PROMESSES

Le titre de cet article va peut-être vous surprendre ! La tradition évangélique réserve d’ordinaire le terme de « béatitudes » aux listes de Matthieu 5.1-12 et Luc 6.20-23. Par ces paroles, Jésus-Christ avait un but particulier : enseigner aux siens les normes que Dieu fixe à disciple — dans sa conduite spirituelle personnelle et dans ses relations interpersonnelles. Le mot « béatitude » signifie à l’origine « un état de bien-être ». Déclarer un individu « bienheureux » est lui souhaiter d’être dans un état de bonheur, de félicité, d’honneur.

Mais connaissons-nous les sept « béatitudes » du livre de l’Apocalypse (1.3 ; 14.13 ; 16.15 ; 19.9 ; 20.6 ; 22.7.14) ? Elles sont bien différentes de celles des Évangiles dans leur sens et leur portée, car leurs contextes et leurs contenus sont tout autres. Celles de Jésus ont été énoncées dans l’environnement paisible du début de la prédication du royaume de Dieu, tandis que celles de l’Apocalypse ont été écrites pendant une période de sévère persécution à la fin du 1er siècle. Elles s’inscrivent dans un kaléidoscope eschatologique catastrophique de la fin des temps, où certaines promesses et assurances sont destinées à encourager le disciple à rester fidèle à l’Agneau envers et contre tout. Ces exhortations de l’Apocalypse ont affermi le dévouement des disciples persécutés depuis lors.

Les sept bénédictions

1. « Heureux celui qui lit et ceux qui entendent les paroles de la prophétie, et qui gardent les choses qui y sont écrites ! » (1.3)

« Heureux » peut aussi être traduit par « béni » : vu les thèmes fréquemment tragiques de ce livre, il me semble que « béni » est mieux adapté que « heureux ». On peut recevoir une bénédiction de Jésus même pendant une crise décourageante ! La bénédiction vient encore d’En-haut, malgré les drames horribles qui se déroulent pendant la période de la tribulation. Cette bénédiction venait et viendra à la suite de la lecture attentive et obéissante de la Parole écrite. La lecture et la compréhension de ce livre s’avèrent un peu difficiles ; une promesse de bénédiction est donc offerte pour inciter le disciple à aller jusqu’à la fin de son engagement envers Christ.

Voici trois leçons à tirer du verset :

(a) Les seuls vrais bienfaiteurs sont le Père et l’Agneau, par l’Esprit. La bénédiction n’est pas à chercher en idolâtrant tel ou tel « grand ».

(b) Il y a une vraie bénédiction à recevoir la Parole de Dieu (cf. 1 Thes 2.13).

(c) La lecture publique est bénie ; donc lisons davantage la Bible à haute voix, en particulier en réunion d’église.

Prière : Seigneur Jésus, fais de moi un lecteur quotidien fidèle et obéissant à la parole de Dieu. Amen.

2. « J’entendis du ciel une voix qui disait : Écris : Heureux dès à présent les morts qui meurent dans le Seigneur ! Oui, dit l’Esprit, afin qu’ils se reposent de leurs travaux, car leurs œuvres les suivent. » (14.13)

Le contexte indique que cette bénédiction est réservée aux persécutés, qui font face à une mort certaine en raison de leur fidélité à la parole du Père et à la foi prêchée en Jésus (14.12-13). Leur réconfort vient du fait qu’ils sont déjà dans un état de bénédiction, car ils seront bientôt avec le Père et l’Agneau (cf. Phil 1.21,23 ; 3.20-21). Le Saint-Esprit vient confirmer la première promesse. La persécution pourrait épuiser le corps et assommer l’âme et l’esprit ; on pourrait être tenté de lâcher prise et se dire intérieurement : « À quoi tout cela sert-il ? » La voix venant du ciel réconforte les fidèles chancelants : « Votre prochaine arrivée là-haut vaut la peine ; donc restez fermes, car l’épreuve qui peut vous conduire à la mort ouvre la porte au repos. » En plus, « leurs œuvres les suivent » : toute leur activité pour représenter fidèlement Jésus en face de l’opposition diabolique acharnée sera largement récompensée au ciel (cf. Luc 10.7 ; 1 Tim 5.18 ; Jean 4.36).

Prière : Seigneur Jésus, fortifie-moi par l’Esprit saint pour que je te reste fidèle malgré l’opposition et la tentation de te renier. Amen.

3. « Voici, je viens comme un voleur. Heureux celui qui veille, et qui garde ses vêtements, afin qu’il ne marche pas nu et qu’on ne voie pas sa honte ! » (16.15)

Le contexte est celui de la 6e coupe de jugement (16.12-16) qui décrit la préparation à la longue campagne1 d’Harmaguédon. C’est à la fois une promesse (celle d’avoir la surprise de voir le Seigneur) et un avertissement solennel. Jésus cherche à préparer les siens (ceux convertis pendant la période de la grande tribulation) à lui rester fidèles en dépit de l’opposition injuste venant d’hommes inspirés par Satan et sous le contrôle de l’antichrist. « Veiller », « rester en éveil » signifie anticiper la visite de quelqu’un d’important (ici Jésus) à n’importe quel moment en gardant ses vêtements (on ne se met pas en pyjama si l’on attend un visiteur de marque !) « Marcher nu » est une image annonçant une réprimande au jour de jugement ; « garder ses vêtements » signifie pratiquer de bonnes œuvres (Éph 2.10) en accord avec le salut qu’on possède (cf. 19.8).

Je vois personnellement des leçons spirituelles pratiques pour nous :

–  Jésus n’a pas encore dévoilé le moment exact de son retour pour nous ; aussi soyons préparés (cf. Mat 25.1-13), ne nous relâchons pas (cf. 1 Thes 5.5-8).

Continuons à faire du bien aux autres en dépit des circonstances contraires (cf. 1 Th 2.8-10 ; Mat 25.35-36 ; Tite 2.13-14 ; 3.1-2 ; 2 Cor 9.8 ; Éph 2.10).

Rappelons-nous que nous comparaîtrons devant le tribunal de Christ (2 Cor 5.10) : quel embarras pour nous s’il nous trouve dans un état incompatible avec les exigences morales de sa Parole (cf. 3.18)…

 Prière : Seigneur Jésus, stimule-moi par l’Esprit à prendre au sérieux ma responsabilité de te représenter avec fidélité, parce que je ne veux pas avoir honte devant toi. Amen.

4. « L’ange me dit : Écris : Heureux ceux qui sont appelés au festin des noces de l’Agneau ! Puis il me dit : Ces paroles sont les véritables paroles de Dieu. » (19.9)

Tout né de nouveau en Jésus-Christ depuis la Pentecôte est au bénéfice de cette bénédiction : l’Église de tous les siècles participera à une fête céleste grandiose, le « banquet nuptial » qui suivra son mariage spirituel avec l’Époux (l’Agneau, Jésus-Christ) (19.7).

Prière : Merci, Seigneur Jésus, pour ce privilège futur.

Le verset 10 décrit la réaction appropriée : adorer Dieu le Père pour cette perspective inestimable concernant Jésus et nous, les sauvés.

Ne serait-t-il pas convenable que nous fassions pareil ? Si cette bénédiction est surtout réservée pour le ciel, nous avons le privilège maintenant de nous réjouir en attendant la gloire ! Ne nous en privons pas ici-bas, frères et sœurs ! Vibrons dans l’anticipation de cette expérience future inouïe, en dépit des tempêtes de la vie.

Prière : Père Céleste, fortifie-moi pour rester fidèle à l’Agneau immolé malgré toute opposition qui me pousse à le renier. Gloire à toi ! Amen.

5. « Heureux et saints ceux qui ont part à la première résurrection ! La seconde mort n’a point de pouvoir sur eux ; mais ils seront sacrificateurs de Dieu et de Christ, et ils régneront avec lui pendant mille ans. » (20.6)

Le mot « saint » signifie une séparation du mal puis une consécration — un dévouement au service de Dieu. Le croyant sauvé, ayant été mis à part et justifié à sa conversion (Rom 3.22-26 ; 5.1-2 ; 8.30), cherche pendant son pèlerinage ici-bas à se séparer quotidiennement de ce qui ne correspond pas au saint caractère moral de Dieu.

Les saints mis à mort pendant la période de la tribulation seront ressuscités pour participer activement avec Christ à son règne millénaire : c’est leur récompense pour leur fidélité face à des persécutions souvent mortelles. Ils vont servir d’intermédiaires entre le Roi Jésus et les pécheurs (ceux nés pendant le millénium naîtront avec la nature adamique et vont donc pécher, cf. 20.7-9).

Notre texte mentionne une « seconde mort » : elle aura lieu après le jugement du grand trône blanc après la fin du millénium. C’est la mort après laquelle il n’y aura aucune possibilité de retour ni de pardon. Tous les perdus de toute l’histoire humaine y seront rassemblés pour subir leur juste jugement !

Si vous n’avez pas encore accepté le salut par la repentance envers Dieu et la foi en Jésus-Christ, pour le pardon de vos péchés, c’est le moment de lui offrir votre soumission. Ainsi vous n’entrerez jamais dans la deuxième mort éternelle qu’est l’étang de feu (20.14-15).

Prière : Merci, Seigneur ressuscité, de récompenser activement tes fidèles d’une manière juste pendant le millénium. Amen.

6. « Et voici, je viens bientôt. — Heureux celui qui garde les paroles de la prophétie de ce livre ! » (22.7)

Le Seigneur interpelle le lecteur brusquement, puis il promet que son apparition sera soudaine. « Bientôt » n’est pas une mesure sur l’échelle du temps, mais un mode d’apparition : « rapidement ». Si lors de sa première venue, Jésus était entré progressivement dans son ministère, sa seconde venue sera subite.

Le Seigneur promet une bénédiction spéciale à toute personne qui prend au sérieux le contenu du livre. Une des leçons principales est l’exaltation de la gloire du Père et du Seigneur Jésus-Christ, l’Agneau. Preuve en est la présence de 15 doxologies (1.5b-6 ; 4.8,11 ; 5.9-10,12,13 ; 7.10,12 ; 11.16-18 ; 15.3-4 ; 16.5-6,7 ; 19.1-3,4,6-8), dont 9 sont réservées uniquement au Père, 3 uniquement à l’Agneau, et 3 au Père et à l’Agneau2.

Prière : Aide-moi à apprécier et à garder dans mon cœur et dans ma vie les vérités apprises par la lecture et la méditation de ce livre.

7. « Heureux ceux qui lavent leurs robes, afin d’avoir droit à l’arbre de vie, et d’entrer par les portes dans la ville ! » (22.14)

Le sang de Jésus-Christ joue un rôle primordial dans l’accomplissement de notre salut, car il signifie que nos péchés ont été enlevés éternellement et le résultat est notre droit d’accès auprès du Père et de l’Agneau (1.6 ; 5.9 ; 7.14). Au millénium, les rachetés ressuscités de la tribulation vont jouir de tous les privilèges de la citoyenneté (És 25.8 ; Rom 8.29 ; 1 Jean 3.2 ; Apoc 7.13-17 ; 22.1-5).

Prière : Merci, notre Père Céleste, parce que, par le sang versé de Jésus-Christ notre Sauveur, toute personne née de nouveau va pouvoir bénéficier abondamment de tous les privilèges que tu nous réserves avec le Seigneur.

Résumé et conclusion

Ce livre unique dans toute la Bible est un mélange d’extrêmes : il va des hauteurs de l’existence céleste avec Dieu le Père et avec Jésus, l’Agneau, par l’Esprit, jusqu’aux profondeurs de la dépravation humaine attisée par Satan. Sa lecture doit conduire le pécheur à la repentance et à la foi pour échapper à l’étang de feu, et stimuler le converti à une vie de fidélité disciplinée en face de toute opposition.

Au milieu de toutes ces descriptions, le lecteur peut désaltérer son âme et son esprit à sept oasis de « bénédictions » qui nous sont déjà accessibles. Pour en jouir, souvenons-nous que :

– la lecture de la Parole est une nécessité pour rester proche de Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit.

– la Parole lue apporte du bien-être seulement si on y obéit et la met en pratique.

– la Parole avertit chacun qu’il existe une règle inviolable et indestructible : tout sera récompensé à la fin, soit le mal, soit le bien. Chacun donc doit décider maintenant de quel côté il veut se ranger.

– les bénédictions divines sont innombrables (et vont bien au-delà des sept traitées dans cette étude). Elles sont utiles pour soutenir chaque sauvé dans toutes les situations imaginables. À nous de décider si nous voulons les recevoir.

1Le mot grec indique une bataille qui n’est pas courte.
2 Au ciel, la louange et l’adoration sont spécialement et exclusivement adressées aux deux premières personnes de la Trinité. L’Esprit ne reçoit ni adoration ni prière. De ce fait, il me semble raisonnable de croire que notre adoration et nos prières ici-bas doivent être uniquement réservées à Dieu et à Jésus, avec l’aide précieuse et l’inspiration du Saint-Esprit (1 Cor 14.15 ; Éph 6.18 ; Phil 3.3).

Écrit par


William MacDonald, Arthur Farstad

Cet article est tiré du Commentaire biblique du disciple, de William MacDonald et Arthur Farstad, édité par l’association La Joie de l’Éternel (Éditeur J-P Burgat,B.P.1,FR-25600 SAONE).

I. Place unique dans le canon

Le caractère unique du dernier livre de la Bible apparaît dans le tout premier mot : « Révélation » ou en grec, apokalupsis. Ce mot, qui veut dire « dévoilement », est à l’origine du mot « apocalyptique ». Ce genre littéraire, que l’on trouve dans Daniel, Ézéchiel et Zacharie dans l’A.T. mais seulement ici dans le N.T., se caractérise par des visions prophétiques concernant l’avenir et recourt à des symboles, à des images et à d’autres figures de style.

Non seulement l’Apocalypse traite-t-elle de la fin de toutes choses et de la victoire finale de Dieu et de l’Agneau, mais elle relie entre eux les 65 premiers livres de la Bible. En fait, c’est en connaissant l’ensemble de la Bible que l’on peut le mieux comprendre ce livre. Les personnages, les symboles, les événements, les nombres, les couleurs,… figurent presque tous ailleurs dans la Parole de Dieu. Certains ont appelé ce livre à juste titre « la gare centrale » de la Bible, parce que c’est ici que les « trains » entrent. Quels trains ? Les trains de pensée partis de la Genèse et des livres suivants, tels que les concepts du fil rouge de la rédemption, la nation d’Israël, les nations païennes, l’Église, Satan l’adversaire des enfants de Dieu, l’Antichrist et beaucoup d’autres.

L’Apocalypse (souvent intitulée à tort depuis le ive s. « La Révélation de Saint Jean », mais en réalité « La Révélation de Jésus-Christ », cf. 1.1), constitue le point culminant de la Bible. Elle nous révèle l’avenir de toute chose. Même une lecture superficielle devrait constituer pour les incroyants une sérieuse incitation à la repentance, et pour le peuple de Dieu un puissant encouragement à persévérer !

II. Auteur

Le livre lui-même affirme que Jean en est l’auteur (1.1,4,9 ; 22.8) et qu’il écrivit sur l’ordre de son Seigneur, Jésus-Christ. Des preuves externes, à la fois solides, anciennes et largement acceptées, confirment que le Jean mentionné ici est l’apôtre Jean, le fils de Zébédée, qui œuvra pendant de nombreuses années à Éphèse (en Asie Mineure, où se trouvaient les sept Églises auxquelles le Seigneur s’adresse aux ch. 2 et 3). Il fut exilé à Patmos par Domitien, où il écrivit les visions qu’il reçut du Seigneur. Plus tard il retourna à Éphèse où il mourut à un âge avancé. Justin Martyr, Irénée, Tertullien, Hippolyte, Clément d’Alexandrie et Origène, tous attribuent le livre à Jean. En outre un livre intitulé L’Apocryphe de Jean, rédigé aux environs de l’an 150 et découvert plus récemment en Égypte, attribue l’Apocalypse à Jean, le frère de Jacques. Le premier à s’opposer à l’idée que Jean soit l’auteur de l’Apocalypse fut Dionysius d’Alexandrie. Cependant, il ne souhaitait pas l’attribuer à l’apôtre car il était très opposé à la doctrine du millénium (ch. 20). Ses références vagues et incertaines, d’abord à Jean-Marc, puis à « Jean l’Ancien » comme les auteurs possibles ne peuvent infirmer des attestations aussi fortes en faveur de l’apôtre Jean (même si des érudits modernes de tendance libérale les rejettent eux aussi). En effet, il n’existe aucune trace dans l’histoire de l’Église d’un nommé « Jean l’Ancien » sinon l’auteur des 2e et 3e Épîtres de Jean. Or ces deux Épîtres présentent le même style que la 1re. En outre, leur simplicité et leur vocabulaire s’harmonisent bien avec l’Évangile de Jean.

Alors que les preuves externes citées ci-dessus s’avèrent si puissantes, les preuves internes ne paraissent pas aussi évidentes. Le vocabulaire, le style grec « sémitique » vigoureux (présentant quelques tournures grammaticales appelées « solécismes ») et l’ordre des mots, convainquent un grand nombre que l’auteur de l’Apocalypse ne pouvait avoir écrit l’Évangile.

Toutefois, ces différences peuvent s’expliquer. De plus, elles sont contrebalancées par des similarités entre les deux livres.

Ainsi, certains acceptent une date située entre les années 50 et 60 pour l’Apocalypse (sous le règne de Claude ou de Néron) et pensent que Jean écrivit son Évangile beaucoup plus tard dans les années 90 après avoir acquis la maîtrise du grec. Cependant, cette solution n’apparaît pas comme nécessaire. Il est fort possible que Jean ait eu un secrétaire pour rédiger son Évangile tandis qu’il rédigea seul l’Apocalypse pendant son exil à Patmos. (L’inspiration de chaque livre n’en est nullement affectée, puisque Dieu utilise le style propre à l’écrivain, et non un même style pour tous les livres de la Bible.)

Les thèmes de la lumière et des ténèbres se trouvent à la fois dans l’Évangile de Jean et dans l’Apocalypse. Des mots comme « l’Agneau », « vaincre », « Parole », « vrai », « eau vive » et d’autres encore, relient les deux livres. De même, Jean 19.37 et Apoc 1.7 citent tous deux Zach 12.10, sans toutefois utiliser le mot pour « percé » qui figure dans la version des LXX, mais un autre mot ayant la même signification1.

Les différences de style et de vocabulaire entre l’Évangile et l’Apocalypse s’expliquent également par leur genre littéraire différent. En outre, le nombre considérable de termes hébraïques dans le livre de l’Apocalypse s’explique par le fait que ce livre s’inspire si largement de l’ensemble de l’A.T.

En conclusion, l’optique traditionnelle selon laquelle l’apôtre Jean, le fils de Zébédée et le frère de Jacques, rédigea l’Apocalypse s’appuie sur un fondement historique solide, et l’on peut expliquer les problèmes sans renoncer à cette idée.

III. Date

Pour la rédaction de l’Apocalypse, certains se déclarent en faveur d’une date située soit dans les années 50 soit à la fin des années 60. Comme déjà mentionné, cette hypothèse permet d’expliquer en partie le style moins raffiné de l’Apocalypse. De plus, certains croient que le chiffre « 666 » (13.18) était une prédiction de Néron2, dont on attendait la résurrection, interprétation qui suggérerait également une date plus ancienne. Le fait que cet événement n’eut pas lieu n’a pas affecté l’acceptation du livre. […]

Les Pères de l’Église indiquent clairement la deuxième moitié du règne de Domitien (aux environs de l’an 96) comme l’époque où Jean reçut le message de l’Apocalypse sur l’île de Patmos. Puisque cette idée fut acceptée dès le commencement par la majorité des chrétiens fidèles à la vérité, il y a toute raison de l’accepter.

IV. Thèmes et portée

Thèmes

La clé de la compréhension du livre de l’Apocalypse se trouve dans sa division en trois parties essentielles.

Le ch. 1 décrit une vision dans laquelle Jean vit Christ en Juge et se tenant au milieu des sept Églises. Les chap. 2 et 3 traitent de l’Église au temps actuel de la grâce. Les 19 chapitres restants nous révèlent les événements après l’enlèvement de l’Église. Nous pouvons diviser le livre comme suit :

1. Ce que Jean vit, à savoir la vision de Christ comme Juge des Églises (ch. 1)

2. Ce qui est, à savoir un aperçu de la période de l’Église depuis la mort des apôtres jusqu’à l’enlèvement (ch. 2, 3).

3. Ce qui doit arriver ensuite, à savoir les événements futurs qui suivront l’enlèvement (ch. 4 à 22). Un bon moyen de se rappeler le contenu de cette troisième section du livre consiste à se représenter ainsi les faits :

a. Les chapitres 4 à 19 décrivent la tribulation, période d’au moins sept ans durant laquelle Dieu jugera les incrédules d’Israël de même que ceux des nations. Ces jugements sont décrits sous les titres suivants : – 1. Les 7 sceaux. – 2. Les 7 trompettes. – 3. Les 7 coupes.

b. Les chapitres 20 à 22 traitent du retour de Christ, de son royaume terrestre, du jugement du grand trône blanc et de l’éternité.

[…]

La portée du livre

Lors de l’étude de l’Apocalypse, comme lors de toute étude biblique, nous devons constamment garder à l’esprit la distinction entre l’Église et Israël. L’Église est un peuple céleste, doté de bénédictions spirituelles et appelé, comme l’épouse de Christ, à partager sa gloire. Israël est l’ancien peuple terrestre de Dieu auquel Dieu promit le pays d’Israël et un royaume terrestre où régnerait le Messie. L’Église est mentionnée dans les trois premiers chapitres, mais ne réapparaît plus jusqu’aux noces de l’Agneau au ch. 19 (v. 6-10). La période de la tribulation (4.1 à 19.5) concerne essentiellement le peuple juif.

Avant de clore cette introduction, il est juste de reconnaître que tous les chrétiens n’interprètent pas le livre de l’Apocalypse de la manière indiquée ci-dessus. Toutefois, pour tous les enfants de Dieu, le livre enseigne que vivre pour les choses éphémères constitue une folie. Il nous incite à témoigner auprès des perdus, et nous encourage à attendre avec patience la venue du Seigneur. Pour l’incroyant, le livre constitue un avertissement solennel du terrible destin qui attend tous ceux qui rejettent le Sauveur.

1Le verbe employé dans l’Évangile de Jean et dans l’Apocalypse est exékéntèsan ; dans Zacharie, la forme employée dans la version des LXX est katôrchèsanto. 2En hébreu et en grec, les lettres de l’alphabet comportent une valeur numérique : par ex., aleph et alpha correspondent à 1, béth et béta à 2, etc. Ainsi on peut calculer le nombre de chaque nom. Fait intéressant, en grec le nom de Jésus (Ièsous) correspond à 888 (le chiffre 8 signifie un nouveau commencement ou une résurrection). Sans doute les lettres du nom de la Bête donneront-elles un total de 666. En employant ce système — et avec un ajustement mineur de l’orthographe — on obtient ce chiffre avec « Néro Cæsar ». Toutefois, d’autres noms donnent également le même résultat, aussi devons-nous éviter toute spéculation incontrôlée.


L’Apocalypse est le livre qui clôt la révélation divine. Son message principal est admirablement résumé par Apocalypse 19.10 : « Le témoignage de Jésus est l’esprit de la prophétie. » Comme le dit un auteur évangélique : « Tout le but de la prophétie est de nous révéler Jésus. D’un bout à l’autre du livre, Jésus nous montre qu’il est plus puissant, plus glorieux, que tout ce que l’Église aurait pu imaginer. C’est le message d’espérance et d’encouragement dont l’Église de la fin du 1er siècle avait besoin et dont elle a besoin jusqu’à ce jour.

L’Apocalypse élargit notre vision de Christ. Dans les Évangiles, sa divinité et sa gloire éternelle sont cachées par son humanité à tel point qu’il nous est facile de les oublier et de ne plus voir en Jésus que « l’homme de douleur », un personnage tragique, victime des injustices de la vie. Or l’Apocalypse le révèle tel qu’il est aujourd’hui : le Roi des rois et Seigneur des seigneurs, le grand Créateur et le Juge. Il est toujours l’Agneau immolé, mais il est en même temps le Lion de la tribu de Juda, celui qui vient en puissance et en gloire.

De plus, l’Apocalypse n’est pas un livre qui doit nous faire peur. Certes, il décrit des événements terribles qui bouleverseront le monde entier. Mais au-delà, il nous dépeint notre Seigneur et Sauveur comme celui qui reste toujours Maître de chaque situation et qui prend soin des siens dans ces événements. Nous pouvons compter sur lui, quoi qu’il arrive ! »

Ce numéro veut nous aider à découvrir quelques-unes des richesses de ce livre : qu’il contribue à fortifier notre foi dans les plans de Dieu qui iront immanquablement à leur terme, notre espérance dans l’avenir radieux qui est réservé à tous les croyants de tous les temps et notre amour pour notre Seigneur, le centre glorieux de toute Révélation !

Écrit par


Le chapitre 20 de l’Apocalypse commence après la bataille dévastatrice d’Harmaguédon (19.11-21). Pour bien comprendre le déroulement prophétique, plusieurs points doivent encore être traités. Que va-t-il arriver à la planète Terre une fois que son système politique, économique et religieux a été détruit ? Que va-t-il arriver à Satan ? Qu’en sera-t-il des justes mis à mort et de ceux qui survivront à la période de la tribulation ? Quel sera l’avenir des incrédules ? Toutes ces questions forment les quatre thèmes centraux d’Apocalypse 20.

1. Le pouvoir de Satan est jugulé (20.1-3)

Le mot « puis » (20.1) indique une suite chronologique par rapport au jugement de la bête et du faux prophète qui précède (19.20). Dieu juge maintenant Satan lui-même1. Lors de l’arrestation la plus sensationnelle de l’histoire, le criminel cosmique est enchaîné et lié pour 1000 ans par un ange. Cela nous rappelle que Satan n’occupe pas une place hiérarchique équivalente à celle de Jésus, mais plutôt à celle d’un ange (peut-être l’archange Michel). Dieu a une souveraineté totale sur Satan. C’est pourquoi nous n’avons rien ni personne à craindre, aujourd’hui comme demain.

Les événements des v. 2 et 3 sont futurs. Ils n’ont pas eu lieu à la croix. L’Écriture décrit le temps présent où nous vivons comme le « présent siècle mauvais » et Satan est appelé « le dieu de ce monde » (2 Cor 4.4). Aujourd’hui, Satan est libre et rôde comme un lion pour trouver quelqu’un à dévorer (1 Pi 5.8) ; mais, grâce à la victoire de Christ sur la croix, Satan et les siens sont déjà vaincus. En conséquence, pendant tout le règne de Christ sur la terre, Satan (et ses hordes de démons) seront liés et mis hors d’état de nuire (cf. Jean 12.31 ; Col 2.15).

L’objectif est que Satan « ne séduise plus les nations » (20.3). Le grand stratagème de Satan est la séduction. Il a trompé Ève au commencement et il continue à le faire (2 Cor 11.3). Nous sommes tous enclins à être trompés. Comment Satan le fait-il pour vous, votre famille ou votre église ? Susurre-t-il à votre oreille que ce péché n’a pas d’importance pour Dieu ? qu’il n’est pas important de lire sa Bible tant que l’Esprit vous conduit ? que demain vous aurez davantage de temps à consacrer à vos enfants ? qu’il est primordial de ne rien changer au culte ? que l’évangélisation doit être laissée à d’autres églises ?

2. Le règne de Dieu s’accomplit (20.4-6)

Le v. 4 est controversé parce que Jean voit un groupe de personnes assises sur des trônes, mais il ne nous dit pas qui ils sont. Jean ajoute que les saints martyrs de la tribulation seront ressuscités et règneront avec Christ. Ces saints sont le seul groupe expressément mentionné dans ce contexte.

Christ chérit particulièrement ceux qui ont enduré le martyre pour lui (cf. Ps 116.15). Il y a une bénédiction et un honneur particulier pour ceux qui ont donné leur vie pour Christ. Comment réagissez-vous face à ces martyrs ? Êtes-vous prêts à être décapités « à cause du témoignage de Jésus et à cause de la parole de Dieu » ? Êtes-vous prêts à tenir ferme face à un système économique, religieux ou politique impitoyable ? Voulez-vous prier pour les chrétiens qui affrontent le martyre ?

Pourtant je ne crois pas que les martyrs de la tribulation soient les seuls à régner. Un des thèmes principaux de l’Apocalypse est la persévérance du peuple de Dieu. Les martyrs sont représentatifs de tous les croyants fidèles qui règneront avec Christ (cf. Dan 7.9-10,22 ; Mat 19.28 ; 2 Tim 2.12 ; Rom 8.17). Le vainqueur qui garde les œuvres de Christ jusqu’à la fin recevra autorité pour dominer sur les nations (2.26-28) et s’assiéra avec Christ sur son trône (3.21). Les croyants, représentés par les anciens, « règneront sur la terre » (5.10). Régner avec Christ est lié à la récompense.

Dieu a instillé en nous la motivation pour une récompense. Il veut que nous trouvions sens, accomplissement et plaisir dans ce qu’il nous propose mais il veut par-dessus tout être notre récompense suprême. Dieu récompense son peuple pour toute fidélité persévérante au milieu de l’activité quotidienne. Mamans, vous qui servez Christ en changeant les couches, en cuisinant, ces activités peuvent vous sembler répétitives, mais grande est votre récompense. Célibataires, qui honorez Dieu par votre pureté et mettez votre temps libre à son service, grande est votre récompense. Employés, qui faites un travail peu épanouissant, mais qui servez fidèlement votre employeur en étant intègres, grande est votre récompense.

Jean mentionne ici « la première résurrection2 » (20.5b). Cela fait référence à la première des deux résurrections dont il est question dans ce chapitre. Cette première résurrection inclut d’autres saints que les martyrs, dont celle des saints de l’A.T. (cf. 1 Cor 15.23).

La « seconde mort », la séparation éternelle de Dieu, n’a pas de pouvoir sur nous3. Au lieu d’expérimenter ce sort terrible, nous règnerons comme sacrificateurs pendant 1000 ans.

L’expression « 1000 ans » est utilisée 6 fois dans ce chapitre en relation avec un certain nombre d’événements liés chronologiquement. Il y a quatre bonnes raisons pour un règne physique, terrestre de Christ, plutôt qu’un règne seulement spirituel, céleste :

1. Christ sera sur terre après son retour (19.11-16).

2. A la fin de son règne, les saints, qui règneront avec lui, seront toujours sur terre (20.9).

3. Dieu a promis aux saints un règne sur la terre (5.10).

4. Les prophéties messianiques de l’A.T. anticipaient un règne terrestre (cf. par exemple 2 Sam 7.10-16 ; Ps 2.8 ; Es 65.17-66.24 ; Dan 7.27).

Le règne de 1000 ans de Christ sera une période pendant laquelle celui qui a été autrefois le serviteur souffrant, Jésus Christ, et ses fidèles, célébreront sa victoire. Il n’y aura plus de peur, plus de crime, plus de guerre, plus de pauvreté, plus de famine. Ce sera une période à nulle autre pareille.

3. Le jugement de Satan est nécessaire (20.7-10)

À la fin du millénium, Dieu relâchera Satan de l’abîme (20.7). Satan essayera alors une révolte finale. Il sera capable de réunir les nations du monde entier. L’immensité de cette armée n’est pas difficile à expliquer lorsqu’on pense à tous les enfants qui naîtront pendant ces mille ans. Et le fait que les gens vivront plus longtemps implique que la population du millénium sera énorme.

L’expression « Gog et Magog » (20.8) fait allusion aux chefs du monde et aux nations en rébellion contre Dieu4.

Pourquoi Dieu relâche-t-il Satan ? Aucune réponse explicite n’est donnée. Cependant, trois raisons implicites figurent dans le texte :

1° Démontrer la méchanceté de Satan. Réfléchissez un peu : même après avoir été lié pendant 1000 ans, Satan est toujours prêt à se battre et à tromper. Sa méchanceté est sans borne. Clairement, il mérite le châtiment que lui réserve la justice de Dieu.

2° Prouver la dépravation de l’humanité (cf. Jér 17.9). L’humanité est tout autant rebelle et mauvaise que le diable. Nous pouvons mettre beaucoup de choses sur le dos de Satan, mais les peuples du millénium ne le pourront pas. Personne ne pourra dire : « Le diable m’a poussé à le faire. » Les gens vivront dans un environnement parfait — un gouvernement parfait, un climat parfait, etc. — et pourtant continueront à pécher. Même un environnement parfait n’empêchera pas l’homme de pécher, parce qu’un environnement parfait est incapable de produire un cœur parfait et ne résout pas les problèmes de l’humanité ; seule une foi personnelle dans la personne et l’œuvre de Christ change le cœur.

Inutile d’attendre le millénium pour s’en rendre compte. C’est un trait actuel de l’humanité. Plus les conditions de vie s’améliorent, plus les gens concluent qu’ils n’ont pas besoin de Dieu.

3° Affirmer la justice de l’enfer. Ce passage démontre qu’une très longue durée n’est pas suffisante pour renverser l’allégeance de l’homme à Satan. C’est pourquoi le lac de feu éternel est une nécessité.

4. Le jugement de l’homme est finalisé (20.11-15)

Jean voit « un grand trône blanc » (20.11). Le trône est « grand » pour trois raisons :

– c’est là que la destinée éternelle de chaque incrédule sera déterminée et proclamée avec preuves à l’appui ;

– c’est le jugement final, qui mettra un terme à tous les jugements de tous les temps ;

– tous les incrédules de tous les temps, depuis Caïn jusqu’aux révoltés de la fin du millénium, seront rassemblés là à la barre du tribunal de la parfaite justice de Dieu5.

Il est « blanc » parce qu’il est la manifestation suprême et éclatante de la parfaite justice et de la pureté de Dieu (cf. Ps 97.2 ; Dan 7.9). À travers l’histoire, Dieu a montré à l’homme son besoin de la justice divine ; il lui a prouvé qu’il ne peut voir le mal (Hab 1.13), que tous les hommes ont péché et n’atteignent pas à la gloire de Dieu (Rom 3.23) et que le salaire du péché est la mort éternelle, la séparation d’avec Dieu (Gen 2.17 ; Rom 6.23 ; Éph 2.2). Maintenant ces vérités deviennent évidentes pour chaque personne de façon irréfutable.

Enfin, il s’agit d’un « trône » parce que le Seigneur Jésus-Christ y siège en majesté absolue et en souveraine autorité pour jeter les réprouvés dans l’étang de feu éternel.

Celui qui siège sur le trône est Jésus, à qui le jugement est confié (cf. Jean 5.22-27). Jean voit le ciel et la terre disparaître de la présence de Christ, le juge ultime. Cela semble indiquer que nous sommes arrivés à la fin des voies de Dieu envers la terre6.

Les morts qui se tiennent devant le trône sont à l’évidence les incrédules de tous les temps qui sont ressuscités (20.5 ; Dan 2.2). Ils viennent de toutes les classes et de tous les groupes humains. La nature des livres qui sont ouverts n’est pas spécifiquement révélée. Nous pouvons simplement la supposer à partir d’autres textes bibliques :

– Le premier livre est probablement la Bible : elle contient la révélation du caractère saint de Dieu, de sa loi morale, de l’état pécheur de l’homme et du plan de salut de Dieu par la foi en Christ. Ce livre révèle aussi que même les hommes qui n’ont pas la Parole écrite ont :

1° la loi de Dieu écrite dans leur cœur (Rom 2.14-16),

2° la révélation de l’existence de Dieu à travers la création (Rom 1.19-20).

Ils sont de ce fait sans excuse (Rom 1.20 ; 2.12).

– Le « livre de vie »7 contient les noms des élus de Dieu. Dieu condamnera ceux qui doivent faire face à son jugement parce qu’ils n’ont pas cru en Jésus- Christ (Jean 6.29).

– Un autre livre est celui des œuvres, selon lesquelles les incrédules seront jugés (20.12-13). Ceux qui ont rejeté le plan de salut de Dieu se destinent à se présenter avec leurs propres mérites et leur propre justice. Ainsi le livre des œuvres contiendra un enregistrement de toutes les œuvres, bonnes ou mauvaises, afin de prouver que personne n’atteint la justice de Dieu, que personne ne peut être accepté par Dieu sur ce fondement. Ces œuvres contiendront le refus de croire en Jésus-Christ (Jean 6.29).

Tous les incrédules subiront un châtiment éternel ; cependant le châtiment sera en proportion directe de la façon dont quelqu’un s’est conduit sur la terre et du degré de lumière dont il a été éclairé (cf. Mat 10.14-15 ; 11.20-24 ; 12.36). Des gens très méchants, comme Hitler, Amin Dada ou Pol Pot, souffriront le plus, tout comme les gens qui, comme Judas, ont rejeté la révélation la plus brillante.

Le grand trône blanc n’aura rien à voir avec nos palais de justice. Il y aura un juge, mais pas de jury ; un procureur, mais pas de défenseur ; une sentence, mais pas d’appel. Christ jugera les incrédules avec une justice absolue. Rien ne manquera ou ne sera négligé lorsque les hommes et les femmes perdus de toute l’histoire humaine apparaîtront devant Christ lors du jugement final.

La « mort et le hadès » représentent le fait de mourir et la condition dans laquelle on entre après la mort. Le « hadès » n’est pas le jugement final. Pour un condamné à mort, l’étape ultime n’est pas sa cellule de prison, mais son exécution. Au jugement final, Dieu ressuscitera les corps physiques des incrédules de ces enfers provisoires (même si la mer les a engloutis depuis des siècles) pour les juger au grand trône blanc. Puis il les jettera dans le lac de feu éternel. C’est là l’enfer, la place de la punition éternelle.

Les peines éternelles sont une doctrine qui devient de plus en plus impopulaire de nos jours. Notez que Jésus-Christ, le juge, en a parlé très ouvertement. Si seulement nous voyions le péché comme Dieu le voit, nous comprendrions pourquoi un endroit tel que l’enfer existe. Ce verset 15, plus qu’aucun autre de toute la Bible, devrait nous pousser à fuir la colère de Dieu et à nous précipiter pour recevoir sa grâce et son pardon.

1 Il est désigné par 4 noms : le dragon (son nom le plus fréquent dans l’Apocalypse, cf. 12.3,4,7,13,16,17 ; 13.2,4,11 ; 16.13), le serpent ancien (cf. 12.9 ; allusion à son rôle dans la chute de l’homme en Gen 3.1-15), le diable (qui signifie « l’accusateur », cf. 2.10 ; 12.9,12) et Satan (qui signifie « adversaire », cf. 2.9,13,24 ; 3.9 ; 12.9). Ces 4 noms sont en contraste avec les 4 noms de Christ du ch. 19 (Fidèle et Véritable, la Parole de Dieu, Roi des rois, Seigneur des seigneurs).
2 Le mot employé par Jean est anastasis. En 42 occurrences dans le N.T., anastasis se réfère toujours à une résurrection corporelle (à une exception claire, Luc 2.34). D’autres noms pour cette « première » résurrection sont : la résurrection des justes (Luc 14.14 ; Act 24.15), la résurrection d’entre les morts (Luc 20.34-36), la résurrection de vie (Jean 5.29), la résurrection pour la vie éternelle (Dan 12.2).
3 Si la première résurrection est spirituelle, alors la seconde mort devrait l’être aussi ; mais si la seconde est littérale (ce que peu contestent), alors la première doit l’être aussi.
4 Il semble que l’invasion totale décrite ici ne soit pas celle d’Ézéchiel 38 et 39, même si elle y fait allusion. Ici, ces noms sont utilisés sans explication, comme décrivant symboliquement une rébellion contre Dieu et son peuple — un peu comme un « waterloo » est devenu un nom désignant une défaite désastreuse, et plus seulement la bataille historique de 1815.
5 Les seules exceptions certaines sont la bête et le faux-prophète, qui ont déjà été jetés dans l’étang de feu
6 Voir Mat 24.35 ; Marc 13.31 ; Luc 16.17 ; 21.33 ; 2 Pi 3.7-13.
7 Voir d’autres mentions en 3.5 ; 13.8 ; 17.8 ; 20.15 ; 21.27. Cf. aussi És 4.3 ; Ps 69.28 ; Dan 12.1 ; Luc 10.20 ; Phil 4.3.

Écrit par


Avant de donner ses révélations à Jean, Jésus lui apparaît dans l’éclat de sa gloire comme le Fils de l’homme prêt à exercer le jugement (1.10-16). Le Seigneur commence par purifier sa propre maison (1 Pi 4.17). C’est pourquoi le disciple voit le Seigneur « au milieu de sept lampes d’or » qui représentent sept assemblées de la province d’Asie.

Ces sept églises n’étaient pas les seules existantes à cette époque. Nous ne savons pas pourquoi elles furent choisies par le Seigneur pour recevoir un message de sa part ; c’est la souveraineté du Seigneur qui n’a pas besoin de justifier ses choix. Toutefois, le chiffre sept représente dans l’Écriture un ensemble complet. Nous pouvons comprendre que le Seigneur a en vue l’Église dans son ensemble. Il choisit ces assemblées parce que leur situation historique présente un trait spécial propre à caractériser un état particulier de l’Église à un moment donné et dans un contexte donné.

Jésus connaît parfaitement ces sept églises. Il apprécie, positivement ou négativement ou les deux à la fois, les « œuvres » de chacune d’entre elles. Rien n’est caché à l’omniscience du Seigneur, à ses yeux « comme une flamme de feu » (1.14), qui pénètrent jusque dans l’intimité, une intimité qui va faire rougir certaines de ces églises. À travers les sept lettres, Jésus ouvre, en quelque sorte, les cœurs et dévoile la vie des Églises et des membres qui les composent.

C’est pourquoi les messages aux sept églises ont reçu plusieurs applications :

1. une application locale, historique, destinée aux églises auxquelles ils sont adressés ;

2. une application aux églises de tous les temps qui devront discerner pour elles-mêmes les pièges ou les travers dans lesquels elles sont tombées ;

3. une application personnelle, à chaque croyant, invité à être « celui qui a des oreilles pour entendre », un « vainqueur » : l’église est ce que sont les membres qui la composent… ;

4. selon certains, une application prophétique, livrant un panorama où sont projetées les phases successives de l’histoire de la chrétienté jusqu’à l’enlèvement de l’Église.

Notre étude de ces lettres sera thématique ; elle ne suivra pas l’ordre des 7 lettres, et distinguera trois groupes, pour développer trois thèmes successifs :

– Le premier est composé d’Éphèse, Pergame et Thyatire, car ces trois églises reçoivent à la fois des encouragements et des reproches.

– Le second groupe est composé de Smyrne et Philadelphie : ces deux églises ne reçoivent que des félicitations et des encouragements.

– Le troisième groupe est composé de Sardes et Laodicée, car ces deux églises ne reçoivent que des reproches.

1. LA FAUSSE IMPRESSION D’ÊTRE PARVENU (ÉPHÈSE, PERGAME ET THYATIRE)

Éphèse (2.1-7)

Le Seigneur met en avant le zèle de l’église d’Éphèse, sa piété, sa fidélité, son dévouement. On peut imaginer ces chrétiens faisant du porte à porte, distribuant des traités (s’ils en avaient eu !), profitant de toutes les occasions, favorables ou pas, pour annoncer la bonne nouvelle de Jésus-Christ.

La communauté d’Éphèse prend aussi courageusement parti contre tout ce qu’elle discerne être contraire à la pensée de Dieu : « Tu ne supportes pas les méchants… » Quelle église aujourd’hui ne désirerait pas recevoir de tels éloges ? Et pourtant, cette impression d’être parvenu à une certaine maturité est remise en question par la dure déclaration de Jésus : « Mais ce que j’ai contre toi, c’est que tu as abandonné ton premier amour. » (2.4)

En effet, malgré son discernement, sa fidélité et son zèle au travail, l’amour s’est progressivement refroidi. Les œuvres peuvent subsister même lorsque l’esprit de foi qui les avait engendrées s’évanouit. Et cela ne s’appelle pas autrement que de l’activisme. Plus l’amour pour Dieu se refroidit, plus l’activisme grandit pour compenser et devient la préoccupation première, faisant naître un esprit religieux qui éloigne davantage encore de ce premier amour. Et Jésus n’hésite pas à qualifier cette perte de péché dont il faut se repentir.

Le manque de patience, de tolérance, de compréhension envers les autres peut être une première alerte de cette asphyxie spirituelle qu’est le manque d’amour (cf. 1 Jean 4.20-21). Et il y a essentiellement trois domaines qui y conduisent : l’égoïsme, la lassitude et la convoitise. Une vie de fidélité ne suffit pas pour être agréable à Dieu et pour épanouir sa foi : il faut avant tout cultiver une relation d’intimité avec le Seigneur : c’est lui la source de tout vrai amour.

Pergame (2.12-17)

Jésus souligne la consécration de l’église de Pergame : « Tu retiens mon nom, et tu n’as pas renié ma foi. » Ne pas renier la foi, c’est demeurer attaché aux enseignements de la Parole. On imagine sans peine les luttes spirituelles des chrétiens de Pergame et la nécessité de prendre les armes de Dieu et particulièrement « l’épée de l’Esprit à double tranchant », la Parole de Dieu, que Jésus utilise en se présentant à cette assemblée (2.12b).

Mais il lui est reproché de s’attacher à « la doctrine de Balaam, qui enseignait à Balak à mettre une pierre d’achoppement devant les fils d’Israël » (2.14). Pour comprendre, il faut remonter très loin dans le passé, lorsque le peuple hébreu est près d’arriver en terre promise. Balaam, appelé par Balak, le roi de Moab, pour maudire le peuple de Dieu, ne peut pas faire autrement que de bénir ce peuple (Nom 22-24). Alors Balaam donne à Balak un conseil plus vicieux, qui deviendra la « doctrine de Balaam » : essayer de détruire le peuple par l’intérieur en le faisant tomber dans l’idolâtrie pour que Dieu, cette fois, soit obligé de le maudire (Nom 25 ; 31.16).

Le piège est ici celui du compromis. En effet, lorsqu’une église commence à accepter en son sein les pensées et les comportements du monde — peut-être dans le but de ne pas choquer ce dernier pour mieux l’évangéliser — elle se trouve confrontée à plus ou moins court terme à différentes tentations, voire à des déviations doctrinales. Puisse l’Église ne pas emboîter ce pas pour rester « à la mode », mais montrer une réelle différence afin d’interpeller ce monde. Un bateau sur la mer, c’est normal ; mais lorsque la mer est dans le bateau, alors il y a grand danger. De même l’Église dans le monde, c’est normal ; mais le monde dans l’Église, c’est la catastrophe ! Lorsqu’un chrétien, ou une communauté, s’interroge pour essayer de justifier une désobéissance ou éviter la discipline ou la repentance, c’est « Balaam » qui frappe à la porte et pas le Saint-Esprit !

Thyatire (2.18-29)

Thyatire reçoit le message le plus long. Ses progrès étaient tellement marqués qu’ils font dire à Jésus que ses « dernières œuvres sont plus nombreuses que les premières ». L’amour pour Dieu et pour les frères ne s’était pas refroidi, à l’inverse d’Éphèse, et il produisait dans l’église une activité saine et constructive1.

Mais ces paroles d’encouragement ne s’appliquent pas à tous ceux qui étaient à Thyatire. En effet, Jésus lui reproche de laisser « la femme Jézabel, qui se dit prophétesse, enseigner et séduire mes serviteurs » (2.20). Jézabel était l’épouse païenne du roi d’Israël Achab, plus de 800 ans avant : elle l’excitait à faire le mal (1 Rois 21.25) et entraînait le peuple dans l’idolâtrie, avec ses prophètes de Baal. Elle symbolise ici l’esprit diabolique de domination et de permissivité scandaleuse, au nom d’une spiritualité et d’une foi chrétiennes. Et nous sommes invités à le discerner et à le condamner fermement. Cet esprit peut se démasquer lorsque quelqu’un prétend dire par « prophétie » : « Dieu m’a dit que… »

À travers Éphèse, Pergame et Thyatire, Jésus nous alerte simultanément sur trois dangers qui peuvent d’ailleurs se combiner : la religiosité, la compromission et l’esprit de domination. « Que celui qui a des oreilles entende » ce que l’Esprit lui révèle, et agisse maintenant, en conséquence !

2. LA FIDÉLITÉ À TOUTE ÉPREUVE (SMYRNE ET PHILADELPHIE)

Smyrne : la fidélité dans la souffrance (2.8-11)

La voie de cette fidélité avait été montrée quelques décennies plus tôt par les martyres d’Étienne, puis de Jacques, le propre frère de Jean (Act 12.1) et bien d’autres à leur suite. Le don de leur vie fut la preuve, s’il en fallait une, de l’excellence des révélations qu’ils avaient reçues, car qui donnerait lucidement sa vie pour un mensonge ou une utopie ?

Jésus annonce un temps de persécution, limité dans le temps (« dix jours »). L’histoire profane témoigne que durant deux siècles environ, on porta contre les chrétiens toutes sortes d’accusations. C’étaient les prétextes pour justifier les persécutions. Ainsi des milliers furent torturés et tués (cf. Héb 11.35-38).

Cette lettre à Smyrne montre la difficulté du témoignage et de la vie en Christ. Pourtant, malgré ce pessimisme, Jésus veut encourager son église : « Ne crains pas ce que tu vas souffrir. » Non, dit Jésus, ne crains pas les blasphèmes, les pertes de biens, l’appauvrissement, les moqueries, les calomnies, la torture et même la mort. Tertullien, un père de l’église, qui vécut au iie siècle, au temps de ces épreuves et qui mourra aussi martyr, a dit : Semen est sanguis christianorum (le sang des chrétiens est une semence). En effet, paradoxalement, la persécution a été un moyen extraordinaire pour répandre l’Évangile ; on le voit déjà dans le livre des Actes des Apôtres (Act 8.1-4). Il est facile aujourd’hui en Occident d’entendre ces paroles, car nous vivons en paix. Mais qu’en serait-il si nous devions traverser des persécutions aussi effroyables que celles des premiers siècles ? Ou celles dont sont l’objet nos frères et sœurs ailleurs dans ce monde au xxie siècle ? Aurions-nous autant d’audace et de foi pour accepter sans rechigner ces paroles de Jésus : « Sois fidèle jusqu’à la mort » ?

Toute épreuve — dans le cas de Smyrne, la persécution — est un moyen de fortifier la foi. Car il est si facile de dire : « J’ai la foi », lorsque tout va bien. Acceptons de nous soumettre à la souveraineté de Dieu en lui faisant confiance. Et nous serons le parfum2 de Christ au milieu des épreuves (cf. 2 Cor 2.14-17).

Philadelphie : la fidélité dans la faiblesse (3.7-13)

Comme pour Smyrne, aucun reproche n’est adressé à cette église : « Je connais tes œuvres… tu as peu de puissance », littéralement : « une petite puissance ». Mais la force de cette faible et petite communauté de Philadelphie résidait dans le fait qu’elle s’appuyait sur la parole de Christ. Et une conséquence immédiate de cette attitude est de ne pas avoir renié le nom de Jésus. C’est pourquoi le Seigneur a honoré leur fidélité en leur ouvrant une porte « que personne ne peut fermer », qui semble être l’occasion de répandre l’Évangile (cf. 1 Cor 16.8-9).

Garder la Parole n’est pas seulement l’avoir à la maison sur une étagère, mais la chérir dans son cœur, l’estimer à sa valeur. Pourtant, force est de constater qu’aujourd’hui la Bible a bien du mal à s’imposer, même parmi les chrétiens. On ne prend plus le temps. On attend d’avoir envie. Cette façon de vivre nous influence aussi, peut-être sans que nous nous en rendions compte, dans notre vie de piété et particulièrement dans le domaine de la méditation de la Parole de Dieu. Nous sommes donc invités aujourd’hui à réfléchir, sérieusement et objectivement, au temps que nous passons à lire et méditer la Bible et nous laisser avertir et convaincre par le Saint-Esprit.

3. LE RÈGNE DE L’HYPOCRISIE (SARDES ET LAODICÉE)

La particularité des messages à ces deux églises, c’est le ton dur du Seigneur, qui ne mâche pas ses mots. Jésus met le doigt sur une grave attitude qui se retrouve dans les deux : l’hypocrisie. Et la définition même de l’hypocrisie nous est donnée à Sardes : « Tu passes pour être vivant, et tu es mort. » L’hypocrisie n’est pas autre chose que de paraître ce qu’on n’est pas.

Sardes (3.1-6)

Sardes se conformait au monde qui l’environnait, et la richesse qui s’étalait avait pris le pas sur la foi et la dépendance en Dieu seul. Les croyants de Sardes ne combattaient plus ; ils étaient devenus spirituellement des « morts vivants ». L’Église semble avoir été éclaboussée par l’esprit d’embourgeoisement de la ville3 qui lui a fait perdre de vue l’essentiel. Alors à quoi cela sert-il d’être estimé par ceux qui voient les œuvres extérieures si l’on est condamné par Celui qui voit les œuvres du cœur qui, elles, condamnent pour l’éternité ? Le chef de l’Église ne se laisse pas tromper par nos apparences.

Au cours de son ministère, Jésus a été confronté à l’hypocrisie des responsables religieux (cf. Mat 23.27-28 ; 7.21-23). Il a condamné toute profession de foi lorsqu’elle n’est que verbale et dénuée de vérité, c’est-à-dire de réalité dans les actes de chaque jour, et il continue à le faire.

Laodicée (3.14-22)

Le message de Jésus à l’Église de Laodicée montre que l’hypocrisie va plus loin que le simple fait de paraître. Elle éloigne de la présence de Dieu et finit par le rejeter, le mettre dehors.

Jésus interpelle l’église de Laodicée : « Voici je me tiens à la porte et je frappe, si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui, je souperai avec lui et lui avec moi. » (3.20). Comment le Seigneur peut-il être à la porte de son église ? En général, ce verset est utilisé pour l’évangélisation ; c’est juste dans l’esprit général de l’Écriture, mais ce n’est pas le sens premier de ce passage dans son contexte. En effet, Jésus s’adresse ici, dans un dernier élan d’amour, à son église et non au monde. Et par cette douloureuse affirmation, il ne laisse aucune ambiguïté possible quant à la triste réalité de la situation de l’église.

Le contexte aide à comprendre la force du message : Laodicée était réputée pour son commerce, son industrie textile et son école de médecine spécialisée dans les maladies des yeux4. Enfin, Laodicée était une ville très riche. Contexte qui ressemble à s’y méprendre à celui des pays dits industrialisés d’aujourd’hui, où nous retrouvons ces trois dominantes : l’importance du commerce, l’efficacité de la médecine et la puissance de l’argent.

Si Jésus s’adresse à l’église de Laodicée avec autant de sévérité, il n’a pas épuisé, pour autant, ses moyens de grâce à son égard. Avant de rejeter définitivement cette église en la vomissant de sa bouche — Dieu ne rejette pas l’individu mais le système dans lequel s’est enchevêtrée l’église — Jésus offre encore à chacun de ses membres une possibilité de sortir de cet état d’inconscience et de sa torpeur spirituelle par un dernier appel.

On peut admirer dans la cathédrale Saint-Paul à Londres un tableau de Holman Hunt illustrant ce verset qui représente Jésus couronné d’épines et frappant à la porte. L’artiste avait achevé son œuvre, lorsque quelqu’un lui fit remarquer : « Mr. Hunt, vous avez oublié la poignée de la porte.

– Non, répondit le peintre. Relisez Apocalypse 3.20. Ce n’est pas au Seigneur mais au pécheur d’ouvrir la porte. Aussi la poignée ne se trouve-t-elle qu’à l’intérieur. »

L’ouverture de la porte a un nom : le réveil. Le réveil commence lorsque l’individu écoute et fait à nouveau entrer Jésus dans sa vie. Beaucoup conçoivent le réveil sous forme d’un mouvement de l’Esprit de Dieu, accompagné d’expériences particulières, d’émotions fortes, de dons puissants, avec une croissance quantitative de l’Église. Mais le réveil, ce n’est pas le ciel qui descend : c’est le plancher qui s’effondre, et brise l’orgueil en démasquant le péché. Jésus propose trois conseils à Laodicée, en étroite relation avec l’état économique et sociologique de la ville : – au lieu de l’or des banques, son or épuré :  le Seigneur veut nous faire comprendre la nécessité de nous séparer de tout ce qui ne le glorifie pas dans notre vie et que nous gardons, peut-être secrètement, comme des richesses ; – au lieu du commerce du textile, son propre vêtement blanc : la blancheur du vêtement fait allusion à la sanctification basée sur la repentance, cette profonde tristesse que l’on éprouve lorsque l’on a offensé Dieu ou quelqu’un et qui n’est pas du tout une faiblesse ; la faiblesse, au contraire, est de s’accommoder de son péché, de son état et de trouver des prétextes pour y demeurer ; – au lieu du baume des oculistes, son propre collyre : la restauration spirituelle passe aussi par une vision renouvelée et un regard fixé sur Jésus (Héb 11.1 ; 12.3).

TROIS FILS ROUGES

Trois expressions sont communes aux sept lettres :

1. « Je connais tes œuvres. »

2. « Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende ce que l’Esprit dit aux églises. »

3. « À celui qui vaincra ! » : cette expression-ci est suivie de promesses faites au vainqueur. Vous noterez le singulier (chacun est mis devant ses propres responsabilités) et le verbe « vaincre » (la vie avec Jésus n’est pas toujours facile, particulièrement aujourd’hui dans un monde en constante transformation). Les pièges dénoncés par Jésus aux églises se présenteront aussi sur notre route. Nous sommes avertis. Tenons-nous sur nos gardes et soyons vainqueurs !

1 Le « service » dont il est question (en grec diaconia) désigne tout travail, toute bienfaisance, surtout en faveur des pauvres. 2 « Smyrne » dérive du grec smurna qui signifie myrrhe. La myrrhe était une résine au goût amer, importée d’Orient en ce port de la mer Égée, pour en faire du parfum. 3 La ville de Sardes était construite sur une colline qui s’élève au-dessus du fleuve Pactole. Sardes était célèbre pour sa richesse et son luxe grâce à l’abondance d’or que le fleuve roulait dans son lit. Mais petit à petit, la cité s’est endormie en se repliant sur elle-même. Comme pour les autres églises, les caractéristiques locales ont influencé l’état moral des croyants. 4 Les oculistes appliquaient un collyre fameux que l’on fabriquait à l’aide d’une poudre nommée « baume de Phrygie ». Nombreux aussi étaient les malades qui cherchaient un soulagement par les eaux thermales tièdes de cette ville.


Révélation de Jésus-Christ (Apocalypse 1.1-8)

1 Révélation de Jésus-Christ, que Dieu lui a donnée pour montrer à ses serviteurs les choses qui doivent arriver bientôt, et qu’il a fait connaître, par l’envoi de son ange, à son serviteur Jean ;
2 celui-ci a attesté la parole de Dieu et le témoignage de Jésus-Christ: soit tout ce qu’il a vu.
3 Heureux celui qui lit et ceux qui entendent les paroles de la prophétie, et qui gardent les choses qui y sont écrites ! Car le temps est proche.
4 Jean aux sept Églises qui sont en Asie : que la grâce et la paix vous soient données de la part de celui qui est, qui était, et qui vient, et de la part des sept esprits qui sont devant son trône, 5 et de la part de Jésus-Christ, le témoin fidèle, le premier-né des morts, et le prince des rois de la terre !
À celui qui nous aime, qui nous a délivrés de nos péchés par son sang, 6 et qui a fait de nous un royaume, des sacrificateurs pour Dieu son Père, à lui soient la gloire et la puissance, aux siècles des siècles ! Amen !
7 Voici, il vient avec les nuées. Et tout œil le verra, même ceux qui l’ont percé ; et toutes les tribus de la terre se lamenteront à cause de lui. Oui. Amen !
8 Je suis l’alpha et l’oméga, dit le Seigneur Dieu, celui qui est, qui était, et qui vient, le Tout-Puissant.

1. Révélation

Commençons au commencement. Le Petit Larousse définit le terme « révélation » comme une « action de Dieu faisant connaître aux hommes les vérités que leur raison ne saurait découvrir ». Le mot grec apocalypsîs signifie littéralement : l’enlèvement du voile qui cache un objet. Dieu met en lumière des vérités cachées appelées « mystères » dans l’Écriture. Mais la révélation est-elle possible ? La vérité absolue peut-elle être exprimée dans les termes relatifs du langage humain ? Bien que l’homme ne puisse trouver Dieu en le cherchant, Dieu, dans son amour et sa sagesse infinis, peut trouver un moyen de parler à l’homme. Par la Parole incarnée et écrite, il a daigné communiquer sa pensée à l’humanité.

Dans la Bible, la révélation est un fait historiquement saisissable : ses intermédiaires sont connus, et leurs paroles ont été conservées. Croire, pour un chrétien, c’est accueillir cette révélation qui parvient aux hommes portée par l’histoire.

Le dernier livre de la Bible, l’Apocalypse de Jean est, par définition même, une révélation (v. 1). Non plus centrée sur la vie terrestre de Jésus, mais sur les conséquences de sa mort et de sa victoire, et orientée vers sa manifestation finale. Gardons en mémoire que ce mot révélation souligne l’origine divine, unique et sûre des textes que nous allons méditer : loin d’être le fruit de réflexions philosophiques humaines, de tâtonnements mystiques ou du développement naturel de la pensée religieuse selon un quelconque schéma évolutionniste, ces textes nous viennent de Dieu et sont, par conséquent, dignes de foi.

2. Dieu

Source de la Révélation, Dieu se laisse découvrir par le biais d’une liste de noms propres et de titres riches de signification.

« Celui qui est, qui était, et qui vient » (1.4,8c) : L’expression est une anomalie grammaticale en grec : 1° la préposition apo (de la part de) est suivie d’un nominatif et non du génitif habituel ; 2° en l’absence d’un participe passé, l’imparfait én (était) est précédé d’un article. Fautes de l’auteur ? Il semble plutôt que celui-ci subordonne sciemment une « mauvaise » grammaire à une théologie majestueuse pour nous livrer une paraphrase du Nom ineffable (le tétragrammaton YHVH) par lequel Dieu s’était révélé à Moïse (Ex 3.14-15). L’expression se présente donc comme un titre qui exprime quelque chose au sujet du caractère de Dieu : celui qui existe éternellement en lui-même, sans début ni fin, et qui ne change pas. Ce titre fortifiera la foi de l’Église persécutée, en lui rappelant que Dieu, éternel et immuable, exerce un contrôle souverain sur le cours de l’histoire.

« Je suis l’alpha et l’oméga » (1.8a) : Déjà les Hébreux avaient utilisé les lettres de l’alphabet comme chiffres, ou pour exprimer la totalité d’une idée ; d’où le commentaire rabbinique que « Adam avait transgressé la loi entière, d’aleph jusqu’à tau » (la première et la dernière lettres de l’alphabet hébreu). À leur tour, les Grecs et les Romains ont fait de même. Tout est en Dieu : primauté temporelle et causale du Dieu unique, suprême — vérités affirmées dans l’Ancien Testament et résumées par ce titre.

« Je suis le premier et je suis le dernier. Et hors de moi il n’y a point de Dieu. » (És 44.6) « C’est moi qui suis le premier, c’est aussi moi qui suis le dernier. Ma main a fondé la terre, et ma droite a étendu les cieux. » (És 48.12-13)

Il s’agit du Nom qui est au-dessus de tout autre nom où sont concentrées toute dignité, toute majesté et toute gloire en une Personne divine, unique et sublime, sans frontière géographique ni limitation historique. Détail remarquable : ce titre est attribué au début et à la fin du livre, d’abord à Dieu le Père (1.8 ; 21.6) mais aussi à Dieu le Fils (12.13 ; 21.13).

« Le Seigneur Dieu » (1.8b) : Le titre grec kurios (maître ou seigneur), correspond à l’hébreu Adonaï : c’est le titre d’autorité suprême, attribué à Celui qui domine, qui règne sur la création, sur l’humanité et sur l’histoire. Source d’encouragement pour les Églises d’Asie exposées à la persécution. Notre réponse à nous ? Accepter sa seigneurie et nous y soumettre avec joie et sans réserve.

« Le Tout-Puissant » (1.8d) : C’est la traduction donnée par la version des Septante de l’expression « l’Éternel des armées célestes » (en hébreu, YHVH Sebaot). Ce titre pourrait aussi correspondre à l’hébreu El Schaddaï : celui qui fortifie, enrichit, satisfait… et châtie son peuple. Ici l’allusion se rapporte moins à l’omnipotence divine qu’à la suprématie totale que Dieu exerce. Notons aussi que ce titre a une résonance messianique : le Fils qui nous est donné (És 9.5) est appelé, entre autres, « Dieu puissant ».

3. Jésus-Christ

Jean intitule son ouvrage « Révélation de Jésus-Christ ». Le petit mot « de » peut signifier :

– soit la possession : la Révélation appartient à Jésus-Christ, car « Dieu la lui a donnée » ;

– soit le thème central du livre : la Révélation est « au sujet de Jésus-Christ », elle le concerne en premier lieu ;

– soit que Jésus-Christ est l’agent de la Révélation, chargé de la transmettre, comme dit la suite du texte : « pour montrer à ses serviteurs […] et qu’il [Jésus-Christ] a fait connaître, par l’envoi de son ange, à son serviteur Jean. »

L’un de ces sens n’exclut pas les autres, car la proclamation est de Christ : il la possède et en assume l’entière responsabilité. De plus, elle le concerne, elle est centrée sur lui : la clé de la compréhension de l’Apocalypse est donc une lecture « christologique ». Mais le sens direct ici est peut-être le troisième : le Père confie au Fils la tâche de transmettre le message, comme le disent clairement les deux premiers versets, d’en être le « Révélateur », ce qu’il réalise en envoyant son ange à Jean. Jésus seul est digne de dicter les lettres aux sept Églises d’Asie (ch. 2-3), d’ouvrir le livre (ch. 5) et d’en dévoiler le contenu (ch. 6-8).

La désignation complète « Jésus-Christ » est utilisée trois fois dans les cinq premiers versets, et nulle part ailleurs dans la suite du livre ! Cet usage correspond au style solennel de l’entrée en matière :

« Jésus » est tiré du grec Iésous, provenant de l’hébreu Yeshua : l’Éternel est salut. « Tu lui donneras le nom de Jésus, car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. » (Mat 1.21)

• Le titre « Christ », juxtaposé au nom personnel Jésus, vient du grec Christos (oint), traduit de l’hébreu Mâshîah (oint, messie).

Le Christ, l’Oint par excellence, réunit en sa seule personne les trois offices dans lesquels, au temps de l’ancienne alliance, on entrait par une onction d’huile : prophète, sacrificateur et roi. Ces trois offices sont évoqués au v. 5 :

« Le témoin fidèle » rappelle son onction prophétique. Jésus est le prophète définitif, le dernier et le plus grand des prophètes qui nous transmet, dans l’Apocalypse, la Révélation dernière de Dieu.

« Le premier-né d’entre les morts » : Jésus est le souverain sacrificateur qui, par le sacrifice de lui-même, nous a acquis le salut et ouvert la voie jusqu’au Père et qui, par sa résurrection, devient le garant de notre propre résurrection.

« Le souverain des rois de la terre » fait clairement allusion à son onction royale. Fils de David, Jésus est le « Roi des rois et le Seigneur des seigneurs », qui reviendra bientôt établir son règne sur toute la terre. Quel autre descendant de David, depuis la destruction des archives généalogiques à Jérusalem en l’an 70, pourrait prétendre à ce trône ?

« Celui qui vient » : Le verset 7 mériterait à lui seul un article entier ! Il cite deux prophéties messianiques de l’A.T. : « Et voici que sur les nuées du ciel arriva comme un fils d’homme » (Dan 7.13) ; « Ils tourneront les regards vers moi, celui qu’ils ont transpercé. Et ils porteront son deuil. » (Zach 12.10)

Ce verset fait du retour de Jésus Christ le thème central de l’Apocalypse, et affirme son universalité : ce retour sera glorieux, visible pour tous les hommes sans limitation du temps ou de l’espace. Celui qui est — et qui nous aime — qui était — et qui nous a rachetés — celui-là même vient !1

Ainsi, l’Apocalypse fait du cœur de l’enseignement prophétique de l’Ancien Testament le centre de ses visions. Le point culminant, le seul, grand événement universel qui réunit tous les endroits, époques, races et attentes, est le retour du Seigneur, avec ses conséquences pour les croyants et les incrédules.

4. Heureux (1.3)

Voici la première des sept béatitudes distribuées à travers le livre2. Jean déclare heureux — c’est-à-dire objet de la faveur et de la bénédiction de Dieu — celui qui lit les paroles de la prophétie ; heureux aussi sont ceux qui en écoutent la lecture et la mettent en pratique. Cette béatitude reproduit presque mot pour mot celle que Jésus avait prononcée : « Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu, et qui la gardent ! » (Luc 11.28) Remarquons que Jean place son ouvrage sur le même niveau que la littérature prophétique de l’Ancien Testament, et lui reconnaît une autorité morale qui appelle le lecteur croyant à une lecture et une écoute attentive, puis à un engagement dans une obéissance fidèle. Puissions-nous entendre d’emblée cette recommandation !

1 Un commentateur suggère que l’expression « avec les nuées » laisse entendre qu’il sera accompagné par les rachetés, cf. Apoc 19.14,19.
2 Pour les 6 autres, voir 14.13 ; 16.15 ; 19.9 ; 20.6 ; 22.7,14. Cf. l’article de Scott McCarty dans ce même numéro.

Écrit par


Un de mes amis distribuait il y a quelques années des NT sur un campus universitaire américain gratuitement à la seule condition que les étudiants promettent de le lire. Quelques semaines après, il rencontra un étudiant, à qui il en avait donné un, et lui demanda s’il l’avait lu. Celui-ci, qui jusque là ignorait tout de la Bible, lui répondit : « Oui, j’ai tout lu. Mais c’est un livre bizarre. Au début, c’est très répétitif ; on trouve la même histoire quatre fois. Mais j’ai beaucoup aimé la partie de science-fiction à la fin. »

Cette remarque nous indique premièrement à quel point l’Apocalypse ressort d’un genre littéraire qui nous est étranger. Plus personne aujourd’hui n’écrit en style apocalyptique. C’est un genre mort, qui s’est développé environ entre –300 et +300. L’idéal, avant d’étudier l’Apocalypse, serait de se plonger dans la littérature apocalyptique, par exemple en lisant le 4e livre d’Esdras1. Notre livre de l’Apocalypse nous apparaîtrait alors moins étrange, voire même modéré dans son symbolisme !

Cette remarque nous montre aussi à quel point l’Apocalypse se rapproche de films ou de clips, avec beaucoup d’images et d’impressions, très adapté finalement au contexte post-moderne et à la façon de penser des jeunes. C’est pourquoi j’utilise de plus en plus l’Apocalypse pour mes campagnes d’évangélisation dans les universités. Ce livre ne doit pas être confiné aux seuls chrétiens matures mais il est un support puissant pour prêcher l’évangile.

Le genre apocalyptique

La recherche actuelle sur l’Apocalypse, reflétée dans les débats entre spécialistes et dans les commentaires, s’intéresse de plus en plus au genre littéraire du livre. Le sujet est complexe, parce que tout genre littéraire n’est pas monolithique et se trouve rarement à l’état pur. Par exemple, une lettre peut contenir un récit. De plus, un genre peut avoir des caractéristiques liées au fond et à la forme. Les 7 points qui vont suivre sont typiques du livre de l’Apocalypse proprement dit, même s’ils se trouvent généralement dans l’ensemble de la littérature apocalyptique.

1. L’Apocalypse contient une trame narrative.

Le livre présente Dieu, Christ, un ancien ou un ange, communiquant une révélation à un intermédiaire humain (Jean en l’occurrence) pour qu’il la transmette à d’autres. Cette révélation est faite d’une trame narrative, avec de la tension, une intrigue, un dénouement ; elle n’est pas simplement une juxtaposition d’impressions éparses ou de maximes (comme les Proverbes). L’Apocalypse est une révélation immédiate de Dieu à travers des visions.

On trouve des allusions à des visions dans d’autres types de livres, comme par l’exemple l’expérience que l’apôtre Paul relate en 2 Corinthiens 12 : il a été ravi dans le troisième ciel où il a reçu des révélations spéciales, mais dans ce cas il ne lui a pas été permis de les transmettre à d’autres. Ce moyen de communication divin remonte aux visions de Daniel ou d’Ézéchiel. Les rudiments de l’apocalyptique se trouvent déjà chez Ésaïe.

Cela signifie que les textes apocalyptiques nous présentent la vision panoramique de Dieu sur l’histoire — non pas comme la réflexion d’un apôtre sur le dessein de Dieu par l’évangile, mais sous la forme de visions directes, hautement symboliques, descendues du ciel. Cette vision panoramique n’est pas liée à une situation de crise particulière — même si des allusions à des situations historiques sont souvent cachées dans le symbolisme — mais la trame narrative se déroule et va jusqu’à la fin et culmine soit en enfer, soit dans les nouveaux cieux et la nouvelle terre. Dans ce sens, ce livre est d’une extrême importance : il traite des questions ultimes. Il ne s’occupe pas de sujets comme les qualifications des anciens, la discipline ecclésiastique — quelques importants que soient ces sujets par ailleurs — mais du ciel et de l’enfer ! Pas étonnant alors qu’on puisse utiliser ces textes pour l’évangélisation.

Ainsi le but principal de ce genre littéraire est la vision de Dieu sur les destinées ultimes et la division finale de l’humanité. Gardons-le toujours présent à l’esprit.

2. L’Apocalypse schématise l’histoire en utilisant généralement les nombres de façon symbolique.

En général, les textes apocalyptiques schématisent l’histoire en utilisant des nombres dans un sens symbolique.

Pour autant, il ne faudrait pas en déduire que les nombres soient toujours utilisés de façon symbolique. Ce n’est pas le cas dans les portions narratives de la Bible, où les nombres n’ont pas forcément de sens caché.

Par exemple, pour un Juif, les 3 ans et demi ou 42 mois ou 1260 jours lui faisaient immédiatement penser à la période difficile de 3 ans et demi que les Juifs ont vécu sous le règne d’Antiochus Épiphane entre –168 et –164, avant d’être délivrés par Judas Macchabée2. Ces nombres symbolisent donc une période de persécution sévère et d’oppression du peuple de Dieu.3

3. L’Apocalypse utilise de nombreux symboles tirés de la nature.

Le genre apocalyptique décrit souvent beaucoup de « bêtes », horribles ou magnifiques. Plus généralement, les symboles tirés de la nature abondent. Il en est de même de l’Apocalypse : cela va des grenouilles repoussantes (16.13) aux radieux « êtres vivants »4 (4.6).

Dans les ch. 12 à 13, nous trouvons trois bêtes : le diable lui-même, décrit comme un dragon, puis la bête qui sort de la mer et la bête qui monte de la terre. Elles doivent être comprises dans un sens symbolique. Ces trois bêtes sont tellement interdépendantes qu’il est possible de les relier à des phrases de l’Évangile selon Jean, de sorte que ce triumvirat de bêtes devient une sorte de simulacre de la Trinité telle qu’elle nous est présentée dans les « dernières paroles » de Jean 13 à 17.5

4. L’Apocalypse a une relation à la fois distendue et forte avec l’Ancien Testament.

Cette caractéristique ne se retrouve pas dans tous les textes apocalyptiques. C’est une double relation : – distendue, car il n’y a pas de longue citation directe de l’A.T. (la plus évidente est sans doute la louange des êtres vivants dans la vision du ch. 4 : « Saint, saint, saint est le Seigneur Dieu, le Tout-Puissant », qui est tirée d’Ésaïe 6) ; – forte, car c’est le livre qui comporte le plus d’allusions bibliques à l’A.T. de tous les livres du N.T. : les emprunts à Daniel, Zacharie, Ésaïe, Ézéchiel, etc., abondent.

Ces emprunts à l’A.T. sont de nature très différente ; ils se limitent parfois au seul langage, tandis que le sens sous-jacent est différent ; dans d’autres cas, le lien est plus fort, mais pas total.

Considérez les quatre êtres vivants du chapitre 4 : ils font clairement référence aux quatre animaux (ou « chérubins ») qui soutiennent le trône mobile de Dieu en Ézéchiel 1 et 10. Mais ils empruntent aussi une partie de leur symbolisme aux séraphins d’Ésaïe 6. Il faut garder les deux références en tête, sans spéculer sur la nature « plutôt séraphin » ou « plutôt chérubin » des êtres vivants.

L’Apocalypse utilise de nombreux symboles sans qu’on puisse les intégrer dans une vision parfaitement cohérente. Chaque détail symbolique contribue à la signification d’ensemble sur le plan théologique, mais il ne peut pas se comprendre si on essaie de les intégrer sur le seul plan symbolique. L’apocalyptique aime mixer les métaphores.

L’exemple le plus connu est la vision du ch. 5. Une question est posée par un ange : « Qui est digne d’ouvrir le livre et d’en rompre les sceaux ? » — ce qui signifie, dans le langage symbolique de l’époque : « Qui a le droit d’accomplir le propos de Dieu en bénédiction et en malédiction pour l’univers entier ? » Un des 24 vieillards répond : « Le lion de la tribu de Juda, le rejeton de David, a vaincu pour ouvrir le livre et ses sept sceaux. » Le symbole nous ramène à la promesse de 2 Samuel 7 d’un roi davidique. Mais en même temps, Jean voit « au milieu du trône et des quatre êtres vivants et au milieu des vieillards, un Agneau qui était là comme immolé ». N’imaginons pas qu’il s’agisse de deux animaux côte à côte, un lion et un agneau ; l’Apocalypse mixe les métaphores : l’agneau est le lion. Mais l’agneau lui-même a « sept cornes », la perfection du pouvoir royal, ce qui nous ramène au lion !

De tels exemples pourraient être multipliés. Une grande partie des erreurs d’interprétation commises sur l’Apocalypse vient d’une méconnaissance de ce principe. Si on essaie d’intégrer « visuellement » les images, on arrive à des représentations grotesques comme celles qu’on trouve sur certains bas-reliefs de cathédrales où les artistes ont essayé de représenter un lion-agneau. Le langage permet des associations que le visuel ne permet pas.

5. L’Apocalypse est aussi une lettre et une prophétie.

Contrairement aux autres écrits apocalyptiques juifs ou chrétiens, l’Apocalypse est donnée sous la forme d’une « lettre ». L’introduction (1.4-8) et la conclusion (22.6-21) lui sont spécifiques. Il inclut de plus les « lettres » des ch. 2 et 3.

L’Apocalypse ressort aussi du genre prophétique, par ses appels à se repentir, à se détourner du péché et à se tourner vers Dieu, tandis que les autres écrits apocalyptiques font une dichotomie entre le bien et le mal qui évoluent ainsi jusqu’à la fin, sans appel moral.

6. L’Apocalypse introduit souvent un symbole ou un thème qui ne sera détaillé que plus tard dans le livre.

Un prédicateur ne devrait jamais commencer à prêcher sur un livre sans l’avoir lu au préalable plusieurs fois pour en avoir une idée d’ensemble. C’est particulièrement vrai pour l’Apocalypse. Parfois il suffit de finir le chapitre : en 1.13, Jean voit quelqu’un au milieu des « sept chandeliers » : que représentent-ils ? Cela ne nous est pas révélé avant le v. 20 : « Les sept chandeliers sont les sept églises. »

D’autres exemples sont beaucoup plus complexes : il est impossible de comprendre ce que représentent les deux bêtes du ch. 13 sans avoir étudié au préalable le ch. 17 où la première bête ressurgit et les ch. 19 et 20 où elles vont à leur destruction.

7. Le symbolisme de l’Apocalypse est particulièrement approprié pour décrire les réalités divines transcendantes.

Illustrons par un exemple : ma sœur a été missionnaire en Papouasie-Nouvelle Guinée il y a trente ans, au sein d’une tribu primitive vivant avant l’âge de la pierre, qui n’avait jamais eu de contact avec la civilisation occidentale. Comment expliquer, sans illustration ni objet, à ces personnes ce qu’est l’électricité ? Seules des métaphores tirées de leur quotidien, comparant nos ampoules à un « petit soleil » ou le courant à un « esprit » pourrait leur faire (un peu) saisir ce qu’est l’électricité. Non que ces personnes soient stupides, mais elles manquent d’expérience. S’il est peut-être possible de leur faire comprendre les effets de l’électricité, impossible de les initier à la différence entre courant continu ou alternatif, aux unités de mesure comme les ohms ou les volts, aux transistors qui ont donné naissance à toute l’informatique moderne.

Comment alors parler du « trône de Dieu » ? Paul avait été « enlevé dans le paradis » où il avait entendu « des paroles merveilleuses qu’il n’est pas permis à un homme d’exprimer » (2 Cor 12.4) — non par interdiction, mais par impossibilité de notre part : nous n’avons pas les représentations mentales adéquates. Alors l’Apocalypse parle d’« émeraude », d’« arc-en-ciel », de « lion », d’« êtres vivants », etc. — seul langage adapté à notre esprit enténébré et pollué par le péché, qui reflète dans une mesure les réalités du tabernacle céleste, tout comme le système sacrificiel matériel de l’A.T. était une image de réalités spirituelles à venir.

Dans les nouveaux cieux et la nouvelle terre, la mer n’est plus (21.1) : inutile de cogiter sur les principes hydrologiques qui seront en vigueur dans le nouveau monde. Dans l’imaginaire juif, la mer représente le chaos et la boue (cf. És 57.20) ; l’absence de mer signifie simplement qu’il n’y aura plus jamais de chaos, mais tout sera dans l’ordre et la pureté voulus par Dieu.

La sainte cité est bâtie comme un cube. Rien à voir avec nos villes modernes, mais avec le seul cube dont il est question dans l’A.T. : le lieu très saint où se trouvait la présence de Dieu. Les dimensions cubiques indiquent donc que les croyants seront dans la présence immédiate de Dieu pour toujours.

Dieu, dans sa miséricorde, utilise ainsi des symboles pour entrouvrir le voile sur des réalités que notre ignorance spirituelle, notre cécité et notre péché nous empêchent de saisir autrement. Et nous commençons à percevoir, à imaginer, à rêver…

1 NDLR : Le 4e livre d’Esdras ou Apocalypse d’Esdras est un livre apocryphe pseudépigraphique (faussement attribué à Esdras) et rédigé au 1er siècle.
2 Cette symbolique existe pour chaque peuple : par exemple, pour un Français, les « 30 glo-rieuses » font immédiatement penser à la période de croissance économique de la France entre 1945 et 1975.
3 NDLR : D’autres auteurs prennent les indications de 42 mois (11.2 ; 13.5) comme une indication directe d’un nombre de jours réel, au sens littéral et non symbolique.
4 Les traductions modernes répugnent à utiliser le terme d’ « animaux », comme dans les versions Darby en français ou King James en anglais.
5 En passant, cette identité de thème est un indice de plus que le Jean qui a reçu l’Apocalypse est le même Jean que celui qui a écrit l’Évangile, même si le genre littéraire de ces deux livres est très différent.

Écrit par


Le premier mot de l’Apocalypse, « révélation », peut aussi signifier « lever du voile » en grec. Rarement mot d’introduction aura été aussi paradoxal tant ce livre présente un contexte déroutant et semble difficile à comprendre. Face à ce type d’ouvrage, deux tentations existent : d’une part en « forcer l’entrée » sans en chercher les combinaisons d’accès, d’autre part passer outre : c’est le seul livre que Calvin n’a jamais commenté, et il fut rejeté par une fraction de la chrétienté orientale jusqu’à la fin du ive siècle.

Pour découvrir et mieux comprendre l’Apocalypse nous examinerons tout d’abord son genre, son langage, et les emprunts faits à l’Ancien Testament. Ensuite, nous listerons les différentes interprétations qui ont été données au cours des âges, avec les forces et faiblesses de chacune d’elles. Enfin, nous proposerons un plan du livre pour mieux en saisir la structure.

Genre et langage de l’Apocalypse

Le livre de l’Apocalypse se présente à la fois comme une lettre — adressée aux sept églises d’Asie mineure — et comme une prophétie (1.3 ; 10.11 ; 22.9). Cependant, il se distingue des autres livres prophétiques par son style particulier, fait de contrastes marqués entre des personnes, groupes et événements : opposition entre bien et mal, trinité divine et trinité diabolique (ch. 12 et 13), agneau et dragon, Jérusalem et Babylone, etc.

Aujourd’hui, ce style pourrait être assimilé à certaines nouvelles ou mangas mettant en contraste les forces du bien et les forces du mal sous formes d’images caricaturales pour mieux illustrer les oppositions entre ces groupes.

Écrite à la fin du 1er siècle, dans un contexte de persécution violente contre les chrétiens, cette « littérature de crise » s’ouvre et se termine par une bénédiction (1.3 ; 22.14). Jean veut encourager un public fragilisé, mis hors la loi, en dévoilant ce qui se passe dans la salle du trône de Dieu, au-delà des regards terrestres. L’apôtre livre le point de vue de Dieu sur le monde et son avenir. Peu de livres bibliques invitent autant à l’adoration, la prière et la louange.

Le langage de l’Apocalypse est chargé de métaphores. Ainsi, les nombres employés ne doivent pas, la plupart du temps, être pris au sens littéral. Ils expriment par exemple l’universalité terrestre (quatre), la plénitude (sept), le peuple de Dieu (douze). Ces nombres se combinent en multiples riches de significations : par exemple les 1600 stades (14.20) expriment l’universalité du jugement de Dieu sur l’humanité (4 x 4 x 10 x 10).

Emprunts faits à l’Ancien Testament

De manière plus ou moins directe, l’Apocalypse fait très souvent référence à l’Ancien Testament. Ainsi, l’Exode est présente par la révélation du nom divin (« Celui qui est », Ex. 3.14 en Apocalypse 1.4 ; 4.8 ; 16.6), par le rappel de certaines plaies d’Egypte aux chapitres 9 et 16, tandis que le passage de la Mer Rouge est évoqué en 15.2.

Les images empruntées aux livres prophétiques sont nombreuses : par exemple, le rouleau d’Ezéchiel, (ch. 10), l’assaut de Gog et Magog (ch. 20), la vision du Fils de l’homme de Daniel 7 (ch. 14), ou encore les deux oliviers de Zacharie 4 (ch. 11). Ainsi l’Apocalypse reprend, développe et mène à leur sens final de nombreuses images déjà ébauchées dans l’A.T.

Diverses interprétations

Elles peuvent se classer en quatre grandes tendances : futuriste, « prétériste », historique et idéaliste. Ces interprétations seront évaluées en tenant compte de la manière dont les chrétiens du 1er siècle ont lu l’Apocalypse, et de son genre littéraire spécifique.

1. L’interprétation futuriste telle que nous la connaissons a été proposée dans les années 1830 par J.N. Darby. Elle s’est répandue parmi les chrétiens évangéliques anglo-saxons grâce à la première bible avec commentaires (Bible d’étude Scofield 1909). Cette lecture divise le livre de l’Apocalypse en trois grandes sections, d’après le verset 19 du chapitre 1 :

– les choses passées (« ce que tu as vu ») : la vision de Patmos (1.4-20) ;

– les choses présentes (« ce qui est ») : les 7 églises d’Asie, et, au-delà, l’Église dans sa totalité au cours des âges (2.1-3.22) ;

– les choses à venir (« ce qui doit arriver ensuite ») : les événements qui se produiront après l’enlèvement de l’Église (début du ch. 4).

Selon cette interprétation, le temps des tribulations des chapitres 4 à 19 coïncide avec la 70e semaine du prophète Daniel (Dan 9.24-27). Ce temps de jugement et de conflits submergera le monde entier, jusqu’à l’avènement de Jésus-Christ (ch. 19) et son règne terrestre de mille ans (ch. 20). Ces événements s’articulent en trois séquences principales, vues dans l’ordre chronologique : sept sceaux, sept trompettes, sept coupes, avec des parenthèses qui apportent des précisions complémentaires (comme celle du chapitre 7.1-17 qui décrirait les Juifs et païens sauvés pendant la Tribulation).1

Le point fort de cette interprétation est sa cohérence avec les textes prophétiques de Daniel (70e semaine, abomination de la désolation, etc.) et avec le discours de Jésus sur le Mont des Oliviers en Matthieu 242. En revanche, étant donné que la plupart des événements sont vus comme futurs, les implications pratiques de cette lecture sont indirectes et parfois difficiles à trouver. Les lecteurs du 1er siècle auraient appliqué de nombreux passages des chapitres 4 à 19 à leurs circonstances ou à leur environnement. Par exemple, ils auraient vu l’empire romain dans la femme du chapitre 17 (Rome est bâtie sur sept collines).

2. L’interprétation « prétériste » voit au contraire la plupart des événements de l’Apocalypse comme étant accomplis au moment de sa rédaction. L’Apocalypse décrirait ainsi les persécutions sous Néron au milieu des années 60 ou la chute de Jérusalem en l’an 70. Le point fort de cette interprétation est qu’elle est compatible avec la manière dont les chrétiens du 1er siècle auraient pu lire ce livre, mais trop de passages comme le règne de Christ au chapitre 20 restent inexpliqués.

3. Une troisième interprétation, dite historique, considère que l’Apocalypse dévoile l’histoire de l’Eglise, du 1er siècle à nos jours. Des lecteurs protestants du xvie siècle ont vu, par exemple, tel ou tel pape dans la grande prostituée du chapitre 17, tandis que des lecteurs du xixe ou du xxe siècle ont reconnu Napoléon ou Hitler dans tel ou tel personnage. Adoptée par les Réformateurs, puis par John Wesley, cette interprétation a l’inconvénient de présenter une grille de lecture fluctuante suivant les époques. Elle est également réductrice car centrée majoritairement sur l’interprétation d’événements se déroulant en Europe de l’Ouest. Enfin, elle semble également difficilement conciliable avec la manière dont les chrétiens du 1er siècle ont lu l’Apocalypse.

4. La dernière interprétation, dite idéaliste, perçoit les événements décrits dans l’Apocalypse comme des symboles de la lutte entre le bien et le mal, entre Dieu et Satan et ceux qui s’y rattachent. Elle voit ainsi dans le règne de mille ans la période actuelle de l’Église où l’action de Satan est retenue (depuis la résurrection de Christ). Cette lecture a l’avantage de prendre en compte le genre littéraire de l’Apocalypse et d’être utile pour les chrétiens de tous les temps, y compris ceux du 1er siècle. En revanche, elle a l’inconvénient de ne pas voir à la fin de ce livre un aboutissement de l’histoire, puisqu’elle met de côté tout aspect historique.

Quelle lecture adopter ?

Les événements décrits dans l’Apocalypse indiquent qu’il y aura une progression du mal vers un dénouement final, celui du retour, du règne et de la victoire finale de Jésus-Christ3. Une lecture futuriste prudente par rapport à l’enchaînement des événements paraît justifiée. Mais elle gagne à être complétée pour prendre en compte le genre littéraire du livre, ce qui plaide également en faveur d’une lecture morale pour aujourd’hui.

Ainsi, le chapitre 4 nous questionne sur la manière dont nous intégrons la majesté divine dans notre vie de tous les jours : ne nous devons-nous pas, tout comme les êtres vivants et les anciens, obéissance, louange et honneur à Dieu, notre Créateur ? Les tonnerres, les sept lampes ardentes et la mer de verre qui sont devant le trône évoquent la distance qui nous sépare de lui : Dieu existe par et pour lui-même, son existence n’est assujettie à personne.

Le chapitre 5 nous montre, par continuité et symétrie avec le chapitre 4 un double fait : seul l’Agneau immolé est digne de s’approcher de la majesté pour ouvrir le livre (permettant ainsi au plan de Dieu de s’accomplir) et seul il est digne de s’asseoir au milieu du trône (affirmation de sa divinité).

Ces deux chapitres ne nous interpellent-ils pas quand nous sommes tentés de devenir des chrétiens « performants » et sans faille seuls maîtres à bord de notre vie ? Contempler la majesté du Dieu Créateur et celle de l’Agneau Rédempteur nous pousse à dépendre de lui. Paradoxalement, cette dépendance nous enlève le stress de la course à la performance et nous fait accueillir sa grâce.

Les ch. 12 et 13 mettent en scène une contrefaçon de la trinité véritable :

– le dragon est clairement identifié à Satan en 12.9 ;

– la première bête du ch. 13 parodie Jésus (v.1-10) : elle reçoit autorité sur toute tribu, peuple, langue et nation ;

– la seconde bête parodie le Saint-Esprit et son ministère (v. 11-18) : elle donne le souffle à l’image de la bête, scelle les hommes, oblige les habitants de la terre à adorer la première bête, et elle accomplit de grands miracles.

Ces deux chapitres nous avertissent que, de manière continue et toujours plus arrogante, l’Ennemi cherche à subvertir l’autorité de Dieu par un renversement des valeurs morales, poussant les hommes à appeler le mal bien et le bien mal, à changer les ténèbres en lumière et la lumière en ténèbres (cf. És 5.20).

Structure de l’Apocalypse

Plusieurs groupes de sept (« septénaires ») apparaissent de manière naturelle dans le texte (sept églises, sept sceaux, sept trompettes et sept coupes). D’autres, moins évidents à saisir, découlent assez naturellement du texte pour qu’on puisse proposer un plan en sept septénaires, organisés le plus souvent en 4 + 2 + 1 ou en 6 + 1.

Par exemple, les quatre premiers sceaux sont groupés et imagés sous formes de cavaliers, les cinquième et sixième sceaux sont indépendants, et le septième sceau précédé d’une parenthèse au chapitre 7. De même, les six trompettes sont dissociées de la septième par une parenthèse allant du chapitre 10.1 au chapitre 11.14.

Enfin, la plupart de ces septénaires sont introduits par une vision, par exemple celle du Fils de l’homme avant les lettres aux sept églises.

Nous proposons donc le plan ci-après.

* * *

En conclusion, relevons un dernier septénaire, celui des béatitudes qui traverse l’Apocalypse et particulièrement la première : « Heureux celui qui lit et ceux qui écoutent les paroles de la prophétie et gardent ce qui s’y trouve écrit, car le moment est proche ! » Que ce moment, celui du retour de Celui qui « vient bientôt » oriente chacune de nos vies.

1NDLR : C’est notamment l’optique présentée dans l’article précédent de William MacDonald.
2Les sept sceaux reprennent divers éléments du discours de Jésus sur le mont des Oliviers :
     1. Le cheval blanc (parodie de pureté) // antichrists séducteurs annoncés (Mat 24.4-5).
     2. Le cheval roux (la guerre) // les guerres et les bruits de guerres (Mat 24.6-7).
     3. Le cheval noir (la famine) // famines (Mat 24.7).
     4. Le cheval livide // mort des fidèles (Mat 24.9).
     5. Âmes des martyrs sous l’autel // persécutions (Luc 21.12).
     6. Signes dans le ciel et sur la terre // signes (Luc 21.11).
3Le parallélisme entre les 7 sceaux, trompettes et coupes suggère cependant plus une intensification des mêmes événements qu’une succession de jugements différents.

Plan de l’Apocalypse

Introduction 1.1-8
1er septénaire : les lettres aux 7 églises 1.9-3.22

– Vision introductive : le fils de l’homme 1.9-20

– 7 lettres 2.1-3.22
2e septénaire : les 7 sceaux 4.1-8.1
– Double vision introductive : le ciel ouvert 4.1-5.14
– 6 premiers sceaux 6.1-17
– Parenthèse : la double vision des rachetés 7.1-17
– 7e sceau 8.1
3e septénaire : les 7 trompettes 8.2-11.18
– Vision introductive : l’autel dans le ciel 8.2-5
– 6 premières trompettes 8.1-9.21
– Parenthèse : la double vision du petit livre et les 2 témoins 10.1-11.13
– 7e trompette 11.14-18
4e septénaire : les 7 signes-visions 11.19-15.4
– Vision introductive : temple de Dieu ouvert 11.19
– 1er signe du dragon, de la femme et de l’enfant mâle 12.1-17
– 2e vision de la bête qui monte de la mer 13.1-10
– 3e vision de la bête qui monte de la terre 13.11-18
– 4e vision des scellés de l’Agneau 14.1-5
– 5e vision des trois anges 14.6-13
– 6e vision de la moisson et de la vendange 14.14-20
– Parenthèse : annonce des 7 coupes 15.1
– 7e signe de la fin 15.2-4
5e septénaire : les 7 coupes 15.5-16.21
– Vision introductive : le temple dans le ciel ouvert 15.5-8
– 6 premières coupes 16.1-14
– Parenthèse : béatitude concernant la venue de Dieu 16.15
– 7e coupe 16.16-21
6e septénaire : les 7 paroles sur Babylone 17.1-19.10
– Vision introductive : la grande prostituée sur la bête 17.1-18
– 1re parole : la chute de Babylone 18.1-3
– 2e parole : le châtiment de Babylone 18.4-8
– 3e parole : la lamentation des rois 18.9-10
– 4e parole : la lamentation des marchands 18.11-16
– 5e parole : la lamentation des navigateurs 18.17-20
– 6e parole : la fin de Babylone 18.21-24
– Parenthèse : le triple alléluia dans le ciel 19.1-5
– 7e parole : les noces de l’Agneau 19.6-10
7e septénaire : les 7 visions de la fin 19.11-22.5
– 1re vision : le juge sur le cheval blanc 19.11-16
– 2e vision : le grand souper de Dieu 19.17-18
– 3e vision : la capture de la bête et du faux prophète 19.19-21
– 4e vision : Satan enchaîné pour 1000 ans 20.1-4
– 5e vision : la première résurrection et le règne de 1000 ans 20.5-10
– 6e vision : le jugement du grand trône blanc 20.11-15
– 7e vision : les nouveaux cieux et la nouvelle terre 21.1-8
– double appendice : la nouvelle Jérusalem, le nouvel Éden 21.9-22.5
Conclusion 22.6-21


J’ai lu l’histoire d’une dame âgée qui était sur le point de mourir. Elle était née de nouveau, et avait vécu dans la joie du Seigneur la plus grande partie de sa vie. Mais voilà que la fin approchait, et elle manifestait une grande frayeur. Elle ne voulait pas mourir. Du moins c’est ce qu’elle disait à son pasteur.

Lors d’une visite, ce dernier lui a demandé si elle savait qu’elle allait auprès du Christ, au paradis. Elle lui répondit par l’affirmative et se mit à pleurer… Surpris, le pasteur lui demanda comment elle se représentait le paradis. Elle décrivit une grande salle avec des bancs, où elle devrait chanter toute la journée ! Effectivement, sauf si l’on s’appelle Pavarotti, qui voudrait passer l’éternité ainsi ?

Sans s’en rendre compte, beaucoup de chrétiens ont été influencés par la philosophie platonicienne, où la vie matérielle est inférieure à la vie spirituelle : la matière est encombrante, négative ; la pensée est pure, positive. Plusieurs théologiens chrétiens s’en sont imprégnés, notamment Augustin, puis le catholique Thomas d’Aquin, et ont évoqué le paradis en des termes plutôt éthérés : « Le paradis lui non plus n’est pas un lieu corporel, mais spirituel.1 » Et les descriptions qu’il donne dépeignent un endroit de réflexion philosophique et théologique, où la vie se résume à un échange de nobles pensées.

Les gens réagissent différemment devant la notion de paradis :

– L’investigation : Certains s’appuient sur des livres tels que La vie après la vie (Raymond Moody) pour se faire une idée de ce qui s’y passera. Ces ouvrages sont totalement erronés dans leur interprétation des situations de mort imminente2.

– La confiance : Il suffirait de se dire que ce sera bien, puisque Dieu est bon. Ceux-là sont très prudents sur les textes qui l’annoncent.

– La méfiance : Comme on ne sait pas ce qui se passera, autant vivre pleinement aujourd’hui dans ce monde que l’on connaît.

La Bible nous demande de considérer les trésors du paradis. Dieu nous prépare une cité (Héb 11.16) ; Paul nous rappelle que « notre cité est dans les cieux ; de là nous attendons comme Sauveur le Seigneur Jésus-Christ » (Phil 3.20) et il nous invite à « chercher les choses d’en haut, où le Christ est assis à la droite de Dieu » et à « penser à ce qui est en haut, et non à ce qui est sur la terre » (Col 3.1-2).

Non seulement il nous faut nous imprégner de ce ciel, mais Jésus nous propose de considérer que notre fidélité et notre engagement sont une forme d’investissement dans le monde à venir : « Amassez des trésors dans le ciel, où ni les vers ni la rouille ne détruisent, et où les voleurs ne percent ni ne dérobent. » (Mat 6.20) Aucune de nos possessions terrestres ne subsistera dans le ciel — aucune voiture, aucune maison, etc. Il en sera très différemment de tout sacrifice que nous aurons fait sur terre pour Christ.

Le monde nouveau (21.1)

«Je vis un nouveau ciel et une nouvelle terre ; car le premier ciel et la première terre avaient disparu, et la mer n’était plus. »

Nous sommes là après le millénium, après la déconstruction complète de l’univers actuel, après la condamnation devant le grand trône blanc.

Jean voit un nouveau ciel et une nouvelle terre : c’est donc un nouvel environnement physique. Comment se le représenter ? Peu de passages de l’Écriture en parlent précisément. Y aura-t-il de nouveaux astres dans le ciel ? Il est dit plus loin que la ville n’aura pas besoin de l’éclat du soleil ni du reflet de la lune (21.23). Comment imaginer la nouvelle terre ? Il semble qu’il y aura des montagnes puisqu’il en existe une qui sera « haute et grande » (21.10)

Quand je m’imagine le paradis, je m’imagine donc un monde avec des milliers de paysages différents. Évidemment j’aurai la capacité de jouir de cette création, et cela, pour la gloire de Dieu. Le mot « paradis » veut dire « jardin ». Le paradis, c’est le jardin du début, de Genèse 1 et 2, parfaitement rétabli. D’ailleurs un arbre est mentionné dans ce paradis, l’arbre de vie (22.2), qui nous renvoie à celui de la Genèse. C’est bien l’explosion de la perfection du début que nous trouverons alors.

Cette nouvelle terre n’aura pas de mer. La mer est le symbole d’une force indomptable. Elle fait partie des sept fléaux qui n’existeront plus dans le monde à venir : s’y ajoutent la mort, le deuil, les cris, la douleur (21.4), la malédiction (22.3), et la nuit (21.25). Toutefois la suite du texte mentionne « le fleuve de l’eau de la vie », qui alimente notamment l’arbre de vie (22.1). Est-ce à dire qu’il y a des lacs, des fleuves ?

Le paradis est un monde. Un monde qui s’inspire du premier, qui se manifeste en partie pendant le millénium, et qui dépasse notre imagination dans l’éternité. Mais c’est un monde. Et nous avons raison de nous réjouir du monde présent comme du monde à venir. En appréciant les cadeaux de Dieu, l’homme honore Dieu. Nous avons raison de remercier Dieu pour un bon repas, pour un lever de soleil, pour l’affection d’un chien, etc. Nous avons raison aussi de reconnaître que si la vie nous prive de jouir de certains aspects de la création, par un handicap, par un manque de moyens, par des relations impossibles ou inaccessibles, le moment vient où nous vivrons dans un monde réel, tangible, concret, dans une jouissance et une félicité parfaites.

La capitale (21.2)

« Et je vis descendre du ciel, d’auprès de Dieu, la ville sainte, la nouvelle Jérusalem, prête comme une épouse qui s’est parée pour son époux. »

Lorsque Jean écrit ces lignes, Jérusalem est en ruine depuis 25 ans. C’est une ville que nul ne connaît. Mais une autre Jérusalem existe déjà quelque part : « Mais au contraire vous vous êtes approchés de la montagne de Sion et de la cité du Dieu vivant, la Jérusalem céleste, des myriades d’anges ; de la réunion et de l’assemblée des premiers–nés inscrits dans les cieux ; de Dieu, juge de tous ; des esprits des justes parvenus à la perfection. » (Héb 12.22-23) C’est comme si elle était en cours d’aménagement. Jésus a dit avant de partir : « Je vais vous préparer une place. Donc, si je m’en vais et vous prépare une place, je reviendrai et je vous prendrai avec moi, afin que là où je suis, vous y soyez aussi. » (Jean 14.2-3)

C’est une ville sainte, en ce que nul être pécheur n’y entrera : « Il n’y entrera rien de souillé, ni personne qui se livre à l’abomination et au mensonge, mais ceux-là seuls qui sont inscrits dans le livre de vie de l’Agneau. » (21.27)

Elle est « prête », littéralement, « arrangée » — un terme qui nous a donné le mot « cosmétique » — comme une épouse qui s’est parée pour son époux. L’image de la ville rejoint celle de l’épouse, l’ensemble de ceux et de celles que le Seigneur a sauvés. Ce sera la consommation éternelle entre Christ et son Église. C’est le moment que Paul prophétise en 1 Corinthiens 15.28 : « Et lorsque toutes choses seront soumises [au Christ], alors le Fils lui-même sera soumis à celui qui lui a soumis toutes choses, afin que Dieu soit tout en tous. »

Le Seigneur (21.3)

« J’entendis du trône une forte voix qui disait : Voici le tabernacle de Dieu avec les hommes ! Il habitera avec eux, ils seront son peuple, et Dieu lui–même sera avec eux. »

Le meilleur du nouvel univers est que Dieu sera avec nous — ou plutôt qu’enfin nous serons avec lui ! La voix vient du trône, comme pour indiquer l’autorité absolue de ce qui est annoncé. Avec cette déclaration, Dieu n’est plus transcendant, c’est-à-dire un Dieu distant, éloigné de sa création, visible seulement de derrière (Ex 33.23), ou dans la nuée et la colonne de feu (Ex 13.21-22), ou dans l’humble incarnation de Christ (Phil 2.5-8 ; Col 1.16).

En fait, c’est l’univers qui devient l’habitation de Dieu. Apocalypse 21.22 affirme d’ailleurs : « Je n’y vis pas de temple, car le Seigneur Dieu Tout-Puissant est son temple, ainsi que l’Agneau. » Il n’y a plus de distance à franchir : Dieu est là, son temple est lui-même, et ce nouvel univers est sa tente ! C’est un retour à l’intention de Dieu en Genèse d’être le Dieu des hommes et de demeurer au milieu d’eux. Le paradis accomplit l’inverse de Genèse 3.21-24 : nous avons accès à l’arbre de vie et à la présence de Dieu.

Je ne sais pas m’imaginer la proximité immédiate de Dieu : plus par la prière, pas au travers de notre imagination, mais en direct ! Nous suffira-t-il de tourner la tête pour voir le Christ dans sa gloire ?

Pour autant, Dieu reste infini, inconnaissable dans son essence. Allons-nous découvrir chaque jour un peu plus de sa personne ? En discutant avec Jésus, allons-nous grandir en amour pour lui chaque jour davantage ? En regardant son trône et sa personne, serons-nous saisis d’une admiration croissante ?

Dieu est souverainement satisfait et rassasié de bonheur en lui-même (1 Tim 1.11) et il veut nous introduire dans ce bonheur. Jésus a prié : « Père, je veux que là où je suis, ceux que tu m’as donnés soient aussi avec moi, afin qu’ils contemplent ma gloire, celle que tu m’as donnée, parce que tu m’as aimé avant la fondation du monde. » (Jean 17.24) Nous ne cesserons de nous rassasier du spectacle de sa gloire, complétée par la parfaite humilité et l’immense amour manifesté à la croix. Et cette gloire aura un effet immédiat : 1 Jean 3:2 « Lorsqu’il sera manifesté, nous serons semblables à lui, parce que nous le verrons tel qu’il est. » (1 Jean 3.2) L’état d’esprit du Seigneur sera une joie en nous : « L’Éternel, ton Dieu, est au milieu de toi un héros qui sauve ; il fera de toi sa plus grande joie ; il gardera le silence dans son amour pour toi ; il aura pour toi une triomphante allégresse. » (Soph 3.17) Vous vous représentez la scène ?

La consolation (21.4)

« Il essuiera toute larme de leurs yeux, la mort ne sera plus, et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur, car les premières choses ont disparu. »

L’expérience du passé, tellement empreinte de larmes et de douleurs, sera terminée. Et c’est Dieu lui-même qui passe le baume. Le geste est tendre et reflète sa bienveillance particulière. Ainsi s’achèvera ce que Jésus a commencé avec sa première venue, et particulièrement avec son calvaire : « Ce sont nos souffrances qu’il a portées, c’est de nos douleurs qu’il s’est chargé… » (És 53.4)

Il n’y aura aucun deuil, puisque que la première et la seconde mort ne feront plus partie des risques ou des réalités (cf. 1 Cor 15.54-57).

Nous serons à jamais dans un corps glorifié qui ne subira aucune altération, qui ne vieillira pas, qui ne connaîtra pas la douleur. Cela conduit tout naturellement à plusieurs questions :

– Quel âge aurons-nous, si nous ne vieillissons pas ? Ou à quoi ressemblera le nourrisson qui meurt, et qui se retrouve au paradis ? La Bible ne donne pas la réponse !

– Qu’implique l’absence de douleur sur notre activité ? Pas de marteau qui manque le clou ? Pas de randonnée dans des gorges et des précipices ? Là encore, nous n’avons que notre imagination. Une imagination qui sait que le Christ ressuscité passait au travers des murs sans passer par les portes, et que son rapport à la matière actuelle était très différent. Une imagination qui sait aussi que nos pensées glorifiées seront plus sages que maintenant, et peut-être parfaitement incapables d’un geste malencontreux ?

L’invitation (21.5-7)

« Celui qui était assis sur le trône dit : Voici, je fais toutes choses nouvelles. Et il dit : Écris, car ces paroles sont certaines et vraies. Il me dit : C’est fait ! Je suis l’Alpha et l’Oméga, le commencement et la fin. A celui qui a soif, je donnerai de la source de l’eau de la vie, gratuitement. Tel sera l’héritage du vainqueur ; je serai son Dieu, et il sera mon fils. »

Du trône futur, Dieu nous lance encore cette invitation. Il dit à Jean d’écrire, avec l’assurance que c’est le Saint Esprit qui signe ces propos. Ces paroles sont vraies, comme toutes les paroles de la Bible (2 Tim 3.16-17 ; 2 Pi 1.20-21 ; 1 Thes 2.13).

Dieu se présente dans son éternité, source et destinée, alpha et oméga3, commencement et fin.

L’invitation que Dieu nous lance du trône est positive, riche en bienveillance. Le thème de la soif est celui qui est le plus souvent souligné pour décrire celui qui cherche Dieu, qui cherche son salut (És 55.1-2 ; Jean 7.37) Voilà l’essence du christianisme : être rassasié d’une eau éternelle. Son prix ? Elle est gratuite ! On plutôt, elle a été achetée par quelqu’un d’autre, en sorte qu’on en bénéficie par pure grâce (Éph 2.8-9 ; Tite 3.5). Dieu nous invite à participer à son banquet, à sa fête, gratuitement. La seule nécessité est se repentir dans la foi. Seul Christ ouvre l’accès à cette promesse (Act 4.12). Mais cette gratuité du salut s’accompagne d’un avertissement solennel.

L’avertissement (21.8)

« Mais pour les lâches, les incrédules, les abominables, les meurtriers, les débauchés, les magiciens, les idolâtres et tous les menteurs, leur part sera dans l’étang brûlant de feu et de soufre : cela, c’est la seconde mort. »

Il n’y aura aucun pécheur dans le paradis — du moins aucun pécheur qui n’ait reçu la grâce du pardon du Christ. Et comment savoir si l’on a reçu la grâce du pardon ? Par la réalité de notre marche avec Jésus. Le salut n’est pas seulement le fait de « recevoir Christ » mais de « marcher en lui ». Un changement est nécessaire (voir 1 Cor 6.9-11 où Paul évoque une vie caractérisée par le péché des Corinthiens au passé). Un homme qui dit avoir accepté Christ et qui demeure dans ses péchés sans gêne, ni repentance, ni croissance, n’a pas vraiment l’assurance du salut de Christ. Dieu évoque cette réalité en dressant cette liste non exhaustive :

– les lâches, ou les peureux : ceux qui, par timidité ou peur de la persécution, ont rejeté Christ ;

– les incrédules : ceux qui n’acceptent pas la révélation de Dieu et demeurent incroyants ;

– les abominables : le mot a une connotation de souillure ;

– les meurtriers : ceux qui tuent — physiquement, par la langue… ;

– les débauchés : essentiellement en lien avec l’immoralité sexuelle sous toutes ses formes ;

– les magiciens : ceux qui s’adonnent à la magie, l’astrologie, la sorcellerie, les guérisseurs, etc. ;

– les idolâtres : ceux qui participent aux cultes païens ou à leurs festivités, ceux qui ont centré leur vie sur quelqu’un ou quelque chose d’autre que Dieu ;

– les menteurs : ceux qui trompent ou mentent…

Il y a deux erreurs à éviter par rapport à cette liste :

– Celle consistant à l’ignorer en disant : « Je suis chrétien, je pèche et ce n’est pas grave. » Ce n’est pas que nous devions être parfaits pour entrer au ciel. Mais la réalité de notre salut se mesure à notre marche. Cette marche reflète-t-elle le salut du Christ ? Non pas que la marche doive être parfaite, mais elle doit être caractérisée par une pratique de la repentance. Si ta vie est marquée par l’immoralité, l’incrédulité, le mensonge, sans repentance… Dieu t’invite à sérieusement reconsidérer ton assurance du salut.

– Celle consistant à croire que le salut s’obtient en respectant cette liste. Un indice nous montre que ce n’est pas possible : « tous les menteurs » iront en enfer. Je n’ai jamais rencontré quiconque qui n’ait jamais exprimé un mensonge, en tant qu’enfant ou en tant qu’adulte. Christ est mort pour des pécheurs ! C’est par la foi que nous sommes sauvés. Cette liste est là pour nous éveiller à la réalité du péché et à la solennité de la mort. Tout au long de ces deux derniers chapitres de la Bible, on retrouve ce mélange de félicité et de mise en garde. Attention, le lac de feu, l’enfer, l’étang de soufre, la seconde mort, ne sont pas à prendre à la légère.

 

  1. Thomas d’Aquin, « Somme théologique », vol 1, question 102.
  2. Florent Varak, « La réincarnation », livre disponible en ligne sur « Un poisson dans le net » à http : //www.unpoissondansle.net/reincarn.
  3. Première et dernière lettre de l’alphabet grec. Le titre est déjà présent en 1.8 et répété en 22.13 par Jésus en personne, soulignant, s’il était nécessaire de l’affirmer, que Jésus est véritablement Dieu.

Écrit par


Par l’Apocalypse, non seulement Dieu veut nous avertir de ce qui va arriver demain — « bientôt » — mais il désire affermir notre foi d’aujourd’hui. Quelle perte si nous ne voyons dans ce livre, et en particulier dans les chapitres 4 à 22, qu’un développement d’événements à venir, sans relation avec notre situation. Quelle instruction si nous savons discerner les leçons pratiques intemporelles développées dans les divers tableaux présentés dans ce livre ! Ces leçons sont vraies et utiles pour 2013 et le seront jusqu’à la fin.

Jésus et Paul utilisent une image très parlante pour relier la conflagration finale encore à venir et les soubresauts que vit l’Église depuis le début : celle de l’accouchement (Mat 24.8 ; 1 Thes 5.3)1. La femme enceinte ressent des contractions de plus en plus fortes, entrecoupées de moments de répit, jusqu’à la contraction ultime qui marque l’expulsion, la naissance du bébé. Telle est l’histoire du monde entre les deux venues de Jésus-Christ : des « contractions », marquées par des combats, des persécutions, des épreuves, qui vont croissantes jusqu’à la lutte finale décrite dans ces chapitres de l’Apocalypse. Mais, même si l’affrontement n’est pas aussi intense qu’il le sera dans le futur, la même opposition existe aujourd’hui. Jean le disait dès l’an 90 : « C’est la dernière heure » ; l’Antichrist vient (il n’est pas encore là), mais plusieurs antichrist sont d’ores et déjà présents (1 Jean 2.18). Combien plus pourrait-il le dire à notre époque !

Dans la partie qui va de 11.19 à 15.4, à travers sept tableaux, Jean présente sept signes ou visions qui décrivent les principaux acteurs de la lutte entre le bien et le mal. À la trinité victorieuse présentée dans le ch. 1 puis dans les ch. 4 et 5, répond une anti-trinité maléfique décrite dans les ch. 12 et 13, dont on sait par avance qu’elle sera finalement vaincue et dont la puissance est limitée2, mais dont l’action est et sera destructrice. Cet article ne vise qu’à relever quelques leçons utiles pour nous, sans développer tous les détails de ces chapitres.

1. Le diable est enragé mais vaincu (11.19-12.17)

Le premier signe est celui du « grand dragon rouge feu ». Son identification est facile : c’est « le serpent ancien, appelé le diable et Satan, celui qui séduit toute la terre » (12.9). L’origine de tout le mal et de toute l’opposition à Dieu vient de la chute du diable qui a entraîné à sa suite une partie des anges (peut-être un ange sur trois, selon 12.4 ?). C’est lui qui séduisit le premier couple sous la forme du « serpent ancien » (Gen 3.1).

Ce chapitre entrouvre le voile pour nous montrer que, derrière les causes premières que nous attribuons volontiers à des éléments tangibles, se déroule une bataille spirituelle où le diable essaie de contrecarrer les plans divins et de s’opposer au peuple de Dieu. Sachons discerner son emprise derrière tel mouvement idéologique, tel événement politique. Même si son action est peut-être plus souterraine dans les pays occidentaux que dans des pays longtemps marqués par l’animisme, il n’en est pas moins actif partout, avec ses sbires les démons, pour tromper et séduire. Il est même « animé d’une grande colère, sachant qu’il a peu de temps » (12.12). En effet, il a déjà été vaincu à la croix et il sait par avance que son sort est scellé, mais il profite de ce temps intermédiaire qui lui est laissé pour renforcer toujours plus son opposition envers le peuple de Dieu. Celle-ci prend aujourd’hui la forme du fanatisme islamique, du matérialisme athée, de la spiritualité ésotérique, etc. Mais le peuple de Dieu peut être assuré qu’il sera gardé jusqu’au bout par la puissance de Dieu, aussi dure que puisse paraître l’épreuve (12.14).

Pour remporter la victoire contre ce diable enragé, trois armes sont fournies à tout croyant :

– Le « sang de l’Agneau » (12.11a) : Ce n’est que par la mort du Sauveur que nous pouvons être délivrés des accusations du diable (12.10). Dieu ne les écoute plus : il a chassé Satan de sa présence ; n’y cédons pas non plus. « Qui accusera les élus de Dieu ? C’est Dieu qui justifie ! Qui les condamnera ? Christ est mort ; bien plus, il est ressuscité, il est à la droite de Dieu. » (Rom 8.33-34) Imprégnons-nous de la victoire remportée par Jésus à la croix qui nous assure définitivement la faveur de Dieu et nous purifie de tout péché, même de ceux que le diable voudrait nous faire croire impardonnables.

– La « parole de leur témoignage » (12.11b) : La seule arme offensive à notre disposition est la Parole de Dieu qui a la puissance de faire fuir le diable, aujourd’hui comme au désert pour Jésus autrefois (Luc 4). Chaque fois que nous prêchons la parole, que nous rendons témoignage à la vérité de l’Évangile, nous détruisons les œuvres du diable !

– Le mépris de sa vie (12.11c) : Dans certains pays, ce verset se vit littéralement, dans la torture et le martyre. Nous n’avons peut-être pas à craindre la mort physique, mais nous avons souvent peur de « prendre notre croix » et mourir à nous-mêmes — oubliant que le renoncement à soi pour servir Dieu et son prochain est le chemin de la victoire : que peut faire le diable à quelqu’un qui, dans sa vie pratique, se considère vraiment comme « mort avec Christ » ?

2. L’esprit de l’antichrist est déjà présent (13.1-10)

Le deuxième tableau présente une terrible bête, réminiscence de celles de Daniel, dont la caractéristique principale est de représenter physiquement le diable sur la terre. Elle en reçoit le pouvoir (13.3), singeant Christ jusqu’à imiter sa mort et sa résurrection (13.3,12b,14b).

Un jour paraîtra sur terre un homme en qui culmineront ces caractères, l’Antichrist avec un grand « A ». En attendant, depuis Néron, « beaucoup » d’antichrists se sont levés, s’opposant frontalement au peuple de Dieu et s’arrogeant le pouvoir qui ne revient qu’à Dieu seul. L’esprit de l’antichrist est déjà à l’œuvre.

Nous le voyons, brutalement, dans l’opposition frontale de dictateurs contre les chrétiens : les Staline, Hitler, Mao, Pol-Pot, Kadhafi, etc., demandaient une allégeance totale de leurs sujets qui a conduit bien des chrétiens fidèles à être « vaincus » (13.7). Vaincus physiquement, alors que leur persévérance et leur foi (13.10) leur assuraient la victoire morale aux conséquences éternelles.

Nous le voyons, plus subtilement, dans les blasphèmes sous quatre formes :

– « contre Dieu » : la culture de notre époque dénigre Dieu, s’en moque par des caricatures, par des paroles injurieuses, par un manque total de respect ;

– « contre son nom » : au lieu d’accepter la révélation de Dieu sur lui-même telle que présentée dans la Bible (son « nom »), on se construit un Dieu à son image, comme on aimerait se l’imaginer — et, ce faisant, on nie et le Père et le Fils ;

– « contre son tabernacle » : l’Église, temple spirituel de Dieu sur terre, est l’objet de moqueries ; la parole des chrétiens sur la place publique est rejetée comme obsolète, ringarde, inutile ;

– « contre ceux qui habitent dans le ciel » : les croyants, individuellement, sont rejetés s’ils tiennent ferme contre le vent du moment en refusant les façons de faire du monde pour suivre les enseignements divins : par exemple, quelle jeune fille qui veut se garder pure pour le mariage n’a-t-elle pas eu à subir des remarques vexatoires plus ou moins fines de la part de son entourage non croyant ?

L’esprit de l’antichrist souffle déjà fort : soyons persévérants et pleins de foi !

3. Le faux prophète veut nous séduire (13.11-18)

Le troisième tableau présente une autre bête, dont toute l’action vise à pousser « les habitants de la terre » (en opposition aux saints, qui « habitent dans le ciel ») à se soumettre et à adorer la première bête. Cet « anti-Esprit saint » est appelé ensuite le « faux prophète » (16.13 ; 19.20 ; 20.10), complément de cette trinité maléfique. Là encore, la manifestation ultime est encore à venir, dans un autre homme qui servira l’Antichrist, mais combien de faux prophètes se sont déjà élevés pour séduire beaucoup de gens, voire même, s’il était possible, les élus (Mat 24.11,24) !

Satan ne se contente pas d’attaquer frontalement les chrétiens ; il cherche aussi à les séduire et à corrompre la vérité en travestissant le christianisme. Le « lion rugissant » (1 Pi 5.8) se fait « ange de lumière » (2 Cor 11.14). Cette séduction revêt plusieurs aspects auxquels nous sommes appelés à résister :

– Tout miracle ne vient pas de Dieu (13.13-14a) : Par exemple, penser que toute guérison miraculeuse est le signe de l’action de Dieu est une grande tromperie dans l’Église aujourd’hui où la recherche du sensationnel l’emporte parfois sur la poursuite de la vraie spiritualité3.

– La communication est trompeuse (13.14b-15) : La seconde bête s’occupe de « l’image » de la première bête. Notre siècle de communication privilégie trop souvent l’apparence à la substance, la forme au fond et, par ce moyen, nous pouvons être entraînés vers des adorations mauvaises. Par exemple, refuser de voir tel film à succès peut représenter une « mort » culturelle ou sociale, en particulier pour des adolescents ou des jeunes. Aidons-les à résister !

– La vraie idolâtrie est l’auto-divinisation : Ce nombre 666, qui a fait couler tant d’encre, peut se comprendre dans le symbolisme de l’Apocalypse, comme un triple essai infructueux d’atteindre la plénitude divine (6 au lieu de 7). L’homme veut se faire Dieu, mais son nombre reste celui d’un homme déchu (13.18) qui a cru au mensonge du diable : « Vous serez comme Dieu. » (Gen 3.5) Cet égocentrisme infuse ses pensées (son « front ») et ses actions (sa « main droite »). Soyons intelligents et calculons ce nombre, c’est-à-dire mettons Dieu au centre — et non plus notre petit « moi » orgueilleux.

4. Le peuple de Dieu reste fidèle (14.1-5)

La scène suivante forme un contraste total. Le peuple des vrais croyants, symboliquement vu au travers des 144 0004 sur la montagne de Sion (cf. Héb 12.22). Sept caractéristiques sont données, que nous pouvons faire nôtres ; elles sont à la fois des affirmations d’une position et des exhortations implicites à la fidélité :

– nous sommes marqués du sceau de Dieu et de l’Agneau par la présence du Saint Esprit en nous (14.1 ; Éph 1.14) ;

– nous avons été « rachetés d’entre les hommes » (14.3b ; 1 Cor 6.20) ;

– comme conséquence, gardons-nous purs de tout adultère spirituel5 (14.4a ; Jac 4.4) et suivons fidèlement l’exemple que nous a laissé le Seigneur dans sa vie sur la terre jusqu’à son sacrifice d’Agneau de Dieu (14.4b ; 1 Pi 2.21) ;

– nous sommes les prémices de la nouvelle création (14.4c ; Jac 1.18) ;

– comme conséquence, parlons la vérité en rejetant le mensonge (14.5a ; Éph 4.25) ;

– nous sommes déjà « irréprochables » devant Dieu grâce à l’œuvre de la croix (14.5b ; Éph 1.4) et Dieu peut nous garder de chutes pendant notre vie sur terre avant de nous « faire paraître devant sa gloire irréprochables » (Jude 24).

5. L’Évangile est annoncé, seul moyen d’échapper au jugement (14.6-13)

Trois anges se succèdent dans ce tableau. L’annonce de l’Évangile éternel6 (proclamation du premier ange, 14.6-7) récapitule le seul moyen d’échapper au jugement qui va s’abattre sur le monde (Babylone, que ce soit sous sa forme religieuse ou économique, 14.8). Ceux qui meurent n’ont que deux destinées :

– soit « dans le Seigneur » (14.13) — et ils seront bienheureux dans le repos éternel,

– soit en ayant fait allégeance à l’esprit de l’antichrist (14.11) — et ils seront dans les tourments éternels.

En quelques versets, quelle extraordinaire motivation pour nous pousser à prêcher l’Évangile !

6. Il faut avertir que le jugement est certain et terrible (14.14-20)

Le jugement final est présenté sous la double image de la moisson (14.14-16) et de la vendange (14.17-20). C’est le Fils de l’homme lui-même qui l’exécute (14.14), comme il en a reçu le droit (Jean 5.22). Parler du jugement n’est pas populaire aujourd’hui et certains essaient de biaiser avec les textes bibliques pourtant clairs qui l’annoncent avec certitude. Et c’est Jésus lui-même qui en parle le plus ! Aussi n’hésitons pas à avertir avec émotion nos contemporains du sort terrible qui les attendent s’ils refusent le salut offert.

7. La louange sera éternelle (15.1-4)

Le dernier tableau introduit le détail du jugement final donné dans les sept coupes. Suit un des magnifiques cantiques qui parsèment l’Apocalypse : une fois la victoire remportée, il proclame la souveraineté de Dieu et la justice parfaite de ses actes, y compris ses œuvres en jugement. Enfin, toutes les injustices que nous constatons si souvent autour de nous seront punies et tous les actes positifs si souvent méconnus seront récompensés. Et notre louange à notre juste Souverain montera au siècle des siècles. Amen, viens, Seigneur Jésus !

1 Le ch. 12 de l’Apocalypse reprend la même image, mais dans un sens différent : la femme représente la communauté fidèle qui attendait le Messie promis, dans un temps de souffrance et de persécution, en particulier sous Antiochus Épiphane et sous la domination romaine.
2 Deux éléments à noter sur la limite donnée à la puissance du mal : 1° le nombre de verbes au passif, indiquant que le contrôle ultime appartient à Dieu seul ; 2° le combat dirigé par Michel et ses anges contre le diable et où Michel vainc. La Bible n’est pas dualiste et n’oppose pas deux dieux, l’un du bien, l’autre du mal, de force égale : l’Agneau a déjà vaincu et Dieu garde le contrôle de tout, même des forces du mal.
3 Un témoignage éclairant sur ce thème : La guérison du guérisseur, de Walter Vappiani, BLF.
4 12 x 12 x 1000 : selon le symbolisme numérique de l’Apocalypse, on peut y voir tous les nombreux (1000) croyants des deux Testaments : l’Ancien (12 tribus) et le Nouveau (12 apôtres). Plusieurs font le rapprochement avec le ch. 7 où les 144 000 sont distribués entre des tribus d’Israël (avec la tribu de Dan omise et celle de Joseph citée avec celle de son fils Manassé).
5 Il serait faux de prendre 14.4a comme une exaltation du célibat ou une condamnation des relations sexuelles comme une souillure. Dans le langage de l’Apocalypse, la virginité est l’absence de relation impure avec le monde, plus loin décrit sous les traits d’une prostituée (cf. 2 Cor 11.2).
6 Ce qualificatif est particulièrement approprié ici, car la réception ou non de l’Évangile de la grâce est ce qui décide du sort éternel de l’âme de chaque être humain.

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