PROMESSES

Deux notions de base

Pour comprendre l’église émergente il est indispensable d’assimiler les notions de modernité 1 et de postmodernité.

Qu’est-ce que la modernité ?

« La modernité n’est ni un concept sociologique, ni un concept politique, ni proprement un concept historique. C’est un mode de civilisation caractéristique, qui s’oppose au mode de la tradition […]. Liée à une crise historique et de structure, la modernité […] est repérable en Europe à partir du xvie siècle, et ne prend tout son sens qu’à partir du xixe siècle. Les manuels scolaires font succéder les Temps modernes au Moyen Âge, à la date de la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb (1492) […]. Pendant les xviie et xviiie siècles, se mettent en place les fondements philosophiques et politiques de la modernité : la pensée individualiste et rationaliste moderne dont Descartes et la philosophie des Lumières sont représentatifs 2».

Qu’est-ce que la postmodernité ?

La postmodernité ne fait pas que succéder à la modernité : elle se présente surtout comme une réaction aux valeurs de la modernité. Des spécialistes pensent qu’une distinction absolue entre modernité et post-modernité (comme si le « monde ancien » faisait place à un « monde nouveau ») est artificielle voire simpliste.

Prenons un exemple tiré de chaque courant, pour mieux les définir :

Au sein de la modernité, en particulier sous l’influence de Descartes (1596-1650), l’homme dit : « Je peux tout connaître 3 ». Mais les siècles suivant suscitent le désenchantement dans tous les domaines. Les progrès techniques sont, certes, extraordinaires mais ils n’engendrent ni l’âge d’or ni l’amélioration morale de l’homme ni même la diminution de la pauvreté mondiale. Le siècle passé est le plus meurtrier de l’Histoire. Quant à la connaissance, elle augmente de façon spectaculaire mais, paradoxalement, l’ignorance grandit plus vite que la connaissance, car chaque découverte repousse les limites du savoir.

Au sein de la postmodernité, l’homme perd ses illusions. Désabusé, il se fait moins prétentieux et plus réaliste. Il confesse : « Je ne peux rien connaître », la vérité – à supposer qu’il y en ait une ! – se révèle inaccessible, insaisissable par l’homme. Il ne peut accéder qu’à des approches de la vérité. Il faut accepter que chacun puisse avoir sa perspective de la vérité, une perspective différente mais tout aussi pertinente. D’une façon quelque peu caricaturale, on pourrait dire que, dans la modernité, la vérité est absolue et connaissable alors que dans la postmodernité, la vérité est relative, indéfinissable et finalement insaisissable.

Qu’est-ce que l’église émergente ?

a. Son origine

Elle est une excroissance de l’Église, liée au processus accéléré de sécularisation de la société occidentale. La moitié de la population serait déjà atteinte par le phénomène de sécularisation, l’autre moitié se contentant d’un « christianisme de sens commun » sous la forme de code moral, ou de cadre pour les rites de naissance, de mariage et de décès 4.

La génération actuelle mesure avec difficulté le chemin parcouru par la société occidentale en un demi-siècle. Les historiens ont pourtant identifié ce « tournant de l’histoire » : « Les années 60 ont apporté un bouleversement du paysage social, technologique, économique, culturel, et religieux5  ». Sur le plan religieux, « on peut en venir à considérer ces années comme marquant une rupture aussi profonde que celle qui a été apportée par la Réforme 6 ». Plus d’une décennie après Mai 68 un constat général s’impose : Les églises sont en perte de vitesse, elles se vident et leur message paraît obsolète7 . Que faire face à une telle situation ? S’adapter ou disparaître ? L’église émergente propose de s’adapter aux évolutions de la société et d’offrir à notre génération un espace convivial, ouvert, innovant, et acceptable pour elle : « En présence de nouveaux publics 8, qui sont maintenant à des années lumière des églises classiques, il est nécessaire de construire avec eux, des propositions nouvelles, des communautés nouvelles. C’est ainsi que commence à naître une église émergente 9. »

b. Son identité

L’église émergente consiste globalement à appliquer des principes postmodernes à l’Église. Il ne s’agit pas d’un tout homogène mais d’un mouvement très large dont l’enseignement peut aller du pertinent à l’inacceptable. Nous avons là une des causes du dialogue de sourds entre les partisans de l’église émergente et ses opposants, les premiers ne voulant voir que le pertinent et les seconds se contentant de mettre en garde contre l’inacceptable.

Il n’est pas facile de définir clairement l’identité de l’église émergente. Elle peut aussi bien se trouver dans les grandes institutions comme le catholicisme, le protestantisme ou le mouvement évangélique 10, qu’en dehors d’elles comme les églises indépendantes. Simples églises de maison ou mega-churches 11, l’église émergente ne se reconnaît pas à une structure mais consiste en un « courant », un « état d’esprit », un « processus 12 ». C’est une sorte de ferment qui se répand dans les églises traditionnelles, provoquant soir leur  « évolution », soit leur scission 13.

Son intention est de guérir une Église jugée malade, par des propositions qui répondent aux attentes d’une société postmoderne : « L’église émergente, c’est une nouvelle culture chrétienne en phase avec les aspirations spirituelles des nouvelles générations 14. »

Le site Témoins 15 présente, recense et analyse « ce qui peut être appelé émergent en francophonie ». C’est une base de données incontournable pour l’étude du mouvement : « Le courant de l’église émergente […] s’inscrit tout naturellement dans le changement des comportements sociaux. En France, […] le courant de l’église émergente est encore peu visible […]. On assiste aujourd’hui à un changement majeur : le passage de la prédominance de l’institution catholique à un contexte nouveau caractérisé par l’affirmation de l’autonomie croyante et du “croire sans appartenir”. Or, c’est bien dans ce terreau que le courant de l’église émergente progresse […] car il répond à des aspirations spirituelles qui ne se reconnaissent pas dans les pratiques classiques des institutions religieuses […] Le comportement “croire sans appartenir” est désormais une réalité centrale dans le paysage religieux français […]. C’est dire combien une offre alternative, telle que celle qui est proposée par l’église émergente, aurait toute sa place. Quoiqu’il en soit, rien ne peut arrêter une germination spirituelle 16. »

c. Son évaluation

L’église émergente séduit à cause de sa recherche d’authenticité, son absence de prétention, son ouverture d’esprit, son désir de rejoindre « l’autre » là où il est. Des pistes sont proposées mais non imposées : vous pouvez les utiliser « telles quelles » ou les modifier à votre convenance pour votre vie personnelle ou celle de votre église locale.

Toutefois, chaque médaille a son revers : le fait de ne pas vouloir juger les autres conduit vite à accepter le mal. La tolérance généralisée finit par rejeter tout absolu. L’ouverture sans esprit critique conduit au pluralisme et au syncrétisme.

Sans parler de réserves concernant la place de la psychologie dans la foi chrétienne, le reproche le plus sévère que l’on puisse faire au « courant émergent » est l’abandon des enseignements clairs et fondamentaux de la Bible. Celle-ci n’est plus considérée comme Parole de Dieu et base certaine et unique de la foi 17. Le message fondamental du christianisme est ainsi édulcoré ou tronqué au point de le rendre acceptable par des pécheurs impénitents 18. Il n’est, en revanche, plus acceptable pour ceux qui restent attachés à l’Évangile de notre Seigneur Jésus-Christ 19.

Pour ne choquer ou ne repousser personne, on occulte la notion de l’homme pécheur, perdu, éloigné de Dieu encourant sa juste condamnation et son jugement éternel. La repentance, la foi en Jésus-Christ mort et ressuscité, sa « substitution pénale » sur la croix, l’obéissance à la Parole de Dieu, deviennent des notions encombrantes. En effet, elles imposent des prises de position qui s’opposent à la pensée émergente : « accepter tout ce qui unit, rejeter tout ce qui divise ». Il ne faut plus ni croire ni dire que « Jésus est le chemin et que nul ne vient au Père que par lui » : cet absolutisme choque l’église émergente, il s’oppose à la vérité plurielle, puisque chacun peut et doit avoir son propre cheminement, ses propres expériences et ses propres convictions. C’est à juste titre que Brian McLaren appelle ces disciples de l’Église émergente « un nouveau genre de chrétiens » : ils ne remplissent plus les conditions fixées par la Parole de Dieu. Un christianisme où la croix de Christ n’occupe plus la place centrale que lui donne l’Écriture 20 peut être un christianisme sympa, attrayant, innovant et dynamique, il n’est, hélas, plus un christianisme biblique.

En conclusion

Personne ne peut nier l’évolution de la société et des mentalités ni la nécessité de tenir compte de cette réalité dans le témoignage chrétien. Mais avant de la rejoindre dans ses pratiques, dans ses convictions et dans ses paradigmes, il semble urgent de se poser quelques questions :

• L’évolution de la société va-t-elle dans le bon sens ? S’approche-t-elle ou s’éloigne-t-elle des principes divins ? Quels sont les fruits déjà visibles qu’elle porte ?

• Si la « rupture » de la Réforme au xvie siècle avait ramené à la Parole de Dieu, où la « rupture » de 1968 nous amène-t-elle ? Plus près ou plus loin de la Parole de Dieu ?

• Si l’homme est au centre des préoccupations de l’église émergente, quelle est la place de Dieu et de sa Parole dans cette « église » ?

Certains chrétiens pensent que le mal n’est pas si grand qu’on le dit et que l’on peut adapter une église émergente « à la sauce locale » en ne prenant que les bonnes idées et en ignorant le reste. N’est-ce pas, d’une certaine manière, apporter une caution à l’inacceptable 21 ? Une église ne peut-elle plus exister et vivre sans être, oui ou non, émergente ? Notre référentiel est-t-il encore la Bible ou déjà « l’église émergente » ?

L’église fidèle serait-elle privée des ressources divines au point qu’il nous faille tant de « ressources humaines » ? Notre Seigneur Jésus-Christ ne bâtirait-il plus son Église ? Ne la chérirait-il plus ? Ne la guiderait-il plus par son Esprit et par sa Parole ? Un authentique réveil ne se ferait-il plus par l’action de l’Esprit de Dieu appliquant la Parole de Dieu dans les consciences et dans les cœurs ? Le xxie siècle aurait-il besoin d’un christianisme différent de celui qu’ont connu les fidèles pendant 20 siècles ? D’une autre Bible ? D’un autre Jésus ?

À mon avis, l’église émergente n’est pas une nouvelle église au sens de l’Écriture, elle n’en est souvent qu’une caricature. C’est une sorte de groupe humaniste généreusement inspiré de la morale chrétienne. Elle a déjà bien des points communs avec l’église apostate de la fin des temps et, à défaut de l’être, elle a bien des atouts pour le devenir.

1Selon S. Grenz « la modernité est née après une longue période de gestation. Peut-être pourrions-nous dire que la Renaissance (XVIe siècle) fut la grand-mère de la modernité, sa vraie mère étant l’ère des Lumières (XVIIIe siècle) » (Cité par Alfred Kuen, Les défis de la postmodernité, Emmaüs, 2002, p. 24). Certains la font commencer à la Révolution française (1789) et cesser à la chute du mur de Berlin (1989).
2Encyclopédie Universalis, s.v. « Modernité ».
3« L’esprit moderne présuppose la connaissance comme certaine, objective et bonne. Elle est accessible à l’esprit humain » (Alfred Kuen, ibid., p. 20. La Bible dit : « Au commencement, Dieu » (Genèse 1.1), tandis qu’avec les humanistes, modernes ou postmodernes, on a toujours : « Au commencement, je ».
4Hugh McLeod, Secularisation in Western Europe, 1848-1914, London, Macmillan Press, 2000.
5Henri Mendras (sociologue et historien), La Seconde Révolution Française, 1965-1984, Paris, Gallimard-Jeunesse, 1994.
6Hugh McLeod, The religious crisis of the 1960s, Oxford, Oxford University Press, 1967, publié en paperback en 2010, p. 1.
7 Grâce à Dieu, ce constat ne concerne pas de nombreuses églises évangéliques.
8Ce terme est important : l’Église n’est plus l’ensemble des personnes converties, nées de nouveau, mais un espace qui offre des prestations répondant aux besoins d’un public potentiel.
9Jean Hassenforder , « Le courant de l’église émergente, un état d’esprit, un processus », 4 décembre 2004 sur le site de Témoins. URL : http://www.temoins.com/etudes/le-courant-de-leglise-emergente.-un-etat-desprit-un-processus.html (page consultée le 24 mai 11).
10En France, ce sont principalement les églises évangéliques qui sont concernées.
11En Amérique, le courant émergent préconise plutôt la multiplication de petites églises.
12« L’église émergente, ce n’est pas un modèle, mais un état d’esprit » (Michael Moynagh, Goodbye models, hello mindset, cité par Jean Hassenforder, cf. note 9). Voir aussi http://eglise-de-demain.hautetfort.com/archive/2010/08/25/dix-ans-d-eglise-emergente.html#more.
13« Mais me direz-vous, ce nouvel activisme théologique ne va-t-il pas générer des conflits nouveaux ? N’allons-nous pas assister à toutes sortes de schismes ? Oui, c’est très possible. Mais peut-être pas ! » (Brian McLaren, Réinventer l’Église, Valence, LLB France, 2006, p. 71).
14Jean Hassenforder, art. cité note 9.
15« À partir de la culture de sciences sociales présente à Témoins, un groupe de recherche a été créé en 1998, prenant l’appellation de “Chrétiens pour la recherche et l’innovation”. Depuis dix ans, cette recherche s’est développée sur un registre international ; elle vérifie, en particulier, l’hypothèse de la perte de pertinence de nombreuses pratiques d’église face à la mutation culturelle en cours. En regard, pour remédier au déphasage, des innovations apparaissent, porteuses de fruits. Parmi ces innovations, Témoins porte une attention particulière au courant de l’église émergente. » (Site Internet Témoins, « Qui sommes-nous ? ». URL : http://www.temoins.com/presentation-de- temoins/temoins-qui-sommes-nous.html (page consultée le 24 mai 2011).
16Jean Hassenforder, « Le courant de l’Eglise émergente. Dix ans de recherches », site Témoins, 9 août 2010. URL : http://www.temoins.com/etudes/le-courant-de-l-eglise-emergente.-dix-ans-de-recherches.html (page consultée le 24 mai 2011).
17Le chrétien postmoderne « relativise son propre point de vue moderne » en comprenant que « tout ce qu’il croit à propos de la Bible et du christianisme est seulement relatif et incertain ». « La Bible ne devrait pas constituer notre unique autorité mais seulement une parmi d’autres, comme la tradition, la raison, des personnes exemplaires, des institutions qui ont gagné notre confiance, et l’expérience spirituelle »; « La Bible n’est pas l’infaillible Parole de Dieu et aucune doctrine ou théologie n’est absolue, aussi devons-nous aborder la Bible de façon moins rigoureuse » (Brian MacLaren, A New Kind of Christian, Jossey-Bass, 2001, p. 35, 54s).
18« La théologie couvre toute la gamme depuis l’orthodoxie des temps anciens jusqu’au libéralisme hétérodoxe, construite à partir du refus postmoderne de la possibilité de connaître la vérité. » (Mark Driscoll, cité par David Brown dans son blog. URL: http://www.editionsfarel.com/blog_davidbrown/index.php?2008/02/15/2-differences-entre-une-eglise-evangelique-contemporaine-et-une-eglise- emergente (page consultée le 24 mai 11).
« La prédication de la croix est une folie pour ceux qui périssent. » (1 Cor 1.18)
19« Nous vous l’avons dit précédemment, et je le répète à cette heure : si quelqu’un vous annonce un évangile s’écartant de celui que vous avez reçu, qu’il soit anathème ! » (Gal 1.9 ; lire 6-10)
20« Car je [Paul] n’ai pas eu la pensée de savoir parmi vous autre chose que Jésus-Christ ,et Jésus-Christ crucifié. » (1 Cor 2.2)
21« De certains pasteurs novateurs on entend dire que ce n’est pas le message qui change, c’est juste le support. C’est très à la mode. C’est loin d’être vrai à cette époque de transition et va s’avérer absolument faux quand nous aurons atteint “l’autre côté”. » (Brian McLaren , Réinventer l’Église, p. 70).


Les réveils se font rares dans le protestantisme en Occident depuis trop longtemps… Est-ce que cela nous interpelle ? Que devrions-nous en penser ?

Un réveil est nécessaire après un état de sommeil ou de lassitude. Il se manifeste par une reprise d’activité plus ou moins vigoureuse. Une équipe jugée inerte au début d’une compétition peut finalement se réveiller et gagner !

Dans le domaine spirituel, le mot « réveil » concerne les individus ou les communautés. Sous l’influence de l’Esprit, une vitalité nouvelle se produit et l’inactivité, l’indifférence et le laxisme font place à un enthousiasme porteur de projets nouveaux. Pendant les périodes de sommeil, rien ne se passe ; avec le réveil, c’est-à-dire avec la conscience vive de la présence de Dieu, le désir et la vision d’accomplir de grandes choses en son nom surgissent et stimulent l’esprit d’initiative.

Les églises constituées de personnes spirituellement mortes ne connaissent pas de vrai réveil spirituel, car il n’y a en elles aucune vie à réveiller. Elles ont simplement besoin d’une vie nouvelle. Dans un réveil, la vie, présente mais inerte, s’embrase soudainement et se concrétise par un témoignage rayonnant. Le réveil touche d’abord la vie intérieure d’une communauté croyante et peut s’étendre, par la suite, à la conversion de personnes périphériques ou à des non-croyants. C’est uniquement par le renouveau des individus et le grand nombre de ceux-ci que le réveil peut arriver à atteindre la vie d’une société, comme cela s’est produit au xviiie siècle, dans l’Europe protestante et en Amérique du Nord.

L’anti-routine

Il y a donc réveil lorsque le Saint-Esprit accomplit une œuvre extraordinaire parmi les croyants. Illuminés par la grandeur de Dieu, par sa patience et sa grâce, convaincus, comme au premier jour, de sa vérité et touchés au plus profond d’eux-mêmes par son amour, les fidèles accomplissent un service et rendent un témoignage en plein essor, lesquels rompent avec la vie ordinaire de l’Église… Le réveil, c’est l’anti-routine de l’institution ecclésiastique, c’est ce qui interrompt son ronron.

Dire d’une personne ou d’une église qu’elle a besoin d’être réveillée implique un jugement négatif sur un « vécu » présent par rapport à un idéal, à une expérience passée, ou à un modèle biblique (comme celui de la Pentecôte). Ce jugement négatif est, cependant, tempéré par la crainte des excès de zèle, voire des débordements difficiles à contrôler, qui ont parfois caractérisé les réveils du passé. Aussi la question est-elle posée : la notion de réveil est-elle biblique ? Selon les tempéraments ou les expériences personnelles, on hésitera à répondre nettement et on préférera le terme de « réforme » à celui de « réveil », comme si la Réforme n’avait pas été le plus grand réveil de l’histoire de l’Église !

Le peuple de Dieu, tout au long de l’A.T., a connu des renouveaux sous l’influence des prophètes et de leaders fidèles comme les juges. Un des textes les plus évocateurs à ce sujet est celui d’Ésaïe 63.15 à 64.11, qui rend compte des errements du peuple loin de Dieu et de sa patience. Il exprime aussi l’aspiration humaine que l’on trouve à l’origine de tout renouveau religieux :

« Ah ! Si tu déchirais les cieux et si tu descendais, les montagnes s’ébranleraient devant toi. » (És 63.19)

Le réveil biblique est lié à l’ardeur avec laquelle on l’attend. Dans le N.T., les églises de l’Apocalypse semblent avoir assez vite perdu le souffle de la Pentecôte (Apoc 2.3) et sont exhortées à retrouver leur premier état, c’est-à-dire une vie saine de l’église selon le modèle des Actes. Actes 3 décrit l’événement de la Pentecôte comme une grande conversion du peuple de Dieu et laisse supposer que des périodes de « rafraîchissement » analogues interviendront jusqu’au jour où Jésus reviendra. « Repentez-vous donc et convertissez-vous pour que vos péchés soient effacés, afin que des temps de rafraîchissement viennent de la part du Seigneur, et qu’il envoie celui qui vous a été destiné, Jésus-Christ que le ciel doit recevoir jusqu’aux temps du rétablissement de toute choses » (Act 3.19-21). Ce texte laisse entrevoir que, dans le futur et jusqu’à la fin des temps, des renouveaux se produiront, des moments où l’Évangile sera proclamé non seulement en paroles « mais avec puissance, avec l’Esprit-Saint et avec une pleine persuasion » (1 Thes 1.5) comme c’était le cas durant le ministère de l’apôtre.

Ces textes suggèrent qu’il y aura des moments où le peuple de Dieu vivra dans l’oubli et dans l’ignorance de la puissance de la vérité, qu’il y aura des temps où un retour à la prédication de la conversion sera nécessaire et où il faudra chercher à nouveau la présence du Seigneur. L’Église a connu des hauts et des bas, mais Dieu est intervenu pour la maintenir en vie. C’est à ces moments extraordinaires que sa vie est spirituellement renouvelée et qu’elle progresse dans son témoignage. Un champ a besoin d’une pluie régulière, mais un arrosage d’appoint favorise une récolte plus abondante. Les réveils sont le résultat de cette intervention de Dieu lorsqu’il inonde son peuple de bénédictions.

Attente et prière

Le réveil est la conséquence d’une attitude d’attente et de prière « par l’Esprit » c’est-à-dire une prière constante (Éph 6.18), en forme de lutte avec Dieu dans la nuit des incertitudes, comme celle de Jacob, afin de recevoir une bénédiction. Mais le surgissement du réveil ne dépend que de Dieu et de son intervention, qui est inattendue et parfois inespérée. Les endroits où les réveils se produisent, par l’ironie de Dieu, sont souvent des lieux sans prestige, inconnus. Non pas Notre-Dame de Paris, l’Abbaye de Westminster ou St-Pierre de Rome, mais Wittenberg, Cambuslang en Écosse, les vallées minières du Pays de Galles, Northampton dans la Nouvelle-Angleterre, les bourgades de la Drôme ou des Alpes, Séoul et des îles perdues en Indonésie.

Les réveils soulignent ainsi l’impuissance de l’homme seul, même s’il se pare des apparences magnifiques du formalisme religieux. S’il recherche Dieu, il peut s’attendre à de grandes choses. En conséquence, il est clair que les tentatives faites pour organiser et programmer des réveils depuis plus d’un siècle se sont fourvoyés. Entre le « réveil » et le « revivalisme » qui s’efforce d’organiser l’intervention divine par des campagnes et des statistiques, il existe une différence majeure. Le réveil est inattendu. L’homme ne peut ni le commencer ni l’arrêter : il est une manifestation de la puissance de l’Esprit. L’Église est incapable de provoquer un réveil, mais elle peut en favoriser la venue en remplissant deux conditions : l’attendre avec ardeur dans la prière et veiller à ce que l’enseignement qu’elle dispense et sa prédication honorent la croix du Christ. Cela se vérifie historiquement.

En tant que fidèles, il nous appartient donc de bien prendre la mesure de notre responsabilité individuelle et collective.


Sur le thème controversé des églises dites « émergentes », l’ouvrage que nous présentons a été publié en 2005 dans sa forme originale1. Étant donné l’évolution actuelle de la mouvance émergente, et la radicalisation des points de vue de ses partisans les plus en vue (voir par exemple l’ouvrage de Brian McLaren A New Kind of Christianity: Ten Questions That Are Transforming the Faith, HarperOne, 2010), la pertinence des analyses et des avertissements de D.A. Carson se trouve confirmée. Les propos qui suivent ne sont qu’une brève incursion dans l’œuvre abondante et toujours bien documentée d’un auteur qui reste l’un des théologiens évangéliques éminents de notre temps.

D.A. Carson ne prétend pas décrire de manière exhaustive tout le mouvement émergent, dont les frontières sont changeantes et imprécises (p.7). Ce courant, né au début des années 1990 aux États-Unis, continue d’influencer de nombreux leaders chrétiens désemparés par notre civilisation « postmoderne » et soucieux de voir leurs églises rester en phase avec notre époque. Carson juge donc nécessaire d’aborder la question honnêtement. Parcourons quelques points importants de son ouvrage.

Portrait de l’Église émergente (p.9 et ss.)

Le terme « émergent » s’applique généralement à des églises qui ont en commun la préoccupation d’offrir un témoignage adapté à la mentalité postmoderne. Elles ont pour initiateurs des hommes qui très souvent avaient déjà pris leurs distances par rapport aux églises traditionnelles (évangéliques, fondamentalistes, conservatrices) jugées rétrogrades. Ces transformateurs de l’Église en sont venus à la conviction qu’il leur incombait d’ « émerger » de ce qu’ils ressentaient comme un ghetto doctrinal, ecclésial, social et économique. En conséquence, ils ont aussi voulu se démarquer des modèles de croissance de l’Église inspirés du marketing et du matérialisme (dans le style de la Communauté de Willow Creek ou des méga-églises des États-Unis où priment les idées de rendement et d’efficacité). Ils s’efforcent d’aborder les non-croyants en toute simplicité, sans masque. Au lieu d’apporter un Évangile bétonné dans les doctrines ou aligné sur les techniques du monde du spectacle, ils cherchent à communiquer leur foi de manière informelle, en partageant leurs expériences dans une relation d’amitié et de transparence. Ils justifient ainsi ce changement de perspective : le monde est devenu postmoderne, il ne comprend plus les catégories de la modernité héritées des Lumières. Une nouvelle approche s’impose, moins rationaliste, plus ouverte à la diversité, à la convivialité, à l’expérience subjective. Il faut renoncer à penser en termes de vérité unique et absolue, s’ouvrir aux échanges entre les multiples réalités individuelles.

Le culte « émergent » reflète cette nouvelle orientation : prédominance du relationnel et du sensoriel (cierges, encens, symboles visuels), porte ouverte au « mystère », reprise (surprenante) d’anciens rituels, témoignages et histoires partagées, prédications non didactiques, le tout dans un cadre aussi neutre et convivial que possible.

Les tenants du mouvement émergent font valoir que la Réforme a elle aussi dû rompre avec l’Église officielle de son époque pour revenir à la foi authentique. Carson fait remarquer que ce parallèle est fallacieux : les Réformés ont tout fait pour remettre à l’honneur le message biblique original parce que l’Église de leur temps le bafouait ; les partisans du mouvement émergent sont surtout motivés par le désir de rendre l’Évangile compatible avec les modes de fonctionnement de la culture ambiante.

Les Églises émergentes à l’écoute des signes des temps (p.55 et ss.)

La civilisation occidentale moderne, depuis la deuxième moitié du XXe siècle, doute de son identité, de ses propres valeurs, quand elle ne les renie pas. Diverses crises l’ont amenée à chercher de nouveaux paradigmes, une nouvelle moralité ; ses attentes l’entraînent vers des formes de spiritualité plus « exotiques », vers une sensibilité affranchie de la rigueur intellectuelle, sans parler d’autres mutations.

Selon les chrétiens émergents, à moins d’une adaptation rapide à la nouvelle donne, l’Église va perdre toute influence. L’Église serait bien avisée de prendre en compte la dimension multiculturelle de notre monde globalisé ; l’exemple de l’apôtre Paul se faisant tout à tous, et adaptant sa manière de prêcher à la culture de ses interlocuteurs doit nous inspirer dans ce sens. Prenons conscience des limites que notre culture « cartésienne » a introduites dans notre compréhension de la Parole, et cherchons à les dépasser.

Certains penseurs émergents (M. Yaconelli, G. Tomlin par ex.) estiment que des églises qui se contentent d’une vie communautaire formelle, sans joie ni piété véritables, sans relation vivante avec Dieu, sans communion profonde entre « frères » chrétiens, n’ont aucun avenir. Carson les approuve jusque là. Mais il ajoute qu’il n’est pas nécessaire de se faire « émergent » pour connaître une vie d’église dynamique, saine, biblique et convaincante (p. 68, 69).

La culture moderne vue par les églises émergentes (p.71 et ss.)

En faisant remonter les tares de la société moderne2 à l’influence des Lumières et du rationalisme, beaucoup de penseurs émergents rendent suspect ce qui, dans notre mode de vie actuel, est tributaire de la science, de la technique, de l’économie etc., c’est-à-dire de tous les domaines fondés sur un recours prioritaire à la raison. Or, selon eux, la théologie et le témoignage des chrétiens ont aussi été compromis par cet hyper-intellectualisme. D’où une dénonciation de la tendance des églises évangéliques classiques à l’absolutisme, à la rigidité doctrinale, au formalisme. Le salut de l’Église actuelle passerait donc par une déconstruction3, par une redéfinition des termes et des doctrines bibliques.

De manière perspicace, Carson démontre que le diagnostic émergent est réducteur : le monde occidental, depuis le XVIIIe siècle, n’a de loin pas toujours privilégié le rationalisme pur et dur. Les mouvements empirique, romantique, symboliste, ou existentialiste sont là pour le rappeler, tout comme les noms de D. Hume, E. Kant, F. Schleiermacher, S. Kierkergaard, F. Nietzsche, J-P. Sartre, J. Derrida, R. Rorty. Par ailleurs, la postmodernité a hérité de traits essentiels de la pensée moderne (dont le culte de l’homme autonome et libre4). De plus, les émergents sont dans l’erreur lorsqu’ils suggèrent que le mouvement évangélique des siècles précédents n’a fait que se conformer au courant absolutiste et rationaliste : les exemples de C. H. Spurgeon, de J. Wesley, de G. Whitefield, de F. Schaeffer suffiraient déjà à démontrer que des croyants évangéliques, tout en se réclamant d’une doctrine solidement appuyée sur la Parole, ont su vivre leur foi de manière fervente et authentique. Les évangéliques ont même constitué l’une des principales forces de résistance à la théologie rationaliste libérale, ennemie de tout surnaturel. Enfin, la « post-modernisation » de l’Évangile risque évidemment de le vider de sa substance, car les tendances lourdes de notre société pluraliste proscrivent tout credo clairement formulé, de portée universelle, et proclamant Jésus comme seul Sauveur, Seigneur et Médiateur entre Dieu et les hommes.

En bref, l’analyse des leaders émergents pèche par un usage excessif d’antithèses qui ne correspondent pas aux faits historiques. On ne peut opposer l’époque moderne (qui du reste commence avant les Lumières) aux temps postmodernes comme si l’on passait de la nuit au jour. Il y a eu des ombres et des lumières à toute époque, et le combat pour l’authenticité de la foi est un enjeu permanent. En recourant à des antithèses aussi radicales, les partisans de l’émergence démontrent un absolutisme et une intolérance au moins aussi virulents que les travers qu’ils dénoncent. Carson rappelle que les Lumières, qui ont emprunté certains de leurs idéaux au christianisme, ont laissé des traces positives (idéal démocratique, exigences de justice et d’équité sociale, conquêtes utiles de la science, etc.), mais il reconnaît volontiers que de mauvais fruits ont aussi germé de leur message, tant il est vrai que tout système de pensée qui s’affranchit de l’autorité de la Parole divine joue avec le feu.

La postmodernité vue par Carson et par les Églises émergentes (p.115 et ss.)

Carson reconnaît une part de vérité dans la critique adressée par la postmodernité aux excès du rationalisme. Le rêve de la Raison triomphante est une hérésie. Il faut voir en l’homme un être fini, incapable d’omniscience, souvent porté au mauvais usage de ses connaissances. L’Occidental fier de ses accomplissements se trompe en méprisant des cultures où la logique a moins de place (voir p.136-138). Cependant, notre finitude et nos égarements ne prouvent pas qu’il soit impossible de rien connaître de la réalité. Pour Carson, le relativisme moral, religieux et intellectuel du postmodernisme doit être considéré comme absurde, intenable. Ce ne sont ni la finitude de l’homme ni son péché qui doivent constituer notre horizon ultime, mais bien la souveraine sagesse et volonté de Dieu, qui veut sauver l’homme (cf. p. 138-167).

Certains auteurs émergents se fendent parfois d’une critique virulente des thèses postmodernes radicales (voir p. 169-212), comme s’ils s’évertuaient à conserver un minimum d’acquis de deux mille ans de christianisme. Ainsi se réfèrent-ils à la Tradition (sans que l’on sache exactement ce qu’ils souhaitent en garder). Ils se disent conscients des excès de l’antirationalisme. Ils prisent particulièrement certaines tranches de l’Écriture (les récits, les paraboles, les Évangiles par exemple). En pratique, ils trahissent pourtant le message de celle-ci, et gomment le témoignage de la plupart des vrais croyants des siècles passés. En voici quelques raisons :

–  les penseurs émergents accordent une place excessive à l’expérientiel, aux images subjectives, au « mystère », au détriment d’un enseignement biblique objectivement et clairement dispensé ;

en cherchant à reformuler l’Évangile en des termes qui ne fassent aucune concession au rationalisme moderne, ils se privent souvent d’une lecture simple, naturelle et constructive de la vérité révélée ;

en évitant les références à la Vérité absolue, en refusant tout prosélytisme, en se cachant que les religions non bibliques mènent à l’idolâtrie, ils noient l’enseignement biblique dans le relativisme ;

en opposant la doctrine biblique à la vie, à l’authenticité, à la liberté, aux relations humaines franches et chaleureuses, ils se coupent de la véritable source de la foi et de la meilleure motivation à entrer dans des rapports humains selon le projet de Dieu ;

en s’insurgeant contre l’exclusivisme du christianisme traditionnel, il font preuve à leur tour d’un exclusivisme farouche et intolérant à l’égard de ceux qui ne les suivent pas.

Carson termine par deux exemples qui illustrent ses critiques du mouvement émergent : le livre de Brian McLaren : A Generous Orthodoxy, et celui de Steve Chalke et Alan Mann : The Lost Message of Jesus (p.213-254). L’auteur montre à l’évidence que ces ouvrages adulés au sein de la mouvance émergente passent à côté de doctrines capitales de l’Écriture, les détournent de leur sens évident, ou même en parlent d’une manière blasphématoire. L’éthique biblique est aussi mise à mal, la pratique homosexuelle étant quasiment légitimée.

Last but not least

Fort à propos, le livre se termine par deux chapitres (p.255-318) qui apportent un riche enseignement biblique sur la question des fondements de la foi, sur la vérité et l’expérience, sur les sources de la vraie connaissance, et sur le problème du pluralisme. Au lecteur d’y puiser pour se convaincre que l’évaluation de Carson est honnêtement soutenue par la Révélation.

Recension : Claude-Alain Pfenniger

1 Becoming conversant with the Emerging Church, Zondervan, Grand Rapids, Michigan 49530, 2005. La traduction française est basée sur l’œuvre originale anglaise (Éditions Impact, Publications Chrétiennes Inc., 230, rue Lupien, Trois-Rivières (Québec) G8T 6W4, Canada, 2008).
2Au nombre de celles-ci, selon Brian McLaren : l’esclavage, le colonialisme, l’impérialisme, le communisme, le nazisme (cf. p.91).
3La déconstruction (le terme est du philosophe allemand M. Heidegger, 1889-1976) est généralement associée à certains philosophes français en vogue dans les années 1960 : M. Foucault, P. Bourdieu, J. Derrida, J. Lacan. Ceux-ci sont connus pour leurs grandes remises en question de la métaphysique, du rationalisme et de l’humanisme classiques, et leur horreur de toute vérité absolue, donc de Dieu. Il est curieux de constater que les penseurs émergents reprennent plusieurs concepts de cette école (voir p. 133 et les pages plus techniques que Carson consacre à l’épistémologie émergente et au perspectivisme), tout en se défendant d’adopter leurs conclusions athées.
4Ce qu’avançait G. Lipovetsky il y a presque 30 ans reste d’actualité : la seule valeur qui demeure est « l’individu et son droit toujours plus proclamé de s’accomplir à part ». (in L’Ère du vide, Gallimard, 1983)


MEDITATION

La vie n’a pas été facile pour Mephibosheth. Alors qu’il était enfant, un accident l’a rendu handicapé à vie. Le même jour, son père Jonathan et son grand-père Saül, roi d’Israël, sont morts au combat.

Il a des raisons de se faire du souci lorsqu’il apprend que David, nouveau roi, le recherche : le nouveau roi a coutume d’éliminer totalement la famille de son prédécesseur. Le roi David décidera cependant ceci : « Mephibosheth mangera à ma table comme un des fils du roi » (2 Sam 9.11). Quelle a dû être sa surprise lorsqu’il comprend pourquoi David le recherche : le roi veut lui faire du bien à cause de Jonathan son père ! Mephibosheth est convié à sa table tous les jours, il est élevé au rang de fils du roi !

N’est-ce pas ainsi que Dieu agit encore envers les hommes ? Alors que nous étions loin de lui, des boiteux de la vie sans raison d’espérer quoi que ce soit de sa part, Dieu nous cherche, nous trouve et nous offre cette relation avec lui par Jésus-Christ (le descendant de David). Il pourvoit à nos besoins et, mieux encore, il nous élève au rang de ses propres enfants !

Comme Mephibosheth l’a reçu de David, apprenons à répondre à cette invitation divine, recevons ce qu’il veut nous donner : sa paix, sa joie et une espérance à laquelle nous accrocher tout au long de notre vie.


« Mais si quelqu’un possède les biens du monde, voit son frère dans le besoin et lui ferme ses entrailles, comment l’amour de Dieu demeure-t-il en lui ? Petits enfants, n’aimons pas en paroles et avec la langue, mais en action et avec vérité. »
1 Jean 3.17-18

Dans ces deux versets, Jean présente le thème de l’amour qu’il a introduit peu avant (3.10) et qu’il développera dans la suite (4.1-12). Le verset précédent (v. 16) donne en exemple le Seigneur Jésus. « Donner sa vie pour ses frères » (v. 16) a le sens de considérer les intérêts des autres plutôt que le sien. Il est clair que, au sens littéral, nous aurons rarement l’occasion de mourir pour quelqu’un. C’est pourquoi Jean parle ensuite de l’expression pratique de l’amour par ceux qui possèdent des biens et qui viennent en aide à ceux qui n’ont rien. Donner sa vie signifie alors « donner de ses biens ».

Ces deux versets parlent de l’application pratique de l’amour et de sa conclusion logique : le véritable amour (v. 17) consiste à assister le nécessiteux (v. 18). Telle est la preuve de l’amour selon Dieu. Reprenons plusieurs expressions de ces versets pour les détailler.

« Mais »

Jean montre par un exemple typique ce que ne doit pas être la conduite d’un vrai croyant qui, n’étant pas dans le besoin, ignore celui qui est réellement dans le besoin. Le mot traduit par « mais » marque le contraste frappant entre deux attitudes :

– d’une part, le dévouement poussé jusqu’à l’extrême (v. 16),

– d’autre part, une sécheresse de cœur indigne même d’un homme du monde !

« Quelqu’un »

Le pronom indéfini, joint à l’emploi du subjonctif grec, suggère une situation qui peut généralement arriver.

« Les biens du monde »

L’expression grecque (ton bion tou kosmou) signifie littéralement « les moyens d’existence de ce monde ». Elle désigne les aspects extérieurs de la vie, comme la nourriture, le vêtement, l’argent, qui aident à maintenir la vie. C’est l’ensemble des moyens de vie, mais cela ne sous-entend pas forcément de grandes possessions (cf. Marc 12. 44).

« Vois son frère dans le besoin »

Le verbe utilisé, thêorê, suggère plus qu’un simple coup d’œil ! Jean ne semble pas faire allusion à un regard indifférent, qui n’enregistre rien dans l’esprit de celui qui observe. Il parle ici d’un regard avisé, qui permet de bien saisir la situation de l’autre. C’est également une des caractéristiques de Jésus-Christ, notre Maître : les besoins des hommes exerçaient sur lui une attraction irrésistible. Il convient de noter qu’il n’est pas question des frères en général, mais d’un frère en particulier qui se trouve dans le besoin. Les besoins peuvent être matériels et corporels tout comme moraux et spirituels : le pauvre est celui qui n’a pas de maison ou d’argent, mais aussi celui qui est seul, qui manque d’affection, etc.

« Il lui ferme ses entrailles »

L’expression signifie qu’il ne manifeste pas de la miséricorde envers lui. Le mot grec rendu par « entrailles » désignait pour les Grecs le siège des émotions, et le siège de la miséricorde pour les Juifs (cf. Gen 43.30). Ici, comme souvent ailleurs dans le N.T., ce mot exprime la compassion. Il suggère un profond intérêt émotionnel ou une chaleureuse sympathie, une miséricorde active. Jean fait allusion à celui qui se figure qu’il lui coûterait trop cher d’aider son frère et qui décide de lui « fermer ses entrailles ».

La question que pose Jean engendre la réaction suivante : une telle personne n’a pas l’amour de Dieu en lui. Il convient ici de relever une ambiguïté, peut-être intentionnelle, de l’auteur. En effet, l’expression « l’amour de Dieu » peut se comprendre en grec de plusieurs façons :

– D’abord, l’amour qui vient de Dieu. Il s’agit d’une réelle expérience de l’amour divin, et qui doit se manifester à son tour envers les autres.

– Ensuite, il peut s’agir de l’amour pour Dieu. Un véritable amour pour le Seigneur doit également s’exprimer dans un amour concret pour les enfants de Dieu.

– Finalement, le troisième sens peut être celui de l’amour comme celui de Dieu.

Partant de la comparaison faite avec Christ (cf. v. 16), il pourrait être question d’un amour comme celui de Dieu. Dans le passage parallèle de 1 Jean 4. 20, le principe est encore plus explicite : Jean parle clairement de l’amour du croyant pour Dieu, ce qui cadre bien avec la deuxième possibilité. Ces divers sens se complètent plus qu’ils ne s’excluent. En tous les cas, celui qui n’aime pas son frère d’une manière pratique ne connaît rien de l’amour de Dieu. En effet, le fidèle en qui l’amour de Dieu demeure, aime son prochain, car c’est un feu qui réchauffe l’être tout entier et consume ce qui risquerait de s’y opposer.

Finissons par le verset 18. Jean utilise une fois de plus une expression d’amour dans sa relation avec ses lecteurs, qu’il appelle teknia (« petits enfants »). Il les convie à manifester leur amour d’une manière concrète : « Petits enfants, n’aimons pas en paroles ni avec la langue ». Il faut un acte, et pas seulement des expressions de sympathie. Comme le précise Jacques, « si un frère ou une sœur sont nus et manquent de la nourriture de chaque jour, et que l’un d’entre vous leur dise : Allez en paix, chauffez-vous et rassasiez-vous ! Et que vous ne leur donniez pas ce qui est nécessaire au corps, à quoi cela sert-il ? » (Jac 2. 15-16)

La vérité (fin du verset) refuse que l’amour reste superficiel. L’amour ne doit pas se contenter d’une simple apparence mais être ancré dans la réalité. Tel est l’amour qui répond à l’amour de Dieu manifesté en Christ. Le véritable test de l’amour n’est pas la profession verbale qu’on peut en faire.

Ainsi, l’idée principale du verset 17 est l’action qui s’impose. Jean condamne celui qui ferme ses entrailles à son frère nécessiteux, mais approuve l’attitude de celui qui agit comme le fit le bon Samaritain qui fut ému de compassion en voyant le voyageur blessé (Luc 10.33).


Ce que j’apprends de positif de l’église émergente

– Ils ont probablement raison de penser que le monde évangélique traditionnel est devenu plus théorique et théologique que pratique.

– Il n’y a rien de mal à s’exprimer dans la langue de sa culture.

– Ils veulent un culte qui s’appuie sur davantage de concret. J’avoue le désirer aussi, parfois. Ce que je crois comprendre, c’est qu’ils voudraient une adoration de type charismatique sans en adopter toutefois la théologie. Leur position de base est une sorte de flou, à mi-chemin entre l’univers charismatique très émotionnel et le froid des évangéliques conservateurs à la théologie rigide.

– Il y a du vrai dans le fait que des instituts bibliques traditionnels n’ont pas enseigné aux pasteurs à être pasteurs mais plutôt à prêcher. Cela a pu favoriser l’apparition de certains pasteurs émergents. Nous devons être plus impliqués dans la vie des gens.

– Ils prennent le temps de lire ce qui concerne leur culture, activité qu’ils définissent comme étant « missiologique ». Les traditionalistes ne font que lire la Bible, activité qu’ils définissent comme étant « théologique ». Il serait probablement plus sain de pratiquer un certain équilibre : étudier de manière rigoureuse la Parole tout en nous intéressant à notre culture. Évitons les extrêmes. Soyons « biblico-culturologique » (terme que j’invente).

– Ils ont soif d’adoration et de spiritualité : voilà un désir qui, dans nos milieux, manque de vie et d’expression et peut même paraître mort à certains moments. Nous craignons d’exprimer nos émotions comme si c’était un péché.

– Notre évangélisme traditionnel : une théologie surtout, mais faible au moment de l’appliquer dans le ministère. Leur évangélisme pragmatique : une pratique surtout, mais faible au moment de la fonder théologiquement. Le danger serait de retomber dans une de leurs expressions incomplètes de la foi. Encore une fois, cela devrait nous pousser à harmoniser la théologie et la pratique.

Ce que je perçois comme négatif dans l’église émergente

– Définir ce qu’est l’Église émergente est très difficile, et c’est précisément le problème de tout mouvement postmoderne : leur apparition est précisément liée au désir de se démarquer des concepts traditionnels. La vérité scripturaire énoncée en est affaiblie. Je crois même pouvoir dire que la vérité biblique devient très relative et sujette à être redéfinie. Leurs pensées sur des questions théologiques semblent fuyantes et difficiles à cerner.

– J’ai souvent l’impression qu’il ne s’agit que d’un reconditionnement de christianisme dans un emballage plus « cool ». Le vocabulaire est nouveau, il fait plus jeune et dans le vent, tout comme le fait de remplacer les chaises de l’église par des canapés rend la chose avant-gardiste. Ces pratiques affaiblissent le christianisme. Ceci dit, utiliser des canapés plutôt que des chaises, est-ce fondamentalement mauvais ? Non. Mais il se pourrait qu’ils aient tort de vouloir reconditionner la vérité au point de la modifier.

– Ils fuient toute confrontation. Tout le monde est accueilli, et il semble qu’il y ait un refus d’affronter le péché, alors que les prophètes de l’A.T. l’affrontaient courageusement avec aplomb. Mark Driscoll fait exception à cette règle. Il ose clamer la vérité en termes de « tout noir ou tout blanc ».

– Est-ce tout simplement une théologie emballée pour la rendre agréable et acceptable par le monde et ceux qui n’ont pas la foi ?

– Ils ont tendance à critiquer l’enseignement traditionnel des instituts bibliques.

– Leurs pasteurs se posent des questions théologiques à partir de la pratique et non de manière abstraite. Le problème, c’est qu’ils semblent induire leurs réponses théologiques en se fondant plus sur leurs opinions pratiques que sur la Parole de Dieu, ce qui est dangereux.

– Ils peuvent pousser leur désir de « mystère » un peu trop loin. Ils veulent une « vue plus dégagée de la part de la théologie », ce que l’on peut interpréter pour un « changement de théologie », c’est-à-dire un éloignement de la position du christianisme historique.

– Le mouvement semble dériver vers une théologie abstraite, où ce qui fait autorité ne vient pas de la Parole de Dieu mais de l’argumentation rationnelle et d’une apologétique faisant appel aux preuves externes (archéologie, réalisations de prophéties messianiques, etc).


David est plusieurs fois appelé le « berger » du peuple d’Israël (Ps 78.71-72). Il est ainsi le précurseur du bon Berger. Ceux qui ont une place de responsabilité dans l’Église sont aussi appelés à être pasteurs à leur tour (Jér 17.16 ; 1 Pi 5.1-5). De ce fait, l’histoire de David est bien apte, encore aujourd’hui à donner quelques indications utiles pour conduire le peuple de Dieu.

Cependant, la lecture et l’interprétation des livres historiques sont particulièrement délicates. Le N.T. indique clairement que ces livres contiennent un enseignement moral pour nous, aujourd’hui (1 Cor 10.11 ; Rom 15.4). Néanmoins, cet enseignement est rarement explicite et le texte ne donne pas souvent la façon dont Dieu apprécie les événements et les comportements des personnages[note]Voir cependant 2 SAm 11.27b : mais même sans ce commentaire, on se serait un peu douté que la conduite de David était répréhensible ![/note]

De plus, s’y ajoute une distance temporelle et culturelle importante.

Tout cela incite à être prudent dans nos interprétations et à laisser place pour d’autres applications que celles proposées ici.

A. AVANT SON ACCESSION AU TRÔNE

Un potentiel

Dans les entreprises, se développent les « Comités de Développement de Carrière » (CDC) où les dirigeants essaient d’identifier les futurs leaders de l’entreprise en détectant les « potentiels ». Mais Dieu n’était pas d’accord avec le CDC que Samuel entreprend à Bethléhem (1 Sam 16.7). Dieu regarde au cœur, et il voit chez David des qualités de cœur pour son Dieu que sa vie lui permettra d’exprimer.

David a des dons naturels évidents : physiques (1 Sam 16.12a,18), musicaux (1 Sam 16.18), etc.

( Nos dons naturels sont à mettre au service de leur Donateur.

David est le huitième de sa fratrie et apparemment méprisé par ses frères. Ce n’est pourtant pas un obstacle dans sa vie ultérieure : il n’a pas été traumatisé par une enfance sans doute difficile.

( Dieu peut se servir valablement de toute personne, quels qu’aient pu être ses antécédents.

Un choix divin

– David était le roi selon le cœur de Dieu (1 Sam 13.14 ; 16.12b). Le choix de Samuel venait directement de Dieu.

( Dans le NT, Dieu « a établi dans l’Église » des personnes qu’il a qualifiées en vue de certaines fonctions (1 Cor 12.28). Le choix est divin, mais le chrétien doit accepter la place que Dieu lui donne : les deux vont de pair.

– David a reçu une onction particulière : « L’Esprit de l’Éternel saisit David, à partir de ce jour et dans la suite. » (1 Sam 16.13)

( Plus qu’autrefois, l’Esprit habite aujourd’hui en chaque croyant et le qualifie pour un service : si ce n’était son action directe pour nous permettre de remplir notre mission, nous ne pourrions pas y faire face.

– Peu après, David est amené à faire état de ses victoires secrètes quand il était berger (1 Sam 17.34-36). Son témoignage des luttes remportées est crédible, car Saül n’hésite plus à l’envoyer.

( Le choix divin qualifie, mais il ne peut aller qu’avec une préparation personnelle qui passe par des victoires remportées dans le secret.

Une reconnaissance publique

Par Jonathan : David a vaincu Goliath. Jonathan, immédiatement après, s’attache à lui (1 Sam 18). Cet attachement sera plus fort que les manœuvres de Saül (1 Sam 20 ; 23). Jonathan aurait pourtant pu prendre ombrage des succès de David : il en avait lui-même remporté autrefois (1 Sam 14) et il était l’héritier naturel du trône ; mais il reconnaît le leadership de David et s’y soumet avec joie.

( La reconnaissance publique par d’autres responsables est indispensable pour que le leader puisse y jouer son rôle (Gal 2.9).

Par le peuple : Le peuple « aimait » David (1 Sam 18.16).

( Le leader doit susciter l’affection de ceux qu’il est chargé de guider et cette affection vient naturellement si les gens sentent qu’il veut et cherche leur bien, et s’intéresse à eux. Il est reconnu par les membres de son église locale (1 Thess 5.12).

Par Mical : Elle aussi aime David (1 Sam 18.20,28). David devient le gendre de Saül.

Une transition difficile

Mettons-nous à la place de Saül : il n’est pas facile de voir un jeunot avoir plus de succès que soi, de devoir laisser la place qu’on occupait depuis des années, etc. Saül en nourrit de la jalousie. Il se montre égocentrique. Il veut garder le pouvoir.

Il peut arriver que notre service soit contesté par quelqu’un qui s’accroche à sa fonction et perd de vue que le troupeau n’est jamais le sien, mais celui de Dieu.

David n’anticipe cependant pas le temps de Dieu : deux fois en position de tuer facilement Saül, il s’en défend vivement et refuse de porter la main sur celui qu’il considère toujours comme « l’oint de l’Éternel » (1 Sam 24 ; 26).

( Apprendre la patience pour attendre son temps est un exercice difficile, mais il permet d’acquérir une crédibilité qui, autrement, est entachée.

David en profite pour grandir : en témoignent les semaines passées auprès de Samuel à Naioth (1 Sam 19.18). L’expérience et l’influence du pieux conducteur durent être très bénéfiques au jeune David.

( Si notre service subit un contretemps, c’est peut-être une bonne occasion pour forger notre caractère par la patience, pour étudier plus, pour approfondir notre vocation, etc.

Un leader

Il sait faire avec le peuple qu’il a : le ramassis de personnes qui s’agglutinent autour du fugitif en 1 Samuel 22.1-2 est loin de l’armée d’élite que David aurait pu souhaiter, mais il va s’occuper d’eux et en faire une troupe d’élite.

( Dans nos églises, nous aimerions bien n’avoir que des frères et des sœurs matures, fondés dans l’Écriture, engagés dans le service, équilibrés, etc., et nous avons affaire à des « bras cassés » qu’il nous faut aider, à des « bébés dans la foi » qui nécessitent des soins constants, etc. Sachons ne pas nous décourager, mais amener ceux qui nous sont confiés à grandir.

Il ne refuse pas les recrues de choix : Abiathar a vu sa famille sacerdotale décimée et rejoint David avec l’éphod qui servait à interroger Dieu (1 Sam 22.20-23 ; 23.9). Il lui sera particulièrement utile dans ce temps d’errance.

( Sachons apprécier les chrétiens de qualité que Dieu met sur notre chemin et utiliser leurs talents.

Il sait susciter les vocations : quand il s’agit d’accomplir une mission dangereuse dans le camp ennemi, David pressent deux de ses lieutenants (1 Sam 26.6), tout en laissant le choix. Abishaï se décide et David profitera de l’escapade pour lui montrer un magnifique exemple de grâce (1 Sam 26.8-11).

( Enseigner la grâce à de plus jeunes qui nous suivent est sans doute la plus grande leçon que nous puissions leur donner.

Il sait partager avec équité : les guerriers victorieux des Amalécites ne voulaient pas partager le butin avec leurs frères trop fatigués pour aller jusqu’au bout. David, au contraire, édicte un principe d’égalité qui sera maintenu dans la suite (1 Sam 30.24).

( De même, Paul indique l’importance, dans le corps de Christ, d’avoir un « égal soin les uns des autres » (1 Cor 12.25). Le leader dans l’église devra être particulièrement attentif à ce que ce soit le cas, tant de sa part que de celle des autres.

Un écart

Il est triste de lire la compromission de David chez les Philistins d’Akish (1 Sam 27). Il est obligé de biaiser vis-à-vis de son hôte.

On peut bien penser que les dissimulations et les mensonges de David produiront des fruits amers bien plus tard : il est fort possible que la conduite de David ait influencé Absalom, qui agira envers son père de cette manière.

( Notre exemple parle plus fort que nos paroles, dit-on souvent — à raison. Un manque de droiture peut avoir des conséquences dramatiques dans l’avenir. Aussi exerçons-nous à être « irréprochables » (1 Tim 3.1).

Mais, une fois au bout de ses possibilités humaines, David se tourne rapidement vers Dieu. Quand ses soldats parlent de le lapider, il se fortifie instantanément en son Dieu (1 Sam 30.6).

( Un leader peut chuter, mais il sait se relever (Pr 24.16), sans rester paralysé par le poids de son écart. Pierre en sait quelque chose : une fois revenu de son reniement, il pourra continuer à être utile en affermissant ses frères (Luc 22.32).

B. APRÈS SON ACCESSION AU TRÔNE

Son intelligence des situations

Vis-à-vis des anciens de Juda : David, victorieux des Amalécites, envoie immédiatement un cadeau à ceux qui l’avaient soutenu dans son errance (1 Sam 30.26). Il sait être reconnaissant.

Vis-à-vis des gens de Jabès : ces courageux transjordaniens vont chercher les corps de Saül et de ses fils. David, dès qu’il l’apprend, les en félicite (2 Sam 2.5), sans montrer d’esprit de revanche par rapport à ceux qu’il aurait pu considérer comme des soutiens pour la dynastie ennemie. Au contraire, il prépare l’avenir.

Lors de la mort d’Abner (2 Sam 3) : face au meurtre indigne du chef de l’armée adverse, David montre immédiatement son refus de telles pratiques et accorde des funérailles nationales à Abner. Là encore, il se montre « au-dessus des partis ».

– David, après avoir attendu la mort de Saül, puis sept autres années, est enfin roi sur Israël. Les anciens d’Israël savaient pertinemment que David était le choix de Dieu (2 Sam 5.2) et ils auraient pu reconnaître David plus vite, mais ce dernier a su attendre son temps.

( Comme David, un leader se doit d’agir avec droiture et ouverture, même vis-à-vis de ceux qui ne partagent pas toutes ces vues. Il doit avoir l’intelligence des situations pour désamorcer de possibles conflits par une attitude appropriée.

Ses qualités morales

– L’humilité : « David reconnut que l’Éternel l’affermissait comme roi d’Israël, et qu’il élevait son royaume à cause de son peuple d’Israël. » (2 Sam 5.12)

( Si quelqu’un a une position d’autorité, c’est que Dieu la lui a donnée et non pas pour lui-même, mais pour le peuple de Dieu. Comment alors s’en enorgueillir (1 Cor 4.7) ?

– La souplesse : face à deux attaques identiques des Philistins (2 Sam 5.16-25), David ne se repose pas sur la première victoire, mais interroge Dieu pour remporter la seconde, par un moyen tout différent.

( Une des qualités principales de l’ancien est de ne pas être « adonné à son sens », c’est-à-dire pas arrogant, pas borné, pas buté (Tite 1.7), mais ouvert à agir différemment, à se remettre en cause, si Dieu le montre.

– La générosité : l’attitude de David vis-à-vis de Méphibosheth est sans doute la meilleure illustration de la grâce dans l’A.T. (2 Sam 9). Au double titre de son ascendance et de son infirmité (2 Sam 5.8), le petit-fils de Saül n’avait rien à faire valoir. Mais David l’accueille magnifiquement.

( Un vrai leader sait passer au-dessus de préventions personnelles et se montre généreux envers tous, quels qu’ils soient.

– La spontanéité : face à l’arche qui arrive enfin à Jérusalem, David ne peut contenir sa joie et danse sans retenue (2 Sam 6.14-16). Mical lui en fait le reproche, mais David n’en a cure : son Dieu d’abord !

( Quand nous exprimons une louange spontanée dans l’église, nous dévoilons forcément l’intimité de notre vie spirituelle avec le Seigneur ; aussi encourageons-nous à le faire, pour la joie et le bien de tous.

Ses relations familiales

Ses femmes : nous avons déjà noté que David avait commencé à en avoir plusieurs (2 Sam 5.13). Une fois roi, il continue à en ajouter, femmes de premier rang et concubines, contrairement à l’avertissement divin (Deut 17.17). Salomon imitera son exemple, en pire.

Son mauvais exemple : inutile de revenir sur l’histoire de la femme d’Urie le Hétien (2 Sam 11), très connue. David, repris par Nathan, montre sa droiture par rapport à Dieu en reconnaissant rapidement sa faute (2 Sam 12.13).

( Agissons-nous toujours ainsi ou bien préférons-nous nous chercher des excuses ? Mais son inconduite vis-à-vis de Bath-Schéba peut expliquer (sinon excuser) l’attitude désinvolte d’Ammon vis-à-vis de sa demi-sœur Tamar, qui le conduira à sa perte (2 Sam 13). Une faute ne disqualifie pas définitivement (David n’est pas mort et il est resté roi), mais des conséquences surviennent.

Son attitude par rapport aux fils de Tseruïa : Tseruïa était la sœur de David (1 Chr 2.15). David a toujours été faible et dépendant vis-à-vis du fier Joab et de ses frères (2 Sam 3.39). Il a manqué de courage pour prendre la mesure ferme qui s’imposait après le meurtre d’Abner.

( N’ayons pas deux poids et deux mesures en favorisant les personnes de notre famille, par exemple pour leur éviter une discipline ecclésiastique nécessaire.

Ses fils : Absalom était beau, Adonija n’a jamais été contrarié (1 Rois 1.6) : David semble avoir été un père faible, avec des préférences coupables (2 Sam 19.4-5).

( L’ancien, avant de conduire l’église locale, doit prouver qu’il sait « bien diriger sa propre maison » et tenir ses enfants soumis (1 Tim 3.4).

Au final, c’est un constat d’échec que David dresse sur son lit de mort (2 Sam 23.5). Qu’il serait triste que nous ayons eu un rôle éminent dans l’église mais que notre vie de famille ait été un naufrage ! L’exemple de David nous avertit clairement.

Sa gestion des conflits

L’évitement : au lieu de traiter Amnon comme il aurait dû l’être après sa conduite infâme, David est irrité… mais n’agit pas (2 Sam 13.21). La suite montrera une escalade dans les problèmes.

Les demi-mesures : après le meurtre d’Amnon, Absalom s’enfuit, puis revient à Jérusalem, sous l’instigation du perspicace Joab. Mais au lieu de régler le sujet, David se contente de demi-mesures (2 Sam 14.24), ce qui va frustrer Absalom et faire le lit de sa révolte future.

Les factions en germe : le schisme qui allait se concrétiser sous Roboam est déjà en germe dans l’altercation entre les hommes de Juda et d’Israël (2 Sam 19.41-43). Mais David semble ne se rendre compte de rien et n’agit pas.

( Sachons, comme leaders, traiter un problème à sa source, ne pas prendre des demi-mesures mais aller jusqu’au bout et détecter le plus tôt possible les racines d’une possible division, avant que la situation ne s’envenime.

Son administration au quotidien

Des décisions prises sous influence ? Il est étonnant de lire que « les conseils donnés en ce temps-là par Achitophel avaient autant d’autorité que si l’on avait consulté Dieu lui-même » (2 Sam 16.23).

( Les conseillers sont utiles, mais le leader est avant tout responsable devant Dieu et aucun conseil, si bon soit-il, n’est à mettre au niveau de la Parole.

Des négligences ? David semble avoir été meilleur guerrier qu’administrateur. La révolte d’Absalom a été favorisée apparemment par un manque de rapidité dans la justice (2 Sam 19.29).

( Un leader n’a pas forcément toutes les qualités ; aussi le modèle du N.T. est-il celui d’une collégialité dans la direction de l’église locale (Phil 1.1).

Des injustices ? David n’a pas compris pourquoi Méphibosheth ne l’a pas accompagné en exil. Une fois détrompé, il propose de partager les biens de l’infirme avec Tsiba (2 Sam 19.29-30). Surprise : ce dernier a calomnié son maître et ne méritait pas un tel dédommagement !

( Faisons attention à ne pas trancher trop rapidement, au risque d’injustices. Quant à l’attitude de Méphiboscheth, elle est admirable : si nous pouvions toujours adopter la même sur les questions d’argent…

Bien finir

– Les Philistins attaquent, mais David court le risque de livrer le combat de trop (2 Sam 21.16-17). Ses fidèles lui disent qu’il est temps maintenant pour lui de se retirer et David a la sagesse de le comprendre et de le faire. Il utilisera les derniers moments de sa vie pour laisser à Salomon un royaume en ordre.

( Heureux les leaders qui, comme David, ont des amis qui savent donner un tel sage conseil ! Sachons écouter et nous retirer.

– 2 Samuel 23 liste les hommes forts de David. Face à Goliath, Saül n’avait personne pour combattre (1 Sam 17.10). David a su former des combattants.

( Un vrai leader sait former la génération suivante, pour se retirer, confiant que la suite est assurée.

CONCLUSION

David a laissé une trace durable. Relevons trois aspects :

Il a « en son temps servi au plan de Dieu » : 1 000 ans plus tard, Paul rendra à David ce beau témoignage.

( Dans une mesure bien sûr ô combien moindre que celle de David, qu’il puisse être dit de chacun de nous que nous avons été utiles au plan de Dieu dans notre génération.

Il a préparé la suite : 1 Chr 29 indique tout ce que David a accumulé pour le futur temple que Salomon allait bâtir.

( Un vrai leader se montre peut-être avant tout dans la façon dont il prépare sa succession.

Il a entrainé les autres à louer Dieu : Le « chantre agréable d’Israël », le « doux psalmiste », a laissé 75 psaumes inspirés. Depuis 3 000 ans, ils sont une source inépuisable de louanges pour le peuple de Dieu.

( Puissions-nous aussi laisser le souvenir d’hommes et de femmes qui ont loué Dieu et qui ont encouragé les autres à le faire à leur suite.


Dans le monde économique actuel, il n’est pas rare de voir une entreprise se recentrer sur son métier de base, son core business, après avoir tenté des diversifications parfois hasardeuses. Ces diversifications ont paru alléchantes dans un premier temps… Qui ne rêve pas de lancer un nouveau produit révolutionnaire ou un service novateur ? Ces diversifications se sont révélées destructrices, sur le point de conduire l’entreprise entière vers la faillite. Un nouveau directeur est alors nommé dont la tâche principale consiste souvent à revenir au métier de base : back to the basis.

Oserais-je suggérer qu’il est bon pour l’Église, particulièrement en Occident, de revenir aux bases et d’accomplir véritablement la mission que Dieu lui a confiée ? Revenir aux bases de l’Église néo-testamentaire, c’est ce que nous vous proposons à travers l’article de Frank Horton, « L’Église selon le Nouveau Testament » ainsi que celui de Scott McCarty « L’église d’Antioche ». Avec Paul Wells, « Le réveil, une utopie ? », nous croyons qu’un réveil est possible ! Enfin, avec l’article de Pierre Oddon, il a semblé bon de brosser un portrait de l’église émergente, issue d’un mouvement anglo-saxon et vivant ses premiers balbutiements en francophonie. John Glass en propose une évaluation et enfin, nous consacrons une chronique de livre à l’ouvrage de Don Carson : L’église émergente.

Quel est « le métier de base » de l’Église ? Les Actes et les épîtres de Paul proposent 5 missions essentielles :

• l’adoration,
• l’enseignement,
• la communion fraternelle,
• l’exercice des dons,
• l’évangélisation. Sommes-nous bien conscients des missions de l’Église telles qu’enseignées dans le N.T. ? Notre pratique s’en approche-t-elle ? Ce numéro est l’occasion de faire le point !


Je suis né dans une famille chrétienne et j’ai toujours cru en Dieu mais je n’en suivais pas le chemin.

À 13 ans, j’ai commencé à fumer la cigarette et à traîner avec des gens « sans foi ni loi ». J’écoutais de la musique satanique. À 14 ans, je me suis mis à consommer du cannabis occasionnellement et ça ne me dérangeait pas de boire un coup de trop de temps en temps. J’ai aussi eu des copines non chrétiennes tout en restant « chrétien » le dimanche.

C’est alors que j’ai redoublé mon année scolaire. Je me suis enfermé dans le racisme et la violence où j’ai très vite rencontré les « bonnes » personnes. J’étais impliqué dans plusieurs bagarres, j’avais un discours haineux, je me droguais de plus en plus souvent, l’insultais ceux qui ne me plaisaient pas, etc. Ma vie a commencé à tourner autour de ma nouvelle passion : la consommation de cannabis. J’ai aussi touché au « pop pers1 » et à l’éther mais me suis interdit toute drogue dure (un de mes amis en est mort). J’ai très vite trouvé les dealers dans le milieu du cannabis, j’en ai même vendu un peu pour financer ma consommation. Tout cela contredisait complètement mon rêve : entrer dans la police. Depuis mes 14 ans, je rêvais en effet d’incorporer la brigade anti-criminelle.

Mon entrée au lycée n’a rien changé à ma conduite, et lorsque le dernier trimestre scolaire approcha, je n’avais pas le niveau pour passer en classe supérieure. J’ai demandé à Dieu de m’y faire passer tout en lui promettant de me faire baptiser et en prenant l’engagement de le suivre. Il m’a entendu : j’ai augmenté considérablement ma moyenne et ma motivation à l’école. Mais j’ai oublié ma promesse. Le jour de mon anniversaire, j’ai lu le calendrier qui me renvoyait à cette promesse : « Jésus lui dit : suis moi. Et quittant tout, il se leva et le suivit. » (Luc 5.27-28)

J’ai participé à un camp chrétien dans l’équipe de nettoyage avec un ami qui vivait la même vie que moi et j’ai rencontré une personne avec qui j’ai parlé de ma foi. Nous avons prié ensemble et elle a demandé à Dieu de me donner une conviction de péché. Je n’avais jamais entendu parler de ça et je ne connaissais pas cette expression !

Le lendemain, je l’ai rencontrée de nouveau, on a prié pour cette conviction de péché et « boom » je me suis retrouvé à genoux. Tous mes péchés ont défilé devant mes yeux et je me suis mis à pleurer et à demander à Jésus qu’il pardonne toutes mes offenses. J’ai été délivré de mes liens. Mon ami est passé par le même chemin et nous sommes maintenant à Christ.

Jésus nous a libérés de notre ancienne vie et nous a montré clairement qu’il est mort pour nos péchés. Il nous a libérés de la cigarette et du cannabis et nous n’avons plus touché à une drogue depuis cette délivrance. Dieu m’a aussi montré que la police n’était pas son plan pour moi.

Il m’aide aujourd’hui à surmonter les multiples tentations qui se présentent à moi.

1Le « pop pers » est un euphorisant qui lève toutes les inhibitions


L’étude d’une église locale qui a existé il y a 2 000 ans est très intéressante ! Au iiie siècle av. J.-C., une importante communauté juive s’installe à Antioche, suite à diverses récompenses accordées par des rois Séleucides à leurs mercenaires juifs, sous forme de terrains.

La cité est la 3e ville importante de l’Empire romain (64 av. J.-C.). Elle devient un centre cosmopolite prospère entre le monde gréco-romain et les civilisations orientales sur les plans commerciaux, culturels, religieux et intellectuels.

A. Les débuts de l’église d’Antioche (Act 11.19-30)

1. En premier lieu, la persécution qui débute avec le martyr d’Étienne à Jérusalem (Act 7.59 ; 8.1) provoque la dispersion des convertis. Les chrétiens, hébraïques et anciens prosélytes grecs, fuient la persécution juive et se réfugient à Antioche, en Syrie.

2. En second lieu, les premiers immigrés sont majoritairement d’origine juive. Par réflexe communautaire, ils n’annoncent l’Évangile qu’aux Juifs (Act 11.19). Une minorité de langue grecque évangélise toutefois les Grecs, à cause de son origine (Act 11.19-20).

Quatre principes se dégagent de ce rapport apparemment banal :

a. Ils ont besoin des éléments de base de la vie quotidienne : logement, nourriture, emploi ;

b. Les immigrés, toutefois, semblent avoir comme principe d’évangéliser d’abord (Act 11.19) ;

c. Les convertis juifs se dirigent en toute logique vers les leurs. Leur effort est récompensé (Act 11.21) ;

d. Les convertis grecs vont aussi vers les leurs, avec les mêmes résultats. Chaque groupe s’adapte à son nouveau contexte culturel avec souplesse. Antioche est bien différente de Jérusalem ! Jusqu’à quel point sommes-nous flexibles, sans compromettre la doctrine ? Certaines églises se sont figées dans certaines pratiques héritées des siècles passés, sans reconnaître que la tâche primordiale est, non seulement la préservation de la doctrine, mais également le partage enthousiaste de l’Évangile.

Dans son évangélisation, chaque communauté s’adapte au contexte et à la culture de ses interlocuteurs :

• Les Juifs utilisent l’A.T. pour annoncer la parole messianique et prophétique – la Parole écrite ;

• Les Grecs annoncent la personne du Seigneur Jésus – la Parole vivante.

Que fait notre communauté pour l’évangélisation ? La pratiquons-nous avec l’enthousiasme que produit l’amour de Christ en nous pour les perdus ?

3. Le Seigneur, par son Esprit, opère des conversions (Act 11.21). Aucun truc particulièrement astucieux n’est utilisé, mais le zèle , l’Esprit, la Parole et le Seigneur rendent la récolte abondante. Voilà les leçons à retenir : l’obéissance des premiers croyants (notamment à l’injonction d’Act 1.8), la présence du Seigneur par l’Esprit, l’Évangile présenté et le sens de l’urgence quant au témoignage !

4. Les prédicateurs des deux ethnies présentent la même vérité avec une approche différente. De plus, ils prêchent dans les lieux populaires propres à la culture à laquelle ils s’adressent :

• les Juifs dans les synagogues où l’A.T. est lu (Act 17.17a),

• les Grecs dans les lieux publics (Act 17.17b, 21).

5. Tous sont attachés à Jésus-Christ seul comme Seigneur (Act 11.21, 23c). Il n’y a ni clan ni tradition humaine non biblique à suivre. Où en est-on dans notre assemblée ? Cherchons-nous à ne suivre que les voies du N.T. ? Notez bien que l’assemblée à Antioche, avant l’arrivée de Barnabas, n’avait aucune figure prééminente ni aucun ouvrier à plein-temps. Tous s’impliquaient, sur la base sans doute du modèle de Jérusalem (Act 2.42-48). Sommes-nous tous autant engagés (prière d’intercession personnelle, culte, étude biblique, réunions, évangélisation, aide aux autres, etc.) ?

6. Ce rassemblement, quoiqu’ethniquement hétérogène, est solidement attaché au Seigneur Jésus-Christ. Il est le ciment et le centre de tout et pour tous pendant assez longtemps (Act 11.21-22, 1 Cor 1.11-12).

7. Barnabas est la personne idéale pour aller enquêter sur ce nouveau phénomène – une œuvre commencée sans l’initiative des apôtres et à leur insu. Voici ses bonnes « lettres de créances » :

• son aptitude à faire du bien aux autres (Act 11.24a),

• sa connaissance de l’A.T. et de l’enseignement apostolique (Act 11.23c),

• sa connaissance du grec et de la culture grecque (Act 4.36),

• sa capacité à être rempli du Saint-Esprit (Act 11.24b),

• sa foi triomphante (Act 11.24),

• son discernement de l’œuvre de la grâce de Dieu (Act 11.23 ; il pouvait suivre la direction de l’Esprit au lieu d’essayer d’appliquer à la jeune église naissante le « système » qui fonctionnait à Jérusalem où il n’y avait que les juifs et prosélytes grecs sauvés – Act 11.23b. Sommes-nous aussi flexibles ?),

• sa joie de voir le Seigneur à l’œuvre et de constater l’engagement de tous auprès de lui (il n’est ni jaloux ni égoïste – Act 11.23c),

• sa vision et sa capacité à encourager les autres à suivre le Seigneur plutôt que des chefs de clan ou un « nom ». Le monde évangélique depuis la Réforme aime souvent porter la bannière de tel ou tel « grand nom » (1 Cor 1.11-13) au lieu de n’avoir que Jésus comme guide (Héb 12.2).

L’église locale naissante devient un objet de soins doctrinaux et pastoraux poussés avec l’envoi de Barnabas (Act 11.22), bien connu de tous à Jérusalem pour :

• sa connaissance biblique (Act 4.36),

• ses qualités pastorales (Act 4.36),

• sa générosité (Act 4.37),

• sa reconnaissance de l’autorité apostolique (Act 4.37).

8. Résultat de cette combinaison :

• Un corps multiracial, multiculturel, vibrant et vivant pleinement engagé dans l’évangélisation génératrice de nombreuses conversions (Act 11.24d). Notre communauté a-t-elle eu des conversions de païens ces dernières années ?

• La contribution temporaire d’un homme très capable (Act 11.24d) entraîne la croissance saine des convertis attachés uniquement au Seigneur. Le « dénominationnalisme » n’existe pas.

9. Pendant que l’œuvre de l’église locale se consolide et grandit considérablement, Barnabas reconnaît que la communauté dans laquelle il œuvre pourrait profiter avantageusement de l’aide d’autres serviteurs. Il va chercher Saul à Tarse pour en faire son partenaire dans l’enseignement.

Le fait que Barnabas puisse laisser l’assemblée, tandis qu’il entreprend d’Antioche à Tarse un voyage de plus de 250 kilomètres, démontre que le corps local pouvait bien fonctionner grâce à un enseignement sain et à sa vie sous la dépendance de l’Esprit. Une œuvre florissante peut se développer lorsque plusieurs frères capables d’enseigner et de faire des visites pastorales sont à l’œuvre et que tous participent, chacun selon son don, dans un esprit de complémentarité et non de compétition.

10. Le Saint-Esprit à travers Luc (l’auteur des Actes), met en évidence la nécessité (Act 11.26) :

• d’un enseignement constant et régulier,

• d’un nombre important de réunions régulières,

• d’un grand nombre de convertis assistant aux réunions d’enseignement, de prière et de communion fraternelle. Sans doute, les jeunes croyants de cette assemblée ont-ils besoin d’un soin particulier, de visites régulières, de réponses à leurs questions dues à leurs origines diverses et à un manque de connaissance biblique.

Une nouvelle dynamique se crée grâce à l’attachement de plusieurs à Jésus-Christ comme seul Sauveur et Maître. La ville en est grandement influencée. La nécessité de l’enseignement et ses conséquences sont primordiales pour que l’église puisse envoyer des missionnaires sans affaiblir l’œuvre locale (Act 11.22-26 ; 13.1-3).

11. L’assemblée idéale est sensible à la parole de Dieu et sait agir en conséquence dans le domaine des offrandes. Les membres de l’assemblée sont issus de différents niveaux de vie et classe sociales (Act 11.27-30).

B. L’envoi de missionnaires depuis Antioche (Act 13.1-3)

1. Un seul corps local existait : l’unité régnait ! La communauté de croyants convertis était une entité solide parce qu’elle était centrée sur Jésus-Christ (Act 11.26 ; 13.1). Il semble que 11 ans se soient passés entre le début des conversions en 37 et l’envoi missionnaire en 48.

2. Le texte ne mentionne pas l’existence des anciens et des diacres mais insiste sur le ministère de la Parole (par les prophètes et par des docteurs), sur le ministère d’évangélisation et sur celui de l’enseignement. Nous avons besoin d’un retour aux pratiques de cette église néo-testamentaire : la prédication de la parole et l’évangélisation accompagnées par l’onction de l’Esprit.

3. Arrêtons-nous un instant sur les cinq hommes mentionnés dans Actes 13.1, car quelques leçons spirituelles en découlent :

Barnabas. Juif de Chypre devenu chrétien, lévite fin connaisseur de l’Ancien Testament, instruit par les apôtres à Jérusalem. Quelqu’un d’important avec de grandes qualités spirituelles et un bon sens pratique (Act 4.36-37 ; 11.22-26).

Siméon. Appelé Niger (un surnom latin signifiant « noir » ou de couleur de peau très foncée) met en évidence la belle harmonie régnant dans cette assemblée malgré la différence de race.

Lucius de Cyrène. Son exemple met en évidence la capacité de travail de frères d’autres origines et d’autres « nationalités » (Act 11.20).

Manahen (Menahen : « consolateur »). Homme cultivé, de bonne éducation en latin, en grec et en hébreu, faisant partie de l’élite de sa culture d’origine mais aussi de la culture romaine. Un jour, le Seigneur Jésus-Christ entre dans sa vie et il devient quelqu’un d’apprécié pour ses dons spirituels pour édifier la communauté des rachetés à Antioche.

En y ajoutant Saul, nous constatons que ces quelques frères fonctionnaient en une équipe solidaire, unie. Quelle bénédiction pour l’œuvre de Dieu, pour le Seigneur : harmonie, efficacité, amour, communion fraternelle ! Sans doute exerçaient-ils leur ministère à plein-temps (Act 13.2).

4. Le verbe « servaient » (leitourgountôn, qui a donné « liturgie ») est unique ici par le fait qu’il combine l’idée de service en tous genres et pour toutes sortes de personnes (Phil 2.25, 30 ; Rom 13.6). Il inclut aussi l’idée de service comme une adoration et une louange rendues à Dieu.

D’après le contexte, l’adoration du Seigneur dans la vie spirituelle des cinq frères semble être la base de leur service envers les autres (l’adoration sans service d’aide et sans évangélisation est un non-sens et pourrait même être hypocrite !). L’œuvre à Antioche est un exemple à suivre. La Parole, la prière, et l’évangélisation, le Saint-Esprit et des gens capables : quelle combinaison exquise !

Le jeûne occupe une place importante dans leur conception de leur activité pour le Seigneur et pour l’église locale. Ces hommes n’ont que Dieu pour ressource.

5. Ils témoignent généralement par le « un à un », là où se trouvent les croyants (motivés par l’amour de Christ, selon 2 Cor 5.14-15). Le texte ne parle pas des évangélistes, mais de tous ceux qui évangélisent (Act 11.19-21). Sommes-nous prêts à nous inspirer de la « méthode » d’Antioche ?

6. L’Esprit commande que les responsables mettent à part deux hommes. L’appel consiste à évangéliser en terre étrangère (terrain vierge de l’Évangile). L’emploi du mode moyen (en grec) signifie que c’est l’Esprit qui prend l’initiative. Pourquoi l’Esprit appelle-t-il ceux-là plutôt que d’autres ? Peut-être pour les raisons suivantes :

• Ils ont déjà travaillé ensemble ;

• Ils sont probablement célibataires ou veufs, donc disponibles pour le travail de missionnaires itinérants et pionniers ;

• Ils connaissent bien les Écritures, la prière, l’activité de l’évangélisation, et la soumission à l’Esprit ;

• Ils vont bénéficier de l’accord de toute l’assemblée.

Ils ont été formés de maintes manières avant d’être « lâchés dans la nature ». Un « envoyé » doit avoir plus qu’un appel. Il a besoin de formation biblique et pratique et avoir fait ses preuves avant.

7. Au travers de trois frères, c’est l’église locale qui impose les mains sur Barnabas et Paul (Act 11.20-26). L’imposition des mains dans le N.T. est un acte d’identification, de solidarité, d’amitié, de confiance. Cet acte ne confère pas de bénédiction surnaturelle spéciale, car :

• Barnabas a déjà été envoyé comme missionnaire (Act 11.22) ;

• Paul a vu le Seigneur ressuscité et a déjà reçu un appel spécial (Act 9.15-16). L’église à Antioche n’a rien à ajouter, excepté le témoignage par tous les convertis qu’ils acceptent la volonté du Saint-Esprit et qu’ils se sentent solidaires avec Barnabas et Paul pour leur voyage missionnaire.

8. Une fois de plus, jeûne et prière vont de pair (Act 13.3). Deux activités intimement liées mais si peu vécues en Occident. Trop enfoncés dans la facilité du matérialisme et trop habitués au confort, savons-nous encore jeûner et prier ?

9. L’église locale « laisse partir » Paul et Barnabas : c’est l’Esprit qui les envoie.

C. Le retour à Antioche de Paul et Barnabas (Act 14.26-15.29)

De retour à Antioche, l’équipe missionnaire formée de Paul et Barnabas rend compte de l’œuvre du Seigneur par l’Esprit pendant leur voyage. Par la suite, ils montent ensemble à Jérusalem pour traiter une importante question de doctrine.

1. Toute l’église locale est réunie (Act 14.27) pour entendre le rapport missionnaire du voyage qui a probablement duré d’avril 48 en septembre 49.

2. Barnabas et Paul reprennent leurs activités locales avant de repartir en voyage (Act 14.28).

3. J’aime la présence du mot « disciples » (Act 14.28). La conception du discipulat semble floue et peu actuelle en Occident. Nous avons besoin d’un retour aux récits de l’Évangile et aux Actes pour découvrir ce qu’est la vie de disciple.

4. Paul et Barnabas avaient été « recommandés » (Act 14.26). Le vrai missionnaire biblique est :

• recommandé par une église locale, même par plusieurs si possible (Act 16.1-2),

• recommandé pour une œuvre spéciale ou précise (attention au risque de « lâcher » un missionnaire comme un électron libre !),

• reconnu comme ayant atteint l’objectif déterminé (Act 14.27) :

–  annoncer la parole (Act 13.5),

annoncer la doctrine du Seigneur (Act 13.12 ; 26-41),

annoncer le pardon des péchés et la justification par la foi (Act 13.38-41),

annoncer la lumière aux nations (Act 13.46-48 ; 14.15).

 5. Ceux qui ont la capacité de contrer la mauvaise doctrine légaliste doivent le faire (Act 15.1-2a).

6. L’église avait une équipe de frères responsables mais discrets (pas de Diotrèphe, semble-t-il), qui conduisaient sainement la communauté (Act 15.2b). Sur une importante question de fond, l’église (Act 15.3a) envoie Paul et Barnabas à Jérusalem avec son équipe de témoins pour régler ce conflit doctrinal (Act 15.2c). Il existe ici un principe dans le cas où une assemblée est confrontée à une question de doctrine importante et que ses délibérations ne parviennent pas à satisfaire tout le monde : il est sage de chercher l’opinion neutre et objective de frères qui possèdent des références solides et ancrés dans l’enseignement biblique (Act 15.5-29) qui jugeront avec équité.

D. Le retour du concile de Jérusalem (Act 15.30-40)

Après avoir participé au concile doctrinal à Jérusalem, Paul et Barnabas reviennent à Antioche. Ce qu’ils font ensuite suit probablement ce schéma chronologique :

Première étape (Act 15.30-34)

• La lettre émanant de la communauté de Jérusalem est lue à toute l’assemblée (Act 15.30-31a).

• Tout le monde en ressort encouragé. Son contenu s’impose à tous car il est profondément ancré dans la vérité biblique (Act 15.31b).

• Jude et Silas, reconnus pour leur ministère prophétique, ajoutent à cette lecture plusieurs prêches d’encouragement (Act 15.32).

• La délégation de Jérusalem comprend que son ministère à Antioche arrive à sa fin et retourne à Jérusalem. Silas est le seul à sentir que sa présence pourrait être encore utile et reste à Antioche (Act 15.33-34).

Deuxième étape (Act 15.35)

Des frères connus et moins connus se rassemblent pour un même objectif : former une équipe d’enseignants. Tous enseignent et tous évangélisent en employant les paroles du Seigneur lui-même.

Troisième étape (Act 15.36-39)

L’équipe de Paul et Barnabas connaît une rupture à cause d’un différent. Barnabas veut récupérer son cousin Jean-Marc en lui donnant une seconde chance après son abandon peu glorieux lors du premier voyage (Act 13.13). Paul juge inopportun le choix de Barnabas. Le désaccord est tel que l’équipe d’origine est dissoute. Barnabas quitte Antioche et entame ainsi son propre second voyage missionnaire, avec Jean-Marc.

Quatrième étape (Act 15.40-41)

Une nouvelle équipe composée de Paul et Silas se met en place pour le deuxième voyage missionnaire. Les responsables expriment l’accord de toute l’église locale et bénissent au nom du Seigneur cette nouvelle équipe.

E. Fin du voyage missionnaire et début du troisième (Act 18.22-23)

À la fin de leur deuxième voyage missionnaire, Paul et Silas se rendent à Antioche (Act 18.22). Paul exerce son ministère d’enseignant probablement 6 mois (hiver 52 – printemps 53) à Antioche (Act 18.23). Paul et son équipe partent ensuite pour le troisième voyage missionnaire, lequel va durer environ 4 ans (53-57) et se terminer avec son arrestation au printemps 57 à Jérusalem.

Ainsi se termine les rapports étroits du grand apôtre Paul avec les frères et sœurs d’Antioche. Pendant plus de 10 ans, ils auront été en contact proche de Paul, d’automne 47 à mai 57.

Antioche est la première église pionnière mixte dont nous avons une référence dans le N.T. Une assemblée constituée de convertis d’origine juive et païenne. Il semble que l’Esprit a choisi l’église d’Antioche comme un « bon exemple » de ce que doit être un rassemblement efficace et digne pour représenter Christ devant les païens.