PROMESSES
I. Le Livre des commencements
La Genèse constitue la clé d’entrée de la Bible. Enlevez la Genèse… et les 65 autres livres de l’Écriture deviennent incompréhensibles. La Genèse contient des informations vitales sur le commencement des choses. Sans cette révélation, le sens de notre vie et de l’univers resterait hors de notre portée.
« Genèse » veut dire « origine », « génération », selon le mot hébreu toledot (origines, sources, générations). Ceterme provient de Gen 2.4, « générations ». Le premier mot de ce livre est « au commencement » (bere’chit). La Genèse est le récit de l’origine de toutes les entités des « cieux et [de] la terre », de la vie et des réalités de l’univers. Elle offre une information précise, simple et authentique à ce sujet. Pour demeurer accessible à tout homme de toute époque, elle se doit d’offrir un compte-rendu suffisant de ces faits, indépendant du développement des cosmogonies païennes, des philosophies, des mentalités ou des théories scientifiques. Sinon, il faudrait supposer que la révélation écrite de Dieu est de portée très éphémère et que son interprète, le Saint-Esprit, sera vite muselé par la transformation des civilisations, des langues et des conceptions.
La Genèse nous informe donc sur le commencement des choses créées par le Dieu personnel, infini, et tout-puissant, selon une vision du monde incompatible avec les divers systèmes erronés que l’homme peut inventer. Pour simplifier, on distinguera deux approches inconciliables de la « cosmogonie » :
? L’approche naturaliste : elle exclut le surnaturel, ou prône une forme de spiritualité immergée dans la matière ; elle explique les origines et tout ce qui suit selon un programme naturaliste, animaliste. Pas de Dieu. L’homme devient un objet, une machine, un « mammifère » qui apparaît et disparaît sans laisser de trace. Un programme pessimiste et menant au désespoir.
L’approche biblique : elle affirme l’existence et la manifestation d’un Créateur parfaitement bon, omnipotent, omniscient et saint. Son programme concernant notre passé, notre présent et notre avenir est complet, constamment contrôlé et se poursuit exactement selon ses desseins éternels. Ce programme est rassurant, plein d’espérance et parfaitement concret.
II. Divers « commencements »
1. Origine de l’univers
La Genèse est le récit de la création spéciale du continuum de base : masse – espace – temps, qui constitue la charpente de l’univers physique. En cela, Gen 1.1 est unique dans la littérature, la science et la philosophie. Tout autre système cosmogonique fait appel soit aux mythes (religions antiques, ésotérisme), soit aux modèles scientifiques expliquant le surgissement de la matière (et sa transformation en une multiplicité d’états et d’organismes) comme une phase particulière d’un grand cycle éternel.
2. Origine de l’ordre et de la complexité
Ordre et complexité ne surgissent jamais spontanément ; ils sont le produit d’une cause qui leur est antérieure et supérieure. Voltaire aurait dit que la montre n’existe pas sans l’horloger… L’étude formelle des systèmes physiques et biologiques démontre que les choses ordonnées et complexes ont tendance à la dégénérescence ou au désordre.
3. Origine du système solaire
Selon la Genèse, le soleil, la lune, les planètes et les étoiles ont été appelés à l’existence par le Créateur, et la terre tient une place historique unique dans ce concert. Depuis que nous savons qu’il existe quantité d’exoplanètes (des planètes qui gravitent autour d’autres étoiles que la nôtre, le soleil, les cosmogonies matérialistes d’aujourd’hui cherchent à nous rassurer sur la « banalité » de notre terre et de son environnement en avançant que le miracle de la vie est sûrement possible ailleurs.
4. Origine de la vie
La Genèse parle de l’apparition de végétaux ou de la création spéciale d’« êtres vivants » selon leurs espèces. Les merveilles du processus reproductif, sa complexité infinie programmée dans les systèmes génétiques des plantes et des animaux ne peuvent s’expliquer en dehors de ces actes créateurs.
5. Origine de l’homme
Il est l’entité la plus hautement organisée et la plus complexe, car en plus de ses structures physico-chimiques nombreuses et compliquées, il possède par nature la capacité de saisir et de contempler (même imparfaitement) des entités abstraites comme la beauté, l’amour, la vérité. Il a donc la capacité intellectuelle et morale de réfléchir sur sa propre signification.
6. Origine du mariage
La Genèse rapporte aussi l’institution universelle et stable du mariage, du foyer et de la famille, sur la base d’une culture monogame et sociale. Le mariage est donc un ordre créationnel. Tous les autres systèmes et déviations sont ultérieurs à cette institution divine rapportée en Genèse 2, et sont une conséquence de la Chute de nos premiers parents (Gen 3).
7. Origine du mal
L’origine des maux physiques et moraux nous est expliquée dans la Genèse comme une intrusion temporaire dans le monde parfait de Dieu ; cette dernière est consécutive à l’exercice de la liberté octroyée à l’homme, liberté impliquant dès le départ la notion de responsabilité. Le mal étant désormais « dans la place », Dieu annonce son intention de se manifester lui-même comme Rédempteur tout autant que comme Créateur1.
8. Origine du langage
La Genèse nous rapporte l’origine du langage. Toute explication d’un prétendu processus évolutionniste entre la « jacasserie » des animaux et les systèmes de communication intelligents, abstraits et symboliques des hommes est tout simplement impossible. Il n’y a pas de commune mesure entre les deux.
9. Origine du gouvernement
La Genèse décrit la naissance de gouvernements humains organisés. L’homme n’est pas seulement l’auteur de ses propres actes, mais aussi de structures sociales réglées par des lois (assorties de punitions en cas d’infraction). Jusqu’à nos jours, l’institution des autorités politiques et juridiques contribue à préserver l’ordre et la sécurité dans un monde marqué par le péché.
10. Origine de la culture
La Genèse donne des informations sur les domaines constitutifs de toutes les civilisations tels que l’urbanisation, l’industrie (métallurgie, textiles), la musique, l’art, l’agriculture, l’élevage, l’écriture, l’éducation, la navigation, etc.
11. Origine des nations et des diverses langues
La Genèse nous explique pourquoi des nations parlant des langues distinctes sont apparues alors que la race humaine était une à l’origine, et que tous parlaient la même langue.
12. Origine de la religion
Il y a beaucoup de religions aujourd’hui, qui toutes témoignent de la conscience d’une vérité supérieure et d’une ultime réalisation de soi vers laquelle les hommes devraient tendre. Pourquoi cette préoccupation ? Parce que « Dieu a mis la pensée de l’éternité dans le cœur de l’homme » (Ecc 3.11). La Genèse décrit précisément l’origine de cette conscience ancrée en l’homme. Toutefois, elle dévoile aussi que ce ne sont pas les pratiques religieuses en tant que telles qui mènent au salut (voir l’histoire de Caïn et Abel).
13. Origine du peuple choisi
La Genèse consacre plus de 39 chapitres (sur 50) à l’histoire des origines du peuple d’Israël ! Elle pose les bases d’une juste compréhension de la mission du peuple terrestre de Dieu. Elle nous prépare aussi à comprendre l’articulation entre ce peuple et l’Église (dont le mystère restera longtemps caché). Les deux « peuples » sont issus d’Abraham, le premier biologiquement. Le second, par « adoption ». Le N.T. insiste sur le fait que, sous l’angle du salut individuel, les vrais fils d’Abraham sont ceux qui ont une foi de la même nature que la sienne, et qui, soit par anticipation, soit de manière rétrospective, croient en Jésus-Christ, à sa mort à la Croix, à sa résurrection et à sa glorification. En nos temps, Israël, nation unique et sans terre pendant 1900 ans, a renoué avec son destin particulier : il a réintégré son pays. Le peuple qui donna la Bible et la connaissance du vrai Dieu au monde, inscrit dans le calendrier de Dieu, y est donc resté même si, dans le temps actuel, la plupart de ses membres ne reconnaissent pas en Christ leur messie.
En conclusion, la Genèse est le fondement de toute l’histoire, de toute science et de toute philosophie vraies.
III. Auteur
Nous savons que « la prophétie n’est jamais venue par la volonté de l’homme, mais de saints hommes de Dieu ont parlé, étant poussés par l’Esprit-Saint » (2 Pi 1.21). « Toute l’Écriture est inspirée de Dieu. » (2 Tim 3.16) Mais qui est l’auteur du Livre de la Genèse, divinement inspiré ? Trois suggestions principales sont présentées par les commentateurs. Le sujet est complexe, vaste et difficile, car de nombreuses considérations doivent être prises en compte.
1. Divers compositeurs postérieurs à Moïse : hypothèse documentaire
La majorité des théologiens libéraux ont épousé la « théorie des sources ». La voici : un certain nombre d’écrivains et d’éditeurs inconnus y ont travaillé depuis l’époque du roi Ézéchias jusqu’à Esdras, le scribe. Ils compilaient et éditaient diverses légendes et traditions antiques transmises verbalement par leurs propres ancêtres et par ceux des Egyptiens, des Babyloniens et d’autres peuples. Ces compilateurs et éditeurs faisaient ensuite circuler l’idée que ces documents provenaient de Moïse, afin d’investir de l’autorité nécessaire celui qui leur avait transmis la loi. Cette théorie est appelée « hypothèse documentaire », « hypothèse JEDP » ou « théorie des sources ». Sa méthode d’analyse littéraire est appliquée au Pentateuque, à Josué et, dans une moindre mesure, à d’autres livres de l’A.T. Cette théorie est le fruit de la « haute critique » (en vogue dès le XIXe siècle) dont le noyau dur est une dénégation systématique des réalités surnaturelles. Cette attitude découle du recours à la méthode historico-critique selon laquelle seul ce qui est rationnel est réel, tandis que ce qui est surnaturel, étant non-rationnel, n’est pas réel. La théorie JEDP a avancé l’hypothèse que le Pentateuque serait une compilation de documents de 4 sources différentes, d’époques comprises entre 850 av. J-C. et 500 av. J-C.
D’après la « haute critique »2, les 11 premiers chapitres de la Genèse seraient des reprises d’anciens mythes babyloniens. Mais d’éventuels rapprochements ou analogies entre la Bible et des mythes antiques ne peuvent suffire à accréditer une telle position. Voici le témoignage d’un érudit évolutionniste, Ralph Linton : « Des écrits sont apparus presque simultanément il y a quelque 5000 ou 6000 ans en Égypte, en Mésopotamie et dans la vallée de l’Indus. »3 Il n’y a donc aucune raison de mettre en doute la possibilité d’écrits datant de 3500 ans avant J.-C. et témoignant de réalités culturelles de cette époque. Moïse a dû avoir avoir accès à certaines de ces sources anciennes (n’avait-il pas été instruit « dans toute la sagesse des Égyptiens » ?) . Pourquoi cette éducation aurait-elle empêché Moïse de traiter ce matériel, à une époque ultérieure de sa vie, selon les directives de l’Esprit de Dieu et d’y ajouter ce que le même Esprit était seul capable de révéler ? Quoi qu’il en soit, depuis que nous savons que la littérature existait déjà bien avant Moïse, on dispose aujourd’hui de matériel documentaire en abondance pour réfuter les supputations de la « haute critique ». Malheureusement, les articles pour grand public (sur Internet, par exemple, l’article Moïse de Wikipédia) reprennent habituellement sans autre les thèses de la « haute critique » comme s’il s’agissait de positions irréfutables. L’historicité du Moïse biblique est dès lors considérée comme invraisemblable, tout comme l’historicité de ce que nous lisons dans le Pentateuque et dans la plupart des textes bibliques. Il faut dénoncer de tels a priori.
2. Moïse comme auteur
L’Écriture attribue le Pentateuque à Moïse. Par exemple, dans le livre des Rois (2 Rois 13.23) : « À cause de son alliance avec Abraham, Isaac, et Jacob » : un récit central de la Genèse est ici reconnu dans son historicité. De même, 1 Chroniques 1 reprend les générations énumérées dans la Genèse.
Jésus lui-même disait : « Il fallait que s’accomplisse tout ce qui est écrit de moi dans la loi de Moïse, dans les prophètes et dans les psaumes. […] Et, commençant par Moïse et par tous les prophètes, il leur expliquait dans toutes les Écritures ce qui le concernait. » (Luc 24.44,27). La tradition constante des scribes juifs et des Pères de l’Église admettait sans aucune hésitation que Moïse était le rédacteur du Pentateuque. Les cinq livres faisaient partie de « la Loi de Moïse » (voir encart n° 1).
On peut néanmoins se poser la question : comment Moïse a-t-il reçu le message et comment l’a-t-il transcrit ? Envisageons trois possibilités :
1) Moïse a retranscrit la révélation directe (audible et/ou visuelle) venant de Dieu. Il aurait pu contempler les grands événements sous forme de visions inspirées et les auraient rapportés sous le contrôle de l’Esprit.
2) Moïse a reçu diverses informations par une tradition orale fidèlement transmise de père en fils. Il aurait collecté puis classé toutes ces informations pour les conserver par écrit sous la conduite et l’inspiration du Saint-Esprit.
3) Moïse a collectionné des écrits anciens et les a rassemblés sous une forme nouvelle, toujours sous l’inspiration de l’Esprit de Dieu.
Chacun de ces trois « modes de composition » est en accord avec l’inspiration plénière et verbale, et envisagent Moïse comme auteur. La première possibilité semble peu probable en ce qui concerne l’entier de la rédaction de la Genèse, tandis que la révélation directe est clairement indiquée en rapport avec les Dix Commandements, la promulgation des lois et des ordonnances spécifiques de l’Exode, le Lévitique, les Nombres et le Deutéronome. Par ailleurs, les visions concernent en général plutôt les choses futures (Daniel, Ézéchiel).
Il faut noter que la Genèse est presque entièrement une suite de narrations concernant des événements capitaux du début de l’histoire. Cette caractéristique la rapproche de livres comme les Rois, les Chroniques, Luc et les Actes, par exemple. La Genèse a peut-être été composée selon la même méthode que Luc employa bien plus tard : « Plusieurs ont entrepris de composer un récit des événements qui se sont accomplis parmi nous, tels que nous les ont transmis ceux qui, dès le commencement en ont été les témoins oculaires et qui sont devenus serviteurs de la Parole. Il m’a semblé bon à moi aussi, après avoir tout recherché exactement depuis les origines, de te l’exposer » (Luc 1.1-4). Sous l’inspiration de l’Esprit, Moïse peut très bien avoir procédé de la même façon avec les documents qu’il avait à sa disposition.
Il est vrai que parmi les 200 références faites à la Genèse dans le N.T., aucune ne mentionne Moïse comme son auteur. De fait, le nom de Moïse est mentionné à peu près 80 fois dans le N.T. ; 25 passages font allusion à des sections attribuées à Moïse dans les quatre autres livres du Pentateuque. Mais si la Genèse a un auteur humain, quel autre personnage que Moïse pourrait-il, en respectant l’ensemble de la Bible, se porter meilleur candidat ?
Nous adhérons à la pensée d’Henry Morris que Moïse compilait des récits antérieurs transmis de père en fils à travers la lignée des patriarches, comme Adam, Noé, Sem, Térah, Ismaël, Isaac, Ésaü, Jacob et ses fils. Ces mémoires furent gardés sur des tablettes ou sur des pierres. Il est possible que les documents originaux puissent être détectés dans les phrases-clés : « voici les origines » ou « voici la postérité » ou « voici les générations », selon la traduction du mot hébreu « toledot ». Dans la Genèse, nous trouvons 11 divisions inaugurées par ces termes :
1. « Voici les générations des cieux et de la terre » (2.4)
2. « Voici le livre des générations d’Adam » (5.1)
3. « Voici les générations de Noé » (6.9)
4. « Voici les générations des fils de Noé : Sem, Cham et Japhet » (10.1)
5. « Voici les générations de Sem » (11.10)
6. « Voici les générations de Térakh » (11.27)
7. « Voici les générations d’Ismaël, fils d’Abraham » (25.12)
8. « Voici les générations d’Isaac, fils d’Abraham » (25.19)
9. « Voici les générations d’Ésaü, qui est Édom » (36.1)
10. « Voici les générations d’Ésaü, père d’Édom » (36.9)
11. « Voici les générations de Jacob » (37.2)
Présumant que ces « livres » des « générations » représentent les documents originaux qui structurèrent la Genèse, ces titres constituent comme des charnières entre la division qui les précédait et celle qu’ils introduisaient (voir encart n° 2).
Encart n° 1 LA GENÈSE DANS LA BIBLE Aucun autre livre n’a été plus souvent cité dans les autres livres de la Bible. 1. Adam est mentionné à 7 reprises dans 7 chapitres de 7 autres livres bibliques que la Genèse. On pourrait répéter l’exercice en examinant les paroles d’Etienne, de Paul, de Jacques, de Jude, etc. |
IV. Principes d’interprétation
1. Approche historique
C’est l’approche que nous privilégions, parce qu’en harmonie avec le reste des Écritures. Nous en avons parlé précédemment (voir le point III.2).
2. Approche mythique
La théologie libérale rejette l’historicité de la Genèse pour n’en retenir que des « valeurs théologiques », en se cantonnant dans une interprétation spiritualisante :
– Adam n’est pas considéré comme une personne réelle, mais comme une représentation symbolique de tous les hommes.
La Chute n’est pas un acte réel de désobéissance de nos premiers parents, mais une expression figurative de l’expérience commune à tous les humains, etc.
Cette manière de tirer des leçons spirituelles à partir de textes réduits à de simples comptes-rendus humains d’expériences religieuses ou sociales, cette habitude de ne recevoir le texte biblique que comme un produit artistico-littéraire à la merci de notre subjectivité de lecteurs, n’est pas en adéquation avec la lecture qu’en ont faite les auteurs sacrés (cf. 2 Pi 1.19-21). La Genèse ne recourt pas aux mythes, ni même aux allégories. Les rêves que Joseph interprète finissent par se réaliser dans les faits. La prophétie de Genèse 49 annonce l’avenir réel des 12 tribus d’Israël. Il est vrai que l’apôtre Paul voit dans l’histoire d’Agar et de Sara une allégorie (Gal 4.24), mais il n’enlève pas pour autant à ces femmes leur statut de personnages historiques.
3. Interprétation typologique
Il y a une tendance, chez certains théologiens conservateurs qui acceptent l’historicité de la Genèse, à mettre l’accent bien plus sur l’interprétation typologique des événements que sur leur signification historique réelle. Les caractères et expériences de personnes comme Noé, Abraham, Isaac, Joseph, etc., sont pris comme des préfigurations d’expériences de la vie de Christ, d’Israël et de l’Église. Souvent, ces interprétations vont bien au delà du raisonnable.
Nous pouvons sans autre affirmer que la typologie a sa place. Bien des portions de la Genèse nous fournissent, parallèlement à la signification historique des événements, des types pour illustrer les grandes vérités du N.T.
Voici quelques exemples :
– Adam est un type contrasté du second Adam, Christ (Rom 5.12-19 ; 1 Cor 15.21-22, 45-47).
– Ève est un type de l’Église (Éph 5.29-33).
– Abraham prêt à livrer son fils Isaac en sacrifice est un type du Père qui offre son Fils unique (Héb 11.17-19) ;
– Joseph est un type de Christ. On peut considérer les divers épisodes de sa vie comme une illustration de la vie de Jésus et de son rejet par son propre peuple. Le Seigneur, comme Joseph, a subi l’humiliation et a été élevé à la gloire pour racheter finalement son propre peuple.
– Nimrod pourrait être considéré comme un type de l’Antichrist.
Ce qui importe, c’est de donner à la Genèse toute sa signification historique et d’assimiler tout ce qu’elle établit quant au Dieu Créateur, à la Création, à la Chute, et bien sûr à la Rédemption à venir. Il s’agit de dégager soigneusement les grands principes divins à l’œuvre dans la trame des événements qu’elle rapporte. Par prudence, évitons d’ériger des doctrines typologiques qui ne trouveraient pas d’appui analogique dans d’autres textes bibliques. Et tirons profit des types qui peuvent être employés comme des illustrations ou des applications pratiques dans notre vie.
Encart n° 2 Plan simplifié de la Genèse A. Les origines de la création et de l’homme 1.1-11.26 B. L’histoire des patriarches 11.27-50.26 |
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Que cette introduction à la Genèse puisse affermir notre enracinement dans la Parole des prophètes, de Christ et des apôtres, pour lesquels ce premier livre de la Bible était divinement inspiré.
1 Cf. Henry. M. Morris, The Genesis Record (Baker Book House, Grand Rapids, Michigan, 1976, p. 20). Le présent article doit beaucoup aux propos de ce scientifique chrétien. Ces réflexions ont été reprises et actualisées sur le site internet www.truthnet.org/Genesis/Genesis-Introduction. Pour ceux de nos lecteurs qui lisent l’anglais et qui veulent en savoir davantage, ce site contient par ailleurs beaucoup de développements, sur une base créationniste, concernant les grandes questions soulevées à propos de la Genèse.
2 À ne pas confondre avec la critique textuelle, dont la tâche est de déterminer avec minutie le texte original en le comparant aux différents manuscrits selon leurs dates supposées de rédaction.
3 The Tree of Culture, p. 110 ; New York, Édit. Alfred A. Knoph, 1955. En Égypte, les premiers cunéiformes datent de plus de 3000 ans av. J.-C. Moïse profitait donc d’une expertise de plus de mille ans !
Consacrer un numéro de Promessesà la Genèse : tout un défi. Il est d’emblée évident que tous les thèmes contenus dans ce livre ne peuvent pas être traités en une quarantaine de pages. Ainsi, certains vont être déçus de ne pas trouver tel ou tel sujet sur lequel ils cherchent depuis longtemps réponses à leurs questions.
Le Comité de votre revue a donc bien dû faire un choix : celui qu’il est heureux de vous présenter aujourd’hui.
La Genèse, mot signifiant « naissance », « origine », « création », est le livre du commencement, ou des commencements. Et à ce titre, celui-ci est vraiment capital, fondamental.
Si nous affirmons, et nous le faisons, que « toute Écriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner, pour convaincre… », cela vaut aussi pour ce premier livre. Christ, qui est lui-même « Parole de Dieu », n’a pas été emprunté pour communiquer sur ce sujet, il ne s’est pas trompé dans l’utilisation des mots, il ne s’est pas exprimé par énigmes. Non, nous osons affirmer que la Genèse est un livre historique et à ce titre, la Révélation du Créateur DieuTout-Puissant dans ses œuvres premières, le ciel, la terre, et tout ce qu’elle contient, surgis du néant à la seule injonction de la Parole de Dieu.
La compréhension dece premier livre de la Bible et la foi en son message constituent une condition sine qua non pour développer une vision du monde authentiquement chrétienne : tous les auteurs bibliques qui citent la Genèse y ont cru littéralement et sans réserve.
Que la lecture de ces pages puisse nous inciter à suivre leur exemple pour la seule gloire de Dieu.
Les cieux ont été faits par la parole de l’Éternel, et toute leur armée par le souffle de sa bouche.
Il amoncelle en un tas les eaux de la mer, il met dans des réservoirs les abîmes.
Que toute la terre craigne l’Éternel ! Que tous les habitants du monde tremblent devant lui !
Car il dit, et la chose arrive ; il ordonne, et elle existe.
L’Éternel renverse les desseins des nations, il anéantit les projets des peuples ;
Les desseins de l’Éternel subsistent à toujours, et les projets de son coeur, de génération en génération.
Heureuse la nation dont l’Éternel est le Dieu ! Heureux le peuple qu’il choisit pour son héritage !
L’Éternel regarde du haut des cieux, il voit tous les fils de l’homme ;
Du lieu de sa demeure il observe tous les habitants de la terre,
Lui qui forme leur cœur à tous, qui est attentif à toutes leurs actions.
Ce n’est pas une grande armée qui sauve le roi, ce n’est pas une grande force qui délivre le héros ;
Le cheval est impuissant pour assurer le salut, et toute sa vigueur ne donne pas la délivrance.
Voici, l’œil de l’Éternel est sur ceux qui le craignent, sur ceux qui espèrent en sa bonté,
Afin d’arracher leur âme à la mort et de les faire vivre au milieu de la famine.
Notre âme espère en l’Éternel ; il est notre secours et notre bouclier.
Car notre cœur met en lui sa joie, car nous avons confiance en son saint nom.
Éternel ! que ta grâce soit sur nous, comme nous espérons en toi !
Science et « vérités »
On se fie généralement sans hésiter aux lois de la science comme celles d’Archimède, de Newton ou de Faraday. Dans les conditions d’expérimentation et d’application envisagées par leurs auteurs, ces lois se vérifient à coup sûr. Mais la science est tout de même perpétuellement obligée de revoir, de corriger et d’affiner ses conclusions dès lors que les instruments, les conditions d’expérimentation et les domaines d’application changent. Toutefois, il semblerait que certaines théories soient presque devenues sacrées (dans les médias en particulier) et qu’on les conserve (avec des ajustements bien sûr) comme si leurs bases étaient des évidences coulées dans le bronze. C’est sûrement le cas de la théorie de l’évolution rendue célèbre par le livre de Charles Darwin De l’Origine des Espèces, édité en 1859. Nous examinerons ci-après quelques-uns des aléas de cette théorie au cours de l’histoire récente.
I. Des croyances coriaces
Depuis la parution du livre de Charles Darwin, les découvertes se sont multipliées. Elles ont fait réfléchir plusieurs générations de scientifiques.
Ainsi Francis Crick, un des découvreurs de la structure de l’ADN et défenseur de la théorie de l’évolution, écrivit : « Les biologistes doivent constamment garder à l’esprit que ce qu’ils voient n’a pas été conçu [par un dieu, n.d.t.], mais a plutôt évolué. On pourrait penser, par conséquent, que les arguments évolutionnistes auraient dû jouer un grand rôle dans l’orientation de la recherche biologique, mais c’est loin d’être le cas. […] Comprendre exactement ce qui s’est passé dans l’évolution est une chose très difficile. Les arguments évolutionnistes peuvent être utilisés avec profit comme indices pour suggérer des axes de recherche possibles, mais il est très dangereux de s’y fier trop. Il est trop facile d’établir des inférences erronées à moins que le processus impliqué soit déjà très bien compris1. »
Ainsi donc, Francis Crick s’adresse aux biologistes en leur présentant son point de vue : les organismes vivants ont évolué. Il n’y a pas eu de création. Afin de nuancer sa pensée, il précise que la recherche n’a pourtant pas été influencée par la position évolutionniste. Ce propos laisse songeur lorsqu’on connaît par exemple l’ascendant de la théorie de la « récapitulation embryonnaire »2 sur les biologistes, théorie dénoncée en 1997 par Michael Keith Richardson. Notons également que, quelques lignes plus loin, Francis Crick penche pour l’exploitation de l’argumentaire évolutionniste comme axe de recherche, bien qu’avec une certaine prudence. N’y a-t-il pas là parti pris arbitraire en faveur de la position évolutionniste ?
De son côté, Richard Dawkins, biologiste et ethnologue britannique, bien connu pour ses positions athées et évolutionnistes, écrivit : « Les couches de roches géologiques datant du Cambrien, vieilles de quelques 600 millions d’années, sont les plus anciennes où l’on trouve la plupart des grands groupes d’invertébrés. Et nous trouvons beaucoup d’entre eux à un stade déjà avancé de l’évolution la première fois qu’ils apparaissent. C’est comme s’ils avaient juste été plantés là, sans aucune histoire évolutive. Inutile de dire que cette apparition soudaine de gisements a ravi les créationnistes3. »
Stephen J. Gould, professeur de géologie et d’histoire des sciences à l’Université de Harvard et vulgarisateur de la théorie de l’évolution, a déclaré : « L’extrême rareté de formes transitoires dans les registres fossiles persiste comme le secret de fabrication de la paléontologie. Les arbres de l’évolution qui illustrent nos manuels ne sont annotés qu’aux intersections et aux extrémités des branches, le reste est de l’inférence, toutefois raisonnable, mais il n’y a pas la preuve par les fossiles4. »
Au vude ces deux dernières affirmations, ne pouvons-nous pas aussi raisonnablement nous interroger sur les fondements de la théorie de l’évolution ? S’il n’y a pas de preuves, la théorie ne relève-t-elle pas de la supposition, voire de la croyance ?
Le célèbre biologiste et zoologiste Pierre-Paul Grassé a écrit : « Aujourd’hui, nous avons le devoir de détruire le mythe de l’évolution, phénomène simple, compris et expliqué, qui continue à se dérouler rapidement sous nos yeux. Il faut amener [les biologistes] à réfléchir sur la légèreté des interprétations et des extrapolations que les doctrinaires présentent ou imposent comme des vérités démontrées. La supercherie est parfois inconsciente, mais non toujours, car il en est qui, par sectarisme, ignorent volontairement le vrai et refusent de reconnaître les insuffisances et la fausseté de leur croyance5. »
Pierre-Paul Grassé associe l’évolution à un mythe qui souffre d’insuffisance sur le plan de sa méthode et de pertinence sur le plan de sa démonstration. Comment peut-on encore prétendre atteindre la vérité ? Il s’agit là de croyance, puisqu’aucune démonstration probante ne vient soutenir la démarche. L’évolution relève donc du mythe, et non d’une observation rigoureuse.
Henry Lipson, professeur en physique à l’Institut universitaire de science et de technologie de Manchester en Angleterre, et évolutionniste, écrivit en 1980 : « L’évolution est devenue en un sens une religion scientifique ; presque tous les scientifiques l’ont acceptée et beaucoup sont prêts à “tordre” leurs observations pour s’adapter à elle. […] Si la matière vivante n’est pas le résultat d’une interaction d’atomes, de forces naturelles et de rayonnements, alors comment est-elle apparue ? Il y a une autre théorie, qui n’a plus aujourd’hui la faveur des savants et qui est basée sur les idées de Lamarck : si un organisme a besoin d’une amélioration, il la développera et la transmettra à sa progéniture. Je pense cependant que nous devons aller plus loin et admettre que la seule explication acceptable est la création. Je sais que cela est un anathème pour les physiciens, comme elle l’est pour moi, mais il ne faut pas rejeter une théorie que nous n’aimons pas si la preuve expérimentale la soutient6. »
Henry Lipson va encore plus loin en constatant à son niveau que la théorie de l’évolution est une religion. À la fin de ce passage, il reconnaît avec honnêteté que l’origine de la vie par l’explication créationniste est une thèse entièrement recevable et mieux encore, qu’elle est fondée sur des preuves expérimentales.
II. Quelques suites du consensus évolutionniste
La base majeure qui permet de justifier la théorie de l’évolution aux yeux du monde occidental provient de l’enseignement scolaire dispensé au cours des dernières décennies. En effet, les gens croient que l’évolution est un fait parce que cela est écrit dans les livres scolaires. Parce que les livres scolaires la mentionnent, la chose est démontrée et il n’est plus question de la remettre en cause. Le paléontologue américain John R. Horner souligne fort bien que la paléontologie est une science historique, basée sur des preuves indirectes a posteriori et qu’il n’est pas possible d’en tirer des conclusions absolues. Il rajoute que l’immense majorité des étudiants en biologie n’est jamais informée que cette science est de l’ordre de la conjecture historique et qu’elle est, par dessus toute chose, de nature non conclusive7. Ainsi l’enseignement occidental impose sans gêne un dogme basé sur des affirmations invérifiables ! La paléontologie, comme nous venons de le voir, est une science qualifiée d’historique, et non expérimentale. Il est impossible d’en vérifier les hypothèses pour deux raisons. Premièrement, les sciences expérimentales sont basées sur l’observation de phénomènes : on répète une expérience un nombre considérable de fois et on aboutit toujours aux mêmes résultats (aux erreurs de mesure près). Or, une telle procédure est impossible pour la paléontologie. Deuxièmement, l’évolution du vivant n’est pas mesurable, car il faudrait des milliers, voire des millions d’années pour l’observer ; or, nous ne vivons que quelques décennies. Même en s’appuyant sur le passé et sur des organismes vivants dontl’existence est très courte en comparaison de la nôtre, nous aurions dû assisterà des évolutions significatives. Nous constatons au contraire un sérieux appauvrissement des espèces animales et végétales, mais curieusement pas d’apparitions de nouvelles espèces réellement différentes des espèces existantes.
Victimes d’un véritable lavage de cerveau, les jeunes adultes acquis aux nouveaux dogmes éducatifs sur l’origine de la vie ne se laissent pas même raisonner par les lois de la statistique et des probabilités. En effet, la probabilité d’une apparition de la vie dans l’univers par hasard est tellement insignifiante qu’elle ne peut se produire que par miracle. Ensuite l’idée d’une évolution vers un être intelligent relève d’un ordre de complexité bien supérieur ; il faudrait une cascade de miracles pour y parvenir. En d’autres termes, l’origine de la vie et son évolution « naturelle » sont inconcevables sans une grosse dose de croyance. La logique biblique est bien moins improbable. La création de l’univers et de tout ce qu’il renferme procède d’une cause qui réside en un Dieu créateur.
On pourrait également se pencher sur les conséquences de la théorie de l’évolution dans nombre d’autres domaines : les institutions, la politique, la sociologie, les comportements (morale sexuelle, manipulations génétiques etc.), et se demander si notre civilisation ne s’est pas radicalement sabordée en se donnant d’autres fondements que la foi au Dieu créateur et en la Révélation biblique.
III. Vraie et fausse science
Dans leur grande majorité, les partisans de la théorie de l’évolution ont édifié leur croyance sur le rejet de l’idée d’un Dieu créateur et l’ont baptisée « science ». Julian S. Huxley a dit, lors de la célébration du centenaire de la parution du livre de Charles Darwin : « Dans le système évolutionniste de la pensée, il n’est plus nécessaire et il n’y a plus de place pour le surnaturel. La terre n’a pas été créée ; elle a évolué. Cela concerne tous les animaux et toutes les plantes qui l’habitent, y compris nous les hommes, âme et esprit, tout comme le cerveau et le corps. Ainsi en est-il aussi de la religion. […] L’homme évolué ne peut plus échapper à sa solitude dans les bras d’une figure paternelle divinisée qu’il a lui-même créé. […] Notre nouvelle organisation de la pensée — système de croyances, cadre de valeurs, idéologie, appelez ça comme vous voulez — doit grandir et être mise au point à la lumière de notre nouvelle vision de l’évolution. Donc, en premier lieu, il faut, bien sûr, que cette vision soit elle-même évolutive. C’est-à-dire qu’elle doit nous aider à penser en termes d’un processus majeur de changement, de développement et d’amélioration éventuelle ; à avoir les yeux fixés sur l’avenir plutôt que sur le passé ; à trouver de l’aide dans la substance de nos connaissances, non pas dans un dogme fixe ou une ancienne autorité.
De même, bien sûr, les perspectives de l’évolution doivent être scientifiques, pas dans le sens qu’elles rejettent ou négligent d’autres activités humaines, mais dans la croyance en la valeur de la méthode scientifique pour susciter la connaissance à partir de l’ignorance, et la vérité à partir de l’erreur, en se basant sur le solide terrain des connaissances scientifiquement établies. Contrairement à la plupart des théologies, [les nouvelles perspectives] acceptent la fatalité et, en fait, l’opportunité du changement, et elles avancent en accueillant de nouvelles découvertes, même si celles-ci entrent en contradiction avec de vieilles façons de penser8. »
Or, comme nous venons de le voir plus haut, les partisans de la théorie de l’évolution sont eux-mêmes des hommes de croyance, ils croient en la « Science », en leurs propres capacités ; ils rejettent, dans leur majorité, toute idée de surnaturel ou de miraculeux. Leur ambition ne répond-t-elle pas dans une certaine mesure à la promesse du serpent dans le jardin d’Éden : « Vous serez comme des dieux » ? (Gen 3.15)
IV. Une profession de foi biblique
En parcourant la Bible, nous découvrons que la création de Dieu est une révélation de Dieu à l’homme, au même titre que les révélations qui nous ont été léguées par les patriarches, par les prophètes et tout particulièrement par la venue de Jésus. La création est un langage (ou un moyen de communication) que Dieu utilise pour se manifester à l’homme. La réflexion qui découle de ce message doit conduire à la reconnaissance du vrai Dieu et à la vraie science (Rom 1.18-23 ; Job 38-40 ; Ps 19.1-5). Découvrir Dieu dans sa création, puis dans sa Parole, c’est découvrir qu’il nous a connus alors que nous n’étions encore qu’une masse informe ; mieux, qu’il nous avait élus en Christ avant la fondation du monde (Ps 139.15-16 ; Jér 1.5 ; Luc 1.15,41 ; Éph 1.4). L’homme n’est pas le « commencement » de la science.
Instinctivement, et malgré le témoignage que Dieu laisse de lui-même et le salut qu’il offre à l’homme, ce dernier recherche l’omniscience et souhaite vivre comme un dieu, loin de sa conscience qui l’accuse. Mais la Bible indique une autre voie que celle de la révolte. D’abord, il faut admettre, comme le fit humblement le roi David : « Une science aussi merveilleuse est au-dessus de ma portée, elle est trop élevée pour que je puisse la saisir. » (Ps 139.6)
Alors que Job s’interroge sur sa situation, Dieu se révèle à lui dans la tempête en lui posant quelques 70 questions relatives à la création. Soulignons la seconde : « Où étais-tu quand j’ai fondé la terre ? Déclare-le, puisque tu es si intelligent ! » (Job 38.4) Cette question s’applique également à nous qui, par orgueil, prétendons souvent mieux connaître les choses que seul Dieu connaît. Le créateur invite les créatures que nous sommes à l’humilité, car nous ne sommes pas capables de dire comment les choses se sont faites.
Ainsi la seule « croyance » qui vaille aux yeux de Dieu est la foi en sa Parole (Héb 11.3). La création ne se démontre pas, elle est manifeste (Rom 1.20)etinvite à la foi. Elle est un sujet d’émerveillement pour ceux qui l’étudient, une raison de glorifier le Créateur, le Seigneur Jésus-Christ (Col 1.16 ;Héb 1.2 ; Apoc 4.11).
1 What Mad Pursuit – A Personal View of Scientific Discovery, Francis Crick, (Basic Book, 1988, p. 138, chap.« Conclusion »)
2 Théorie formulée par Ernst Haeckel (1834-1919), darwiniste et père de l’écologie.
3 The Blind Watchmaker, Richard Dawkins, (W.W. Norton & Company, 3ème edition, 1996, p. 229).
4 Natural History, v.86, mai 1977.
5 L’Évolution du vivant, Pierre-Paul Grassé, (Edition Albin Michel, 1973, p.25)
6 A Physicist looks at Evolution, H. S. Lipson (Physics Bulletin, 1980, Vol. 31, p. 138).
7 Dinosaur Lives: Unearthing an Evolutionary Saga, John R. Horner et Edwin Dobs, (HarperCollins, New-york, 1997, p.19).
8 Voir aussi : Julian Huxley, At random, avant-première télévisée de la célébration du centenaire de la théorie de Darwin, WBBM-TV, CBS, Chicago, 21 novembre 1959, source : http://archive.org/stream/evolutionafterda03taxs/evolutionafterda03taxs_djvu.txt : « La première chose avec la théorie de Darwin est qu’elle n’est plus une théorie mais un fait […] le darwinisme a atteint un âge pour que l’on puisse en parler ainsi. Nous ne sommes plus aujourd’hui à nous soucier de l’établissement du fait de l’évolution. » Voir également le chapitre 8 de l’article de Jean-Pierre Schneider publié dans notre numéro 139, Evolution ou création ? Examen à la lumière de la science et de la Bible (www.promesses.org/arts/139p22-27f.html)
« Péché originel : péché commis par Adam et Ève et dont tout être humain est coupable en naissant. » (Le Petit Robert, 2012)
Le dogme du « péché originel » est depuis longtemps contesté. Apparemment sans succès décisif, puisque ses négateurs doivent sans cesse revenir à la charge. Une théologienne suisse libérale, Lytta Basset, déplore que l’obsession de la faute originelle reste ancrée dans la conscience de nos contemporains – malgré la déchristianisation générale. Selon elle, l’idée du « péché originel » serait la cause de sentiments de culpabilité injustifiés, de comportements névrosés, et constituerait un sérieux frein à notre épanouissement, personnel et social. Elle rappelle que le « péché originel » est un dogme tardif, formalisé par le Père de l’Église Augustin d’Hippone (354-430) et elle propose de s’en débarrasser comme on le ferait d’une hérésie1.
Le péché a-t-il encore la cote ?
Le mal et le péché représentent un juteux fonds de commerce pour nos medias : violence, perversion morale, corruption, visions d’horreur se vendent bien. Mais constat paradoxal : appliquée à soi-même, la notion de péché (originel ou pas) est gênante. Et ce ne sont pas seulement les incroyants qui cherchent à relativiser la gravité de leurs péchés – de ce qu’ils nomment leurs points faibles. Il arrive que l’on ait honte d’aborder ce thème frontalement dans des milieux chrétiens traditionnels. Serait-il devenu nécessaire de parcourir la Bible avec les ciseaux du censeur pour en éliminer toutes les références à des tendances innées au mal ? Faut-il renoncer à l’idée d’un « péché originel » aussi désolant qu’une tare héréditaire, pour ne conserver que les promesses de paix, de règne et de félicité… ?
Accusé, levez-vous !
En vrac, qu’a-t-on reproché au « péché originel », au fil du temps ?
– De véhiculer une image négative de l’être humain et de Dieu ;
– De faire injustement porter la faute de nos premiers parents à des milliards de descendants innocents ;
– De nous pousser à nous méfier de nous-mêmes et des autres ;
– De nous servir à expliquer n’importe quel comportement problématique ;
– De nous inciter à une forme de fatalisme et de laxisme ;
– D’envoyer en enfer tous ceux qui ne sont pas en mesure de comprendre l’Évangile (les nourrissons, les individus qui n’ont pas accès à ce message) ;
– D’enfermer la relation Dieu — homme dans un discours légaliste ;
– De se fonder sur une notion extrabiblique (la nature humaine a été totalement corrompue) ;
– De ne pas tenir compte des fruits universels de l’œuvre rédemptrice de Jésus-Christ, qui a « ôté le péché du monde ».
On l’aura deviné, pour des raisons multiples, les détracteurs du « péché originel » peuvent se trouver dans les rangs des humanistes ou des libres penseurs, des scientifiques évolutionnistes ou des théologiens libéraux — ou même parmi les représentants officiels du judaïsme, de l’islam et des églises orthodoxes d’Orient, car les trois nient cette réalité. Mais c’est aussi Monsieur Tout le Monde qui cherche à s’en distancer, parce qu’il se voit d’ordinaire plutôt bon que mauvais…
Le « péché originel » : un scandale ?
Malgré ce qui vient d’être rappelé, les traditions religieuses ou philosophiques, tout comme les divers courants du christianisme, maintiennent fermement la notion de responsabilité humaine : la faute a des conséquences(ou une rétribution). Que la faute morale ait une portée collective, sociale, ou qu’elle soit circonscrite au domaine privé ; qu’elle ait une dimension métaphysique ou simplement terrestre, sa possibilité est reconnue comme une expérience humaine inévitable. On admet également que ses retombées puissent être lourdes et hypothéquer l’avenir.
Qu’est-ce donc qui dérange particulièrement dans la notion de « péché originel » ? C’est premièrement sa transmission automatique aux descendants des premiers coupables : un déterminisme aussi implacable rebute. C’est ensuite que, contrairement à une faute sanctionnée par une « punition » appliquée au fautif, le « péché originel » entraîne un verdict très sévère à l’égard de créatures qui n’ont pas même conscience d’une faute, ou qui n’en ont pas commis. Notre existence devient répréhensible dès son apparition. Cette logique n’est pas celle d’un tribunal ordinaire2.
De plus, le décret de Dieu sur notre nature réelle heurte de plein fouet notre conscience morale. Instinctivement, nous nous sentons mal à l’aise à l’idée d’être radicalement « inacceptables » aux yeux d’un Dieu parfaitement juste3 Ne pouvant, par orgueil, simplement déclarer forfait, il nous importe plus que tout de trouver un moyen de nous justifier. Nous cherchons cette justification dans le déni de « nature corrompue » — en nous efforçant de croire en l’existence d’un « noyau pur » tout au fond de nous-mêmes.
Un procès mal instruit
Beaucoup de penseurs, d’écrivains et de théologiens occidentaux se sont déclarés réfractaires à l’idée du péché originel. La plupart sans tellement se soucier des 1500 pages qui, dans la Bible, s’ajoutent au récit de la désobéissance d’Adam. Si le message chrétien se limitait à la description de la catastrophe morale et spirituelle de la Chute, il conviendrait effectivement de l’oublier au plus vite. Mais toute l’Écriture nous est offerte pour comprendre de quoi et comment Dieu cherche à nous sauver. Il faut seulement avoir l’honnêteté d’écouter tout le discours, et de l’écouter sans en brouiller le message.
Un des « brouillages » les plus populaires reste généralement la négation de l’historicité de la Création et de ces « premiers parents » qu’aucun auteur biblique n’a jamais considérés comme des figures mythiques. Les attaques contre l’autorité biblique se sont multipliées, surtout depuis l’Âge des Lumières (XVIIIe siècle)4. Même dans le monde évangélique actuel, un certain dénigrement de la crédibilité historique de la Bible se manifeste. On en arrive à accueillir sans prévention des relectures« émergentes » de la Parole qui la détournent de sa mission première, à savoir : opérer une réconciliation éternelle entre l’homme perdu et son Dieu5.
Pour une vision plus juste du « péché originel »
Voici quelques jalons pour garder le dogme du « péché originel » dans une perspective biblique équilibrée.
1. Le « péché originel » ne doit par être rejeté à cause des abus auxquels il a servi. Le monde religieux a malheureusement agité ce dogme pour terroriser les esprits afin de mieux les contrôler ; il a mis en place un odieux commerce d’« indulgences » et par toutes sortes de trafics, il a monnayé le salut au profit du clergé. Finalement, le « péché originel » a tellement occupé le devant de la scène que tout en a été obscurci et des âmes scrupuleuses s’en sont trouvées pathologiquement angoissées. Il faut donc dénoncer ceux qui ont follement exploité ce dogme, mais non le dogme.
2. Le « péché originel » n’est pas d’emblée manifesté par des actes répréhensibles. Il y a une grande confusion, dans les esprits, entre « péché originel » et « actes coupables » 6. Commettre des actes malheureux qui causent un certain dommage peut nous amener à des remords et à des tentatives d’amendement. Pour autant, nous ne nous sentons pas fondamentalement mauvais. Mais lorsque la Parole et l’Esprit de Dieu nous révèlent que, par dépravation naturelle, nous éprouvons un « malin plaisir » à enfreindre la loi de Dieu et à rejeter son autorité, nous avons l’évidence d’un mal plus grave. L’apôtre Paul témoigne de cette découverte : « Je n’ai connu le péché [qui habite en moi] que par la loi. Car je n’aurais pas connu la convoitise, si la loi n’avait dit : Tu ne convoiteras pas. Et le péché, profitant de l’occasion, produisit en moi par le commandement toutes sortes de convoitises ; car sans loi, le péché est mort. » (Rom 7.7b-8) Ainsi reconnaissons-nous que le « péché originel » qui colle à notre chair préexiste à tout acte conscient, à toute mauvaise action délibérée. Que notre cœur naturel est mauvais a priori, qu’il pèche instinctivement7.
Comme une bête immobile, tapie dans l’ombre, le péché qui nous habite originellement peut sembler mort, ou anodin, mais il n’en est pas moins là, indépendamment des actes qu’il n’a pas encore commis. Et c’est probablement cette présence indésirable qui nous pèse, car tout au fond de nous-mêmes, nous aimerions aussi faire tout très bien : « Car je le sais : ce qui est bon n’habite pas en moi, c’est-à-dire dans ma chair. Car je suis à même de vouloir, mais non pas d’accomplir le bien8 […] Misérable que je suis… » (Rom 7.18,24a) Cette expérience est aussi navrante qu’essentielle9. Mais ce n’est pas la fin du parcours du salut.
3. La réalité du « péché originel » est exposée dans la Bible tout entière. Elle n’est pas sortie de l’imagination d’Augustin et de quelques-uns de ses continuateurs catholiques ou protestants. Ce dogme ne repose pas non plus sur les seuls textes de Gen 3 ; Ps 51 ; Rom 5.12-19ou 1 Cor 15.20-49, quoique ces passages aient donné du fil à retordre à ceux qui ne voulaient pas en accueillir le sens évident. L’argument qui veut que le « péché originel » soit une affabulation, parce que ce terme n’apparaît pas dans l’Écriture, est faible. Des doctrines ont été formalisées lors des premiers grands conciles sans que les termes utilisés se trouvent nécessairement dans la Bible. Ne nous interdisons pas d’examiner, humblement, les écrits des Pères de l’Église, mais n’oublions pas que ce sont des hérésies qui ont contraint ces chrétiens à descendre dans l’arène et à clarifier certaines notions en leur assurant une assise biblique et exégétique crédible. Si nous écrivons encore aujourd’hui pour affirmer la réalité du « péché originel », c’est parce que beaucoup la rejettent comme le fit Pélage qu’Augustin combattit10.
Tout ce que dit l’Écriture au sujet d’Israël et des nations démontre que le problème du mal n’est pas, prioritairement, d’origine sociologique, ou psychologique, ou politique, mais que le péché est constitutif de l’être humain. Le mal actuel ne vient pas seulement du Diable, ou de mauvaises influences11, ou de l’ignorance : il est étroitement chevillé à toutes les facultés de la créature humaine dès sa conception — et dès l’origine de l’histoire. Ce qui n’empêche pas, par ailleurs, que l’homme soit capable de coups de génie, d’œuvres étonnantes et même d’actes d’altruisme (cf. 1 Cor 13.1-3). Mais en regard de la perfection divine et du salut éternel, tous ces exploits ne sont que vanité (voir le livre de l’Ecclésiaste).
4. Le « péché originel » est « imputé » à tous. Un théologien bien connu des évangéliques, H.C. Thiessen, a dit ceci : « Les Écritures enseignent que le péché d’Adam et Ève a constitué pécheurs toute leur postérité. Le péché d’Adam a été imputé ou porté au compte de chaque membre de la race. Nous lisons dans Rom 5.19 : “Par la désobéissance d’un seul homme beaucoup ont été rendus pécheurs.” C’est à cause du péché d’Adam que nous venons au monde avec une nature corrompue et que nous sommes sous la condamnation de Dieu (Rom 5.12 ; Éph 2.3). Comment pouvons-nous être responsables d’une nature corrompue dont nous ne sommes pas personnellement et consciemment la cause, et comment Dieu peut-il, en toute justice, mettre sur notre compte le péché d’Adam ? » L’auteur répond que l’imputation du péché originel (et de ses conséquences) à la race entière s’explique principalement par le fait qu’aux yeux de Dieu, Adam a agi en tant qu’individu, mais aussi en tant que représentant de toute la race à venir. Le Nouveau Dictionnaire Biblique fait remarquer que la première sanction du péché d’Adam, la mort physique, a déjà été appliquée sur ceux qui, d’Adam à Moïse, n’avaient pas péché de manière semblable à celle d’Adam et qui n’avaient pas encore la loi pour définir exactement le péché (Rom 5.12). Il en déduit : « Adam a agi en tant que notre représentant, il nous a engagés tous dans sa décision, tout comme le roi d’un pays ou son ambassadeur engage tous les membres de son peuple par sa signature d’un traité de paix ou d’une déclaration de guerre », et conclut : « C’est pourquoi le péché marque tous les hommes, qu’ils soient conscients et responsables ou non (enfants, aliénés, handicapés mentaux) et son « salaire » (Rom 6.23) est payé par tous12.»
5. Toutefois,H.C. Thiessen déjà cité rappelle que Dieu est prêt à imputer la justice de Christ à celui qui croit.« Le fait demeure qu’à cause de la désobéissance d’Adam tous ont été constitués pécheurs, et que, grâce à l’obéissance de Christ, le croyant est rendu juste. Les Écritures n’expliquent pas pleinement comment cela s’est fait, mais elles déclarent toutefois qu’il en est bien ainsi13.»
L’imputation de la justice de Christ est donc, dans la perspective de Dieu, le moyen de surmonter la tragédie du péché et de la séparation d’avec Dieu. L’œuvre de Christ et le message libérateur de l’Évangile n’ont ni sens, ni force si le parallèle entre l’œuvre d’Adam et celle du « second Adam » est aboli. Pourquoi imputer la justice, le pardon et toutes les perfections de Christ au croyant si ce dernier ne se sait pas, d’abord, profondément et irrémédiablement perdu en lui-même ?Nier le « péché originel » revient à se moquer des souffrances de Christ, comme de sa Parole.
Au-delà de la culpabilité
Considérons en effet la magistrale réhabilitation que représente l’œuvre du salut pour nous qui croyons en Christ :
– De très loin, l’amour de Dieu est venu à notre rencontre : « Mais en ceci, Dieu prouve son amour envers nous : lorsque nous étions encore des pécheurs, Christ est mort pour nous. » (Rom 5.8)
– La grâce de Dieu nous est pleinement accordée : « La grâce de Dieu, source de salut pour tous les hommes, a été manifestée. » (Tite 2.11 ; voir le développement au ch. 3.3-7)
– La justice de Dieu nous est conférée par la foi : « Mais maintenant, sans la loi est manifestée la justice de Dieu […] par la foi en Jésus-Christ pour tous ceux qui croient. » (Rom 3.21a,22b)
– Le salut en Dieu nous est assuré : « Car le salaire du péché, c’est la mort ; mais le don gratuit de Dieu, c’est la vie éternelle en Jésus-Christ notre Seigneur. » (Rom 6.23)Christ, par son obéissance, « est devenu pour tous ceux qui lui obéissent l’auteur d’un salut éternel » (Héb 5.9b).
– La loi de Dieu ne peut plus nous condamner à la perdition : « La loi est intervenue pour que la faute soit amplifiée ; mais là où le péché s’est amplifié, la grâce a surabondé.» (Rom 5.20) « Il n’y a donc maintenant aucune condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ […] En effet, la loi de l’Esprit de vie en Jésus-Christ m’a libéré de la loi du péché et de la mort. » (Rom 8.1-2)
– La vie de Dieu triomphe de notre crainte de la mort :Christ a participé à notre condition humaine « afin d’écraser par sa mort celui qui détenait le pouvoir de la mort, c’est-à-dire le diable, et de délivrer tous ceux qui, par crainte de la mort, étaient toute leur vie retenus dans l’esclavage. » (Héb 2.14b-15)
Une double acceptation pleine de bon sens
– Reconnaître l’impossibilité d’accomplir mon salut, de me justifier moi-même ;admettre mon fiasco spirituel complet devant mon Créateur trois fois saint ;
– Saisir la vie nouvelle que Dieu m’accorde en Christ et avec Christ, en pleine connaissance de cause, dans une repentance sincère et une foi fondée, pour devenir enfant de Dieu. C’est ainsi que je serai rendu capable de triompher des désirs mauvais de ma chair (Gal 5.13-23), de « tenir ferme contre les manœuvres du diable » (Éph 6.10-17) et d’atteindre le but.
Tel est le programme. Puissions-nous donc ne pas minimiser la gravité du « péché originel », afin de ne pas dévaloriser l’Évangile et de ne pas passer à côté de l’héritage inestimable que Dieu nous accorde.
- Voir Lytta Basset, « Oser la bienveillance » (Éditions Albin Michel, 2014). Voir aussi, à propos de ce livre, l’article « Cessons de culpabiliser, devenons responsables », d’E. Gehrig, dans le quotidien Le Temps du 26.04.14, p. 38 ; également celui d’I. Falconnier : « Il faut réhabiliter la nature humaine », dans la revue L’Hebdo du 20.03.14, p. 34-37. (Tous ces auteurs ne représentent pas notre point de vue).
- Le système catholique a résolu le problème à sa manière : il suffira de décréter que le baptême « ôte le péché originel » pour que le nouveau-né soit sauvé, en cas de mort prématurée. On chercherait bien en vain une telle vertu du baptême dans l’Écriture, mais il est vrai que la question du sort éternel des petits enfants, héritiers involontaires de la nature pécheresse de leurs parents, est au cœur du « scandale » du péché originel. Cependant, celui qui croit que Dieu, parce qu’il est Dieu, ne jugera personne injustement ni arbitrairement fait simplement confiance à Dieu quant à l’issue finale de chaque destin personnel (cf. Rom 2.12-16).
- Genèse 3.10 est la première manifestation de ce réflexe.
- Pierre Bayle, Diderot et Voltaire, par exemple, en furent des pivots.
- Jean 20.31 ; 2 Cor 5.17-21.
- Des esprits fameux se sont souvent sentis tourmentés par le sentiment d’une faute obscure qu’ils ne parvenaient pas à identifier et dont Dieu (ou leur conscience, ou les autres) les accusaient sans raison claire. Pensons à Kierkegaard dans ses écrits autobiographiques, à Kafka dans « Le Procès », à Camus dans « La Chute ». Mais il y encore du chemin entre ces expériences et l’acceptation du diagnostique et du remède évangélique.
- Jér 17.9 ; Marc 7.21-23 ; Éph 2.1-3.
- « Accomplir le bien » au sens absolu, c.-à-d. plaire à Dieu, satisfaire à ses exigences, faire sa volonté, l’aimer et aimer son prochain.
- Autres passages clairs sur l’universalité du péché, signe de la réalité du « péché originel » : 1 Rois 4.46 ; Ps 143.2 ; Pr 20.9 ; Ecc 7.20 ; Luc 11.13 ; Jean 2.24,25 ; 3.19,20 ; Gal 3.22 ; 1 Jean 1.8, etc.
- Pélage niait la méchanceté innée de l’être humain et prétendait que l’homme est bon jusqu’à ce que, consciemment, il commette des péchés.
- Comme celles provenant du corps social, selon Rousseau. La fiction de l’homme bon par nature, mais corrompu par la société, a encore de nombreux partisans.
- Article « Imputer, imputation », « Nouveau Dictionnaire Biblique », Éditions Emmaüs, 1992, p. 598-599.
- Voir Henry C. Thiessen, « Esquisse de Théologie biblique », Éditions Farel, 1987, p. 209-215
La notion d’image de Dieu
La notion d’« image de Dieu » présente diverses facettes :
– La dépendance : L’image n’est rien sans l’original, donc l’homme, image de Dieu, dépend radicalement de Dieu.
– La ressemblance : Le terme sélem en hébreu est utilisé pour décrire une image concrète de quelque chose ou de quelqu’un — une statue, ou une image faite d’après l’original. L’homme est ainsi la représentation créée de Dieu, le reflet de sa gloire14. Comment l’homme ressemble-t-il ainsi à Dieu ? Par l’usage de la parole, la présence de l’esprit en lui. L’insufflation divine (neshama) distingue l’homme des autres créatures (cf. Job 12.10). Elle lui permet d’entrer en relation avec Dieu, tout en étant aussi le moyen par lequel Dieu peut habiter en lui. Cette insufflation divine est décrite en Proverbes 20.27 : « Le souffle de l’homme est une lampe de l’Éternel ; il pénètre jusqu’au fond des entrailles. »
– L’image porte en filigrane la notion de filiation :
– c’est le cas pour Jésus : « Le Fils est l’image du Dieu invisible, le premier-né de toute la création » (Col 1.15) ;
– c’est aussi le cas pour l’homme : « […] fils d’Adam, fils de Dieu » (Luc 3.38) ; « en lui nous avons la vie, le mouvement, et l’être. C’est ce qu’ont dit aussi quelques-uns de vos poètes : De lui nous sommes la race… » (Act 17.28) Mais la Genèse ne le dit pas clairement : le terme de fils est réservé à la relation que Dieu établit avec nous en Jésus-Christ.
– Dieu crée l’homme à son image, homme et femme, pour dominer sur les êtres vivants. L’image est associée :
– à une mission, celle de dominer la création (dans l’Orient ancien, un roi laissait parfois une image de lui dans les villes qu’il avait conquises pour rappeler sa domination) ;
– à une relation entre l’homme et la femme : cette relation, faite de complémentarité et d’unité, est un des aspects de l’image de Dieu ; l’être humain participe au privilège de pouvoir engendrer un être lui-même à l’image de Dieu.
Après la chute, de quelle manière la qualité de l’homme comme « image de Dieu » a-t-elle été affectée ?
Après la chute l’image a été affectée sur tous les plans décrits ci-dessus :
– De dépendant l’homme est devenu indépendant de Dieu et se prendra parfois pour un dieu, à l’image du pharaon (cf. Éz 29.3 : « Ainsi parle le Seigneur, l’Éternel : Voici, j’en veux à toi, Pharaon, roi d’Égypte, grand crocodile, qui te couches au milieu de tes fleuves, et qui dis : Mon fleuve est à moi, c’est moi qui l’ai fait ! »)
-La ressemblance est devenue caricature et la relation avec Dieu a été coupée. L’homme est devenu spirituellement mort ; cette mort s’est ensuite propagée à son être physique. Le sens du bien et du mal (lié à la notion de « lampe de l’Éternel ») a été faussé : l’homme va appeler le mal bien et le bien mal (És 5.20), même si une certaine conscience demeure chez lui (cf. Rom 2.15 : « Ils (= les païens) montrent que l’œuvre de la loi est écrite dans leur cœur, leur conscience en rendant témoignage, et leurs pensées s’accusant ou se défendant tour à tour. ») L’homme aura aussi tendance à transgresser les deux injonctions liées au fait que l’homme est image de Dieu (interdiction de fabriquer des statues représentant Dieu, et aimer Dieu tout comme aimer son prochain) : il se créera des idoles (des représentations de la création, cf. Rom 1.23, mais aussi l’argent, le pouvoir, les possessions…) et il haïra son prochain.
– La domination exercée en dépendance de Dieu s’est transformée en pouvoir abusif. La nature en subit d’ailleurs les conséquences aujourd’hui. La relation entre l’homme et la femme en a souffert de la même manière, l’autorité dévolue à l’homme se transformant en pouvoir excessif (cf. Gen 3.16). Le refus de Dieu pourra aussi se traduire par un refus de la différence entre homme et femme (voyez comment l’homosexualité suit le rejet de Dieu dans le développement de Romains 1).
Que reste-t-il chez nos contemporains de cette image de Dieu ?
Cependant l’homme garde une dignité particulière en tant que créature à l’image de Dieu. À ce titre on ne peut :
– ni le tuer : « Si quelqu’un verse le sang de l’homme, par l’homme son sang sera versé; car Dieu a fait l’homme à son image » (Gen 9.6) ;
– ni le maudire : « Par [la langue] nous bénissons le Seigneur notre Père, et par elle nous maudissons les hommes faits à l’image de Dieu […] Il ne faut pas, mes frères, qu’il en soit ainsi. » (Jac 3.9,10b)
Nos contemporains ont une conscience du bien et du mal (cf. Rom 2.15), même si celle-ci est altérée. Ils ont aussi une certaine notion de la transcendance : « [Dieu] a mis dans leur cœur la pensée de l’éternité. » (Ecc 3.11) Mais ils portent de manière très partielle l’image de Dieu, car le caractère d’image de Dieu a été affecté sur différents plans, comme nous l’avons vu.
Qu’est-ce qui change à notre conversion ?
Le projet de Dieu pour nous est que nous devenions conformes à l’image de son Fils (Rom 8.29).
En effet, Jésus-Christ est la parfaite image de Dieu. En lui nous retrouvons les attributs perdus lors de la chute.
Cependant ce rétablissement des attributs de l’image de Dieu comporte plusieurs étapes chronologiques :
1. Ce qui est déjà réalisé lorsque nous naissons de nouveau
– Nous devenons fils de Dieu : « L’Esprit lui-même rend témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. » (Rom 8.16) En nous rendant fils dans le Fils, cette grâce dépasse et accomplit notre quasi-filiation originelle.
– Nous devenons spirituellement vivants : « Nous qui étions morts par nos offenses, [Dieu] nous a rendus vivants avec Christ. » (Éph 2.5)
2. Ce qui est en cours de réalisation dans nos vies et qui n’est pas automatique
– Par un processus progressif, nous sommes transformés en la même image que Jésus quand nous le contemplons : « Nous tous dont le visage découvert reflète la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en la même image, de gloire en gloire, par l’Esprit du Seigneur. » (2 Cor 3.18)
– Nous sommes renouvelés à l’image de celui qui nous a donné une nouvelle identité : « [Nous avons] revêtu l’homme nouveau, qui se renouvelle, dans la connaissance, selon l’image de celui qui l’a créé. » (Col 3.10)
3. Ce qui n’est pas encore réalisé
La conformité sera parfaite, à la fois morale et physique. Nous porterons « l’image du céleste » (1 Cor 15.49) quand notre corps sera conforme au corps de la gloire de Christ (Phil 3.21). « Ce que nous serons n’a pas encore été manifesté ; mais nous savons que, lorsqu’il paraîtra, nous serons semblables à lui, parce que nous le verrons tel qu’il est. » (1 Jean 3.2)
- L’image et la gloire sont associées en 1 Corinthiens 11.7 : « L’homme ne doit pas se couvrir la tête, puisqu’il est l’image et la gloire de Dieu », et 2 Corinthiens 3.18 : « Nous tous, dont le visage est découvert, reflète la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en la même image, de gloire en gloire, par l’Esprit du Seigneur. »
Étudier sa généalogie est un des passe-temps les plus passionnants qu’il soit. Beaucoup de gens cherchent à tracer leur lignage familial pour mieux connaître leur identité, pour découvrir comment ils s’intègrent dans la grande fresque de l’histoire humaine.
Je concède qu’étudier sa propre généalogie peut être une expérience enrichissante, mais étudier la généalogie de quelqu’un d’autre peut être terriblement ennuyeux. Cependant la Bible est remplie de généalogies. Non seulement il est particulièrement difficile de prêcher sur ces textes ; mais leur simple lecture est déjà difficile à cause de noms compliqués.
Même si vous êtes un lecteur régulier de la Bible, Genèse 36 n’est pas un chapitre sur lequel vous allez méditer longtemps. Si vous êtes honnête, c’est plutôt le genre de chapitre au sujet desquels vous vous demandez ce qu’ils font dans la Bible. Il y a une liste de noms qui ne nous disent rien et desquels nous pouvons très peu apprendre. Ces gens ont vécu et sont morts il y a presque 4000 ans. C’est un peu comme lire l’annuaire du téléphone dans une langue étrangère ! Toutefois le fait demeure : Dieu a considéré la généalogie d’Ésaü suffisamment importante pour l’inclure dans le canon des Écritures (2 Tim 3.16-17). Voici au moins quatre raisons :
Pour témoigner de l’accomplissement des promesses que Dieu avait faites. Bien qu’Ésaü ait méprisé son droit d’aînesse, Dieu avait promis à Abraham que ses descendants deviendraient des nations (17.5-7). Dieu est un Dieu fidèle en qui nous pouvons avoir confiance : il garde ses promesses.
Pour protéger les descendants d’Ésaü. Les premiers lecteurs de ce chapitre étaient les Israélites sur le point de traverser le Jourdain pour prendre possession du pays de Canaan et en exterminer les Cananéens (Deut 1.8 ; 20.16-18). Parmi ceux que Dieu voulait protéger, il y avait un peuple, les Édomites, descendants d’Ésaü (Deut 2.2-5). Pour éviter l’anéantissement de ce peuple, il était essentiel que les Israélites du temps de Moïse sachent qui étaient les Édomites et disposent d’un document retraçant les générations d’Ésaü — à savoir Genèse 36.
Pour prouver que le Messie viendrait d’une famille particulière. Les généalogies bibliques incluent des personnes et en éliminent d’autres, s’arrêtant finalement à la seule branche restante de la famille de David. C’est la famille où Jésus est né. Toutes les généalogies aident à inclure ou exclure ceux qui font partie de cette lignée.
Pour nous rappeler que toute personne compte aux yeux de Dieu. La généalogie de quelqu’un d’autre peut bien n’être d’aucun intérêt pour vous, mais elle est précieuse pour les familles concernées. Chacun de ces noms représente la vie d’un homme ou d’une femme — d’individus faits à l’image de Dieu qui ont eu des espoirs, des rêves, des aspirations, tout comme vous et moi.
En étudiant cette généalogie, mon souhait est que vous soyez conduits à réfléchir à la vraie signification de la vie et du succès. Si nous réussissons selon les critères du monde mais faillissons selon ceux de Dieu, nous faillirons dans ce qui est vraiment important. Ésaü et ses descendants ont réussi selon ce monde, mais ont terriblement failli à la lumière de l’éternité. Genèse 36 nous révèle quatre principes riches d’instruction.
1. Une jolie famille, qui a réussi selon les critères du monde, ne signifie pas une famille bénie par Dieu (36.1-6,9-14)
Le chapitre commence par : « Voici la postérité d’Ésaü, qui est Édom. » Le nom Édom signifie « rouge ». Ce surnom rappelle la folle décision d’Ésaü d’échanger son droit d’aînesse et la bénédiction de son père contre un plat de potage rouge (25.30). Ésaü était un homme qui vivait pour la satisfaction à court terme. Cela le conduisit à faire de graves erreurs qu’il paya cher.
Une des erreurs les plus importantes d’Ésaü se trouve aux v. 2 et 3 : « Ésaü prit ses femmes parmi les filles de Canaan : Ada, fille d’Elon, le Héthien ; Oholibama, fille d’Ana, fille de Tsibeon, le Hévien ; et Basmath, fille d’Ismaël, sœur de Nebajoth. » D’abord, notons qu’Ésaü a pris plus d’une femme. En pratique, il va sans dire que ce n’est jamais une bonne idée. Au début, la pensée de Dieu était une femme pour toute la vie. Vous pouvez rétorquer que vous n’êtes pas polygame. Certes, mais je vous demande : « Êtes-vous sûr de ne pas regarder d’autres femmes que la vôtre avec convoitise, de ne pas avoir un “harem visuel” ? » Que nous soyons mariés ou célibataires, Dieu nous appelle, vous et moi, à un haut degré de pureté.
Les épouses d’Ésaü étaient sans doute de belles femmes, comme leurs noms en témoignent. Les noms n’étaient pas donnés parce qu’ils sonnaient bien ; ils avaient un sens. Ada signifie « ornement », Oholibama, « tente élevée », c’est-à-dire « grande, majestueuse » et Basmath, « parfumée ». Notez que chacun de ces noms concerne des aspects extérieurs de la beauté. Ésaü était amateur de belles femmes. Si vous êtes célibataire, cherchez une femme qui soit spirituellement attrayante, dotée d’un esprit doux et paisible (1 Pi 3.4). Et vous qui êtes mariés, ne vous focalisez pas sur la cellulite de votre épouse, mais regardez-vous vous-même dans la glace et aimez-la (Éph 5.25).
Plus tragiquement, Ésaü a pris des femmes cananéennes, ce qui était strictement interdit. Son grand-père Abraham avait pris toutes les dispositions pour que son fils Isaac trouve une épouse qui ne soit pas cananéenne (24.1-9). Mais Ésaü a sciemment méprisé cet exemple en choisissant deux femmes hittites qui rendirent la vie amère à Isaac et Rebecca (26.35). Le choix d’une épouse révèle les valeurs d’un homme et est presque toujours le facteur déterminant de sa propre trajectoire de vie. Homme ou femme, choisissez votre futur conjoint sagement, « seulement dans le Seigneur » (1 Cor 7.39).
De ces unions naquirent cinq fils. Les fils d’Ésaü étaient des leaders, talentueux et forts. Cependant il n’y a aucune indication qu’Ésaü les ait élevés pour connaître l’Éternel. Dans ce chapitre, 81 descendants sont listés ; cependant seuls deux suggèrent une connaissance du vrai Dieu : Réuel (36.4,10), petit-fils d’Ismaël, signifie « ami de Dieu » et Jeush, fils d’Oholibama, signifie « l’Éternel aide ».
Le plus important que vous puissiez transmettre à vos enfants n’est pas de savoir comment remporter du succès dans le monde. Ils peuvent réussir les meilleures études, remporter les plus beaux succès sportifs, atteindre les emplois les mieux payés. Mais s’ils ne suivent pas Dieu, tout cela est sans importance. Nous devons instiller dans l’esprit de nos enfants ce que signifie réussir selon Dieu, les encourager spirituellement. Vos enfants aiment-ils venir à l’église ? Lisent-ils personnellement la Bible ? Sont-ils impliqués dans le groupe de jeunes ? Si tel est le cas, vous pouvez être fiers. Soutenez-les dans leurs projets spirituels et stimulez-les à l’amour et aux bonnes œuvres (Héb 10.25).
Alors que de nombreuses épouses ont été stériles (Sara, Rebecca, Rachel), les femmes d’Ésaü lui ont enfanté des enfants sans difficulté. Ésaü représente l’homme par nature — fort, indépendant, capable de résoudre les problèmes de la vie par ses propres ressources. A-t-on besoin de dépendre de Dieu quand on est capable de prendre soin de soi-même ? Abraham, Isaac et Jacob et leurs femmes stériles montrent la façon d’agir de Dieu. Il humilie notre orgueil en permettant des problèmes que nous sommes incapables de résoudre — comme la stérilité face à des promesses de descendance nombreuse. Alors, quand nous faisons appel à lui, il prouve qu’il est puissant pour sauver.
2. La prospérité matérielle ne signifie pas la prospérité spirituelle (36.6-8)
« Ésaü prit ses femmes, ses fils et ses filles, toutes les personnes de sa maison, ses troupeaux, tout son bétail, et tout le bien qu’il avait acquis au pays de Canaan, et il s’en alla dans un autre pays, loin de Jacob, son frère. Car leurs richesses étaient trop considérables pour qu’ils demeurent ensemble, et la contrée où ils séjournaient ne pouvait plus leur suffire à cause de leurs troupeaux. Ésaü s’établit dans la montagne de Séir. Ésaü, c’est Édom. »
Ésaü avait commencé à s’établir parmi les connaissances de ses femmes, en Séir, avant que Jacob revienne de Padan-Aram. Mais après la mort de son père, il se fixa définitivement là pour deux raisons :
– il n’y avait pas suffisamment de pâture et d’eau pour les troupeaux d’Ésaü et de Jacob,
– Ésaü avait finalement accepté que la terre de Canaan, promise par Dieu à Abraham, revienne à Jacob.
Ésaü était devenu un homme très bienveillant. Alors qu’il avait été prêt à tuer son frère pour sa tromperie, maintenant que leurs prospérités respectives le nécessitaient, il s’éloignait gentiment du chemin de son frère. Mais, tristement, Ésaü n’avait aucune compréhension des promesses de Dieu à Abraham concernant Canaan. Dieu avait promis : Canaan était la terre qu’il donnerait aux descendants d’Abraham. Pour Ésaü, toute terre faisait l’affaire. Il n’avait pas de vision spirituelle. Il vivait pour lui-même, pas pour le projet de Dieu. Il était matériellement riche, mais spirituellement pauvre.
À son crédit, Ésaü n’était pas cupide. Quand il rencontra Jacob, après 20 ans de séparation, il déclina son cadeau en disant : « Je suis dans l’abondance, mon frère ; garde ce qui est à toi. » (33.9) Il est possible d’être généreux, satisfait de ce qu’on a, mais de vivre quand même pour les biens matériels et non selon Dieu. Le danger est que notre prospérité matérielle nous engourdisse par rapport à notre besoin infini de Dieu. Le Seigneur avertit l’église de Laodicée : « Tu dis : Je suis riche, je me suis enrichi, et je n’ai besoin de rien, et parce que tu ne sais pas que tu es malheureux, misérable, pauvre, aveugle et nu… » (Apoc 3.17) Nous, chrétiens occidentaux, qui avons été si bénis matériellement, avons besoin d’être riches selon Dieu en amassant des trésors dans le ciel (Luc 12.13-34).
3. La puissance politique ne signifie pas la puissance avec Dieu (36.15-43)
Ésaü et ses descendants furent des hommes politiquement très importants. Ils sont appelés des « chefs » (36.15 et suivants, 40 et suivants). Ces hommes régnèrent comme rois sur Édom « avant qu’un roi règne sur les enfants d’Israël » (36.31). Alors que les petits-enfants d’Ésaü voulaient devenir dirigeants, ceux de Jacob restèrent d’humbles bergers pendant des générations (47.3). Les premiers auraient pu regarder les seconds et se moquer : « Où est votre Dieu et ses promesses ? »
Les apparences ne sont-elles pas souvent : le monde gagne tandis que le peuple de Dieu perd ? Nous régnerons avec Christ un jour, mais entretemps, l’Église est souvent persécutée et méprisée par les leaders politiques qui se moquent de Dieu. La puissance selon Dieu est bien différente de la puissance politique. Le monde peut se vanter maintenant de sa puissance politique, mais celui qui siège dans les cieux s’en moque (Ps 2.4). C’est le Seigneur « qui renverse et qui établit les rois » (Dan 2.21). Bien qu’il puisse être opportun pour des chrétiens de s’impliquer en politique, gardons les choses en perspective. Le pouvoir politique doit toujours rester subordonné à Celui qui « domine sur le règne des hommes et qui le donne à qui lui plaît » (Dan 4.17). Le vrai pouvoir est de l’avoir avec Dieu. À court terme, les Édomites sont devenus des chefs et des rois de ce monde, mais à long terme, les descendants de Jacob seront les rois du Dieu très haut. Il est si important pour vous et moi d’attendre patiemment la réalisation du plan de Dieu.
Le royaume d’Ésaü, Édom, causa plus tard de grandes difficultés à Israël. Les guerres furent fréquentes entre les deux nations. Édom se réjouit des attaques contre le peuple de Dieu (Ps 137.7 ; livre d’Abdias). Amalek, petit-fils d’Ésaü (36.12), devint le fondateur d’un peuple qui fut l’ennemi persistant d’Israël (Ex 17.8-16).
L’insistance, en Genèse 36, sur le fait qu’Ésaü, c’est Édom (36.1,8,9,19,43), semble indiquer que Dieu veuille montrer à son peuple les résultats d’une vie vécue en dehors de lui. De ce seul homme, Ésaü, extérieurement bon et recommandable, qui réussit selon la perspective du monde, sortit une nation impie, Édom, qui fut souvent une plaie pour le peuple de Dieu. C’est comme si Dieu disait : « Souviens-toi : Ésaü, c’est Édom ! »
4. La réputation temporelle ne signifie pas la reconnaissance éternelle selon Dieu (37.1)
« Jacob demeura dans le pays de Canaan où avait séjourné son père. » (37.1)
Alors qu’Ésaü partait conquérir le pays d’Édom, fondant une nation, engendrant des rois et s’acquérant le succès selon le monde, Jacob vivait paisiblement sur une terre qu’il ne posséda jamais, la terre où ses pères avaient séjourné. Alors que les descendants d’Ésaü étaient des chefs puissants, célèbres à leur époque, les descendants de Jacob partirent en Égypte, soumis à l’esclavage du Pharaon. Aux jours de Moïse, environ 400 ans plus tard, Israël était une nation d’esclaves fugitifs, récemment sauvés d’Égypte, ne possédant aucune terre. Édom était un royaume établi qui pouvait refuser à Israël le passage sur ses terres. Mais Genèse 36 nous montre que c’est Dieu et non l’homme qui écrit le chapitre final de l’histoire. Ces noms autrefois célèbres ne disent rien aujourd’hui, mais le nom d’Israël est dans le journal presque chaque jour. Ces hommes, qui avaient réussi selon la mesure du monde, ont quitté la scène et furent vite oubliés, tandis que d’autres s’empressaient de prendre leur place. Aujourd’hui nous ne savons rien de plus sur eux que ce qui est écrit ici. La célébrité est éphémère. Les Édomites survécurent jusqu’aux temps du Christ où ils étaient connus comme les Iduméens. Ils disparurent de l’histoire en l’an 70, lors de la destruction de Jérusalem.
Ce qui importe vraiment, c’est d’être reconnu par Dieu et non par ce monde. Nous vivons dans une culture qui adore la célébrité. Si un athlète, un chanteur ou un acteur devient chrétien, nous nous précipitons pour publier sa biographie et le mettre en avant. Cette personne peut être un bébé en Christ, qui ne connaît rien à la Bible, mais nous écoutons chacun de ses propos comme s’il avait une autorité spirituelle. Or, la reconnaissance qui importe viendra bientôt, quand nous nous tiendrons devant le Seigneur Jésus-Christ et que nous l’entendrons dire : « C’est bien, bon et fidèle serviteur ; entre dans la joie de ton maître. » (Mat 25.21,23) Ce jour-là, les succès et les échecs réels seront dévoilés. Jusque là, soyons attentifs à ne pas surestimer le succès ou l’échec terrestres. Seul Dieu sait qui est vraiment vainqueur (1 Cor 4.1-5).
Le chapitre 22 est l’un des textes de la Genèse — voire de tout l’A.T. — les plus connus, les plus lus, les plus étudiés. Les Juifs considèrent la « ligature d’Isaac »1 comme un des sommets de la révélation et ils la rappellent lors de leur nouvel an. Les chrétiens y ont vu un acte de foi exemplaire d’Abraham2. En tout cas, ce texte fondateur ne laisse personne indifférent.
Sans prétendre épuiser sa richesse en quelques pages, nous en proposons trois approches complémentaires, dans une perspective éclairée par les échos que le N.T. donne à ce texte.
1. Une approche historique et théologique
Cet épisode arrive à un moment particulier de la vie d’Abraham. Parti sur l’ordre divin d’Ur, sa patrie, puis de Charan à la mort de son père, il arrive à 75 ans dans le pays promis, sans toutefois le posséder. Il doit attendre 25 ans l’accomplissement d’une autre partie de la promesse divine : la naissance d’un fils légitime, Isaac. La fin du ch. 21 le montre dans une sérénité enfin trouvée : Ismaël, son premier fils, est parti ; la paix a été faite avec Abimélec, le roi local (cf. ch. 20) et il réside tranquillement à Beer-Schéba, sous les arbres qu’il a plantés, en invoquant « le nom de l’Éternel, Dieu de l’éternité ».
C’est à ce moment que Dieu le met à l’épreuve — et de quelle façon ! Abraham doit offrir en holocauste le fils de la promesse (lire le ch. 22). Il accepte et n’est arrêté qu’au dernier moment par l’ange de l’Éternel. Finalement, un bélier est substitué à Isaac. Abraham peut alors retourner à Beer-Schéba.
Le texte ne manque pas de susciter des questions redoutables : Pourquoi le vrai Dieu, le Dieu saint, demande-t-il un sacrifice humain, et quelle valeur pourrait avoir celui-ci ? Pourquoi Abraham obéit-il sans discuter, alors qu’il a montré quelques temps auparavant qu’il savait plaider respectueusement avec Dieu pour lui demander d’infléchir par grâce sa décision (18.17-33) ? Pourquoi Isaac se laisse-t-il faire sans résister, alors qu’il est un jeune homme suffisamment fort pour porter le bois3 et qu’Abraham est vieux ? Pourquoi le Dieu omniscient dit-il qu’il a eu besoin de cet acte pour savoir qu’Abraham le craint ?
La concision du texte ne permet pas de répondre à toutes ces interrogations, mais les détails qu’il nous rapporte en sont d’autant plus parlants. De plus, les citations ou allusions à cet épisode dans le N.T. en donnent un commentaire éclairé par le Saint-Esprit (lire Héb 11.17-19 ; Jac 2.21-23 ; Héb 6.13-15).
Tout d’abord, affirmons de la façon la plus nette que Dieu n’approuve en aucune manière un sacrifice humain : la loi (Lév 18.21 ; Deut 12.31), les livres historiques (2 Rois 16.3 ; 21.6) et les prophètes (Jér 7.31 ; Mich 6.7) condamnent avec force ces pratiques barbares des peuples cananéens ou phéniciens. Cette « abomination » est odieuse à Dieu : elle ne lui « était point venue à la pensée » (Jér 32.35). Donc, si Dieu donne cet ordre incongru, c’est qu’il veut apprendre à Abraham une leçon particulière sur ce sujet — nous y reviendrons.
Le commandement divin semble en contradiction avec les promesses passées (« C’est d’Isaac que sortira une postérité qui te sera propre », 21.12, cf. Héb 11.18) et incohérent avec ce qu’Abraham connaissait de Dieu. Mais la foi d’Abraham se montre dans une obéissance immédiate et sans discussion. Rien n’indique qu’Abraham ait eu le pressentiment que le sacrifice lui serait épargné au dernier moment ; au contraire, tous les préparatifs, soigneusement évoqués dans le texte (le bois fendu, le feu, le couteau), concourent à penser que le patriarche était prêt à sacrifier son fils. Selon certains hébraïsants, la réponse qu’il donne à l’interrogation de son fils est à double sens ; on pourrait lire : « Dieu choisira lui-même l’agneau de l’holocauste : mon fils. » L’holocauste, c’est le fils lui-même ! Seule explication de cet acte de foi : l’anticipation d’une résurrection dont il n’avait pas eu la révélation explicite, mais qu’il entrevoyait, peut-être nourrie de sa propre expérience de la paternité à partir d’un corps « déjà comme mort » (sens littéral, Rom 4.18-22). Abraham savait que Dieu lui avait promis que la descendance innombrable promise passerait par Isaac ; Dieu lui demandait de sacrifier ce maillon indispensable de la chaîne ; donc la seule façon de concilier ces deux côtés était de croire que Dieu allait ressusciter Isaac. L’adieu d’Abraham à ses serviteurs le confirme : « Nous reviendrons », dit-il avec confiance. L’auteur de l’Épître aux Hébreux précise : Abraham « pensait » que Dieu avait la puissance de résurrection ; le verbe implique qu’il a pesé les divers éléments en présence et qu’il en a tiré la seule conclusion logique : Elohim est le Dieu de la résurrection !
Si rien n’est dit des sentiments ou de la réaction d’Isaac, afin que l’accent soit mis sur la foi d’Abraham, la répétition de la marche commune (22.8b après 22.6 et l’échange qui s’intercale) suggère peut-être une acceptation volontaire d’Isaac, possiblement après un échange non rapporté avec son père sur cette perspective de résurrection.
Néanmoins, au moment fatidique, Dieu empêche formellement Abraham de sacrifier son fils. Pourtant, ressusciter Isaac immédiatement après l’holocauste aurait eu un impact extraordinaire et aurait confirmé glorieusement l’intuition d’Abraham ! C’est que Dieu veut indiquer très clairement par là qu’il ne demande pas de sacrifice humain. Il n’est pas un Dieu comme ceux des Cananéens qui entourent Abraham qui exigent les plus coûteuses des offrandes pour être favorables. Il est autre, il est le Dieu saint, le Dieu de la vie, pas de la mort4. Sa faveur repose sur Abraham indépendamment de ce que ce dernier peut lui offrir, même de plus cher. La foi d’Abraham l’honore, mais elle doit être corrigée pour qu’il comprenne — et aussi le peuple d’Israël pour qui Moïse rapporte cet épisode — qu’il n’est pas un Dieu assoiffé de sang, mais le généreux pourvoyeur de l’alliance de grâce. Elohim n’est pas le Dieu qui exige, mais qui donne !
Par cet acte, Dieu exhibe la foi qu’il lisait dans le cœur de son « ami » (Jac 2.23). Et c’est toute l’argumentation que Jacques développe en prenant l’exemple d’Abraham : il a été justifié par un acte de foi intérieur (Gen 15.6), prouvé par un acte de foi extérieur. Dieu prouve expérimentalement ce qu’il savait déjà5.
La foi d’Abraham s’est donc attachée à Dieu plus encore qu’à ses promesses, concrétisées en Isaac : il a choisi de faire confiance à Dieu, malgré tout. C’est la foi qui « espère contre toute espérance » ! Et cet exemple de foi a guidé et encouragé nombre de croyants à la suite du « père de la foi » (Rom 4.11,18).
2. Une approche prophétique et christologique
Une deuxième lecture de Genèse s’est rapidement fait jour dans l’Église, qui y a vu une préfiguration de la croix. Toutefois, si le N.T. abonde en citations de l’A.T. mises en relation directe avec la mort de Christ, aucun texte ne fait explicitement référence à Genèse 22 sous cet angle-là. Mais le chrétien ne peut qu’être frappé des parallèles entre les détails de ce chapitre et le sacrifice de Jésus. Beaucoup plus que des coïncidences, ils pointent de façon prophétique vers l’œuvre du Fils de Dieu à la croix. Énumérons-en quelques-uns :
– L’expression « ton unique » a été rendue en grec dans la LXX par le même mot qu’en Jean 3.16 (« son fils unique »).
– Le verbe « aimer » est mentionné ici pour la première fois dans l’Écriture : l’amour préexistant du Père pour le Fils n’est-il pas à la base de tout amour, tant son amour pour nous que notre amour mutuel6 ?
– Les quatre noms donnés à Isaac au v. 2 rappellent les nombreux « quadruplés » liés à la personne et à l’œuvre de Jésus7.
– Le pays de Morija a été identifié plus tard au mont où Salomon a bâti le temple (2 Chr 3.1) et c’est près de là que, 20 siècles plus tard, Jésus donnera sa vie.
– Le bois chargé sur Isaac fait immanquablement penser à la croix dont Jésus s’est chargée — tout d’abord moralement, lorsqu’il entrevoyait l’heure du sacrifice, puis physiquement, lorsqu’il sortit de devant Pilate.
– « Ils marchèrent tous deux ensemble » répète le texte (22.6,8) : préfiguration de la communion constante entre le Père et son Fils incarné.
– L’interrogation d’Isaac, qui interpelle son père en disant : « Abba », fait écho à la scène de Gethsémané où Jésus demande à son Père s’il y aurait une solution.
– Le « troisième jour » (v. 4) où Abraham reçoit son fils comme si celui-ci était ressuscité évoque la glorieuse sortie du tombeau de Jésus.
D’autres détails peuvent suggérer des transpositions : le bélier qui va être finalement sacrifié a les cornes (symboles de la puissance) retenues à un buisson (symbole de la chute). La seule solution pour ôter la malédiction qui pesait sur la terre était que la puissance de Dieu s’y confronte par la mort d’une victime. Le bélier était l’animal par excellence des cérémonies de consécration (cf. Ex 29) et Jésus s’est consacré jusqu’au sacrifice de lui-même pour réaliser le plan de Dieu.
Mais l’analogie reste forcément imparfaite. Rien n’est dit dans le texte sur l’exacte compréhension qu’Isaac avait de l’événement ; Jésus, lui, savait tout ce qui devait lui arriver (Jean 18.4). Isaac n’a finalement pas été sacrifié, tandis que Jésus est allé jusqu’au bout. Oui, en son Fils, Dieu s’est pourvu « lui-même » de l’agneau pour l’holocauste ; il « n’a point épargné son propre Fils, mais l’a livré pour nous tous » (Rom 8.32). « Christ, qui nous a aimés, et qui s’est livré lui-même à Dieu pour nous comme une offrande et un sacrifice de bonne odeur » (Éph 5.2) est l’holocauste parfait et définitif que la ligature d’Isaac ne pouvait que faiblement préfigurer.
3. Une approche morale et pratique
Une troisième approche, certes mineure par rapport aux deux précédentes, voit dans ce texte une situation de famille, comme il y en a tant dans ce livre de la Genèse — une situation riche d’enseignements pratiques pour nos propres relations de famille.
On peut s’étonner que Dieu ne désigne pas d’abord Isaac par son nom (22.2) ; au contraire, il met en avant la relation d’Abraham avec lui (« ton », 2 fois, « tu »). Ne veut-il pas indiquer par là au patriarche que sa relation avec ce fils, à la fois premier-né et petit dernier, est trop possessive8 ? Ce « va-t-en », ne lui en rappelle-t-il pas un autre, environ 40 ans avant (Gen 12.1) ? De la même manière qu’Abraham, au début, avait dû laisser sa parenté, il doit maintenant laisser Isaac. Abraham « coupe le cordon » avec son fils.
La fin du récit confirme cette lecture : Abraham revient seul vers ses serviteurs (22.19, contrairement à l’annonce du v. 5). Isaac semble avoir disparu ! Il est désormais un fils libre, capable de vivre sa vie indépendamment et bientôt de se marier9.
Nous en tirons une double leçon : Notre foi est-elle assez forte pour, le moment venu, laisser nos enfants devenir autonomes ? Comptons-nous sur la puissance de Dieu qui peut les garder bien mieux que nous et tout autant qu’il nous a gardés nous-mêmes ? Nous ne les élevons que pendant un temps, dans le but même de les laisser aller, heureux de les voir désormais s’inscrire personnellement dans la même lignée de la foi que nous (cf. Héb 11.20).
Par ailleurs, qu’est-ce qui a le plus de prix pour nos cœurs ? La bénédiction de Dieu ou Dieu lui-même ? Abraham, lui, n’a pas hésité à sacrifier ce fils qui concrétisait les promesses qu’il avait reçues, au Dieu qui les lui avait faites. Dieu nous bénit ; mais si pour fortifier notre foi et la mettre en évidence, il nous retire (peut-être temporairement) ces bénédictions, il reste, lui, toujours là, suffisant à tout. Au chapitre suivant, Dieu va retirer à Abraham une autre bénédiction, sa femme. Sans doute l’épisode tragique à l’heureux dénouement du ch. 22 l’a-t-il préparé à la rupture définitive pour la terre du ch. 23.
* * *
Abraham a été mis à l’épreuve, mais quelles bénédictions en ont résulté ! Une fulgurante compréhension du Dieu de résurrection, une meilleure appréciation du Dieu de l’alliance de grâce, une liberté acquise pour son fils, une démonstration de foi qui nous touche 40 siècles plus tard, une anticipation unique d’un sacrifice ô combien plus grand… Ce chapitre mérite assurément sa réputation !
1 Nom qu’ils donnent à ce chapitre.
2 Les musulmans retiennent aussi l’épisode, même s’ils ne s’accordent pas sur l’identité de la victime: Isaac ou Ismaël ?
3 Il est impossible de donner l’âge d’Isaac à partir du texte seul. Flavius Josèphe indique 25 ans ; des rabbins juifs, 37 ans (ils imaginent que Sara a succombé à l’annonce qu’Abraham lui a faite à son retour de cette épreuve). Les termes employés suggèrent plutôt un adolescent ou un jeune adulte. Tout âge entre 12 et 37 est plausible.
4 Le choix du nom Elohim (Dieu) plutôt que Yahveh (l’Éternel) dans tout le début du texte est peut-être une indication que le Dieu d’Abraham est mis en contraste avec celui des Cananéens.
5 On a pris l’analogie suivante : un professeur de chimie peut dire, lors d’une expérience : « Nous allons voir ce que la combustion de ces deux produits va donner »… alors qu’il le sait déjà pertinemment et qu’il ne sera en rien surpris du résultat. Mais ses étudiants, si !
6 Cf. les dimensions de l’amour développées par Jean dans son Évangile (voir Promesses 164).
7 Par ex.: les 4 Évangiles, les 4 couleurs des rideaux du tabernacle, les 4 mentions du Germe, etc.
8 Il y a une réminiscence du changement de nom de Sara que Dieu avait demandé à Abraham : « Tu ne donneras plus à Saraï, ta femme, le nom de Saraï [ma princesse] ; mais son nom sera Sara [princesse, tout court]. » (18.15) Il avait déjà dû apprendre la dépossession vis-à-vis de sa femme.
9 Peut-être est-ce un des sens de l’enchaînement avec les v. 20 à 24 où Rebecca, future femme d’Isaac, est introduite.
La souveraineté de Dieu, doctrine majeure et souvent commentée, semble être surtout l’affaire du Nouveau Testament, où l’on compte au moins 117 références bibliques à ce thème. Dans les livres historiques de l’Ancien Testament, la réalité d’un royaume terrestre divinement conçu et réservé à la nation d’Israël est maintes fois mentionnée. Le concept d’un royaume à la fois céleste et terrestre est mentionné dans les Psaumes1 et dans Daniel. Mais la souveraineté de Dieu dans la Genèse ? Qu’en est-il exactement ?
Un principe éternel
Toute doctrine abordée dans l’A. T., quelle qu’elle soit, est mieux comprise et acceptée lorsqu’elle est considérée sur la base d’un principe biblique général. Dieu est immuable. Il ne varie pas dans sa vision des choses. L’apôtre Jacques dit qu’en lui, « il n’y a ni changement, ni ombre de variation » (Jac 1.17b). Mais selon les temps et les circonstances, l’Esprit peut éclairer une même vérité selon des angles complémentaires — sans se contredire.
Le principe unificateur du royaume (c.à.d. l’actualisation concrète du projet divin) et du règne (c.à.d. l’activité souveraine dans ce cadre-là) détermine tout le déroulement de l’histoire biblique. Il exige que le Dieu trinitaire règne, gouverne et contrôle ultimement toute l’histoire humaine pour la simple raison qu’il est Dieu2. Ce principe sert de « colle » à tous les fragments du récit biblique, garantissant une avance harmonieuse et continue en direction du but : la démonstration magistrale de la suprématie du Dieu créateur, qui mène l’humanité en modelant toutes choses selon sa volonté, même lorsqu’il laisse l’individu faire librement certains choix3. En même temps, l’Éternel manifeste sa nature sainte et son amour envers toutes ses créatures (Jean 3.16).
Et le « royaume » commence incontestablement au chapitre 1 de la Genèse.
1. Toute la création répond positivement et immédiatement aux commandements du Créateur. Le fonctionnement rationnel du monde créé met en évidence l’utilité mutuelle de ses parties ; le jeu des lois de « cause à effet » permet un bien-être général évident. Méditons un instant sur la simplicité et l’efficacité des six jours de la création en relisant Genèse 1.1 à 2.3. Mais au-delà du travail initial du Dieu souverain, l’A.T dans son ensemble nous dévoile les implications de son projet. Quelques exemples :
a. la cohérence cachée derrière la diversité des destins individuels : Pr 16.4 ;
b. l’extériorisation partielle de la sagesse et de la puissance divines : Job 28.24-27 ; Ps 24.1-2 ; És 45.18 ; Jér 27.5 ; 2 Pi 3.5 ;
c. la glorification du Créateur : Néh 9.5-6 ; Ps 19.1-7 ; 104.30-35 ;
d. le signe éclatant de la majesté divine : Ps 8.2-3,10 ; Amos 4.13 ;
e. la prééminence du dessein et de la volonté de Dieu : Ps 119.90-91 ; És 42.5-8.
2. Le premier couple (Gen 1.26-27) reçoit des responsabilités précises et claires pour l’accomplissement de missions définies :
a. l’accroissement de la race humaine (Gen 1.28) ;
b. la gestion maîtrisée du monde animal (Gen 1.26, 28) ;
c. le travail en équipe équilibrée (Gen 2.18,21-23) ;
d. le pouvoir décisionnel (Gen 2.19-20a) ;
e. le droit de questionnement au sujet des moyens d’existence les plus appropriés (Gen 2.20b) ;
f. la capacité de déduction logique (Gen 2.23) ;
g. l’autonomie des enfants devenus adultes (Gen 2.24) ;
h. la pureté (Gen 2.25).
Il me paraît symptomatique que ces huit caractéristiques soient aussi, selon la vocation particulière de chacun d’entre eux, celles des croyants en Christ, et autant de marques du règne de Dieu en eux. Être membres « fondateurs » du royaume offrait au premier couple, comme représentants-médiateurs humains, des privilèges immenses et inestimables, mettant ainsi en exergue l’intelligence, la souveraineté et la bonté du Créateur. Ils étaient des preuves vivantes de son règne, aussi longtemps qu’ils respectaient sa parole. Puissions-nous retenir que le règne actuel de Dieu dans nos vies implique aussi notre soumission à la Révélation écrite.
Le conflit
Bien que le Créateur ait eu la satisfaction de constater que tout ce qu’il avait fait au commencement était très bon (Gen 1.31), l’Écriture ne cache pas qu’il a un « adversaire » (sens étymologique du nom « Satan ») qui veut bouleverser, voire anéantir, le royaume et ses manifestations. Ce dernier a provisoirement réussi en recrutant le premier couple, dupé et séduit par un mélange meurtrier de vérité, de demi-vérité, et de mensonge (Gen 3.1-6). La transgression flagrante et délibérée de nos premiers parents a mis en péril, à première vue, la direction du règne du Dieu-Créateur-Souverain. Sur la terre, le règne divin parfaitement visible fut interrompu après la chute (Gen 3.22-24). Les résultats catastrophiques s’en font ressentir du meurtre de Caïn jusqu’à nos jours (Gen 3.7-24).
À cause de sa désobéissance, le couple chargé à l’origine de gérer les biens et les affaires du royaume a provoqué un changement dramatique quant à la forme et à l’administration de son patrimoine, une dégénérescence immédiate et continue de notre race (Gen 4.1-24). Toutefois, le royaume a subsisté, Dieu permettant que des Seth, Hénoc ou Noé reprennent le flambeau de son témoignage (Gen 4.25 ; 5.24,32 ; 6.8-10.32). Du reste, la promesse de la victoire finale de Dieu sur Satan est proclamée dès après la chute (Gen 3.15c) et toute la prophétie ultérieure ne fait que préciser et réitérer la promesse de ce triomphe à venir. Quant au N.T., il en fait le centre de son message libérateur (Col 2.15 ; Héb 2.14 ; Rom 16.20).
La reconstruction du règne à l’époque de Noé
À son arrivée à bon port, après la fin du déluge (Gen 8.15-19), Noé répond à son sauvetage par l’adoration (Gen 8.20) ; Dieu promet alors de ne plus détruire la planète, ni l’humanité (8.21), et d’établir des cycles saisonniers garants de la vie terrestre (Gen 8.22). Le texte décrit dans les grandes lignes les « conditions cadre » du règne renouvelé (Gen 9.1-7) :
1. la population humaine doit croître (Gen 9.1,7) ;
2. l’humanité doit dominer le monde animal (Gen 9.2-3) ;
3. la justice doit être la base de l’activité sociale (Gen 9.5-6) ;
4. Dieu établit avec toute l’humanité une alliance irrévocable : il n’y aura plus de déluge d’eau, l’arc-en-ciel en témoignera de manière durable (Gen 9.8,17) ;
5. le règne doit s’étendre aux générations futures et à toute la terre. C’est ce que fera, géographiquement, la postérité de Noé (Gen 9.18-19). Malheureusement, Noé va lui-même indiquer, par son inconduite et par sa réaction excessive, que le règne de Dieu n’a pas fini d’être contesté (Gen 9.20-27).
Les distorsions du projet divin
À partir du chapitre 10, la population terrestre se répartit en de petites entités familiales ou nationales, selon les décrets de Dieu. C’est l’origine du peuplement du monde actuel. Comment chacun vivait-il sa foi à cette époque ? Cela nous reste caché (peut-être que dans le dessein de Dieu, la connaissance de cette ère n’est pas nécessaire à notre progrès spirituel, cf. Deut 29.29).
Cependant, Genèse 11.1-9 (la tour de Babel) nous apprend que la société post-diluvienne, au lieu de garder en mémoire l’histoire de Noé, se corrompt au point que les hommes coalisés rêvent d’accaparer orgueilleusement le contrôle et la domination suprême du monde. Aujourd’hui, cette ambition s’appelle « la mondialisation ». Tout devrait être organisé et intégré autour d’un pouvoir central exercé selon la philosophie du vieil humanisme prêché par le serpent : tout par et pour l’homme, sans la reconnaissance du Dieu créateur et de sa souveraineté. Le texte biblique explicite le désaccord de Dieu à propos de cette humanité rassemblée dans sa quête d’unité impie (11.4) et nous donne à comprendre pourquoi il doit intervenir d’une manière dramatique en confondant son langage et en disséminant les hommes sur toute la surface de la terre (11.9). Cette dispersion des hommes pourrait sembler totalement incompatible avec l’établissement d’un règne bénéfique et universel de Dieu, mais c’est sans compter avec les desseins de salut que celui-ci n’avait pas encore mis en œuvre.
Le changement de direction et de forme du règne
Genèse 11.10-32 démontre que Dieu procède souvent par étapes longues, mais sûres et parfaitement ordonnées. La nouvelle orientation du règne apparaît soudainement et de manière surprenante. L’Éternel « concentre » l’expression essentielle de son règne dans le destin d’un seul homme, Abram, un sémite idolâtre avant sa conversion (cf. Jos 24.2,14-15 ; Act 7.2). Genèse 12.1-2 témoigne de ce choix divin et de cet appel (voir aussi 18.17-19 ; Héb 11.8-19 ; Néh 9.7). Longtemps après sa conversion, Abram âgé de 99 ans recevra le nom prophétique d’Abraham : père d’une multitude (de nations). Malgré l’histoire particulière d’Abraham et de sa descendance, n’oublions pas que cette dimension restreinte du règne de Dieu n’abolit pas la persistance de sa gouvernance universelle et de son autorité sur toute l’humanité, sur toutes les nations4. Bien que les affaires du monde du XXIe siècle semblent contredire la souveraineté du Créateur, rappelons-nous qu’il œuvre derrière la scène5. Nous en aurons bientôt la confirmation, lorsque le Seigneur Jésus-Christ établira son règne sur la terre6. Gardons confiance en l’Éternel qui sait ce qu’il permet (Héb 11.6).
L’expression particulière et visible du royaume centré sur la nation d’Israël occupe le reste de l’A.T. ; ce dernier nous en décrit l’importance (Gen 12.1-3), la durée (Gen 17.7-8), les « citoyens » (Gen 15.4-6), les lois (Ex 32.15-16 ; Jos 23.6 ; 1 Rois 2.3), la nature d’entité sainte et unique (2 Chr 20.7 ; Ex 19.5 ; Deut 14.2 ; És 43.1). Et les divers aspects de ce royaume sont trop nombreux pour être tous cités dans un court article, ne serait-ce qu’en se limitant au reste de la Genèse7.
Aux pieds du « chef d’orchestre »
Il est fascinant de lire l’A.T. du point de vue du Dieu créateur et souverain qui établit sa direction, donc son royaume et son règne, dès le premier chapitre de la Genèse, puis de suivre ce développement à travers le reste du livre. La domination de Dieu est évidente partout, parfois avec éclat (Gen 39.1-6), parfois dans des événements insignifiants en apparence. Songeons par exemple aux conséquences capitales du simple réveil de la mémoire défaillante d’un païen (Gen 40.23 ; 41.8-16,37-44).
Lisons ce livre d’introduction de toute la Bible pour y observer Dieu actif en tout, soit d’une manière découverte, soit d’une manière quasi cachée. Contempler le Créateur et Souverain tel qu’il est soulève l’âme et l’esprit d’adoration, car le but de la lecture biblique est de « voir et entendre » Dieu assis sur son trône, puis en action chez lui sur la terre.
« Ouvre mes yeux, pour que je contemple les merveilles de ta loi ! » (Ps 119.18) : que ce soit notre prière, afin d’aborder le texte sacré avec les yeux du Père et du Fils, sous l’éclairage du Saint-Esprit.
1 Le Psaume 93, par exemple est explicite : « L’Éternel règne, il est revêtu de majesté, l’Éternel est revêtu, il a pris la force pour ceinture, aussi le monde est ferme, il ne chancelle pas. Ton trône est établi dès les temps anciens ; tu existes de toute éternité… »
2 Ps 72.11,17 ; 82.8 ; 86.9-10 ; 113.4 ; Apoc 15.4.
3 És 55.1,6-7 ; Jér 26.3 ; Éz 18.21-23 ; Mat 11.28 ; 23.37 ; Act 2.21.
4 Deut 10.14 ; 2 Rois 19.15 ; 2 Chr 20.6 ; Ps 22.27-29.
5 Job 12.10 ; Ps 47.8-9 ; 103.19 ; Dan 4.35 ; Act 17.24-28.
6 Luc 11.2 ; Marc 14.25 ; Act 28.23,31 ; Apoc 11.15.
7 Références complémentaires dans les Prophètes à propos de la réalité du royaume / règne futur : És 2.1-5 ; 4.2-6 ; Jér 3.17-20 ; Éz ch.40-48 ; Dan 7.9-10,22,27 ; Osée 3.4-5 ; Joël 2.26-32 ; Amos 9.11-15 ; Mich 5.2 ; Soph 11-13,14-20 ; Agg 2.20-23 ; Zach 9.9-10 ; 12 ; 13.1,8-9 ; 14.9-11.
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