte et tremblement » : non avec terreur, mais en prenant la chose au plus haut degré de sérieux, du même sérieux avec lequel le chrétien met en œuvre son salut (Phil 2.12) ;

• L’employé doit obéir « dans la simplicité de [son] cœur » : la simplicité écarte la duplicité. L’employé se dévoue à sa tâche avec une sincérité innocente, dénuée de tout calcul (en 2 Cor 11.3, le terme est appliqué à la dévotion innocente dans le jardin d’Éden) ;

• L’employé doit obéir « non pas seulement sous leurs yeux, comme pour plaire aux hommes » (v. 6) : l’employé n’avait comme seule motivation que de plaire à celui qui détenait le terrible pouvoir de la punition afin d’en éviter la douleur. Paul détourne son regard de cet objectif : l’employé doit faire preuve d’un zèle désintéressé, même en l’absence du patron. Peut-être pourrions-nous ajouter qu’il ne travaille pas dans l’unique but d’obtenir une promotion (v. 6) ;

• L’employé doit obéir « de bon gré » : sans se plaindre, avec bonne volonté (v. 7), comme c’est le cas (ou devrait être le cas !) dans l’obéissance au Seigneur. L’équivalent spirituel de la comparaison se trouve en Philippiens 2.14 et éclaire ce point : « Faites toutes choses sans murmures et sans hésitations », où « le terme grec hésitations est souvent traduit par raisonnement(s) (Marc 7.21 ; Rom 1.21 ; 1 Cor 3.20), doutes (Luc 24.38s), ou opinions (Rom 14.1)10 ». L’employé, de même qu’il ne discute pas ou ne met pas en doute les ordres de son Seigneur céleste, ne contredit pas les ordres de son patron terrestre par des raisonnements stériles de mauvaise foi : « Exhorte les serviteurs à être soumis à leurs maîtres, à leur plaire en toutes choses, à n’être point contredisants. » (Tite 2.9)

Si le contexte a changé, la règle de conduite paulinienne conserve toute sa pertinence, car des tendances bien humaines demeurent aujourd’hui : celle d’en « faire le minimum » ou d’attendre que quelqu’un nous voie pour nous mettre à la tâche, ou encore d’être uniquement motivé par une promotion ou un bénéfice quelconque, etc. Ces principes, donnés par Paul et inspirés de Dieu, nous invitent à être attentifs encore aujourd’hui.

2.3. Une motivation renversée

Paul ne fournit pas seulement des règles de conduite. Après avoir pointé en modèle la référence absolue de l’obéissance, il en dévoile maintenant la motivation tout aussi céleste. La Bible n’a aucun malaise à parler d’intérêt. Elle le dirige simplement, sans tabou, vers le bon objet. Si récompense il doit y avoir, qu’elle vienne d’en haut : « […] sachant que chacun, soit esclave, soit libre, recevra du Seigneur selon ce qu’il aura fait de bien » (v. 8).

Paul applique au monde professionnel la règle générale adressée aux Corinthiens, selon laquelle chacun recevra « selon le bien ou le mal qu’il aura fait » (2 Cor 5.10 ; Ps 62.12 ; Ecc 12.14), à la (grande) différence que Paul ne retient là que le bien accompli et non le mal. C’est le signe clair qu’il ne s’agit pas ici d’avertir, mais de réconforter : l’employé zélé et diligent, s’il applique la conduite conseillée par Paul, ne doit pas se décourager si son patron n’apprécie pas la valeur de son travail à sa juste mesure. Le Maître au-dessus de tout maître et « qui voit dans le secret » (Mat 6.4,6,18) le récompensera en son temps.

3. Conduite du patron vis-à-vis de son employé

3.1. Faites de même !

Le verset 9 déroule le même schéma tripartite que celui de l’exhortation envers les employés : une activité, une attitude et une motivation.

« Et vous, maîtres, agissez de même à leur égard, et abstenez-vous de menaces.» (v. 9) Après avoir exhorté l’esclave à se soumettre sans faille à ses devoirs d’esclave en faveur du patron, Paul se tourne vers les maîtres pour leur dire une chose incroyable : « Faites de même » ! Autrement dit : « Patrons, soumettez-vous sans faille à vos devoirs de patrons pour le bien de votre employé. » Ou encore : « Vos employés vous servent, vous devez aussi les11 servir.  »

3.2. Éradication de l’arme typique du patron

L’interdiction de « menaces » ne concerne pas un usage vague et général. L’usage de l’article défini (litt. : « la menace12 ») spécifie l’interdiction. Tandis que la punition (qui n’est pas interdite par Paul) agit sur la base d’un fait établi, la menace effraie alors que le mal n’a pas été fait. La menace était si ancrée dans l’ADN du maître que celui-ci l’employait systématiquement, quasi inconsciemment. C’est ainsi qu’il pensait « motiver » son employé à obéir rapidement. Désormais, sous le règne de la grâce, toute motivation prend racine au ciel. De plus, le patron chrétien est, lui aussi, un obligé de Dieu, destiné à refléter le caractère de son Maître. Or, Dieu, s’il éduque parfois par la discipline (Héb 12.5-10) ou par les avertissements préventifs (Héb 4.1-13 ; 2 Pi 1.13 ; 3.1,17), n’use jamais d’intimidations manipulatrices envers son enfant.

3.3. Réciprocité des devoirs

Pourquoi abandonner la menace, abusive ? Parce qu’un juge impartial observe (v. 9). Paul, énonçant et le devoir d’abandonner la menace et la motivation pour le faire, pensait probablement à cette loi de Lévitique 25.43 qui énonce de même devoir et motivation du maître : « Tu ne domineras point sur [ton esclave] avec dureté, et tu craindras ton Dieu. »

Paul rappelle régulièrement à ses lecteurs le principe de Deutéronome 10.17 de l’impartialité de Dieu (Rom 2.11 ; Gal 2.6 ; Col 3.25), comme pour imposer un garde-fou à celui qui, détenant un pouvoir que sa faiblesse humaine maîtrise peu, serait tenté d’en faire un usage exacerbé. Aux Colossiens, il reformulera ainsi 1) ce frein à la tentation de la démesure, 2) le principe de réciprocité, et 3) la motivation céleste : « Maîtres, [1] accordez à vos serviteurs ce qui est juste et équitable, [2] sachant que vous aussi [3] vous avez un maître dans le ciel. » (Col 4.1) Quelques brèves leçons pour nous :

• Patrons et employés sont également responsables devant un même maître. Paul applique le principe qui traverse tout le passage (5.21 à 6.9) : une soumission mutuelle éphémère et terrestre, incarnant une soumission éternelle et spirituelle au Christ (5.21), qui est l’autorité suprême ;

• Paul freine la tendance naturelle du patron à traiter durement son personnel. Même si l’employé doit injustement perdre un procès contre son patron, le juge suprême ne laissera rien passer ;

• Dieu n’est pas fasciné par la chevalière en or ou les fonctions de haut rang du patron, comme il ne rejette pas la condition du plus indigent des ouvriers. Les distinctions si tenaces ici-bas n’ont pas cours en regard des lois célestes (Gal 3.28). Que tout homme bénéficiant d’une position supérieure ne considère pas cette supériorité comme une valeur absolue. Au ciel, chacun partagera la même table du Seigneur… et l’employé pourrait briller plus que son patron « selon la chair ».

Synthèse : enjeux et bénéfices d’un esprit chrétien au travail

Toute relation familiale saine prend racine dans une soumission mutuelle dans la crainte de Christ (5.21) : vie de couple (5.22-33), vie familiale (6.1-4) ou vie professionnelle (6.5-9). L’esprit dans lequel patrons ou employés convertis agissent est un esprit saint (sans jeu de mots). Employé, je ne trouve pas ma motivation au travail dans la personnalité du patron ; si je suis un patron, ce n’est pas l’attitude ou le comportement de mon employé qui inspire l’esprit de mes actions. Si, en surface, je travaille pour un homme ou pour mon entreprise, je travaille en réalité pour honorer le patron des patrons par une attitude qui doit manifestement sortir de l’ordinaire.

Paul ne lésine pas sur la sévérité de son exhortation à une obéissance quasi pieuse envers le patron. Mais (1) l’enjeu en vaut la peine : tout d’abord l’honneur de Christ. Se plaindre, voire se révolter, c’est mettre dans la bouche du Maître des paroles que celui-ci n’a jamais cautionnées ; et (2) Paul exhorte l’employé, mais notez qu’il ne juge jamais l’homme : il connaît le contexte difficile et souvent injuste de sa condition. Comment ne pas être tenté par l’indolence, les plaintes et la négligence envers ses devoirs quand on est constamment dégradé, méprisé, châtié et susceptible, à n’importe quel moment, d’être échangé sur la place du marché ? Il était acquis, à l’époque, que l’esclave s’était forgé une mauvaise réputation, bien malgré lui, à cause de la dureté de sa condition. Plusieurs auteurs de l’Antiquité, notamment Sénèque, s’insurgent que l’on puisse considérer les domestiques comme un fardeau : « Nous ne les avons pas pour ennemis, nous les faisons tels. »

Si la stratégie évangélique est bien la transformation des cœurs, il s’avère que des conséquences plus subtiles touchent jusqu’au terrain de l’injustice sociale et que la soumission peut être une arme efficace. Dans une lettre plus personnelle (à Philémon), Paul ne cache pas sa pensée vis-à-vis de l’esclavage : il exhorte pacifiquement son ami à affranchir son esclave au nom de Christ. Rappelons cette victoire à la fois discrète et extraordinaire : les fruits de cette tactique non violente seront progressivement récoltés, jusqu’à éradiquer l’esclavagisme de tout l13’Empire.

Obéissance rigoureuse, zèle désintéressé, soumission et devoirs réciproques… autant d’exhortations difficiles à entendre dans une société absorbée par l’adoration récente du dieu des loisirs. Qui sait si ce ne sont pas justement cette rigueur et ce dévouement professionnel d’hommes et de femmes transformés par l’Évangile, au comportement si éloigné de la mentalité présente, qui rendront perplexes nos semblables et les ouvriront à l’Évangile de la grâce ?

1 Loin de l’image véhiculée par les négriers du XVIIe s., il était courant de proposer ses « services » de la sorte, y compris chez des médecins ou des avocats. Cf. « La Bible condamne-t-elle l’esclavage ? » sur le site de GotQuestions. URL : http://www.gotquestions.org/Francais/Bible-esclavage.html> (consulté le 6.2.15). Voir aussi l’excellente série d’études de David Shutes, « La Bible et l’esclavage », sur le site d’Un poisson dans le net. URL : (consulté le 6.2.15).
2 Des textes secondaires seront ici ou là évoqués pour compléter nos propos : 1 Cor 7.20-24 ; 1 Tim 6.1 ; Col 3.22 ; Tite 2.9 ; 1 Pi 2.18.
3 Les termes grecs « oikos » et « oikeios », rendus par « maison, maisonnée, domestiques, famille », désignent métonymiquement l’ensemble des habitants de la maison, parents et domestiques inclus (Mat 9.6 ; Éph 2.19 ; Gal 6.10 ; 1 Tim 3.4, etc.).
4 Remarquons, en marge, qu’il faudra attendre 1965, en France, avant qu’une femme puisse ouvrir un compte bancaire sans la permission de son mari.
5 Le latin privatif in-fans signifie : « non-parlant », c.-à-d. : « Celui qui n’a pas accès au langage », soit par le fait d’une structuration interne encore balbutiante, soit parce que la société estime inintéressant de lui accorder un droit d’opinion.
6 L’injonction grecque de soumission (Jac 4.7) était utilisée par l’officier à ses soldats, et pourrait se paraphraser ainsi : « Sur une seule ligne : je ne veux voir aucune tête dépasser ! » L’égalité des soumis semble incluse dans la notion de soumission. Si, dans l’ordre rédemptionnel, personne ne peut se prévaloir d’un droit plus élevé que celui d’un autre, cela laisse entendre, symétriquement, qu’aucun membre du royaume, le plus petit soit-il, n’est laissé pour compte (Matt 25.40 ; Luc 7.27s. ; 22.26).
7 Jean Chrysostome (IVe s. apr. J.-C.), Œuvres complètes, trad. M. Jeannin. Vol. X, p. 435-570.
8 « Que tous ceux qui sont sous le joug de l’esclavage regardent leurs maîtres comme dignes de tout honneur, afin que le nom de Dieu et la doctrine ne soient pas calomniés [blasphémés]. » (1 Tim 6.1)
9 « Serviteurs, soyez soumis en toute crainte à vos maîtres, non seulement à ceux qui sont bons et doux, mais aussi à ceux qui sont d’un caractère difficile. » (1 Pi 2.18)
10 Nouvelle Bible Segond, note de traduction.
11 Cf. Jean Chrysostome, op. cit. : « Servez-les avec zèle. […] Le maître est lui-même un serviteur ».
12 Il faut distinguer la menace (apeilê) d’un discours d’avertissement (utilisé par Jésus, embrimaomai, Mat 9.30, bien malheureusement traduit par menacer ; une meilleure traduction est celle de faire une recommandation sévère). Dans ces cinq occurrences (Act 4.17, 29 ; 9.1 ; Éph. 6.8 ; 1 Pi. 2.23), la menace (apeilê) caractérise une pratique charnelle combattant la foi et l’Église. Jésus a toujours évité la menace, même lorsqu’il était durement éprouvé (1 Pi 2.23).
13 « Tandis que la force ouverte et des principes cachés de décadence attaquent et minent à la fois ce grand corps [l’Empire romain], une religion humble et pure jette sans effort des racines dans l’esprit des hommes, croît au milieu du silence et de l’obscurité, tire de l’opposition une nouvelle vigueur, et arbore enfin sur les ruines du Capitole la bannière triomphante de la croix. » Edward Gibbon (1776), Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain, vol. 3, chap. XV, Paris : Lefèvre, 1819, p. 1.

 


Lorsque Dieu nous appelle1 à lui, il désire nous accompagner dans tous les domaines de notre vie. Cela inclut, d’une part, notre relation au travail (quel travail ? combien travailler ?) et, d’autre part, notre relation au revenu ou salaire (de combien d’argent ai-je besoin ? comment gérer mes revenus ?). Ces deux éléments représentent deux aspects distincts de notre relation à Dieu : le premier reflète notre obéissance à Dieu, alors que le second est lié à notre confiance en lui. Ils s’influencent néanmoins fortement l’un l’autre : notre conception de ce qu’est un « revenu correct » peut, par exemple, nous empêcher d’entrer dans certains appels spécifiques de Dieu. Dans cet article, nous nous intéressons aux interactions entre ces deux aspects de notre vie spirituelle.

La Bible, la vocation et le revenu

Alors que la littérature chrétienne sur l’argent et la fortune abonde, la question du revenu est souvent abordée uniquement comme conséquence d’une vocation particulière. On attend du pasteur ou du missionnaire qu’il renonce à un haut revenu pour s’adonner à sa vocation et qu’il n’abuse pas des dons reçus.

Pour les autres personnes, la question du revenu est souvent implicite. Il va de soi, pour beaucoup, que notre vocation est de trouver un travail qui paie suffisamment bien pour subvenir aux besoins de notre ménage.

Cette vision de la vocation a généralement deux conséquences.

Premièrement, la « vocation » est réduite à l’enjeu de trouver, à tout prix, un emploi pour gagner notre vie. Notre contribution au royaume de Dieu au travers de nos dons et talents doit alors se faire dans des activités secondaires et bénévoles.

Deuxièmement, cette approche est souvent utilisée pour légitimer nos hauts revenus, nos décisions éthiquement discutables, ainsi que la poursuite de nos ambitions et envies personnelles au détriment d’une recherche sincère de la volonté de Dieu pour notre vie.

Il en résulte que, ni la vocation, ni le revenu ne sont intégrés explicitement à notre vie de foi, mais sont subordonnés au souci de notre bien-être. Or bibliquement, il semble que notre relation au travail et notre relation au revenu représentent deux fondements distincts de la spiritualité de tout chrétien – la première nous défiant au niveau de notre obéissance à Dieu et la seconde au niveau de notre confiance en lui.

Dans le jardin d’Éden, les bénédictions matérielles ne sont pas la conséquence de l’appel adressé à Adam et Ève de prendre soin de la création, mais découlent de la richesse abondante du jardin. Et si la chute conditionne la riche providence de la terre à un dur labeur (Gen 3), la terre promise restaure, dans une certaine mesure, l’abondance gratuite du jardin d’Éden. Canaan est « un pays où coulent le lait et le miel » (Ex 3.17). Aussi bien en Éden qu’en Canaan, la bénédiction ne dépend donc pas de notre vocation professionnelle, mais d’un appel bien plus large. Elle dépend de notre réponse obéissante à l’appel de Dieu à devenir son peuple. Le travail est maudit suite à la rupture de la relation avec Dieu, et non à cause d’une faute professionnelle. De même, Dieu bénit le pays promis avant même que les Israélites ne prouvent par leur labeur qu’ils méritent une telle bénédiction. Il ordonne d’ailleurs l’aberration économique de respecter un jour de repos sur sept et une année de repos sur sept (Ex 20 ; Lév 25) – ceci pour nous rappeler que c’est lui, et non notre propre force, qui assure notre revenu (Deut 8.17). Dieu nous demande certes de travailler (Pr 6.6-11 ; 10.4 ; 13.4 ; 2 Thes 3.10), mais c’est lui qui assure l’abondance du lait et du miel.

Bien que le N.T. ne promette plus lait et miel en abondance, l’obéissance à l’appel du Christ et la confiance en Dieu restent des thèmes centraux. D’une part, tout comme Israël (Deut 30.19), nous sommes forcés à faire un choix fondamental quant à la confiance. Nous ne pouvons servir deux maîtres. Nous devons donc choisir entre mettre notre confiance en celui qui prend soin de nous ou nous soucier de ce que nous mangerons (Luc 12.15-31 ; Jac 5). Ce choix concerne tout le monde, autant celui qui travaille dans l’église que celui qui œuvre dans le monde séculier. Dans la mesure où le grec ne fait pas de différence entre « croire en » et « faire confiance », notre manière de « faire confiance » à Dieu pour la nourriture est un témoignage visible de ce que nous croyons au sujet du Christ. Dans ce sens, bien qu’une perte de revenu représente une bonne occasion de réfléchir à notre vocation, elle peut, dans certains cas, être simplement un moyen pour développer notre confiance en Dieu. Loin d’être une pure question matérielle, la question du revenu est donc une composante centrale de notre relation avec Dieu.

D’autre part, l’obéissance est au centre du N.T.2 C’est en répondant à son appel que nous recevons une nouvelle identité, celle de citoyens du royaume de Dieu (És 43.1 ; 1 Tim 6.12). Cette nouvelle identité va radicalement transformer nos priorités. Ici aussi, aucune différence ne peut être faite entre celui qui travaille comme missionnaire ou pasteur et celui qui travaille dans le monde séculier. Nous sommes tous appelés à reconnaître Dieu comme le seul Seigneur et à discerner sa volonté concernant notre vie quotidienne. Dans tous nos choix de vie, y compris le travail et les loisirs, nous sommes appelés à chercher d’abord le royaume de Dieu et sa justice (Mat 6.33 ; cf. Jér 29.7 ; Éph 2.16). Ces choix sont un témoignage concret de notre volonté ou de notre résistance à suivre Dieu de manière obéissante et libre – tout comme le sacrifice du Christ était un acte d’obéissance librement choisie.

L’influence réciproque des conceptions de vocation et de revenu

Bien que distinctes, les questions de vocation et de revenu s’influencent néanmoins réciproquement. Une compréhension saine de la vocation comme un appel adressé à l’ensemble de la vie de chaque chrétien permet d’envisager des combinaisons créatives d’activités payées et non-payées. Celles-ci intègrent tous les aspects de nos vies, y compris le travail, la famille et l’engagement dans l’église et la société. Dieu peut, par exemple, appeler une personne à travailler à temps partiel dans un emploi bien rémunéré afin d’avoir beaucoup de temps non-payé pour s’investir dans l’église ou prendre soin de ses parents âgés. De même, au sein d’un couple, une personne peut avoir un emploi rémunéré afin que l’autre puisse développer un ministère parmi les jeunes du quartier. De telles « carrières » sont un défi dans la culture environnante. Dès lors, elles représentent un témoignage fort de notre vision différente du monde et de notre dépendance de ce Dieu qui promet de pourvoir à nos besoins.

De même, une compréhension saine de la manière dont Dieu désire prendre soin de ses enfants nous permet de répondre en toute liberté à l’appel de Dieu dans tous les domaines de notre vie. Elle nous offre la sérénité nécessaire pour accepter les implications de notre appel en lien avec le choix de notre travail et de notre temps libre ainsi qu’avec le type et la taille de notre revenu. À l’inverse, une fausse théologie du revenu peut nous empêcher de découvrir pleinement notre appel. Par exemple, une mauvaise compréhension de notre responsabilité personnelle à subvenir à nos besoins peut nous conduire à travailler dur pour faire carrière et ne pas être licenciés, nous empêchant ainsi de répondre à l’appel que Dieu réserve à l’ensemble de notre vie. Dans d’autres cas, une compréhension simpliste de Matthieu 6.24-32 peut conduire à la paresse ou nous faire manquer la pleine richesse des bénédictions que Dieu a pour nous dans les parties moins attrayantes ou plus exigeantes de notre appel.

En résumé, une compréhension saine et complète de la vocation et du revenu nous rapproche concrètement de ce Dieu qui nous appelle à une relation d’obéissance et de confiance dans tous les aspects de notre vie. De plus, vocation et revenu, respectivement obéissance et confiance, forment un cercle soit vertueux soit vicieux. Une bonne compréhension de notre appel nous détourne des tracas matériels et nous rend libres d’entrer encore davantage dans celui-ci. Inversement, une mauvaise compréhension de l’appel nous pousse à nous soucier davantage de nos revenus, nous empêchant ainsi de discerner pleinement l’appel de Dieu pour notre vie3.

En pratique

La distinction entre vocation et revenu implique premièrement que nous n’avons pas à trouver un revenu avant de discerner l’appel de Dieu pour notre vie. Au contraire, la question du revenu fait partie de notre vocation. Dieu étant bon et cohérent, son appel pour notre vie inclut, d’une manière ou d’une autre, de quoi subvenir à nos besoins. Le plus souvent, ce sera au travers d’une certaine quantité de travail rémunéré ; pour une minorité d’entre nous, pour un temps donné, ce pourrait être par des corbeaux… (1 Rois 17). Dans tous les cas, ces activités, rémunérées ou non, font partie de l’appel bienveillant et cohérent de Dieu pour l’ensemble de notre vie – un appel, premièrement, à être en relation avec lui, le servir et le glorifier 24 heures sur 24, aussi par notre travail et notre repos. Cela implique, pour ceux parmi nous qui sont appelés à une activité dont ils ne peuvent vivre, de découvrir les autres facettes de l’appel de Dieu. Cela implique également que considérer le travail salarié comme le seul moyen de pourvoir à nos besoins est un manque de foi en la bienveillance et la créativité de Dieu.

Deuxièmement, la séparation entre vocation et revenu supprime toute différence entre ceux qui travaillent dans le monde séculier et les pasteurs ou missionnaires. Nous devons tous entrer dans l’appel de Dieu pour l’ensemble de notre vie. Cet appel requiert l’obéissance complète au Christ et la confiance que Dieu pourvoit à nos besoins – parfois de manière surnaturelle et parfois d’une manière qui exige davantage d’efforts de notre part. Notre responsabilité est de cheminer avec Dieu et de régulièrement se mettre à l’écoute des directives de Dieu pour la suite de notre vie – une marche qui combinera probablement nos talents, notre contribution au royaume de Dieu et une manière spécifique de pourvoir à nos besoins à chaque étape. Dieu peut, en effet, nous appeler à tout âge à une nouvelle orientation qui peut impliquer la perte de l’apparente sécurité de notre travail et nous faire entrer dans de nouveaux bons projets.

Finalement, une saine théologie des relations à la vocation et au revenu nous interpelle quant aux différences de revenu entre ceux qui travaillent pour Christ dans le monde séculier et ceux qui travaillent directement pour l’église. Elle implique que ceux d’entre nous qui profitent de revenus réguliers (et souvent croissants) revoient leur « droit à gagner et à garder » le surplus de ce revenu pour eux-mêmes. Elle nous demande une discipline toute particulière pour développer notre confiance en Dieu et pour définir ce qu’est un style de vie juste dans un monde où nos prochains manquent souvent de l’essentiel. Dans sa cohérence, la vocation inclut également un appel à un certain style de vie – et pour la grande majorité d’entre nous, cela sera une vie sobre qui trouve son plaisir complet en Christ. La vocation concerne donc autant notre consommation, notre épargne et notre générosité que notre travail et notre revenu. Elle devrait permettre une redistribution abondante afin que chacun au sein de la communauté des croyants – et, dans une certaine mesure, au-delà de celle-ci – puisse vivre pleinement sa vocation et traverser les épreuves de la vie.

1 Vocation vient de la racine latine pour appeler.
2 Mat 4.19 ; 10.38 ; Marc 10.21 ; Jean 10.27 ; Rom 9.24-26 ; 1 Cor 1.2,9 ; Gal 5.13 ; 1 Thes 2.12 ; 1 Pi 2.21
3 Cette influence réciproque se retrouve dans Matthieu 6.19-34 : les versets 19-21 parlent de confiance, le verset 24 d’obéissance, les versets 25-32 de confiance, et le verset 33 termine avec l’obéissance confiante, préférable aux soucis du verset 34.

Écrit par


Le chômage est un phénomène relativement récent à l’échelle de l’humanité et une difficulté caractéristique des économies dites développées. Si la Bible parle d’un jour chômé ou non-travaillé chaque semaine, elle ne parle pas directement du phénomène du chômage tel que nous le vivons aujourd’hui. Par contre, elle traite de divers thèmes connexes comme la pauvreté, l’oisiveté et l’immigration économique.

1.  Le chômage : qu’est-ce que c’est ?

 Le chômage est l’état d’inactivité d’une personne souhaitant travailler. Ce concept est relativement moderne. Nous ne disposons pas de statistiques pour le mesurer dans l’Antiquité. Dès le XVIIIe siècle, en Grande-Bretagne, ce phénomène est thématisé et commence à être suivi. La division du travail engendrée par la révolution industrielle conduit un nombre sans précédent de personnes désireuses de travailler à se retrouver sans emploi.

Dans l’Égypte, la Grèce et la Rome Antique, pour lutter contre le phénomène de la pauvreté, on envoie les pauvres créer des colonies et travailler le sol pour se nourrir. Puis, au Moyen Âge, les riches et l’Église fondent des hospices où les pauvres sont reçus par charité. La Réforme protestante bouleverse cette conception : en effet la charité envers les pauvres n’est plus considérée comme un moyen de salut pour les riches. Dès lors, on distingue les pauvres méritants (ceux qui souhaitent travailler, mais ne le peuvent pas) et les pauvres non méritants (ceux qui ne veulent pas travailler). Enfin, lors de la révolution industrielle, la pauvreté prend une ampleur dramatique et au fil des ans, les États engagent des moyens toujours plus considérables pour lutter contre ce phénomène qui atteint un nouveau pic dans les années d’entre deux guerres (1930). Aujourd’hui, au sein de l’Union Européenne, on estime le nombre de chômeurs à près de 25 millions, soit un taux de chômage supérieur à 10%.

2.  Un jour chômé

 Après avoir créé les cieux et la terre en six jours, le texte biblique nous précise que « Dieu […] se reposa au septième jour de toute son œuvre qu’il avait faite. Dieu bénit le septième jour, et il le sanctifia, parce qu’en ce jour il se reposa de toute son œuvre qu’il avait créée en la faisant. » (Gen 2.2b-3) Dieu créée lui-même l’absence de travail, un jour chômé, dans le but de se reposer ! Dans le décalogue, Dieu prendra soin de transmettre à l’homme cette loi : « Souviens-toi du jour du repos, pour le sanctifier […] Mais le septième jour est le jour du repos de l’Éternel ton Dieu : tu ne feras aucun ouvrage […] » (Ex 20.8-10) Le chômage biblique est donc bienfaisant car il permet à l’homme d’imiter Dieu en se reposant. Cette absence de travail au moins un jour par semaine est nécessaire. Est-ce que nous savons entrer dans ce projet de Dieu pour nous ?

3. Chômage et pauvreté

Diverses situations peuvent causer la pauvreté. Dans le cadre de cet article, nous nous bornerons à traiter la pauvreté liée à un manque de travail. La perte d’un emploi signifie également une perte de revenu. Dans un pays sans système d’aide, c’est une perte de revenu totale, tandis que dans un pays qui dispose d’allocations chômage, le revenu connaîtra, certes, une baisse, mais devrait être suffisant pour mener une vie simple. Toutefois, à un moment donné, si le travailleur n’a pas retrouvé un emploi, les indemnités seront épuisées et c’est alors l’aide sociale qui permet au sans-emploi de vivre avec, souvent, un revenu plus bas encore. En conséquence, le plus souvent, chômage rime avec pauvreté. Nous comprenons bien alors le proverbe : « Ne me donne ni pauvreté, ni richesse, accorde-moi le pain qui m’est nécessaire. » (Pr 30.8) Si le riche court le danger de s’appuyer sur ses richesses plutôt que sur Dieu, le pauvre pourrait être tenté de voler pour avoir de quoi manger et s’aigrir contre Dieu. Dans une telle situation, combien est légitime la prière à Dieu de nous accorder le pain qui nous est nécessaire ! Comme membres du corps de Christ, nous avons également une responsabilité vis-à-vis des pauvres (Lév 25.35 ; 1 Cor 12.25-26), particulièrement vis-à-vis de nos frères et sœurs dans la foi (Gal 6.10). Dans l’Église primitive, à un certain moment, les veuves étaient négligées (Act 6.1-6). Elles ne pouvaient plus compter sur le travail de leur mari décédé et devaient élever leur famille tout en s’adonnant aux tâches de la maison. Sept hommes (des diacres) furent alors choisis pour la délicate tâche de venir en aide aux veuves, et celles-ci purent enfin goûter aux bienfaits de la solidarité chrétienne au sein de leur église locale. Aujourd’hui, dans nos églises, nous préoccupons-nous de ceux qui sont touchés par la pauvreté, les chômeurs par exemple ?

4. Chômage et oisiveté

La Parole de Dieu nous invite à être des travailleurs consciencieux (Pr 22.29 ; 2 Thess 3.8) et non des paresseux : « La paresse fait tomber dans un profond sommeil, et l’âme négligente aura faim. » (Pr 19.15, Darby) Le chrétien ne devrait donc jamais se faire licencier pour de graves manquements de conscience professionnelle ou pour paresse excessive. Rechercher l’état de chômeur pour recevoir des indemnités sans travailler n’est pas plus à la gloire de Dieu ! Et lorsque l’on est au chômage, c’est un défi d’occuper sainement ses journées. Ayant été chômeur durant quelques mois, je me rappelle de la difficulté à structurer mes journées et à ne pas tomber dans la paresse. L’exemple de Ruth est parlant ; veuve, elle aurait pu s’apitoyer sur son sort. Sans ressources, elle choisit pourtant d’aller glaner aux champs et de ramasser les quelques épis tombés derrière les moissonneurs (Ruth 2.2-7). Intelligemment, elle utilise ainsi le temps à disposition pour se nourrir et nourrir sa belle-mère. Fuyons donc l’oisiveté et si le chômage nous frappe, demandons à Dieu la force pour utiliser utilement notre temps et ne pas tomber dans la paresse.

5. Chômage et immigration économique

Tout au long de la Bible, les récits d’immigration sont nombreux. Principalement à cause des guerres et des persécutions, mais parfois aussi à cause de la famine. Le manque de ressources en Canaan conduit Jacob à ordonner à ses fils de se rendre en Égypte pour y chercher de quoi nourrir la famille (Gen 42.1-6). La famine persistante et la présence de Joseph en Égypte conduisent finalement au déménagement de toute la famille de Canaan en Égypte (Gen 45.5-11). Si aujourd’hui la famine n’est pas la principale cause d’immigration, les difficultés économiques, la guerre, le manque de travail dans certains pays, conduisent de nombreuses personnes à déménager. Ces flux migratoires se font parfois même à l’intérieur d’un pays : d’une zone économique sinistrée à une zone où davantage de travail est disponible. La Parole de Dieu nous invite à recevoir l’étranger : « Si un étranger vient séjourner avec vous dans votre pays, vous ne l’opprimerez point. » (Lév 19.33) L’accueil de l’étranger, une des expressions de l’amour de notre prochain, est hautement valorisé par Jésus lui-même dans le N.T. (Matt 25.35-43). Dans quelle mesure exerçons-nous cet accueil ?

6. Conclusion

Le chômage, grand fléau de ce siècle, donne l’occasion à nos caractères d’être formés par Dieu. Ainsi, pour ceux qui ont la chance d’avoir un travail, il est bon de rappeler que Dieu a prévu un jour de repos. Pour ceux qui n’en n’ont pas, Dieu rappelle que l’oisiveté doit être proscrite. Par ailleurs, le chrétien doit être conscient de la détresse que peut provoquer ce fléau ; par la pauvreté, par l’immigration économique avec toutes les pertes de repère qui en découlent. Au final, le chômage n’est-il pas pour tous les croyants une occasion de mettre en pratique les enseignements de Jésus ? « Seigneur, quand t’avons-nous vu ayant faim, ou ayant soif, ou étranger, ou nu, ou malade, ou en prison, et ne t’avons-nous pas assisté ? Je vous le dis en vérité, toutes les fois que vous n’avez pas fait ces choses à l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous ne les avez pas faites. » (Matt 25.44-45)