PROMESSES
NOUS voici entrés de plein pied au 21e siècle. Qu’est-ce qu’il nous apportera? Une chose est certaine: notre Dieu tient l’univers entre ses mains, et rien n’échappe à son contrôle. Sa divine providence nous rassure hautement dans un monde en pleine dérive. Mais cela ne nous étonne pas, car l’Eternel nous a annoncé dès longtemps ces choses. Il nous les a déclarées avant qu’elles arrivent (Es 48.3-59; 46.10-13). Ainsi, nous sommes toujours pleins de confiance et ne perdons pas courage (2 Cor 4.16, 6). Le monde court au devant de son jugement, et nous avons l’impérieuse mission d’exercer la fonction d’ambassadeurs de Christ, en suppliant les hommes d’être réconciliés avec Christ (2 Cor 5.19-21). Jésus revient bientôt. Sommes-nous prêts à Le rencontrer? Quelle glorieuse espérance!
Nous restons donc pleins d’enthousiasme pour notre ministère de PROMESSES, et nous aimerions réaliser quelques-uns de nos projets pour nos lecteurs (Internet, correspondance plus étendue, page consacrée à la famille de PROMESSES, de nouvelles rubriques, etc.). Vos suggestions, remarques, questions et nouvelles seront toujours bienvenues, et nous répondrons dans la mesure du possible. Merci pour votre fidélité et votre patience. Nous avançons et construisons ensemble, pas à pas, au travers de notre édification mutuelle dans la Parole. Donc, nos perspectives d’avenir sont bonnes avec le secours de notre Dieu qui nous aime d’un amour éternel et qui nous conserve sa bonté (Jér 31.2-3).
Nous allons commencer ce numéro avec la seconde partie de l’article de Jean-Marc Berthoud sur «le rôle de la famille dans le christianisme». C’est le fondement de notre société, qui a besoin des repères donnés par le Créateur. Sans la famille, «cet organisme culturel et éducationnel», rien ne fonctionnera normalement. Fondée sur les valeurs chrétiennes bibliques elle est aussi la lumière et le sel de nos contemporains. Quelle belle perspective d’avenir !
Dans le cadre de la série «Regards sur l’Occident», vous pourrez lire l’étude sur «L’idole de l’homme magicien» rédigée par Paul Ranc. Nous apprenons combien l’abîme de l’occultisme à travers les siècles est profond et à quel point il revient avec force par le Nouvel Age. Seul Jésus-Christ, qui offre un salut éternel, seule réelle perspective d’avenir, peut délivrer celui qui est pris dans l’engrenage de l’ésotérisme.
Jean-Pierre Schneider nous présente sa dernière étude de Romains 8.28-39, «La vie du chrétien né de Dieu». Quelle sécurité divine ! Toutes choses coopèrent au bien de ceux qui aiment Dieu. Nous avons l’assurance que nous sommes plus que vainqueurs par Celui qui nous a aimés. Jamais rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu en Jésus-Christ, notre Seigneur. Finalement, vous pourrez faire connaissance de l’excellent ouvrage de Daniel Arnold: «Esther ou survivre dans un monde hostile», présenté par Henri Lüscher. Dieu, dans sa souveraine providence, veille toujours sur les siens et ne permet pas qu’ils soient éprouvés au-delà de leur force. Il fait retourner une situation désespérée à sa gloire, au plus grand émerveillement de son peuple. Chers lecteurs, quelle belle perspective d’avenir pour nous Ses enfants.
Ce numéro, qui contient, ci-dessous, une belle méditation poétique d’André Dufour sur le ministère actuel du Seigneur envers ses enfants, nous ramène au présent. Du même coup, nous nous souvenons que notre foi ne puise pas seulement sa force dans l’espérance d’un avenir meilleur, mais aussi dans la certitude des interventions et de l’amour de Christ envers nous maintenant.
REGARDS SUR L’OCCIDENT
Préambule: Le texte que vous allez lire ci-dessous est un condensé de notre livre en cours de rédaction, Le Retour du Romantisme. Entre le Romantisme du XIXe siècle et le Nouvel Age, il y a une évidente filiation occulte. En effet, l’homme romantique saisi par le désespoir et l’angoisse se tourne, non vers le Dieu créateur, mais vers des idoles «magiques» censées lui donner le bonheur de l’âme et un sens à son existence.
L’HOMME moderne, comme l’homme d’autrefois, s’inquiète de son devenir. Sans cesse, il se remet en question, sans cesse il cherche la vérité. Voguant au gré des idéologies ou des courants religieux, l’homme vit un perpétuel paradoxe: tantôt la science, tantôt la magie. Entre le matérialisme ambiant de notre société occidentale et l’attrait des philosophies ésotériques ou occultes, la ligne de démarcation est mince. Parfois, ces deux courants de pensée sont confondus. Loin de s’annihiler, ces forces apparemment antagonistes s’allient dans une interconnexion du naturel et du surnaturel. Des questions, lancinantes, se posent: «l’alliance entre la science et la métaphysique n’est elle pas l’ébauche d’un Homme nouveau? L’association entre la politique et la magie ne conduit-elle pas au totalitarisme ? Ou, plus exactement, à la venue de l’Homme magicien?»
L’homme moderne, comme l’homme d’autrefois, cherche désespérément des certitudes. Tantôt balancé vers le rationalisme, tantôt aspiré vers l’empirisme, l’homme abandonne ses repères et entreprend la conquête des sphères paranormales ou occultes. Car la magie, ce mot lourd de sens, revient en force dans notre société moderne. Fini le temps des sorcières et des hérétiques que l’on brûlait sur des bûchers. Aujourd’hui, l’ésotérisme (doctrine secrète réservée aux seuls initiés, donc occulte), a droit de cité au même titre que les religions ou les sectes. Le retour du religieux s’apparente à celui de l’occultisme ambiant et le rêve, toujours inassouvi, de l’homme reste le même, celui d’être l’égal du Créateur en devenant à son tour dieu.
Quête, pouvoir et devenir
L’histoire de la magie pourrait se résumer en un mot: ésotérisme. L’attrait du surnaturel, et surtout l’acquisition de pouvoirs occultes et paranormaux, ont été à l’origine de tous les multiples courants ésotériques. En effet, parallèlement à la tradition païenne, puis chrétienne, s’est développée à travers les âges, une autre tradition, la Tradition ésotérique, appelée aussi parallèle.
A la source de cette tradition, les religions païennes, mais aussi la philosophie et la mythologie grecques. Tous ces enseignements «traditionnels» (oraux ou écrits) se sont développés, amplifiés et ont donné naissance à une tradition nouvelle, celle de l’Occident. Synthèse de tous les courants orientaux et occidentaux, la Tradition ésotérique présuppose l’éternité et l’évolution de la matière considérée comme divine. Le panthéisme (Dieu est tout et tout est Dieu, toute chose dans la nature est divine) et le monisme (l’ensemble des choses se réduisent ultimement à un seul principe ou unité, par opposition au dualisme et au pluralisme) sont les deux fondements des courants occultes, et il est évident que cette pensée entre en contradiction absolue avec la Révélation du Dieu créateur. A cause de cette opposition va naître tout un concept philosophique, religieux et même politique. L’enjeu de cette lutte de l’homme contre Dieu n’est autre que la domination planétaire, et même cosmique de toute la Nature, autrement dit de la création divine. En fait, il s’agit tout simplement de refaire la création de Dieu, ceci par le moyen de l’alchimie.
Il ne faut pas s’y méprendre, l’alchimie n’est pas la chimie! L’alchimie est cette science occulte qui a pour but de créer la pierre philosophale et dont la finalité est de transmuer les métaux vils en or. Au niveau supérieur, l’homme, ce matériau brut, semblable à du plomb, peut sous l’effet d’actions supranaturelles devenir une matière parfaite, équivalant à de l’or pur. Au delà du symbole, nous constatons que la tentation de l’homme reste toujours la même, celle de parvenir à l’état de divin. La vieille promesse du serpent est toujours vivace et nous assistons de nos jours à une recrudescence de mouvements ésotériques, principalement alchimistes.
La quête de l’homme magicien
Dans son aveuglement et dans son désespoir, l’homme entreprend une quête quasi ininterrompue. Une recherche de bonheur parfait, une aspiration à surmonter ses limites temporelles ou spirituelles. Face aux grands défis de notre société, il est évident que l’homme cherche une voie qui lui permettrait de résoudre une fois pour toutes les problèmes de la vie. Le matérialisme, de même que la technique, ne sauraient posséder en eux-mêmes toutes les solutions miracles que l’homme serait en droit d’attendre. Les prodiges de la science, notamment dans le domaine de la génétique, impressionnent certes, mais trouveront tôt ou tard une limitation absolue. Car la matière reste toujours matière! Tandis que la «magie » est censée être atemporelle et douée de pouvoirs transcendants.
Notre société industrielle et technicienne, avec son néolibéralisme et son mondialisme économique et politique, arrive à un point de non-retour. Face à cette menace grandissante, la réaction se fait parfois violente. La vraie révolution ne se fait pourtant pas dans la rue, mais dans les salons, ou plus exactement en l’homme. La quête de l’apprenti magicien est intérieure, cachée. Elle présuppose une relation avec l’invisible, une véritable interconnexion entre le «naturel» et le «surnaturel».
Cette «interconnexion» a été réalisée par les ésotéristes du Moyen Age (alchimie, kabbale, etc.), mais aussi par la Rose-Croix au XVIIe siècle et plus tard par la théosophie, l’anthroposophie et le Nouvel Age. Mais, il ne faudrait pas oublier que l’ésotérisme a aussi touché le Romantisme, du moins certains auteurs romantiques, entre autres Victor Hugo ou Gérard de Nerval. Pire, une certaine forme de romantisme a été à l’origine du nazisme.
Victor Hugo ou l’apologiste de Satan
L’ouvre de Victor Hugo (1802-1885) est immense. Ses poèmes, ses épopées et ses narrations sont de véritables monuments littéraires. L’étendue des thèmes abordés place Hugo dans la catégorie des écrivains visionnaires. N’a-t-il pas dit lui-même qu’il était «fils de ce siècle» ? Et c’est vrai ! Victor Hugo n’est pas seulement devenu le chef de l’école romantique, mais aussi il a vécu intensément ce siècle tant sur le plan littéraire que politique. Un siècle de luttes révolutionnaires et de recherches métaphysiques marqueront cette époque, et aussi la vie de Victor Hugo 1.
Victor Hugo fut l’homme de multiples idoles. En tout premier lieu, l’Homme! Qui se confond avec le Peuple. En effet, toute la prose hugolienne tend vers l’Homme en quête de perfection divine. Pire, Hugo va plus loin et affirme sans ambages que la «Liberté est Satan comme elle est Dieu» 2. Satan est mis sur le même pied que Dieu!
La Légende des Siècles, Les Contemplations et La Fin de Satan sont les ouvres les plus marquées par la métaphysique ésotérique. Victor Hugo propose à l’humanité une vaste fresque de l’humanité, du début à la fin de son histoire. Il s’agit en fait d’une gigantesque épopée dont la source n’est autre que l’ésotérisme 3. L’homme évolue vers la perfection et ceci par le moyen de l’action bienveillante de Dieu qui pardonne les fautes de toutes les créatures, y compris celles de Satan!
Si Hugo fut un merveilleux écrivain, au style varié et alerte, il fut aussi le poète de Satan. Le romantisme de Hugo vira peu à peu vers les hautes sphères de l’occultisme. L’homme magicien que fut Hugo s’égara dans les méandres du spiritisme et s’écarta ostensiblement des principes chrétiens.
Pour Hugo, Satan porte un nouveau nom: Liberté. La «Liberté» hugolienne n’est autre que la révolte des peuples contre toutes les tyrannies humaines. Elle est «Révolution» et elle utiliserait à cet effet la France! La «Liberté» selon Hugo est en fait un éloge de l’ouvre de Satan, voire une communion intime avec l’Ennemi de Dieu. Ces vers tirés des Contemplations le prouvent:
«Et Jésus, se penchant sur Bélial qui pleure,
Lui dira: c’est donc Toi?
Et vers Dieu, par la main, il conduira ce frère,
Et quand ils seront près des degrés de Lumière
Par nous seuls aperçus,
Tous deux seront si beaux, que Dieu dont l’oil flamboie
Ne pourra distinguer, père ébloui de joie,
Bélial de Jésus.»
«Tout sera dit. Le mal expirera; les larmes
Tariront; plus de fers, plus de deuils, plus d’alarmes;
L’affreux gouffre inclément
Cessera d’être sourd, et bégaiera: Qu’entends-je?
Les douleurs finiront dans toute l’ombre; un ange
Criera: Commencement! »4
Ainsi, nous constatons que Victor Hugo considère Satan comme un frère et que celui-ci est associé à l’ouvre de salut, plus exactement à la réintégration et à la réconciliation de tous les êtres créés, des hommes pécheurs, de Satan et ses démons ! Satan serait donc un libérateur de l’humanité. La Création est restaurée dans sa pureté primitive, le mal n’existera plus, les douleurs cesseront et l’Homme sera rétabli dans sa nature originelle. L’ange, autrement dit le Grand Archange, dira alors: «Commencement!».
Nous voyons ici toute la philosophie ésotérique de Victor Hugo. Sa pensée est celle de tous les gnostiques et des rosicruciens: la négation du péché et des peines éternelles, le diable qui redeviendra bon 5 et la réintégration des âmes par la réincarnation.
Ce qui explique que Victor Hugo s’est adonné à un moment de sa vie aux tables tournantes et au spiritisme. Et nous pouvons dire sans crainte que Hugo fut l’écrivain magicien! Mais, il ne fut pas le seul.
Gérard de Nerval ou le romantique magicien
Gérard de Nerval 6 (1808-1855) a été en son temps un des précurseurs de la magie «réelle et irréelle». Comme tous les romantiques ou surréalistes du XIXe siècle (Lamartine, Hugo, Vigny, Musset, mais aussi Rimbaud, Verlaine, Baudelaire, Mallarmé, etc.), Nerval a pris le chemin douloureux de la quête de l’absolu. Toute son ouvre reflète un état de fragilité morbide et qui le conduira au suicide. Le romantisme de Gérard de Nerval, comme celui de Victor Hugo, n’est pas seulement la recherche des sentiments exacerbés, mais plus encore la pratique de l’occultisme, voire du spiritisme. Au delà du monde terrestre, Nerval cherche ardemment le bonheur parfait.
Le bonheur n’aura été pour lui qu’une longue illusion qui le mènera finalement à l’autodestruction. Il était le fils d’un médecin-adjoint de la Grande Armée. Il perd sa mère à l’âge de deux ans et, dès lors, privé d’affection maternelle, la vie de Nerval sera un perpétuel cheminement vers la «femme de rêve», autrement dit la femme parfaite ou «l’éternelle figure féminine». Après avoir traduit le Second Faust de Goethe, il se met à croire à la réincarnation. C’est le commencement d’une chute vertigineuse qui l’amènera de l’occultisme à la mort.
L’existence de Nerval est marquée par une recherche ésotérique. Dès 1843, lors de son voyage au Moyen- Orient, il découvre au pied des Pyramides et des monuments antiques, une autre forme de «spiritualité», celle de la Déesse Universelle, la Vierge éternelle. Le lien entre la femme fictive et la déesse s’établit. Désormais, Nerval va s’adonner aux sciences occultes et va collaborer à des revues occultistes, Le Diable rouge, Le Diable Vert, L’Almanach fantastique.
La vie de Nerval fut une continuelle aspiration au bonheur sublime, au bonheur matérialisé par la femme mythique idéalisée par les héroïnes romantiques nommées en l’occurrence Sylvie, Aurélie ou Aurélia. En fait, derrières ces beautés imaginaires, Nerval fait allusion aux déesses de l’Antiquité. La Vénus païenne, Cybèle, l’Isis égyptienne représentent pour lui des modèles féminins parfaits, insaisissables, fantasmagoriques, mais terriblement présents en lui au travers de ses rêves et de ses crises de folie.
«Je suis le ténébreux – le veuf, – l’inconsolé,
Le prince d’Aquitaine à la tour abolie;
Ma seule étoile est morte, – et mon luth constellé
Porte le soleil noir de la Mélancolie.
Dans la nuit du tombeau, toi qui m’as consolé,
Rends-moi le Pausilippe 7 et la mer d’Italie,
La fleur 8 qui plaisait tant à mon cour désolé,
Et la treille où le pampre à la rose s’allie.
Suis-je Amour ou Phébus?… Lusignan 9 ou Biron?
Mon front est rouge encor du baiser de la reine;
J’ai rêvé dans la grotte où nage la sirène…
Et j’ai deux fois vainqueur traversé l’Achéron 10:
Modulant tour à tour sur la lyre d’Orphée 11
Les soupirs de la sainte et les cris de la fée.»
Le romantisme de Nerval est avant tout individualiste, mais ses idées ont fait des émules: des hommes et des femmes, mal dans leur peau et qui ont sombré dans la paranoïa, et finalement dans le suicide. Gloire et décadence de l’homme, la vie de Nerval est la preuve que la magie, la recherche des mondes invisibles, sont le chemin le plus sûr vers la déchéance et la mort.
La vie de Nerval, comme celles de la plupart des romantiques, fut une tragédie. L’aspiration à découvrir un état supérieur, fait de félicité et d’exaltation, de sublime et d’élévation, se révèle en fin de compte un désastre tant moral que spirituel. La magie n’est pas une bonne fée qui apporte la joie de vivre. Ce sont plutôt l’anéantissement des espoirs de bonheur et de paix de l’âme qui sont au rendez-vous. Désormais, la mélancolie, le doute et la désolation sont le pain quotidien de ceux qui s’adonnent à la magie.
Le Groupe de Thulé ou l’Etat magicien
L’occultisme ambiant de la deuxième moitié du XIXe siècle, la formation de groupes ésotérico-militaires et surtout l’effondrement de l’Allemagne en 1918 ont favorisé le développement d’un «Etat magicien», avec à sa tête un magicien particulièrement redoutable, Adolf Hitler 12.
Le romantisme politique existe ! L’exemple le plus frappant, et le plus méconnu, est le National-Socialisme d’Adolf Hitler (1889-1945). Les racines idéologiques du nazisme plongent en effet dans les méandres des dieux pangermaniques, du romantisme allemand et de l’ésotérisme occidental. Toute la culture allemande a été empreinte des exploits des dieux pangermaniques et des chevaliers d’autrefois. L’héroïsme ou l’abnégation cachaient en réalité un mythe tenace de l’âme allemande: l’apparition du surhomme ou Homme Nouveau. Les antécédents historiques sont significatifs et montrent bien que la culture allemande a été sous-tendue par l’occultisme ambiant.
Ainsi, la Sainte Vehme (ou Terre Rouge), l’ancêtre spirituel du National- Socialisme, était une société secrète judiciaire fondée à la fin du Moyen Age et dont les buts étaient d’exercer une justice rapide envers les citoyens coupables de crimes. La justice du Vehme était expéditive: ou l’acquittement, ou la peine capitale! Société secrète, avec cérémonies initiatiques et dont l’occultisme est le fondement idéologique, la Sainte Vehme a été l’objet de la vénération des Romantiques allemands, mais aussi le fondement des méthodes d’extermination des S.S. durant la Seconde guerre mondiale. La justice de la Sainte Vehme et celle du Troisième Reich avaient un point commun, celui du pouvoir de l’homme sur l’homme.
L’Homme magicien va se retrouver chez Heinrich Heine (1797-1856), l’un des plus grands romantiques allemands 13. Juif d’origine, il se fait baptiser dans une église luthérienne et il espère se faire une place dans les cercles littéraires allemands. Cependant, et après avoir vainement cherché du travail dans son pays, il s’établit à Paris, peu après la Révolution de 1830. Là, sa poésie engagée, empreinte des thèmes des combats politiques et philosophiques, va s’exprimer totalement. Car Heine est le poète de la liberté et, au delà de la magie des mots, Heine parle de l’Homme nouveau qui sauvera l’Allemagne. En effet, dans son livre De l’Allemagne, publié en 1844, le poète n’hésite pas à écrire ces lignes «prémonitoires» qui trouveront un siècle plus tard un accomplissement tragique:
«C’est l’Homme qu’attend le peuple allemand. L’Homme qui lui rendra enfin la vie et le bonheur, le bonheur et la vie après lesquels il a si longtemps aspiré dans ses songes. Combien tardes- tu, toi que les vieillards ont annoncé avec un brûlant désir, toi que la jeunesse attend avec tant d’impatience, toi qui portes le spectre divinatoire de la liberté et la couronne impériale sans croix?» 14
La tentation de l’homme magicien, c’est l’Homme Nouveau, le surhomme de Friedrich Nietzsche (1844- 1900), doué de tous les pouvoirs, occultes et politiques. L’Homme magicien est en même temps le chef de l’Etat magicien! Le spiritualisme occulte et le politique s’uniront plus tard lors de l’avènement d’Adolf Hitler à la tête de l’Allemagne.
La montée en puissance du nazisme ne peut s’expliquer que par son origine occulte, et plus précisément par l’influence du Groupe de Thulé 15. Ce cercle d’initiés fut à l’origine du National-Socialisme et, par là, de la prise du pouvoir par Hitler en 1933. De nos jours, nous assistons à la résurgence de «cercles» dit de Thulé et dont l’idéologie est identique au nazisme.
Thulé est une île mythique que le navigateur grec Pythéas de Marseille découvrit en 323 av. J.-C. Située au nord de la Grande Bretagne, sous le cercle polaire 16. Thulé était, paraît-il, un lieu merveilleux, où poussait le blé et où les abeilles prospéraient. Le récit de Pythéas fascina tout l’Occident 17, à tel point que le mythe de Thulé survécut à l’oubli et fut repris bien plus tard par le romantisme et l’ésotérisme 18.
Le genèse du Groupe de Thulé se situe peu avant le début de la Première Guerre mondiale. Un certain Rudolf von Sebottendorf 19 (1875-1945) était membre d’une société secrète fondée en 1912, l’Ordre des Germains (Germanorder). Très rapidement, il devient le responsable pour la Bavière. Mais, très rapidement l’association prend du recul et se sépare peu à peu de l’ordre. Un nouveau groupement voit le jour le 17 avril 1918 à Berlin sous le nom de «Groupe de Thulé» 20.
Il s’agissait d’une société de type maçonnique avec une forte tendance à l’ésotérisme empirique. L’aspect religieux, notamment apocalyptique, est présent. L’Apocalypse et le Nouvel Age sont proclamés, une société nouvelle est annoncée: la détresse des Germains prendra fin, un nouveau germanisme verra le jour.
Le message pseudo-messianique de von Sebottendorf porta ses fruit et, en novembre 1918, pas moins de 250 personnes adhérèrent à l’association. Peu de temps après, le Groupe de Thulé compta parmi ses membres des gens comme Alfred Rosenberg (1893- 1946), le théoricien du Nation-Socialisme, Alfred Hess (1894-1987), le futur no 2 d’Hitler, Hans Frank (1900-1946), le «bourreau de la Pologne », etc.
Le romantisme politique d’Alfred Rosenberg, que partageait Rudolf Hess, fut l’une des causes de l’avènement du Troisième Reich. En effet, Rosenberg rêve d’un grand empire nordique, de race et de sang purs. A la fois religieux et romantique, Rosenberg rêve d’un Etat idéal dans lequel le Führer serait l’Homme magicien, en mesure d’apporter aux peuples allemand et nordique le bonheur et la paix. Puisant ses idées dans l’ouvre de Houston Stewart Chamberlain 21 (1857-1927), dans la musique de Richard Wagner (1813-1883) et dans les écrits de Joseph Arthur de Gobineau 22 (1816-1882), Rosenberg se distinguera par son néo-paganisme et exercera sur les idéalistes du parti nazi, et sur Hitler en particulier, une profonde séduction romantico-politique, celle de la germanisation des autres peuples. Le mythe de l’Aryen, celle d’une race noble, est tenace, même de nos jours.
Le romantisme politique du Groupe de Thulé ne fut en définitive qu’un échec sanglant. L’Homme magicien 23, en l’occurrence Adolf Hitler, devait être le fondateur d’un Reich qui devait durer 1000 ans! Ce furent douze ans de règne absolu et, certainement, la plus grande tragédie de l’histoire des hommes. Le bonheur promis par Hitler et consorts ne fut que larmes et désespoir.
Ainsi donc, le romantisme et la politique peuvent cohabiter, et parfois s’unir, sous le thème du bonheur. Les romantiques aspirent à un monde harmonieux, à la disparition des inégalités tant sociales que juridiques et à la découverte de l’Homme et de l’Univers. Le romantisme politique n’est autre que l’application de l’idéalisme romantique. La Révolution française, celle de Robespierre, voulait le bonheur de l’homme. mais ce fut la guillotine qui fonctionna à plein régime. La Commune déclencha un fol espoir de liberté et de justice sociale. mais ce soulèvement se termina par une répression féroce avec comme final le massacre devant le «Mur des Fédérés». Combien d’hommes et de femmes sont-ils morts au nom de la liberté et du bonheur ? Les propos de Francis A. Schaeffer résonnent alors au plus profond de notre conscience: «Notre génération est avide d’amour, de beauté, de signification. Une «poussière de mort» recouvre tout» 24. Et, pourtant, la vie des hommes continue. sans Dieu.
Du Romantisme au Nouvel Age
Les exemples cités démontrent que Victor Hugo et Gérard de Nerval, comme la plupart des Romantiques 25, ainsi que les maîtres du Troisième Reich, Alfred Rosenberg en particulier, ont été des précurseurs de la future Grande Babylone.
Car une nouvelle humanité s’annonce peu à peu, celle de l’ère post-chrétienne. Le Dieu créateur est évacué au profit de la Nature, sorte de dieu impersonnel; le Dieu sauveur est remplacé par l’Homme qui pense, en vertu de son évolution psychique, se sauver par lui-même; le Dieu seigneur est substitué à l’homme qui se prend pour dieu. Notre civilisation occidentalisée connaît sans doute sur le plan spirituel sa crise la plus grave depuis la Réforme. Le «religieux» occulte et ésotérique est en train de préparer la venue de celui qui sera l’Homme magicien par excellence, l’Antichrist. Face à ce raz-de-marée «religieux», face aux persécutions et face au relativisme ecclésiologique, le chrétien doit être averti des dangers futurs qui le menacent.
Ce terrain nouveau se met déjà en place. C’est la pensée initiatique ou occulte dénoncée par George Orwell 26 (1903-1950), prônée par Fritjof Capra 27, Theodore Roszak 28, Marilyn Ferguson 29, etc. qui prédomine de nos jours dans les milieux intellectuels et scientifiques. L’ésotérisme ambiant de la Rose-Croix et du Martinisme ont été l’un fondements du romantisme et, plus tard, de la Théosophie et du Nouvel Age. Ces «spiritualités » sont maintenant considérées comme des mystiques honorables. Et pourtant, toutes ces philosophies métaphysiques et parapsychologiques sous-tendent l’avènement de l’Homme nouveau, autrement dit l’Homme magicien.
Le romantisme est toujours vivant de nos jours et a véritablement pris son essor sous les traits du Nouvel Age. Ce que les romantiques ont entrevu ou pressenti, les adeptes du Nouvel Age le mettent en application à une échelle planétaire. Le Nouvel Age touche aussi à tous les niveaux et à tous les domaines de la vie ou de la science, l’écologie et la médecine en particulier. L’ésotérisme ambiant, celui de l’Energie, commence a être pris au sérieux par les scientifiques. Par ailleurs, la génétique, et notamment la technique du clonage, est en train de nous préparer un Homme nouveau, qui sera peut être l’Homme magicien à venir.
Tout comme pour les romantiques autrefois, le dieu de ce siècle n’est autre que la Nature. Et derrière cette Nature se cache l’Ennemi de nos âmes, Satan en personne. Le plus grand malheur de l’homme, c’est de se tourner vers des créatures, en l’occurrence des démons, plutôt que vers le Créateur. C’est l’homme qui cherche à dominer par lui-même et sur luimême. C’est l’homme à la recherche de puissance, de bonheur, d’inspiration, et pour lui tous les moyens sont bons. Ce sera la quête de l’infini, de l’invisible ou de l’Energie. Au delà de l’angoisse et des affres de l’inquiétude, des échecs et des espoirs déçus, le magicien persévère dans le chemin qui mène à la mort éternelle.
Face aux désastres humains de notre société, il est bon de savoir que Dieu est le maître de l’Univers, de la Terre et de l’humanité. L’homme a été créé, non pas pour déifier la Nature, mais pour adorer son Créateur. Car, il ne faut pas oublier que le péché, faute entièrement imputable à l’homme, a brisé notre relation avec Dieu. La Bible dit: «Le salaire du péché, c’est la mort» (Rom 6.23a).
Dieu aurait pu laisser l’homme à son désenchantement. Mais, dans sa grâce infinie, Dieu «a envoyé son Fils unique afin que quiconque croit en lui ne périsse pas, mais qu’il ait la vie éternelle » (Jean 3.16). Ainsi, la solitude de l’homme est brisée par la venue de Christ, ceci en vertu de sa vie, de sa mort et de sa résurrection. En lui, nous avons une vie nouvelle. Notre destin est dans les mains de notre Seigneur. Pas de pouvoirs magiques, mais une Présence! «En effet, écrit F.-A. Schaeffer, notre vocation ne consiste pas seulement à glorifier Dieu, mais aussi à jouir de sa présence, à être en communion personnelle avec lui, remplis par lui et accomplis en lui» 30.
Le véritable Homme nouveau n’est pas le Magicien doté de pouvoirs surnaturels, mais le Christ, l’envoyé de Dieu, l’homme parfait qui, pour nous sauver de la mort spirituelle, a été fait péché pour nous (2 Cor 5.21). En Christ, nous sommes devenus des créatures nouvelles (2 Cor 5.17). Désormais, le chrétien qui veut glorifier son Sauveur, Jésus-Christ, ne recherchera plus le pouvoir, mais l’humilité. Car la Bible dit: «Avant la ruine, le cour de l’homme s’élève; mais l’humilité précède la gloire» (Prov 18.12).
Finalement, au lieu de nous laisser impressionner par les manifestations de fausse puissance dont notre époque est friande, tournons nos regards vers le «grand Oublié de notre siècle», Jésus-Christ, la seule espérance pour un monde qui va à la dérive.
P.R.
1 Le XIXe siècle fut le siècle des Réveils (Genève, Eglises Libres, expansion du méthodisme), mais aussi celui de la prolifération des mouvements ésotériques, parmi lesquels figurent le Martinisme de Louis- Claude de Saint-Martin (1743-1803) repris par Papus (1865-1916) et la théosophie de Mme H.P. Blavatsky (1831-1891).
2 P. Zumthor, Victor Hugo, poète de Satan, p. 238, Robert Laffont, Paris, 1946.
3 Il est probable que Victor Hugo ait été influencé par le manichéisme.
4 V. Hugo, Contemplations, p. 409, Gallimard, Paris, 1973.
5 Hugo a écrit cette fameuse phrase: «Satan est mort; renais, ô Lucifer céleste».
6 De son vrai nom Gérard Labrunie. Nerval est un pseudonyme tiré d’un clos familial.
7 Promontoire de la baie de Naples. Ce lieu rappelle à Nerval des moments heureux…
8 Cette fleur est l’ancolie, de couleur mauve et violette, symbole de la tristesse et emblème de la folie.
9 Epoux de la fée Mélusine.
10 Selon la mythologie grecque, «Fleuve des morts, traversé par Orphée».
11 Héros mythologique grec, prototype du poète, Orphée était doué de pouvoirs extraordinaires, et en particulier la magie.
12 Sa ville natale, Braunau-sur-Inn avait la réputation de produire de nombreux voyants ou médiums.
13 A son sujet, le chancelier Bismarck a un jour déclaré au Reichstag: «N’oubliez pas, Messieurs, qu’il est, après Goethe, l’auteur des plus beaux lieder en langue allemande».
14 H. Heine in M.-F. James, Les précurseurs de l’Ere du Verseau, 143, Editions Paulines, Montréal, 1985.
15 Nous retrouvons ce mot chez Hector Berlioz (1803-1869), Complainte du roi de Thulé dans la Damnation de Faut. Gérard de Nerval traduisit de Goethe la Ballade du roi de Thulé. Jean Laude (1922- 1983), professeur d’histoire de l’art à Paris écrivit en 1964 Les Plages de Thulé. De même, Villaespesa Francisco (1877-1936), poète espagnol, composa un poème intitulé La Copa del rey de Thulé; etc.
16 Les chercheurs sont de nos jours très divisés sur l’existence de cette île. Certains pensent qu’il s’agit des îles Shetland, d’autres l’Islande. Les ésotéristes pensent à l’Hyperborée ou à l’Atlantide.
17 Virgile (70-19 av. J.-C.) écrivit l’Ultima Thule in Georgiques, 1, 30.
18 Le philosophe et homme d’Etat Sénèque (4 av. J.-C.-65 apr. J.-C.) écrivit dans Médée ces lignes: «Dans les siècles futurs, une heure viendra où l’on découvrira le grand secret enfoui dans l’océan. On retrouvera la puissante île, Téthys, de nouveau, dévoilera cette contrée. Et Thulé, désormais, ne sera plus le pays de l’extrémité de la terre.»
19 De son vrai nom, Alfred Rudolf Glauer.
20 Le nom de Thulé fut donné par un membre du Germanorden, Walter Nauhaus, ceci au référence au «berceau mythique des Aryens» et à l’«Atlantide blanche et pure des grands Germains blonds aux yeux clairs».
21 Ecrivain anglais connu pour être le père du racisme. Il professait l’idée que l’Allemagne devait dominer sur le monde entier.
22 Ecrivain français, auteur d’un Essai sur les inégalités humaines.
23 Marie-France James écrit: «. il demeure que Hitler recelait des capacités médiumniques qui l’ont, pour une part, servi et, pour l’autre, assujetti à des influences incontrôlables» (in Les précurseurs de l’Ere du Verseau, p. 161).
24 F. A. Schaeffer, La mort dans la Cité, p. 18, La Maison de la Bible, Genève, 1974.
25 Parmi lesquels Chateaubriand, Lamartine, Vigny, Blake, etc.
26 Romancier anglais, auteur de 1984.
27 Auteur du best-seller Le Tao de la Physique.
28 Professeur d’histoire en Californie, auteur de l’Homme planète.
29 Journaliste américaine, auteur des best-sellers Les Enfants du Verseau et La Révolution du cerveau.
30 F. A. Schaeffer, ibid., p. 18.
Le chapitre 8 de l’épître aux Romains nous servira de base pour la quatrième et dernière partie de cette étude sur la vie du chrétien né de Dieu.
Toutes choses (Troisième partie de Romains 8)
V.28-39: Toutes choses
Paul en arrive au point culminant de son développement dans lequel il décrit la vie nouvelle en Christ. Après avoir parlé des effets du Saint-Esprit qui habite dans la chair pécheresse du croyant, Paul passe en revue le but ultime du plan de salut de Dieu.
Nous pouvons diviser ce texte en deux parties:
1. 28-30: Le bien dans l’optique de Dieu
2. 31-39: Questions et réponses
1. v.28-30: Le bien dans l’optique de Dieu
28. Nous savons du reste que toutes choses coopèrent au bien de ceux qui aiment Dieu, de ceux qui sont appelés selon son dessein.
29. Car ceux qu’il a connus d’avance, il les a aussi prédestinés à être semblables à l’image de son Fils, afin qu’il soit le premier-né d’un grand nombre de frères.
30. Et ceux qu’il a prédestinés, il les a aussi appelés; et ceux qu’il a appelés, il les a aussi justifies; et ceux qu’il a justifiés, il les a aussi glorifiés.
Paul nous dit que tout ce qui nous arrive est pour notre bien. Et il dit que nous le savons. Comment cela? Nous savons du reste…, comme si cela allait de soi! Dans le texte grec, l’accent est mis sur ceux qui aiment Dieu. Et pourquoi aimons-nous Dieu? Il y a deux raisons à cela. 1 Jean 4.19 nous en donne la première: Nous aimons Dieu, parce que lui nous a aimés le premier. Il l’a prouvé en donnant sa vie pour nous. La deuxième raison: L’amour de Dieu est répandu dans nos coeurs par le Saint-Esprit qui nous a été donné [Rom 5.5].
Il faut se savoir aimé de Dieu et l’aimer en retour pour avoir l’assurance que vraiment toutes choses sans exception concourent à notre bien, autrement dit: sont bonnes pour nous. Sans l’amour de Dieu et pour Dieu, comment accepter cette vérité consolante?
Là il faut ne pas oublier que Dieu n’est pas toujours l’auteur de ce qui nous arrive. Dieu a permis à Satan de démolir les biens et la vie de Job, dont Dieu dit: Il n’y a personne comme lui sur la terre; c’est un homme intègre et droit, qui craint Dieu et s’écarte du mal [Job 1.8 & 2.3]. En craignant Dieu, Job s’est placé sous la souveraineté de Dieu, qui met des limites au mal que Satan peut faire à Job. Dieu n’a pas fait un pari avec Satan à la légère: Job a dû passer par son épreuve pour glorifier Dieu devant tous les anges et pour apprendre quelque chose de fondamental: on ne discute pas avec Dieu, dont la grandeur est révélée par ses oeuvres. Mais il y a encore une troisième raison: sans l’histoire de Job, nous ne saurions pas que le malheur qui frappe un homme n’a pas besoin d’être lié à sa mauvaise conduite, ce que les amis de Job n’arrivaient pas à comprendre. Dieu est totalement souverain et n’a de comptes à rendre à personne: Je forme la lumière et je crée les ténèbres. Je réalise la paix et je crée le malheur (ou: le mal) [Esaïe 45.7]. Rien n’échappe jamais à l’autorité suprême de Dieu.
D’ailleurs le texte dit que toutes choses coopèrent au bien de ceux qui aiment Dieu. Satan a beau se démener, Dieu en fera découler du bien pour les siens, même si ce qui leur arrive a tout l’air du contraire.
Pour aider le chrétien à accepter aussi le mal qui lui tombe dessus, Dieu lui révèle deux choses le concernant:
1. Il a été appelé selon le dessein de Dieu; ce dessein (plan) ne peut donc pas tolérer que ce qui lui arrive soit pour son mal.
2. Il a été prédestiné à être semblable à l’image de son Fils; en vue de ce but, ce qui lui arrive ne peut pas aller à l’encontre de l’intention de Dieu.
Le v.29 nous fait aussi mieux comprendre ce qu’est la prédestination. Elle n’est nullement un choix arbitraire, car elle est basée sur la préconnaissance de Dieu. Dès avant que nous ayons existé, Dieu nous connaissait. Il savait que Paul se convertirait sur le chemin de Damas; il l’a donc appelé, et il l’a justifié à cause de sa foi. Il en va de même pour chaque enfant de Dieu: connu – prédestiné – appelé – justifié – glorifié.
En fait, c’est le contenu de ce bien auquel Dieu coopère: glorifié parce que devenu semblable à l’image de son Fils. Non: au Fils, mais: à l’image du Fils. Nous ne sommes destinés à être des «répliques» du Fils de Dieu, mais à lui ressembler comme des frères se ressemblent. Le Fils de Dieu aura toujours la première place, étant le premier-né d’un grand nombre de frères.
Le bien auquel coopèrent toutes choses, c’est donc la glorification avec Jésus-Christ en tant que ses frères.
Rassurons-nous donc: quand le malheur frappe, le deuil, la maladie, la perte des biens ou de la liberté, le martyre même, c’est pour notre bien; ce sont des jalons sur le chemin de la glorification. Le sens du mot «gloire» a déjà été examiné plus haut. On peut y ajouter les sens «parure, ornement». L’éclat, le rayonnement se dégagent de la personne de Dieu. A la révélation de Jésus- Christ, toutes les perfections de Dieu seront rendues visibles. De ceux qui aiment Dieu, il est dit qu’ils n’auront ni tache ni ride, mais qu’ils seront saints et sans faute [Eph 5.27]. Voilà l’éclat final auquel Dieu a prédestiné ceux qu’il a appelés, ceux qu’il aime, ceux qui l’aiment.
Tout cela dépasse de loin ma compréhension limitée; c’est trop sublime pour que ma raison humaine puisse en saisir la portée. Et pourtant, c’est le contenu de notre espérance, de notre attente, et elle ne sera pas déçue.
Et Paul le sait. Il nous ramène sur terre, dans le vif de notre existence actuelle. Il connaît les questions que les auditeurs ou les lecteurs de ces révélations ont sur la langue. Et il les pose, l’une après l’autre.
2. v.31-39: Questions et réponses
Question 1: v.31-32
31 Que dirons-nous donc à ce sujet ? Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous?
32 Lui qui n’a pas épargné son propre Fils, mais qui l’a livré pour nous tous, comment ne nous donnera-t-il pas aussi tout avec lui, par grâce?
Que dirons-nous donc à ce sujet? Oui, que faut-il penser de tout cela? Paul répond par une deuxième question: Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous?
Comme pour dire: après toutes les grâces de Dieu que je vous ai présentées dans leur enchaînement admirable, comment Dieu pourrait-il être contre nous ? On peut aussi comprendre la question ainsi: Puisque Dieu est pour nous, qui sera contre nous? Puisque Dieu a livré son propre Fils pour nous, pourquoi nous priverait-il de quoi que ce soit? …comment ne nous donnerait-il pas aussi tout avec lui, par grâce? Ah oui: aucun mérite de notre part ! Tout est dû à la seule grâce de Dieu, tout sans exception.
Question 2: v.33
33 Qui accusera les élus de Dieu? Dieu est celui qui justifie!
Qui accusera les élus de Dieu? Et si on nous accuse? Et si Satan nous accuse devant le tribunal céleste? Car il le fait: il est nommé l’accusateur de nos frères, celui qui les accuse devant notre Dieu jour et nuit [Apoc 12.10]. Combien j’aime la réponse lapidaire de Paul:
Dieu est celui qui justifie! Qu’y a-t-il à ajouter ? Puisque Dieu lui-même, la plus haute instance de l’univers, nous justifie, tout a été dit; tout doute est exclu.
Question 3: v.34
34 Qui les condamnera? Le Christ-Jésus est celui qui est mort; bien plus, il est ressuscité, il est à la droite de Dieu, et il intercède pour nous!
Qui les condamnera? Car il leur arrive de pécher, de commettre tel péché qui colle à leur peau… La réponse, toute aussi définitive:
Le Christ-Jésus est celui qui est mort; bien plus. il est ressuscité, il est à la droite de Dieu, et il intercède pour nous!
Christ (le Messie, le Fils de Dieu), Jésus (le Sauveur): il n’y a maintenant plus de condamnation, disait le premier verset de ce chapitre.
Lui le juste est mort pour moi l’injuste. Mon péché, je le connais, je le confesse, et il est fidèle (à sa promesse) et juste (justice ayant été faite à la croix) pour nous pardonner nos péchés et nous purifier de toute iniquité (donc même des fautes dont je ne suis pas conscient) [1 Jean 1.9].
purifié à jamais de tous mes péchés !
Et il est à la droite de Dieu. N’a-t-il pas dit, avant d’y aller: Tout pouvoir m’a été donnée dans le ciel (justement !) et sur la terre [Mat 28.18].
Encore plus: il intercède pour nous: aucune accusation ne tient devant lui, aucune condamnation n’est plus possible! On rejoint ici le premier verset de ce chapitre.
Question 4: v.35-39
35 Qui nous séparera de l’amour de Christ ? La tribulation, ou l’angoisse, ou la persécution, ou la faim, ou le dénuement, ou le péril, ou l’épée?
36 Selon qu’il est écrit: «A cause de toi, l’on nous met à mort tout le jour: On nous considère comme des brebis qu’on égorge [Ps 44.23].
37 Mais dans toutes ces choses, nous sommes plus que vainqueurs par celui qui nous a aimés.
38 Car je suis persuadé que ni la mort, ni la vie, ni les anges, ni les dominations, ni le présent, ni l’avenir,
39 ni les puissances, ni les êtres d’en-haut, ni ceux d’en-bas, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu en Christ-Jésus notre Seigneur.
Qui nous séparera de l’amour de Christ? Quelque chose ou quelqu’un pourrait-il nous couper de l’amour de Dieu? De nouveau, Paul répond par une question: «Y a-t-il un seul mal, un seul malheur, une quelconque catastrophe ou puissance qui pourrait nous séparer de l’amour de Dieu?» Paul répond par un NON! catégorique. Non, car même si je dois être exécuté, abattu, décapité, égorgé, Dieu m’aime toujours du même amour total.
Dieu aimait-il moins Jean-Baptiste lorsqu’il fut décapité? ou Etienne lorsqu’il fut lapidé? ou Jésus lorsqu’il fut crucifié? Poser la question, c’est y répondre. Non, aucune souffrance, aucune calamité ne peut séparer le croyant de l’amour de Dieu en Jésus-Christ, mais au contraire contribue à son bien; la vie aussi bien que la mort y contribue; aujourd’hui aussi bien que demain; et ni toutes les puissances naturelles et surnaturelles, ni aucune créature (ni Satan non plus): rien ne peut changer quoi que ce soit à l’amour constant de Dieu pour les siens, parce qu’ils sont en Christ-Jésus, leur Sauveur et Seigneur.
Nous sommes ici bien loin de l’Evangile de la prospérité, qui promet santé, richesse et bonheur, et loin de l’Evangile de la puissance, qui promet que tout ce qui est désagréable peut être éliminé par de soi-disant «miracles». Tout coopère au bien de ceux qui aiment Dieu (v. 37). Pourquoi Paul écrit-il «plus que vainqueurs» ? Parce qu’il nous a aimés jusqu’à la croix; c’est là qu’il a obtenu la victoire pour nous, et c’est une victoire surnaturelle, qui dépasse celle de tous les héros du passé (Abraham, Joseph, Job, Daniel…). Par Christ, cette victoire est à notre portée.
Et c’est ainsi que Paul termine la partie didactique de cette épître. Par Jésus- Christ, l’amour de Dieu est devenu évident et opérant.
La parole de Col. 3.3 résume pour ainsi dire le message de ce chapitre extraordinaire: Ma vie est cachée avec le Christ en Dieu.
J.-P. Sch.
Daniel ARNOLD
Editeur: Editions Emmaüs, CH-1806 St-Légier, 208 pages, 2000
CET OUVRAGE est un commentaire évangélique du livre d’Esther. Un coup de chapeau à l’auteur de ce commentaire qui a le don – comme il nous l’a déjà prouvé par son dernier commentaire sur les Juges – d’aborder les questions qui préoccupent l’homme moderne. Malgré l’absence apparente de Dieu dans ce livre, il est partout visible par sa Providence. Il contrôle et règle tout, à chaque détail près, afin que ses desseins s’accomplissent en faveur de son peuple.
Esther aborde aussi les grandes questions qui agitent la société moderne: sexisme, féminisme, racisme, génocides, soif de puissance, légitime défense, sanctions, peine capitale, etc. Ce livre est donc passionnant et actuel.
Nous apprenons aussi à travers ce livre que nous pouvons «survivre dans un monde hostile», question aussi actuelle qu’au temps d’Esther. Le Dieu tout-puissant, saint et juste est aussi un Dieu de grâce et de tendre sollicitude envers tous les siens.
L’auteur du commentaire a divisé son ouvrage en six chapitres principaux: 1. Un aperçu de l’écho que le livre a reçu dans différents milieux; 2. Une synthèse des données sur les caractères des principaux personnages; 3. D’autres considérations littéraires sur la structure, le genre littéraire et le message du livre; 4. un examen des questions historiques: contexte, identification des principaux personnages, date de la rédaction et auteur, questions liées à l’historicité du livre; 5. Le commentaire des neuf chapitres du livre d’Esther et 6. Le problème du livre d’Esther dans la traduction grecque des Septante. Septante-sept pages sont consacrées à l’introduction du livre d’Esther, nonante- huit pages à ses neuf chapitres, commentés selon les divisions, quatorze pages pour la question de la traduction des Septante, et cinq pages pour la bibliographie.
Pour faire envie au lecteur d’étudier le livre d’Esther avec l’aide de cet ouvrage passionnant et instructif, il nous a semblé bon de nous y étendre un peu plus.
Un livre apprécié et contesté (p. 9 – 11). Nous apprenons que ce livre a subi à travers les âges passablement d’attaques quant à sa canonicité, son historicité et sa valeur spirituelle et éthique – certains rabbins, la traduction des Septante, qui a ajouté à peu près 50% de texte par rapport à la version originale en hébreu, l’Eglise d’Orient, l’Eglise d’Occident, même Luther à certains égards. Or l’ouvrage de Daniel Arnold démontre de façon magistrale combien le livre d’Esther est divinement inspiré, et met en valeur les différentes facettes de ce livre divin qui pointent vers son Auteur, comme par exemple, le rôle qu’y joue la Providence, sa logique, sa structure, son harmonie, son éthique, etc.
Le portrait des principaux personnages (pp. 13-32). Nous apprécions la perspicacité avec laquelle l’auteur de l’ouvrage décrit les personnages leur caractère et leur relation avec l’histoire d’Esther. Les événements s’enchevêtrent les uns dans les autres et Dieu, dans le livre d’Esther, fait intervenir chaque personnage et chaque événement au moment juste. Caractères et événements sont intimement liés, et D. Arnold fait ressortir avec force que Dieu reste le Maître de l’Histoire. De nos temps où les assauts contre l’inspiration plénière et l’inerrance des Ecritures se multiplient, il est encourageant de voir combien le Dieu souverain et omnipotent tient tous les fils de l’Histoire, lui dont la Providence ressort de façon si surprenante tout au long du livre.
Haman, personnage totalement égocentrique, orgueilleux, arrogant, colérique, impatient, ésotérique et superstitieux, est le type de l’insensé. Assurérus à la façade sympathique, passif et irresponsable, est toujours d’accord pour plaire à tout le monde, car il aspire à la toute-puissance, et il manque totalement de discernement. Pour délivrer son peuple des machinations diaboliques, Dieu sucite deux personnages singuliers: Mardochée et Esther. Mardochée, discret, réservé, humble, patient, persévérant, prévenant envers les faibles et respectueux du droit et de la justice est un homme ferme dans la foi et courageux; il ne recherche que l’honneur de Dieu. Il le fait dans l’abnégation de luimême. N’est-il pas une figure de la sagesse par excellence? Contrairement à Haman et Assuérus à l’éthique «utilitariste » et «situationnelle», Mardochée vit une éthique qui honore Dieu. Esther, soumise, vraie femme et discrète, développe son caractère à travers cette épreuve de force.Elle n’est pas le jouet du roi, mais l’instrument de Dieu pour préparer un renversement de situation. Grâce à sa discrétion, sa volonté et sa fidélité à son Dieu tout basculera en faveur de Dieu et de son peuple. Dieu, dans l’histoire d’Esther, est le personnage le plus important. Pourtant, son nom n’y apparaît jamais, et «il n’y aucune référence à la prière, au Temple, aux sacrifices, à l’alliance, à Jérusalem». Sa discrétion ne fait ressortir qu’avec d’autant plus d’éclat son contrôle souverain et sa providence dans les événements. A l’auteur de dire avec pertinence que «l’absence du nom de Dieu est un moyen propre à souligner que c’est le Dieu caché qui ouvre et accomplit ses desseins. Le livre d’Esther illustre la réalité d’un monde de prétention, où chacun veut paraître important et où Dieu est négligé. L’absence du nom divin se révèle donc comme fondamentalement pédagogique» (p.32).
Le message du livre et les caractéristiques littéraires (pp.33-77). «L’aventure d’Esther est donc celle d’un drame avorté, mais c’est aussi un drame conté». La narration produit un effet dramatique dans chaque chapitre et dans chaque situation. Le génocide planifié, décrété et vécu dans les premiers chapitres par les uns se transforme en un effet de boomerang contre les méchants. Une autre caractéristique du livre est la surprise qu’il produit sur le lecteur à chaque retournement de situation. «Esther est un livre à mystère». Plusieurs interrogations se posent au lecteur. Daniel Arnold nous donne trois groupes de questions intéressantes. On y trouve aussi de l’ironie. Il cite huit exemples de retournements de situations dans lesquels on a l’impression que l’auteur sacré choisit tel événement pour ironiser sur les intentions et les actes du cour du méchants parce qu’ils seront finalement anéantis par le Dieu invisible, mais bien à l’ouvre en faveur des siens. «Dieu règne en maître sur ce monde, même quand les hommes ne lui prêtent aucune attention». En revanche, la sagesse de Mardochée et d’Esther nous servent d’exemples. La sagesse du juste sort finalement au grand jour. La structure du livre contient plusieurs dualités composées de paires de personnages et d’événements et d’autres «éléments secondaires». L’auteur de l’ouvrage présente aussi «la structure d’Esther en forme de chiasme («procédé stylistique qui consiste à placer les éléments de deux groupes formant une antithèse dans l’ordre inverse de celui que laisse entendre la symétrie» (Le Petit Larousse). On y trouve deux fois sept éléments pour l’ensemble du livre (p.32). Puis, nous retrouvons des chiasmes dans les chapitres un (p.82), deux (p.93), trois (p.104), et quatre (p.114). L’histoire d’Esther affiche aussi un rythme qui «s’intensifie à l’approche du centre, puis se relâche vers la fin du livre. Il y a crescendo et decrescendo ». Le dénouement se trouve au milieu du livre (5.3-7.2), où nous assistons à un retournement foudroyant de situation avec deux éléments importants: «l’intervention divine et la ruse» sage d’Esther. Daniel Arnold relève aussi d’intéressants parallélismes entre Joseph et Mardochée, Moïse et Esther, Ruth et Esther, et Saül et Mardochée. Relevons également la réalité historique dont l’auteur parle. Ces «répétitions dans l’histoire biblique montrent l’unité fondamentale de dessein divin, alors que les différences reflètent les diversités de la vie, ainsi que les particularité du plan divin dans le temps».
Le message fondamental du livre pointe vers «la survie des fidèles dans un monde hostile», réalité très actuelle. Dieu reste-t-il passif, inexistant ? Esther démontre à quel point Dieu prend soin des siens dans toutes les circonstances de la vie. La sagesse, la pratique de la justice et la commémoration de la victoire sont trois enseignements précieux que la narration nous fournit. Le chrétien est aussi appelé à commémorer la mort et la résurrection de Jésus-Christ. Bref, survivre dans un monde hostile est impossible sans le secours du Dieu invisible, omnipotent et toujours présent. Ces parallélismes doivent nous rappeler que Jésus a fait une «ouvre différente, meilleure et plus grande», car «le salut n’est plus lié à une terre», et le chrétien n’est pas appelé à se retirer du monde, mais à être un témoin de Christ. Nous sommes «dans le monde sans être du monde» (Jean 17.11,14,15). Le livre «d’Esther doit aussi être lu dans le cadre de la révélation progressive de Dieu». C’est une étape vers le divin Mardochée qui viendra délivrer son peuple et juger le monde. Dans cette attente, nous sommes appelés à mettre notre entière confiance en Dieu (Héb 11.1), même s’il reste discret sur la scène. Un mot encore concernant la typologie. Il faut être prudent dans ce domaine, car souvent de tels effort d’allégorisation peuvent aussi voiler une explication du comportement d’Esther et de Mardochée par exemple. Après tout, la victoire finale nous est assurée, mais nous ne devons pas nous arrêter à mi-chemin dans notre combat de la foi.
Contexte historique, date et auteur (pp.59-77). Cette partie est consacrée à une défense claire en faveur de l’historicité du livre d’Esther. L’auteur le fait avec compétence. En le situant entre 483 et 472 av. J.-C. et en l’insérant entre Esdras 6 et 7, soit entre la reconstruction du temple sous Darius I en 516 et le retour d’Esdras en 457. Assuérus est identifié à Xerxès. Les chapitres 1 et 2 d’Esther cadrent à merveille avec les événements cités par l’historien Hérodote. L’historicité de Vasthi, Esther, Mardochée et le génocide contesté par les théologiens libéraux ne résistent pas aux arguments avancés par Daniel Arnold. La date ancienne de la rédaction est en harmonie avec l’historicité du livre dont l’auteur pourrait bien être Mardochée, «auteur talentueux, capable de reconnaître dans l’histoire l’harmonie des desseins divins» (p.77).
Commentaire (pp.81-176). La seconde partie de son ouvrage est consacrée à un commentaire des neufs chapitres, subdivisés en chapitres et sections à l’intérieur des chapitres. Chaque chapitre est précédé d’une introduction. Ce qui rend le livre particulièrement attrayant, c’est l’actualisation des différents problèmes, événements et comportements des principaux acteurs à la lumière des textes sacrés. Les récits sont expliqués sous l’angle d’une éthique biblique en harmonie avec l’ensemble de l’Ecriture divinement et pleinement inspirée. La principale force de cet ouvrage est, à notre avis, de se focaliser sur la souveraineté absolue de Dieu et sur sa Providence, ce qui donne à la foi chrétienne un ancrage très solide dans un monde hostile.
Le livre d’Esther dans la traduction grecque des Septante (pp.179- 194). Cette annexe intéressante nous apprend que l’on passe de 167 versets du texte hébreu à 267 dans le texte grec de la version des Septante. Les omissions du texte hébreu sont de 9%, la traduction libre de 36% et seulement 55% du texte hébreu sont traduits fidèlement dans le texte grec. Toute cette problématique nous est donnée en détail, et nous apprécions ces informations précieuses qui nous rappellent combien nous devons être reconnaissants pour des Versions traduites sur la base des textes originaux en hébreu pour l’Ancien Testament et en grec pour le Nouveau Testament.
Bibliographie (pp.195-199). Elle contient cinq pages et est utile au lecteur qui aimerait approfondir encore l’étude du livre d’Esther.
Nous avons aussi apprécié les nombreuses notes explicatives et complémentaires au texte en fin de chaque page. Les quelques tableaux, dessins et graphiques frappent l’oil par leur clarté et leur simplicité et nous aident en même temps à mieux comprendre les explications.
En résumé, ce nouvel ouvrage qui vient s’ajouter à celui des Juges («Les héros de la foi») est venu enrichir la bibliothèque du lecteur assidu d’un nouveau «classique» parmi les commentaires excellents de la Bible, et nous le recommandons chaleureusement.
Henri Lüscher
Nous avons un avocat auprès du Père, Jésus-Christ, le Juste (1 Jean 2.1).
Quand je vois un monde perdu,
Quand mon esprit est abattu
Par les combats de cette terre
J’en parle avec mon Dieu, mon Père.
«J’entends» Jésus dire à Satan:
«Retire-toi, c’est mon enfant.
Pour elle, j’ai donné ma vie,
En cette instant elle me prie.
Sur elle, tu n’as aucun droit.
N’y touche pas, elle est à moi».
Quand l’ennemi, veut, du passé,
Me rappeler quelque péché,
Quand il vient par la maladie
S’acharner à briser ma vie.
«J’entends» Jésus dire à Satan:
«Retire-toi, c’est mon enfant.
Pour supporter toute souffrance,
Je la revêts de ma puissance.
Sur elle tu n’as aucun droit.
N’y touche pas, elle est à Moi».
Bien que vaincu, l’accusateur,
Aux rachetés veut faire peur.
S’il se déchaîne sur la terre
Aux fils de Dieu, que peut-il faire?
L’amour de Christ, si grand, si fort,
Les mène en paix vers l’autre bord.
Jésus sur eux veille sans cesse,
Il est fidèle à sa promesse.
Plus d’inquiétude, plus d’effroi,
Quand Jésus dit: «Ils sont à moi».
ETHIQUE PRATIQUE
(2e partie et fin)
D. Les rôles et les fonctions de la famille
Nous avons examiné les origines de la famille et son caractère profond, sa structure; voyons maintenant quel est son rôle fondamental, ou plutôt quels sont les nombreux rôles qu’elle est appelée à jouer. Il nous faut remarquer tout d’abord que la famille a, dans nos sociétés actuelles occidentales, une fonction extrêmement limitée. Et ce modèle de famille, de par la domination politique, économique et culturelle de l’Occident, a un grand pouvoir d’attraction sur toutes les familles du monde. Mais ce modèle occidental, lorsqu’on le compare au modèle biblique (et au modèle largement répandu parmi les nations, même non chrétiennes, pendant des générations), est en fait une image profondément déformée, qui ne reflète plus le vrai caractère de la famille et les accomplissements potentiels de cette institution. Le modèle actuel occidental de la famille – un regroupement temporaire, fragile et instructuré d’individus égaux et interchangeables – n’a en fait plus grand chose à voir avec la famille telle qu’elle est révélée dans les enseignements des Écritures. Cette vision occidentale réductionniste de la famille est une anomalie 9 sociologique et historique, une aberration philosophique 10, et du point de vue de la Foi Chrétienne Historique, indiscutablement hérétique théologiquement. C’est un modèle à rejeter résolument si nous voulons nous attaquer aux nombreux problèmes qu’il a apportés à notre civilisation.
1. La famille en tant qu’élément fondateur de la société
Comme en témoigne clairement la Torah, la famille possède une priorité temporelle sur toute autre institution sociale. Dieu a d’abord créé Adam, puis d’Adam il a tiré Eve et ensemble ils ont donné au monde des enfants. Toutes les institutions sociales – religieuses, politiques, économiques, culturelles et autres – ont leurs racines en cette famille originelle. Et ceci suffit à justifier la finalité de ce Congrès et explique son motto: la famille naturelle est l’élément fondateur de la société.
Mais il nous faut dire encore beaucoup de choses. Avec la diversification de la société, les fonctions qui par le passé étaient tenues exclusivement par la famille dans les domaines de la religion, de la politique, de l’économie et de la culture, se sont vues déléguées à de plus larges institutions, jugées plus aptes à accomplir ces fonctions , telles que l’État, l’Église, les organisations commerciales, les écoles, etc. Il n’en reste pas moins que plusieurs de ces fonctions font toujours partie, en substance, de la vocation fondamentale de la famille. C’est une chose de les déléguer à d’autres organisations. C’en est une autre d’abandonner les fonctions politiques, économiques, éducatrices et religieuses de la famille à l’État, à l’Église, aux organisations commerciales ou aux écoles; cela constitue un détournement de la vocation des vraies fonctions de la famille. La famille occidentale a en fait renoncé à pratiquement toutes les fonctions que Dieu lui avait assignées, et les a abandonnées à l’Etat Tout-puissant. Elle est dès lors devenue une coquille vide, un assemblage temporaire et insignifiant d’individus, menacé à tout moment d’être dispersé. Malgré leurs prétentions à la liberté et à l’autonomie, ces individus sont totalement dépendants du bon fonctionnement de notre nouveau Leviathan, l’État moderne bureaucratique. Comme nous sommes éloignés aujourd’hui de cette réalité sociale si bien exprimée par le proverbe anglais: Every man’s home is his castle («le foyer de chaque homme est pour lui un château»). Nous allons maintenant examiner ce que représente la vision biblique de la famille.
2. La famille en tant qu’ordre politique en miniature
Dans la perspective biblique, le mot gouvernement ne s’applique pas en premier lieu au gouvernement de l’état. Les hommes et les femmes doivent d’abord savoir se gouverner soimême avant de vouloir gouverner les autres. Mari et femme peuvent alors s’efforcer de gouverner leur maisonnée. Puis vient le gouvernement d’organisations plus larges, telles que l’Église, les entreprises commerciales, et toutes sortes d’associations volontaires. Et c’est seulement après que l’on parle de gouvernement en tant que gouvernement de la société au sens large. On fait bien de se rappeler qu’au début (c’est-à-dire à la création du monde), la famille biblique constituait le premier ordre politique. De par sa nature même, elle représente une société politique indépendante. Elle possède une autorité présidentielle en la personne du père; un gouvernement différentié sous la forme de la direction commune de la famille par les parents. Et placés comme ils le sont sous l’autorité suprême de la loi de Dieu, les gouverneurs de la famille établissent les règles par lesquelles elle fonctionne; la famille exerce donc une fonction législative. De plus, au sein de la famille, les parents constituent une autorité judiciaire qui peut, de son propre chef, juger les cas où les lois de la famille ont été violées. Enfin, la famille exerce des fonctions policières très claires, puisqu’elle possède l’autorité biblique lui permettant de punir les actes contraires aux lois de son modeste état.
Voilà les privilèges et devoirs qui, d’une perspective biblique, font de chaque famille un ordre politique indépendant. Bien sûr, ce microcosme politique ne vit pas dans un vacuum, indépendant d’un ordre politique plus large, celui de l’État, placé à son tour sous l’autorité suprême de la loi de Dieu. La signification exacte de la Parole de Dieu est définie par l’enseignement magistérial de l’Église fidèle. L’état est obligé, chaque fois que c’est nécessaire, de punir tout crime perpétré au sein du microcosme politique qu’est la famille. Mais l’intervention d’une telle autorité externe doit se limiter strictement aux crimes bona fide et ne doit être entreprise qu’avec prudence. Car c’est aussi une des fonctions de l’état, tel qu’il est compris dans la Bible, de veiller à ce que l’indépendance de ces ordres politiques miniature familiaux soit préservée. Ce que nous observons de nos jours en Occident, c’est l’action persistante de l’état séculier (i.e. athée), qui cherche à usurper les fonctions politiques de la famille et donc de les réduire à néant. Dans mon pays, la Suisse, par exemple, l’autorité paternelle a été légalement abolie au nom d’une égalité (et même interchangeabilité) fonctionnelle entre mari et femme. Les noms même de «époux» et «épouse» n’apparaissent plus dans notre loi matrimoniale fédérale. Ils ont été remplacés par le terme de «partenaire». Dans certains pays européens, les punitions corporelles que la Bible autorise les parents à utiliser à l’égard de leurs enfants peuvent aujourd’hui amener les parents en prison! Et nous sommes maintenant en train de nous enfoncer encore plus loin dans la dévaluation de la famille biblique avec le projet de nos autorités de donner statut légal aux soi-disant «couples homosexuels ». Cette aberration de la nature et de la morale a récemment passé dans la loi en France, qui suit ainsi l’exemple des Pays-Bas, du Danemark, de la Suède, de la Norvège et de l’Islande. Il est évident aujourd’hui que nos nations «post-chrétiennes» ont perdu tout sens de la nature et de la finalité de la famille. Les nations non-chrétiennes n’ont pas encore atteint un stade aussi avancé de corruption intellectuelle, morale et sociale. Entre autres valeurs, elles conservent encore – mais pour combien de temps? – un sens de la signification créationnelle de la famille.
3. La famille en tant qu’ordre économique en miniature
La vision biblique de la famille implique également un haut degré d’autonomie sur le plan économique. La famille est essentiellement conçue comme un organisme économique indépendant. Donc, d’un point de vue chrétien, l’élément économique de base de la société est la famille. Dans ce sens, tous les membres de la famille ont un rôle décisif, mais différencié, à jouer dans l’économie familiale. Le père porte la responsabilité de pourvoir aux besoins matériels de la famille. Et en cela, il est secondé par les activités très variées de son épouse – de qui le travail touche principalement à la construction du foyer – mais les enfants aussi, en grandissant, deviennent des aides de plus en plus utiles. Les domestiques, et dans certaines sociétés les esclaves, doivent, du point de vue biblique, être considérés comme faisant partie de la maison et être traités en conséquence. Bien sûr, en se mariant, les enfants quittent leurs parents pour constituer leur propre nouvelle famille indépendante. Mais les liens latéraux qui unissent les familles restent forts. Ces extensions de la famille originale forment de nouveaux organismes politiques et économiques, fonctionnant indépendamment des parents mais non oublieux des responsabilités qu’ils gardent envers ceux-ci. Cette relative autarcie économique a été jusque dans un passé récent un phénomène très commun, la ferme familiale en Europe en est un exemple. Un autre exemple en était la petite échoppe artisanale 11. En tant que famille, nous avons fait l’expérience de l’efficacité et du pouvoir d’un tel organisme familial, surtout dans la bataille que nous livrons depuis vingt-cinq ans pour la défense de la famille traditionnelle en Suisse Romande. Sans l’aide constante de mon épouse et de mes enfants, qui ont tous collaboré de bon coeur dans le cadre de notre Association Vaudoise de Parents Chrétiens, nous n’aurions jamais pu accomplir autant de choses 12.
Mais ce n’est pas tout. Une vision aussi hautement fonctionnelle de la famille implique une attitude positive à l’égard de la naissance des enfants. Dans la perspective biblique, la naissance d’un enfant est toujours vue comme une grande bénédiction et la croissance de la famille perçue comme un accroissement de pouvoir. En effet, une famille bien organisée, hiérarchique et disciplinée, est une organisation très puissante. Et c’est bien pour cela que l’État moderne athée s’acharne à la détruire. Car une telle famille est non seulement une institution très productive, mais elle constitue en plus un élément fondamental et extrêmement efficace dans l’exercice de l’assistance sociale. Dans une telle famille, les vieux parents ne sont pas cruellement privés de toute fonction productive dans la société par l’obligation de prendre leur retraite à un âge arbitraire, mais, leurs forces diminuant, ils réduisent progressivement leurs activités. Leurs vieux jours sont assurés, non par les plans de retraite fragiles et impersonnels de l’état, mais par le soutien personnel que leur apportent leurs nombreux enfants, pour qui honorer son père et sa mère garde toute sa signification. Au sein d’une structure aussi forte et flexible, il est également aisé d’intégrer les membres non mariés de la famille. Ainsi, tous – jeunes et vieux, mariés et célibataires – jouent un rôle important dans les multiples facettes de la vie de famille. Le ressort d’une telle famille en fait un organisme capable de soutenir ses membres en situation de crise, en cas de maladie, par exemple, de deuil ou de perte d’emploi. Une institution aussi forte et flexible est un véritable rempart contre les assauts totalitaires de l’état bureaucratique moderne.
4. La famille en tant qu’organisme culturel et éducationnel
En Occident, il est considéré comme normal que la famille ne soit pas directement impliquée dans l’éducation scolaire des enfants. En général, cette tâche est déléguée au système éducationnel de l’état. Mais l’enseignement biblique à ce sujet est très clair: cette tâche est un devoir incombant aux parents, qui sont responsables devant Dieu de l’éducation religieuse, morale, intellectuelle et pratique donnée à leurs enfants 13. Les parents peuvent décider de déléguer leur autorité à des organisations externes à la famille, à des écoles privées par exemple, qui enseignent leurs enfants dans un cadre qu’ils approuvent, ces parents n’en demeurent pas moins personnellement responsables de l’éducation donnée à leurs enfants. Le mouvement Christian Home School (Ecole chrétienne à la maison) qui a pris tant d’ampleur depuis sa création aux États-Unis il y a à peu près vingt ans et qui a aujourd’hui pris racine dans plusieurs autres pays, a beaucoup contribué à la restauration de cette fonction éducationnelle vitale pour la famille 14. Les résultats académiques et éducationnels en ont été remarquables. Mais ce n’est pas tout; la restauration de cette fonction parentale a aussi eu des effets exceptionnels sur la vie même, la structure et la cohésion des familles impliquées. Le retour des parents à cet aspect d’obéissance active aux conditions de l’alliance biblique a amené avec lui de grandes bénédictions. Non seulement, les enfants sont élevés dans la foi chrétienne de leurs parents, mais les parents eux-mêmes redécouvrent les richesses immenses et inattendues de l’institution que Dieu leur a confiée. Ce chemin mène à la restauration de la famille en tant qu’institution fondatrice de la société et au détrônement des prétentions religieuses – dans ce cas culturelles et éducationnelles – de l’état et de sa domination arrogante et contre nature sur les institutions de la société. Le retour à ce chemin d’obéissance à Dieu ne peut que mener à la construction de structures sociales saines dans nos pays.
5. La famille en tant qu’institution religieuse
Il n’est évidemment pas possible de parler du rôle de la famille dans le christianisme sans mentionner son rôle religieux. Comme nous l’avons déjà fait remarquer, la famille est indestructible, car en tant qu’institution créationnelle, elle porte l’image de la Famille Céleste, la Sainte Trinité, Un Dieu en Trois Personnes divines, Père, Fils et Saint Esprit. Nous avons vu aussi que la relation tendrement autoritaire et soumise entre mari et femme constitue une image vivante de la relation qui unit Jésus-Christ à son Église, l’Église représentant le précurseur de la nouvelle création. Dans la perspective chrétienne historique, qu’elle soit orthodoxe orientale, catholique romaine, évangélique ou réformée, la famille est une institution alliancielle. La famille est donc vue comme une institution placée sous la protection spéciale de Dieu. Depuis la fin du XVIIe siècle ce caractère allianciel de la famille a été remplacé en Occident par la notion séculière que la famille ne serait qu’une institution contractuelle, et tant que telle, dissoluble à volonté. La vision de la famille en tant que forme créée stable (comme les espèces en biologie, ou les éléments en chimie) a bel et bien été abandonnée à la faveur de la notion selon laquelle les individus (comme les atomes isolés de la physique newtonienne gouvernés seulement par les lois mathématiques) peuvent «faire» (ou défaire) la famille à volonté. L’Occident a donc abandonné toute perception du caractère sacré de la famille 15. Cette sécularisation de la famille est le fruit de l’athéisation de la pensée occidentale. Aujourd’hui, avec la reconnaissance légale des soi-disant «mariages homosexuels », nous avons franchi un seuil de plus. Nous ne reconnaissons même plus la normativité du caractère naturel de la famille.
En tant qu’institution religieuse, la famille a la priorité temporelle et pratique (sinon spirituelle) sur l’Église. Au commencement, et en la personne de nos premiers parents, Adam et Eve, la famille représentait l’Église. Il est intéressant de remarquer que les premiers sacrifices, ceux de Caïn et d’Abel, ont été offerts dans le cadre de la famille. Ce qui vaut aussi pour Noé aux temps du déluge, et pour les sacrifices offerts par Abraham, Isaac et Jacob. Cet état de choses changea quelque peu avec l’instauration des cérémonies de la loi mosaïque et bien plus tard avec la forme ecclésiastique d’adoration pratiquée dans l’église apostolique. Dans l’église apostolique des premiers temps, la maisonnée biblique servait souvent de noyau pour l’établissement de nouvelles églises locales. Mais même aujourd’hui dans la famille chrétienne, le père garde une autorité spirituelle qui fait de lui non seulement le chef politique, judiciaire et économique de son microcosme social, mais qui en fait également le chef religieux. Nous avons vu que dans la perspective chrétienne, le gouvernement est d’abord personnel; puis le gouvernement est celui de la famille par les parents; et pour finir, nous arrivons au gouvernement politique de la nation. De même, la relation du chrétien avec Dieu est tout d’abord intimement personnelle; puis elle s’exprime dans le contexte plus large du culte de famille; enfin, elle est officiellement ecclésiastique. Nous avons découvert, pas à pas, à quel point, dans la perspective chrétienne, la famille naturelle représente l’élément social fondamental. Nous voyons maintenant que cela est vrai aussi dans la sphère religieuse. Car si la famille est spirituellement en désordre, la communauté religieuse souffrira des mêmes troubles. Et à leur tour, de tels désordres religieux auront des conséquences très fâcheuses sur la société tout entière.
E. Conclusion
Il est temps de conclure notre rapide étude du rôle de la famille dans le christianisme. Ce que j’ai brièvement essayé d’évoquer devant vous n’est évidemment pas une description sociologique de l’état actuel de la famille dans ce qu’il reste aujourd’hui d’une chrétienté autrefois vivante, créative et généreuse. L’image que j’ai tenté de peindre devant vous est celle d’un modèle à imiter, modèle que tous ceux qui souhaitent la restauration de la famille devraient s’efforcer de mettre en pratique. Ce but à atteindre n’est rien moins que l’actualisation du modèle original de la famille établi à la création pour tous les hommes. Ce modèle est, certes, déformé par notre péché, notre désobéissance rebelle à la Sainte Loi de Dieu révélée dans la Torah, dans tous les commandements contenus dans le Tanak et dans le Témoignage Apostolique. Et les pouvoirs omniprésents aujourd’hui qui sont derrière l’utopie athéiste (et panthéiste) du globalisme s’acharnent à faire disparaître de la surface de la terre le peu qui reste de ce modèle dans nos nations. Mais l’assaut mondial actuel contre la famille – une guerre culturelle, politique, économique et spirituelle dont ce congrès témoigne amplement – cet assaut doit être vu comme un signe sûr du saint mécontentement de Dieu envers la condition actuelle de l’humanité. En conséquence de la formidable montée du mal dans notre monde, Dieu, fidèle à ses jugements allianciels quant à la persévérance bornée dans le péché, jugements consignés dans son Alliance avec les hommes, Dieu est aujourd’hui clairement en train de retirer sa main protectrice des familles et des nations de la terre. Il nous faut confesser que ce jugement divin sur les familles du monde frappe d’abord et avant tout, et le plus fort, nos nations chrétiennes – les nations d’une chrétienté impie, immorale et apostate. Il est toujours possible de détourner le jugement de Dieu, mais uniquement par une véritable et sincère repentance; par un abandon des hommes de leurs voies mauvaises et leur retour à la vénération et à l’obéissance dues au seul vrai Dieu. Le chemin de notre délivrance est révélé dans les Écritures divinement inspirées du Tanak et du Témoignage Apostolique, et manifesté publiquement dans la Personne du Fils de Dieu, le Messie d’Israël, notre Seigneur Jésus-Christ.
L’alliance établie au commencement avec nos premiers parents, Adam et Eve, a été brisée par leur désobéissance délibérée. Mais Dieu, dans sa grâce et sa patience infinies, a, à travers l’histoire des patriarches avant le déluge et plus tard avec les descendants d’Abraham, travaillé en vue du rétablissement de son alliance avec les hommes. Et la famille chrétienne est appelée à témoigner clairement de ce travail de rédemption, rédemption qui implique pour elle la délivrance de tous ses ennemis. L’alliance établie avec Adam, renouvelée avec Noé et Abraham, Moïse et David, a été finalement, complètement et définitivement établie par l’incarnation, la mort et la résurrection du Seigneur Jésus-Christ. Ce n’est qu’avec le retour en toute humilité de tous les hommes au témoignage de cette alliance immémoriale que nous pouvons espérer voir la défaite totale de ces pouvoirs maléfiques qui, dans leur perpétuelle ambition d’usurper le trône de Dieu, manifestent leur haine de la famille divine par leurs efforts acharnés pour détruire son image, la famille humaine. En ces temps dangereux, nous tirons notre consolation et notre espoir des paroles du prophète Esaïe, fidèlement consignées pour nous tous dans le Tanak d’Israël:
Il rendra à chacun la rétribution qu’il mérite: la fureur à ses adversaires, à ses ennemis ce qu’ils méritent, aux îles la rétribution qu’elles méritent. On craindra le nom de l’Éternel depuis l’occident et sa gloire depuis le soleil levant; quand l’adversaire viendra comme un fleuve, l’Esprit de l’Éternel le mettra en fuite. Un rédempteur vient pour Sion, pour ceux de Jacob qui se détournent de leur crime – Oracle de l’Éternel. Quant à moi, voici mon alliance avec eux, dit l’Éternel: Mon Esprit, qui repose sur toi, et mes paroles, que j’ai mises dans ta bouche, ne se retireront pas de ta bouche, ni de la bouche de tes enfants, ni de la bouche des enfants de tes enfants, dit l’Éternel, dès maintenant et à toujours. (Es 59.18-21).
J.-M. B
Notes:
* Ce texte et celui du numéro précédent de PROMESSES constituent un chapitre dans le livre de Jean-Marc Berthoud à paraître prochainement aux Editions de l’Age d’Homme sous le titre «Foi chrétienne et politique».
1 Etude lue à l’occasion du Deuxième Congrès Mondial des Familles à Genève, du 14 au 17 novembre 1999. (N.d.l.r.: nous avons légérement écourté la partie A. de l’Introduction avec l’autorisation de l’auteur). Pour un exposé plus complet des thèses développées ici, voyez le livre de Jean-Marc Berthoud, L’Ecole et la famille contre l’utopie (L’Age d’Homme, Lausanne, 1997) en particulier sa première partie, qui traite spécifiquement de la famille.
9 J. D. Unwin, Sex and Culture, Oxford University Press, Oxford, 1934; Hopousia, or the Sexual and Economic Foundations of a New Society, George Allen and Unwin, London, 1940.
10 Une aberration philosophique dans son rejet nominaliste des universaux, ici celui de la famille. Voyez l’étude de Georgette Papacostoula, Les conceptions d’Aristote sur la famille et l’éducation morale, Athènes, 1956.
11 Sur la nature de la famille européenne au XIXe siècle, voir les travaux de Frédéric Le Play.
12 Le roman épique Le cheval rouge du romancier italien catholique romain Eugenio Corti fournit un récit détaillé de la façon dont a fonctionné une telle famille en Europe pendant la période précédant et suivant de près la Seconde Guerre mondiale. Ce livre, qui en est déjà à sa quatorzième réimpression en Italie (et ceci malgré une totale ignorance de la part de la presse séculière!) est publié en français, en anglais et en espagnol.
13 Voyez par ex. Deut 6.4-9, et le livre des Proverbes qui abonde en conseils et directives sur la responsabilité essentielle de la famille dans l’éducation des enfants.
14 Voir Samuel Blumenfeld, Homeschooling. A Parents Guide to Teaching Children, Citadel Press (Carol Publishing Group, 120 Enterprise Avenue, Secaucus N.J. 07094), 1997.
15 Voir Alfred Dufour, Droit de l’Homme, droit naturel et histoire, P.U.F., 1991; Mariage et société moderne, Edition Universitaires, Fribourg, 1997.
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