PROMESSES
Cinq passages dans le livre de Jonas mettent en évidence la providence divine :
« L’Éternel fit souffler un grand vent sur la mer » (1.4)
« L’Éternel fit intervenir un grand poisson pour engloutir Jonas » (2.1)
« Alors Dieu regretta le mal qu’il avait résolu de leur faire, et il ne le fit pas »
« L’Éternel fit intervenir un ricin qui s’éleva au dessus de Jonas » (4.6)
« Le lendemain, Dieu fit intervenir un ver pour s’attaquer au ricin. » (4.7)
En méditant le livre de Jonas, on est frappé par le fait que dans chaque chapitre ce thème ressorte d’une façon évidente. Il y a une cause première dans tous ces événements et circonstances : DIEU. Quant aux causes secondaires, ce sont les moyens par lesquels il intervient par sa divine providence : le vent, un grand poisson, une prédication, un ricin et un ver.
Une définition du terme « providence » est donnée par les dictionnaires Quillet et Le Petit Robert : « Sagesse divine qui gouverne tout » (Quillet) ou « sage gouvernement de Dieu sur la création, et par extension, Dieu gouvernant la création » (Le Petit Robert 1, 1986). Le terme vient du latin providentia (prévoyance) et providere (pourvoir). Il se réfère à la prescience et à la préconnaissance de Dieu. Dans la Bible, ce terme n’est pas directement employé. Il n’y a pas de mot équivalent en hébreu mais en grec deux mots s’en rapprochent : le nom pronoia : Act 24.2 (administration, prévoyance) ; Rom 13.14 (préoccupation, souci), et le verbe pro-noeo : Rom 12.17 (viser, avoir souci de) ; 2 Cor 8.21 (se préoccuper de, avoir souci de).
C’est un sujet dont on ne parle plus guère. Les avancées de la science et de la technologie ont contribué en partie à rendre l’homme totalement autonome face à un Dieu évacué dans notre monde occidental. Il y a à peine 100 ans, on parlait encore de la Providence comme désignant Dieu. On croyait en un Dieu souverain qui règne et domine sur l’univers.
Le sécularisme a fermé l’accès au transcendant, au surnaturel, parce que dans ce monde désacralisé, la vie se meut dans un système mécaniste où les évènements sont dûs à des lois fixes et impersonnelles, de force ou de chance. L’évolutionnisme, ayant totalement imprégné la science et la technologie humanistes, constitue un des principaux éléments du rejet de la Providence.
D’autre part, le Nouvel Âge, élément important du postmodernisme, est fasciné par l’irrationnel, qui, de son côté, attaque la providence de Dieu en propageant l’ésotérisme, l’occultisme, l’animisme moderne. Ce sont les armes de l’ennemi de Dieu, Satan, qui désire remplacer la Providence de Dieu par un retour à un paganisme moderne de superstition, dominé par lui.
La Création constitue l’œuvre originelle de Dieu (Gen 1). La Providence constitue la continuation de l’œuvre de Dieu en vue de l’achèvement de ses plans. Elle a deux aspects :
– celui de la préservation de la création en la maintenant et la soutenant pour qu’elle subsiste ;
– celui de son gouvernement, de sa direction du cours des événements pour accomplir ses desseins.
A. La Providence par la préservation de la création de Dieur.
Tout subsiste par Christ. Il est avant toutes choses et tout subsiste en lui ; il soutient toutes choses afin d’accomplir ses desseins (Col 1.17 ; Héb 1.3)
Toute la création dépend de lui : la nature, les hommes, son peuple, tous les siens.
Sa création : Dieu maintient la terre (Ps 104.5). Il envoie de l’eau pour abreuver les animaux (Ps 104.10-13). Il fait pousser fruits et herbes pour nourrir les animaux (Ps 104.13-14). Il envoie les ténèbres pour permettre à certains animaux de se nourrir (Ps 104.20-21). Tous les animaux reçoivent leur nourriture de Dieu (Ps 104.27). Il a affermi les œuvres de sa création pour toujours et a donné des lois à la nature, lois qu’il ne violera pas (Ps 148.6).
Les siens : Joseph fut déporté en Egypte pour donner plus tard du pain aux siens. La vie de Moïse fut épargnée afin qu’il délivre ensuite son peuple. Tout au long de l’histoire d’Israël dans l’A.T., l’on constate les soins providentiels de Dieu envers son peuple à travers l’action d’hommes de Dieu. Il suscite Daniel et ses trois compagnons pour glorifier son nom et préserver son peuple. Il suscite aussi Esther, à un moment crucial de l’histoire de son peuple déporté (Est 4.14). Dans Mat 6.25-34, nous avons un exemple de sa divine providence qui pourvoit aux besoins des hommes et en particulier des croyants ; il donne la nourriture (v. 26) ; il fait pousser les lis des champs (v 28-29), et il sait ce dont nous avons besoin (v. 32). Tout cela touche la faune, la flore et les hommes. Dieu prend soin des siens et ils n’ont rien à craindre (Mat 10.27-32 ; Jean 10.27-30 ; Rom 8.35 ; 1 Pi 1.5-6).
B. La Providence par le gouvernement de Dieu
Dieu contrôle tout l’univers et ses activités se déroulent de telle manière que tous les événements convergent vers un but final qu’il s’est proposé.
– Il gouverne les forces de la nature (Ps 135.5-7). Il fait pleuvoir sur les justes et les injustes (Mat 5.45). Jésus contrôlait et dominait le vent et la mer (Mat 4.39 ; Luc 8.25).
– Il gouverne les peuples, en faisant leur histoire et leur destinée (Dan 2.21 ; 4.22 ; Job 12.13-25 ; Ps 66.7 ; Act 17.26).
– Il a gouverné de telle façon que tout a convergé vers la « plénitude des temps accomplis » (Gal 4.4), quand, par l’incarnation, Dieu s’est manifesté en chair par Jésus-Christ (Luc 2.1-7 ; 1 Tim 3.16).
– Il gouverne les individus en restant le Souverain dans toutes leurs circonstances. C’est lui qui fait mourir et qui fait vivre, qui appauvrit et qui enrichit (Anne, 1 Sam 2.6-7) ; il abaisse les puissants de leurs trônes et élève ceux qui sont abaissés (Marie, Luc 1.52). C’est encore lui qui a mis à part l’apôtre Paul avant sa naissance (Gal 1.15-16). Pleins de confiance en l’Éternel, nous disons avec le psalmiste : « Mes temps sont dans tes mains. » (31.14-15) Donc, ma propre histoire est parfaitement sous son contrôle.
– Il contrôle et dirige toutes les circonstances pour arriver à ses desseins éternels. « Le sort est jeté… mais toute décision vient de l’Éternel. » (Pr 16.33) Rien ne peut se passer sans que Dieu ne l’ait permis ou n’ait agi selon ses propres desseins et décisions. Et tout le livre de Jonas en est un exemple parfait. Même la folie d’un Nebucadnetsar a été dirigée par Dieu pour qu’il reconnaisse la souveraineté absolue de Dieu (Dan 4.32-34).
– Il dirige les actions libres des humains. Les Israélites, à la sortie d’Égypte, ne sont pas sortis du pays « les mains vides », parce que Dieu le leur avait promis et avait guidé les circonstances et les cœurs des Égyptiens pour qu’ils leur donnent leurs bijoux (Ex 3.21 et 12.35-36). Nos dispositions nous appartiennent, mais c’est le dessein de Dieu qui s’accomplira toujours (Ps 38.15 ; Pr 16.1 ; 19.21).
– Il peut permettre (ou empêcher) le péché pour faire éclater notre incapacité naturelle à ne pas commettre de péché. Ceci manifeste aussi la corruption totale de l’homme et la grâce de Dieu qui vient à son secours. Ceci dit, « Dieu ne peut être tenté par le mal et il ne tente lui-même personne. » (Jac 1.14) Quand un homme ou une société persistent dans le mal et le péché, Dieu peut les « livrer à la passion des hommes… à une mentalité réprouvée, pour commettre des choses indignes. » (Rom 1.24-28) Dans l’exemple de Joseph, Dieu l’avait préservé de la tentation venant de la femme de Potiphar, parce que Joseph aimait l’Éternel et désirait le suivre en toute pureté (Gen 39.7-23). En même temps, Dieu s’est servi de cette circonstance qui avait jeté Joseph en prison à cause de sa fidélité à Dieu et de sa résistance au péché, pour faire entrer Joseph à la cour royale d’Égypte (Gen 40-50). La conclusion que donne Joseph à la fin de toutes ses péripéties — depuis sa vente à un marchand d’esclaves jusqu’à son arrivée à l’apogée du pouvoir — est touchante : « Ce n’est pas vous, mais Dieu qui m’a envoyé ici. » (Gen 45.8 ; 50.20)
– Il peut aussi simplement limiter des actes de péché ou de mal. Dans le cas de Job, c’est Dieu qui avait permis à Satan de l’attaquer par la maladie, mais il lui avait interdit de le faire mourir : « Il est entre tes mains, seulement épargne sa vie. » (Job 1.12) Job est sorti victorieux finalement, et l’épreuve lui a appris à connaître Dieu.
C. Caractéristiques du gouvernement de Dieu en activité
1. Cette activité est universelle
– Elle s’opère envers les croyants : « Toutes choses travaillent ensemble pour le bien de ceux qui aiment Dieu. » (Rom 8.28) C’est la doctrine des convergences : toutes les circonstances dans notre vie mènent au bien que Dieu s’est proposé pour moi. L’exhortation : « Ne crains rien » prend ici tout son poids, car elle se dresse contre nos peurs, nos soucis, nos incertitudes, que l’on peut comparer à une hydre à têtes multiples qui se régénèrent rapidement sitôt coupées. Rien ne pourra jamais séparer le racheté de son Sauveur Jésus-Christ. Dans ce sens, aucun mal ne lui arrivera dans la perspective de l’éternité. Toutes les épreuves servent à notre sanctification pour affiner notre foi (1 Pi 1.6-7), même les mauvaises actions des hommes, y compris les nôtres parfois. Le but est notre « transformation à l’image de son Fils » (Rom 8.29 ; Héb 12.6-11). « Le bien », c’est d’être finalement avec Christ dans nos corps glorifiés lors de son glorieux retour. La mort atteint tout homme (Héb 9.27), mais le croyant reste en sécurité absolue face à l’éternité. Soyons rassurés, car Dieu s’occupe personnellement de tous les siens (Luc 15.3-7 ; Jean 10.3-6, 14, 27 ; Mat 10.30), alors que la modernité fait de l’humain un être impersonnel, sans âme. Oui, notre Dieu est personnel et en même temps infini. Il prend soin de nous dans toutes les circonstances.
– Quelle tragédie, en revanche, pour le non-croyant (Rom 1.18-21 ; Act 17.30-31) ! Saisissons les opportunités pour faire « du bien » en témoignant de l’amour du Sauveur à notre prochain non-croyant pour qu’il se repente de ses péchés et croie au Seigneur Jésus.
– Elle s’opère envers tous les hommes : « Il fait lever le soleil sur les méchants et sur les bon et il fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes. » (Mat 5.45) La bonté de Dieu se manifeste envers tous les hommes.
2. Dieu absolument souverain dans toutes ses actions
– Nous n’avons pas à lui dicter sa volonté, mais demandons-lui en revanche de nous révéler ses pensées en nous éclairant à travers sa Parole.
3. Dieu est bon
– La bonté de Dieu est infinie, car il est bonté. Mais il est aussi juste, et jamais ces deux attributs divins ne sont séparés l’un de l’autre.
4. L’activité de Dieu et la nôtre
– Elles ne s’excluent pas mutuellement, parce que sa Providence inclut les actions humaines.
– En conséquence, il n’y a pas de place pour le laxisme, l’indifférence, la résignation, le fatalisme.
– Parfois les humains sont conscients d’accomplir les intentions divines. L’exemple par excellence nous est donné en Jésus-Christ qui savait qu’il devait boire la coupe des souffrances pour notre salut (Mat 26.42).
– Parfois les humains ne le savent pas, comme dans le cas de l’empereur César Auguste lorsqu’il a décrété le recensement de la terre. Il fallait que cela se passe ainsi pour accomplir les desseins de Dieu (Luc 2.1)
5. La providence et la prière
La question peut se poser : si Dieu a fixé ses desseins d’avance, la prière change-t-elle encore quelque chose ?
– Dieu ne change pas ses plans, mais, dans ses plans, la prière et la foi sont incluses. Il y une parfaite relation entre l’effort humain, moyen providentiel que Dieu a voulu donner au croyant, et l’activité providentielle de Dieu. L’Écriture affirme que les desseins de Dieu sont fixes et définis, donc sans révision. Mais il désire que nous priions pour qu’il puisse agir avec efficacité (Jac 5.16).
– Dans beaucoup de cas, Dieu agit en association avec l’homme par le moyen de la foi. Ne citons que deux exemples : la foi du centurion : « Va, qu’il te soit fait selon ta foi » (Mat 8.5-13) et la foi de la femme qui avait une perte de sang : « Va, ta foi t’a guérie » (Mat 9.18-22). C’est une interpellation à nos cœurs : faut-il vraiment que « Jésus s’étonne de notre incrédulité » (Marc 6.6) ou saisissons-nous sa main en lui confessant notre petitesse dans la foi : « Je crois, Seigneur, viens en aide à ma petite foi ! » ? Ne restons pas passifs, mais marchons par la foi, car elle franchit des montagnes.
– Oui, la prière et la foi sont vraiment les moyens providentiels par lesquels Dieu désire opérer.
D. Prudence et modestie dans nos affirmations au sujet de la Providence
– Restons sages et prudents dans nos affirmations quant à nos évaluations des actes souverains et providentiels de Dieu. Seule l’éternité manifestera réellement la pleine révélation des mystères de la providence du Dieu juste, bon et sage.
– Tout cela doit nous amener à une attitude d’humilité et de confiance en lui : redisons, avec la prière du Notre Père : « Que ta volonté soit faite », avant de demander : « Donne-nous notre pain quotidien ».
– Qu’il est bienfaisant de se répéter dans toutes les circonstances ce que le Seigneur affirmait à Paul : « Ma grâce te suffit.» Quoi qu’il nous arrive, Dieu « ne refuse pas le bonheur à ceux qui marchent dans l’intégrité. » (Ps 84.12) Ce vrai bonheur, c’est de posséder Jésus-Christ : personne ne pourra jamais nous le ravir. Gloire à notre bien-aimé Sauveur ! Gloire à Dieu dont la parfaite providence dirige toutes choses pour notre bien et pour sa gloire ! Et cela Jonas a dû l’apprendre. Mais la patience de Dieu est grande et nous encourage à l’aimer et le suivre de tout notre cœur.
- Edité par Lüscher Henri
L’article qui suit est un condensé librement adapté de l’étude :
« JONAS : quand la compassion de Dieu nous dépasse. La chance de Ninive » ( Jonas 3), disponible sur le site Internet http://www.unpoissondansle.net/jonas/jonas.php?d=&i=3
A. Un message choc
Jonas parcourt Ninive en criant : « Encore quarante jours et Ninive sera bouleversée. »
Ce message est dur. Ce n’est pas le ton habituel des évangélistes qui se gardent d’insister sur la perdition éternelle, et limitent leur prédication à la première moitié de Jean 3.16. Encore 40 jours et Ninive ne sera plus qu’une pièce de musée. Mes amis, savez-vous qu’encore quelque temps, et la France ne sera plus ? Que la chose arrive dans quelques années, ou dans quelques siècles, le jour vient, nous rappelle l’apôtre Pierre, où « les éléments embrasés se dissoudront, et la terre, avec les œuvres qu’elle renferme, sera consumée » (2 Pi 3.10b, 12).
La Bible parle abondamment de l’enfer. Plus de 30 expressions le décrivent. Jésus a souvent parlé du lac de feu, de la géhenne, de la perdition éternelle. Les apôtres décrivent la justice de Dieu qui condamne tout pécheur, c’est-à-dire tout homme non régénéré, à l’enfer.
Je me demande si la proclamation de l’Évangile ne manque pas de mordant. Jonathan Edwards, au 18e siècle, a prêché, entre autres, un sermon passionné sur la justice de Dieu. L’Esprit utilisa ce message pour déclencher un réveil puissant :
« Ainsi donc, vous tous qui n’avez jamais connu le changement de cœur qu’opère le Saint Esprit par sa grande puissance, vous n’êtes pas devenus de nouvelles créatures, nées de nouveau, ressuscitées de la mort du péché à une nouvelle vie ; vous tous, vous dis-je, êtes entre les mains d’un Dieu en colère. Peu importe la multiplicité de vos réformes, seul le bon vouloir de Dieu vous empêche d’être à l’instant engloutis par une destruction éternelle. Vos expériences religieuses, l’observation d’une certaine forme de religion ou vos prières ne vous délivreront pas. […] Le Dieu qui vous retient suspendus au-dessus de l’abîme infernal éprouve une infinie aversion à votre égard, tout comme l’on tient un insecte répugnant au-dessus du feu. Vous avez terriblement provoqué sa colère, et celle-ci brûle comme un feu à votre encontre. Vous méritez seulement d’être précipités dans le feu. Les yeux de Dieu sont trop purs pour supporter la vue que vous leur offrez, et vous lui paraissez dix mille fois plus abominables que le serpent le plus venimeux. Vous l’avez offensé, infiniment plus que ne l’a jamais fait le plus entêté des rebelles à l’égard de son prince. Pourtant, seule sa poignée vous empêche à tout moment de tomber dans le feu. [… et Edwards conclut son sermon] Mon ami, sauve-toi pour ta vie ; ne regarde pas derrière toi, et ne t’arrête pas dans toute la plaine ; sauve-toi vers la montagne, de peur que tu ne périsses » (Gen 19.17).
Que dire aux Français de ce 21e siècle ? Si Dieu avait envoyé Jonas en France à notre époque, comment ce dernier se serait-il exprimé ? Il existe un point commun entre les prédications de Jean-Baptiste, de Jésus-Christ, puis des apôtres : l’appel à un changement radical de mentalité :
• Jean-Baptiste : « Et il alla dans toute la région du Jourdain ; il prêchait le baptême de repentance, pour le pardon des péchés » (Luc 3.3).
• Jésus-Christ. : « Dès lors, Jésus commença à prêcher et à dire : Repentez-vous, car le royaume des cieux est proche » (Mat 4.17).
• Dans la bouche des apôtres, le premier message de l’apôtre Pierre s’est terminé par : « Repentez-vous et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus Christ, pour le pardon de vos péchés ; et vous recevrez le don du Saint-Esprit. » (Act 2.38) Puis, un peu plus tard : « Repentez-vous donc et convertissez-vous, pour que vos péchés soient effacés… » (3.19).
Comment susciter ce changement de mentalité (et de conduite) ?
• Pour les personnes qui n’ont aucune conscience de leur état devant Dieu, il est bon de rappeler la Loi.
Citons Jean Calvin : « Le Seigneur a donc établi comme première étape, pour tous ceux qu’il destine à hériter de la vie céleste, qu’ils soient douloureusement touchés dans leur conscience, chargés du poids de leurs péchés, et poussés à le craindre. Or, c’est précisément pour nous amener à cette connaissance de nous-mêmes qu’il nous propose sa Loi. » (Brève instruction chrétienne, Kerygma & Excelsis, p. 16)
• Pour ceux que la conscience de leur péché accable, au contraire, prêchez la grâce.
Jésus-Christ est dur envers tous ceux qui se croient hors de danger. Mais il est rempli d’amour à l’égard de ceux dont la conscience est brisée par leurs péchés. Le Père accueille avec gentillesse et amour le fils prodigue. Jésus accueille avec gentillesse et amour cette femme surprise dans l’adultère. Le Seigneur accueille avec gentillesse et amour cette femme souffrante depuis tant d’années, tout comme l’étrangère dont l’enfant est malade.
B. Une réponse bouleversante
« Les gens de Ninive crurent en Dieu ; ils proclamèrent un jeûne et se revêtirent de sacs, depuis les plus grands jusqu’aux plus petits. La nouvelle parvint au roi de Ninive ; il se leva de son trône, ôta son manteau, se couvrit d’un sac et s’assit sur la cendre ».
Les gestes évoqués par notre texte sont des marques d’humiliation volontaire. Les Ninivites croient Jonas. Ils croient son Dieu, le Dieu unique du peuple d’Israël. Ils se détournent de leurs conceptions polythéistes. Ils reconnaissent qu’ils méritent le jugement de Dieu. Et ils le montrent par des actes précis :
• Le jeûne dans la Bible est un acte qui n’est jamais commandé, mais dont on trouve de multiples exemples. Il a pour but de permettre à l’homme de ressentir sa faiblesse dans son corps, et ainsi de réaliser sa fragilité et sa dépendance de Dieu.
• Il est quasiment toujours associé à la prière. Sauter un repas de temps en temps — pour ceux dont la santé le permet — libère du temps pour la prière. Mais Christ met en garde contre tout jeûne visant à impressionner les observateurs ! C’est une pratique privée.
• Les sacs dont il est question étaient en poil de chèvre. Très rugueux, ce « tissu » constituait le vêtement du pauvre et de l’esclave. Se revêtir de tels vêtements marque une volonté de s’abaisser, de s’identifier avec les plus petits de la terre, d’admettre que franchement, on est un peu mendiant aux yeux de Dieu, et qu’il vaut mieux être esclave de Dieu que de la méchanceté.
• Certains prophètes (comme Elie et Jean-Baptiste ; 2 Rois 1.8 ; Zach 13.4 ; Marc 1.6) se revêtaient de peau d’animaux pour illustrer, de manière expressive, la nécessité de se séparer d’une vaine manière de vivre.
• S’asseoir dans la cendre était une forme fréquente de manifestation de deuil. C’était manifester la douleur, le ravage de la vie qui ne laisse que de la cendre…
Les marques de repentance adoptées par les Ninivites correspondaient à un langage culturel, compris à l’époque !
Que ces guerriers sanguinaires répondent avec tant d’humilité au jugement de Dieu est l’une des plus grandes surprises de l’histoire de l’Ancien Testament. Même de toute la Bible ! Au point que Christ a dit : « Les hommes de Ninive se lèveront, au jour du jugement, avec cette génération et la condamneront, parce qu’ils se repentirent à la prédication de Jonas; et voici, il y a ici plus que Jonas » (Mat 12.41). Jésus met en contraste l’apathie, le manque de réponse et de foi de la part des Israélites, le peuple de Dieu, avec la réponse des Ninivites : les gens de Ninive se sont repentis, et vous ne le faites pas !
Les commentateurs libéraux, qui ne perdent pas une occasion pour suggérer que la Bible est pleine d’erreurs, estiment impossible que toute cette population se soit convertie… Il est vrai que la Ninive du 8ème siècle av. J.C., c’est un peu comme Berlin dans les années 40. On aurait mal imaginé les Nazis se revêtir de sacs, pleurer sur leurs fautes, et Hitler décréter un jeûne public d’humiliation ! Pourtant, un tel réveil pourrait avoir été favorisé par les circonstances critiques dans lesquelles se trouve l’Empire assyrien à cette époque : les tribus du nord, en Urartu (Arménie), menacent sérieusement l’intégrité du pays. Les grands dictateurs assyriens du passé n’ont pas été remplacés par des rois du même calibre. Il règne donc un sentiment d’insécurité et de faiblesse.
Quoi qu’il en ait été du moral des Ninivites, Dieu trouve les moyens d’oeuvrer d’une manière spectaculaire dans les consciences. Au point que le roi publie un édit : « Il fit crier ceci dans Ninive : Par décision du roi et de ses grands : que les hommes et les bêtes, le gros et le menu bétail, ne goûtent de rien, ne paissent pas et ne boivent pas d’eau ! Que les hommes et les bêtes soient couverts de sacs, qu’ils crient à Dieu avec force, et que chacun revienne de sa mauvaise conduite et de la violence attachée aux paumes de ses mains ! Qui sait si Dieu ne reviendra pas de son ardente colère, en sorte que nous ne périssions pas ? »
Il est surprenant que ce roi implique les animaux dans cet élan de repentance. Mais je retiens ceci : une repentance authentique se voit. Elle est visible. « Que chacun revienne de sa mauvaise conduite et de la violence attachée aux paumes de ses mains ! ».
Transposons :
• En entendant que Dieu est prêt à répondre à la repentance par un pardon complet, certains rétorquent : « C’est trop facile : tu fais n’importe quoi et il te suffit de demander pardon. » Non ! Le pardon que Dieu accorde s’accompagne d’un désir de faire le bien. Jean-Baptiste dira d’ailleurs à ceux qui voulaient en abuser : « Produisez donc du fruit digne de la repentance. » (Mat 3.8)
• Dieu transforme les cœurs, et cela se voit, ou alors ce n’est pas une vraie foi. « Que chacun revienne de sa mauvaise conduite… » Jacques écrira : « Veux-tu comprendre, homme vain, que la foi sans les œuvres est stérile ? » (Jac 2.20)
• Tous les réveils spirituels de la Bible évoquent une intense contrition, une conviction de péché qui mène aux larmes, et à un changement radical de vie.
o C’est le cas du réveil spirituel sous les rois Joas, puis Ezéchias, sous la prédication d’Esdras et de Néhémie.
o C’est le cas du réveil spirituel de la ville d’Ephèse. Nous sommes en 53 ou 54 après Jésus Christ (voir Act 19.13-20).
C’est aussi le cas des réveils spirituels dans l’histoire de l’Eglise :
o Savonarole, prêtre dominicain à Florence, a prêché la repentance avec fougue à la fin du 15e siècle, transformant la ville d’une manière spectaculaire. Précurseur de la réforme, il se fit excommunier par le pape Borgia et mourut étranglé puis brûlé.
o Wesley Duewel, auteur d’un ouvrage sur l’histoire des réveils spirituels écrit :
« La plupart des mouvements de réveil ont été caractérisés par une pro¬fonde conviction de péché et par beaucoup de confessions publiques. Dieu a utilisé ces confessions pour convaincre d’autres, chrétiens et non-chrétiens, de leurs propres péchés. Les réveils en Corée, au Nord de la Chine et dans les universités américaines ont démontré l’effet profond que peut avoir la confession sur les auditeurs, surtout quand la confes¬sion est accompagnée par la restitution et par la réconciliation. »
Quelle différence avec les pseudo réveils des charlatans actuels !
C. Un verdict plein de grâce
« Dieu vit qu’ils agissaient ainsi et qu’ils revenaient de leur mauvaise conduite. Alors Dieu regretta le mal qu’il avait résolu de leur faire et ne le fit pas. »
La « chance » des Ninivites, c’est que Dieu est un Dieu de grâce. Pas seulement dans le Nouveau Testament. Voici trois des prophètes qui parlent de la compassion de Dieu (il y aurait des dizaines d’autres passages) :
• « Que le méchant abandonne sa voie, et l’homme d’iniquité ses pensées ; qu’il retourne à l’Eternel, qui aura pitié de lui, à notre Dieu, qui ne se lasse pas de pardonner. » (És 55.7)
• « Ce que je désire, est-ce que le méchant meure ? dit le Seigneur, l’Éternel. N’est-ce pas qu’il change de conduite et qu’il vive ? » (Éz 18.23)
• « Déchirez vos cœurs et non vos vêtements, et revenez à l’Éternel, votre Dieu ; car il est compatissant et miséricordieux, lent à la colère et riche en bonté, et il se repent des maux qu’il envoie » (Joël 2.13)
Lorsque notre texte dit que l’Éternel regretta le mal qu’il avait résolu, il faut plus y voir une manière de parler pour nous faire comprendre la nature de son cœur. Dieu savait, avant d’envoyer Jonas, que Ninive répondrait favorablement à l’Évangile. Mais dans sa manière de communiquer avec les hommes, on trouve parfois des expressions très humaines, très terrestres pour expliquer certains attributs de Dieu. Par exemple :
• Les yeux du Seigneur (2 Chr 16.9)
• Le bras ou la main du Seigneur (És. 53.1)
Et puisque les Ninivites se sont repentis, Dieu leur accorde un sursis. Leur destruction n’arrivera qu’en 612, par la main des Babyloniens (voir Soph 2.13-15). La ville sera rasée, disparaissant dans l’oubli.
D. Une histoire pour nous
De la Loi dans nos messages
La Loi fait mal. Il est dur de dire à quelqu’un, avec amour mais clarté, qu’il a offensé Dieu par ses fautes et que, s’il ne reconnaît pas son état devant Dieu, en lui faisant confiance pour le pardon, il passera l’éternité en enfer. Cette douleur est nécessaire, parfois.
De la grâce pour le pécheur
Un roi voulut libérer quelques détenus qui avaient été envoyés aux galères. Il interroge le premier en lui demandant pourquoi il est là. « – Sire, c’est une erreur judiciaire terrible, je suis innocent… » ; de même se récrie le deuxième, et le troisième… Tous les condamnés sont plus blancs que neige… sauf un, qui lui avoue : « J’ai mérité ma peine, j’ai fait du mal et il est juste que je sois ici. »
« – Oh, dit le roi, je ne vais surtout pas laisser un mauvais homme comme toi contaminer tous ces honnêtes gens ; va, tu es libre ! »
« Venez et plaidons ! dit l’Eternel. Si vos péchés sont comme le cramoisi, ils deviendront blancs comme la neige ; s’ils sont rouges comme la pourpre, ils deviendront comme la laine. » (És 1.18)
Ce message est peut-être d’abord pour nous, les chrétiens. Prions donc qu’une profonde conviction de péché vienne secouer nos églises. Et pour que notre rétablissement et notre affermissement dans la vocation de Dieu touchent durablement les cœurs de nos contemporains.
- Edité par Varak Florent
Dieu vit que les Ninivites agissaient ainsi et qu’ils revenaient de leur mauvaise voie. Alors Dieu se repentit du mal qu’il avait résolu de leur faire, et il ne le fit pas. (Jonas 3.10)
La repentance des Ninivites à la prédication de Jonas entraîne la suspension du jugement divin. L’expression « Dieu se repentit du mal qu’il avait résolu de faire » pose problème à plusieurs commentateurs. Comment Dieu peut-il se repentir ? Est-il versatile, capricieux, instable, indécis ? Est-il mauvais et rumine-t-il de mauvaises pensées qui l’obligeraient à se repentir ? Le repentir de Dieu soulève aussi des questions sur la crédibilité de ses paroles. Les prophéties divines — qu’elles soient des promesses ou des jugements — sont-elles fiables ?
Peu de commentateurs osent suggérer des carences morales en Dieu, car cela contredirait directement de nombreuses affirmations de l’Ecriture sur la sainteté, la perfection et l’immuabilité de Dieu. Certains commentateurs cherchent une solution dans les imperfections du prophète. Origène pensait résoudre la difficulté en affirmant que Jonas n’avait pas retransmis la parole de Dieu mais la sienne. Au lieu d’annoncer simplement que « la méchanceté était montée jusqu’à l’Eternel » (1.1), il aurait, de sa propre initiative, annoncé la destruction de Ninive (3.4). En effet, le narrateur ne place jamais les paroles de destruction (« encore quarante jours et Ninive est bouleversée ») dans la bouche de l’Eternel. Une telle approche noircit inutilement Jonas. Le fils d’Amitthaï ne trompe personne. Il est honnête et véridique. Sa parole est fiable, dans le présent et dans l’avenir. La tempête ne s’est-elle pas calmée selon les termes annoncés par le prophète (1.12,15) ?
La solution au « repentir de Dieu » doit être cherchée ailleurs. Une différence doit être faite entre but et moyens. Les desseins de Dieu sont immuables. Dieu ne cherche pas la mort du pécheur, mais son salut. Ainsi l’annonce d’un jugement est préférable à un jugement sans préavis, car le premier donne au pécheur une dernière occasion de repentance. Dieu ne change pas son projet de base pour l’homme : ce projet consiste à juger le pécheur et à pardonner au pécheur repentant. Si le coupable se repent, Dieu retient son jugement. Si l’homme ne le fait pas, le jugement se réalise selon la parole annoncée. Un automobiliste qui désire traverser une localité suivra la chaussée, mais modifiera occasionnellement sa trajectoire en déviant à gauche ou à droite pour éviter un obstacle. Son parcours de base reste inchangé du début à la fin. De même, l’action de Dieu dépend simultanément de ses principes et des réactions des hommes.
Le salut et le pardon sont donc possibles quelle que soit l’ampleur du péché et quel que soit l’individu. Les Ninivites étaient de grands pécheurs et formaient un peuple sanguinaire. Ils étaient nombreux et païens — donc éloignés de l’Eternel et sans égard pour lui. Pourtant ces hommes se sont repentis. Cela a suffi pour que Dieu leur accorde son pardon, car l’Eternel est « un Dieu miséricordieux, lent à la colère et riche en bonté, et qui se repent du mal », comme Jonas l’affirme au chapitre 4 (v. 2).
Le pardon de Dieu est donc lié au repentir des hommes, mais encore faut-il que ce repentir soit sérieux. Dieu connaît les cœurs. Impossible de le tromper. Il discerne les vraies repentances des fausses. Les Ninivites avaient plaidé coupables sur toute la ligne. Ils s’étaient engagés à réformer leur vie et pas seulement à exprimer certains regrets. Dieu leur a donc pardonné leurs grands péchés. Le sérieux des Ninivites est même exemplaire. Au risque de paraître ridicules, les Ninivites avaient tout fait pour témoigner de leur humiliation.
Leur attitude tranche avec celle d’autres hommes qui, repris par Dieu, ne se sont repentis que partiellement. Le roi Saül a éprouvé parfois du regret pour son comportement (1 Sam 15.24), mais il n’a jamais changé de vie, car il était davantage préoccupé de l’opinion de ses contemporains que de la volonté de Dieu (1 Sam 15.30).
Suite à ces remarques, il est manifeste que nous ne partageons pas l’avis des commentateurs qui minimisent la profondeur de la repentance des Ninivites. Jésus lui-même n’a-t-il pas cité en exemple la réalité de cette repentance (Mat 12.41 ; Luc 11.32) ?
Ce texte est extrait d’un commentaire rédigé par Daniel Arnold sur le prophète Jonas :
Tous ces ouvrages ont été publiés par les éditions Emmaüs, 1806 Saint-Légier (Suisse). |
- Edité par Arnold Daniel
L’évolution du christianisme en Occident
En 1564, le concile de Trente rejette la Réforme protestante. Les doctrines suivantes sont condamnées : la justification par la foi seule, le salut uniquement par la grâce, les Saintes Écritures comme seule source d’autorité en matière de doctrine et de pratique chrétienne. Pour Rome, les bonnes œuvres doivent accompagner la foi, elles sont donc méritoires : la grâce a besoin de la coopération humaine pour le salut. Seul le Pape et les évêques ont le droit d’interpréter la Bible. En 2005, Jean-Paul II a confirmé l’attachement de l’église romaine aux décisions de ce Concile. Ainsi, le catholicisme actuel maintient les sept sacrements, l’efficacité de la messe, le rôle des saints, la confession au prêtre, les indulgences, etc.
Le 16ème siècle
Au 16ème siècle, l’unité de la chrétienté occidentale est brisée. Chaque camp estime que sa conception spirituelle est la seule qui soit acceptable devant Dieu, et essaie de détruire l’autre par la force ! Finalement chacun doit se résoudre à accepter la réalité historique : la diversité religieuse s’installe au sein de chaque nation.
Le 17ème siècle
Au 17ème siècle, les souverains des deux camps entendent être les maîtres dans leurs domaines territoriaux et se servent de la religion à des fins politiques. Cela aboutit parfois à des situations paradoxales. Ainsi, la France catholique s’allie avec l’Allemagne protestante contre les Turcs mais aussi contre le très catholique empereur et roi d’Espagne ! En France, les protestants (huguenots) sont néanmoins de plus en plus malmenés. La guerre de Trente Ans (1618-1648) ravage toute l’Europe. Elle oppose l’Empereur aux princes protestants allemands qui s’allient avec les suédois (protestants) et les français (catholiques). Le traité de Westphalie y met fin : les protestants retrouvent la situation de 1618 et le calvinisme est reconnu dans l’Empire, même si le pape Innocent X proteste vigoureusement. La papauté est définitivement écartée, au moins ouvertement, des décisions politiques internationales.
Entre 1620 et 1681, l’Angleterre est perturbée par les guerres entre catholiques et protestants : toutes les institutions de l’État s’en mêlent. C’est à cette époque que des puritains émigrent en Amérique pour fonder une société qui corresponde à leur idéal du royaume de Dieu (les « Pilgrim Fathers » ou Pères pèlerins). Les pays scandinaves sont, eux, solidement ancrés dans le luthéranisme. Catholiques et protestants cherchent par tous les moyens à gagner des adhérents.
Rome résiste aux avancées scientifiques : aux 16ème et 17ème siècles, des érudits comme Copernic, Bruno et Galilée sont malmenés. Ce n’est qu’en 1989 que le pape Jean-Paul II réhabilitera définitivement la recherche scientifique et les condamnés de jadis !
A partir de 1640, le jansénisme – une sorte de catholicisme augustinien et calviniste – se développe en banlieue parisienne et bouleverse le catholicisme français jusqu’à son déclin un siècle plus tard. Aux 18ème et 19ème siècles, le catholicisme hollandais est perturbé et un schisme y persiste encore de nos jours.
L’Édit de Nantes et la Révocation
L’Édit de Nantes (1598-1685) – un accord mutuel de paix initié par le roi Henri IV (protestant devenu catholique pour pouvoir régner sur la France, 1594), déclaré perpétuel et irrévocable – devient la loi du royaume. En voici les principales dispositions : le catholicisme est la religion d’État et est rétabli partout ; les protestants bénéficient cependant de la liberté de conscience et ont accès à tout emploi et à toute dignité, ils jouissent de toutes les garanties judiciaires, la liberté de culte leur est accordée à certains endroits et sous certaines conditions (mais pas à Paris et dans certaines villes, ni dans les résidences royales) ; quatre universités sont autorisées dans le pays ; les huguenots peuvent conserver leurs lieux fortifiés et leurs garnisons huit ans ; ils doivent respecter les fêtes catholiques, payer la dîme à l’État qui s’engage à verser un subside annuel aux pasteurs (clause peu respectée !). Du vivant d’Henri IV, cet Édit est respecté. Mais l’assassinat du roi en 1610, puis la politique de Richelieu, et finalement celle de Louis XIV y mettent fin. En 1685, l’irrévocable est révoqué. Applaudie à l’époque, la Révocation sera unanimement blâmée par la postérité !
Avec la Révocation, les huguenots ne peuvent plus exercer de pouvoir politique, ni même se rassembler pour le culte. Les autorités catholiques envoient des missionnaires pour ramener les brebis égarées au sein de l’église romaine, et ceci par tous les moyens, même les plus vils et les plus odieux. Les conséquences sont horribles pour les huguenots : des centaines de milliers émigrent en Angleterre, aux Pays-Bas, en Allemagne, en Amérique, en Prusse, en Afrique du Sud, en Irlande, en Suisse, etc. Ils font prospérer l’économie et la vie spirituelle de leur terre d’accueil. Ces émigrés dressent l’opinion publique contre l’intolérance de la France. Les huguenots restés en France se trouvent, quant à eux, privés de leurs pasteurs et leur vie devient presque intolérable : leurs enfants doivent être baptisés par des curés (rétrécissement du protestantisme). Malgré toutes ces injustices, le petit îlot de résistants se trouve fortifié spirituellement ! La France, elle, est appauvrie spirituellement à l’aube du siècle des « Lumières », siècle durant lequel les philosophes s’opposent au christianisme.
La multiplication des dénominations
Le 16ème siècle est marqué par un retour à la Bible sous l’influence des Réformateurs. Toutefois, au 17ème siècle, une « orthodoxie » protestante se développe sans qu’elle s’accompagne toujours de la vie spirituelle apportée par la nouvelle naissance. Il en résulte une « scolastique » protestante où le travail intellectuel devient plus important que l’application des principes néo-testamentaires au quotidien (le 21ème siècle n’a rien apporté de nouveau de ce côté-là). La religion rationaliste produit un intellectualisme froid, des guerres de religion (1560-1648), l’émergence de la philosophie orgueilleuse et celle des sciences empiriques, tout en préparant le terrain pour les vrais réveils spirituels du 18ème siècle et des suivants, réveils qui s’opposent au rationalisme. Ce regain de ferveur religieuse débouche également sur le « dénominationalisme » et la tolérance pour des idées et des pratiques différentes entre les protestants eux-mêmes. Le foisonnement des dénominations d’origine protestante provient essentiellement du fait que désormais chacun, selon ses capacités et sa compréhension de la vérité biblique, peut se former sa propre opinion sur bien des questions délicates. Mais cette tendance au chacun pour soi reste généralement soumise à une forme de consensus. En effet, on admet généralement :
– que les différences d’opinions ne doivent pas toucher aux vérités fondamentales de la foi ;
– qu’aucune église ni association d’églises ne peut comprendre la totalité de la Révélation biblique, qu’aucune structure ne peut englober la totalité du corps de Christ ;
– que l’unité spirituelle existe entre tous ceux qui sont nés de nouveau ;
– que la tolérance, dans de sages limites, n’accepte pas de perversions doctrinales, même celles qui sont professées au nom du Christ.
Le dénominationalisme marque fortement l’histoire du protestantisme du 17ème au 21ème siècle. L’éparpillement des familles chrétiennes n’est sûrement pas idéal, mais il vaut mieux que l’autoritarisme de certains Réformateurs et de leurs successeurs directs.
L’extension du christianisme dans le monde
Du 16ème au 18ème siècle, on assiste à la propagation du christianisme sur les cinq continents. Celle-ci est bien plus importante que celle des religions humaines en place depuis des siècles, qui essaient aujourd’hui encore de rattraper leur retard. Cette progression phénoménale est accompagnée de l’émigration des peuples et de l’expansion des cultures et du commerce européens. Les conquêtes sont souvent militaires. Malheureusement, l’avance du « christianisme » est trop souvent entravée par :
– la piètre qualité de vie de ceux qui confessent le Christ,
– l’exploitation cruelle et malhonnête, parfois même l’extermination des indigènes,
– l’immoralité des conquérants,
– l’établissement de traditions et de rites dépourvus de spiritualité biblique.
L’expansion géographique est dominée par l’Espagne en Amérique, aux Philippines et aux Caraïbes ; par le Portugal au Brésil, sur les côtes africaines, en Inde, en Malaisie et en Chine ; par la France en Amérique du Nord et en Chine. Cette expansion coïncide avec les grandes explorations et la colonisation par les grandes puissances européennes ; mais elle est aussi liée à la Contre-Réforme catholique. De nouveaux ordres apparaissent qui apportent d’importants moyens humains et financiers (jésuites, capucins, théatins, lazaristes) ; des « réveils » touchent également des ordres plus anciens comme les franciscains, les dominicains et les augustins.
Aux 16ème et 17ème siècles, les protestants, eux, cherchent à consolider leurs gains en Europe et ne s’intéressent que trop peu à la mission à l’étranger. Heureusement, ce désintéressement initial cède la place à l’amour du Christ pour tous les nouveaux peuples découverts.
Il faudrait des livres pour résumer le travail missionnaire sur tous les continents. L’éclatement du christianisme depuis le 16ème siècle rend impossible le traitement détaillé de cette histoire dans le cadre de cette série d’articles. C’est une histoire où se mêlent privations, victoires, décès de missionnaires et avances parfois fulgurantes. Certains « indigènes » font également des œuvres dynamiques dont les résultats sont à couper le souffle. Si des transformations de tous ordres s’opèrent, il y a bien sûr aussi des tragédies et des erreurs nombreuses.
L’œuvre du Seigneur Jésus-Christ continue envers et contre tout. Il est toujours fidèle à son œuvre commencée il y a 2000 ans. Nous pouvons lui faire confiance, même si aujourd’hui, les persécutions contre les chrétiens ravagent de nombreux pays, même si les déviations doctrinales pullulent, et même si de vrais croyants s’assoupissent parfois, donnant l’impression que les paroles adressées à Laodicée s’appliquent à nous (Apoc 3.14-21). Le Seigneur aura pourtant le dernier mot de la victoire !
Conclusion
Tout au long de cette série d’articles sur l’histoire de l’Église, mon but a été de présenter la vérité historique, en ne cachant pas les erreurs de ceux qui sont considérés comme les plus grands chrétiens. La vérité ne doit pas avoir de préférence lorsqu’elle relate les faits. Mais aussi désagréable que soit l’examen des imperfections et des échecs de l’Église, on aurait grand tort de se détourner de son histoire : cela revient à contester les œuvres et le gouvernement souverain du Créateur. Même si nous ne comprenons pas toujours ce qu’il est en train de faire, faisons-lui confiance ! Et soyons reconnaissants de toutes les choses excellentes que nous devons à l’obéissance, aux sacrifices et à l’amour de la Vérité de ceux qui nous ont précédés sur le chemin de la foi.
- Edité par McCarty Scott
« Tu es grand, et tu opères des prodiges ; toi seul, tu es Dieu » (Ps 86.10)
«Béni soit le Seigneur chaque jour. Quand on nous accable, Dieu nous délivre. Dieu est pour nous le Dieu des délivrances. Et l’Éternel Dieu peut nous garantir de la mort » (Ps 68.20-21)
David Brainerd, missionnaire parmi les Indiens d’Amérique du Nord, est né en 1718 et mort en 1747. Sa vie a été courte mais pleinement remplie. Il était orphelin à l’âge de 14 ans. Déjà à l’âge de 7 ou 8 ans, il fit une expérience avec le Seigneur, et à 13 ou 14 ans, il se donna totalement à lui.
Il fut aussi marqué par le grand Réveil de 1739 – 1745. Il fit des études, puis, en 1742, il prit une paroisse parmi les Congrégationalistes. Dès 1743, il alla comme missionnaire apporter l’Évangile aux Indiens. Son ministère parmi eux n’a duré que 4 ans, mais des centaines d’Indiens passèrent des ténèbres à la lumière. Toujours faible de santé et très malade vers la fin de sa vie, il prit l’habitude de considérer la mort plutôt comme une délivrance des épreuves de son corps et de son âme.
Malgré toutes ses souffrances, il vécut aussi des choses merveilleuses et de nombreuses délivrances de la mort dont voici un récit :
« Il évangélisait une tribu païenne parmi les plus opposées à la prédication de l’Évangile. Quelque peu découragé, il s’était retiré sous sa tente pour prier pour ces gens. Or, il ne savait pas que plusieurs d’entre eux avaient résolu de le tuer. Ils s’étaient approchés en rampant de sa tente et maintenant, avant de se jeter sur lui, ils l’observaient par une fente de la toile.
Ils virent ainsi Brainerd à genoux, les yeux fermés, les mains levés vers le ciel ; mais ils virent aussi un serpent de l’espèce la plus venimeuse, un grand cobra, qui s’était avancé derrière le dos de l’homme.
Les Indiens virent le reptile se dresser, tout prêt à mordre, puis soudain détourner la tête et se glisser hors de la tente. Stupéfiés, ils renoncèrent immédiatement à leur projet. Ils allèrent raconter à toute la tribu ce qu’ils avaient vu.
Alors les dispositions de ces hommes changèrent complètement. Dès ce jour, ils ouvrirent leurs oreilles et leur cœur à la prédication de l’Évangile. Des conversions se produisirent. Plus tard, ils racontèrent à Brainerd ce qui avait motivé leur changement d’attitude.
Ainsi, il avait échappé à une double mort : morsure du serpent, lances des indiens. Et en même temps, toute une tribu s’était ouverte à l’Évangile » (Anecdotes par André Thomas-Bres, p 177-178).
Cela nous incite à rendre gloire au Tout-puissant auquel appartiennent les cieux et la terre, au Souverain, le Roi des rois. Comme Brainerd, il nous a appelés à vivre, et à témoigner que Jésus-Christ est notre Sauveur et Seigneur. Nous avons, nous aussi, le privilège d’apporter « L’Évangile de la gloire du Dieu bienheureux » (1 Tim 1.11).
- Edité par Lüscher Henri
Quoi de mieux que le JARDIN pour réfléchir sur le rôle de l’homme dans la création ? Créé pour jouir de la communion avec Dieu, l’homme comblé avait reçu en particulier la mission de cultiver et de garder le jardin d’Eden (Gen 2.15). Il devait ainsi assurer sa subsistance en travaillant la terre (Gen 1.28), mais aussi préserver son environnement dans son intégrité.
Bien tardivement, à partir des années 1985 environ, les acteurs de la protection de la nature ont redécouvert cette sagesse biblique ancestrale. Il ne suffit pas de protéger la nature, mais il faut aussi la gérer intelligemment, c’est le seul moyen de la préserver. Livrer le terrain à sa propre dynamique, pour parvenir à la sylve primitive, est un non sens, voire une utopie dangereuse. De très nombreuses expériences ont démontré qu’un abandon des terres conduit à une dégradation du milieu et à un appauvrissement des écosystèmes. Ainsi perçue, la mission originelle de l’homme retrouve sa place centrale, et devient la clé de voûte de toute gestion durable de la planète.
Position de l’homme dans la création
Au regard du Créateur, l’homme n’est que le gestionnaire et non pas le « maître » de la création. Certes, créé à l’image de Dieu (Gen 1.26), il est en mesure de concevoir, de réaliser, de dominer. Le Très-Haut lui a communiqué des capacités, une intelligence, des dons, et ainsi l’homme est en mesure d’accomplir son « mandat culturel ». C’est d’ailleurs ce qu’il a fait, bon gré, mal gré, souvent à son insu. Qui aurait cru que la parole prophétique de Gen 1.28 s’accomplirait si littéralement ? Même si l’homme n’a pas souvent été mû par la crainte de Dieu et par le respect de la terre, il domine néanmoins sur le monde.
Cette position privilégiée, qu’il occupe parmi les autres êtres vivants, comporte surtout une immense responsabilité, celle de représenter Dieu sur terre. Ce statut, octroyé avant la chute, devait se vivre dans l’harmonie, le respect et la paix, à l’image du règne qu’exerce Dieu. Malheureusement, après cette effroyable rupture que fut la chute, l’homme a non seulement brisé sa communion avec Dieu, mais aussi ses relations harmonieuses avec les autres êtres vivants. « Émancipé », il rejette son Créateur hors de son univers et pollue toute vie, la sienne et celles des autres.
La rébellion et ses conséquences
Avant la rébellion humaine, le travail était vécu comme une bénédiction, une opportunité pour mobiliser toutes nos énergies, tant physiques qu’intellectuelles. L’homme pouvait se réaliser et développer toutes sortes d’activités ; la base du raisonnement scientifique était déjà posée (Gen 1.19-20). L’être humain pouvait trier, classer, nommer ; l’application technologique qui en découlera sera rapide (Gen 4.22; Job 28.9 ss). Il aurait pu vivre éternellement une vie de plénitude, d’équilibre. Mais il a préféré devenir dieu et régner seul, au prix de sa liberté, de sa vie ! Désormais la nature devient un milieu hostile, dans lequel il faut lutter pour survivre. Le sol maudit produit des épines et des ronces (Gen 3.17ss), obligeant l’homme à gagner son pain à la sueur de son front. L’équilibre naturel est brisé, ses relations avec les animaux sauvages sont empreintes de peur. Ces derniers deviennent pour lui une menace qu’il doit combattre et inversement, il devient pour eux un sujet de terreur :
« Vous serez un sujet de crainte et d’effroi pour tout animal de la terre, pour tout oiseau du ciel, pour tout ce qui se meut sur la terre, et pour tous les poissons de la mer… » (Gen 9.2 ss)
Cette aliénation s’étendra à toutes ses relations, tous les domaines de son activité seront entachés par l’envie, par le désir de posséder et de déposséder.
Un service agréable à Dieu
Travailler comme pour le Seigneur
L’Ecclésiaste, dans le bilan qu’il dresse de la vie humaine, ne considère pas le labeur comme un but en soi. Non transcendé par les perspectives spirituelles et éternelles, il n’est que vanité et poursuite du vent (Ecc 4.4). Mais heureusement Jésus-Christ est venu pour rétablir toutes choses. En lui le travail est réhabilité ; il retrouve la dimension que Dieu lui avait assignée à l’origine, à savoir « un culte » (ou « un service ») pour sa gloire.
« Tout travail est service de Christ, dont la seigneurie s’étend sur le monde entier. Il n’y a pas de différence principielle entre le travail d’un pasteur ou d’un missionnaire et celui d’un boulanger, d’un charcutier, d’un biologiste ou d’un agronome. Les uns et les autres agissent dans et pour le monde » (Bible et Ecologie; J.Douma, Editions Kerygma 1991, p. 34).
Jésus-Christ ayant lui-même assumé une activité professionnelle, celle de charpentier (Marc 6.3), valorise de fait le travail. Il appellera des travailleurs (pêcheurs : Mat.4.18; percepteur : Mat 9.9 etc.) dans le ministère apostolique. L’apôtre Paul a appris le métier de fabricant de tentes, qu’il exercera pour subvenir à ses besoins (Act 18.3; 1Cor 4.12). Dans sa deuxième Epître aux Thessaloniciens, Paul combat la paresse « car, lorsque nous étions chez vous, nous vous disions expressément : Si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus. » (1 Thes 3.10) Mais la vision chrétienne du travail va bien au-delà de la simple nécessité, tout ce que l’on fait doit être fait pour honorer le Seigneur.
« Tout ce que vous faites, faites-le de bon coeur, comme pour le Seigneur et non pour des hommes » (Col 3.23).
Jésus-Christ nous a laissé, entre autres, deux paraboles : celle « des deux serviteurs » (Luc 12.41-48) et celle « des talents » (Mat 25.14-30), qui peuvent nous être utiles dans ce contexte. La première met en évidence notre position : nous sommes des serviteurs, et Dieu attend la fidélité dans notre gestion (1 Cor 4.1-2). La deuxième mérite que l’on s’y arrête plus longuement, parce qu’elle touche du doigt un problème très actuel dans les milieux chrétiens.
Employer ses dons
Dans cette parabole, Jésus-Christ affirme que tous les serviteurs ont reçu des talents différents, mais aucun n’en est dépourvu. Ainsi Dieu distribue aux croyants des capacités, certains en ont reçus plus, d’autres moins, mais tous en ont reçu (1 Pi 4.10). Certes, dans l’utilisation des dons, de multiples déviances peuvent émerger : l’orgueil, qui détruit tout travail et brise tant de relations (Rom 12.3), mais aussi les complexes, notamment d’infériorité, qui peuvent être tout autant dévastateurs. « Celui qui n’a reçu qu’un seul talent a été le plus vulnérable face à la tentation de la passivité et, probablement, de l’envie » (Revue Réformée, n° 225 – nov. 2003, p. 52, article de H.Kallemeyn). Ce que Jésus-Christ souligne, ce n’est pas tant les capacités, puisqu’elles sont un don de Dieu (« Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? » 1 Cor 4.7), que la fidélité. Les croyants doivent vivre en nouveauté de vie, se détacher de ce que pensent les autres. Jésus-Christ nous a affranchis de nous-mêmes et de nos complexes, c’est en lui que nous avons notre identité. Nous devons redécouvrir la vraie liberté en Christ — « Si donc le Fils vous affranchit, vous serez réellement libres » (Jean 8.36) — et la puissance de sa résurrection, « car le royaume de Dieu ne consiste pas en paroles, mais en puissance. » (1 Cor 4.20) Ce « en Christ », expression favorite de l’apôtre Paul, était la conviction intime de l’Eglise primitive. Nous ne sommes rien, faibles et pauvres, mais en Christ nous avons un refuge et une autorité. Forts de cette assurance, les premiers chrétiens, en dépit de leurs nombreuses faiblesses (cf. 1 Cor 1.26 ss : « ni beaucoup de sages …ni beaucoup de puissants… ») ont pu conquérir le monde antique et bouleverser la sagesse des « sages ».
Un champ nouveau
En Christ, les croyants authentiques ont une base solide pour pouvoir agir, joyeusement, dans ce monde. Le travail est réhabilité, il retrouve la dimension originelle que le Tout-Puissant lui avait assignée, à savoir un vrai culte à sa gloire. L’homme redevient, sous l’autorité du Christ, ce gestionnaire humble et respectueux, attentif au bien-être des autres créatures. Aimant et protégeant la création, il contribue à préserver ce témoignage grandiose de la puissance éternelle de Dieu (Rom 1.20). Travailler la terre, ou sur la terre, n’est plus considéré comme une activité dégradante mais bien au contraire comme une entreprise de l’Esprit (un « culte » et une « culture » au sens le plus noble des termes), plaçant l’homme dans une juste relation avec son environnement et avec son Créateur.
- Edité par Hasse Hervé
Dieu appelle
Ainsi donc, Dieu avait appelé Jonas : « Lève-toi, va à Ninive » en prenant soin de préciser la nature de la mission : « Crie contre elle ! » (1.1). C’est le genre de mission qu’on laisserait volontiers à d’autres… Il ne s’agissait en effet de rien moins que de faire irruption dans la capitale de l’Assyrie, en pleine prospérité et complètement païenne, pour y amener un message de repentance !
Aujourd’hui encore, Dieu appelle. Il appelle à la repentance et à la foi ceux qui vivent sans lui (2 Pi 3.9). Il appelle ses enfants à le mettre à la première place dans leur vie (Eph 1.18). Il appelle ceux qui lui appartiennent à le servir (1 Thes 1.9). Mais Dieu nous appelle aussi parfois pour des missions spécifiques : prier et soutenir un missionnaire, suivre et s’occuper soigneusement d’une personne qui a besoin d’aide, accepter la proposition d’un ancien de notre assemblée locale pour diriger l’école du dimanche, etc. Son appel peut aussi être en forme d’avertissement : il veut nous arrêter alors que nous prenons un mauvais chemin, il souhaite que nous mettions en ordre un problème familial jamais réglé, etc.
Nous ne savons exactement comment Dieu s’est adressé à Jonas. S’il s’est adressé à certains de ses serviteurs en songe (à Joseph et à Samuel, par exemple), il a parfois utilisé des anges (pour instruire Jacob, ou Marie), il a parlé de manière audible (à Saul) et a même utilisé la nature (les étoiles pour guider les mages) ou des animaux (un âne pour reprendre Balaam, un coq pour confondre Pierre). Ne restreignons ni ne négligeons pas les moyens que Dieu utilise pour nous appeler ou nous parler ! Bien entendu, il nous parle prioritairement par Jésus-Christ, Fils de Dieu, Parole divine incarnée et Parole écrite (cf. Hébr 1.1-4 et Jean 20.29-31), mais sachons aussi le laisser nous surprendre… Job nous apprend que « Dieu parle […] tantôt d’une manière, tantôt d’une autre, et l’on n’y fait pas attention. Il parle en songe, en vision nocturne, quand un profond sommeil tombe sur les hommes, quand ils sont endormis sur leur couche. Alors il fait des révélations aux hommes » (Job 33.14-16a).
La réponse de Jonas
Face à cet appel, Jonas choisit la fuite. Qu’est-ce qui l’a dissuadé de répondre à cet appel ? Ninive était une ville païenne. Pour un Juif, prêcher la repentance et la foi à un peuple étranger était un acte hors du commun : il fallait accepter que Dieu n’envisageât pas seulement le salut de son peuple élu, mais également celui des nations. Il fallait également être prêt à accepter que Dieu puisse revenir sur sa décision, renoncer à sa colère et ne pas exécuter le jugement prévu (3.10). C’en était trop pour Jonas qui avait déjà imaginé cette issue, car il savait « … que tu es un Dieu qui fais grâce et qui es compatissant, lent à la colère et riche en bienveillance, et qui regrettes le mal » (4.2). Le prophète qui prononçait un message que l’Eternel ne lui avait pas communiqué devait être mis à mort. Lorsque la chose annoncée par le prophète ne se réalisait pas, c’était un signe que son message ne venait pas de l’Eternel (Deut 18.20-22). On comprend donc un peu mieux la crainte de Jonas…
Quelle est notre réponse aux appels de Dieu ? Lorsque Dieu appelle Moïse pour parler au Pharaon, le futur libérateur d’Israël demande au Dieu souverain d’appeler quelqu’un d’autre (Ex 4.13). Jérémie estime ne pas savoir parler et n’être qu’un enfant (Jér 1.6). Souvent, les demandes que Dieu nous adresse semblent être au-dessus de nos forces. Et notre première réaction, si elle n’est pas de fuir, est de jouer à celui qui n’a pas entendu ou alors de produire des foules d’excuses (valables à nos propres yeux) pour ne pas faire ce que Dieu nous demande. Par expérience, je crois que les appels de Dieu sont souvent des objectifs difficiles à atteindre, car il veut que nous comptions sur lui… Si les défis qu’il nous propose étaient trop simples, nous voudrions les accomplir par nos propres forces… Or lui qui nous donne le but à atteindre, veut aussi nous donner les moyens. Nous-mêmes, comme Jonas, en avons trop souvent douté…
L’épreuve de Jonas
Jonas a donc décidé de fuir Dieu. Il est intéressant qu’il nous soit précisé qu’il a payé le prix de sa place pour fuir en navire. Combien de fois dépense-t-on des sommes importantes pour s’éloigner de Dieu plus que pour se rapprocher de lui ? Le meilleur moyen de transport de l’époque, la plus grande des fortunes ou le sommeil le plus profond ne permettent pas de fuir la présence de Dieu : « Où irais-je loin de ton Esprit et où fuirais-je loin de ta face ? » (Ps 139.7). Dieu va alors se rappeler à son serviteur au cœur de la tempête. Dieu utilise la tempête, des marins idolâtres et le sort pour parler à la conscience de Jonas. Mis face à l’évidence de sa désobéissance, Jonas aura le courage d’expliquer sa situation aux marins et, signe évident de foi, de leur proposer de le jeter à la mer ! Répondant à sa foi, Dieu enverra un poisson : dans l’épreuve, il créera l’issue démontrant que sa main prend toujours soin de ses enfants.
Nos fuites et nos désobéissances sont souvent l’occasion de toucher le fond du gouffre (2.7a). Et là au fond, comme Jonas, nous pouvons expérimenter : « Quand mon âme était abattue au-dedans de moi, je me suis souvenu de l’Eternel, et ma prière est parvenue jusqu’à toi » (2.8). Celui-là même qu’il fuyait devient celui qui le fait remonter vivant du gouffre (2.7b). Oui, Dieu fait grâce ! Il pardonne nos inconséquences lorsque notre repentir est sincère… Jonas a reconnu son erreur – savons-nous reconnaître la nôtre ?
Une deuxième chance pour Jonas
Ramené au point de départ de manière miraculeuse, fort de cette expérience de la providence et de la toute-puissance de Dieu, Jonas est appelé une seconde fois : « Lève-toi, va à Ninive, la grande ville, et fais-y la proclamation que je te dis ! » (3.1). Cette fois, le texte nous apprend que « Jonas se leva ; il alla à Ninive, selon la parole de l’Eternel » (3.2). Dieu donne une seconde chance à Jonas pour le mettre à l’épreuve ! Notons bien que cette seconde chance lui a été accordée après un repentir sincère. Jonas ne persiste pas dans son erreur. Combien souvent, il nous arrive de continuer à ne pas vouloir entendre l’appel de Dieu et à ne pas vouloir faire acte de repentance…
Ce qui est merveilleux avec Dieu, c’est que jamais il ne nous enfonce. C’est lui qui a relevé Jonas, comme il peut me relever lors de mes chutes. Ma responsabilité, c’est de confesser ma désobéissance, de me mettre en ordre avec lui, de rétablir le contact. Une fois le contact restauré, la ligne nettoyée des péchés qui empêchaient une bonne communication, Dieu peut à nouveau m’appeler. Dieu veut aussi te donner cette seconde chance… si tu as laissé passer une occasion de répondre à l’appel de Dieu. Si tu as fui sa présence, si tu as lui a désobéi, confesse-lui cette erreur ! Et tiens-toi prêt… car il pourrait bien t’appeler une seconde fois.
- Edité par Bourgeois Nathanaël
Ninive… Babylone… Rome… ces villes au destin stupéfiant ont souvent, dans l’Ecriture, valeur d’allégories. Par l’histoire de ces capitales d’empires, mères des mégalopoles de notre époque, Dieu a parlé au monde, et révélé ses pensées.
Jonas, en son temps, a souhaité de tout son être que Ninive soit abandonnée à son sort. Mais Dieu, qui avait son regard sur les Ninivites, a voulu les visiter, les prévenir, les épargner.
Point de vue humain dépourvu d’humanité du côté du prophète, point de vue profondément miséricordieux du côté de Dieu : cela fait une différence.
Mais Jonas n’est pas loin de nous, car chaque jour nouveau nous prononçons des sentences sur nos sociétés, et nous les chrétiens ne sommes pas à l’abri des analyses trop humaines, du parti pris ou de l’indifférence, de la dureté ou de la légèreté. Voire du ressentiment…
Lorsque Jonas s’est vu confier la mission de prêcher aux Ninivites, que savait-il au juste de ce peuple ? Et lorsque Dieu se penche sur le marasme spirituel des « païens », quels sont ses critères d’évaluation, quels objectifs mystérieux poursuit-il ? Et nous, collaborons-nous volontiers à son œuvre ?
1. Jonas l’Hébreu1 et Ninive
Pour entrer dans la sensibilité et les convictions de Jonas, il faut d’abord déterminer l’époque de son ministère de prophète. Le passage de 2 Rois 14.23-27 nous fournit de précieux indices. Jéroboam II règne alors sur le Royaume du nord, Israël2. Première surprise : Jéroboam « fait ce qui est mal aux yeux de l’Eternel », et pourtant il parvient à tenir tête à l’ennemi syrien et à rétablir Israël dans ses frontières anciennes (cf. Deut 3.17). D’où lui vient donc ce succès « immérité » ? Il a agi « selon la parole que l’Eternel, le Dieu d’Israël, avait prononcée par l’intermédiaire de son serviteur le prophète Jonas, fils d’Amittaï… » Et les motifs profonds de Dieu nous sont immédiatement fournis : « Car l’Eternel avait vu la cruelle humiliation d’Israël […] nul ne venait au secours d’Israël. Or l’Eternel n’avait point parlé d’effacer le nom d’Israël de sous le ciel. Il les sauva par la main de Jéroboam, fils de Joas. » Avant de commenter ces circonstances particulières, retenons que Jonas a probablement fait le voyage de Ninive ultérieurement.
Au gré des succès de Jéroboam, Jonas a pu constater que Dieu suspendait parfois ses jugements, et choisissait ses instruments selon son bon vouloir, et non selon la logique des hommes. Cette expérience allait peut-être à l’encontre de ce que Jonas avait retenu des reproches et des menaces formulés par d’autres prophètes : Élie, Élisée et Michée (3.1-5.14) parmi les prophètes antérieurs ; Amos (2.6-9.10), Osée (1-13), et peut-être Ésaïe (28-39) parmi ses contemporains. Tous envisageaient la ruine d’Israël (et de Juda, chez Ésaïe) en cas d’infidélité persistante, et nommaient souvent l’Assyrie (dont Ninive allait devenir la capitale en 705 av. J-C.) comme un des instruments essentiels du châtiment.
Sans présumer de ce que Jonas avait retenu de tous ces appels à la repentance (des problèmes d’ordre chronologique et documentaire nous empêchant de parvenir à des certitudes), nous imaginons son soulagement à voir Dieu user de patience et de grâce envers ses compatriotes, même s’il ne pouvait oublier que la grâce faite à Israël, à Jéroboam et à ses éventuels successeurs, ne serait pas indéfiniment prolongée : Dieu accordait un dernier sursis, une toute dernière occasion de revenir à lui. Mais en supposant que Jonas ait été persuadé (à travers les messages prophétiques d’Amos et d’Osée) que l’Assyrie allait totalement démanteler Israël3, et qu’il ait déjà assisté à un début de main mise sur son pays par Tiglath-Piléser III (désigné sous son nom babylonien de Poul en 2 Rois 15.19,20 ; voir aussi 15.29 ; 16.5-7 ; És 7.1)4, nous n’avons pas de peine à comprendre son refus de prêcher aux Ninivites : Jonas ne voulait en aucun cas contribuer à assainir la puissance qui un jour allait subjuguer sa nation.
Ainsi donc, avant d’entamer sa mission à Ninive, Jonas connaissait suffisamment les plans de Dieu et l’histoire pour se faire une idée de Ninive et de l’Assyrie, tant sur le plan géostratégique que moral. Il savait de plus :
– que Ninive avait des origines aussi antiques que le monde habité. Gen 10.8-12 faisait remonter sa fondation à l’époque de Nimrod (arrière petit-fils de Noé), qui bâtit une conurbation (agglomération) de cités le long du Tigre : « …et il bâtit Ninive, et Rehoboth-Ir, et Kalakh, et Résen entre Ninive et Kalakh : c’est la grande ville » (trad. Darby) ;
– que ces cités de Mésopotamie, marquées du coin de la démesure, avaient constitué l’embryon des puissances babyloniennes et assyriennes ;
– que l’Assyrie, surtout depuis l’époque d’Achab, roi d’Israël, et de Salmanasar III (860-825 av. J-C.), était entrée en confrontation directe avec les Israélites ;
– qu’un roi d’Israël, Jéhu, fils d’Omri, avait été contraint de payer un tribut à ce despote assyrien (842 av J.-C.)5;
– que les Assyriens glorifiaient la force brutale et les conquêtes militaires, et que la corruption de Ninive était devenue insupportable non seulement à tous les peuples oppressés, mais à Dieu lui-même (cf. Jon 1.2).
D’autre part, Jonas connaissait suffisamment les plans de Dieu et l’histoire pour se faire une idée de l’état moral et spirituel du Royaume d’Israël, et pour en redouter l’effondrement. Mais peut-être s’accrochait-il aveuglément aux promesses du rétablissement final de Juda ou d’Israël, bien réelles chez plusieurs prophètes, pour espérer un autre cours des choses (cf. És. 1.26 ; 11.12 ; 27.13 ; 33.20 ; 40.2 ; 49.22 ; 60.10 ; Osée 2.18-25 ; 11.8-11 ; 14.5-10).
En rassemblant ces éléments, nous comprenons un peu mieux le double refus que Jonas oppose à son Dieu lorsqu’il est question de prêcher aux Ninivites (cf. Jon 1.3 ; 4.9)… et ces paroles très amères du prophète après le pardon accordé aux Ninivites repentis : « Ah ! Eternel, n’est-ce pas ce que je disais quand j’étais encore dans mon pays ? C’est ce que je voulais prévenir en fuyant à Tarsis. Car je savais que tu es un Dieu qui fais grâce et qui es compatissant, lent à la colère et riche en bienveillance, et qui regrettes le mal. Maintenant, Eternel, prends-moi donc la vie, car la mort m’est préférable à la vie. » (Jon 4.2,3)
Résumons l’« évangile » selon Jonas l’Hébreu :
– la grâce et le pardon accordés à Israël, d’accord. Mon peuple a grand besoin des faveurs de son Dieu. Espérons qu’Israël voudra bien se repentir.
– la grâce et le pardon accordés à nos ennemis païens, pas question. Les Assyriens sont voués à la destruction. Espérons qu’ils persisteront dans le mal pour hâter ce dénouement.
2. Le Dieu-des-cieux-qui-a-fait-la-mer-et-la- terre-ferme6… et Ninive
Quelle ironie dans ce titre donné à l’Eternel par son prophète récalcitrant. Alors même que Jonas doit avouer aux marins terrorisés par la tempête qu’il est en train de fuir la face de l’Eternel (1.9-10), c’est-à-dire de tenter de se soustraire à l’autorité du Maître suprême, il désigne son Dieu de manière à établir l’indiscutable souveraineté de celui-ci aux yeux des matelots « idolâtres ».
Il dit bien. Car s’il est une réalité première que le livre de Jonas souligne fermement, c’est celle-là. Dieu ne commande-t-il pas tour à tour au vent (1.4), au poisson (2.1), au ricin (4.6), à un ver (4.7), à nouveau au vent (4.8), et n’a-t-il pas la maîtrise du « hasard » lui-même (1.7) ? Jonas expérimente donc en direct les moyens illimités et déconcertants de son Seigneur, et va jusqu’à admettre provisoirement qu’il est très sage de s’y soumettre (2.9-10). Les marins l’ont du reste admis avant lui : « Toi, Eternel, tu as agi comme tu l’as voulu. […] Ces hommes furent saisis d’une très grande crainte de l’Eternel » (1.14-16).
Dieu ne laisse ni sa création, ni ses créatures sans témoignages de sa présence, ni sans preuves de sa volonté d’intervenir quand et comme il lui plaît. Et si le livre de Jonas nous révèle une direction précise de cette volonté, c’est justement celle dont Jonas redoute le libre exercice (cf. 4.2b) : le désir de sauver chacune de ses créatures terrestres, et de lui témoigner sa bienveillance, sa bonté (en hébreu hésed, terme utilisé 250 fois dans l’A.T.). Rien de plus inexact que l’image, souvent brandie par les détracteurs de la Bible, d’un Dieu pressé de punir, avide de vengeance et d’affirmation brutale de sa supériorité : Jonas le savait fort bien (cf. 4.2c : « tu es un Dieu qui fais grâce et qui es compatissant, lent à la colère… »), mais se dépitait jusqu’à l’écœurement à l’idée que les Ninivites aient si vite saisi la grâce qui leur était réservée.
Par divers moyens, Dieu va démontrer à son serviteur que la colère de celui-ci n’est pas cohérente : si Dieu a fait grâce au prophète désobéissant, et si Jonas est capable de se réjouir ou de s’apitoyer sur le sort d’un ricin, Dieu n’a-t-il pas raison de prendre à cœur le sort de 120.000 êtres humains « qui ne savent pas distinguer leur droite de leur gauche » et de « bêtes en grand nombre » (4.9-11) ?
Quelle leçon pour nous, et quelle mise en garde !
Car nous aussi sommes confrontés à un monde hostile qui, de multiples manières, a déjà persécuté les enfants de Dieu cruellement, comme il a persécuté le peuple d’Israël, et le Fils de Dieu lui-même. Nous qui connaissons les décrets de Dieu, et qui par le moyen des écrits prophétiques, savons de quelle façon Dieu jugera la terre et les œuvres qu’elle renferme (cf. 2 Pi 3.7,10 et suivants), comment observons-nous la rapide dégradation de nos civilisations très avancées dans le mal ? Nos cœurs éprouvent-ils de la bienveillance envers ceux que leur incrédulité ou leur folie a rendus esclaves de vices dégradants, et maintient dans une obscurité spirituelle et morale quasi-complète ? Croyons-nous au miracle de la repentance, et souhaitons-nous le voir se produire chez les Ninivites de nos temps ? Si non, souvenons-nous que la volte-face des gens de Ninive se produisit dès le premier jour de prédication, et que ces « mécréants » comprirent sans explication que la colère de Dieu était directement liée à leur « mauvaise conduite » et à leur « violence » (3.8).
3. Ninive : un mystère stimulant pour notre témoignage
Le livre de Jonas se termine par un mystère : on ne sait pas ce que Jonas va répondre à son patient Seigneur. Soyons optimistes, et parions que si Jonas lui-même a fourni la matière de son livre, il n’a guère pu le faire dans un état de rancune éternelle. Avec le recul, il a pu témoigner de son expérience positivement.
Mais un plus grand mystère se présente sur le devant de la scène. Quel sens donner à la fin de Ninive, dans la perspective du livre de Jonas ? Un coup d’œil aux manuels d’histoire nous apprend qu’une centaine d’années après le réveil spirituel des Ninivites, la ville va être détruite ( 612 av J.-C.) et l’Empire assyrien passera sous la botte des Babyloniens. Destruction restée légendaire dans l’antiquité déjà : le Grec Lucien de Samosate (125-192 apr. J-C.) faisait dire à Mercure transporté par Charon : « Ninive est si détruite, qu’on ne peut plus dire où elle se trouvait. Il n’en reste aucune trace. » Pendant les 19 premiers siècles de l’ère chrétienne, on a appris beaucoup de choses sur la civilisation égyptienne, mais on a pratiquement ignoré l’Empire assyrien, et d’autres empires mésopotamiens. Voltaire, et bien d’autres rationalistes avec lui, ricanaient à propos du mythe de Ninive. Fort heureusement, les découvertes de P-E. Botta, de H.A. Layard, de G.H. Grötefend et de G. Smith, au milieu du 19ème siècle, allaient faire surgir des sables une civilisation étonnante de contrastes, dont nos plus grands musées (Le Louvre, British Museum) gardent jalousement la mémoire. Quoi qu’il en soit de nos connaissances actuelles, le mystère du destin de Ninive, d’un point de vue spirituel, reste troublant.
En effet, quelle valeur donner à la conversion des Ninivites si la plus complète ruine figurait au programme du divin Maître de l’histoire ?
Le livre de Nahum et certains passages de Sophonie amènent de précieuses informations. Lisons plutôt (Soph 2.13-15) :
« Il (=l’Eternel) fera périr l’Assyrie
Et il fera de Ninive une désolation,
Une terre aride comme le désert.
Des troupeaux feront leur gîte au milieu d’elle,
Des animaux de toutes espèces ; […]
Voilà donc cette ville d’amusements,
Qui s’installe dans la sécurité
Et qui dit en son cœur :
Moi, et rien que moi !
Comment ! elle est devenue une désolation,
C’est un gîte pour les animaux,
Tous ceux qui passent près d’elle
Sifflent et agitent la main. »
Les causes de la destruction sont claires, et l’ordonnateur de l’anéantissement est identifié : c’est l’Eternel. Ninive va connaître le même sort que Babylone plus tard, et pour les mêmes raisons. Ceux qui ont été touchés par la grâce de Dieu à l’époque de Jonas n’ont pas été imités par leurs descendants. Très vite, la ville a sombré dans une méchanceté (Nah 3.16) plus grande que par le passé :
– pratique coutumière du mensonge, de la violence, l’esclavage atteignant des sommets de cruauté (Nah 3.1) ;
– culte du plaisir et débauche sexuelle (Nah 3.4) ;
– culte de la richesse et trafics en tous genres (Nah 3.1, 16)7;
– orgueil (Soph 2.15b) ;
– occultisme et magie (Nah 3.4).
Or l’histoire nous apprend que pendant ses cent dernières années, Ninive a connu une extension sans précédent : Sanchérib8 va choisir Ninive pour capitale (peu après 705 av. J-C.) ; des constructions impressionnantes vont s’élever : barrages, aqueducs, palais royal. Parallèlement, ses campagnes militaires vont le pousser à s’attaquer à Israël, et la Bible nous rapporte ses railleries à l’égard du peuple de Dieu et de la foi en l’Eternel (2 Rois 18.13-37)9. Un peu plus tard, Assurbanipal, constituera à Ninive la plus importante bibliothèque du monde antique (en attendant celle d’Alexandrie) : environ 100.000 tablettes sur tous les sujets de la science, de la littérature, de l’histoire, de la loi, de la médecine, des pratiques religieuses, de la magie et de quantité d’autres sujets. Déjà l’ambition encyclopédique ! Mais cette ville où les plus exquis raffinements, où la culture la plus diverse, où la technologie la plus avancée, côtoient les pratiques les plus bestiales et les ambitions les plus délirantes, va rapidement décliner et s’écrouler. Scénario hélas devenu classique…
Nous voilà donc obligés d’admettre que Dieu, sachant qu’un jour viendrait où Ninive devrait mordre la poussière, avait néanmoins entrepris tout ce qu’il fallait pour que des Ninivites soient sauvés, parce leur sort avait ému sa vive compassion et mobilisé sa puissance.
Notre siècle, nous l’avons suggéré, ressemble à bien des égards au monde de Ninive : même ivresse de la connaissance, mêmes réalisations étonnantes, même orgueil, même présomption, même violence, même hédonisme, mêmes ténèbres spirituelles. La fin de la « grande Babylone » (Apoc 17, 18) est programmée, et nous savons pourquoi. Toutefois, le mystère insondable de la grâce de Dieu subsiste, et l’offre du salut en Jésus-Christ est encore pour chacun (Jean 3.16). Nous appartient-il de rester indifférents à la détresse de nos contemporains, ou de suivre l’exemple de Celui qui est venu chercher et sauver ceux qui sont perdus (Luc 19.10) ?
Claude-Alain PFENNIGER
1 Cf. Jon 1.9
2 Ce règne dura de 782 à 753 av. J-C. selon Thiele ; de ~780 à ~740 selon Le Petit Robert 2 ; de 825 à 785 av. J-C. selon R. Liebi. Autres datations possibles.
3 Cf. Osée 11.5 : « …l’Assyrien à son tour sera leur roi, parce qu’ils ont refusé de retourner vers moi. »
4 L’archéologie nous permet de lire des annales de Poul, qui évoquent ses démêlés avec Menahem (- 738) : « Quant à Menahem, je l’ai écrasé comme le ferait une tempête de neige. Il s’est enfui comme un oiseau puis s’est prosterné devant moi. Je lui ai ordonné de reprendre sa place et de me verser un tribut… » Poul y parle aussi de ses déportations d’Israélites vers l’Assyrie. (La Bible et l’archéologie, de J.A. Thompson, Ligue pour la lecture de la Bible, Fr- Guebwiller, 1975)
5 En 1840, l’explorateur Henry Layard découvrit à Nimrud un grand obélisque noir représentant les Israélites portant leur tribut à Salmanasar. En tête de cortège, Jéhu prosterné devant Salmanasar. C’est le seul portrait d’un roi israélite mis à jour par l’archéologie.
6 Cf. Jon 1.9b
7 On appelait Ninive « la ville voleuse » parce qu’elle s’était maintes fois enrichie au détriment des pays conquis ou soumis.
8 Nom aussi transcrit « Sennachérib ».
9 Le fameux « cylindre de Taylor » (British Museum), fragment des annales de Sanchérib, raconte comment ce dernier contraignit le roi Ezéchias à lui payer un lourd tribut (cf. 2 Rois 18.13-16).
- Edité par Pfenniger Claude-Alain
Le livre de Jonas est une leçon magistrale à tous les niveaux. En quatre courts chapitres, l’auteur sacré retrace la singulière mission d’un serviteur de Dieu : Dieu appelle et envoie ; Jonas désobéit et s’enfuit sur un bateau (ch. 1). Dieu intervient et fait venir un gros poisson qui engloutit le prophète ; Jonas prie et s’humilie (ch. 2). Jonas, revenu à Dieu, obéit à son appel, va à Ninive et annonce le jugement ; Dieu épargne le peuple de cette grande ville qui se repent (ch. 3). Jonas mécontent de la miséricorde de Dieu à l’égard des païens de Ninive, s’irrite contre lui ; Dieu le corrige avec patience (ch. 4).
Deux choses nous émerveillent :
– la grandeur et la souveraine grâce de Dieu qui se manifestent à travers sa providence. Il maintient sa création et veille sur elle, sur les hommes et sur tous les siens en vertu de son essence même, de son amour, de sa justice et de sa sainteté ;
– le cheminement de Jonas qui, de récalcitrant qu’il était, progresse dans la voie de l’obéissance à Dieu en accomplissant sa mission, voie tracée qu’il apprend à suivre… malgré ses murmures.
Qu’aurais-je fait à la place de Jonas ? Sachant que le Seigneur a une mission précise pour chaque croyant, suis-je prêt à l’écouter et, au lieu de fuir, à le suivre dans l’obéissance de la foi, en assumant mes responsabilités dans ma vie, ma famille, mon église, mon entourage ?
Si oui, je ne dois pas craindre un changement de cap à 180 degrés lorsque Dieu l’exige, comme il l’a exigé de la part de Jonas. C’est le chemin de la croix, de la repentance, du combat, dans la Ninive contemporaine de notre monde paganisé. Dieu a encore besoin, pour y œuvrer, d’hommes et de femmes qui vivent et annoncent clairement l’Évangile. Sachons compter sur Lui ! Car qui sait s’il ne va pas, encore aujourd’hui, épargner en grand nombre des hommes qui reviennent de leurs mauvaises voies et acceptent l’Évangile de la grâce et de la réconciliation ?
Que ce dossier sur Jonas puisse nous aider dans notre apprentissage de la fidélité à Dieu.
Henri Luscher
- Edité par Lüscher Henri
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La Sainte Bible avec commentaire de John MacArthur
Longtemps privés de Bible d’étude, et ce jusqu’à la parution de la Bible Scofield en 1975, les chrétiens francophones ont peut-être aujourd’hui l’impression de devoir faire face à une avalanche de tels outils, sans trop savoir ce qui les différencie.
Qu’apportera de plus la Bible d’étude MacArthur?
• Il s’agit d’une Bible avec commentaire textuel quasi systématique (près de 16 000 notes de ce genre en font probablement la Bible d’étude francophone la plus complète à ce jour), ce qui la distingue des Bibles Scofield ou Thompson, plus utiles par leurs chaînes de références.
• Il s’agit d’une Bible avec commentaires d’ordre théologique, ce qui la distingue de la Bible d’étude NBS, plutôt axée sur les notes philologiques et les informations historiques.
• Il s’agit d’une Bible qui prend position sur les débats théologiques, ce qui la distingue de 1a Bible d’étude Vie Nouvelle, dont l’objectif est de présenter les diverses interprétations possibles et de proposer une application pratique des textes.
Finalement, la Bible d’étude existante la plus proche dans son concept est probablement celle du Semeur, qui offre des commentaires quasi systématiques avec un exposé du sens de l’original, des informations historiques, archéologiques et géographiques, ainsi que des explications doctrinales qui reconnaissent l’autorité et l’inspiration de la Parole de Dieu, et un index thématique.
Pourquoi donc éditer la Bible d’étude MacArthur? Parce que John MacArthur propose des lignes d’interprétation différentes de celle du Semeur, notamment du fait de ses convictions très calvinistes et prémillénaristes. Ainsi, la comparaison entre leurs commentaires est particulièrement intéressante, puisqu’elle permet de mieux cerner ce qui distingue, ou au contraire, réunit les deux principaux courants évangéliques.
La Société Biblique de Genève espère que la parution de cette Bible stimulera l’étude personnelle de la Parole de Dieu et contribuera ainsi à la croissance de l’Eglise.
Vivianne ANDRÉ
Tiré avec permission de BIBLE info, automne 2006, 64e année,