PROMESSES

La Deuxième Lettre de Jean est la seule lettre apostolique adressée à une femme, « À la dame choisie, et à ses enfants » (v.1). Certains commentateurs suggèrent que Jean utilise un langage symbolique ; ainsi cette « dame et ses enfants » seraient une référence à une église locale, et lorsqu’il termine en disant : « les enfants de ta sœur élue te saluent », il se référerait à une autre église locale. Les instructions utiles et pratiques contenues dans cette lettre sont applicables à l’individu comme à l’église locale, mais il n’y a aucune raison de penser que cette lettre ne devrait pas être comprise comme des mots d’encouragement et d’avertissement à une famille, peut-être même à une famille monoparentale.

Trois mots sont répétés à 4 ou 5 reprises dans les 6 premiers versets de cette lettre ; ces mots sont « amour », « vérité » et « commandements ». On utilise les répétitions pour faire ressortir des idées importantes. Pour l’apôtre Jean, la vérité était importante, tout autant que l’amour. Un christianisme authentique a besoin des deux. Mais à quelle vérité l’apôtre pensait-il ? Dans son Évangile, Jean cite les paroles de notre Seigneur : « Je suis le chemin, la vérité et la vie. » (Jean 14.6) La vérité fait référence ici à une personne : Jésus. Mais Jean cite une autre parole de Jésus : « Sanctifie-les par la vérité ; ta Parole est la vérité. » (Jean 17.17). Ici la vérité fait référence à ce que Dieu dit. Peut-être Jean avait-il ces deux significations à l’esprit lorsqu’il écrivait : « la vérité qui demeure en nous et qui sera avec nous pour l’éternité » (v. 2).

1.Une famille en bonne santé connaît la vérité divine (v. 1-3)

Quel lien y a-t-il entre cette « dame élue et ses enfants » et la « vérité » ? Nous remarquons que l’apôtre Jean, cette famille et beaucoup d’autres avaient connaissance de la vérité (v. 1). Dans un monde où tout semble relatif, où la tolérance encourage chacun à se satisfaire de « sa propre vérité », il est bon qu’on nous rappelle que le Seigneur Jésus et la Parole de Dieu sont une vérité objective ; ils restent ce qu’ils sont, quelles que soient nos pensées et nos interprétations. Il est possible de connaître la vérité. Des familles en bonne santé encouragent ouvertement à mieux connaître Dieu et sa Parole. Il est bon et utile de lire les Écritures et de prier en famille, ensemble, en se mettant au niveau des enfants, et de manie`re qu’ils puissent comprendre. Nous remercions le Seigneur pour la consécration et la piété dont font preuve les moniteurs d’écoles du dimanche et les éducateurs chrétiens. Il est bon de bénéficier de leurs services, mais nous ne pouvons pas déléguer notre responsabilité de parents ; c’est à nous de guider notre famille dans la connaissance de la vérité de Dieu.

En tant que parents, il nous faut être créatifs pour trouver des moyens de mettre nos familles en contact avec la vérité de Dieu, de les encourager à participer à la vie de l’église locale, aux camps de jeunes chrétiens, aux conférences et séminaires bibliques, de partager avec eux musique, films et livres s’inspirant des Écritures. N’oublions pas que le courant de ce monde est fort, et qu’il n’est pas favorable aux familles chrétiennes ! Remarquons que, pour Jean, la connaissance de la vérité n’est pas quelque chose de sec et d’académique : elle conduit à l’amour (v. 1). La grâce, la compassion et la paix doivent être vécues dans le contexte de la vérité et de l’amour (v. 3). Lorsque nous apprenons à mieux connaître notre Seigneur Jésus, lorsque nous croissons dans notre compréhension de la Parole de Dieu, notre manie`re de voir les autres et de les traiter changera. La connaissance de la vérité ne conduit pas seulement à aimer, mais à pratiquer la grâce et la compassion, qui à leur tour contribuent à la paix. Une réelle connaissance de la vérité divine transforme nos relations.

2.Une famille en bonne santé vit la vérité divine (v. 4-6)

L’apôtre Jean était un vieillard quand il écrivit sa lettre. Il avait vécu les premières décennies de l’église chrétienne. Il avait été témoin de son expansion heureuse et passionnante, mais aussi de ses graves difficultés : tous ne suivaient pas le Seigneur d’un cœur sincère ; tous n’étaient pas prêts à payer le prix d’être des disciples authentiques ; tous ne vivaient pas la vérité qu’ils proclamaient croire. Au moment où Jean écrivait sa lettre, son expérience l’avait rendu réaliste. Qu’est-ce qui remplissait d’une « grande joie » le cœur de ce vieil homme ? La nouvelle que la fréquentation des réunions de l’église s’améliorait ? ou que les collectes pour les besoins en Judée produisaient davantage ? Non ! Jean dit ceci à la dame : « Je me suis beaucoup réjoui de trouver de tes enfants qui marchent dans la vérité, selon le commandement que nous avons reçu du Père. » (v. 4) Qu’est-ce qui vous rend heureux en regardant vos enfants ou les jeunes de votre église locale ? Sont-ils en train d’apprendre à obéir à la Parole de Dieu, à « marcher dans la vérité » ?

Beaucoup considèrent que l’amour et l’obéissance sont à l’opposé l’un de l’autre. Certains associent les ordres et l’autorité avec du légalisme, et préfèrent un christianisme plus souple et joyeux, caractérisé par l’amour, la spontanéité et la liberté, un christianisme dans lequel nous pouvons « être nous-mêmes », sans limite. Mais il n’y a aucune trace d’une pareille tension ou dichotomie dans les écrits de l’apôtre Jean. La soumission à l’autorité de Dieu, l’obéissance aux commandements divins et l’amour se mêlent avec bonheur et tout naturellement. De même que des règles de circulation intelligentes permettent de se déplacer avec sécurité et liberté, les règles données par Dieu fournissent le cadre dans lequel joie, spontanéité et liberté s’exprimeront. Paradoxalement, c’est quand nous nous soumettons à Dieu que nous pouvons « être nous-mêmes ». Notre amour pour Dieu, nous ne l’exprimons pas seulement par la prière et le chant, mais par notre obéissance à sa Parole : « Et l’amour consiste à vivre selon ses commandements. »

C’est peut-être à cause des abus d’autorité du passé que l’esprit moderne a été formé à ne pas aimer l’autorité, à la remettre en question, à la combattre et, partout où cela est possible, à s’en affranchir : « Personne n’a le droit de te dire ce que tu dois croire ou penser ». Mais, à la conversion, nous nous sommes donnés librement au Seigneur Jésus : il nous a rachetés ; nous lui appartenons désormais ; nous sommes sous son autorité — et heureux d’y être. Une fois que nous avons compris ce que veut le Seigneur, le prochain pas devrait tout naturellement être l’obéissance. Et le Seigneur attend cette obéissance des jeunes comme des vieux.

3.Une famille en bonne santé protège la vérité divine (v. 7-13)

Dans la seconde moitié de sa lettre, l’apôtre Jean voit des problèmes à l’horizon ; il souhaite avertir la dame et ses enfants d’être prudents, de garder les yeux ouverts sur la réalité, de protéger leur foyer. Leur foi, comme la nôtre aujourd’hui, est exposée à de graves dangers.

(a) Nous risquons de perdre des choses : « Prenez garde à vous-mêmes, afin de ne pas perdre le fruit de notre travail, mais de recevoir une pleine récompense. » (v. 8) Nous ne pouvons faire des œuvres pour être sauvés, le salut est un don de Dieu ; nous ne pouvons pas non plus perdre notre salut : il reste un don de Dieu. Mais, en tant que chrétiens, nous risquons de perdre beaucoup de choses : à cause de la médisance ou de l’amertume, nous risquons de perdre la confiance et de bonnes relations ; par négligence, une église locale peut perdre une bonne connaissance de la Bible et sa mise en pratique ; par mondanité et paresse, nous risquons de perdre toute efficacité dans notre ministère ; par notre désobéissance, nous risquons de perdre quelques-unes des bénédictions et des récompenses éternelles que Dieu a l’intention de nous donner.

(b) Nous risquons de franchir des limites : « Quiconque va plus loin… » (v.9). Ce n’est pas un danger couru par les paresseux mais par ceux qui sont curieux, actifs, qui cherchent le progrès, la créativité. Si nous ne sommes pas attentifs, notre enthousiasme peut nous amener à franchir les limites de la vérité révélée ; ceux qui les transgressent avancent dans la mauvaise direction. C’est un faux progrès puisque qu’il dévie de la Parole de Dieu.

(c) Nous risquons d’encourager le mal : « Si quelqu’un vient à vous et n’apporte pas cette doctrine1, ne le recevez pas dans votre maison et ne lui dites pas : Bienvenue ! Car celui qui lui souhaiterait la bienvenue se rendrait complice de ses œuvres mauvaises. » (v.10,11) L’apôtre Jean avertissait cette famille que le mal frapperait bientôt à leur porte. Ne laissez pas les portes ouvertes. Faites très attention. Apprenez à quel moment dire « non », poliment, mais fermement. Ne recevez que ce qui peut contribuer à la bonne santé spirituelle de votre famille. En accueillant ce qui est faux, nous favorisons la décadence. Qu’est-ce que nous accueillons dans nos foyers, et qui ? Sommes-nous conscients de la puissante influence que de mauvaises amitiés peuvent avoir sur notre vie spirituelle et sur celle de nos enfants ? Quels sont les programmes de TV, les vidéos, les musiques, les sites Internet, les jeux informatiques et les magazines que nous faisons entrer chez nous ? Y a-t-il quelque chose, une influence ou quelqu’un que vous ne devriez plus accueillir chez vous ? Y a-t-il quelque chose qui devrait être coupé, stoppé, rejeté ou ne plus être fait ? Si les foyers chrétiens veulent rayonner de la paix et de l’harmonie de Dieu, s’ils veulent continuer à rester en bonne santé, ils devront énergiquement protéger leurs portes.

Conclusion

Dieu aime les familles, il en prend soin. Si nous voulons que les familles chrétiennes soient des unités favorisant une croissance saine, elles doivent accueillir le Seigneur Jésus en leur sein et chercher, d’une manie`re créative, à encourager chacun de leurs membres à connaître la Parole de Dieu et à lui obéir. Y a-t-il quelque chose que vous pourriez entreprendre pour encourager votre famille à mieux connaître la vérité et à y marcher ? Sachant combien le courant de la société sans Dieu est puissant et va à l’opposé des saines valeurs chrétiennes, nous devrions être très prudents dans ce que nous laissons entrer chez nous. Parents et enfants, demandons au Seigneur la force d’être déterminés et fermes dans notre vie de famille, de sorte que le Seigneur Jésus se sente à l’aise dans nos loisirs et dans nos fêtes, comme dans notre vie quotidienne. Voilà ce qu’est une famille chrétienne en bonne santé !

1La doctrine de Jésus-Christ, le Fils de Dieu venu en chair (cf. v. 7,9).


L’habitude de lire la Bible en famille tend à se perdre. Peut-être parce que les parents ont des souvenirs pénibles des lectures qu’ils ont « subies » quand ils étaient jeunes (pour ceux qui ont eu le privilège d’être élevés dans une famille chrétienne). Ou bien parce que la vie trépidante rend difficile de trouver un temps ensemble devant Dieu. Or la lecture en famille peut se faire et même être enthousiasmante !

Nous sommes allés interroger sur leur perception du « culte familial » une famille de cinq enfants, établie dans le sud de la France. Marie a 16 ans, Nathanaël 15, Mathilde 12, Cédriane 10 et Clément 5. Nous avons volontairement gardé le style oral de l’interview et modifié aussi peu que possible les réponses spontanées des enfants.

Quand lisez-vous la Bible en famille ?

Marie : – On fait en général la lecture après le repas du soir.

Mathilde : – Et on ne la loupe jamais !

Nathanaël : – Le jeudi, comme mon cours de plongée est tard le soir, Papa rentre plus tôt et on fait la lecture avant le repas.

Comment faites-vous la lecture ?

Cédriane : – Avant, on faisait la lecture en deux groupes, les deux « grands » et les deux « moyennes ». Depuis quelques semaines, nous la faisons tous les quatre. Il n’y a que Clément qui la fait à part, parce qu’il est trop petit et qu’il ne faut pas que ce soit trop long.

Marie : – Il faut un message adapté à lui.

Quel sujet de lecture prenez-vous ?

Nathanaël : – On lit un livre de la Bible puis un livre d’histoires chrétiennes, comme une biographie. Comme ça, ça change. Par exemple, on a lu l’histoire du Sadhou Sundar Singh.

Mathilde : – Quand c’est un livre d’histoires, c’est les parents qui choisissent ; quand c’est un livre biblique, c’est les enfants.

Cédriane : – On vient de finir l’Évangile de Luc.

Marie : – On lit aussi dans l’Ancien Testament. Quand on faisait la lecture qu’entre « grands », on a lu le prophète Ésaïe.

Nathanaël : – Quand on prend un livre de la Bible, on lit en général un chapitre chaque fois.

Marie : – En fait, cela dépend du passage : il y en a qui sont denses et on ne lit que quelques versets.

Comment cela se passe-t-il plus précisément ?

Marie : – Tout d’abord, Papa commence par prier pour demander à Dieu qu’on puisse tirer quelque chose du passage par son Esprit et que ce soit utile pour nous. L’un de nous lit le passage de la Bible. Ensuite on a un moment de méditation : Papa pose des questions, on essaie de répondre. Ou bien c’est nous qui posons des questions. Ce n’est pas comme à l’église : on participe activement. On termine par un moment de prières.

Mathilde : – Il n’y a pas d’obligation, mais c’est mieux quand chacun prie. On ne chante pas, parce que, en général, Clément dort déjà. Parfois, on fait des soirées chant : le dimanche soir, par exemple, quand on a déjà eu des réunions à l’église, on remplace la lecture par un moment de chant. Chacun peut participer et on finit par un moment de prières.

Dans quelle Bible lisez-vous ?

Cédriane : – On a une Bible chacun, pour pouvoir suivre.

Marie : – On lit dans la « Bible de l’Aventure », en français courant. C’est plus facile à comprendre, surtout dans l’Ancien Testament.

Est-ce que ce temps de lecture est pour vous un bon moment ou bien une obligation un peu barbante ?

Cédriane : – Ça dépend des fois : certains jours, on est heureux de passer un moment avec Dieu. D’autres jours, on était occupés à faire quelque chose et il faut s’interrompre, alors qu’on aurait envie de continuer.

Mathilde : – Quand on lit un livre d’histoires, on a souvent envie de connaître la suite. Quand on lit un livre biblique, comme on connaît déjà l’histoire, c’est moins palpitant, mais on aime quand même bien l’écouter.

Marie : – On en retire toujours quelque chose ; ce n’est jamais inutile. C’est déjà un super moment de qualité à passer avec la famille et puis cela permet de garder le contact avec Dieu quotidiennement. Ce moment familiarise avec la méditation de la Bible et on en retire toujours quelque chose pour notre vie courante.

Quand vous êtes invités chez des copains chrétiens, y a-t-il une lecture aussi ? Cela se passe-t-il comme chez vous ?

Marie : – Il y a pas mal de familles où il n’y a pas de lecture le soir… C’est dommage parce que c’est très important d’avoir un moment avec Dieu.

Mathilde : – Ça faire un peu drôle de ne pas avoir de lecture quand on y est habituée.

En plus de la lecture en famille du soir, est-ce que vous lisez la Bible le matin ?

Mathilde : – Oui, mais séparément. Chacun lit pour soi, avec des guides. Moi, je lis avec L’Explorateur.

Marie : – Moi, il faut vraiment que je fasse des efforts… C’est dur le matin, parce que je ne suis pas trop réveillée. J’essaie avant le petit-déjeuner, mais j’ai de la peine à me concentrer, surtout actuellement où je lis l’Épître aux Romains : c’est un texte difficile.

Cédriane : – Moi j’ai l’habitude de me réveiller tôt, alors ce n’est pas un problème.

Nathanaël : – Moi je lis dans la journée.

Marie : – La façon dont Papa aborde la lecture le soir m’aide beaucoup dans ma lecture personnelle, quand je me trouve face à un passage pour savoir par où commencer. La lecture en famille me donne un modèle, un exemple.


L’auteur de ce Psaume est Asaph. Il était un ami de David, directeur de chœur et responsable du chant (1 Chr 6.39). Il a fait chanter les Psaumes de David, puis il en a écrit lui-même : il est l’auteur de 12 des 150 Psaumes. Il a eu un grand impact sur l’adoration du peuple de Dieu : plus de 550 ans après, les chantres étaient encore appelés les « fils d’Asaph » (Néh 7.44).

Mais cet Asaph-là a expérimenté le découragement, le désespoir et la dépression… Si cela vous arrive, vous êtes donc en bonne compagnie ! Quelle honnêteté et quelle franchise de sa part !

Ce Psaume traite aussi d’un deuxième sujet : le bonheur des méchants.

Asaph n’est pas le seul à aborder ces sujets. Job en parle — mais son livre de donne pas de réponse explicite ; il se termine par cette question : qui sommes-nous pour questionner Dieu ? Le Psaume 37 en parle aussi et conclut : Sois patient et attends, Dieu finira par rectifier la situation.

Le mot clef de ce Psaume est le « cœur », le centre de notre volonté et de nos émotions — rien d’étonnant pour un Psaume qui traite de la cause de la dépression. Il se trouve 6 fois dans ce Psaume : – cœur pur (v. 1), – pensées de leur cœur (v. 7), – cœur purifié (v. 13), – cœur aigre (v. 21), – cœur consumé (v. 26), – Dieu, le rocher de notre cœur (v. 26).

Une autre expression clef est « pour moi », qui se trouve 4 fois en hébreu (v. 2,22,23,28).

1. La descente (v. 2-16)

A) L’envie des méchants (v. 2,3)

Asaph pense à leur bonheur et il le met en relation avec ses propres difficultés. Puis il se fâche contre Dieu, qui permet que sa situation continue sans amélioration.

Voilà la racine principale de notre problème1 ! Dieu ne nous traite pas comme nous pensons qu’il devrait le faire et nous sommes mécontents de lui : « Mes amis sont tous mariés et moi je ne le suis pas ; mes amis ont de bons jobs et moi je suis au chômage, etc. Dieu, ce n’est pas juste ! Je m’abstiens de certaines choses dans ma vie chrétienne pour toi et ça ne va pas bien pour moi, alors pour qu’untel qui se permet cela, tout va bien pour lui. Dieu, tu n’es pas juste envers moi ! »

Je pense que la racine la plus profonde du découragement se nourrit de notre colère contre Dieu. Théologiquement parlant, c’est une attaque contre la souveraineté de Dieu. Nous adhérons intellectuellement à cette doctrine… jusqu’à ce que Dieu fasse quelque chose dans notre vie qui ne nous plaît pas.

B) La description des méchants (v. 4-12)

Les méchants n’ont pas de problèmes : ils possèdent une santé parfaite (v. 4) ; ils se réjouissent dans leur orgueil2 (v. 6) ; ils jouissent de leur popularité (v. 10) ; Dieu n’a aucune place dans leur vie ; ils échappent toujours aux conséquences de leurs actes (v. 11) ; ils sont toujours en train de s’enrichir (v. 12).

Ils n’ont pas de soucis pour le lendemain ; pour eux, la vie, c’est « aujourd’hui », « maintenant ». Ils n’ont aucun égard pour Dieu et ses commandements.

En lisant les Psaumes d’Asaph, on est surpris de voir que les méchants ne sont pas toujours à l’extérieur du peuple de Dieu. Il n’est pas étonnant que les hommes du monde fassent des misères au peuple de Dieu ; par contre, il est encore plus déstabilisant de constater que les méchants peuvent faire extérieurement partie du peuple de Dieu.

Un autre mot clé est « bonheur » (v. 3) — sans doute le seul mot hébreu que tous connaissent : shalom. Pour le juif, ce mot représente la santé, la paix, le bien-être, la tranquillité, la prospérité, la perfection, le repos, l’harmonie, l’absence d’agitation ou de discorde. Le Messie lui-même est « le prince de shalom » (És 9.6) ; c’est lui qui l’amènera définitivement. Asaph, pour qui ce mot est précieux et représente des bénédictions réservées au peuple de Dieu, voit que les méchants en jouissent et que lui, qui veut rester fidèle, n’en bénéficie pas. C’est tellement déstabilisant pour lui qu’il est « sur le point de glisser » (v. 2).

C) Les mauvaises conclusions (v. 13,14)

Asaph est sur le point d’en tirer de mauvaises conclusions : – pourquoi vivre une vie pure ? – pourquoi servir Dieu ?

Non seulement je ne reçois pas ce que j’espère, mais j’ai des problèmes supplémentaires : ma situation est pire, parce que je veux faire le bien !

D) Une sage décision (v. 15)

Mais Asaph prend ensuite une sage décision : « Si je disais : Je veux parler comme eux, voici, je trahirais la race de tes enfants. » S’il est vrai que s’isoler et rester muet n’est pas la bonne solution lorsque nous sommes découragés, il faut faire bien attention à qui nous parlons de nos sentiments quand nous sommes découragés. Nous pouvons faire beaucoup de mal à des personnes sensibles et fragiles. Tournons-nous plutôt vers des croyants mûrs.

2. Le point tournant (v. 17)

Asaph est entré dans « les sanctuaires de Dieu ». Là, dans la présence de Dieu, il commence à voir les choses comme Dieu les voit ! Et c’est lorsque nous voyons les choses telles que Dieu les voit, que nous les voyons telles qu’elles sont vraiment.

3. La remontée (v. 18-27)

Asaph reçoit alors de nouvelles conceptions :

– Il reçoit une nouvelle conception de la destinée des méchants (v. 18-20). Le problème est que Dieu est moins pressé que nous… Il y a certains méchants que nous frapperions volontiers tout de suite. Mais nous oublions que Dieu est patient — envers nous et envers les méchants. Alors Asaph a dû comprendre que si les méchants ne sont pas immédiatement frappés, ce n’est pas parce que Dieu ne voit pas ou est indifférent ; mais il leur laisse du temps pour se repentir.

Les méchants vont finalement être détruits soudainement (v. 19), ce qui ne veut pas dire immédiatement.

– Asaph reçoit aussi une nouvelle conception de lui-même (v. 21-22). Il se compare à des animaux stupides. Il se rappelle ses pensées de découragement envers Dieu et envers les méchants et il entrevoit leur stupidité.

– Asaph reçoit enfin une nouvelle conception de la présence de Dieu (v. 23-24). Dans la dépression, on se sent seul, isolé, abandonné. Mais Asaph réalise maintenant que, même au plus profond de son découragement, Dieu était là, près de lui. L’omniprésence de Dieu est une profonde vérité doctrinale, mais c’est aussi une réalité expérimentale.

Asaph sait qu’il a la paix de Dieu, le shalom de Dieu dans sa vie. Les versets 24 à 26 sont peut-être la plus profonde expression de la vraie vie spirituelle dans toute la Bible.

Asaph a compris que les 3 « d » du découragement, de la dépression et du désespoir peuvent avoir deux causes : – « ma chair » (des causes physiques) – « mon cœur » (des causes psychiques ou spirituelles). Mais il sait aussi que Dieu « sera toujours le rocher de [son] cœur et [son] partage » (v. 26).

Asaph était un Lévite. Or les Lévites n’avaient pas de territoire contrairement aux autres tribus ; Dieu était leur partage. C’est ce qu’Asaph réalise ici.

4. Conclusion (28)

Les pronoms de ce Psaume sont intéressants à relever :

– Dans la première section (2-12), « eux » : Asaph pense aux méchants.

– Dans la deuxième section (13-16), « je » : Asaph est centré sur lui-même.

– Dans la troisième section (17-20), « tu » : Asaph se tourne vers Dieu.

– Dans la dernière section (20-28), « tu et moi » : Asaph est en relation avec Dieu.

Quelle belle progression !

Ce Psaume : – commence par la bonté de Dieu (v. 1) — peut-être une vérité théologique à laquelle il croit, mais qu’il a de la peine à accepter dans ses circonstances, – se termine par la bonté de Dieu3 (v. 28) — mais cette fois, c’est une réalité expérimentale.

Comment Asaph a-t-il trouvé la solution contre le découragement, la dépression et le désespoir ?

– Les circonstances de sa vie n’ont pas changé.

– Les personnes autour de lui n’ont pas changé.

– Il n’a pas trouvé de pilule « magique ».

Mais il est entré dans les sanctuaires de Dieu. Le principal est notre relation avec Dieu. Quand elle est à sa place, les autres choses deviennent bien moins importantes. La vie commence à prendre du sens lorsque nous parlons avec Dieu. Notre communion avec Dieu est notre plus grand privilège. Rien n’est plus important !

1 Il est clair qu’il y a plusieurs causes à la dépression, au désespoir et au découragement : héréditaires, chimiques, etc. Toutefois cet article traite de ce que je pense être la cause principale.
2Le « collier » (v. 6) est le symbole de la dignité.
3 Mon « bien » (v. 28) est le même mot en hébreu que « bonté » au v. 1.


Martin Luther n’a pas seulement remis en lumière le salut par grâce. Il fut aussi un fervent partisan du chant. Les allusions à la musique et aux cantiques sont fréquentes sous sa plume :

« La musique est un splendide don de Dieu, tout proche de la théologie. Je ne voudrais pas renoncer, même pour un grand prix, au peu de musique que je sais. »

Il composa une quarantaine de chants pour amener le peuple à Dieu : « J’ai l’intention, à l’exemple des prophètes et des anciens pères de l’Église, de créer des psaumes en allemand pour le peuple, c’est-à-dire des cantiques spirituels, afin que la Parole de Dieu demeure parmi eux grâce au chant. Les paroles doivent être aussi simples et aussi usuelles que possible, en même temps que pures et convenables. » Qui ne connaît C’est un rempart que notre Dieu, sans doute le plus célèbre de ses chants ?

Pour les mélodies, Luther n’hésitait pas à prendre des airs populaires de son temps, bien connus par les gens simples : il substituait aux paroles parfois grivoises ses textes spirituels.

Même s’il n’aimait pas beaucoup l’accompagnement musical (qui lui rappelait sans doute trop son passé catholique), il savait l’utiliser comme moyen et il a lui-même composé quelques airs.

C’est grâce à l’héritage du premier des Réformateurs que le chant a acquis la place qu’il a dans le culte protestant, tant individuel que collectif. Aujourd’hui plus qu’à tout autre période de l’histoire de l’Église, nous disposons de moyens exceptionnels pour nous aider à chanter : lecteurs mp3 ou autres smartphones nous permettent à tout moment d’accéder à un choix presque infini de chants chrétiens.

Alors, pour alimenter notre louange quotidienne — notre « jubilation du cœur » comme le disait Luther — chantons des cantiques, écoutons des cantiques et, pourquoi pas, composons des cantiques !


« Dieu est avec moi, pour moi » : voilà une persuasion rassurante. Pour prix d’un tel appui, on s’astreindra bien à quelque discipline, à un credo, à un sacrifice occasionnel. Cette piété universelle est aussi celle des religions polythéistes. L’enjeu est alors d’amadouer les divinités, propices ou malveillantes, en vue d’une coexistence pacifique.

Le Dieu de la Bible est-il pour autant réductible à une puissance surnaturelle accommodante ? À une sorte de « contrôleur du ciel » dont la fonction se résumerait à nous piloter à distance ? À un surintendant de nos biens et de nos santés, tout dévoué à notre cause ? La vie chrétienne se résume-t-elle à un partenariat impersonnel ? Une telle conception déformerait gravement la nature, les plans et les projets de l’Éternel. Le Dieu de Jésus-Christ n’a pas besoin de mercenaires. Le Tout Suffisant ne fait pas de clientélisme.

Pourtant, il revendique bel et bien le nom d’Emmanuel, Dieu avec nous. Pour mériter ce titre, il n’a pas refusé d’assumer toutes les conséquences de notre Chute, toutes les offenses que les pécheurs révoltés ont pu commettre envers lui, toute la folie de notre race. Achevant son œuvre par sa mort à la croix et par sa résurrection, le Fils de Dieu a ouvert les portes de sa maison à ceux qui croient en lui. Adoptés comme des fils, ceux-ci sont accueillis dans la présence même du Père (Héb 10.19-22).

Peut-on dès lors tolérer que la vie chrétienne se limite à un contrat de bon voisinage avec Dieu ? Dieu cherche le cœur de l’homme, sa présence, ses affections, ses pensées. La créature régénérée par l’Esprit de Dieu est rendue capable d’aimer son Dieu, de vivre avec lui, en lui, pour lui (Éph 3.14-19). Mais cette histoire d’amour doit se construire, s’éprouver. Les pages qui suivent nous encourageront à cultiver notre intimité avec Celui qui nous appelle à la communion de son Fils et à son royaume (1 Cor 1.9 ; 1 Thes 2.12).


L’Évangile selon Luc nous présente tout particulièrement le Seigneur Jésus comme un homme, l’homme parfait. Il est le « fils de l’homme ». Il est né et a grandi au milieu des hommes, a travaillé et a souffert comme un homme. Dans son humanité, il a vécu une vie de dépendance et de prière, en contact permanent avec son Père. Tout le long de cet Évangile, il prie. Nous allons passer en revue ses prières et tenter d’en retirer des applications pour nous.

• Luc 3.21-22 : « Jésus aussi étant baptisé et priant, le ciel s’ouvrit. »

C’est le début de son service, de sa mission. Il vient au baptême de Jean avec ceux qui se repentent, se courbent devant Dieu, reconnaissent leurs péchés — ce que les pharisiens et les docteurs de la loi refusaient de faire (Luc 7.29-30). Seul Luc précise qu’il prie à ce moment-là. Le Saint Esprit vient sur lui. Il entend la voix du Père : « Tu es mon Fils bien-aimé ; en toi j’ai trouvé mon plaisir. » C’est une manifestation spéciale de l’amour du Père pour son Fils.

Le Seigneur a une relation unique avec son Père. Pour nous, la prière exprime notre relation d’enfant de Dieu. C’est le premier cri d’un « nouveau-né » dans la foi, le premier signe de la vie divine. Au moment où je crois, je reçois le Saint Esprit (Éph 1.13) et j’ai une relation vivante avec mon Père (Rom 8.16). C’est l’émerveillement : « Voyez de quel amour le Père nous a fait don, que nous soyons appelés enfants de Dieu ! » (1 Jean 3.1)

• Luc 5.12-16 : « Jésus se tenait à l’écart dans les déserts et priait. »

Il enseigne et guérit des foules autour de lui. « Sa renommée se répandait de plus en plus. » Il accomplit son service et il a du succès. Que fait-il ? Il pourrait s’organiser pour être plus efficace, pour faire face à la demande. Non, il se retire « à l’écart » pour prier, cultiver sa relation avec son Père. Il n’est pas venu comme fondateur d’une nouvelle religion, ou pour être célèbre. Il montre ainsi que l’essentiel n’est pas ce que l’on fait, mais ce que l’on est : un enfant attaché à son Père.

Sur quoi vais-je asseoir ma vie, mon service ? Quand tout semble urgent, je dois m’arrêter, passer du temps avec mon Père, approfondir ma relation avec lui, pour avoir le discernement de ce qui est important et urgent.

• Luc 6.12-13 : « Il alla sur la montagne pour prier. Et il passa toute la nuit à prier Dieu. Quand il fit jour, il appela à lui ses disciples. Il en choisit douze. »

Avant un choix, une grande décision, il passe la nuit à prier, sans dormir ! Pourtant il connaît toutes choses, il sait même que Juda le trahira (Luc 6.16). C’est une leçon de dépendance, de vie dans la proximité de Dieu.

Souvent, je fais mes choix seul, puis je demande au Seigneur de les bénir. Il vaudrait mieux, avant de prendre mes décisions, passer du temps avec lui dans la prière pour connaître sa volonté.

• Luc 9. 10-17 : « Il prit les cinq pains et les deux poissons et, regardant vers le ciel, il bénit et les rompit. »

Il accueille une foule immense, en guérit les malades et la nourrit. Il reçoit comme de la part de Dieu les cinq pains et les deux poissons et remercie. Il introduit dans le dénuement des gens les ressources du ciel : « Ils mangèrent et furent tous rassasiés. ».

Rendre grâce à Dieu pour chaque circonstance, recevoir avec gratitude « notre pain quotidien » n’est pas une simple forme. C’est reconnaître la bonté de notre Père et lui ouvrir la porte de notre quotidien. Paul savait le faire, même dans des moments très difficiles et ce fut une source de bénédiction pour ses compagnons de souffrance (Act 27.33-36).

• Luc 9.18-22 : « Comme il était en prière à l’écart, avec ses disciples, il leur posa cette question : Qui suis-je aux dires des hommes ? Ils répondirent : Jean-Baptiste ; les autres, Elie ; les autres, qu’un des anciens prophètes est ressuscité. Et vous, leur demanda-t-il, qui dites-vous que je suis ? Pierre répondit : Le Christ de Dieu. »

Jésus veut enseigner à ses disciples une vérité importante. Quel est le cœur du dialogue qu’il initie ? Sont-ce les opinions des hommes à son sujet ? Ou la réponse de Pierre : « Tu es le Christ de Dieu » ? Non, en réalité, c’est l’enseignement qu’il leur communique, et qu’ils ne comprennent pas : « Il faut que le Fils de l’homme souffre beaucoup […] qu’il soit mis à mort et qu’il soit ressuscité le troisième jour. » Ils ne sont pas prêts à entendre le vrai motif de sa venue : le Christ (le Messie) va mourir et ressusciter le troisième jour ! D’ailleurs il continuera de les enseigner, encore et chaque jour. Mais avant de communiquer une grande vérité, Jésus prie.

Je désire parler à mon voisin du salut en Jésus Christ. C’est une mission difficile ; que faire d’abord ? Prier ! Je ne suis pas seul, je demande la direction de l’Esprit de Dieu. Seul Dieu produira la vie, par sa Parole et son Esprit. Je ne suis qu’un canal qui doit rester branché à la source. Comment l’être si je ne prie pas ? Paul, ne se contente pas d’exposer la vérité, à l’exemple de son maître il prie (Éph 1.15-23 ; 3.14-21 ; Col 1.9).

• Luc 9.28-31 : « Il prit avec lui Pierre, Jean et Jacques, et il monta sur la montagne pour prier. Comme il priait, l’apparence de son visage devint tout autre. »

Pendant qu’il prie, il est transfiguré. Seul Luc le précise. Pierre, Jacques et Jean sont les témoins de sa gloire divine. Ils en ont été marqués définitivement. « En effet, ce n’est pas en suivant des fables ingénieusement imaginées que nous vous avons fait connaître la puissance et la venue de notre Seigneur Jésus Christ, mais parce que nous avons été témoins oculaires de sa majesté. » (2 Pi 1.16-18)

Autrefois, le visage de Moïse rayonnait après avoir parlé avec Dieu (Ex 34.35). Que se passe-t-il quand nous vivons dans la proximité de Dieu ? « Nous tous contemplant à face découverte la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en la même image, de gloire en gloire. » (2 Cor 3.18) Une transformation ! « Nous tous » : ce n’est pas réservé à une élite (comme Moïse et Élie) La communion avec Dieu transforme l’être intérieur, lui apportant paix, joie, douceur : quelque chose de Christ devient visible. C’est un reflet de sa présence. Le but de Dieu, c’est « Christ formé en vous » (Gal 4.19), « Christ en vous, l’espérance de la gloire » (Col 1.27).

• Luc 10.21 : « Jésus se réjouit en esprit et dit : Je te loue, ô Père, Seigneur du ciel et de la terre, parce que tu as caché ces choses aux sages et aux intelligents, et que tu les as révélées aux petits enfants. Oui, Père, car c’est ce que tu as trouvé bon devant toi. »

C’est le retour joyeux des soixante-dix, retour d’une mission bien réussie. Jésus leur montre que l’important n’est pas dans le succès, mais ailleurs : « Réjouissez-vous de ce que vos noms sont inscrits dans les cieux. » Lui se réjouit, exprime sa reconnaissance, car Dieu se révèle aux petits, et non à ceux qui ont la prétention du savoir.

Mais le texte parallèle en Mat 11.25 donne un autre éclairage : les villes de Galilée l’ont rejeté par incrédulité. C’est un échec apparent. Et Jésus exprime la même reconnaissance avec les mêmes paroles. Sa joie ne dépend pas des circonstances. Elle est liée à sa relation avec son Père.

Ai-je l’œil exercé pour voir ce que Dieu fait, en toutes circonstances (succès ou échecs) et dans la vie de mes frères et sœurs ? Quelle est la place de la louange et de la reconnaissance dans ma vie ? Être reconnaissant, c’est accepter ses plans, voir son œuvre, l’admirer. « En toutes choses rendez grâces, car telle est la volonté de Dieu dans le Christ Jésus à votre égard. » (1 Thes 5.16)

• Luc 11.1-13 : « Comme Jésus était en prière […] un de ses disciples lui dit : Seigneur, enseigne-nous à prier […] — Quand vous priez, dites : Père, que ton nom soit sanctifié… » Puis Jésus leur raconte l’histoire de l’ami qui vient chercher trois pains à minuit…

Son enseignement sur la prière commence par l’exemple. Puis il leur enseigne le « Notre Père ». Ce n’est pas une prière à réciter sans y penser.

D’abord, quand je prie, je m’adresse à un Dieu vivant, à mon Père, qui m’écoute, m’aime et veut répondre. Est-ce que je mets en place les bonnes priorités : en premier, Dieu et sa gloire, en second mes besoins matériels et spirituels ?

L’exemple de l’ami insiste sur la confiance et la liberté. N’ayons pas peur de déranger, de demander, d’insister : Dieu est le Dieu de toute grâce.

L’enseignement est clair : « Et moi, je vous dis : Demandez, et il vous sera donné ; cherchez, et vous trouverez ; frappez, et il vous sera ouvert. » (Luc 11.9)

« Vous n’avez pas parce que vous ne demandez pas. » (Jac 4.2) Demande et fais confiance à la sagesse de ton Père qui te donnera ce qu’il te faut et au bon moment !

• Luc 22.31-32 : « Moi, j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille pas ; et toi, quand tu seras revenu, fortifie tes frères. »

L’intercession du Seigneur a été comme une bouée pour que Pierre ne sombre pas. Il renie le Seigneur, qui meurt. Il n’a pas pu se réconcilier avec lui. Mais il sait que Jésus a prié pour lui. Il lui a dit aussi : « Quand tu seras revenu… » Il y a un espoir, un retour possible.

Chacun a ses difficultés, ses tentations. Aujourd’hui encore, le Seigneur est l’intercesseur de chacun de nous « pour avoir du secours au moment opportun » (Héb 4.16 ; Jean 17.20 ; Rom 8.34 ; 1 Jean 2.1). Paul écrivait : « Frères, priez pour moi… » Prions-nous l’un pour l’autre ? La prière d’intercession rapproche l’un de l’autre. Nous avons besoin des soins réciproques qui rendent concret l’amour de Dieu pour nous.

Un frère de Colombie a raconté : « Un matin, de bonne heure, j’étais en route vers un orphelinat chrétien. Une moto m’a dépassé et son passager a jeté un œuf contre le pare-brise de ma voiture pour m’aveugler. J’ai freiné, et j’ai vu très distinctement le canon d’un révolver braqué sur moi. Mais le coup n’est pas parti. En arrivant à destination, j’ai été accueilli par le frère directeur de l’orphelinat, sur le pas de sa porte. ‘Est-ce que tout va bien ? Ce matin, à sept heures, j’ai été réveillé brusquement, avec le sentiment très fort que vous étiez en danger et que je devais prier pour vous.’ Quand je lui ai raconté l’agression, nous avons pu louer et remercier notre Père ensemble. » Ce frère a conclu : « Si vous pensez très fort à quelqu’un, à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit, priez pour lui aussitôt. » Peut-être pourrions-nous parfois mettre en pratique ce conseil.

• Luc 22.39-46 : « Et lui s’éloigna d’eux environ d’un jet de pierre, et s’étant mis à genoux, il priait, disant : Père, si tu voulais faire passer cette coupe loin de moi ! Toutefois, que ce ne soit pas ma volonté mais la tienne qui soit faite. »

Gethsémané ! Lui est à genoux, la face contre terre, dans une supplication intense, un combat terrible devant l’horreur des moments à venir, comme celui de l’abandon de Dieu à cause de notre péché ! « Si tu voulais… » : pas d’exigence. « Pas ma volonté, mais la tienne » : dépendance et soumission.

Est-ce que je désire toujours faire la volonté de Dieu ? Je sais que je ne serai jamais abandonné, mais les dangers existent. La prière est la ressource. « Il leur dit : Priez afin que vous n’entriez pas en tentation. » (Luc 22.46)

• Luc 23.33-34 : « Père, pardonne-leur… »

De qui Jésus est-il occupé à cette heure terrible, de lui ou des autres ? Son souci, c’est le pardon de ses tortionnaires, le salut de ses ennemis : « Il a intercédé pour les coupables. » (És 53.12)

Toute sa vie il a donné l’exemple de l’abnégation, du dévouement parfait.

La nuit avant la croix, il dit à ses disciples : « Que votre cœur ne soit pas troublé. » (Jean 14.1) Pourtant à ce moment là, il est lui-même troublé dans son âme et son esprit (Jean 12.27 ; 13.21). Il s’oublie lui même pour s’occuper des siens.

« Christ […] a souffert pour vous, vous laissant un modèle, afin que vous suiviez ses traces. » (1 Pi 2.21) Je ne pourrai lui ressembler qu’en recherchant le bien des autres.

• Luc 23.46 : « Père, entre tes mains je remets mon esprit. »

Son dernier souffle est une prière.

À la fin de la vie de quelqu’un, ce qui a fait la trame de sa vie ressort souvent (plainte, colère, gourmandise, etc., — ou bonté, joie, confiance…). Le cœur de la vie du Seigneur Jésus, c’est la prière, expression de sa confiance en son Père. Quel exemple merveilleux !

Un frère africain, aveugle, très âgé, qui avait évangélisé dans les rues de son village en chantant chaque matin, avait l’habitude de dire, avant toute salutation, à tous ceux qu’il rencontrait : « D’abord, cale tes mains. » Et les deux mains jointes, il priait.

***

Rien n’a jamais troublé la relation du Seigneur Jésus avec son Père. Comme lui, approchons-nous de notre Père, avec nos joies et nos peines, nos questions et nos émerveillements, pour le rencontrer, l’écouter aussi, tout partager… Il y a des obstacles : le téléphone, les soucis, les occupations, le manque de temps… Qu’il nous aide à suivre ses traces.


Partout, dans la Bible, le croyant est invité à s’approcher de Dieu. Méditer la Parole de Dieu, chanter, prier ou jeûner, sont toutes des expressions d’une consécration à Dieu. Concentrons-nous sur la méditation personnelle.

Un temps de méditation quotidienne avec le Seigneur est une expérience indispensable pour grandir dans la connaissance de Dieu et dans la foi personnelle. Ces moments sont importants pour la vie spirituelle. « L’homme ne vivra pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. » (Matt 4.4)

POURQUOI EST-IL UTILE D’AVOIR UN TEMPS DE MEDITATION ?

La Parole nous donne plusieurs raisons :

1. Pour mieux connaître quelqu’un, il faut passer du temps avec lui.

Nous avons besoin de la communion avec Dieu pour mieux le connaître et pour mieux l’adorer. La vie éternelle se trouve dans une relation vivante avec Dieu et son Fils Jésus Christ : « La vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus–Christ. » (Jean 17.3)

2. C’est un moment pour se rappeler de ce que Dieu fait dans notre vie.

« Mon âme, bénis l’Éternel, et n’oublie aucun de ses bienfaits ! » (Ps 103.2) Nous risquons facilement d’oublier les bienfaits de Dieu. Le temps de méditation nous invite à réfléchir sur la fidélité et la bonté de Dieu.

3. La méditation est indispensable pour la croissance spirituelle.

L’apôtre Pierre dit que les croyants doivent désirer la nourriture spirituelle comme un bébé désire le lait maternel. (1 Pi 2.2) Le bébé dans la foi a besoin du lait. Le croyant mature a besoin de la nourriture solide : « La nourriture solide est pour les hommes faits, qui, par le fait de l’habitude, ont les sens exercés à discerner le bien et le mal. » (Héb 5.14) La méditation de la Parole nous apprend à discerner la volonté de Dieu pour notre vie.

4. La méditation de la Parole nous garde sur le bon chemin.

De notre temps avec le Seigneur nous recevons direction pour notre marche. « Éternel ! fais-moi connaître tes voies, enseigne-moi tes sentiers. Conduis-moi dans ta vérité, et instruis-moi. » (Ps 25.4-5) « Comment le jeune homme rendra-t-il pur son sentier ? En se dirigeant d’après ta parole. Je te cherche de tout mon cœur : ne me laisse pas m’égarer loin de tes commandements ! Je serre ta parole dans mon cœur, afin de ne pas pécher contre toi. » (Ps 119.9-11)

Parfois, en plus d’une direction nous recevons une correction : « Heureux l’homme que tu châties, ô Éternel ! et que tu instruis par ta loi. » (Ps 94.12)

5. La Parole est aussi une source de consolation.

Les Thessaloniciens étaient dans l’inquiétude quant à leurs frères décédés. Paul les console par des éclaircissements sur ce sujet (1 Thes 4.17-18).

6. Ce temps quotidien avec le Seigneur nous rafraîchit comme le bain de chaque jour.

Il nous lave et nous garde en santé spirituelle : c’est la purification par le lavage d’eau de la Parole (Éph 5.25-26). Par cette Parole, qui est la vérité, nous sommes sanctifiés jour après jour (Jean 17.17).

COMMENT POUVONS-NOUS VIVRE CE TEMPS AVEC LE SEIGNEUR ?

a. Commençons par adopter la bonne attitude

1. Attendons quelque chose de lui 

Il est nécessaire d’avoir un esprit d’attente afin de recevoir quelque chose de Dieu. Si nous n’attendons rien, nous ne recevrons probablement rien.

– David avait cette attente : « Ô Dieu ! tu es mon Dieu, je te cherche ; mon âme a soif de toi, mon corps soupire après toi, dans une terre aride, desséchée, sans eau. Ainsi je te contemple dans le sanctuaire, pour voir ta puissance et ta gloire. » (Ps 63.1-2)

– Moïse aussi : « Rassasie–nous chaque matin de ta bonté, et nous serons toute notre vie dans la joie et l’allégresse. » (Ps 90.14)

2. Venons avec sincérité et respect

Notre Seigneur est celui dont les séraphins disent : « Saint, saint, saint est l’Éternel des armées ! toute la terre est pleine de sa gloire ! » (És 6.1-3). Aussi « montrons notre reconnaissance en rendant à Dieu un culte qui lui soit agréable, avec piété et avec crainte. » (Héb 12.28) Nous prions alors : « Dispose mon cœur à la crainte de ton nom. » (Ps 86.11)

3. Soyons réveillé

C’est déjà à prendre au sens littéral ! Être réveillé veut dire adopter une bonne hygiène de vie. Pour être clair le matin, il faut se coucher à l’heure la veille au soir… En nous réveillant, lavons-nous le visage ; faisons quelques exercices corporels. Lisons et prions à haute voix. Prenons des notes lors de notre lecture. Disciplinons-nous !

David avait cette discipline : « Éternel ! le matin tu entends ma voix ; le matin je me tourne vers toi, et je regarde. » (Ps 5.3) « Mon cœur est affermi, ô Dieu ! mon cœur est affermi ; je chanterai, je ferai retentir mes instruments. Réveille-toi, mon âme ! réveillez-vous, mon luth et ma harpe ! Je réveillerai l’aurore. » (Ps 57.7-8)

4. Obéissons à la Parole

Prenons garde à ne pas être des hommes insensés qui construisent leur maison sur le sable en entendant les paroles de Dieu sans les mettre en pratique (Matt 7.26). Job disait : « Je n’ai pas abandonné les commandements de ses lèvres ; j’ai fait plier ma volonté aux paroles de sa bouche. » (Job 23.12)

La Parole de Dieu doit être mise en pratique. Partout dans la Parole, nous voyons que le Seigneur préfère la réalité intérieure plutôt que la forme extérieure (1 Sam 15.22). Nous devons faire attention à ne pas tomber dans le formalisme. Faire de son temps de méditation un devoir n’est pas selon les pensées de Dieu. Notre cœur doit être là et dirigé vers Dieu. Le Seigneur Jésus disait : « Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé. » (Jean 4.34)

b. Choisissons un temps spécifique

Jésus sortait quand il faisait encore nuit (Marc 1.35). Choisissons le meilleur moment du jour.

La Bible donne des exemples des hommes de Dieu qui avaient plusieurs moments par jour avec le Seigneur :

– David : « Le soir, le matin, et à midi, je soupire et je gémis, et il entendra ma voix. » (Ps 55.17)

– Daniel : « Trois fois par jour il se mettait à genoux, il priait, et il louait son Dieu, comme il le faisait auparavant. » (Dan 6.10)

Combien de temps faut-il passer avec le Seigneur ? C’est difficile de répondre à cette question… 15 minutes par jour correspondent à 1 % du temps entier d’une journée. Est-ce un sacrifice trop grand à offrir à notre Sauveur ?

Ne regardons pas notre montre pendant que nous lisons et prions. Mettons plutôt l’accent sur la qualité et non sur la quantité des minutes.

Courrons-nous après le temps ? C’est avant tout une question de priorité. Nous avons tous 168 heures par semaine ! Il faut créer du temps pour les choses importantes. Si nous n’avons pas de temps pour Dieu, c’est que nous sommes trop occupés.

c. Choisissons un endroit spécifique

C’était le cas :

– d’Abraham : «  Il se leva de bon matin, pour aller au lieu où il s’était tenu en présence de l’Éternel. » (Gn 19.27)

– de Jésus : « Après être sorti, il alla, selon sa coutume, à la montagne des Oliviers. Ses disciples le suivirent. » (Luc 22.39)

Ce doit être un endroit où nous pouvons être seul, sans être dérangé par les enfants, de la musique, etc. Un endroit où nous pouvons prier à haute voix sans déranger les autres ; où nous avons une bonne lumière et un siège agréable. Ce doit être une place spéciale et consacrée à ce but.

d. Suivons un plan simple

Il est utile d’avoir un plan pour le temps de méditation, mais faisons attention à ne pas devenir esclave de notre plan. Soyons créatifs ! Pour ne pas tomber dans une routine ennuyeuse, changeons les manières de faire.

En dehors de notre Bible, munissons-nous aussi d’un cahier et d’un stylo pour prendre des notes, ainsi que d’un recueil de chants. Enlevons toute source de distraction. Notons les pensées errantes sur un bout de papier afin de les considérer plus tard.

Incluons les points suivants :

– 1. Repos

Attendons d’abord une minute et restons tranquille pour nous confier à Dieu : « Arrêtez, et sachez que je suis Dieu. » (Ps 46.10) « C’est dans la tranquillité et le repos que sera votre salut, c’est dans le calme et la confiance que sera votre force. » (És 30.15)

– 2. Requête

Ce n’est pas un temps d’intercession mais de préparation. Voici quelques prières qui peuvent servir d’exemple :

– « Sonde-moi, ô Dieu, et connais mon cœur ! Éprouve-moi, et connais mes pensées ! Regarde si je suis sur une mauvaise voie, et conduis-moi sur la voie de l’éternité ! » (Ps 139.23-24)

– « Ouvre mes yeux, pour que je contemple les merveilles de ta loi ! » (Ps 119.18)

– 3. Lecture de la Parole

Lisons un passage dans la Bible lentement, sans nous arrêter. Lisons le passage plusieurs fois. Lisons le passage à haute voix. Lisons selon un plan systématique (livre par livre).

– 4. Méditation

Réfléchissons sur le texte que nous avons lu. Posons-nous des questions comme : Qui ? Quoi ? Quand ? Où ? Pourquoi ?

– 5. Mémorisation

Apprenons par cœur un verset qui nous a parlé particulièrement.

– 6. Notes

Écrivons ce que Dieu nous a montré : une promesse, un péché à confesser, une faiblesse à surmonter, quelque chose que nous devrions faire, un trait de caractère à désirer.

– 7. Chants

Prenons du temps pour chanter quelques cantiques avec l’esprit et avec l’intelligence (1 Cor 14.15).

« Que mon cœur te chante et ne soit pas muet. Éternel, mon Dieu ! je te louerai toujours. » (Ps 30.12)

– 8. Prière

Ce temps de prière comprend plusieurs aspects :

– Louange et adoration (voir par exemple Ps 50.23 ; 1 Chr 29.10-13) : Trouvons chaque jour au moins cinq sujets pour lesquels nous pouvons remercier le Seigneur !

– Confession : « Celui qui cache ses transgressions ne prospérera point, mais celui qui les confesse et les abandonne obtiendra miséricorde. » (Prov 28.13)

– Pétition et intercession : Faisons des prières pour nous-mêmes et pour d’autres. « Loin de moi aussi de pécher contre l’Éternel, de cesser de prier pour vous ! » (1 Sam 12.23) « Je ne cesse de rendre grâces pour vous, faisant mention de vous dans mes prières. » (Éph 1.16) Soyons spécifique. Faisons une liste avec des sujets pour mieux formuler les besoins. Notons aussi dans le cahier quand la prière a été exaucée. Prions pour notre famille, l’église, les voisins, les collègues de travail, les gens que nous croisons en route, notre pays et les autorités. En plus, prions pour l’œuvre missionnaire, la propagation de l’Évangile, les occasions de témoigner (1 Tim 2.1-3).

– Consécration : Consacrons-nous à Dieu pour la journée qui se présente devant nous. « Mais en toi je me confie, ô Éternel ! Je dis : Tu es mon Dieu ! Mes destinées sont dans ta main. » (Ps 31.14,15) « Je vous exhorte donc, frères, par les compassions de Dieu, à offrir vos corps comme un sacrifice vivant, saint, agréable à Dieu, ce qui sera de votre part un culte raisonnable. » (Rom 12.1) « Me voici, Seigneur ! » (Act 9.10) « Que dois-je faire, Seigneur ? » (Act 22.10)

CONCLUSION

Souvent les gens ont de la bonne volonté, mais ils ne sont pas capables de mettre à part un moment quotidien avec le Seigneur. Commençons aujourd’hui et non demain. Faisons une alliance avec Dieu : Seigneur, je consacre chaque jour un temps de qualité avec toi. Je me confie en toi pour que tu me donnes la force pour sa réalisation.

 


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.« Lorsque vous jeûnez, ne prenez pas un air triste, comme les hypocrites, qui se rendent le visage tout défait, pour montrer aux hommes qu’ils jeûnent. Je vous le dis en vérité, ils ont leur récompense. Mais quand tu jeûnes, parfume ta tête et lave ton visage, afin de ne pas montrer aux hommes que tu jeûnes, mais à ton Père qui est là dans le lieu secret ; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra. » (Matthieu 6.16-18)

Les pharisiens jeûnaient « deux fois par semaine » (Luc 18.12), le lundi et le mercredi. Jean-Baptiste et ses disciples jeûnaient assez régulièrement, et même « souvent », mais les disciples de Jésus ne jeûnaient pas (Mat 9.14) ; aussi est-il surprenant que Jésus attende de ses disciples qu’ils jeûnent et consacre une partie de son enseignement sur la colline aux détails de cette pratique. Nous-mêmes, nous vivons souvent comme si ce passage n’existait pas dans la Bible. La plupart des chrétiens insistent sur l’importance de la prière quotidienne et de la libéralité, mais peu nombreux sont ceux qui attachent de l’importance au jeûne. Les chrétiens des courants évangéliques qui insistent sur le caractère intérieur de la vie chrétienne, laissant une large place au cœur et à l’esprit, ne parviennent pas toujours à s’accommoder de cette discipline extérieure, corporelle qu’est le jeûne. Ne serait-ce pas une pratique de l’Ancienne Alliance ordonnée par Moïse le Jour des Propitiations, pratique exigée plusieurs fois l’an après le retour de Babylone, mais que le Christ serait venu abroger ? Les contemporains de Jésus ne sont-ils pas venus lui demander : « Pourquoi les disciples de Jean et les disciples des pharisiens jeûnent-ils et tes disciples ne jeûnent-ils pas ? » Le jeûne n’est-il pas une pratique propre à certaines Églises ou un reste de l’Église médiévale qui a élaboré un calendrier détaillé des jours de fête et des jours de jeûne ? N’est-il pas lié à une conception du culte rendu à Dieu qui attacherait beaucoup d’importance aux rites ?

En utilisant tantôt les Écritures, tantôt l’histoire de l’Église, on pourrait probablement répondre positivement à toutes ces questions. Mais quelques faits permettent de rétablir une vue plus globale de cette pratique. Jésus lui-même, le Maître et Seigneur de tous, jeûna quarante jours et quarante nuits dans le désert. Et c’est lui aussi qui répondait à la question de ses interlocuteurs en disant : « Lorsque l’époux leur sera enlevé, alors ils (mes disciples) jeûneront » (Mat 9.15). Dans le Sermon, Jésus enseigne comment jeûner, ce qui suppose que ses disciples jeûnent bel et bien. Les Actes des Apôtres et les Épîtres du Nouveau Testament font maintes références au jeûne des apôtres. Aussi, ne pouvons-nous le rejeter comme étant une pratique de l’Ancienne Alliance abrogée par la Nouvelle, ni comme la pratique d’une Église que telle autre Église rejette.

Le jeûne est une abstinence totale de nourriture. Cependant, cette notion s’étend à toute abstinence partielle ou totale de nourriture pendant des périodes plus ou moins longues, d’où la désignation de notre premier repas de la journée comme du petit dé-jeûner qui interrompt le jeûne de la nuit.

Dans les Écritures, le jeûne a une connotation d’abnégation et d’auto-discipline. En tout premier lieu, le jeûne est associé à l’humiliation devant Dieu (Ps 35.13 ; És 58.3,5). Quelques fois le jeûne était une expression de pénitence pour le péché passé. Des personnes profondément attristées par leur péché et leur culpabilité pleuraient en jeûnant. Néhémie, par exemple, assembla les fils d’Israël « vêtus de sacs… pour le jeûne… et ils se mirent en place pour confesser leurs péchés ». Les gens de Ninive se repentirent en entendant la prédication de Jonas ; ils proclamèrent un jeûne et se revêtirent de sacs ; Daniel chercha Dieu « en priant, en suppliant et en jeûnant, revêtu du sac et de la cendre » ; il implora le Seigneur son Dieu et confessa les péchés de son peuple. Après sa conversion, Saul de Tarse fit pénitence pour avoir persécuté le Christ et ne but ni ne mangea pendant trois jours (Néh 9.1 ; Jon 3.5 ; Dan 9.3 ; 10.2-3 ; Act 9.9).

Aujourd’hui encore, des chrétiens convaincus de péché et poussés à la repentante l’expriment par un deuil, des pleurs ou le jeûne. Les enseignements brefs contenus dans la liturgie de certaines Églises commencent par les instructions sur le jeûne. C’est une application possible de la parole de Jésus selon laquelle « lorsque l’époux leur sera enlevé, alors mes disciples jeûneront … ». C’est comme si les disciples se réjouissent en Christ et à cause de son salut tant qu’il est avec eux et qu’ils participent aux noces et qu’ils s’affligent dès que la fête est interrompue et que surgit la défaite ou l’adversité. Alors « c’est le moment de s’humilier par le jeûne devant le Dieu tout-puissant, de faire le deuil et de regretter ses péchés d’un cœur contrit » dit l’une de ces liturgies1. Toutefois, ce n’est pas seulement pour faire pénitence en raison de notre passé de péché que nous nous humilions devant Dieu. C’est aussi pour reconnaître que nous comptons sur sa miséricorde future. Ici à nouveau, le jeûne peut être l’expression de notre humiliation. Dans la Bible, le jeûne est plus souvent associé à la prière qu’à la pénitence. Il s’agit moins d’une pratique régulière que d’une observance occasionnelle qui exprime l’intention de chercher la volonté ou la bénédiction de Dieu ; à cette fin, le croyant se détourne de toute nourriture et de tout ce qui peut distraire. Ainsi, lorsque Dieu renouvela son alliance avec son peuple sur le Mont Sinaï, Moïse jeûna. Plus tard, devant les armées de Moab et d’Ammon, Josaphat « décida de consulter l’Éternel et décréta un jeûne sur tout Juda ». Il y eut aussi la reine Esther qui, avant de mettre sa vie en jeu en approchant le roi, demanda à Mardochée de convoquer les Juifs et de jeûner en sa faveur pendant qu’elle et ses servantes feraient de même. À Babylone, Esdras proclama un jeûne avant de prendre la tête des exilés qui retournaient à Jérusalem, afin, dit-il de « nous humilier devant notre Dieu… de chercher la faveur de cheminer sans encombre ». Puis, à la suite de Jésus lui-même, l’Église primitive jeûna. Ainsi l’Église d’Antioche jeûna avant d’envoyer Paul et Barnabas pour leur premier voyage missionnaire. Et Paul et Barnabas firent de même avant de désigner des Anciens dans toutes les jeunes églises qu’ils avaient fondées (Ex 24.18 ; 2 Chr 20.3 ; Est 4.16 ; Esd 8.21 ; Mat 4.1-2 ; Act 13.1-3 ; 14.23). Des entreprises spéciales requièrent des prières spéciales ; et une prière spéciale peut inclure le jeûne.

Il y a encore une autre raison biblique pour jeûner. La faim constitue l’un de de nos appétits humains fondamentaux et la gourmandise l’un des péchés les plus généralisés. Aussi la maîtrise de soi perd-elle tout son sens si elle n’inclut pas le contrôle de notre corps. Paul utilise l’exemple de l’athlète qui, pour être en mesure de participer à une compétition, doit cultiver sa forme physique en s’entraînant. L’entraînement suppose une discipline alimentaire, du sommeil et de l’exercice. « Un athlète s’entraîne à la maîtrise de soi dans tous les domaines. » Et les disciples engagés dans la course chrétienne sont soumis aux mêmes règles. Paul parle de « traiter durement son corps » (littéralement « de lui faire des bleus ») et de le tenir « assujetti » (ou « de le traiter comme un esclave », 1 Cor 9.27). Ce n’est pas là du masochisme (qui éprouve du plaisir à s’infliger des souffrances), ni un faux ascétisme (qui porte le cilice et la haire ou qui dort sur un lit de clous), ni encore une tentative de s’attirer des mérites comme les pharisiens dans le temple (Luc 18.12). Une telle conception ne serait pas du tout paulinienne et, partant, ne saurait nous inspirer. Nous n’avons aucune raison de « punir » notre corps, car il est création de Dieu. Mais nous devons le discipliner afin qu’il nous obéisse ; et l’une des façons de développer notre maîtrise de nous-mêmes, c’est de nous abstenir volontairement de nourriture.

Le jeûne peut aussi être une occasion de partager ce que nous aurions mangé avec ceux qui sont sous-alimentés. On trouve des indications d’une telle pratique dans l’A.T. déjà. Job pouvait dire : « Ma ration, l’ai-je mangée seul, sans que la veuve et l’orphelin aient leur part ? » (Job 31.16-17) Par contre, lorsque Dieu, par l’intermédiaire d’Ésaïe, condamne le jeûne hypocrite des habitants de Jérusalem, il se plaint du fait qu’ils recherchent leur propre satisfaction et oppriment leurs employés au moment même où ils jeûnent. Dans leur esprit et dans leurs actions, il n’existait aucune relation entre la nourriture dont ils s’abstenaient et les besoins matériels de leurs ouvriers. La religion qu’ils pratiquaient était dépourvue de justice et de charité. Aussi Dieu leur rappelle-t-il que  « le jeûne que je préfère n’est-ce pas ceci : dénouer les liens provenant de la méchanceté… renvoyer libres ceux qui ployaient… N’est-ce pas partager son pain avec l’affamé ? », et encore, « les pauvres sans abri, tu les hébergeras… » (És 58.6-7) Jésus reprend implicitement le même enseignement lorsqu’il raconte l’histoire du riche qui donnait chaque jour des fêtes somptueuses alors qu’à sa porte était couché un mendiant qui pour se nourrir attendait les miettes qui tomberaient de sa table (Luc 16 .19-31).

Il ne manque pas d’exemples plus récents de telles situations. Ainsi dans l’Angleterre du xvie siècle, l’abstinence de viande était prescrite certains jours de l’année. Elle était remplacée par du poisson. Cette prescription émanait non de l’Église mais de l’État qui entendait ainsi « soutenir l’économie des ports maritimes » et « limiter le prix des victuailles afin d’améliorer l’existence des pauvres ». De nos jours, le sort de millions d’affamés nous est présenté quotidiennement par la télévision. Des repas-ceinture (occasionnels ou mieux encore réguliers), ou le jeûne une ou deux fois par semaine sont au moins un moyen de lutter contre la suralimentation que traduit l’embonpoint. Cette manière de jeûner exprime notre solidarité avec les pauvres.

Que ce soit pour faire pénitence ou pour prier, par autodiscipline ou par solidarité, la Bible nous donne bien des raisons de jeûner et le jeûne a sa place dans la vie chrétienne. Comme pour l’aumône ou la prière, il est important de ne pas attirer l’attention sur soi lorsqu’on jeûne. Ce sont les hypocrites qui prennent « un air triste » et vont « le visage tout défait ». Le mot aphanisô traduit par « défait » signifie littéralement « faire disparaître », « rendre invisible ou méconnaissable ».

Il se peut que les hypocrites négligeaient leur hygiène personnelle ou recouvraient leur visage de cendres afin de paraître pâles et mélancoliques. Leur « sainteté » pouvait ainsi être vue de tous et susciter l’admiration qui était la récompense attendue. « Mais pour toi, poursuit Jésus, quand tu jeûnes, parfume-toi la tête et lave-toi le visage », « donne-toi un coup de peigne » dirait-il peut-être aujourd’hui ! Jésus ne demande rien d’extraordinaire ; il ne s’agit pas pour les disciples d’endosser un air de gaieté forcé. En effet, comme Calvin l’explique, le « Christ ne nous retire pas d’une espèce d’hypocrisie pour nous faire retomber en l’autre ». Il part du principe que les disciples faisaient leur toilette tous les jours et que les jours de jeûne ils la feraient comme d’habitude afin que nul ne se doute de leur état. Dans cette situation aussi, « ton Père qui voit dans le secret te le rendra ». L’objectif du jeûne n’est pas d’en faire la publicité ou de cultiver la réputation de ceux qui le pratiquent. Il exprime l’humilité de l’homme devant Dieu et sa préoccupation pour ceux qui sont dans le besoin. Si ces objectifs sont atteints, le jeûne a déjà obtenu son comptant de récompense.

1Voir par exemple la Liturgie de l’Église Anglicane.


Un message au cœur de la Bible 

L’intérêt porté au pauvre, à l’orphelin, à la veuve, à l’étranger, constitue une interpellation permanente dans l’Ancien Testament, et forme plus particulièrement le cœur du message prophétique. Face à la religiosité, face à un attachement scrupuleux à la lettre de la loi divine qui en faisait oublier la compassion dont elle est porteuse, face à l’individualisme froid ou au laisser-aller, les prophètes répètent que Dieu ne réclame ni offrandes ni sacrifices, mais un cœur sensible au démuni. Ce message résonne dans notre actualité et interroge le chrétien sur la réalité de son engagement vers l’action sociale.

Le Nouveau Testament nous situe au cœur même de la problématique en montrant la vie très modeste de Jésus, proche des gens simples. Dans sa compagnie, l’habitude était de se « soucier des pauvres », ce qui fut ensuite une des préoccupations des premiers chrétiens (cf. Actes et Épîtres). Jacques affirme que « la religion authentique et pure consiste à aider les orphelins et les veuves dans leurs détresses » (Jac 1.27). L’Évangile invite à s’approcher des démunis dans une attitude sans calcul, comme reflet de la bonté divine dans son caractère de gratuité. Il ne s’agit pas d’une méthode pour évangéliser, mais d’un intérêt sincère pour autrui dans toute sa dimension.

Le Nouveau Testament appelle cela d’un terme devenu célèbre : le « verre d’eau froide ». Il propose une série de missions simples envers celui qui « a faim, qui a soif, qui est étranger, ou sans vêtements, ou malade ou en prison » (Matt 25). Nous pouvons trouver plusieurs exemples de secours apporté au voyageur ou à l’exilé dans la Bible, notre Seigneur lui-même ayant connu l’exil.

État des lieux

La priorité semble donc devoir aller vers le plus démuni, mais la détresse sociale s’étant beaucoup complexifiée et mondialisée, l’immensité des besoins peut laisser croire que toute intervention est dérisoire. L’aide durable envers tout souffrant n’est pas à notre portée, ni à celle d’un acteur isolé. La paupérisation relative des masses s’est accrue au cours de la seconde moitié du xxe siècle et la prolifération des inégalités est une réalité aux multiples visages. Une partie de l’humanité n’a accès ni à la nourriture indispensable à sa survie, ni à l’eau ni aux conditions d’hygiène élémentaire. Près de chez nous, le dénuement a pris la forme de la spirale de l’exclusion, la pauvreté se doublant de la perte du lien social dans une société paradoxalement toujours plus préoccupée de performance et de contrôle.

Mais l’Évangile ouvre d’autres perspectives, en suggérant d’être porteurs de lumière. « Une ville sur une montagne ne peut être cachée », elle sert donc de repère aux voyageurs, même si les habitants ne les croisent pas. L’action accomplie même à faible échelle a donc une portée que nous ignorons souvent, cela peut nous encourager à faire ce qui nous tient à cœur sans calculer. Les domaines d’action qui restent largement accessibles aux non professionnels sont très vastes, qu’il s’agisse d’accompagnement, de visite, d’aide aux démarches, de distribution alimentaire, d’accueil d’enfants ou de personnes âgées.

Dans ce contexte de solitudes et de détresses, la parole des Proverbes (24.12) retentit fortement : « Tu ne pourras pas dire que tu ne savais pas. » La présence des chrétiens est une urgence criante quand on connaît tant soit peu la vie de Celui dont ils se réclament. Loin d’être un mouvement politique ou sociologique en tant que tel, le christianisme a le pouvoir d’interroger, par le renversement des valeurs toujours surprenant qui le caractérise. Ainsi le plus faible, l’étranger, le pauvre, le « dernier », deviennent les « premiers », les objets d’une attention toute particulière. Leur situation ne leur confère pas une vertu en soi, mais représente une interpellation, comme autrefois Moïse pouvait le dire au peuple élu : « Il ne doit pas y avoir de pauvres parmi vous. » (Deut 15.4,11)

Et l’apôtre Paul n’hésitera pas à dire qu’une des motivations du travail, c’est de pouvoir donner à celui qui est dans le besoin (Éph 4.28).

Modes d’action, priorités et obstacles

Seul, il est toujours possible d’agir à petite dimension. Cependant le cadre d’une action d’église d’un service diaconal, d’une association, a le grand avantage de permettre de trouver des relais, d’échanger sur les besoins et les projets, d’offrir un soutien de prière. Les qualités bibliques du travail en équipe pourraient être largement évoquées. A ce propos il peut être également utile de rappeler que l’église n’est pas un lieu, mais des personnes animées par l’Esprit.

Le prochain est celui à qui l’on offre l’amour divin, mais aussi celui qui nous vient en aide, selon la célèbre parabole du Bon Samaritain. Cette réciprocité est à cultiver, à méditer, afin que notre action offre un espace de liberté et non pas un asservissement ou un assistanat. Dans son action, Jésus implique toujours le bénéficiaire. Les « autres », ce sont nos compagnons d’une humanité fragile et marquée pourtant du divin. L’action chrétienne devient alors un signe, comme lorsque Jean-Baptiste était invité à reconnaître le Messie parce que les gens étaient secourus dans leurs détresses et que la bonne nouvelle était annoncée aux pauvres (Mat 11.4,5 ; cf. aussi Luc 4.18).

Le partage de l’Évangile avec les exclus et les souffrants est possible si l’Évangile est envisagé comme ce qui crée du lien, de la relation, ce qui interroge et met en route. Notre prière et notre espoir est que nous soyons davantage préoccupés de rencontrer les gens et de les écouter que de chercher à les convaincre. L’Évangile se vit en premier par le décentrement de soi, qui s’appelle renoncement, et offre une ouverture. Un espace que l’autre peut utiliser pour penser Dieu.

La souffrance a pu considérablement éloigner les gens de toute idée de Dieu, et la restauration de la dignité humaine est dans tous les cas une priorité. Ce combat sera mené avec amour pour autrui, et notre confiance est que cet amour soit versé en nous au quotidien par l’Esprit (Rom. 5.5).

Cependant, malgré le désir de venir en aide, il peut être trop bouleversant pour certains — ou par moments — de s’approcher des détresses ; dans ce cas une formation, un soutien psychologique peuvent rendre service. La prière est également là pour nous rendre sensibles la présence et le souffle de Dieu.

Pour que notre vie de chrétien rayonne, elle doit être vécue honnêtement là où nos concitoyens l’attendent. Si le christianisme n’est pas un message « politiquement correct », les valeurs qu’il véhicule font malgré tout que la présence des chrétiens est attendue de façon simple et concrète au milieu de la vie des gens, et non pas dans la sobre et exacte observance d’une liturgie vite dépassée. Vingt siècles de christianisme ont créé dans la société des représentations tenaces de ce qu’est l’Église, et elle-même ne se préoccupe pas toujours de la façon dont elle sera perçue. Dans le contexte d’une post-modernité toujours changeante, une ouverture est plus que possible aujourd’hui. Elle sera féconde si nous acceptons de ne pas savoir a priori, de nous déprendre un peu de notre suffisance. Dans ce contexte, « aller vers les gens » est une urgence plus grande que d’appeler à soi, et ouvre la possibilité d’une rencontre.

Deux ouvrages pour aller plus loin

Jacques Blandenier, Les pauvres avec nous. La lutte contre la pauvreté selon la Bible et dans l’histoire de l’Église, Ligue pour la Lecture de la Bible, 2006.

Frédérick De Coninck, Agir, travailler, militer. Une théologie de l’action, Excelsis, 2006.


Le contexte historique

Le piétisme désigne un mouvement de renouveau religieux qui apparaît au xviie siècle en Allemagne luthérienne et s’épanouit pleinement au xviiie siècle en Europe. Peu connu en France, il a néanmoins fortement influencé le protestantisme évangélique européen jusqu’à nos jours.

De 1560 à 1650 environ, l’Europe est déchirée par des luttes religieuses, relayées par des conflits politiques. Beaucoup de chrétiens s’interrogent devant les horreurs commises de tous côtés : comment le message d’amour et de pardon du Christ peut-il conduire à de telles dérives ? Beaucoup en viennent à douter de la pertinence de l’Évangile. L’idée de tolérance pénètre chez de nombreux chrétiens qui relativisent alors les fondements bibliques. La foi personnelle, qualifiée de « subjective », fait place à une foi « objective » qui se résume à accepter une série de propositions suffisantes pour être un « bon chrétien ».

L’initiateur du piétisme : P. J. Spener (1635-1705)

Philipp Jacob Spener naît dans une famille luthérienne alsacienne. Il fait des études à la faculté de théologie de Strasbourg pour devenir pasteur. Il y exerce son ministère, puis à Francfort sur le Main, Dresde et Berlin.

Déçu par une vie d’église qu’il juge formelle, il rassemble les chrétiens sincères dans des « collèges de piété », petites assemblées d’édification mutuelle. Il espère ainsi réveiller l’Église luthérienne. De fait, ces réunions donnent un nouvel élan qui ébranle le luthéranisme établi. L’afflux de fidèles est tel qu’il faut bientôt leur trouver un qualificatif, on les appelle alors les « piétistes ».

En 1675, Spener publie un ouvrage de rénovation religieuse qui a un grand retentissement : les Pia desideria (« Vœux pour introduire davantage de piété »). Le livre se divise en trois parties.

La première décrit le triste état de l’Église luthérienne.

Les chrétiens luthériens, après la disparition des grands initiateurs de leur mouvement, eurent tendance à considérer les textes conciliateurs (Confession d’Augsbourg, Articles de Smalkalde, Catéchismes, traités et propos de Luther, Formule de Concorde) comme source privilégiée d’autorité. Cent ans après la Réforme, beaucoup de luthériens n’avaient qu’une connaissance très approximative des Saintes Écritures. Ils versèrent alors dans le formalisme.

Spener, lui aussi, affirme la nécessité de revenir à des textes comme celui de la Confession d’Augsbourg. Mais, dit-il, cela ne suffit pas. Si les pratiques ne sont pas des actes de foi, elles deviennent un piège subtil. Pour Spener, la doctrine de l’Église luthérienne reste vraie, mais la vie de l’Église et de ses membres est défaillante.

La seconde partie annonce un avenir meilleur pour l’Église luthérienne.

En effet, si les croyants vivent l’Évangile au quotidien, juifs et catholiques se convertiront en présence d’un témoignage aussi lumineux. Le trait caractéristique du piétisme est dévoilé : la sanctification. Pour Spener, quel que soit l’état de ruine de l’Église, le Saint Esprit a toujours la même puissance qu’aux temps apostoliques. Il peut donc opérer l’œuvre de conversion et de sanctification indispensable au renouveau de l’Église luthérienne.

La troisième partie propose six solutions concrètes.

1. Répandre la Parole de Dieu

« Le précieux travail de la Réformation a consisté à ramener les gens à la Parole de Dieu qui avait été presque jetée aux oubliettes. […] Toute l’Écriture […] devrait être connue de la communauté. »

Les communautés devraient se familiariser avec l’ensemble de la Bible, à la fois par la lecture privée et par des études bibliques communes.

2. Remettre en usage l’ancienne forme apostolique des assemblées

Spener regrette que le sacerdoce universel du croyant soit tombé en désuétude. Selon 1 Corinthiens 14, il rappelle qu’il n’est pas réservé à un seul homme de prêcher. Spener propose donc un entretien fraternel sur le texte lu : l’étude biblique communautaire est née !

3. Pratiquer le vrai christianisme

« Le savoir n’est absolument pas suffisant dans la vie chrétienne. Celle-ci réside beaucoup plus dans la pratique et surtout, notre cher Sauveur nous a bien recommandé l’amour comme vrai signe distinctif des disciples. Si nous réussissions à faire surgir parmi nos chrétiens un amour ardent les uns pour les autres d’abord et pour tous les hommes ensuite, alors presque tout ce que nous revendiquons est accompli. »

4. Se défier des controverses religieuses

Elles conduisent trop souvent à des divisions injustifiées du point de vue biblique. Pour autant, il ne s’agit pas de renier ses convictions !

« Nous attacher à nous consolider, à nous fortifier dans la vérité que nous avons reconnue. Mais dans cette vérité chrétienne, il y a l’amour. ».

5. Changer la formation des pasteurs

Spener dénonce les facultés luthériennes de théologie qui forment des controversistes et pas des pasteurs. Spener souhaite que les étudiants produisent « des diplômes attestant non seulement leur savoir, mais une vie de piété. »

6. Veiller au contenu des prédications

Elles doivent amener les inconvertis au salut et nourrir la vie spirituelle des paroissiens.

« La chaire n’est pas l’endroit où l’on doit étaler son art avec magnificence. On doit prêcher la Parole du Seigneur avec simplicité, mais avec force. »

Le piétisme au xviiie siècle

Zinzendorf (1700-1760) et les frères moraves

Le comte L. Zinzendorf naît dans une famille noble. Son père, ministre et conseiller à la cour de l’Électeur de Saxe, à Dresde, rencontre Spener. Il entre dans le mouvement piétiste et envoie son fils, Ludwig, étudier à l’université de Halle, fondée par les piétistes. Ainsi, tout jeune, Zinzendorf a baigné dans le piétisme. Il héberge sur ses terres la communauté des Frères moraves de Hernnhut, qui s’organise assez rapidement en église indépendante de l’Église luthérienne. Tournée vers l’évangélisation, elle envoie des missionnaires dans 24 pays et crée un réseau d’églises un peu partout dans le monde.

John Wesley (1703-1791) et le méthodisme

L’Église anglicane, anémiée spirituellement, a besoin d’un renouveau religieux. John entend suivre les traces de son père pasteur. Il fait des études à Oxford, est ordonné en 1728 pour exercer son ministère au sein de l’Église anglicane.

John, son frère Charles, G. Whitefield, et quelques camarades d’étude, décident de mener une vie chrétienne « méthodique ». Ils fondent le « Holy Club » (« club de la sainteté »). La « méthode » rappelle la discipline monastique du Moyen Âge : lever à 5 heures, jeûne deux jours par semaine, une journée consacrée à la prière…

En 1735, John s’engage comme missionnaire auprès des Indiens en Géorgie, colonie américaine. Sur le bateau, il rencontre un groupe de frères moraves. Leur foi vivante, leur joie communicative, leur dévouement pour les autres l’impressionnent beaucoup.

La mission en Géorgie se solde par un échec. Au lieu d’apporter l’Évangile aux Indiens, il se retrouve pasteur de paroisse. John rentre à Londres, raconte son expérience à un pasteur morave qui lui dit : « Il te manque la foi ! » John comprend qu’il n’a pas vécu l’expérience d’une vraie conversion. En mai 1738, il se confie au Seigneur et écrit peu après : « Je sentis que j’avais foi dans le Christ, le Christ seul pour mon salut. Je reçus l’assurance qu’il avait effacé mes péchés. » Désormais Wesley prêche dans les églises anglicanes la justification par la grâce et la sanctification qui en découle. Son message ne convient pas à sa hiérarchie qui lui interdit de prêcher en chaire. Alors Wesley annonce l’Évangile en plein air à des foules d’ouvriers du textile, des mines, aux pauvres et aux exclus. Avec son ami Whitefield, Wesley inaugure l’évangélisation de masse, réunissant jusqu’à 30 000 personnes.

La rupture avec l’Église anglicane se produit en 1784, les wesleyens sont alors appelés « méthodistes ».

L’originalité du piétisme

D’une manière générale, le piétisme a renoué avec les thèmes clés de la foi chrétienne, notamment le salut de l’homme pécheur grâce au sacrifice du Christ sur la croix, en insistant sur la repentance et la régénération.

Les piétistes, marqués par la lutte contre la philosophie des Lumières (la raison humaine devient la source d’autorité), influencés par la sentimentalité romantique individualiste, affirment avec force que le christianisme est une affaire d’expérience personnelle, de « cœur », avant d’être une doctrine.

La piété personnelle

L’importance de la nouvelle naissance, de la sanctification, du culte personnel et familial (lecture de la Parole, de la prière, du chant) a été réaffirmée.

Le piétisme favorise un christianisme conçu comme décision personnelle. Cette mise en avant du « je » alimente l’hymnologie et de nombreuses biographies, qui devient un genre littéraire très en vogue.

L’importance de la Bible

Le commentaire biblique (souvent linéaire) donne toute son importance à la Bible et remplace la somme théologique.

Toutefois, l’insistance sur l’expérience personnelle (souvent opposée à la réflexion théologique et à l’exégèse biblique, jugées trop intellectuelles) constitue un danger qui n’a pas toujours été évité et qui a pu conduire à des dérives doctrinales (par ex. la double sanctification chez Wesley).

La piété collective

Le piétisme a inauguré les groupes d’étude biblique, véritable révolution à une époque où le « ministre » avait souvent le monopole de la parole.

Sous l’influence du piétisme, le chant communautaire évolue. Zinzendorf et les frères moraves accentuent le lien entre le croyant et les souffrances du Christ. John et Charles Wesley composent environ 6000 cantiques. Quelques-uns ont été traduits en français, notamment, « Seigneur, que n’ai-je mille voix ? » Les cantiques se substituent aux psaumes chantés.

Dans plusieurs « cantates et passions », le luthérien J.S. Bach, fait dialoguer l’âme du croyant et le Christ. Cette complicité, proche de la familiarité, détone par rapport à l’austérité d’autres compositions. Il s’agit là d’un héritage du mouvement piétiste.

Par ailleurs, les frères Wesley, pasteurs, pour un temps encore, de l’Église anglicane, vont permettre la prière libre dans l’assemblée. Une nouveauté qui a survécu jusqu’à nos jours.

Les piétistes adoptent aussi un langage particulier : les titres de civilité font place à l’appellation de « frères » ou « sœurs ». Sont particulièrement prisés les mots « âme », « cœur », « vivant » (un témoignage « vivant »), « bienheureux », « réveillé »…

Le rapport à l’Église

Le piétisme modifie la conception de l’appartenance ecclésiastique : être membre de la communauté chrétienne ne consiste plus en premier lieu à se soumettre aux doctrines et aux pratiques de l’Église, mais à se rattacher à la communauté des chrétiens sincères et authentiques.

L’importance de l’expérience personnelle conduit à la réhabilitation des laïcs dans l’Église. En effet, pour les piétistes, un ministre n’est pas accrédité dans le ministère par un diplôme ou une ordination, mais par sa piété. Un laïc, dont la moralité est reconnue, peut exercer un ministère public.

La mission

Les fondateurs du mouvement se sont beaucoup impliqués dans l’évangélisation des foules et dans la mission hors d’Europe. Tout chrétien converti doit travailler à répandre l’Évangile et à propager la foi. Le colportage de journaux et de petits traités se développe. Les sociétés d’édition de Bibles diffusent de nouvelles traductions (Ostervald surtout).

L’aide matérielle aux plus démunis n’est pas négligée. L’amour du prochain retrouve ainsi la dimension sociale rappelée si souvent dans les Écritures.

L’influence du piétisme jusqu’à nos jours

Le piétisme a fortement marqué les Églises anglo-saxonnes et les mouvements de Réveil qui ont suivi.

En France, la pensée théologique des réveils n’est pas autonome ; elle dépend de la Grande-Bretagne (Wesley, Wilcox, Haldane, Darby…), de l’Allemagne (Spener) et de la Suisse (Ostervald, A. Bost, Empeytaz, Neff,…).

Le piétisme a été diffusé en France au xviiie siècle par des pasteurs luthériens comme J. F. Nardin (1687-1728), du pays de Montbéliard, dont les milliers de sermons ont été repris par de nombreux « évangéliques » comme F. Neff (Hautes Alpes), J. F. Vernier (Dauphiné), etc.

Au xixe siècle, les mouvements de réveil, influencés par le méthodisme de Wesley, ont pris le relais pour transmettre l’héritage piétiste.

Que reste-t-il du piétisme aujourd’hui ?

Nombre de communautés évangéliques ont su garder les valeurs bibliques « revisitées » par le piétisme (conversion et sanctification personnelles, autorité de la Parole…). Mais l’importance accordée à l’expérience personnelle, à la critique systématique de la théologie et de l’Église institutionnelle a conduit trop souvent à des dérives regrettables (ghettoïsation, divisions injustifiées, appauvrissement spirituel…).

Le piétisme ? Une belle leçon d’histoire porteuse d’interrogations pour nous aujourd’hui !