PROMESSES

COURANTS MODERNES

Dans le sillage des comportements de plus en plus irrationnels de notre société post-moderne, déçue par l’incapacité de la science et de la technologie à résoudre les vrais problèmes de l’homme, l’Eglise est confrontée à une forme de dérive analogue. Suite à de nombreuses demandes concernant les nouveaux courants mystiques qui entraînent les chrétiens dans une fausse direction, il nous a paru bon de présenter l’analyse d’un excellent ouvrage qui dissèque ce phénomène du «mysticisme évangélique». Il s’agit du livre

TITRE : MYSTICISME D’HIER ET D’AUJOURD’HUI
Auteurs : Rose-Marie et Jean-Marc Berthoud-Monot
Editeur : L’Age d’Homme, CH-1000 Lausanne, 168 p., 2000

Dû à la plume de Rose-Marie et Jean-Marc Berthoud, cet ouvrage est le fruit d’un long cheminement et d’une mûre réflexion. Basés sur la théologie biblique et sur l’histoire, les auteurs traitent le «mysticisme pseudo-chrétien, contrefaçon … d’une vraie mystique chrétienne, réelle communion avec Dieu, en Jésus-Christ par le Saint- Esprit».

Cet exposé est divisé en deux parties principales dont la première contient un «bref historique des réveils du Pays de Galles (XIXe – XXe siècles)», spécialement celui de 1904-1905, centre de l’analyse. Ce réveil est examiné sous trois angles différents : Mme Penn-Lewis (co-actrice avec Evan Roberts de ces événements, et qui les voit avec le recul) ; Henri Bois (décrivant immédiatement ces mêmes événements auxquels il avait assisté, et qui les voit plutôt sous l’angle psychologique), et Rick Joyner un des «prophètes de Kansas City», qui les voit sous l’angle «charismatique » d’aujourd’hui. Suit un examen théologique de l’ouvrage de Mme J. Penn- Lewis et d’Evan Roberts, La guerre aux Saints. Cette partie se termine par deux extraits, l’un de John McArthur: Comment affronter l’ennemi, et l’autre sur le Réveil authentique, de H.E. Alexander (Fondé sur le Roc in Contre vents et marées, éd. Les Maisons de la Bible Genève – Lyon).

Dans la deuxième partie, les auteurs analysent d’abord l’influence qu’eut Mme Guyon (1648-1717) sur le protestantisme à travers les personnalités de John Wesley (XVIIIe), Thomas Upham (XVIIIe), Asa Mahan (XIXe), Jessie Penn-Lewis (1861-1927) et Watchman Nee (1903-1972). Ensuite, ils examinent trois mouvements perfectionnistes du XIXe et donnent une évaluation de leur enseignement et de leur influence sur les évangéliques jusqu’à nos jours. En fin de compte, plus de 40 pages sont consacrées aux dérapages actuels : John Wimber, la Bénédiction de Toronto, Mike Bickle et Rick Joyner du groupe charismatique de la troisième vague. La dernière division de cette partie du livre effleure le syncrétisme religieux (Bouddhisme, Hindouisme, Islam et Christianisme) qui, «par le biais du mysticisme et de l’abandon progressif des écrits fondateurs des quatre grandes religions» est en train d’engendrer la nouvelle religion mondiale.

Un document annexe est présenté, pour terminer l’ouvrage, qui analyse «Les racines évangéliques du Pentecôtisme». Nous apprenons la différence, fondamentale à notre avis, entre la «grâce infuse» et la «grâce extrinsèque au croyant». A partir de cette distinction, quelques mouvements évangéliques sont analysés (arminianisme, piétisme, méthodisme et perfectionnisme américain de Charles Finney). C’est sur ce terrain préparé que le Pentecôtisme a finalement pris naissance. Mais aujourd’hui, le charismatisme est l’aboutissement de cette évolution vers un mysticisme évangélique qui essaie de «traiter les conséquences de l’erreur, mais non les causes. Il faut donc un retour aux Saintes Ecritures qui seules sont la norme de la foi et de la vie chrétienne».

L’excellente «Introduction» par David Vaughn nous rappelle combien le mysticisme et le relativisme sont des tendances auxquelless la nouvelle génération est confrontée. Il s’agit d’abord de cerner l’identité du mysticisme. Il «est une religion du sentiment subjectif» tandis que «le christianisme biblique est une religion de la vérité objective». «L’attention du mystique est tournée principalement vers l’intérieur, sur ce qu’il peut percevoir de ce qui se passe en lui, dans ses sentiments et ses expériences. L’attention du chrétien biblique est, quant à elle, dirigée principalement vers l’extérieur, sur la révélation que Dieu donne de Lui-même, sur les grands actes sauveurs rapportés dans la Bible, ainsi que sur les vérités, ordonnances et promesses contenues dans celle-ci» (p.11). Le mystique recourt à des révélations directes, surnaturelles, intérieures, et marginalise ainsi la Parole qui est pleinement suffisante pour garder communion intime avec Dieu. Il a une tendance à concentrer la vie religieuse principalement sur ses propres expériences intérieures plutôt que sur les réalités objectives, sur Dieu et son œuvre de salut. L’élément manquant dans la recherche du réveil aujourd’hui est certainement «la réformation de la doctrine», car la Parole de Dieu est la vérité.

Dans la première partie du livre, ses auteurs analysent, à travers les vues des trois personnes déjà citées plus haut, les événements du réveil du Pays de Galles des années 1904-1905 avec Evan Roberts comme figure principale. Mais «Mme Penn- Lewis, prédicatrice itinérante galloise et auteur de plusieurs ouvrages d’édification joua un rôle important dans ce réveil». Il y eut des conversions radicales et des transformations de vie bouleversantes. Mais «il y avait aussi de fausses conversions produites par la suggestion ambiante» et «la pression psychologique». Roberts et Penn-Lewis étaient persuadés que le réveil devait «provenir de la recherche et de la réception du baptême du Saint-Esprit» (p.25).

L’analyse pertinente des auteurs de l’ouvrage sur les quatre facteurs qui furent à l’origine de ces contrefaçons spirituelles peut aisément être appliquée aux divers mouvements modernes, porteurs des mêmes germes :
1) « la recherche erronée du baptême du Saint-Esprit»,
2) « la quête d’une conduite intuitive de la vie chrétienne par l’écoute des voix intérieures»,
3) « leur théologie d’une totale union avec Christ», théorie tirée des écrits de Mme Guyon, (et visant une fusion complète avec la divinité)
4) « la croyance dans le fait que les démons étaient la cause de presque tous leurs problèmes» (p 25). Mais tout comme aujourd’hui, Penn-Lewis et Roberts «ne réalisèrent pas qu’ils leur avaient eux-mêmes ouvert la porte et que c’était la raison pour laquelle ils avaient tant à lutter contre eux» (p.25).

Quant aux tentatives d’union mystique avec Dieu, et les expériences qu’elles provoquent, «ces phénomènes religieux ressemblent fort aux expériences panthéistes» (Dieu en tout et tout en Dieu). «…Ceux qui se laissent guider par l’intuition et les voix intérieures plutôt que par la sagesse que donne la Parole de Dieu et le bon sens sanctifié, en viennent souvent à développer des capacités médiumniques… La personne qui recherche la direction de Dieu par l’écoute de ses intuitions, se trouvera souvent dans un état de grande perplexité…Au moyen de méthodes aussi subjectives, comment savoir si de telles intuitions proviennent de la chair, de Dieu ou du diable ? Si l’on ne reste pas attaché à la Parole de Dieu, on reléguera bien vite au second plan la réflexion biblique…» (p.25). Les auteurs parlent d’un «processus trompeur de la mort à soi-même», «d’anéantissement mystique de l’individu» de ceux qui recherchent ardemment cette deuxième expérience, en passant par l’imposition volontaire de tous les renoncements possibles pour parvenir à cette fusion mystique avec Dieu.

Dans leur «Examen théologique» du livre La guerre aux Saints de Mme Penn-Lewis (p. 38 – 65), M. et Mme Berthoud donnent une analyse intéressante des événements de ce réveil, des avertissements de Mme Penn-Lewis à l’encontre de ses contrefaçons spirituelles et de son ignorance quant à leurs origines. Tirons donc une leçon aujourd’hui face à un mysticisme religieux et malsain grandissant dans de nombreuses églises et mouvements. Cette mystique initiatique peut mener vers des abîmes dangereux.

Selon Mme Penn-Lewis, il y aurait plusieurs étapes dans la vie du chrétien, dont la dernière mènerait vers le sommet, «l’union avec Christ» (p. 42), autrement dit la fusion de l’humain avec le divin. Les auteurs de l’ouvrage nous amènent bien au cœur du problème en citant Mme Penn-Lewis: «Si, relisant l’histoire de l’Eglise, nous nous arrêtons sur les diverses hérésies ou illusions religieuses du passé, nous voyons qu’elles sont nées à l’époque de quelque grande crise spirituelle semblable à celle qu’aujourd’hui nous nommons «baptême du Saint-Esprit». «Une crise dans laquelle l’homme est amené à se donner tout entier au Saint-Esprit, ce que faisant, il devient accessible à toutes les puissances surnaturelles du monde invisible» (p.42). Un peu plus loin, Mme Penn-Lewis dit que le «chrétien spirituel ne se sert plus de ses facultés pour penser, raisonner, décider» …«Du jour où il s’abandonne au Saint- Esprit, il obéit à une Personne invisible, c’est elle qui décide pour lui» (p. 43). Or, la Bible n’enseigne pas la passivité de notre esprit. Au contraire, l’obéissance à Dieu consiste en l’application de la Parole dans la vie du chrétien.

Un peu plus loin, Mme Penn-Lewis écrit que le péché peut permettre l’entrée d’un mauvais esprit dans le croyant (p. 50-51). Ceci est en contradiction flagrante avec les Ecritures, car «le Saint-Esprit ne peut cohabiter avec un démon» (2 Cor 6.15-18). Il est aussi douteux d’appliquer Mat 18.18, «lier et délier» à l’exorcisation d’un démon. En revanche, il est important «de mettre le doigt sur la responsabilité des personnes et sur leur devoir de se soumettre à Dieu et à sa Loi, de renoncer aux œuvres de la chair, et de résister au diable, c’est ainsi qu’il s’enfuira loin d’eux (Jac 4.7) et qu’ils auront la victoire» (p. 64).

Et aux deux auteurs de conclure cette section sur les événements tragiques qui accompagnaient le réveil au Pays de Galles en 1904–1905 et le livre La guerre aux Saints : «Malgré les points d’aveuglement qui subsistent encore chez eux, et qui sont, pour nous, flagrants, Jessie Penn-Lewis et Evan Roberts nous exhortent ainsi, non seulement parce qu’ils ont vécu plusieurs de ces expériences fausses et occultes qui leur ont causé de très grandes souffrances, mais parce qu’ils ont pu les observer chez quantité d’autres serviteurs de Dieu et chrétiens engagés» (p. 63 – 64).

La deuxième partie de l’ouvrage traite de l’influence «déterminante de Mme Guyon sur le protestantisme évangélique des derniers siècles» et qui «s’est répercutée jusqu’à nos jours» (p 71). «Mystique catholique du XVIIe siècle, elle vécut du temps de Louis XIV, de Bossuet et de Fénelon». Suite à un conseil donné par un prêtre à un moment difficile de sa carrière : «Arrêtez de chercher ce qui se trouve en vous, recherchez Dieu en vous-même et non ailleurs», sa vie en fut bouleversée, quand elle faisait «les expériences d’amour et d’union continue avec Dieu». «Elle vivait dans une sorte d’illumination permanente» et poursuivit «la recherche volontaire d’humiliation et d’anéantissement personnel». Voici ce qu’elle communiquait : «l’humilité, la souplesse, la fusion dans l’inconnu de Dieu, l’abandon, la sainte indifférence, le rejet de l’angoisse même devant la mort, l’épanouissement intérieur, la soumission. La crainte du péché, la crainte de Dieu disparaît. Cette transformation guyonienne a pour but suprême de s’anéantir dans cet abîme d’Amour où toute sagesse humaine perd pied… Elle affirmait aussi voir comme par miracle la présence continuelle de Dieu dans un continuel acte d’amour. Elle assurait que par l’acte continu d’oraison, l’âme se fond tellement en Dieu qu’il ne lui est pas possible à ce moment d’avoir le souvenir de ses péchés…» (p. 72 – 73). Voici encore une autre description de sa personne : «… En cet état, on n’a qu’à s’asseoir en silence auprès d’elle et on y reçoit la grâce dont elle est pleine…Elle est sans erreur et son état est entièrement uni à Dieu. Elle voit clair dans le fond des âmes. Elle reçoit une autorité merveilleuse sur les corps et sur les âmes de ceux que Notre Seigneur lui a donnés… » (p 72). Des communications intérieures et des prédictions étaient nombreuses. Elle écrivit ses ouvrages «sous inspiration» et par «écriture automatique». C’est bel et bien «l’idée panthéiste de fusion» qu’on découvre dans d’autres extraits dus à sa plume (p.73 – 74). Pour elle, il fallait passer par trois étapes pour arriver à une fusion avec Dieu : le renoncement, le détachement et l’anéantissement. «Son union avec Dieu restaure la créature à l’état initial d’avant la chute», et la corruption totale de la nature humaine, intelligence comprise, est ainsi niée sous cette forme si subtile de la «grâce infuse». Bien que Mme Guyon ait été condamnée par l’Eglise catholique, il faut se rappeler que «la spiritualité catholique romaine est…marquée par une orientation contemplative dont l’aboutissement est l’abandon mystique en Dieu» (p. 75).

Rose-Marie et Jean-Marc Berthoud montrent ensuite combien l’influence des «éléments centraux de la pensée de Mme Guyon» sur des personnages clefs dans les mouvements évangéliques importants a été grande. Leurs répercussions s’étendent jusqu’aux temps modernes. Cette «doctrine de passivité et de subjectivité fondée sur une tendance panthéiste (attitude qui tend à diviniser la nature et son contenu) et pélagienne (salut par les œuvres)» va donc pénétrer dans ces mouvements perfectionnistes. Ces cinq personnes, John Wesley (1703-1799), Thomas Upham (XVIIIe siècle), Asa Mahan (XIXe siècle), Jessie Penn-Lewis (1861-1927) et Watchmann Nee (1903-1972), ont tous subi l’influence des écrits de Mme Guyon. Les mouvements perfectionnistes, comme «Le Higher Life Movement» (La vie plus profonde : R.P. Smith et W.E. Boardman), «La Convention de Keswick», «Le Victorious Life Movement» (La vie victorieuse)» des XIXe et XXe siècles en sont issus.

Plus loin, les auteurs relèvent trois points essentiels de la conception mystique de la sanctification : 1) le besoin d’une «seconde bénédiction» ou d’une «deuxième œuvre de grâce» ; 2) «un ou des actes de consécration» se substituent aux moyens de grâce (la Parole, l’obéissance, la persévérance dans la lecture et l’étude de la Bible, la prière, etc.) ; 3) une sorte de quiétisme (passivité et anéantissement du «moi») chrétien, un dépassement de la résistance au péché par un abandon total à Chist (p. 97).

Les deux chapitres sur «Les influences négatives de cet enseignement sur la théologie contemporaine» et «Les conséquences de ces idées fausses» analysent les fausses prémisses de la théologie mystique et ses répercussions sur les mouvements évangéliques du XXe siècle dans la plus large acception du terme. «Dans son enseignement sur la conversion, la Bible fait dépendre la foi et la repentance de l’action de l’Esprit, tandis que Keswick, dans son enseignement sur la sanctification, fait dépendre l’action de l’Esprit de la consécration et de la foi de l’homme» (p. 101). Cette focalisation sur l’homme se manifeste de sept façons:

1. Elle est «fondamentalement centrée sur l’homme et son propre bonheur plutôt que sur la gloire de Dieu ( …) Cette approche de la sanctification tournait autour du bonheur de l’homme : sa victoire, sa joie, sa puissance étant les buts suprêmes. C’est cette perspective égocentrique qui fait naître une doctrine de vie chrétienne où tout effort et conflit sont absents».

2. Elle est «fondamentalement arminienne – accordant à l’homme la souveraineté et à Dieu aucune souveraineté dans le domaine de la sanctification chrétienne. Tout dépend de la volonté de l’homme, Dieu et son œuvre dépendant de ce que l’homme veut bien Lui permettre d’accomplir». Elle compte sur ses propres forces.

3. Elle est «fondamentalement quiétiste», et donc conduit à la passivité et à l’anéantissement de la personne.

4. Elle est «fondamentalement antinomienne», parce qu’elle se méprend sur la sainteté de Dieu, en avançant «que le chrétien est victorieux ou spirituel tout simplement parce qu’il ne commet pas de péché connu» (p. 99).

5. Elle est «fondamentalement subjectiviste et mystique… L’Esprit est censé travailler principalement sans s’appuyer sur la Parole méditée par la pensée, mais plutôt directement sur l’esprit du croyant. C’est l’Esprit détaché de la Parole».

6. Elle est «fondamentalement légaliste. La plénitude de l’Esprit ne vient donc pas des mérites et de l’œuvre de Christ, comme décrit dans Gal 3, mais de la consécration et des conditions que l’homme remplit».

7. Elle est «fondamentalement gnostique. Il y a un enseignement secret, caché dans la Parole de Dieu». Parvenir à une «vie spirituelle supérieure», à une classe supérieure de chrétien, une élite, en passant par une «seconde expérience », «une seconde œuvre de grâce», à un «homme spirituel opposé à l’homme charnel», etc., ressemble étrangement aux expériences initiatiques de l’ésotérisme religieux. (p. 102-103).

Les auteurs concluent cette section par l’avertissement solennel de rester attaché fermement aux Ecritures en veillant à ne pas se laisser entraîner par une assimilation progressive des positions citées ci-dessus.

Dans la section «Le chrétien charnel et le chrétien spirituel», les auteurs citent des extraits de l’ouvrage Prends courage, mon ami, de Tom Wells qui analyse la théorie qu’il «existe deux niveaux de chrétiens, un chrétien spirituel et un chrétien charnel» (p. 103-108) pour démontrer combien cette fausse idée s’est développée et a donné naissance à la théorie de deux classes, ou niveaux, ou catégories de chrétiens. Wells conclut logiquement que «s’il existe deux catégories de chrétiens, ne nous étonnons pas si les hommes touchés par l’Esprit de Dieu cherchent le niveau supérieur» (p 107). C’est là que s’intercale la fausse théorie de la «seconde expérience » nommée par Mme Penn-Lewis, Evan Roberts et Watchman Nee «baptême du Saint-Esprit» et qui est à l’origine du Pentecôtisme, plus tard du mouvement charismatique, avec l’addition du «parler en langues» comme confirmation concrète. Citons encore la conclusion de Wells qui nous paraît fondamentale pour la compréhension du problème de la sanctification du chrétien :

«Aussi longtemps que nous croyons et enseignons l’existence de deux catégories de chrétiens, les charismatiques auront du succès, car aucune autre version de la vie de victoire n’offre un miracle pour en prouver l’authenticité. L’homme affamé ira vers le groupe capable de lui prouver par un signe céleste qu’il a désormais atteint le niveau supérieur de la vie chrétienne. Notre devoir, à l’un et à l’autre, consiste à nous soumettre à la Parole de Dieu. Il nous faut rejeter l’idée qu’il existe quelque chose de disponible qui ne nous a pas été donné lors de notre conversion à Christ. Nous devons cesser de renier l’œuvre accomplie par Dieu en chacun de ses enfants. Nous devons répéter et croire les paroles de Dieu : Tous ceux qui sont conduits par l’Esprit de Dieu sont fils de Dieu (Rom 8.14)» (p. 108).

Le consommé instantané n’existe pas pour le chrétien qui veut persévérer dans la foi jusqu’au bout du voyage terrestre. Mais c’est Dieu, par son œuvre de grâce, qui a déjà assuré son secours constant par sa Parole précieuse, qui nous accompagne par l’assistance du Saint-Esprit, notre Conseiller.

Les chapitres sur «Quelques autres dérapages actuels» analysent l’aboutissement des enseignements mystiques poussés progressivement jusqu’à l’extrême.

D’abord «John Wimber, chef de file de la troisième vague et du mouvement Vineyard» est présenté. C’est le «Power Evangelism» («l’Evangélisation de la puissance »). Des extraits de l’excellent ouvrage La Troisième Vague de Wolfgang Bühne nous apprennent que «Wimber ne donne pas au baptême du Saint-Esprit la même signification que les pentecôtistes ou les charismatiques, qui l’assimilent à la deuxième expérience associée au parler en langues. Il préfère, quant à lui, insister sur la plénitude du Saint-Esprit..(…). En général, la conférence ou le sermon de Wimber ou de ses collaborateurs est suivie d’une partie pratique, introduite par la supplique : Viens Saint-Esprit ! Après un certain temps de silence, le Saint-Esprit révèle – suivant le thème du séminaire ou de la conférence – les possessions démoniaques, les maladies, les blessures psychiques, etc. Le Saint-Esprit est donc invoqué comme une puissance extérieure». Wimber dit lui-même qu’alors des «phénomènes émotionnels et psychiques…nous indiquent que l’Esprit est présent» («pleurs, cris, expressions de louanges prolongées et exubérantes, tremblements, calme, contorsions et distorsions du corps, chute à la renverse..») (p. 109). Un peu plus loin il dit : «Lorsque je parle de l’Esprit avec les évangéliques, je leur demande s’ils ont reçu l’Esprit quand ils sont nés de nouveau. S’ils répondent affirmativement, ce qu’ils devraient, je leur dis que tout ce qu’il leur reste à faire, c’est d’actualiser ce que l’Esprit possède, tout ce qui leur est demandé, c’est de libérer les dons. Je pose alors les mains sur eux en disant : Soyez remplis de l’Esprit – et ils le sont» (p. 49).

La «Bénédiction de Toronto» est une progression des phénomènes et manifestations cités ci-dessus. «C’est une expérience de rire frénétique qui mène à un état de transe et de sensation d’ivresse». Nous avons déjà analysé les phénomènes de ce mouvement dans les numéros 114 et 115 de PROMESSES .

Les auteurs se livrent, pour terminer, à une analyse des trois ouvrages «Grandir dans le prophétisme» de Mike Bickle, Le Monde en Feu et L’ultime Assaut de Rick Joyner, tous deux «prophètes de Kansas City», faisant partie du «groupe charismatique de la troisième vague» (p. 110-141). Il nous a paru utile de nous arrêter plus longuement sur les racines de cette dégénérescence spirituelle plutôt que sur ces ouvrages qui n’en sont que le fruit.

Le premier de ces livres «fait l’éloge du prophétisme moderne», en exhortant les chrétiens «à écouter parler Dieu en eux» ou «à l’extérieur d’eux, par des prophéties, des signes ou des prodiges». Bickle attend un réveil mondial, ceci à travers des signes et prodiges qui changeront le monde moderne (p. 111 – 118).

Joyner suit à peu près la même ligne dans son livre Le Monde en Feu. Il «prédit un réveil universel extraordinaire, produit par une effusion ou un baptême du Saint- Esprit collectif». Plus loin, il prédit un «démantèlement des barrières chez les responsables », et ceux qui «résistent à cette action du Saint-Esprit» seront «poursuivis par le Seigneur à travers les assemblées»… «Ceux qui sont unis par la doctrine ou se rassembleront autour de personnalités, ne seront pas longs à être arrachés» (p. 121). L’union avec Jésus est opposée à la doctrine. «Il prédit des guerres nucléaires, surtout dans les nations du tiers-monde…L’heureuse Amérique sera épargnée». On pourrait multiplier les exemples cités.

L’ultime Assaut du même auteur nous paraît le sommet d’une fantaisie fertile et l’on se croirait en pleine science fiction, à moins que ce soient, comme le disent clairement nos deux auteurs, «des messages occultes» (p. 128).

En annexe, les pages 145-165 présentent une analyse historique sur «Les racines évangéliques du Pentecôtisme». C’est en quelque sorte un résumé de ce qui a été examiné dans cet ouvrage. La double thèse défendue dans cette étude est que:

«La doctrine évangélique du salut, qui insiste d’abord et surtout sur l’aspect subjectif du salut (régénération et sanctification), et met plus ou moins en sourdine l’œuvre objective de Christ (justification et propitiation), s’apparente davantage à l’enseignement traditionnel de l’Eglise catholique romaine sur la grâce infuse qu’à celui des apôtres ou de leurs fidèles continuateurs, les Réformateurs du XVIe siècle.

Les erreurs charismatiques ne sont que l’aboutissement logique inévitable du subjectivisme évangélique manifesté par l’arminianisme, le piétisme, le méthodisme et, surtout, par les mouvements de sainteté parfaite qui ont fleuri au XIXe siècle. Elles conduisent à la longue, inéluctablement, au retour à Rome, car leur théologie de l’Esprit est essentiellement celle de la grâce infuse agissant directement dans l’âme du croyant » (p. 147–148).

L’ouvrage se termine par une citation de J.H. Merle d’Aubigné, «digne héritier des Réformateurs du XVIe siècle»: «Il faut maintenir les fortes doctrines de la foi, car elles sont le roc sur lequel la maison de Dieu doit subsister. Pour vaincre la fausse sagesse des Grecs et la fausse puissance des Juifs, il faut glorifier Christ crucifié qui, dit saint Paul, est la sagesse de Dieu et la puissance de Dieu».

En conclusion, ce mysticisme sera un des dénominateurs communs qui servira d’amalgame aux quatre grandes religions, le Bouddhisme, l’Hindouisme, l’Islam et le Christianisme pour l’union en une religion mondiale syncrétiste. Sera-ce l’apostasie ouverte selon 2 Thess 2, Apoc 13 et 17 – 18 ? Et de dire avec les auteurs : «Voici une promesse de Dieu propre à fortifier et à encourager ceux qui aiment la Parole et s’efforcent de la mettre en pratique avec l’aide du Seigneur, quelles que soient les difficultés rencontrées :«…Je viens bientôt. Retiens ce que tu as, afin que personne ne prenne ta couronne» (Apoc 3.8-11) !

Nous nous sommes longuement penchés sur cet ouvrage si bien documenté à cause de son utilité par rapport au problème du mysticisme moderne auquel de nombreuses églises sont confrontées aujourd’hui. Seul un retour à la Parole de Dieu et une obéissance humble à celle-ci – donc à Dieu – peut nous préserver de faire fausse route et de tomber dans la «dérive émotionnelle». Puissions-nous plutôt croître dans la grâce de Dieu en Jésus-Christ par le Saint-Esprit.


REGARDS SUR L’OCCIDENT

Bertrand Rickenbacher est marié et père de deux enfants. Licencié en lettres, il enseigne notamment la littérature française et l’histoire. Il est l’auteur de plusieurs articles sur des thèmes théologiques, éthiques et philosophiques actuels, dont plusieurs ont paru dans «Résister et Construire». Il est aussi ancien d’une église évangélique.

Introduction

En choisissant de se détourner du Dieu trois fois saint et de sa révélation, le monde moderne s’est voué à l’adoration d’un certain nombre d’idoles. Le présent article s’inscrit dans une série consacrée à l’étude des différentes formes d’idolâtrie qui caractérisent nos sociétés occidentales.

L’objet de cette étude est l’homme révolté. Pour des raisons que nous développerons en première partie, nous nous éloignerons quelque peu du propos de la série et nous ne nous pencherons pas spécifiquement sur l’homme révolté en tant qu’objet d’idolâtrie (comme une statuette pourrait l’être). Nous tenterons par contre de comprendre ce qu’est cette révolte, quelles en sont les causes et les conséquences. Pour ce faire, nous partirons des trois premiers chapitres de la Genèse qui nous permettront de développer une théologie de la révolte, après quoi nous appliquerons les éléments de cette théologie au monde contemporain.

De l’homme révolté à l’homme global

Si nous prenons quelque distance vis-à-vis du sujet proposé, c’est qu’il nous semble que le monde occidental connaît, depuis une dizaine d’années, un changement important dans son attitude à l’égard de la notion de révolte. Il fut en effet un temps où les termes de révolte et de révolution étaient chargés de promesses immenses et, pour ainsi dire, divinisés1. Mais aujourd’hui, le mot révolte est plutôt associé à rupture d’harmonie et par là même connoté négativement. A nos yeux, la cause de ce changement est double : elle relève à la fois de la forte progression des mouvements de pensée et d’action se rattachant à la mouvance du Nouvel Age et de l’effondrement historique de l’utopie communiste. Le cadre de cet article étant limité, nous ne nous pencherons que sur la première cause de cette évolution2.

L’observateur attentif aura perçu une mutation assez générale et profonde de la manière de percevoir la réalité durant cette dernière décennie : le sentiment plus ou moins diffus d’une dimension tragique de l’existence humaine fait en effet progressivement place à une approche plus axée sur la recherche d’une harmonie globale (qui englobe l’ensemble de la réalité, le bien comme le mal ; le mal, la dimension tragique de la vie ne sont donc plus des obstacles insurmontables mais des parties d’un tout supérieur et harmonieux).

La perception du caractère tragique de l’existence humaine est un phénomène qui s’est développé parallèlement à la Modernité (ce dès le XVIIe siècle). Elle en est la face obscure : derrière le caractère lumineux des progrès supposés illimités de la science et des promesses d’affranchissement de l’homme par la raison se cache une conscience que l’existence humaine s’entoure d’un drame fondamental qu’aucun progrès technique ni philosophique ne pourra atténuer. Certains, comme Pascal, Kierkegaard ou Jean Brun partiront de ce caractère tragique de l’existence humaine pour établir la nécessité de la foi chrétienne. D’autres, comme Nietzsche ou Camus partiront de cette même réalité pour en appeler à la révolte contre toute divinité qui tolérerait cet état de fait3.

De nos jours, avec l’avènement du Nouvel Age, les données ont changé4. La science et la technique occidentales ne semblent plus porteuses de toutes les promesses, le rationalisme triomphant de la Modernité s’essouffle et l’homme semble également perdre conscience du caractère tragique de son existence. L’idéal du progrès, avec les promesses et les craintes qu’il suscite, fait progressivement place à un autre idéal, celui du développement personnel : il ne convient plus obligatoirement d’aller de l’avant, mais de trouver l’harmonie globale. La réalisation d’une grande synthèse harmonieuse englobant l’ensemble de la réalité devient le but individuel et collectif de notre monde contemporain. Dans cette perspective, la notion de révolte est bannie et fait place à des séminaires de savoir-être, de gestion non-conflictuelle des crises, etc.

Aldous Huxley, dans son roman d’anticipation intitulé Le meilleur des mondes, a bien saisi l’opposition entre l’homme révolté et l’homme global :

«(Un responsable du meilleur des mondes parle) On ne peut pas faire des tacots sans acier, et l’on ne peut faire de tragédies sans instabilité sociale. Le monde est stable, à présent. Les gens sont heureux ; ils obtiennent ce qu’ils veulent, et ils ne veulent jamais ce qu’ils ne peuvent obtenir. Ils sont à l’aise ; ils sont en sécurité (…) ; ils ne peuvent s’empêcher de se conduire comme ils le doivent. (…)

(Ce même responsable ironise alors sur un monde véhiculant encore une perception du caractère tragique de l’existence) Le bonheur effectif paraît toujours assez sordide en comparaison des larges compensations qu’on trouve dans la misère. Et il va de soi que la stabilité, en tant que spectacle, n’arrive pas à la cheville de l’instabilité. Et le fait d’être satisfait n’a rien du charme magique d’une bonne lutte contre le malheur, rien du pittoresque d’un combat contre la tentation, ou d’une défaite fatale sous les coups de la passion ou du doute. Le bonheur n’est jamais grandiose5

Tel est l’idéal de l’homme global qui peu à peu gagne les esprits et les sociétés6.

Genèse 3 : Les premiers hommes révoltés

Bien que l’homme révolté ne soit plus en tant que tel un objet d’idolâtrie, le thème de la révolte reste capital pour qui veut comprendre l’histoire du genre humain, et par là même le monde contemporain. Or pour comprendre en quoi consiste fondamentalement la révolte de l’homme, il est nécessaire d’opérer un détour par les premiers chapitres de la Genèse.

Les deux premiers chapitres de la Genèse présentent deux récits de la création (Ge 1.1 à 2.4a et 2.4b à 24) qui sont complémentaires : alors que le premier est centré sur la création du monde en général, le second aborde plus particulièrement la question de la création de l’homme et de l’alliance de Dieu avec celui-ci. Sans entrer dans un commentaire détaillé de ces chapitres, il importe de relever deux éléments qui faciliteront la compréhension de la notion de révolte.

Le premier élément est que l’homme a été créé non pour vivre pour lui-même mais pour servir Dieu. Ce fait ressort notamment des versets 28 à 30 du premier chapitre et du chapitre 2, verset 15: L’Eternel Dieu prit l’homme et le plaça dans le jardin d’Eden pour le cultiver et le garder. On parle alors du mandat créationnel : l’homme est placé à la tête de la création pour en assumer la gérance.

Le second élément qui mérite d’être relevé est que l’homme, tout en étant réellement responsable de ses actes, n’est pas une créature autonome (i.e. qui est une loi à soimême). La suite du verset cité au paragraphe précédent éclaircit cette réalité : L’Eternel Dieu donna ce commandement à l’homme : Tu pourras manger de tous les arbres du jardin ; mais tu ne mangeras pas de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, car le jour où tu en mangeras, tu mourras (Gen 2.16-17). N’étant que le gérant et non le propriétaire de la création, l’homme n’est pas en position d’édicter ses propres règles de vie : cela fait partie des prérogatives divines. L’homme doit donc exercer son mandat créationnel non selon ses propres désirs mais selon la volonté de Dieu. Il ne doit pas être autonome mais théonome (i.e. dirigé par la loi de Dieu).

Le troisième chapitre de la Genèse décrit la révolte de l’homme contre cet état de fait. Le cadre de cet article ne nous permet pas de nous pencher sur les causes profondes, par ailleurs mystérieuses, de cette révolte. Il convient par contre d’en saisir les tenants et aboutissants. En mangeant du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, Adam et Eve n’ont pas cherché à accéder à une connaissance supérieure cachée comme le pensent certains ; ils n’ont pas non plus été des figures pathétiques luttant contre l’arbitraire d’un dieu despotique. Par leur acte, ils ont simplement tenté de s’approprier l’autorité de Dieu sur sa création ; le gérant a tenté de chasser le propriétaire pour prendre sa place.

Cornelius van der Waal nous aide à comprendre le sens exact de l’acte d’Adam et Eve. Après un court survol de quelques textes de l’Ancien Testament, cet auteur arrive à la conclusion suivante :

«Ainsi, nous devons considérer l’arbre de la connaissance du bien et du mal comme un symbole du pouvoir judiciaire du Grand Roi Yahvé. (…) L’arbre de la connaissance du bien et du mal était le sceau royal suprême de Yahvé lui-même. Il devait être honoré comme l’étendard royal. Adam ne s’est pas comporté comme un gardien du grand sceau royal. Il a profané la majesté (de Dieu) et a commis le crimen laesae majestatis7

La portée symbolique de cet arbre éclaire la notion de connaissance du bien et du mal et permet de comprendre que la connaissance dont il est parlé n’est pas d’abord une connaissance abstraite mais avant tout un pouvoir de détermination du bien et du mal, de détermination des critères par lesquels se définit et se perçoit la réalité.

Le récit de la création nous montre que c’est Dieu qui crée et organise l’ensemble de la réalité selon sa sagesse ; l’ordre de la création reflète ainsi le caractère de Dieu. S’il veut vivre selon le plan de Dieu, l’homme ne doit pas chercher à être original, à redéfinir les choses selon ses propres catégories, mais il doit se mettre à l’écoute de la réalité telle qu’elle a été définie par Dieu en conformité avec sa nature8. La chute manifeste ainsi un rejet de la personne et de l’oeuvre de Dieu et une volonté de s’approprier le pouvoir de définir la réalité selon ses propres critères et non ceux de Dieu. (Par exemple, Adam a pu se dire que Dieu était injuste de lui interdire l’accès au fruit de l’arbre : il remplace la définition divine de la justice par la sienne. N’est plus juste ce qui est déclaré tel par Dieu mais ce qu’Adam perçoit comme tel).

L’enjeu final de l’obéissance au commandement de Dieu relatif à l’arbre de la connaissance du bien et du mal est donc le suivant : en obéissant à Dieu, Adam manifestait sa volonté d’exercer son mandat créationnel dans l’adoration et la soumission, en vivant de façon théonome. En désobéissant, il manifestait son désir d’autonomie. Il s’agissait pour lui de détrôner Dieu en déterminant luimême le cadre et les conditions dans lesquels il allait exercer son mandat, en substituant à la réalité empreinte de la personne de Dieu une autre réalité qui ait la marque de l’homme.

La postérité des premiers hommes révoltés

La révolte d’Adam et Eve va entraîner la déchéance de l’ensemble du genre humain. Ainsi tout homme sera enclin par nature à s’approprier et à reproduire dans sa propre vie cette révolte initiale contre l’autorité de Dieu. Elle prendra des formes diverses selon les lieux, les temps et les hommes : le but de cet article n’est pas d’en étudier toutes les manifestations, mais de se concentrer sur deux de ses facettes qui sont importantes pour comprendre le monde contemporain. La première de ces facettes est d’ordre intellectuel et philosophique : elle touche au rapport que l’homme entretient à la réalité. La seconde est d’ordre éthique et se manifeste dans la façon de conduire sa vie.

La composante intellectuelle de la révolte

La composante philosophique de la révolte contemporaine réside dans la manière de comprendre le rapport entre l’intelligence humaine et la réalité. La question est de savoir si, pour connaître, l’intelligence doit se soumettre à la réalité ou au contraire lui imposer ses propres structures. On retrouve dans cette question l’alternative qui s’offrait à Adam et Eve, présentée sous une autre forme : qui possède le pouvoir de détermination de la réalité, Dieu ou l’homme ?

Pendant de nombreux siècles, la pensée philosophique dominante affirmait que pour connaître quelque chose, l’intelligence de l’homme devait s’imprégner de la réalité de cette chose afin d’en saisir le sens et le contenu. Cette vision, empreinte d’humilité, correspond exactement à ce que Dieu attend de l’homme : Dieu a créé le monde selon un ordre bien précis et la tâche de l’homme est de l’étudier soigneusement et de s’en imprégner. Ainsi, il connaîtra la réalité et sera en mesure d’agir droitement.

Au XVIIIe siècle a cependant eu lieu une révolution importante. Voici comment Marcel de Corte, philosophe catholique-romain, nous la présente :

«Avant le XVIIIe siècle, la connaissance est liée à sa puissance de communion – et donc de consentement, d’acceptation et de docilité – avec l’univers et sa cause (ndr. : Dieu). Après le XVIIIe siècle, ce pacte originel est brisé : l’intelligence se considère comme une souveraine qui gouverne, régente, domine et tyrannise la réalité. (…) L’intelligence ne reçoit plus du réel sa loi: elle est la législatrice suprême qui impose ses normes à la réalité9

Ce tournant s’inscrit dans la ligne directe de la révolte d’Adam et Eve en Eden. Il convient alors de préciser la manière dont l’intelligence humaine agit pour imposer ses normes à la réalité :

«Cet empire de la raison et de ses lumières s’exerce de deux façons aussi autoritaires l’une que l’autre, anodinement dénommées analyse et synthèse. La première décompose le réel en éléments simples: la seconde le reconstruit à partir de ces mêmes éléments et selon l’ordre même de la raison. Dans ces deux phases, la raison manifeste son omnipotence par son travail de dissolution et de reconstruction effectué selon les normes qu’elle a elle-même édictées. Elle connaît désormais le réel, non point parce qu’elle en a reçu l’empreinte, mais, au contraire, parce qu’elle lui imprime sa marque de fabrique10

Dans cette perspective, la réalité n’est qu’un chaos de faits bruts sans signification, et cela tant que l’intelligence humaine ne lui a pas donné un sens, ne l’a pas transformée en cosmos :

«Kant (ndr. : philosophe de la fin du XVIIIe siècle) est le premier à concevoir la connaissance (…) comme une force synthétique et unificatrice qui, du chaos des données sensibles, extrait, en procédant selon les lois immuables de l’esprit, le cosmos, le monde ordonné de la nature. L’esprit apparaît ainsi comme une activité qui crée de son propre fonds l’ordre et l’harmonie11. »

Une telle position est un terreau propice aux différentes idéologies (on parle d’idéologie lorsque la logique interne d’un système de pensée prime sur la soumission aux données de la réalité). L’homme ne doit plus se soumettre à la réalité pour la connaître mais il est en mesure de la façonner par son esprit : il s’agit là d’un renversement de l’ordre créationnel, analogue à celui opéré par Adam. Il est intéressant de relever à ce propos que ce n’est plus Dieu qui transforme le chaos initial (tel que décrit en Ge 1. 2 – la terre était informe et vide) en un cosmos (i.e. en un monde organisé et ordonné), mais l’intellect humain : l’orgueilleux renversement ne saurait être plus explicite.

Les conséquences religieuses, sociales et politiques de ce renversement sont multiples et il est impossible de les aborder toutes en un article. Nous retenons cependant un exemple, celui du philosophe allemand Karl Marx, dans la mesure où sa pensée et son programme d’action ont fortement influencé l’histoire du XXe siècle (et continue à le faire aujourd’hui, bien que sous une forme plus subtile) :

«Marx n’aura plus qu’à préciser la conséquence de ce renversement : «La critique de la religion désabuse l’homme, afin qu’il pense, agisse, façonne sa réalité, comme un homme désabusé, arrivé à la Raison, afin qu’il se meuve autour de lui-même, autour de son véritable soleil. La religion n’est que le soleil illusoire qui se meut autour de l’homme, aussi longtemps qu’il ne se meut pas autour de lui-même.» L’homme n’a plus à connaître la Création telle que le Créateur l’a fixée. Il refuse désormais de s’aliéner en l’illusion d’un monde indépendant de lui et suspendu à un Principe transcendant. Il sait désormais, continue Marx, que «la conscience humaine est la plus haute divinité», et qu’elle a pour tâche de créer un «homme nouveau» et un «monde nouveau» qui seront l’homme et le monde «réels»12

Cette idée de recréer un homme et un monde nouveaux, délivrés de la marque de la personne de Dieu, par la puissance de l’action et de l’esprit humains est un élément fondamental pour la compréhension du monde dans lequel nous vivons. Ces notions peuvent paraître abstraites mais elles ont leur importance. Les idées ont en effet toujours des conséquences sur la réalité, et l’homme va généralement agir en fonction de ce qu’il pense. C’est ainsi qu’on passe de l’étude de la facette intellectuelle et philosophique de la révolte de l’homme à sa dimension éthique.

La composante éthique de la révolte

L’homme révolté refuse la définition que Dieu donne de la réalité et préfère lui substituer la sienne. Cette révolte intellectuelle débouche sur une révolte éthique : l’homme refuse de se soumettre aux commandements de Dieu dans sa vie pratique et préfère définir lui-même ses propres principes de vie et d’action. L’opposition de l’homme révolté à Dieu est donc totale, elle engage l’ensemble de sa personne contre celle de son Seigneur. Non content de nier le témoignage de Dieu dans la création, il va agir de sorte à en effacer totalement les marques. Ainsi, pense-til, la personne de Dieu est rejetée et la création doit perdre la marque de fabrique de son créateur et faire place à une nouvelle réalité, organisée et réalisée par l’homme révolté.

Deux systèmes de valeurs importants s’arrachent aujourd’hui le coeur de nos contemporains : l’éthique de situation (ou de l’authenticité) et l’égalitarisme. Il convient de les passer rapidement en revue. L’éthique de situation est une éthique pour laquelle ce sont les circonstances qui vont déterminer les principes de l’action. Dans cette perspective, il n’existe pas de principes absolus qu’il convient d’appliquer avec sagesse aux différentes réalités de la vie : c’est à chacun de déterminer ce qui est bon pour lui au moment où il agit. Le seul critère stable de ce type d’éthique est celui d’authenticité : pour qu’une action soit bonne, il faut que le sujet de cette action soit authentique avec luimême (par exemple, ne pas être hypocrite en restant auprès de son épouse que l’on n’aime plus vraiment, mais tout laisser, prendre le large et faire ce que l’on a toujours eu envie de faire…)13. C’est la morale de l’individualiste parfait, dans laquelle chaque individu est un petit dieu qui détermine ce qui est bon et mauvais en fonction de ses préoccupations de l’instant, sans aucune préoccupation extérieure.

Le deuxième type de révolte contemporaine se manifeste par le remplacement d’une éthique biblique par une éthique égalitaire, inspirée des différentes déclarations des droits de l’homme14. Pour reprendre la terminologie utilisée par Marcel de Corte, la fonction de cette éthique égalitaire est de décomposer le réel en éléments simples. En effet, cette éthique consiste à dissoudre la structure et l’ordre de la création institués par Dieu au nom de l’égalité des droits. Les notions de hiérarchie dans la société, dans l’église, dans la famille, entre la structure familiale et les autres formes de cohabitation illégitimes, entre l’homme juste et celui qui pratique le mal, sont systématiquement attaquées au nom d’une éthique égalitaire (tous les hommes sont égaux, ils doivent donc bénéficier des mêmes droits). Une fois les multiples réalités sociales déstructurées par cette éthique, l’homme sera en mesure de recréer un monde à son image. Il ne restera que des «éléments simples» recomposables selon les désirs de l’homme révolté. Actuellement, les droits de l’homme ont la fonction de dissolvant et les programmes des grandes organisations internationales celle de recomposition du monde nouveau15.

Conclusion

Si l’homme révolté n’est plus une idole en tant que telle, il apparaît clairement que le fait même de la révolte est toujours d’une grande actualité et qu’il est difficile de comprendre le monde moderne sans y être attentif. Voilà ce que le présent article cherchait à montrer, sans aucune prétention à l’exhaustivité.

Nous ne résistons pas au plaisir de citer en conclusion un texte lumineux de Marcel de Corte, qui donne avec précision et clarté la réponse chrétienne aux dérives mentionnées dans cet article. Si l’homme révolté tente de manifester sa révolte dans tous les domaines de la réalité, le chrétien ne doit pas se sentir démuni. Son programme est autrement plus glorieux :

«Etre dans la vérité, c’est conformer son intelligence à une réalité que l’intelligence n’a ni construite, ni rêvée, et qui s’impose à elle. Faire le bien, ce n’est pas s’abandonner à ses instincts, à ses pulsions affectives, à sa volonté propre, c’est ordonner et subordonner ses activités aux lois prescrites par la nature et par la Divinité que l’intelligence découvre dans son inlassable quête du bonheur16

Le monde que l’homme révolté tente de créer à son image, qui n’est qu’une parodie du monde créé par Dieu, passera: «Il rit, celui qui siège dans les cieux, le Seigneur se moque d’eux» (Ps 2. 4). Tôt ou tard, la réalité du monde créé par Dieu reprendra le dessus, que ce soit au Dernier Jour ou avant. Les artifices philosophiques, scientifiques et techniques que l’homme aura développé pour préserver son monde virtuel et aller toujours plus loin dans sa négation des structures créationnelles divines s’effondreront dans une déconfiture totale. Alors les oeuvres accomplies dans le respect des principes bibliques énoncés par Marcel de Corte reprendront le dessus. Telle est l’espérance chrétienne, à laquelle il convient de s’atteler pour mener avec persévérance et sagesse le combat de la vérité, de la justice et de la droiture.

Notes :
1 Albert Camus, dans L’homme révolté, Paris, Gallimard, 1951 a effectué une analyse philosophique et historique très intéressante. Cet ouvrage, qui est une Ordre sur le sujet, a inspiré le titre de cet article.
2 Voici malgré tout deux ouvrages consacrés à l’idéologie révolutionnaire véhiculée par le communisme : Raymond Aron, L’opium des intellectuels, Paris, Calmann-Lévy, 1955 ; Jacques Ellul, Autopsie de la révolution, Paris, Calmann-Lévy, 1969.
3 François Chirpaz, Le tragique, Paris, P.U.F (Que sais-je ?), 1998 ; Jean-Marie Domenach, Le retour du tragique, Paris, Seuil (Points), 1967 ; Miguel de Unamuno, Le sentiment tragique de la vie, Paris, Gallimard (Folio), 1937. Voir également : Blaise Pascal, Les pensées (n° 205ss de l’édition Brunschwig) ainsi que Nietzsche, Le gai savoir (fragment n° 125).
4 Une des meilleures approches chrétiennes du sujet reste l’ouvrage de Douglas Groothuis, Le Nouvel Age sans masque, Genève, La Maison de la Bible, 1991.
5 Aldous Huxley, Le meilleur des mondes, Paris, Pocket, 1977 [1932], pp. 244-245.
6 Il est à relever que l’Organisation des Nations Unies (ONU) joue un rôle important dans la promotion de l’homme global. Le traitement de ce sujet nécessiterait un autre article.
7 Cornelius van der Waal, The Covenantal Gospel, Alberta, Inheritance Publications, 1990, pp. 50-51 (Texte traduit par nos soins). Cet ouvrage est passionnant et nous en recommandons vivement la lecture.
8 Cornelius van Til a développé cette question avec beaucoup de précision, notamment dans les ouvrages suivants : The Defense of the Faith, Phillipsburg, Presbyterian and Reformed, 1955 et A Christian Theory of Knowledge, Phillipsburg, Presbyterian and Reformed, 1969.
9 Marcel de Corte, L’intelligence en péril de mort, Dion-Valmont, Dismas, 1987, p. 52.
10 Ibid., p. 53.
11 Ibid., p. 54.
12 Ibid, p. 55.
13 Pour lire une critique d’une ironie mordante de ce type d’éthique, Jacques Ellul, Exégèse des nouveaux lieux communs, Paris, La Table Ronde, 1994 [1966] (Il importe avant tout d’être sincère avec soi-même, pages 53 à 57).
14 Lire à ce sujet Jean-Marc Berthoud, Une religion sans Dieu, Lausanne, L’Age d’Homme, 1993.
15 La lecture des documents émis par l’ONU ainsi que par les organismes qui lui sont proches semble confirmer cette interprétation. L’égalitarisme des droits de l’homme est utilisé pour dissoudre toutes les sociétés traditionnelles et est toujours suivi d’un discours millénariste sur la société nouvelle – le village global – qui devrait se développer grâce aux organismes internationaux.
16 Marcel de Corte, L’intelligence en péril de mort, op. cit., p. 34

 


C’est au mois d’avril 2000 que le terrible diagnostic m’a été révélé. J’étais effondrée et pensais que ce n’était qu’un horrible cauchemar, le déroulement d’un film après lequel j’allais me réveiller. Malheureusement, la réalité était là, et c’était bien le médecin qui se trouvait en face de moi ! Je me suis ressaisie. J’ai eu la force de regarder ce spécialiste en cancérologie du sein. Et je lui ai dit qu’avec mon mari, nous étions un couple uni et que notre foi en Dieu allait beaucoup nous soutenir.

Après plusieurs jours d’angoisse et de questionnements au sujet de la durée du traitement et son déroulement, j’ai réalisé que la paix de Dieu devait venir habiter pleinement mon cœur : tout m’apparaissait comme une montagne.

Un soir, alors que mon mari était absent, j’étais couchée mais ne trouvais pas le sommeil, étant particulièrement angoissée. Je suis allée dans la chambre de notre petite fille de huit ans qui dormait paisiblement, me suis jetée à genoux au pied de son lit, et j’ai crié à Dieu de tout mon être, Lui demandant de me remplir de Sa paix, et de me donner la force et la santé pour élever cette enfant, ainsi que la joie de la voir grandir…

J’ai pu aller me recoucher en ayant la conviction que ce soir-là, Dieu avait entendu mon cri et m’avait touchée.

Dès lors, cette paix et cette confiance ont habité pleinement mon cœur et m’ont permis de supporter toutes les étapes de mon traitement : chimiothérapie, opération, puis radiothérapie.

J’avais reçu des promesses du Seigneur. D’abord, qu’Il ne m’éprouverait pas au-delà de mes forces. Puis, Il m’avait donné cette image que je devrais traverser un lac profond et dangereux, mais avec l’assurance que Sa main puissante et sûre maintiendrait ma tête hors de l’eau, et qu’Il m’amènerait sur l’autre rive calmement et indemne.

Après la première séance de chimiothérapie, le médecin qui m’a examinée a prononcé trois fois le mot : «Stupéfiant !». La tumeur de quatre centimètres se résorbait plus rapidement que prévu. Je rends grâces à Dieu pour les soins que j’ai reçus dans cet hôpital, tant sur le plan technique qu’humain. J’ai pu témoigner de ma foi en Christ à tout le personnel soignant. Avec la grâce de Dieu, tout mon traitement s’est parfaitement bien déroulé.

Je bénis Dieu, car durant toute cette période, j’ai pu mener une vie normale, et ma petite fille ainsi que mon entourage ont eu l’image d’une maman sereine et dynamique grâce à Dieu.

Les médecins considèrent aujourd’hui que je suis guérie.

L’épreuve ne doit pas nous effrayer, mais doit au contraire nous inciter à nous rapprocher de Dieu. Cette dépendance de Dieu nous permet de vivre nos moments de joie et de peines dans Son intimité et de cheminer avec Lui vers des horizons nouveaux, riches et bénis. Dieu est un tendre Père pour moi, un ami sur lequel je peux compter à tout moment. Il m’a aidée à accepter Sa souveraineté.

S’Il permet l’épreuve pour le chrétien, Il connaît aussi nos limites. Par la foi en Lui, il est bon de pouvoir vivre ces moments avec l’assurance que rien ne peut Lui échapper, et qu’à aucun instant Il n’est pris au dépourvu. A nous d’apprendre seulement à nous reposer entièrement sur Lui !

Je peux dire aujourd’hui avec reconnaissance,comme le psalmiste: «Comment rendrai-je à l’Eternel tous ses bienfaits envers moi ?». Je suis à présent guérie et pleine d’énergie. Au début de cette nouvelle année, je pense maintenant aux paroles de ce cantique : «Je ne sais pas tout sur demain, bien des choses me sont cachées, mais Jésus connaît l’avenir et je sais qu’Il tient ma main».


Que la Parole de Dieu est donc efficace! A chaque lettre et courrier électronique que nous recevons, nous sommes surpris par la puissance transformatrice et édifiante des Saintes-Ecritures. Rien n’est plus encourageant que de lire vos nouvelles nous informant de vos joies et de vos souffrances – parfois presque au delà du supportable. Nous sommes surpris de l’impact grandissant de PROMESSES sur nos chers lecteurs, surtout parmi nos frères africains. Oui, surpris et émerveillés du potentiel fabuleux de chrétiens consacrés que représente l’Afrique . De plus en plus en plus de jeunes serviteurs de Dieu ayant fait des études nous écrivent et nous font part du défi énorme à relever quant à une formation biblique correcte, sérieuse et continue. Toute une jeune génération est en train de se lever en Afrique, prête à foncer, mais qui désire être soutenue concrètement dans ce combat de la foi. Nous tentons d’y contribuer par nos différents projets de diffusion missionnaire de documentation biblique.

Nous recevons de plus en plus d’emails, ce qui nous permet aussi de répondre plus rapidement et dans la plupart des cas d’envoyer des documents bibliques par «pièces-jointes». Bientôt les premières pages de notre site PROMESSES sortiront sur le WEB, et seront disponibles comme support de consultation dans la préparation d’études bibliques et d’édification.

Un frère d’un grand pays d’Afrique nous écrit: «Nous avons beaucoup cultivé – maïs, haricots, soja, pommes de terre – nous n’avons rien récolté. A présent, je n’ai rien. Mais nous remercions le Seigneur malgré l’échec de la récolte. Dieu nous aide toujours pour notre pain quotidien. L’écart entre riches et pauvres se creuse. Des populations sont décimées par la famine. De nouvelles maladies apparaissent malgré tous les progrès… En allant sur la lune, l’homme n’a pas visé assez haut. C’est auprès de Dieu que se trouvent les solutions de tous nos problèmes…Grâce à votre revue PROMESSES, je peux aider beaucoup de serviteurs de Dieu…». D’autres lecteurs nous font part de leurs maladies difficiles à soigner faute d’argent. Un lecteur , étudiant en théologie, vient de perdre son épouse lors de l’accouchement du premier enfant. L’équipe de notre œuvre est sensible à toutes ces épreuves et vous assure de son soutien dans la prière. Rappelons deux textes de la Parole: «Dans toutes leurs détresses, ils n’ont pas été sans secours, et l’ange qui est devant sa face les a sauvés. Il les a lui-même rachetés dans son amour et sa miséricorde, et constamment il les a soutenus et portés (Es 63.9). Voici, je porterai mes regards sur celui qui souffre et qui a l’esprit abattu, sur celui qui craint ma Parole» (Es 66.2). Que notre revue puisse aussi contribuer à édifier, consoler et encourager tous nos chers lecteurs. Courage, tenons ferme; bientôt Jésus reviendra. Soyons prêts!

Merci aussi pour toutes les suggestions, remarques et divers questionnaires renvoyés qui nous aident constamment à discerner la priorité des sujets à traiter. Continuez donc à nous écrire.

Merci pour votre soutien dans l’intercession pour PROMESSES. Vos prières nous sont d’un secours incalculable. Merci pour vos dons réguliers et ponctuels. Sans votre soutien, nous n’aurions pas pu augmenter notre aide à nos frères d’Afrique. Toute notre équipe est bénévole, ce qui nous permet d’utiliser intégralement vos dons pour la diffusion de PROMESSES et autres documentations bibliques.

Chers lecteurs d’Afrique, n’oubliez pas que pour vous assurer le renouvellement de votre abonnement, il suffit de nous envoyer une demande écrite, en nous indiquant votre adresse exacte. Sinon, l’envoi de PROMESSES va être suspendu.

Au plaisir de vous lire bientôt. Que la paix et la grâce de Dieu soient avec tous nos lecteurs.


Ce plaisant condensé du credo de l’indécis ne devrait pas être celui du chrétien . «Que votre oui soit oui, et que votre non soit non, afin que vous ne tombiez pas sous le jugement» ( Jac 5. 12). De même que nous avons dit «oui» au Seigneur lorsqu’il nous a appelés à la repentance, au salut et à la vie éternelle, nous devons apprendre à dire «oui» à sa volonté pour nous aujourd’hui. A parler à notre prochain selon la vérité. A refuser la duplicité. A aimer les choses claires et nettes, à fuir les compromis et les magouilles. «Que tout ce qui est vrai, tout ce qui est honorable, tout ce qui est juste, tout ce qui est pur, tout ce qui est aimable, tout ce qui mérite l’approbation, ce qui est vertueux et digne de louange, soit l’objet de vos pensées» (Phil 4. 8 ).

Aux dernières nouvelles, j’apprends que dans notre monde où tous les chemins sont déclarés praticables, on peut désormais opter pour la «logique floue» – le «fuzzy thinking» du professeur américain Bart Kosko. Combinant l’héritage scientiste occidental d’une part, et les concepts orientaux du ying et du yang d’autre part, ce courant s’applique (dans la ligne du tristement célèbre Nietzsche et de son «Par-delà le bien et le mal») à «transcender» les notions de vrai et de faux. Argument invoqué par les partisans de ce flou philosophique : nos critères de jugement sont parfois très incertains, nous ne pouvons pas toujours déterminer si oui ou non telle position est défendable, mais nous agissons quand même, la vie nous force à assumer des choix en demi-teintes, et ces derniers peuvent se révéler judicieux. Vive donc l’incertitude!

Quant à nous qui appartenons à Christ, réveillons-nous plutôt à nos privilèges ! Notre plate-forme d’action est autrement plus précieuse et précise que les pauvres «rudiments» des penseurs à la mode. Nous disposons en tout temps de la Révélation complète et parfaite de notre Dieu. Pourquoi participer au triomphe du relativisme, à la dictature de l’instinct et de la subjectivité, à l’imposition d’une nouvelle idéologie matérialiste et humaniste ? Sommes-nous réduits à remplacer les claires directives de la Parole de Dieu par les à-peu-près de notre culture à la dérive ?

Laissons cette Parole nous instruire – ce numéro de Promesses est là pour nous y encourager. En la lisant attentivement, nous découvrirons que l’esprit de confusion qui prévaut aujourd’hui n’est pas un phénomène franchement nouveau. A l’Eglise de Corinthe où se trouvaient beaucoup de croyants, et beaucoup de tendances contradictoires, de désordres, et d’enseignements erronés, l’apôtre Paul a montré le chemin du retour à la santé spirituelle. En rappelant d’abord aux croyants que le Saint-Esprit qui habite en eux est l’arbitre suprême : «Nous n’avons pas reçu l’esprit du monde, mais l’Esprit qui vient de Dieu, afin que nous connaissions les choses que Dieu nous a données par sa grâce… L’homme spirituel juge de tout…» (1 Cor 2. 12, 15a). Pour diriger nos vies, nos familles ; pour inspirer nos rapports avec les hommes sans Dieu, comme nos relations avec nos frères et sœurs dans la foi ; pour nous amener à une saine utilisation de nos dons spirituels, Dieu ne nous livre pas à nos propres estimations, forcément approximatives et tendancieuses. Il nous donne sa Parole et son Esprit. Et si nous ressemblons aux Corinthiens d’autrefois, cette recommandation de l’apôtre garde toute sa valeur: «Frères, ne soyez pas des enfants sous le rapport du jugement (c’est-à-dire dans votre capacité à distinguer le vrai du faux, le juste de l’injuste, le spirituel du profane) ; mais pour la méchanceté, soyez des enfants, et, à l’égard du jugement, soyez des hommes faits » (1 Cor 14 . 20). Que le Seigneur nous donne de nous enraciner en Christ, « car pour ce qui concerne les promesses de Dieu, c’est en lui qu’est le OUI » (2 Cor 1. 20).


LES CINQ «SOLI» DES RÉFORMATEURS

2e formule

Dans le dernier numéro de PRO MESSES, nous avons consacré un article à la première formule des cinq soli: «Sola Scriptura». Les Réformateurs exprimaient ainsi leur conviction que l’Ecriture sainte était l’unique et ultime autorité pour tout ce qui touchait à la foi et à la vie chrétienne. Nous avons ajouté qu’aujourd’hui cette même formule atteste la pleine suffisance de l’Ecriture dans les domaines de l’évangélisation, de la sanctification, de la direction divine et des réformes sociales.

Reculer pour mieux sauter

Pourquoi nos milieux évangéliques ontils un impérieux besoin de redécouvrir ces formules de la Réforme ? Nous pourrions évoquer deux raisons.

Premièrement, nous devenons de plus en plus mondains ! En abandonnant peu à peu les vérités de la Bible et l’expression de ces vérités dans la théologie historique de l’Eglise, nous essayons d’accomplir l’œuvre de Dieu en adoptant la théologie du monde, sa sagesse, ses valeurs, ses méthodes, ses priorités et son ordre du jour. En l’absence d’une saine et solide théologie biblique, bien comprise et appliquée, nous avons remplacé les catégories classiques de péché, de colère de Dieu, de culpabilité, de jugement et de repentance, par une approche thérapeutique où l’accent est mis sur la relation d’aide, la psychologie ou la sociologie. Feu le philosophe chrétien Francis Schaeffer disait en 1978 que «si nous n’arrêtons pas cet éloignement de l’autorité suprême de la Bible chez les évangéliques, nous n’aurons pas d’église évangélique à léguer à nos enfants.» Mais pire que cela à l’heure actuelle, si nous ne retournons pas à la vérité de la Parole de Dieu pour la confesser comme l’avaient fait les Réformateurs, nous n’aurons pas d’église du tout à confier à nos successeurs!

Deuxièmement, comme l’a si bien dit la «Déclaration de l’Alliance évangélique italienne » (1), les évangéliques ont besoin d’avoir une compréhension authentique de la foi évangélique avant d’acquérir, par exemple, une compréhension authentique du catholicisme. Et cette Déclaration de continuer :

«L’enseignement biblique, redécouvert à la Réforme et touchant au «sola, solus » comme au cœur de l’Evangile, est un point crucial qu’une conception évangélique considère comme non négociable (c’est nous qui mettons en italique). L’Ecriture seule, le Christ seul, la grâce seule, la foi seule et à Dieu seul la gloire… ensemble ces affirmations constituent les critères de l’étude du catholicisme et le principe d’interprétation à utiliser dans l’analyse des forces à l’œuvre dans l’Eglise catholique romaine. Sur la base du «sola, solus», la distance qui sépare le catholicisme contemporain de la foi évangélique n’est pas plus réduite qu’au moment de la Réforme du XVIe siècle. En fait, après le premier et le deuxième concile du Vatican, le catholicisme continue d’ajouter à l’Ecriture l’autorité de la tradition et l’autorité de l’enseignement du magistère. Au Christ, il a ajouté l’Eglise comme une extension de l’incarnation. A la grâce, il ajoute la nécessité de bénéfices qui proviennent de l’office sacramentel de l’Eglise. A la foi, il a ajouté la nécessité des bonnes actions pour le salut. A la célébration de Dieu, il a ajouté la vénération d’une foule d’autres figures qui détournent du culte au seul vrai Dieu. (…) Aucun changement de fond n’est intervenu (depuis le concile de Trente).»

Christ seul !

Alarmés par la dérive des milieux évangéliques, 120 pasteurs, théologiens et éducateurs se sont réunis en avril 1996, pour appeler les églises à se repentir de leur mondanité, et à recouvrer les doctrines bibliques, apostoliques, qui seules peuvent donner intégrité et puissance au témoignage chrétien. De leur consultation est sortie la «Déclaration de Cambridge», dont une version française a été publiée dans la Revue Réformée (Aix-en-Provence). Cette Déclaration, à laquelle nous aurons l’occasion de revenir dans la suite de nos articles, commente et soutient les cinq «soli» des Réformateurs, avant d’appeler les églises évangéliques à la repentance et à une nouvelle réforme. Voici ce qu’elle dit au sujet de la deuxième formule : «Solus Christus» :

«Nous réaffirmons que notre salut est accompli par l’œuvre médiatrice du Christ historique seul. Sa vie sans péché et son œuvre expiatoire seules suffisent pour notre justification et notre réconciliation avec le Père.»

«Là où l’œuvre du Christ comme substitut n’est pas déclarée, et où la foi en Christ et son œuvre n’est pas sollicitée, nous nions que l’Evangile ait été prêché »(2).

Commentant ces affirmations, l’un des participants à la consultation a dit :

« La formule «solus Christus» signifie que Jésus a tout accompli, de sorte qu’aucun mérite de la part de l’homme, aucun mérite des saints, aucune œuvre que nous aurions accomplie ici ou au purgatoire, ne peut ajouter quoi que ce soit à cette œuvre salvatrice achevée. En fait, toute tentative d’ajouter (à l’œuvre de Jésus) est une perversion de l’évangile… voire, n’est pas l’évangile du tout!»

« Proclamer Christ seul, c’est le proclamer comme Prophète, Sacrificateur et Roi qui seul suffit au chrétien. Nous n’avons pas besoin d’autres prophètes pour révéler la parole et la volonté de Dieu (3). Jésus a dit dans la Bible tout ce qu’il nous faut entendre. Nous n’avons pas besoin d’autres prêtres ou sacrificateurs comme médiateurs du salut et des bénédictions divines ; Jésus est notre seul et unique Médiateur. Nous n’avons pas besoin d’autres rois ou gourous pour contrôler la pensée et la vie des croyants; Jésus seul est le Roi du croyant individuel et de l’Eglise. Jésus est tout pour nous ! » (4).

Un autre participant a ajouté :
« Si nous représentons le Christ principalement comme Thérapeute Divin, Guide, Ami, Héros, Source de Puissance, Réformateur Politique, Guérisseur, ou quelque autre titre à la place de Médiateur entre Dieu et les méchants, nous lui enlevons le rôle central de sa personne, et nous sapons l’essentiel de sa mission et de son œuvre (1 Cor 1.22 ; 2.2) »(5).

Le Christ unique, incomparable

Le titre «Christ» (Christos en grec) correspond au Messie de l’AT (machiah en hébreu), et signifie «l’Oint». Il est intéressant de constater qu’on pratiquait l’onction avec une huile spéciale (Ex 30.22-33), parfois pour la consécration d’un prophète, toujours pour celle d’un prêtre ou d’un roi. Un homme n’était pas autorisé à cumuler ces offices.

1) Le prophète, agent de la révélation, porte- parole chargé de transmettre les messages de Dieu à l’homme, avait pour exemple Elie (1 Rois 19.16).

2) Le souverain sacrificateur (ou prêtre), médiateur qui représentait le peuple coupable devant Dieu, avait pour exemple Aaron (Ex 29.4-7 ; Lév 8.12).

3) Le roi, revêtu d’autorité, chargé de régner, avait pour premier exemple Saül (1 Sam 10.1 ; 24.7-11).

Au travers d’une cérémonie solennelle, Dieu, l’initiateur, indiquait son choix souverain, mettait l’oint à part pour lui en vue d’une tâche déterminée par lui, le plaçait sous sa protection et le chargeait d’accomplir fidèlement son service. Toutefois, ces offices ne pouvaient être que provisoires, car leur accomplissement laissait toujours à désirer. C’est pourquoi l’A.T. annonce l’avènement de Celui qui est promis par Dieu, Fils (Ps 2.7) et Serviteur (Es 42.1) et qui – fait absolument unique – cumulera les trois fonctions en une seule Personne : Prophète (Deut 18.15,18-19 ; Es 61.1-2), Souverain Sacrificateur (Es 53), et Roi (Ps 2 ; Jér 23.5-6 ; etc.). Certains textes réunissent les offices de Sacrificateur et Roi (Ps 110.1,4 ; Zach 6.12-13). Le dénouement vient en la personne de Jésus-Christ, «que les deux Testaments regardent : l’Ancien comme son attente, le Nouveau comme son accomplissement, tous deux comme leur centre» (Pascal). Oint par l’Esprit Saint, Jésus-Christ, Fils unique du Dieu unique, incarné, entre dans notre temps et notre espace pour remplir complètement et parfaitement les trois offices :

1) Prophète (Luc 4.18-19 ; Jean 4.25- 26 ; Héb 1.1-4.13). Avec Simon Pierre, nous croyons qu’il a les paroles de la vie éternelle (Jean 6.68-69), car «jamais homme n’a parlé comme parle cet homme» (7.46). Il dit ce qu’il a vu chez son Père (8.38a), et nous sommes responsables de la manière dont nous écoutons ses paroles (12.47-48). Le ciel et la terre passeront, mais ses paroles ne passeront point (Mat 24.35).

2) Souverain Sacrificateur (Héb 3.3 ; 4.14-10.25 ; etc.). Jésus seul s’est offert lui-même, volontairement, une fois pour toutes, en sacrifice parfait pour les péchés du peuple (7.27) ; il est toujours vivant pour intercéder en faveur de ceux qui s’approchent de Dieu par lui, et les sauver parfaitement (25) ; il est capable de compatir à nos faiblesses, ayant été tenté comme nous à tous égards, sans commettre de péché (4.15).

3) Roi (Mat 2.2 ; Marc 15.2 ; Luc 1.31- 33 ; etc. jusqu’à l’Apoc 11.15 et 19.16). Car «Dieu l’a souverainement élevé et lui a donné le nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse dans les cieux, sur la terre et sous la terre, et que toute langue confesse que Jésus-Christ est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père» (Phil 2.9-11).

Le mot de la fin

Accepter la formule Sola Scriptura, c’est découvrir que le salut en Jésus Christ est le message qui traverse l’Ecriture de la Genèse jusqu’à l’Apocalypse ; c’est donc nous laisser conduire au Christ seul, Christus solus, et faire nôtre la priorité de l’Apôtre Paul : «Je n’ai pas jugé bon de savoir autre chose parmi vous, sinon Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié» (1 Cor 2.2).

Notes :

(1) Reproduite dans «Fac réflexion», no 51-52, 2000/2-3, Faculté Libre de Théologie Evangélique, pp. 44-49
(2) Here We Stand, Baker Books, Grand Rapids, Mich., 1996, p.16
(3) Sans doute dans le sens de transmettre les révélations constitutives de la «foi transmise une fois pour toutes» (Jude 3)
(4) Op. cit. p. 11s.
(5) Op. cit. p. 117

 


(2ème partie)

La Paix pour le croyant

Cet article constitue la 2ème partie de l’exposé sur le thème de la PAIX. Joël Prohin aborde la dimension pratique de la paix de Dieu dans le cœur du croyant et nous exhorte à travers sept textes du Nouveau Testament à rendre la paix de Dieu visible au travers de nos vies.

1. La paix pour le croyant

La perspective du règne de paix de Christ est certainement un puissant encouragement pour tous les croyants. Cependant, comme chrétiens, nous n’avons pas à nous réfugier dans des pensées heureuses d’une paix future assurée ; même si cette vision est un aliment pour notre foi, notre paix est à vivre ici et maintenant. Dans cette seconde partie, nous examinerons les deux aspects de la paix du croyant, puis sa relation avec le Dieu de paix, avant quelques conclusions à visée pratique.

1.1 Les deux aspects de notre paix

Deux paroles du Seigneur Jésus, encadrant le récit poignant de son œuvre de paix à la croix, évoquent chacune ce double aspect de la paix du chrétien :

«Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix. Je ne vous donne pas comme le monde donne. Que votre cœur ne se trouble point, et ne s’alarme point» (Jean 14.27). La paix qu’il laisse aux siens est celle qu’il nous a acquise par sa mort; ma paix est sa propre paix, celle dont il jouissait pendant sa vie sur la terre et qu’il nous donne maintenant.

«Le soir de ce jour, qui était le premier de la semaine, les portes du lieu où se trouvaient les disciples étant fermées, à cause de la crainte qu’ils avaient des Juifs, Jésus vint, se présenta au milieu d’eux, et leur dit : La paix soit avec vous! Et quand il eut dit cela, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent dans la joie en voyant le Seigneur. Jésus leur dit de nouveau : La paix soit avec vous ! Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie» (Jean 20.19- 21). Le contexte immédiat des deux salutations «La paix soit avec vous!» indique le parallélisme avec le passage précédent. Les mains et le côté percés de notre Sauveur sont le témoignage de la paix que son châtiment nous a apportée. La seconde mention précède la mission que Jésus donne aux disciples rassemblés et le souhait de paix leur montre – et à nous après eux – que pour accomplir cette mission, nous pouvons jouir de sa paix. Quel repos d’esprit, alors que si facilement nous sommes inquiets quant à l’accomplissement ou au succès de notre travail pour lui !

Les épîtres reprennent la même distinction :
– «…Etant donc justifiés par la foi, nous avons la paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus-Christ» (Rom 5.1). C’est la paix objective, liée au salut par la foi développée par Paul à la fin du chapitre 3 et dans le chapitre 4.

« Ne vous inquiétez de rien ; mais en toute chose faites connaître vos besoins à Dieu par des prières et des supplications, avec des actions de grâces. Et la paix de Dieu, qui surpasse toute intelligence, gardera vos cœurs et vos pensées en Jésus-Christ» (Phil 4.6-7). C’est la paix subjective, conséquence de notre confiance pour apporter nos fardeaux à un Dieu plein d’amour, de sagesse et de puissance.

Pour résumer, nous pouvons donc distinguer :
– la paix avec Dieu,
la paix de la conscience,fondamentale, acquise définitivement et une fois pour toutes à la conversion, quant à notre péché; elle est objective, car basée sur l’œuvre de Jésus à la croix ;
– la paix de Dieu,
la paix du cœur, à vivre quotidiennement, quant à nos circonstances ;elle est subjective, car fonction de notre confiance en Dieu.

Toutefois, comme souvent lorsqu’on étudie la Bible, il est des notions qu’il est bon de distinguer sans les dissocier. Les deux aspects de la paix sont importants : le second, la paix de Dieu, devrait montrer le premier, la paix avec Dieu. En effet, ceux qui nous entourent ne peuvent pas toujours comprendre ni voir la paix acquise par le sang de Jésus ; en revanche, ils peuvent aisément observer notre sérénité sans stoïcisme dans les circonstances de notre vie. Bien souvent, c’est cette paix qui les fera s’interroger sur notre singularité et qui pourra ouvrir la porte à une présentation de la paix du salut sans laquelle la paix au quotidien ne peut pas véritablement être vécue.

Par ailleurs, comment être serein dans nos circonstances si nous ne revenons pas fréquemment à cette paix fondamentale qui nous est définitivement acquise ? Un auteur chrétien encourage ses lecteurs «à se prêcher l’évangile chaque jour» (1). Notre salut est l’aliment de notre foi et la paix de notre conscience rend notre cœur paisible.

2. Le Dieu de paix

Une question pratique surgit immédiatement : «Mais comment montrer cette paix au quotidien ? Je suis si souvent troublé, en conflit ou dans la confusion». C’est pourquoi, à sept reprises (2), le Nouveau Testament vient nous présenter Dieu comme «le Dieu de paix». Voir Dieu comme le «Dieu de paix» va audelà de la jouissance de la paix de Dieu : c’est être en relation avec celui qui peut donner la paix, car il l’a en lui-même, à la fois quant à lui et quant à toute sa création.

Ces sept mentions indiquent aussi trois côtés de la paix au quotidien :
– trois sont des souhaits : nous aspirons à vivre dans la paix ;
– deux sont des promesses : indépendamment de ce que nous montrons, Dieu reste pour les siens le Dieu de paix ;
– deux sont des exhortations : nous avons aussi notre part de responsabilité : pour ressentir cette paix, il y a des obstacles à lever.

Dans l’examen succinct de chacune de ces mentions, le contexte nous guidera pour en tirer des leçons pratiques. Nous les prendrons dans l’ordre des livres bibliques pour en aider la mémorisation.

2.1. La paix quant à nos projets

«Que le Dieu de paix soit avec vous tous ! Amen !» (Rom 15.33)

Quelques lignes auparavant, Paul expose ses projets de voyage (Rom 15.23- 29). Puis il demande aux chrétiens de Rome de s’y associer par la prière (v. 30- 32). Bien que ses résolutions soient fermes, il reste disponible pour changer ses plans : «si Dieu le veut», ajoute-t-il avec soumission. Enfin, il termine par ce souhait de la présence du Dieu de paix. Des incertitudes demeurent quant à la réalisation effective de ses projets – et en effet, ce sera comme prisonnier que Paul rencontrera ces croyants – mais l’apôtre désire qu’ils soient paisibles à ce sujet.

Il en est de même pour nous : combien de fois nous inquiétons-nous par avance pour tel projet, qu’il nous concerne personnellement ou bien qu’il concerne un de nos proches, un frère ou une sœur. La Parole de Dieu ne nous interdit pas de faire des projets, loin de là, comme en témoigne l’exemple de Paul ; mais elle nous indique qu’ils sont soumis à la souveraineté de notre Dieu (Jac 4.13-15). Alors, nous pouvons paisiblement laisser à notre Dieu le soin du lendemain, le nôtre comme celui des autres.

2.2. La paix quant aux agissements de Satan

«Le Dieu de paix écrasera bientôt Satan sous vos pieds» (Rom 16.20)

Peu avant cette deuxième mention, l’apôtre avertit les chrétiens à Rome à propos de mauvais ouvriers qui sont un danger pour la communauté. La règle à suivre est simple : sages en ce qui concerne le bien et purs en ce qui concerne le mal (v. 19). Pour autant, cette persistance du mal autour du croyant et en lui peut être une source de trouble. C’est pourquoi nos regards sont dirigés vers le moment où le plus grand fauteur de troubles, de conflits et de désordres, le diable, sera écrasé sous nos pieds. Quelle extraordinaire promesse d’une victoire définitive ! Satan, défait à la croix (Col 2.15 ; Héb 2.14), bientôt chassé du ciel (Apoc 12.7-12), avant d’être enchaîné pendant mille ans (Apoc 20.2), sera définitivement mis hors d’état de nuire.

C’est un encouragement pour les chrétiens qui connaissent Satan comme le lion rugissant (1 Pi 5.8) : nos frères et sœurs persécutés peuvent envisager avec bonheur le moment proche où celui qui tire les ficelles derrière leurs bourreaux humains sera mis sous leurs pieds.

C’est aussi un encouragement pour d’autres qui se sentent particulièrement la cible des attaques du diable. Satan, par ses agissements, se plaît à pousser les croyants dans la défaite. Des personnes ayant été éclaboussées par l’occultisme peuvent faire l’expérience d’une libération totale dès à présent en vertu de l’œuvre rédemptrice parfaite accomplie par Jésus-Christ à la croix. Cette parole vient donc pour rassurer : indépendamment de ce que nous vivons ou ressentons aujourd’hui, la victoire sur cet ennemi si puissant est déjà certaine.

2.3. La paix quant à la vie dans l’église

«Car Dieu n’est pas un Dieu de désordre, mais de paix, comme dans toutes les assemblées des saints» (1 Cor 14.33).

La troisième mention se situe dans le contexte des réunions de l’église locale. Les exagérations des chrétiens de Corinthe — hélas tristement relayées par certaines pratiques actuelles — conduisent Paul à un long développement sur le don de parler en langues et sur l’exercice des dons au cours d’une assemblée. C’est la seule occasion où le Nouveau Testament donne quelques indications précises sur le déroulement des réunions, ce qui est la preuve de la latitude dont nous disposons en la matière. Les pratiques sont diverses, dans le temps comme dans l’espace ; mais nul n’a le droit de s’arroger l’exclusivité d’un modèle biblique qui ne reste qu’ébauché ; ces questions de formes, qui font l’objet de tant de débats et de passions, devraient être laissées à leur juste place. Veillons plutôt à respecter les principes de base qui émaillent cette portion : «tout pour l’édification» (v. 26), «tout avec bienséance et avec ordre» (v. 40),«tout avec amour» (16.14 ; cf. tout le ch. 13) ; le reste est secondaire.

Dieu n’est donc pas un Dieu de désordre et il ne saurait aucunement approuver que dans sa maison, son saint temple, son habitation par l’Esprit, on voie le désordre. Pour autant, il n’est pas dit que Dieu est un Dieu d’ordre et la nuance mérite d’être relevée : Dieu n’approuve pas plus les débordements qu’un ordre figé, sans la vie ni la liberté de l’Esprit. Souvenons-nous que lorsque nous nous rassemblons, Dieu est là ; c’est lui qui «maîtrise», non pas nous. Aussi gardons-nous des deux dangers :
– tomber dans un carcan liturgique : laissons à l’Esprit de Dieu sa pleine liberté d’action, sans craindre le désordre,
– tomber dans un laxisme désordonné : laissons-nous conduire par le même Esprit et restons à notre place en gardant le contrôle conscient de notre action (v. 32).

De plus, cela est vrai tant pour notre église locale que pour les autres églises (3). Il peut parfois arriver que nous entendions des nouvelles inquiétantes d’un possible désordre dans une autre église. Avant toute action éventuelle, prenons conscience que Dieu est là, souverain sur chaque église. Quelle que soit l’inconduite de ses enfants, ils restent à ses yeux des «saints» (voir 1 Cor. 1. 2). Assurés de la promesse de ce verset, nous pouvons prier pour que partout où des croyants sont réunis, ils soient conscients de la présence du Dieu de paix.

2.4. La paix quant aux relations fraternelles

«Au reste, frères, soyez dans la joie, perfectionnez-vous, consolez-vous, ayez un même sentiment, vivez en paix ; et le Dieu d’amour et de paix sera avec vous» (2 Cor 13.11).

À la fin de sa seconde lettre aux Corinthiens, l’apôtre mentionne de nouveau le «Dieu de paix». Si la situation s’est un peu améliorée entre les deux missives, des tensions persistent dans cette église. En particulier, certains se prennent pour des «super-apôtres» et contestent le ministère de Paul. Ces conflits d’autorité amènent de tristes conséquences, parmi lesquelles des relations fraternelles difficiles (12.20). Mais pour terminer sa lettre, l’apôtre abandonne le ton sévère qu’il a été contraint de prendre pendant trois chapitres. Il adresse cinq exhortations ; si elles sont traduites dans la pratique, elles permettront de connaître Dieu sous son aspect de Dieu d’amour et de paix.

Qui n’aspire à des relations pleines d’amour et de paix entre les chrétiens ? Les conflits qui divisent la chrétienté depuis vingt siècles montrent à l’envi que les relations fraternelles sont difficiles à maintenir. Mais, comme le montrent ces cinq exhortations, nous avons une grande part de responsabilité :
Vivons dans la joie : un esprit chagrin est prompt à relever ce qui ne va pas et à envenimer les situations un peu tendues. Prenons plutôt plaisir à relever les aspects positifs chez nos frères.
Perfectionnons-nous : cherchons à faire des progrès dans la vie chrétienne, en visant toujours plus haut. Plus nous avancerons, plus nous nous rapprocherons du Seigneur Jésus et, donc, les uns des autres ; les liens parfois distendus entre nous seront alors resserrés (4). Il est certain que si nous avions plus de maturité spirituelle, beaucoup de conflits doctrinaux cesseraient.
Consolons-nous : si la répréhension fraternelle a parfois sa place, elle n’est pas le mode naturel d’échange entre croyants. C’est davantage la parole d’encouragement – guidée par l’Esprit, le Consolateur qui habite en nous et parmi nous – qui devrait présider.
Ayons un même sentiment : il ne s’agit pas du culte sectaire de la «pensée unique» sur tous les détails, mais plutôt de la convergence des motivations : vouloir chacun ressembler toujours plus à Jésus Christ. Avoir le même but produira une harmonie sans gommer la richesse apportée par la diversité du corps de Christ.
Vivons en paix : c’est avant tout une disposition d’esprit : ne pas chercher la «petite bête», éviter, autant que faire se peut, les sujets conflictuels, se garder d’un esprit pamphlétaire…

Nous le voyons : notre programme est aussi clair que riche. Une petite suggestion : et si nous commencions à le mettre en pratique dans notre couple et dans notre famille ?

La récompense dépasse l’absence de conflit entre nous, ce qui est déjà si appréciable : c’est une manifestation toute particulière de notre Dieu comme le «Dieu d’amour et de paix».

2.5. La paix quant à nos pensées

«Au reste, frères, que tout ce qui est vrai, tout ce qui est honorable, tout ce qui est juste, tout ce qui est pur, tout ce qui est aimable, tout ce qui mérite l’approbation, ce qui est vertueux et digne de louange, soit l’objet de vos pensées. Ce que vous avez appris, reçu et entendu de moi, et ce que vous avez vu en moi, pratiquez-le. Et le Dieu de paix sera avec vous» (Phil 4.8-9).

Une seconde fois, la présence personnelle du Dieu de paix est conditionnée par une attitude volontaire de notre part, et cela dans le domaine le plus intime et le plus secret de notre être : nos pensées. Qui peut dire qu’il n’a jamais eu des pensées troublées, agitées, confuses, voire pleines d’animosité ? Et qui oserait prétendre avoir la parfaite maîtrise de ses pensées ? Or c’est dans ce domaine que se livre d’abord le combat du chrétien (2 Cor 10.5).

Pour avoir les pensées en paix, la première ressource est d’apporter nos soucis à notre Dieu (4.6-7) ; la seconde est d’avoir des pensées bien occupées et Paul donne sept champs positifs de pensées. Le premier – peut-être le plus important – est le «vrai» ; ne laissons pas notre esprit batifoler sur des légendes, des affabulations, des exagérations ; occuponsle par la source par excellence du «vrai», la Parole de vérité. Le «tout» répété six fois montre que le champ ouvert est vaste, même si, hélas, les pensées que suscite le monde sont plutôt mensongères, injustes, impures, etc.

Mettre en pratique ces versets va plus loin que nous le croyons : chaque fois que, par une lecture, un film, une conversation, je m’occupe de pensées dont le caractère est opposé à ceux qui sont mentionnés ici, je porte atteinte à la paix de mes pensées. Le trouble ou l’agitation qui en résultent ne sont alors qu’une juste conséquence.

Ce programme n’est pas inatteignable et Paul se donne lui-même en exemple : il peut enseigner le contrôle des pensées parce qu’il le vit de façon visible. Comptons donc sur l’aide du Dieu de paix pour domestiquer nos pensées.

2.6. La paix quant à notre sanctification

«Que le Dieu de paix vous sanctifie lui-même tout entiers, et que tout votre être, l’esprit, l’âme et le corps, soit conservé irréprochable, lors de l’avènement de notre Seigneur Jésus-Christ !» (1 Thes 5.23).

La sanctification du chrétien a deux facettes :
— l’une concerne sa position : il est saint, mis à part, dès le jour de sa conversion ; Christ est sa sainteté, de façon objective (1 Cor 1.30) ;
— l’autre concerne sa pratique : normalement, il avance dans la vie chrétienne en étant toujours davantage conforme à son Seigneur ; il recherche la sanctification (Héb 12.14).

Pour autant, le processus de sanctification est d’abord l’œuvre de Dieu luimême (Phil 2.13) : tout comme il a entièrement pourvu à notre sainteté éternelle, c’est lui qui travaille pour produire en nous l’image de son Fils (Phil 1.6). Il s’occupe de nous dans tous les aspects de notre personne, esprit (en premier), âme et corps. Pour certains, les tentations concernent surtout l’esprit, leur pensée ; d’autres risquent de se laisser entraîner par leurs sentiments ; d’autres encore luttent contre des exigences exagérées du corps. Mais notre Dieu s’intéresse à nous dans tous les détails. C’est pourquoi ne soyons pas inquiets sur nos progrès dans ces domaines et ne cherchons pas constamment à quel degré de sanctification nous sommes parvenus. Cette funeste occupation est un sûr moyen pour produire en nous beaucoup de trouble. Le jour vient – l’avènement de notre Seigneur – où Dieu se plaira à montrer devant tous quels progrès il nous a fait faire – parfois à notre insu – pendant notre vie sur la terre (2 Thes 1.10).

2.7. La paix quant à notre service

«Que le Dieu de paix, qui a ramené d’entre les morts le grand berger des brebis, par le sang d’une alliance éternelle, notre Seigneur Jésus, vous rende capables de toute bonne œuvre pour l’accomplissement de sa volonté ; qu’il fasse en vous ce qui lui est agréable, par Jésus- Christ, auquel soit la gloire aux siècles des siècles ! Amen» (Héb 13.20-21) !

La septième mention du Dieu de paix concerne notre service. L’œuvre de paix pour nous a été accomplie par le «grand berger des brebis» dont la mort et la résurrection sont les garants de notre paix éternelle.

Désormais, nous sommes rendus capables de faire des bonnes œuvres. La vie chrétienne est reçue par grâce, sans aucune œuvre de notre part ; mais elle n’est pas purement contemplative (Eph 2.8-10) ! Elle est aussi action et engagement. C’est l’œuvre de paix par nous. L’infinie variété des bonnes œuvres est soulignée par l’adjectif «toute» ; elle n’est limitée que par la volonté de Dieu. En effet, pour qu’une œuvre soit bonne aux yeux de Dieu (et pas forcément aux nôtres), il faut et il suffit qu’elle soit «selon sa volonté». Alors comment savoir si une œuvre est bonne selon Dieu ? Là encore, regardons au Dieu de paix ; il est inutile de nous laisser troubler à ce sujet. En bon maître, il saura nous montrer ce que nous pouvons faire pour lui, si le désir sincère existe dans notre cœur. Ce sera d’abord dans le détail du tissu de notre vie quotidienne ; ce sera ensuite dans les multiples champs ouverts au travail chrétien, dans le monde et dans l’église. Une autre source de trouble peut être l’immensité du travail, en comparaison avec la faiblesse de nos ressources. Regardons toujours paisiblement à notre Dieu qui ne nous demande pas de contrôler l’ensemble de son œuvre, mais d’y entrer pour la part qu’il nous confie.

Mais le verset ne s’arrête pas là. Il y a une troisième œuvre de paix : l’œuvre de paix en nous. Le verset de 1 Thes a déjà touché ce point, qui est de toute importance. Dieu travaille par nous, mais il travaille aussi en nous et c’est dans la mesure où il sera libre de le faire que notre travail pour lui sera vraiment fructueux. Laissons paisiblement notre Dieu nous remplir de son Esprit ; son œuvre en nous sera d’abord de nous occuper du Seigneur Jésus. Ainsi, nous ne serons pas exclusivement centrés sur ce que nous pouvons faire pour Dieu, mais notre occupation première sera de le voir, lui, notre Dieu de paix.

Conclusion

La paix en tout

«Que le Seigneur de la paix vous donne lui-même la paix en tout temps, de toute manière ! Que le Seigneur soit avec vous tous» (2 Thes 3.16) !

Nous faisons partie du plan de paix de Dieu, nous avons la paix quant à nos péchés, nous sommes mis en relation avec Dieu comme le Dieu de paix, et cela dans sept domaines importants de notre vie ; nous connaissons ces versets… et pourtant nous sommes encore trop souvent troublés.

C’est pourquoi nous pouvons faire nôtre la prière de ce verset, afin que le Seigneur de la paix nous la donne continuellement et dans tous les domaines. Il est fréquent que nous éprouvions un vrai sentiment de paix sur tel domaine de notre vie, alors que nous sommes très troublés sur tel autre. Et pourtant Christ veut être le Seigneur de paix de tous les domaines de notre vie. Si nous lui faisons confiance sur certains, pourquoi ne pas le faire aussi sur les autres ?

La paix pour les autres

«Heureux ceux qui procurent la paix, car ils seront appelés fils de Dieu!» (Matt. 5. 9)

Ce sujet de la paix est primordial pour la vie personnelle du chrétien, et c’est d’abord sous cet angle que nous avons examiné ce sujet. Mais le croyant est aussi appelé à être un messager de paix pour les autres, à montrer concrètement qu’il participe de la nature de celui qu’il connaît personnellement comme le Dieu de paix :
— il procure la paix en annonçant la bonne nouvelle de la paix à des hommes et des femmes encore inconvertis (Rom 10.15),
— il procure la paix en vivant en paix avec les hommes (Rom 12.18),
— il procure la paix dans sa famille, dans son église locale par son attitude ; ce ne sera pas une paix à n’importe quel prix (car à quel prix a été payée la sienne !), mais il ne cherche pas le conflit, ni ne l’attise ; au contraire, il cherche dans sa mesure à œuvrer pour la réconciliation.

Oui, Père, je veux chaque jour montrer toujours plus que je suis un de tes fils en répandant ta paix autour de moi !

Notes :
1 Jerry Bridges, Vivre sous la grâce.
2 Il est parfois délicat, voire hasardeux, de bâtir des théories sur des dénombrements de fréquences dans l’Ecriture. Il nous semble cependant que celle-ci correspond à une intention de l’Esprit.
3 La fin du v. 33 peut être rattachée à la première partie du verset tout autant qu’au v. 34 ; le texte original ne permet pas de trancher et les deux traductions se retrouvent en français.
4 Le verbe «perfectionner» est traduit en Matt 4. 21 et Marc 1.19 par «raccommoder» ou «réparer».


1 Samuel 14.16-46

Le dicton tel père tel fils ne s’applique certainement pas à Saül et Jonathan. Alors que Jonathan a témoigné de courage, d’intelligence, de détermination et de foi (14.1-15)1, Saül se trouve dépourvu de toutes ces qualités. L’exploit du fils est suivi par une scène où le père multiplie les fautes dans les domaines les plus divers. On le voit hésiter là où il faut s’engager rapidement, et s’entêter là où il faudrait se remettre en question.

L’arche méprisée

Devant la nouvelle de la déroute des Philistins, Saül hésite à engager ses troupes (14.16-18). L’ennemi avait tellement resserré son étau sur Israël, que sa fuite soudaine laisse Saül perplexe, d’autant plus que seul Jonathan et son écuyer manquent à l’appel, dans le camp israélite. Le roi doute que deux hommes (si vaillants soient-ils) aient pu mettre l’adversaire en déroute.

Le roi fait chercher l’arche pour consulter Dieu. La démarche peut paraître sage, mais c’est oublier d’une part que la situation de Saül était tellement désespérée que tout recul de l’ennemi devait être exploité immédiatement, et d’autre part que l’arche ne devait jamais être déplacée pour être consultée. C’est aux hommes de venir devant Dieu et non l’inverse. Puisque l’arche était dans le camp, c’était à Saül de s’en approcher. Des années plus tard, David s’opposera à ce que l’arche le suive en exil dans sa fuite devant Absalom (2 Sam 15.24-25). La légèreté avec laquelle Saül traite l’arche (et Dieu par la même occasion) est encore plus manifeste, lorsque quelques instants plus tard, le roi interrompt le sacrificateur en pleine séance de consultation. On l’entend dire: «Maintenant que la fuite des Philistins se confirme, je n’ai plus besoin de toi. Tu peux disposer ». Saül traite le sacrificateur et l’arche comme on traite un valet. Pour Saül, l’arche n’est qu’un objet utilitaire; Dieu n’est là que pour répondre à ses besoins.

Un vœu stupide

Le combat tourne rapidement à l’avantage des Israélites. Les Hébreux craintifs qui étaient passés dans les rangs philistins sont revigorés par le coup d’éclat de Jonathan et tournent casaque une fois de plus (14.21). De l’intérieur du camp philistin où ils avaient trouvé refuge, ils attaquent l’ennemi et accroissent sa confusion. Les maquisards sortent eux aussi de leur retraite et assaillent l’ennemi de partout (14.22).

Au moment où la victoire semble certaine, le narrateur mentionne un vœu solennel de Saül: «Maudit soit l’homme qui prendra de la nourriture avant le soir, avant que je me sois vengé de mes ennemis! » (14.24). Le roi impose un jeûne pour s’assurer une victoire imposante. Désire-t-il que ses soldats ne perdent pas de temps à se ravitailler? C’est peu probable, car une armée sait se restaurer en quelques minutes. Plus vraisemblablement, Saül impose un jeûne pour des raisons religieuses. Tout comme le roi pensait, avant le combat, qu’un sacrifice était indispensable à une victoire militaire (13.8-12), maintenant, il espère accroître sa victoire en décrétant un jeûne généralisé. Saül est le type même d’un homme religieux, mais charnel. Un homme qui veut contraindre Dieu par ses pratiques religieuses.

Le calcul de Saül s’avère néfaste. Jonathan qui a déjà fait preuve d’un excellent discernement spirituel et militaire critique son père: «Mon père trouble le peuple; voyez donc comme mes yeux se sont éclaircis, parce que j’ai goûté un peu de ce miel. Certes, si le peuple avait aujourd’hui mangé du butin qu’il a trouvé chez ses ennemis, la défaite des Philistins n’aurait-elle pas été plus grande?» (14.29-30). Au lieu d’accroître la victoire, le vœu de Saül la diminue, car le peuple manque de force physique et de lucidité.

Sur le plan spirituel, la conséquence du vœu est tout aussi négative. Privé de lucidité, le peuple tiraillé par la faim se rue sur la première nourriture disponible et la dévore sans respecter les lois divines sur les aliments. Saül, qui avait demandé au peuple un signe extérieur de consécration (le jeûne), le conduit à transgresser ouvertement la loi divine.

Le premier autel construit par Saül

A l’annonce du comportement du peuple, Saül est scandalisé. Il critique sans ménagement ses soldats qui l’avaient suivi à la lettre pendant toute la journée («Vous êtes des traîtres» 14.33).

La réaction du roi peut paraître saine. Elle ne dénote, cependant, pas un discernement exceptionnel. D’une part, le péché était manifeste, et d’autre part, le roi a été rendu attentif à la faute du peuple par des tiers (14.33). On peut se demander si de lui-même, le roi aurait découvert le péché. On notera aussi que Saül critique le peuple sans se remettre personnellement en question: aucune parole de regret au sujet de son vœu.

La suite du récit est encore moins favorable à Saül. Le roi érige une pierre pour y égorger les animaux. Un lecteur peu familier avec les prescriptions mosaïques pourrait approuver la démarche du roi, mais c’est oublier que Dieu avait expressément défendu de répandre du sang sur une pierre lorsqu’un Juif devait saigner une viande pour un simple repas. Le sang devait être répandu «sur la terre comme de l’eau» (Deut 12.15-16, 20-24), pour éviter d’assimiler ce geste à un sacrifice et transformer n’importe quelle pierre en autel.

Or, la pierre érigée par Saül devient rapidement un autel («Saül bâtit un autel à l’Éternel: ce fut le premier autel qu’il bâtit à l’Éternel»14.35). Par conséquent, en imposant à chaque soldat de faire saigner son animal sur cette pierre, Saül contraint chaque homme à transgresser une nouvelle fois la loi mosaïque, les sacrificateurs étant seuls autorisés à égorger les animaux sacrifiés.

Finalement, il convient de noter que si des sacrifices ont été offerts, ce sont uniquement des sacrifices de communion. Les sacrifices pour le péché et les holocaustes2, indispensables dans une telle situation, sont ignorés. Saül témoigne ainsi d’une grande insouciance par rapport au péché. Pour lui, une faute ne demande pas réparation.

Quand Saül veut écouter, Dieu ne veut plus parler

Après avoir «corrigé» le comportement du peuple, Saül s’apprête, sans la moindre hésitation, à poursuivre les Philistins. Ses soldats n’émettent aucune objection (« Fais tout ce qui te semblera bon»14.36). Comment oseraient-ils contester après avoir été repris si sévèrement par leur roi? Par contre, le sacrificateur suggère de consulter Dieu. Réalise-t-il que Saül a péché, mais hésite-t-il à le lui dire, ou a-t-il simplement la conscience troublée par rapport à ce qui vient de se passer?

Saül accepte le conseil, car la situation est moins pressante qu’au début du conflit. Les Philistins ont pu s’éloigner et les Israélites eux-mêmes se sont arrêtés pour manger. Maintenant, Saül peut prendre le temps de consulter Dieu. Les questions sont précises, mais Dieu ne donne aucune réponse (14.37).

Ce silence est immédiatement perçu comme un signe réprobateur de l’Éternel. (On connaît mal les détails des consultations divines, mais cela importe peu pour comprendre ce récit). Saül est convaincu que quelqu’un a péché. Il s’efforce donc de découvrir le coupable. Il jette le sort et demande à Dieu de désigner le coupable : «Dieu d’Israël! fais connaître la vérité» (14.41).

Saül témoigne d’une forte myopie. Il interprète correctement le silence de Dieu, mais se méprend sur la nature du péché. Quelqu’un a péché, cela est manifeste, mais pas besoin d’être devin ou de jeter le sort pour connaître le coupable. Une connaissance élémentaire des lois divines suffit à désigner Saül et le peuple comme coupables. En jetant le sort, Saül ne témoigne pas de la volonté de connaître la pensée divine, mais d’un refus de reconnaître son propre péché.

Saül s’enhardit à menacer de mort le coupable: «Car l’Éternel est vivant, le libérateur d’Israël! Même si Jonathan, mon fils, en est l’auteur, il sera puni de mort» (14.39). Sans connaître la nature du péché, Saül énonce la sentence. Manifestement, Saül se laisse dominer par sa colère plutôt que par la justice. En effet, si un pécheur doit être puni, la punition doit toujours être en rapport direct avec la gravité du méfait: ni plus ni moins. Et comme Saül prétend ignorer le coupable et le péché, toute sentence ne peut être que prématurée.

Jonathan désigné par le sort

Plus d’un lecteur est étonné que le sort tombe sur Jonathan. Pourquoi Dieu (qui dirige toute chose) fait-il tomber le sort sur Jonathan? Le fils de Saül serait-il réellement le coupable? Bien sûr que non. Jonathan est le seul innocent. Il a témoigné de foi, de courage et de discernement, et c’est par lui que la victoire est venue. Certes, il a mangé du miel, mais dans l’ignorance du jeûne imposé par son père. Et même s’il avait transgressé l’ordre de Saül, cela ne serait qu’une désobéissance à un ordre humain, alors que Saül et le peuple ont transgressé les commandements divins.

Certains objecteront à cette lecture du texte à cause des paroles de Jonathan qui, interrogé par son père, répond: «J’ai goûté un peu de miel, avec le bout du bâton que j’avais à la main: me voici, je mourrai » (14.43). Croire que Jonathan accepte sereinement la sentence du père, c’est ignorer la réplique qui suit: «Saül dit: Que Dieu me traite dans toute sa rigueur, si tu ne meurs pas, Jonathan!» (14.44). Saül réitère sa menace de mort, car il perçoit l’ironie de son fils. Jonathan trouve la sentence de son père tellement absurde (son père sait qu’il ignorait tout du jeûne imposé: 14.17) qu’il ne peut répondre que par l’ironie. Face à la folie, toute protestation rationnelle est vouée à l’échec. L’ironie, par contre, peut parfois encore ouvrir les yeux. «Réponds à l’insensé selon sa folie» conseille le sage (Pr 26.5).

L’intervention divine va d’ailleurs dans le même sens. En désignant Jonathan, c’est-à-dire l’innocent, par le sort, Dieu répond à Saül par l’ironie. Lorsqu’on prétend chercher la volonté divine, alors qu’on la contourne sciemment, et lorsqu’on veut contraindre Dieu à répondre (en jetant le sort), alors qu’il a refusé de le faire, on ne doit pas s’attendre à un miracle du Seigneur. Dieu désigne l’innocent pour sortir, si c’est possible, le roi de son égarement. Le peuple, jusquelà très soumis à Saül, comprend la leçon et s’oppose à l’exécution de Jonathan. L’injustice est vraiment trop flagrante.

Notes :
1 Voir précédent article : L’exploit de Jonathan, 1 Sam 14.1-15.
2 Pour ces deux sacrifices, le pécheur ne peut rien manger de l’offrande.