PROMESSES
À l’époque biblique, les relations professionnelles admettent le principe de l’esclavage1. Nous tirerons une réflexion biblique sur la base du texte principal2 d’Éphésiens 6.5-9, employant les termes modernes de « patron » et « employé » pour en faciliter une application immédiate dans l’esprit du lecteur.
1. Égalité spirituelle au sein des différences sociales
1.1. Une nouvelle perspective dans les relations familiales
Le texte d’Éphésiens 6.5-9 et son corollaire en Colossiens 3.18-25 pensent la relation entre patrons et employés dans le cadre des relations familiales, après la relation conjugale (5.22-33) puis parentale (6.1-4). Rien d’étonnant à cela puisque le personnel de maison vivait alors sous le même toit que ses maîtres, ce qui faisait de lui un membre (de seconde classe) de la famille3 pendant le temps de son service (cette pratique existe encore dans certaines régions d’Amérique du Sud, par exemple, où « l’employé de maison » vit dans un petit studio de la demeure et participe comme invité aux grandes occasions familiales).
Le principe qui dirige toute relation familiale saine est celui d’une soumission mutuelle de personnes elles-mêmes soumises à Christ (Éph 5.21 ; 1 Pi 5.1-6). Paul explique ainsi aux épouses le principe de leur soumission (5.22-244), puis aux enfants, entités privées du droit d’opinion (6 .1-35), enfin, en troisième position, aux esclaves (6.5-9). Sans tomber dans une lecture révolutionnaire de l’Évangile, Paul revalorise ces trois entités familiales socialement déconsidérées à la lumière de l’Évangile, pour lequel l’aspect « mutuel » des rapports fait loi. Il enrichit ainsi le devoir de soumission6 d’un devoir de réciprocité.
Ouvrant un droit d’accès égal à la nouvelle alliance, il montre aussi que la nouvelle communauté de la foi ne fait acception de personne, puisque, d’un point de vue strictement spirituel, tous sont un en Christ (Gal 3.28s ; Éph 6.9 ; Col 3.11).
1.2. Limites de l’autorité et de l’obéissance
Le maître est maître « selon la chair » (Éph 6.5 ; Col 3.22). Cela semble évident, pourquoi le mentionner ? Lorsqu’une évidence est exprimée, elle lance souvent un message implicite, en l’occurrence celui-ci : le maître selon la chair n’est pas le Maître selon l’Esprit. Que le patron ne le soit que d’un point de vue terrestre implique au moins deux choses :
a) C’est l’affirmation d’une limite : l’autorité ne peut outrepasser son champ d’action terrestre. Façon de dire que le patron n’est pas un directeur de conscience (Mat 23.10). Son autorité investit uniquement le domaine temporel ; il n’a pas à dicter à son employé des convictions ou des comportements d’ordre spirituel. Ce qui, nous le verrons plus bas, le soumet, lui aussi, à la loi spirituelle d’amour du prochain.
b) C’est aussi l’expression d’une consolation : Paul relève l’âme affligée par le mépris de sa condition ou par un maître despote, comme lui disant : « Ne gémis pas de te voir au-dessous de la femme et des enfants : ta servitude est purement nominale : la domination à laquelle tu es soumis est une domination selon la chair, éphémère, de courte durée, comme tout ce qui est charnel7 ». Jésus-Christ lui-même a conseillé à tout homme de ne pas laisser influencer son comportement par ce genre de menaces, mais plutôt par Dieu dont la puissance d’action est infiniment supérieure (Mat 10.28).
1.3. Une nouvelle perspective
Si le patron l’est « seulement » selon la chair, il n’en demeure pas moins patron, c.-à-d. une autorité supérieure et incontestable. « Maître » traduit notre fameux kurios, aussi rendu par « Seigneur » (qui a droit de vie et de mort). Un employé nouvellement converti pouvait en effet succomber à la tentation de mépriser son patron terrestre sous prétexte d’en avoir un supérieur au ciel. Quelle perspective étrange, en effet : un employé chrétien éventuellement méprisé ira au ciel tandis que son patron païen demeure sous la colère de Dieu !
Paul est clair : il ne sera toléré aucune impertinence non justifiée sous prétexte de supériorité spirituelle. Être affranchi du péché n’affranchit pas des obligations sur terre (1 Cor 7.20-24)… au contraire (Éph 6.6-7) ! L’Évangile renverse la perspective : l’employé chrétien est d’autant plus l’obligé de son supérieur qu’il engage désormais la réputation du christianisme. D’après 1 Timothée 6.1, il doit agir comme si son patron était digne de tous les honneurs avec, en vue, la défense de l’honneur de Dieu et de l’Évangile8.
Et si le patron est injuste ou insupportable ? L’apôtre Pierre confirme la position de Paul, et cela, que le patron soit, par ses attitudes et son comportement, digne ou non de respect9 (1 Pi 2.18, dans les limites des abus dénoncés ailleurs par la Bible) ! L’employé ne peut donc pas justifier sa négligence ou ses plaintes sous le prétexte de subir le mauvais caractère de son patron. Il doit diriger son regard plus haut. Paul va en montrer la direction.
2. Conduite de l’employé vis-à-vis de son patron
2.1. Une activité qui ressemble à de la vénération
L’activité principale de l’employé qui le définit en tant que tel, au-delà de son profil de poste et des objectifs du mois, c’est l’obéissance.
Dans les versets 7 à 9, Paul encourage l’employé à suivre le modèle de sa soumission au Seigneur (idée reprise en Col 3.22). Balayons un malentendu : Paul ne dit pas que le maître terrestre vaut notre Maître céleste. Il ne s’agit pas de vénérer un pécheur. La figure de style employée est une comparaison (« comme au Christ », v. 5 ; « comme des esclaves de Christ », v. 6 ; « comme des esclaves du Seigneur », v. 7). L’accent est mis non sur la personnalité objective du patron, mais sur le zèle subjectif de l’employé. Et ce zèle ne doit ni plus ni moins s’inspirer du zèle chrétien envers le Seigneur !
2.2. Une attitude proche de la sainteté
• L’employé doit obéir « avec crainte et tremblement » : non avec terreur, mais en prenant la chose au plus haut degré de sérieux, du même sérieux avec lequel le chrétien met en œuvre son salut (Phil 2.12) ;
• L’employé doit obéir « dans la simplicité de [son] cœur » : la simplicité écarte la duplicité. L’employé se dévoue à sa tâche avec une sincérité innocente, dénuée de tout calcul (en 2 Cor 11.3, le terme est appliqué à la dévotion innocente dans le jardin d’Éden) ;
• L’employé doit obéir « non pas seulement sous leurs yeux, comme pour plaire aux hommes » (v. 6) : l’employé n’avait comme seule motivation que de plaire à celui qui détenait le terrible pouvoir de la punition afin d’en éviter la douleur. Paul détourne son regard de cet objectif : l’employé doit faire preuve d’un zèle désintéressé, même en l’absence du patron. Peut-être pourrions-nous ajouter qu’il ne travaille pas dans l’unique but d’obtenir une promotion (v. 6) ;
• L’employé doit obéir « de bon gré » : sans se plaindre, avec bonne volonté (v. 7), comme c’est le cas (ou devrait être le cas !) dans l’obéissance au Seigneur. L’équivalent spirituel de la comparaison se trouve en Philippiens 2.14 et éclaire ce point : « Faites toutes choses sans murmures et sans hésitations », où « le terme grec hésitations est souvent traduit par raisonnement(s) (Marc 7.21 ; Rom 1.21 ; 1 Cor 3.20), doutes (Luc 24.38s), ou opinions (Rom 14.1)10 ». L’employé, de même qu’il ne discute pas ou ne met pas en doute les ordres de son Seigneur céleste, ne contredit pas les ordres de son patron terrestre par des raisonnements stériles de mauvaise foi : « Exhorte les serviteurs à être soumis à leurs maîtres, à leur plaire en toutes choses, à n’être point contredisants. » (Tite 2.9)
Si le contexte a changé, la règle de conduite paulinienne conserve toute sa pertinence, car des tendances bien humaines demeurent aujourd’hui : celle d’en « faire le minimum » ou d’attendre que quelqu’un nous voie pour nous mettre à la tâche, ou encore d’être uniquement motivé par une promotion ou un bénéfice quelconque, etc. Ces principes, donnés par Paul et inspirés de Dieu, nous invitent à être attentifs encore aujourd’hui.
2.3. Une motivation renversée
Paul ne fournit pas seulement des règles de conduite. Après avoir pointé en modèle la référence absolue de l’obéissance, il en dévoile maintenant la motivation tout aussi céleste. La Bible n’a aucun malaise à parler d’intérêt. Elle le dirige simplement, sans tabou, vers le bon objet. Si récompense il doit y avoir, qu’elle vienne d’en haut : « […] sachant que chacun, soit esclave, soit libre, recevra du Seigneur selon ce qu’il aura fait de bien » (v. 8).
Paul applique au monde professionnel la règle générale adressée aux Corinthiens, selon laquelle chacun recevra « selon le bien ou le mal qu’il aura fait » (2 Cor 5.10 ; Ps 62.12 ; Ecc 12.14), à la (grande) différence que Paul ne retient là que le bien accompli et non le mal. C’est le signe clair qu’il ne s’agit pas ici d’avertir, mais de réconforter : l’employé zélé et diligent, s’il applique la conduite conseillée par Paul, ne doit pas se décourager si son patron n’apprécie pas la valeur de son travail à sa juste mesure. Le Maître au-dessus de tout maître et « qui voit dans le secret » (Mat 6.4,6,18) le récompensera en son temps.
3. Conduite du patron vis-à-vis de son employé
3.1. Faites de même !
Le verset 9 déroule le même schéma tripartite que celui de l’exhortation envers les employés : une activité, une attitude et une motivation.
« Et vous, maîtres, agissez de même à leur égard, et abstenez-vous de menaces.» (v. 9) Après avoir exhorté l’esclave à se soumettre sans faille à ses devoirs d’esclave en faveur du patron, Paul se tourne vers les maîtres pour leur dire une chose incroyable : « Faites de même » ! Autrement dit : « Patrons, soumettez-vous sans faille à vos devoirs de patrons pour le bien de votre employé. » Ou encore : « Vos employés vous servent, vous devez aussi les11 servir. »
3.2. Éradication de l’arme typique du patron
L’interdiction de « menaces » ne concerne pas un usage vague et général. L’usage de l’article défini (litt. : « la menace12 ») spécifie l’interdiction. Tandis que la punition (qui n’est pas interdite par Paul) agit sur la base d’un fait établi, la menace effraie alors que le mal n’a pas été fait. La menace était si ancrée dans l’ADN du maître que celui-ci l’employait systématiquement, quasi inconsciemment. C’est ainsi qu’il pensait « motiver » son employé à obéir rapidement. Désormais, sous le règne de la grâce, toute motivation prend racine au ciel. De plus, le patron chrétien est, lui aussi, un obligé de Dieu, destiné à refléter le caractère de son Maître. Or, Dieu, s’il éduque parfois par la discipline (Héb 12.5-10) ou par les avertissements préventifs (Héb 4.1-13 ; 2 Pi 1.13 ; 3.1,17), n’use jamais d’intimidations manipulatrices envers son enfant.
3.3. Réciprocité des devoirs
Pourquoi abandonner la menace, abusive ? Parce qu’un juge impartial observe (v. 9). Paul, énonçant et le devoir d’abandonner la menace et la motivation pour le faire, pensait probablement à cette loi de Lévitique 25.43 qui énonce de même devoir et motivation du maître : « Tu ne domineras point sur [ton esclave] avec dureté, et tu craindras ton Dieu. »
Paul rappelle régulièrement à ses lecteurs le principe de Deutéronome 10.17 de l’impartialité de Dieu (Rom 2.11 ; Gal 2.6 ; Col 3.25), comme pour imposer un garde-fou à celui qui, détenant un pouvoir que sa faiblesse humaine maîtrise peu, serait tenté d’en faire un usage exacerbé. Aux Colossiens, il reformulera ainsi 1) ce frein à la tentation de la démesure, 2) le principe de réciprocité, et 3) la motivation céleste : « Maîtres, [1] accordez à vos serviteurs ce qui est juste et équitable, [2] sachant que vous aussi [3] vous avez un maître dans le ciel. » (Col 4.1) Quelques brèves leçons pour nous :
• Patrons et employés sont également responsables devant un même maître. Paul applique le principe qui traverse tout le passage (5.21 à 6.9) : une soumission mutuelle éphémère et terrestre, incarnant une soumission éternelle et spirituelle au Christ (5.21), qui est l’autorité suprême ;
• Paul freine la tendance naturelle du patron à traiter durement son personnel. Même si l’employé doit injustement perdre un procès contre son patron, le juge suprême ne laissera rien passer ;
• Dieu n’est pas fasciné par la chevalière en or ou les fonctions de haut rang du patron, comme il ne rejette pas la condition du plus indigent des ouvriers. Les distinctions si tenaces ici-bas n’ont pas cours en regard des lois célestes (Gal 3.28). Que tout homme bénéficiant d’une position supérieure ne considère pas cette supériorité comme une valeur absolue. Au ciel, chacun partagera la même table du Seigneur… et l’employé pourrait briller plus que son patron « selon la chair ».
Synthèse : enjeux et bénéfices d’un esprit chrétien au travail
Toute relation familiale saine prend racine dans une soumission mutuelle dans la crainte de Christ (5.21) : vie de couple (5.22-33), vie familiale (6.1-4) ou vie professionnelle (6.5-9). L’esprit dans lequel patrons ou employés convertis agissent est un esprit saint (sans jeu de mots). Employé, je ne trouve pas ma motivation au travail dans la personnalité du patron ; si je suis un patron, ce n’est pas l’attitude ou le comportement de mon employé qui inspire l’esprit de mes actions. Si, en surface, je travaille pour un homme ou pour mon entreprise, je travaille en réalité pour honorer le patron des patrons par une attitude qui doit manifestement sortir de l’ordinaire.
Paul ne lésine pas sur la sévérité de son exhortation à une obéissance quasi pieuse envers le patron. Mais (1) l’enjeu en vaut la peine : tout d’abord l’honneur de Christ. Se plaindre, voire se révolter, c’est mettre dans la bouche du Maître des paroles que celui-ci n’a jamais cautionnées ; et (2) Paul exhorte l’employé, mais notez qu’il ne juge jamais l’homme : il connaît le contexte difficile et souvent injuste de sa condition. Comment ne pas être tenté par l’indolence, les plaintes et la négligence envers ses devoirs quand on est constamment dégradé, méprisé, châtié et susceptible, à n’importe quel moment, d’être échangé sur la place du marché ? Il était acquis, à l’époque, que l’esclave s’était forgé une mauvaise réputation, bien malgré lui, à cause de la dureté de sa condition. Plusieurs auteurs de l’Antiquité, notamment Sénèque, s’insurgent que l’on puisse considérer les domestiques comme un fardeau : « Nous ne les avons pas pour ennemis, nous les faisons tels. »
Si la stratégie évangélique est bien la transformation des cœurs, il s’avère que des conséquences plus subtiles touchent jusqu’au terrain de l’injustice sociale et que la soumission peut être une arme efficace. Dans une lettre plus personnelle (à Philémon), Paul ne cache pas sa pensée vis-à-vis de l’esclavage : il exhorte pacifiquement son ami à affranchir son esclave au nom de Christ. Rappelons cette victoire à la fois discrète et extraordinaire : les fruits de cette tactique non violente seront progressivement récoltés, jusqu’à éradiquer l’esclavagisme de tout l13’Empire.
Obéissance rigoureuse, zèle désintéressé, soumission et devoirs réciproques… autant d’exhortations difficiles à entendre dans une société absorbée par l’adoration récente du dieu des loisirs. Qui sait si ce ne sont pas justement cette rigueur et ce dévouement professionnel d’hommes et de femmes transformés par l’Évangile, au comportement si éloigné de la mentalité présente, qui rendront perplexes nos semblables et les ouvriront à l’Évangile de la grâce ?
1 Loin de l’image véhiculée par les négriers du XVIIe s., il était courant de proposer ses « services » de la sorte, y compris chez des médecins ou des avocats. Cf. « La Bible condamne-t-elle l’esclavage ? » sur le site de GotQuestions. URL : http://www.gotquestions.org/Francais/Bible-esclavage.html> (consulté le 6.2.15). Voir aussi l’excellente série d’études de David Shutes, « La Bible et l’esclavage », sur le site d’Un poisson dans le net. URL : (consulté le 6.2.15).
2 Des textes secondaires seront ici ou là évoqués pour compléter nos propos : 1 Cor 7.20-24 ; 1 Tim 6.1 ; Col 3.22 ; Tite 2.9 ; 1 Pi 2.18.
3 Les termes grecs « oikos » et « oikeios », rendus par « maison, maisonnée, domestiques, famille », désignent métonymiquement l’ensemble des habitants de la maison, parents et domestiques inclus (Mat 9.6 ; Éph 2.19 ; Gal 6.10 ; 1 Tim 3.4, etc.).
4 Remarquons, en marge, qu’il faudra attendre 1965, en France, avant qu’une femme puisse ouvrir un compte bancaire sans la permission de son mari.
5 Le latin privatif in-fans signifie : « non-parlant », c.-à-d. : « Celui qui n’a pas accès au langage », soit par le fait d’une structuration interne encore balbutiante, soit parce que la société estime inintéressant de lui accorder un droit d’opinion.
6 L’injonction grecque de soumission (Jac 4.7) était utilisée par l’officier à ses soldats, et pourrait se paraphraser ainsi : « Sur une seule ligne : je ne veux voir aucune tête dépasser ! » L’égalité des soumis semble incluse dans la notion de soumission. Si, dans l’ordre rédemptionnel, personne ne peut se prévaloir d’un droit plus élevé que celui d’un autre, cela laisse entendre, symétriquement, qu’aucun membre du royaume, le plus petit soit-il, n’est laissé pour compte (Matt 25.40 ; Luc 7.27s. ; 22.26).
7 Jean Chrysostome (IVe s. apr. J.-C.), Œuvres complètes, trad. M. Jeannin. Vol. X, p. 435-570.
8 « Que tous ceux qui sont sous le joug de l’esclavage regardent leurs maîtres comme dignes de tout honneur, afin que le nom de Dieu et la doctrine ne soient pas calomniés [blasphémés]. » (1 Tim 6.1)
9 « Serviteurs, soyez soumis en toute crainte à vos maîtres, non seulement à ceux qui sont bons et doux, mais aussi à ceux qui sont d’un caractère difficile. » (1 Pi 2.18)
10 Nouvelle Bible Segond, note de traduction.
11 Cf. Jean Chrysostome, op. cit. : « Servez-les avec zèle. […] Le maître est lui-même un serviteur ».
12 Il faut distinguer la menace (apeilê) d’un discours d’avertissement (utilisé par Jésus, embrimaomai, Mat 9.30, bien malheureusement traduit par menacer ; une meilleure traduction est celle de faire une recommandation sévère). Dans ces cinq occurrences (Act 4.17, 29 ; 9.1 ; Éph. 6.8 ; 1 Pi. 2.23), la menace (apeilê) caractérise une pratique charnelle combattant la foi et l’Église. Jésus a toujours évité la menace, même lorsqu’il était durement éprouvé (1 Pi 2.23).
13 « Tandis que la force ouverte et des principes cachés de décadence attaquent et minent à la fois ce grand corps [l’Empire romain], une religion humble et pure jette sans effort des racines dans l’esprit des hommes, croît au milieu du silence et de l’obscurité, tire de l’opposition une nouvelle vigueur, et arbore enfin sur les ruines du Capitole la bannière triomphante de la croix. » Edward Gibbon (1776), Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain, vol. 3, chap. XV, Paris : Lefèvre, 1819, p. 1.
Lorsque Dieu nous appelle1 à lui, il désire nous accompagner dans tous les domaines de notre vie. Cela inclut, d’une part, notre relation au travail (quel travail ? combien travailler ?) et, d’autre part, notre relation au revenu ou salaire (de combien d’argent ai-je besoin ? comment gérer mes revenus ?). Ces deux éléments représentent deux aspects distincts de notre relation à Dieu : le premier reflète notre obéissance à Dieu, alors que le second est lié à notre confiance en lui. Ils s’influencent néanmoins fortement l’un l’autre : notre conception de ce qu’est un « revenu correct » peut, par exemple, nous empêcher d’entrer dans certains appels spécifiques de Dieu. Dans cet article, nous nous intéressons aux interactions entre ces deux aspects de notre vie spirituelle.
La Bible, la vocation et le revenu
Alors que la littérature chrétienne sur l’argent et la fortune abonde, la question du revenu est souvent abordée uniquement comme conséquence d’une vocation particulière. On attend du pasteur ou du missionnaire qu’il renonce à un haut revenu pour s’adonner à sa vocation et qu’il n’abuse pas des dons reçus.
Pour les autres personnes, la question du revenu est souvent implicite. Il va de soi, pour beaucoup, que notre vocation est de trouver un travail qui paie suffisamment bien pour subvenir aux besoins de notre ménage.
Cette vision de la vocation a généralement deux conséquences.
Premièrement, la « vocation » est réduite à l’enjeu de trouver, à tout prix, un emploi pour gagner notre vie. Notre contribution au royaume de Dieu au travers de nos dons et talents doit alors se faire dans des activités secondaires et bénévoles.
Deuxièmement, cette approche est souvent utilisée pour légitimer nos hauts revenus, nos décisions éthiquement discutables, ainsi que la poursuite de nos ambitions et envies personnelles au détriment d’une recherche sincère de la volonté de Dieu pour notre vie.
Il en résulte que, ni la vocation, ni le revenu ne sont intégrés explicitement à notre vie de foi, mais sont subordonnés au souci de notre bien-être. Or bibliquement, il semble que notre relation au travail et notre relation au revenu représentent deux fondements distincts de la spiritualité de tout chrétien – la première nous défiant au niveau de notre obéissance à Dieu et la seconde au niveau de notre confiance en lui.
Dans le jardin d’Éden, les bénédictions matérielles ne sont pas la conséquence de l’appel adressé à Adam et Ève de prendre soin de la création, mais découlent de la richesse abondante du jardin. Et si la chute conditionne la riche providence de la terre à un dur labeur (Gen 3), la terre promise restaure, dans une certaine mesure, l’abondance gratuite du jardin d’Éden. Canaan est « un pays où coulent le lait et le miel » (Ex 3.17). Aussi bien en Éden qu’en Canaan, la bénédiction ne dépend donc pas de notre vocation professionnelle, mais d’un appel bien plus large. Elle dépend de notre réponse obéissante à l’appel de Dieu à devenir son peuple. Le travail est maudit suite à la rupture de la relation avec Dieu, et non à cause d’une faute professionnelle. De même, Dieu bénit le pays promis avant même que les Israélites ne prouvent par leur labeur qu’ils méritent une telle bénédiction. Il ordonne d’ailleurs l’aberration économique de respecter un jour de repos sur sept et une année de repos sur sept (Ex 20 ; Lév 25) – ceci pour nous rappeler que c’est lui, et non notre propre force, qui assure notre revenu (Deut 8.17). Dieu nous demande certes de travailler (Pr 6.6-11 ; 10.4 ; 13.4 ; 2 Thes 3.10), mais c’est lui qui assure l’abondance du lait et du miel.
Bien que le N.T. ne promette plus lait et miel en abondance, l’obéissance à l’appel du Christ et la confiance en Dieu restent des thèmes centraux. D’une part, tout comme Israël (Deut 30.19), nous sommes forcés à faire un choix fondamental quant à la confiance. Nous ne pouvons servir deux maîtres. Nous devons donc choisir entre mettre notre confiance en celui qui prend soin de nous ou nous soucier de ce que nous mangerons (Luc 12.15-31 ; Jac 5). Ce choix concerne tout le monde, autant celui qui travaille dans l’église que celui qui œuvre dans le monde séculier. Dans la mesure où le grec ne fait pas de différence entre « croire en » et « faire confiance », notre manière de « faire confiance » à Dieu pour la nourriture est un témoignage visible de ce que nous croyons au sujet du Christ. Dans ce sens, bien qu’une perte de revenu représente une bonne occasion de réfléchir à notre vocation, elle peut, dans certains cas, être simplement un moyen pour développer notre confiance en Dieu. Loin d’être une pure question matérielle, la question du revenu est donc une composante centrale de notre relation avec Dieu.
D’autre part, l’obéissance est au centre du N.T.2 C’est en répondant à son appel que nous recevons une nouvelle identité, celle de citoyens du royaume de Dieu (És 43.1 ; 1 Tim 6.12). Cette nouvelle identité va radicalement transformer nos priorités. Ici aussi, aucune différence ne peut être faite entre celui qui travaille comme missionnaire ou pasteur et celui qui travaille dans le monde séculier. Nous sommes tous appelés à reconnaître Dieu comme le seul Seigneur et à discerner sa volonté concernant notre vie quotidienne. Dans tous nos choix de vie, y compris le travail et les loisirs, nous sommes appelés à chercher d’abord le royaume de Dieu et sa justice (Mat 6.33 ; cf. Jér 29.7 ; Éph 2.16). Ces choix sont un témoignage concret de notre volonté ou de notre résistance à suivre Dieu de manière obéissante et libre – tout comme le sacrifice du Christ était un acte d’obéissance librement choisie.
L’influence réciproque des conceptions de vocation et de revenu
Bien que distinctes, les questions de vocation et de revenu s’influencent néanmoins réciproquement. Une compréhension saine de la vocation comme un appel adressé à l’ensemble de la vie de chaque chrétien permet d’envisager des combinaisons créatives d’activités payées et non-payées. Celles-ci intègrent tous les aspects de nos vies, y compris le travail, la famille et l’engagement dans l’église et la société. Dieu peut, par exemple, appeler une personne à travailler à temps partiel dans un emploi bien rémunéré afin d’avoir beaucoup de temps non-payé pour s’investir dans l’église ou prendre soin de ses parents âgés. De même, au sein d’un couple, une personne peut avoir un emploi rémunéré afin que l’autre puisse développer un ministère parmi les jeunes du quartier. De telles « carrières » sont un défi dans la culture environnante. Dès lors, elles représentent un témoignage fort de notre vision différente du monde et de notre dépendance de ce Dieu qui promet de pourvoir à nos besoins.
De même, une compréhension saine de la manière dont Dieu désire prendre soin de ses enfants nous permet de répondre en toute liberté à l’appel de Dieu dans tous les domaines de notre vie. Elle nous offre la sérénité nécessaire pour accepter les implications de notre appel en lien avec le choix de notre travail et de notre temps libre ainsi qu’avec le type et la taille de notre revenu. À l’inverse, une fausse théologie du revenu peut nous empêcher de découvrir pleinement notre appel. Par exemple, une mauvaise compréhension de notre responsabilité personnelle à subvenir à nos besoins peut nous conduire à travailler dur pour faire carrière et ne pas être licenciés, nous empêchant ainsi de répondre à l’appel que Dieu réserve à l’ensemble de notre vie. Dans d’autres cas, une compréhension simpliste de Matthieu 6.24-32 peut conduire à la paresse ou nous faire manquer la pleine richesse des bénédictions que Dieu a pour nous dans les parties moins attrayantes ou plus exigeantes de notre appel.
En résumé, une compréhension saine et complète de la vocation et du revenu nous rapproche concrètement de ce Dieu qui nous appelle à une relation d’obéissance et de confiance dans tous les aspects de notre vie. De plus, vocation et revenu, respectivement obéissance et confiance, forment un cercle soit vertueux soit vicieux. Une bonne compréhension de notre appel nous détourne des tracas matériels et nous rend libres d’entrer encore davantage dans celui-ci. Inversement, une mauvaise compréhension de l’appel nous pousse à nous soucier davantage de nos revenus, nous empêchant ainsi de discerner pleinement l’appel de Dieu pour notre vie3.
En pratique
La distinction entre vocation et revenu implique premièrement que nous n’avons pas à trouver un revenu avant de discerner l’appel de Dieu pour notre vie. Au contraire, la question du revenu fait partie de notre vocation. Dieu étant bon et cohérent, son appel pour notre vie inclut, d’une manière ou d’une autre, de quoi subvenir à nos besoins. Le plus souvent, ce sera au travers d’une certaine quantité de travail rémunéré ; pour une minorité d’entre nous, pour un temps donné, ce pourrait être par des corbeaux… (1 Rois 17). Dans tous les cas, ces activités, rémunérées ou non, font partie de l’appel bienveillant et cohérent de Dieu pour l’ensemble de notre vie – un appel, premièrement, à être en relation avec lui, le servir et le glorifier 24 heures sur 24, aussi par notre travail et notre repos. Cela implique, pour ceux parmi nous qui sont appelés à une activité dont ils ne peuvent vivre, de découvrir les autres facettes de l’appel de Dieu. Cela implique également que considérer le travail salarié comme le seul moyen de pourvoir à nos besoins est un manque de foi en la bienveillance et la créativité de Dieu.
Deuxièmement, la séparation entre vocation et revenu supprime toute différence entre ceux qui travaillent dans le monde séculier et les pasteurs ou missionnaires. Nous devons tous entrer dans l’appel de Dieu pour l’ensemble de notre vie. Cet appel requiert l’obéissance complète au Christ et la confiance que Dieu pourvoit à nos besoins – parfois de manière surnaturelle et parfois d’une manière qui exige davantage d’efforts de notre part. Notre responsabilité est de cheminer avec Dieu et de régulièrement se mettre à l’écoute des directives de Dieu pour la suite de notre vie – une marche qui combinera probablement nos talents, notre contribution au royaume de Dieu et une manière spécifique de pourvoir à nos besoins à chaque étape. Dieu peut, en effet, nous appeler à tout âge à une nouvelle orientation qui peut impliquer la perte de l’apparente sécurité de notre travail et nous faire entrer dans de nouveaux bons projets.
Finalement, une saine théologie des relations à la vocation et au revenu nous interpelle quant aux différences de revenu entre ceux qui travaillent pour Christ dans le monde séculier et ceux qui travaillent directement pour l’église. Elle implique que ceux d’entre nous qui profitent de revenus réguliers (et souvent croissants) revoient leur « droit à gagner et à garder » le surplus de ce revenu pour eux-mêmes. Elle nous demande une discipline toute particulière pour développer notre confiance en Dieu et pour définir ce qu’est un style de vie juste dans un monde où nos prochains manquent souvent de l’essentiel. Dans sa cohérence, la vocation inclut également un appel à un certain style de vie – et pour la grande majorité d’entre nous, cela sera une vie sobre qui trouve son plaisir complet en Christ. La vocation concerne donc autant notre consommation, notre épargne et notre générosité que notre travail et notre revenu. Elle devrait permettre une redistribution abondante afin que chacun au sein de la communauté des croyants – et, dans une certaine mesure, au-delà de celle-ci – puisse vivre pleinement sa vocation et traverser les épreuves de la vie.
1 Vocation vient de la racine latine pour appeler.
2 Mat 4.19 ; 10.38 ; Marc 10.21 ; Jean 10.27 ; Rom 9.24-26 ; 1 Cor 1.2,9 ; Gal 5.13 ; 1 Thes 2.12 ; 1 Pi 2.21
3 Cette influence réciproque se retrouve dans Matthieu 6.19-34 : les versets 19-21 parlent de confiance, le verset 24 d’obéissance, les versets 25-32 de confiance, et le verset 33 termine avec l’obéissance confiante, préférable aux soucis du verset 34.
Le chômage est un phénomène relativement récent à l’échelle de l’humanité et une difficulté caractéristique des économies dites développées. Si la Bible parle d’un jour chômé ou non-travaillé chaque semaine, elle ne parle pas directement du phénomène du chômage tel que nous le vivons aujourd’hui. Par contre, elle traite de divers thèmes connexes comme la pauvreté, l’oisiveté et l’immigration économique.
1. Le chômage : qu’est-ce que c’est ?
Le chômage est l’état d’inactivité d’une personne souhaitant travailler. Ce concept est relativement moderne. Nous ne disposons pas de statistiques pour le mesurer dans l’Antiquité. Dès le XVIIIe siècle, en Grande-Bretagne, ce phénomène est thématisé et commence à être suivi. La division du travail engendrée par la révolution industrielle conduit un nombre sans précédent de personnes désireuses de travailler à se retrouver sans emploi.
Dans l’Égypte, la Grèce et la Rome Antique, pour lutter contre le phénomène de la pauvreté, on envoie les pauvres créer des colonies et travailler le sol pour se nourrir. Puis, au Moyen Âge, les riches et l’Église fondent des hospices où les pauvres sont reçus par charité. La Réforme protestante bouleverse cette conception : en effet la charité envers les pauvres n’est plus considérée comme un moyen de salut pour les riches. Dès lors, on distingue les pauvres méritants (ceux qui souhaitent travailler, mais ne le peuvent pas) et les pauvres non méritants (ceux qui ne veulent pas travailler). Enfin, lors de la révolution industrielle, la pauvreté prend une ampleur dramatique et au fil des ans, les États engagent des moyens toujours plus considérables pour lutter contre ce phénomène qui atteint un nouveau pic dans les années d’entre deux guerres (1930). Aujourd’hui, au sein de l’Union Européenne, on estime le nombre de chômeurs à près de 25 millions, soit un taux de chômage supérieur à 10%.
2. Un jour chômé
Après avoir créé les cieux et la terre en six jours, le texte biblique nous précise que « Dieu […] se reposa au septième jour de toute son œuvre qu’il avait faite. Dieu bénit le septième jour, et il le sanctifia, parce qu’en ce jour il se reposa de toute son œuvre qu’il avait créée en la faisant. » (Gen 2.2b-3) Dieu créée lui-même l’absence de travail, un jour chômé, dans le but de se reposer ! Dans le décalogue, Dieu prendra soin de transmettre à l’homme cette loi : « Souviens-toi du jour du repos, pour le sanctifier […] Mais le septième jour est le jour du repos de l’Éternel ton Dieu : tu ne feras aucun ouvrage […] » (Ex 20.8-10) Le chômage biblique est donc bienfaisant car il permet à l’homme d’imiter Dieu en se reposant. Cette absence de travail au moins un jour par semaine est nécessaire. Est-ce que nous savons entrer dans ce projet de Dieu pour nous ?
3. Chômage et pauvreté
Diverses situations peuvent causer la pauvreté. Dans le cadre de cet article, nous nous bornerons à traiter la pauvreté liée à un manque de travail. La perte d’un emploi signifie également une perte de revenu. Dans un pays sans système d’aide, c’est une perte de revenu totale, tandis que dans un pays qui dispose d’allocations chômage, le revenu connaîtra, certes, une baisse, mais devrait être suffisant pour mener une vie simple. Toutefois, à un moment donné, si le travailleur n’a pas retrouvé un emploi, les indemnités seront épuisées et c’est alors l’aide sociale qui permet au sans-emploi de vivre avec, souvent, un revenu plus bas encore. En conséquence, le plus souvent, chômage rime avec pauvreté. Nous comprenons bien alors le proverbe : « Ne me donne ni pauvreté, ni richesse, accorde-moi le pain qui m’est nécessaire. » (Pr 30.8) Si le riche court le danger de s’appuyer sur ses richesses plutôt que sur Dieu, le pauvre pourrait être tenté de voler pour avoir de quoi manger et s’aigrir contre Dieu. Dans une telle situation, combien est légitime la prière à Dieu de nous accorder le pain qui nous est nécessaire ! Comme membres du corps de Christ, nous avons également une responsabilité vis-à-vis des pauvres (Lév 25.35 ; 1 Cor 12.25-26), particulièrement vis-à-vis de nos frères et sœurs dans la foi (Gal 6.10). Dans l’Église primitive, à un certain moment, les veuves étaient négligées (Act 6.1-6). Elles ne pouvaient plus compter sur le travail de leur mari décédé et devaient élever leur famille tout en s’adonnant aux tâches de la maison. Sept hommes (des diacres) furent alors choisis pour la délicate tâche de venir en aide aux veuves, et celles-ci purent enfin goûter aux bienfaits de la solidarité chrétienne au sein de leur église locale. Aujourd’hui, dans nos églises, nous préoccupons-nous de ceux qui sont touchés par la pauvreté, les chômeurs par exemple ?
4. Chômage et oisiveté
La Parole de Dieu nous invite à être des travailleurs consciencieux (Pr 22.29 ; 2 Thess 3.8) et non des paresseux : « La paresse fait tomber dans un profond sommeil, et l’âme négligente aura faim. » (Pr 19.15, Darby) Le chrétien ne devrait donc jamais se faire licencier pour de graves manquements de conscience professionnelle ou pour paresse excessive. Rechercher l’état de chômeur pour recevoir des indemnités sans travailler n’est pas plus à la gloire de Dieu ! Et lorsque l’on est au chômage, c’est un défi d’occuper sainement ses journées. Ayant été chômeur durant quelques mois, je me rappelle de la difficulté à structurer mes journées et à ne pas tomber dans la paresse. L’exemple de Ruth est parlant ; veuve, elle aurait pu s’apitoyer sur son sort. Sans ressources, elle choisit pourtant d’aller glaner aux champs et de ramasser les quelques épis tombés derrière les moissonneurs (Ruth 2.2-7). Intelligemment, elle utilise ainsi le temps à disposition pour se nourrir et nourrir sa belle-mère. Fuyons donc l’oisiveté et si le chômage nous frappe, demandons à Dieu la force pour utiliser utilement notre temps et ne pas tomber dans la paresse.
5. Chômage et immigration économique
Tout au long de la Bible, les récits d’immigration sont nombreux. Principalement à cause des guerres et des persécutions, mais parfois aussi à cause de la famine. Le manque de ressources en Canaan conduit Jacob à ordonner à ses fils de se rendre en Égypte pour y chercher de quoi nourrir la famille (Gen 42.1-6). La famine persistante et la présence de Joseph en Égypte conduisent finalement au déménagement de toute la famille de Canaan en Égypte (Gen 45.5-11). Si aujourd’hui la famine n’est pas la principale cause d’immigration, les difficultés économiques, la guerre, le manque de travail dans certains pays, conduisent de nombreuses personnes à déménager. Ces flux migratoires se font parfois même à l’intérieur d’un pays : d’une zone économique sinistrée à une zone où davantage de travail est disponible. La Parole de Dieu nous invite à recevoir l’étranger : « Si un étranger vient séjourner avec vous dans votre pays, vous ne l’opprimerez point. » (Lév 19.33) L’accueil de l’étranger, une des expressions de l’amour de notre prochain, est hautement valorisé par Jésus lui-même dans le N.T. (Matt 25.35-43). Dans quelle mesure exerçons-nous cet accueil ?
6. Conclusion
Le chômage, grand fléau de ce siècle, donne l’occasion à nos caractères d’être formés par Dieu. Ainsi, pour ceux qui ont la chance d’avoir un travail, il est bon de rappeler que Dieu a prévu un jour de repos. Pour ceux qui n’en n’ont pas, Dieu rappelle que l’oisiveté doit être proscrite. Par ailleurs, le chrétien doit être conscient de la détresse que peut provoquer ce fléau ; par la pauvreté, par l’immigration économique avec toutes les pertes de repère qui en découlent. Au final, le chômage n’est-il pas pour tous les croyants une occasion de mettre en pratique les enseignements de Jésus ? « Seigneur, quand t’avons-nous vu ayant faim, ou ayant soif, ou étranger, ou nu, ou malade, ou en prison, et ne t’avons-nous pas assisté ? Je vous le dis en vérité, toutes les fois que vous n’avez pas fait ces choses à l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous ne les avez pas faites. » (Matt 25.44-45)
Le travail de Dieu
12418″>Un Dieu travailleur par excellence
À quel travailleur comparer Dieu ? Il n’a pas de rival. « C’est le Dieu d’éternité, l’Éternel, qui a créé les extrémités de la terre ; il ne se fatigue ni ne se lasse ; son intelligence est insondable. » (És 40.28 ; cf 42.4a) Son être dépasse de loin toutes les frontières du temps et de l’espace, les cieux des cieux ne peuvent le contenir (1 Rois 8.27) — et pourtant il consent à inscrire son activité dans le cadre limité de l’histoire du monde, de l’homme si petit, de la durée. Dans ce cadre, il déploie et rend manifestes ses perfections invisibles, sa puissance éternelle et sa divinité (Rom 1.20a).
Sa puissance : d’une parole, elle fait surgir les cieux et la terre du néant : « Il ordonne et la chose existe. » (Ps 33.9 ; cf. És 44.24b) Une puissance qui produit l’abondance, avec prodigalité ; mais une puissance sage, contrôlée, attestant du plus grand génie organisateur ! Un travail savant, méthodique et tout ensemble insurpassable dans sa fantaisie comme dans sa beauté. Dieu comme architecte et comme virtuose au jeu des formes, des couleurs, du mouvement, dans l’écoulement du temps. Il y a dans cet « enfantement » cosmique une joie, une exubérance, si bien exprimée par la Sagesse personnifiée en Proverbes 8.30-31 : « J’étais à l’œuvre auprès de lui (l’Éternel), et je faisais de jour en jour ses délices, jouant devant lui tout le temps, jouant sur la surface de sa terre… ». Selon le Nouveau Testament, cette joie fut celle de Christ lui-même parce que le Fils est le grand artisan de la création (cf. Col 1.16 ; Héb 1.2).
Mais ce Dieu travailleur ne se complaît pas dans le faire pour le faire. Son activité ne tourne pas à vide. Il ne crée pas des objets pour le simple plaisir de voir sa force à l’œuvre. Il anime la matière, il place ses créatures dans un monde favorable. Il modèle et installe l’intendance du jardin terrestre : le premier couple, image vivante de son Créateur. Dieu daigne associer l’homme et la femme à son travail, en leur accordant, en même temps que des directives précises (Gen 1.28-30 ; 2.16-17), la liberté d’organisation, l’intelligence requise pour l’accomplissement de leur mandat et la communion avec lui. Il en subsiste encore aujourd’hui, tout au fond de chacun de nous, une joie instinctive d’exister, reflet lointain de celle que Dieu a ressentie au spectacle de sa création : le Tout-Puissant, « dans les générations passées, […] a laissé toutes les nations suivre leurs propres voies, quoiqu’il n’ait cessé de rendre témoignage de ce qu’il est par ses bienfaits, en [nous] donnant du ciel les pluies et les saisons fertiles, en [nous] comblant de nourriture et de bonheur dans le cœur. » (Act 14.16-17)
Un Dieu disposé au plus dur travail
Le jeune monde « très bon » ne le demeure pas longtemps. De par l’influence du destructeur, le péché s’introduit au cœur d’Éden. Dieu se remet à la tâche. La chute d’Adam et Ève le pousse immédiatement à réagir et à repositionner l’homme et la femme sur la terre abîmée par le mal, la peine et la mort. Dieu amorce un plan de sauvetage aux dimensions de l’univers (cf. Rom 8.19-22). De toute éternité, il a décidé que ses œuvres seraient exécutées pour et par son Fils, avec l’assistance du Saint-Esprit. Ce travail englobe, entre autres choses, la création, la perpétuation du monde créé, l’élection d’Abraham puis celle d’Israël, la rédemption de notre race (1 Pi 1.18-20 ; Héb 1.1-4), et ultimement l’instauration du royaume éternel (1 Cor 15.20-26).
Résolu à atteindre son but, Dieu ne choisit pas les raccourcis. Il sait qu’il doit premièrement convaincre l’homme de la gravité de son état… et du jugement à venir. Les égarements des peuples et les errances d’Israël fourniront une démonstration nécessaire et suffisante qui établira que tous les humains sont indéniablement pécheurs et perdus, incapables de se réconcilier avec Dieu par leurs propres moyens (cf. Rom 3.9-20). Mais d’autre part, cette histoire (celle d’Israël sous la loi, en particulier) préparera la venue du second Adam, serviteur de l’Éternel et sauveur du monde : Jésus-Christ (cf. Gal 3.22-24). Dieu œuvrant d’Adam jusqu’à Christ : un immense chantier éducatif, en somme.
Mais quel travail ingrat que celui de Dieu tout au long des siècles ! Qui n’a pas lu son verdict sur la race humaine à l’époque de Noé (Gen 6.1-7) ? Quant au peuple élu, ce n’est certes pas le progrès qui, sur le plan moral et spirituel, le caractérise ; sans la miséricorde de l’Éternel, Israël aurait définitivement sombré corps et biens (cf. Ps 107) ! Des centaines de passages en témoignent, dans lesquels les déceptions et les reproches de Dieu se font entendre. Qui ne se souvient des complaintes du vigneron d’Israël frustré du fruit de son labeur (És 5.1-7) ? Qui n’a pas en mémoire l’image du potier qui doit patiemment reprendre son ouvrage pour enfin réussir un vase à sa convenance (Jér 18.1-10 ; És 45.9 ; Rom 9.21) ? Qui a oublié la prière des anciens d’Israël au temps d’Esdras (Néh 9.5-37) et celle de Daniel (Dan 9.4-19) ? Dans ces deux invocations, les relations d’Israël avec Dieu sont récapitulées de manière dramatique ; sur fond d’incrédulité et de révoltes humaines, l’immensité de l’amour de Dieu envers son peuple, son engagement admirable en faveur de ses créatures indociles soulignent ses qualités de berger fidèle.
C’est bien sûr Jésus-Christ qui parachève tout ce « labourage » préparatoire : par son acceptation de l’incarnation, par son humiliation, par son obéissance parfaite au Père, par l’expérience de toute l’opposition injuste de la part de ceux-là mêmes qu’il est venu sauver (cf. Mat 23.37 ; Luc 19.41-42). Et seul à en être capable, il achève l’œuvre ultime de notre rédemption en se soumettant au supplice infâme de la croix (Phil 2.5-11). Mais son Dieu avait dès longtemps décrété : « Après les tourments (ou : le travail) de son âme, il (Jésus) rassasiera ses regards ; par la connaissance qu’ils auront de lui, mon serviteur juste (Jésus) justifiera beaucoup d’hommes et se chargera de leurs fautes. » (És 53.11, voir tout le chapitre).
Maintenant, qui dira que depuis sa résurrection et son ascension Jésus est resté inactif ? Par l’Église véritable, par sa Parole, par l’Esprit, il cherche tous ceux qui doivent encore hériter du salut, les accompagne en toutes circonstances et les forme en vue de la gloire éternelle. Il intercède sans cesse pour le monde et pour les siens. Il intervient en grâce mais aussi en avertissements solennels. Il s’apprête à revenir pour régner avec tous les croyants et à juger les rebelles (Act 17.30-31).
Du travail de Dieu au nôtre
Les livres qu’on pourrait écrire sur le travail de Dieu en Christ occuperaient, selon l’apôtre Jean, un espace tel que le monde entier ne pourraient les contenir (Jean 21.25). Mais l’exemple que le serviteur de Dieu nous laisse suffit à nous pousser à la réflexion et à l’action. N’a-t-il pas dit que si nous nous convertissions et croyions en lui, si nous devenions de nouvelles créatures par le baptême du Saint-Esprit, nous serions unis à lui dans sa vie et dans ses entreprises (Jean 3.1-8 ; 14.10-14 ; 15.1-17) ? Les apôtres confirment ces promesses, dans leurs expériences de serviteurs de Dieu (Marc 16.20) et dans leurs exposés doctrinaux (Rom 6.1-8). Ayons donc confiance en celui qui nous invite à travailler assidûment pour sa gloire, qui ne nous cache pas que le chemin sera parfois ardu, mais qui nous assure que la chose est possible. Il est un maître compatissant, prêt à porter les charges avec nous, attentionné envers ceux qui se savent faibles et faillibles mais désirent l’honorer, et qui nous réserve la paix, le repos dont nous avons besoin, comme lui-même s’est reposé (cf. Mat 11.29 ; 12.20 ; Phil 4.6-7 ; 1 Pi 5.7). Puissions-nous, dans le travail séculier que nous accomplissons ou dans l’exercice d’un ministère quelconque, parvenir à cette conviction de l’apôtre Paul, beaucoup plus humble qu’il n’y paraît : « … je travaille en combattant avec sa force (celle de Christ) qui agit puissamment en moi. » (Col 1.29)
1. Travailler : est-ce une malédiction ou un don de Dieu ?
« Le paradis, ce serait de n’avoir rien à faire », entend-on parfois, mais est-ce si vrai ? En Éden, Dieu avait donné un travail à Adam : cultiver et garder le jardin (Gen 2.15). Dieu a créé l’homme avec ce besoin d’activité qui s’exprime par le travail, équilibré par un temps de repos, dont parle le sabbat : « Tu travailleras six jours, et tu feras tout ton ouvrage. Mais le septième jour est le jour du repos de l’Eternel, ton Dieu: tu ne feras aucun ouvrage. » (Ex 20.9-10)
L’introduction du péché dans le monde, à la suite de la désobéissance d’Adam et Ève, a changé le travail : il est devenu pénible : « [Dieu] dit à l’homme : Puisque tu as écouté la voix de ta femme, et que tu as mangé de l’arbre […], le sol sera maudit à cause de toi. C’est à force de peine que tu en tireras ta nourriture tous les jours de ta vie, il te produira des épines et des ronces, et tu mangeras de l’herbe des champs. C’est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain. » (Gen 3.17-19)
Pour autant, le travail n’est pas à mépriser, ni à considérer comme une malédiction. Ceux qui sont au chômage depuis longtemps savent bien que leur état n’est pas à envier. L’Ecclésiaste disait que « se réjouir au milieu de son travail, c’est là un don de Dieu » (Ecc 5.19 ; cf. 3.13). Les Proverbes ajoutent : « Le précieux trésor d’un homme, c’est l’activité. » (Pr 12.27)
En résumé, dans tout travail, on trouve ce double aspect : d’un côté, donné par Dieu, mais d’un autre, entaché par le péché. Si nous avons du travail, soyons reconnaissants et considérons-le positivement, comme un cadeau que Dieu nous fait.
2. À quoi sert notre travail ?
Chômage contraint mis à part, la norme pour tout chrétien est de travailler : « Lorsque nous étions chez vous, nous vous disions expressément : Si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus. Nous apprenons, cependant, qu’il y en a parmi vous quelques-uns qui vivent dans le désordre, qui ne travaillent pas, mais qui s’occupent de futilités. Nous invitons ces gens-là, et nous les exhortons par le Seigneur Jésus-Christ, à manger leur propre pain, en travaillant paisiblement. Pour vous, frères, ne vous lassez pas de faire le bien. » (2 Thes 3.10-13)
Notre travail sert d’abord à assurer notre subsistance et celle de notre famille. L’oisiveté peut conduire à des dérives fâcheuses. À la question, posée un dimanche : « Que feriez-vous si le Seigneur revenait demain soir ? », un chrétien répondait : « J’irais à mon travail demain matin, comme d’habitude. » Ces versets de 2 Thessaloniciens peuvent aussi sans doute s’appliquer à des personnes qui vivent des prestations sociales ou aux crochets d’autrui, alors qu’elles auraient la possibilité de travailler.
Notre travail sert aussi à nous procurer de quoi donner de l’argent à ceux qui en ont besoin, chrétiens d’abord et aussi non-chrétiens : « Que celui qui dérobait ne dérobe plus ; mais plutôt qu’il travaille, en faisant de ses mains ce qui est bien, pour avoir de quoi donner à celui qui est dans le besoin. » (Éph 4.28)
Notre travail est en soi un service vis-à-vis du Seigneur. La Bible ne fait pas la séparation que nous mettons trop souvent entre le travail « séculier » et le travail « pour le Seigneur ». Même les esclaves de l’Antiquité étaient encouragés à considérer leur travail si ingrat comme un service direct pour le Seigneur Jésus ! « Tout ce que vous faites, faites-le de bon cœur, comme pour le Seigneur et non pour des hommes, sachant que vous recevrez du Seigneur l’héritage pour récompense. Servez Christ, le Seigneur. » (Col 3.23-24) Pensons-y, le matin quand nous partons travailler : nous allons servir le Seigneur ! Cette idée transformera notre journée.
En résumé, notre travail a au moins quatre buts : 1° nous permettre de vivre, 2° nous procurer de quoi donner, 3° éprouver de la joie, 4° servir Jésus.
3. Comment faire notre travail ?
Notre travail peut être pénible (en conséquence de la chute de l’homme, comme nous l’avons vu), mais nous sommes appelés à le faire « paisiblement » (2 Thes 3.12). Ne pas s’imposer un stress inutile (l’absence d’une ambition professionnelle démesurée y aidera) sera un témoignage et nous aidera également à être efficaces. Et si les conditions de travail nous oppressent, pourquoi ne pas en changer, si c’est possible ?
Bien faire son travail est aussi une forme de témoignage. Être diligent, en juste exécution du contrat de travail que nous avons signé, c’est « rendre ce qui est dû » (Rom 13.7). Les Proverbes avertissent : « Celui qui se relâche dans son travail est frère de celui qui détruit. » (Pr 18.9)
Daniel est un modèle pour notre vie professionnelle : il a connu une carrière en dents de scie, mais a toujours été « fidèle » dans son travail (Dan 6.1-5). Être irréprochable dans son travail donne alors la possibilité de « dire la justice », y compris à ses supérieurs, et d’intercéder en faveur des autres. « Si tu vois un homme habile dans son ouvrage, il se tient auprès des rois. » (Pr 22.29)
Dieu ne veut pas que nous cloisonnions nos vies : nous pouvons le faire intervenir directement dans les détails de notre travail pour qu’il nous donne la sagesse et les directions nécessaires. Le prophète Ésaïe offre une magnifique description de la sagesse que Dieu donne pour agir au mieux, en l’appliquant aux travaux d’un paysan : « Son Dieu lui a enseigné la marche à suivre, il lui a donné ses instructions. […] Cela aussi vient de l’Éternel des armées ; admirable est son conseil, et grande est sa sagesse. » (És 28.24-29) Pour autant, ce n’est pas Dieu qui fera le travail à notre place !
Enfin, dans un monde professionnel où la contestation est si vite venue, rappelons que l’honneur que nous devons à nos « maîtres » (aujourd’hui nos supérieurs) passe par un comportement droit, exempt de critiques déloyales : « Que tous ceux qui sont sous le joug de l’esclavage regardent leurs maîtres comme dignes de tout honneur, afin que le nom de Dieu et la doctrine ne soient pas calomniés. » (1 Tim 6.1)
En résumé, nous sommes invités à travailler paisiblement, diligemment, pieusement et droitement.
4. Quel métier choisir ?
Dieu a fait des dons aux hommes et ce qu’il nous dit des dons dans l’Église peut être transposé, dans une mesure, pour ce qui concerne le travail. En tant que créatures, nous sommes responsables vis-à-vis de notre Créateur d’utiliser ce qu’il nous a donné pour le bien-être des autres (au sens large) : « Comme de bons dispensateurs des diverses grâces de Dieu, que chacun de vous mette au service des autres le don qu’il a reçu. » (1 Pi 4.10)
Cela ne veut pas dire pour autant qu’un chrétien doive systématiquement choisir des métiers « sociaux » (par exemple : infirmier), surtout s’il n’est pas doué dans ce domaine ; car on peut accomplir n’importe quel travail pour son profit personnel (sa promotion, sa propre satisfaction, etc.) ou pour le bien des autres ; le bien-être de ceux-ci dépend beaucoup plus de notre manière de travailler que du travail en lui-même. C’est sans doute ainsi que le travail sera une source d’épanouissement personnel.
Le choix d’un métier passe d’abord par l’examen le plus honnête et le plus objectif possible de ses capacités et de ses goûts, dans la recherche de la volonté de Dieu (Rom 12.2b-3). L’examen de nos motivations (pourquoi je choisis cette voie plutôt que celle-là) nous permettra de voir dans quelle mesure nous sommes influencés par « le siècle présent » et nous amènera à ne pas nous y « conformer » (Rom 12.2a). Comme dans tous les choix de notre vie, c’est en recherchant d’abord le Seigneur et en lui abandonnant sa vie qu’on peut connaître sa pensée.
Le prestige des professions plus « intellectuelles » ou plus en vue ne doit pas devenir un mirage. L’utilité réelle d’un métier pour la société n’est, hélas, pas souvent fonction de sa rémunération ou de la considération qu’on lui porte ; nous sommes appelés à ne pas prendre comme norme l’échelle de valeurs du monde (Rom 12.16). Paul, que ses grandes capacités intellectuelles auraient pu appeler à des postes élevés, a exercé un métier manuel, qui lui a permis de rencontrer un couple qui deviendra un foyer pionnier de l’Évangile (cf. Act 18.1-4). De plus, comme le montre Paul, l’exercice d’un métier n’est pas un obstacle à un service actif pour le Seigneur.
Pour autant, il n’est pas forcément selon Dieu de viser une profession en deçà de nos capacités ; ce serait de la fausse humilité.
Récolter des avis sur les diverses professions est sage (Pr 15.22) : à la fois auprès de conseillers pédagogiques et auprès de chrétiens expérimentés, au-delà des parents, qui sont bien sûr les premiers « conseillers », mais qui peuvent faire parfois pression dans une direction qui ne convient pas à leur enfant.
En résumé, le choix d’un métier dépend d’abord des capacités et des goûts qu’on a reçus et il ne doit pas être dicté par les principes du monde, ni être fait sous la pression.
5. Faut-il changer de métier à sa conversion ? Pourquoi changer de métier ?
La conversion n’entraîne pas forcément un changement de travail. Des percepteurs d’impôts, peu estimés à l’époque, et des soldats vinrent se repentir au bord du Jourdain à la prédication de Jean-Baptiste. Perplexes, ils ont demandé à Jean : « Maître, que devons-nous faire ? » La réponse fut claire : inutile de changer de travail (Luc 3.12-14) ! En revanche, la façon dont on accomplira son travail sera modifiée, à la suite de la nouvelle orientation donnée à sa vie, comme le dit Jean Baptiste.
Lorsque le travail risque d’être une entrave majeure à la vie chrétienne, on est encouragé à saisir l’occasion de changer, si elle se présente. « Que chacun demeure dans l’état où il était lorsqu’il a été appelé. As-tu été appelé étant esclave, ne t’en inquiète pas; mais si tu peux devenir libre, profites-en plutôt. Car l’esclave qui a été appelé dans le Seigneur est un affranchi du Seigneur ; de même, l’homme libre qui a été appelé est un esclave de Christ. Vous avez été rachetés à un grand prix; ne devenez pas esclaves des hommes. Que chacun, frères, demeure devant Dieu dans l’état où il était lorsqu’il a été appelé. » (1 Cor 7.20-24)
Pour être complet, le travail se définit par : – sa nature (le métier lui-même) : quoi faire ? – son cadre (l’endroit où on l’exerce) : où le faire ? – la manière de l’exercer : comment le faire ?
Ces trois éléments sont importants, en particulier le second. Un croyant peut se sentir « esclave des hommes » dans son travail, si celui-ci est trop prenant, en temps ou en occupation d’esprit (en effet, toutes les entreprises n’ont pas la même exigence) ; si ce chrétien a l’opportunité de changer, Paul l’incite à la saisir.
Pour autant, mieux vaut éviter une trop grande instabilité et ne pas renoncer à un poste à la première difficulté avec sa hiérarchie : « Si l’esprit de celui qui domine s’élève contre toi, ne quitte point ta place. » (Ecc 10.4)
En résumé, il n’y a pas de métier spécifiquement « chrétien » et chacun doit examiner devant Dieu s’il peut continuer à exercer sa profession après sa conversion. Le cas échéant, changeons de travail, ou de lieu de travail, si c’est possible, lorsque nous en devenons esclaves.
6. Que penser du travail rémunéré de la femme mariée ?
Cette question est un luxe de notre société occidentale du xxie siècle : dans de nombreux pays, et en France il n’y a pas longtemps, l’épouse n’avait pas le choix ; elle devait travailler pour qu’il y ait à manger à la maison. Paul écrit à des églises locales où de nombreuses femmes sont esclaves ! Pour autant, la priorité pour la femme chrétienne est donnée par Paul : « [Que les femmes âgées apprennent] aux jeunes femmes à aimer leur mari et leurs enfants, à être retenues, chastes, occupées aux soins domestiques, bonnes, soumises à leur mari, afin que la parole de Dieu ne soit pas blasphémée. » (Tite 2.4-5) La profession de la femme (par nécessité ou par choix) doit s’allier avec sa vie de couple, de famille et de maîtresse de maison. Doser ces diverses activités de façon équilibrée est un exercice délicat, mais le Seigneur, par son Esprit, donnera direction et paix, dans une vision de couple partagée.
La Parole donne de nombreux cas de femmes actives et pieuses. Plusieurs versets du chant à la gloire de la « femme de valeur » de Proverbes 31 évoquent le commerce, la finance, l’artisanat, etc. : « Elle pense à un champ, et elle l’acquiert ; du fruit de son travail elle plante une vigne. Elle sent que ce qu’elle gagne est bon ; sa lampe ne s’éteint point pendant la nuit. Elle fait des chemises, et les vend, et elle livre des ceintures au marchand. » (Pr 31.16,18,24) Lydie, la marchande de pourpre de Thyatire (Act 16.14), avait sans doute un métier prestigieux, un peu comparable à celui d’un grand couturier aujourd’hui. Priscilla et son mari Aquilas travaillaient ensemble pour faire des tentes (Act 18.1-4).
Certaines peuvent concilier travail et famille, avec des formules à mi-temps par exemple. Chacune est appelée à agir « selon sa force » (Ecc 9.10). Respectons profondément celles qui ont fait le choix, aujourd’hui souvent méprisé, de rester à la maison à plein temps – ce qui est parfois plus fatigant qu’une activité externe !
En résumé, selon la Bible, il est absurde d’interdire aux femmes de travailler. S’il est possible de concilier un travail rémunéré avec le travail domestique (dont le mari n’est pas exclu, loin s’en faut…), il y a toute liberté.
7. Le chrétien peut-il se mettre en grève ?
L’Écriture demande clairement aux « serviteurs » (aux salariés, dirait-on aujourd’hui) de se soumettre à leurs « maîtres » (leurs supérieurs) – et cela que ces derniers soient « bons et doux » ou qu’ils aient « un caractère difficile » (1 Pi 2.18). L’obéissance à l’autorité hiérarchique est un principe biblique général que tout chrétien est tenu de respecter. Néanmoins, la Bible condamne tout aussi fermement l’oppression des pauvres : Jacques rejoint la voix de prophètes comme Amos lorsqu’il dénonce vertement le comportement des riches qui frustrent les ouvriers d’un salaire digne (Jac 5.1-6). Si un croyant peut supporter paisiblement une injustice qui le touche personnellement, il peut aussi apporter une critique justifiée face à un comportement patronal inéquitable qui porte atteinte à son prochain ou à toute une catégorie sociale.
Dans les pays où le droit de grève est reconnu par la législation, lorsque la négociation n’a pas pu aboutir, on peut donc concevoir que le chrétien puisse user de ce droit comme un moyen de « dire la justice » (cf. Ps 40.9). Le danger est alors de glisser vers la défense d’intérêts matériels ou catégoriels, ou bien d’être entraîné dans des mouvements dont les fondements peuvent être diamétralement opposés à l’Évangile. Il est donc impossible d’édicter une règle de conduite générale et uniforme et il convient à chacun de se laisser diriger par l’Esprit pour vivre et montrer l’équilibre toujours délicat entre une soumission dans la douceur (Phil 4.5) et une dénonciation courageuse du mal.
Conclusion
Dieu veut nous bénir dans toute notre vie, en particulier dans notre travail qui en occupe une large partie. Nous pouvons le recevoir comme un cadeau de sa part, nous pouvons le faire comme si nous le faisions directement pour le Seigneur, il peut nous procurer de la joie au travers même de sa pénibilité à laquelle nous n’échappons pas, nous pouvons y trouver de nombreuses occasions de témoignage… Que ce rapide survol nous conduise à remercier le Créateur pour le don du travail !
Dans ce numéro nous vous présentons les divers aspects du travail : labeur, chômage, vocation et revenu, témoignage à nos places de travail, relations dans le travail, congés et sécurité dans nos occupations.
Tout commence par Dieu lui-même, créateur de l’univers. Dieu est saint, juste et amour. Nous avons affaire au Dieu trinitaire : Dieu Père, Fils et Saint-Esprit. Et ce Dieu merveilleux « créa au commencement les cieux et la terre » (Gen 1.1).
Oui, Dieu est au travail dès le commencement. Et tout au long de l’histoire, il a travaillé pour la bénédiction de l’homme. Il y travaille encore « à plein temps ». N’est-il pas venu s’incarner en la personne bénie de Jésus-Christ pour offrir le salut à quiconque croit en lui ? Quel travail extraordinaire tout au long de sa carrière terrestre (Jean 5.12-24) !
Notre grand adversaire, le diable, a fait tomber nos premiers parents au jardin d’Éden en leur faisant miroiter qu’ils « seraient comme Dieu » s’ils mangeaient du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal (Gen 3.1-7).
Dieu avait ordonné à Adam et Ève de soumettre les animaux et de cultiver la terre (Gen 1.27-31), de « travailler le sol » (Gen 2.5). Le travail était alors une activité bénie. Hélas, dès leur chute, il est devenu pénible à tous égards (Gen 3.17-19).
La croix a changé les choses : Dieu nous a acquis le salut en son Fils Jésus-Christ. Maintenant, il travaille en nous pour faire de nous, entre autres choses, des travailleurs justes, honnêtes. L’Esprit de Dieu intercède « pour les saints selon Dieu » (Rom 8.26-27). Désormais, « […] toutes choses travaillent pour le bien de ceux qui aiment Dieu. » (Rom 8.28)
Oui, Dieu travaille, et nous travaillons pour l’honorer par notre témoignage. Il a aussi créé un jour de repos par semaine. Là, encore, c’est pour l’adorer, le célébrer et lui rendre gloire par notre rassemblement le premier jour de la semaine (Act 20.7 ; 1 Cor 11.23-28).
Quel merveilleux plan de travail et de repos que celui de notre grand Dieu pour nous. Qu’il soit béni et adoré !
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Dossier, dernière page
« Quoi que vous fassiez, faites tout pour la gloire de Dieu. » (1 Cor 10.31b)
La recherche du pourquoi de notre existence doit immanquablement nous pousser vers celui qui est à l’origine de notre vie : Dieu, le Créateur. Nous saurons alors que nous ne sommes pas sur terre par hasard, mais que nous avons bien une mission à remplir. Ainsi, nos activités prennent sens. Notre travail nous a été confié par Dieu.
Cependant, cette vocation ne se réduit pas à une ou plusieurs activités, mais il s’agit d’une vie dans laquelle le Seigneur veut être honoré par notre façon de la vivre. Alors, certes, si on ne vit pas seulement pour travailler, notre façon de travailler est d’une grande importance. Notre travail, comme toute notre vie, est pour lui.
QUAND TU TE RETROUVES ENTRE DEUX EMPLOIS…
Connaître une période de transition, occuper un poste temporaire ou être sans emploi représentent des saisons qui amènent presque toujours à douter de nos capacités et à nous inquiéter au sujet de notre avenir. C’est exactement ce qui m’est arrivé lorsque je me suis retrouvé sans emploi.
Dix mois avant la fin de mes études, j’ai reçu une offre d’emploi de l’employeur de mes rêves à Washington DC. J’exultais. Je priais pour ce poste depuis six ans en faisant tout pour être le meilleur candidat possible. L’occasion se présentait enfin. J’étais à deux doigts de l’obtenir. Mon futur se dessinait devant mes yeux.
Cette offre m’a procuré un grand soulagement, de même qu’à ma fiancée. Après des fréquentations à distance en raison des innombrables kilomètres qui nous séparaient, nous désirions par-dessus tout demeurer dans la même ville. Grâce à cette offre d’emploi, je savais que, non seulement nous pourrions nous installer à Washington, mais que je serais également capable de subvenir à ses besoins. Environ un mois après la réception de l’offre, je lui ai demandé de m’épouser avec la permission de son père. Nous avons fixé la date de notre mariage, qui aurait lieu deux semaines après la fin de mes études. Finis les « bonne nuit » au téléphone. Finis les « adieu » à l’aéroport. Tout se mettait en place. J’avais le sentiment que, quoi qu’il puisse arriver, je serais heureux.
Jamais je n’aurais pu imaginer ce qui allait se produire ensuite. Bien que les événements qui ont suivi se soient avérés éprouvants, j’en suis aujourd’hui profondément reconnaissant. J’ai eu l’occasion d’apprendre plusieurs leçons. En voici dix.
1. Être prêt à tout lorsque je remets mes plans au Seigneur
Après avoir reçu l’offre d’emploi, je n’ai pas cessé de prier. Je continuais de demander à Dieu que sa volonté soit faite. Il a répondu à ma prière, mais pas de la façon que j’espérais. Pour décrocher l’emploi, je devais passer le test du détecteur de mensonges. Dieu a permis que le test indique que j’avais menti alors que j’avais dit la vérité. C’est ainsi que, pendant la période d’examen, deux semaines avant la fin de mes études et un mois avant mon mariage, j’ai reçu un message m’informant que l’offre d’emploi de mes rêves était officiellement annulée. Aussi douloureux et décourageant que cela ait pu être, je me suis rappelé que Dieu est Dieu et que je ne le suis pas. « Il y a dans le cœur de l’homme beaucoup de projets, mais c’est le dessein de l’Éternel qui s’accomplit » (Pr 19.21).
2. Sonder mon cœur et reconnaître ma véritable motivation
Dans ce monde déchu, même le plus noble désir peut être inspiré par le péché. Est-ce que je désirais vraiment glorifier Dieu avec le travail de mes rêves ? Bien sûr. Toutefois, un grand nombre de plaisirs mondains y étaient également attachés : un excellent salaire, une (fausse) promesse de stabilité, une bonne dose de pouvoir et beaucoup d’admiration. J’aime à penser que tout ce que je voulais était de glorifier Dieu, mais il est difficile de croire que ces avantages n’influençaient pas mon désir de décrocher cet emploi. Merci Seigneur de m’avoir empêché de tomber dans ce piège ! Si être sans emploi peut me libérer ne serait-ce que d’une de ces idoles, l’épreuve n’en vaut-elle pas le coup ?
3. Être sans emploi n’est pas toujours la conséquence d’un péché
Oui, il arrive qu’on se retrouve sans emploi à cause d’un péché (Gal 6.7), mais comme pour toute épreuve, ce n’est pas nécessairement le cas (voir le livre de Job). Lorsqu’une personne qu’on soutient traverse une période de chômage, il faut faire bien attention de ne pas supposer qu’un péché en est systématiquement la cause.
4. Le travail est un don de Dieu
Après notre mariage, je suis retourné en Californie afin de permettre à ma jeune épouse de terminer ses études. Pour quelqu’un qui se cherchait un travail dans la sécurité nationale, quitter Washington était la dernière chose à faire. J’ai poursuivi ma recherche d’emploi à distance, en privilégiant les organisations qui correspondaient à mon domaine d’études. Toutefois, l’absence de réponse m’a contraint à étendre considérablement mes recherches. J’ai posé ma candidature à un poste de serveur, de réceptionniste dans un hôtel et même d’équipier en restauration rapide – n’importe quel travail qui me permettrait de régler mes factures. Mais quelque travail que je visais, ça ne fonctionnait pas. J’étais soit surqualifié, soit sous-qualifié. J’ai eu droit à une bonne leçon d’humilité. Malgré mes efforts, je ne pouvais pas obliger un employeur à m’engager. J’étais alors âgé de 24 ans, au bénéfice d’une maîtrise, recalé au profit de jeunes lycéens. Le Seigneur allait pourvoir en son temps. Tout ce que je devais faire était de rester fidèle dans la recherche d’emploi et d’abandonner le reste à Dieu.
5. Désirer travailler est une bonne chose, désespérer de ne pas travailler ne l’est pas
Dieu nous a créés pour travailler (Gen 1.27,28 ; 2.15). Paul rappelle aux Thessaloniciens que « si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus » (2 Thes 3.10) et à Timothée que si nous avons les capacités de pourvoir aux besoins de notre famille, mais que nous ne le faisons pas, nous sommes pires qu’un infidèle (1 Tim 5.8). J’étais triste de ne pas avoir de travail. C’est normal et même biblique, mais être dans le désespoir indique peut-être que nous trouvons notre identité dans le travail plutôt qu’en Dieu. Bien que cela puisse paraître contradictoire, ceux qui se démènent le plus pour trouver du travail sont parfois ceux qui ont le plus tendance à faire du travail une idole. Le travail est un don de Dieu, mais ce n’est pas la réponse à tous nos problèmes. Ce n’est pas notre salut. Il n’est pas facile de différencier une tristesse sainte d’un désespoir idolâtre, il faut donc demander l’aide de chrétiens plus matures pour discerner de quel côté nous penchons.
6. Ce n’est pas mon emploi qui me définit, mais mon statut d’enfant de Dieu
Les personnes de mon entourage qui ont traversé une épreuve liée à la perte d’un emploi semblent comprendre mieux que quiconque que leur identité n’est pas dans leur travail. Je ne crois pas que ce soit une coïncidence. L’Écriture regorge d’exemples de personnes à qui Dieu a tout enlevé (Job, Abraham, Daniel, David, etc.) afin de révéler ce en quoi ou celui en qui elles placent réellement leur confiance. Au-dessus de tout, les chrétiens sont des enfants de Dieu (Gal 3.26).
7. Les non-croyants m’observent, quel genre de témoin vais-je être ?
Lorsque j’étais sans emploi, mes amis et les membres de ma famille non croyants regardaient comment je gérais cette épreuve. Est-ce que j’allais m’inquiéter ou placer toute ma confiance en Dieu ?
8. L’église locale est importante
J’ai trouvé du réconfort et de l’espoir au sein de mon église dans cette période difficile de ma vie. Je n’y étais pas étiqueté comme « l’homme sans emploi ». Au contraire, on me rappelait souvent ma valeur éternelle aux yeux du Dieu souverain ainsi que l’espoir immense que j’avais en Christ, l’espoir qu’un jour toute épreuve aurait disparu. Dans l’église, juge-t-on les personnes sans emploi, consciemment ou non, comme étant moins intelligentes, moins travailleuses ou comme ayant moins de valeur ? L’Évangile n’est-il pas prêché chaque semaine pour nous rappeler notre valeur aux yeux du Père et l’espoir que nous avons en Christ ?
9. Je dois être reconnaissant pour le travail que le Seigneur me donne, même si ce travail ne me passionne pas
Dix mois après la disparition du poste de mes rêves, Dieu m’a donné un travail de livreur pour une agence gouvernementale à Washington. Ce n’était pas mon domaine, et ce n’était pas non plus mon travail de rêve, mais j’avais un emploi. Nous donnons souvent beaucoup trop d’importance à ce que nous faisons plutôt que comment ou pour qui nous le faisons. L’Écriture est claire à ce sujet : « Tout ce que vous faites, faites-le de bon cœur, comme pour le Seigneur et non pour des hommes, sachant que vous recevrez du Seigneur l’héritage pour récompense. Servez Christ, le Seigneur » (Col 3.23-24). Dieu veut que nous soyons fidèles et vaillants, même lorsque nous occupons un poste qui ne nous plaît pas particulièrement.
10. Dieu me connaît mieux que moi-même
Je croyais vraiment que la façon dont Dieu m’avait créé, avec mes talents et mes aptitudes, correspondait exactement à mon travail de rêve. J’ai eu tort, mais Dieu, « qui a formé mes reins » et « qui m’a tissé dans le sein de ma mère » (Ps 139.13), savait depuis le début ce qu’il me destinait. Sept années plus tard, je vois comment il m’a dirigé, me faisant passer d’un emploi de livreur à un emploi pour le Congrès. Ce dernier me convient beaucoup mieux que mon poste de rêve initial.
Dix-huit ans d’une carrière ascendante et une situation matérielle confortable. Quatre beaux enfants, une vie d’église agréable et simple, en somme une vie humainement considérée réussie et un avenir tout assuré… En 18 mois, tout bascule : investissement dans une entreprise contrainte de déposer le bilan, puis chômage avec son lot de perte de repères et d’abandons contraints en tout genre.
Les premières semaines me permettent de prendre le temps de faire les multiples petites choses que je n’ai jamais eu le temps de faire : accompagner les enfants à l’école, participer aux sorties scolaires, exécuter les travaux toujours remis à plus tard, participer aux tâches ménagères, etc., confiant que mes compétences reconnues et mon réseau relationnel me permettraient de retrouver rapidement un travail tout à fait convenable et même probablement meilleur puisque la Parole de Dieu nous assure que « toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment Dieu » (Rom 8.28).
Les mois passant, les interrogations, les inquiétudes pour le lendemain, les difficultés de positionnement se font de plus en plus nombreuses : que suis-je capable de faire ? Serai-je encore capable de subvenir aux besoins de ma famille et de lui assurer un cadre de sécurité matérielle alors même que mon épouse prévoyante a mis un terme à son congé parental et repris une activité professionnelle ? Comment me situer socialement, comment me présenter ? Comment me comporter devant la gêne des proches qui n’osent plus me questionner sur mon activité professionnelle ? Puis-je accepter l’aide proposée par les uns ou les autres ?
Après 6 à 8 mois de non-réponses ou de refus répétés s’enclenchent des réactions d’incompréhension, de colère ou/et de révolte contre la société incapable de reconnaître mes compétences et de les intégrer, contre l’indifférence de ceux qui ont un travail et n’en apprécient pas le privilège – ce qui a été mon cas, mais aussi contre Dieu qui semble être fermé aux prières sans raison apparente… avant que je puisse admettre que les leçons à apprendre passent par ce chemin.
Première leçon : ce que je suis
Pendant des années à la question « Que faites-vous dans la vie ? » je répondais par un « Je suis comptable, directeur… », confondant mon activité professionnelle et ma personnalité. Ayant perdu mon statut social, il a fallu :
– redécouvrir ce que je suis vraiment : un enfant de Dieu, un époux, un père de famille, indépendamment de mon activité professionnelle,
– me laisser convaincre que Dieu m’aime pour ce que je suis et non pour ce que je fais et que cet amour inconditionnel est aussi versé par Dieu dans le cœur de mon épouse (ce qui n’est malheureusement pas le cas dans tous les couples),
– admettre que Dieu peut m’utiliser autrement que par les compétences que je suis persuadé d’avoir acquises.
Deuxième leçon : les choses vraiment importantes
Dès lors que j’ai accepté que la sécurité matérielle et la reconnaissance sociale ne sont pas essentielles car elles ne concernent pas la vie éternelle, j’ai pu abandonner dans les mains de Dieu tout ce que notre Père céleste sait nous être utile.
La pleine confiance en la bonté de notre Père est une chose importante. Or, pour vivre cette confiance sur le long terme, il m’a fallu accepter de ne pas rechercher un certain niveau de vie.
Un autre point crucial est de rechercher premièrement le royaume de Dieu (Mat 6.33), ce qui implique de rechercher non pas un travail rémunérateur, mais ce que Dieu a préparé pour moi. Cela peut aboutir au même résultat, mais comme souvent, ce qui importe pour Dieu, c’est la disposition de cœur.
Pour ma part, cette priorité m’a fait passer par des activités bénévoles dont je ne comprenais pas bien l’issue et considérais même qu’elles entravaient mes recherches d’emploi, mais qui se sont révélées être une formidable préparation pour ce qui m’attendait.
Après deux ans, j’étais – et suis encore – en situation de pouvoir aider des personnes écrasées par le fléau du chômage, à la fois grâce aux leçons apprises dans ma vie et par l’activité que Dieu m’a confiée au sein d’une entreprise d’insertion professionnelle.
« Allez, faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et Saint-Esprit, et enseignez-leur à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde. » (Matt 28.19-20)
Certains évangélistes quittent leur travail séculier pour se dédier totalement à l’évangélisation. Ainsi, ils répondent à l’appel de leur maître, ce que nous ne saurions contester. Mais nous qui sommes salariés d’une société, de l’État, etc., ne sommes-nous pas appelés à évangéliser, y compris à notre place de travail ? Il ne s’agit pas de parler de Dieu, du Seigneur Jésus, du salut ou de l’enfer à tout bout de champ. Il s’agit de travailler comme un enfant de Dieu, et il me semble que l’évangélisation peut se faire dans deux directions.
1. Être chrétien au travail
a) Il est connu pour la qualité de son travail
Le chrétien doit être connu pour la qualité de son travail. Il est assidu et ne s’absente que pour des raisons vraiment importantes. Il est ponctuel, toujours à l’heure. Sans tomber dans le perfectionnisme, il est consciencieux et fait ce qui lui est demandé de son mieux. Il respecte la loi, les règlements intérieurs et les différentes directives. Paul enseignait à Timothée : « Efforce-toi de te présenter devant Dieu comme un homme éprouvé, un ouvrier qui n’a point à rougir. » (2 Tim 2.15)
b) Sa probité est reconnue
Il ne mélange pas les biens de l’entreprise et les siens. Il pratique ce qui est juste et condamne ce qui est injuste. « Ne prenez point part aux œuvres infructueuses des ténèbres, mais plutôt condamnez-les. » (Éph 5.11)
c) Il est fidèle à ses engagements
La parole du chrétien a du poids. Ce qu’il annonce est vrai. Il tient ses engagements, même s’il lui en coûte. « Il ne se rétracte point, s’il fait un serment. » (Ps 15.4) S’il se trompe, il reconnaît son erreur.
d) Il est connu pour la façon positive dont il considère les personnes du haut en bas de la hiérarchie
Il ne voit pas seulement des fonctions, mais il voit les personnes. Les fonctions peuvent être hautes ou basses, mais les personnes sont d’égale importance. Elles ont toute une âme éternelle. Le chrétien n’est pas vantard, hautain, il est accessible. « L’homme regarde à ce qui frappe les yeux, mais l’Éternel regarde au cœur. » (1 Sam 16.7)
L’exemple de Daniel, homme pieux et proche de son Dieu, est parlant. Son intelligence et sa sagesse sont remarquées successivement par Nebucadnetsar, par Belshatsar et par Darius. Appelé par ce dernier à de très hautes fonctions dans le royaume de Babylone, il est confronté à des opposants qui cherchent à le faire tomber. Ceux-ci doivent bien se rendre à l’évidence : « Ils ne purent trouver aucune occasion, ni aucune chose à reprendre, parce qu’il était fidèle, et qu’on apercevait chez lui ni faute, ni rien de mauvais » (Dan 6.4b). Quel témoignage devant les hommes !
Si le témoignage vis-à-vis de nos semblables est important, c’est le regard de Dieu qui est déterminant pour le croyant. Il trouve sa motivation à bien faire son travail à cause du Seigneur : « Tout ce que vous faites, faites-le de bon cœur, comme pour le Seigneur et non pour des hommes » (Col 3.23).
2. Avoir de vraies relations au travail
L’entreprise ou l’administration ne sont pas des lieux pour prêcher ou annoncer l’Évangile, ce serait un contre-témoignage de le faire. Le chrétien est payé pour son travail, non pas pour évangéliser ses relations de travail (collègues, clients, fournisseurs, etc.) ! Paul conseille : « Marchez dans la sagesse envers ceux de dehors, saisissant l’occasion » (Col 4.5, Darby).
Si nous considérons notre prochain au travail comme une créature aimée de Dieu, nous pourrons certainement établir des relations plus étroites avec lui. En tout cas, avec celui qui est en recherche, car à l’inverse, celui qui s’oppose à Dieu n’aime pas les chrétiens (voir Dan 6.4a). Sur la base de relations vraies, d’estime, de sincérité, nous pourrons peut-être inviter ce collègue, ce subordonné ou ce chef, chez nous à la maison, ou à une réunion, un spectacle ou une activité chrétienne. Cette personne nous écoutera et nous prendra au sérieux, car elle nous aura vus vivre au travail. Il me semble que c’est ainsi que nous pourrons évangéliser et témoigner à des collègues dans un lieu approprié. Ne fut-ce pas le cas de l’apôtre Paul lorsqu’il rencontra Aquilas et Priscilla à Corinthe ? « Il y trouva un Juif nommé Aquilas, originaire du Pont, récemment arrivé d’Italie avec sa femme Priscilla, parce que Claude avait ordonné à tous les Juifs de sortir de Rome. Il se lia avec eux ; et, comme il avait le même métier, il demeura chez eux et y travailla : ils fabriquaient des tentes. » (Act 18.2-3)
Voilà une raison pour partir chaque matin au travail avec intérêt. Le travail occupe une grande partie de notre temps et ce serait bien dommage qu’il se résume à une parenthèse dans notre vie chrétienne.
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