PROMESSES
Le chapitre 8 de l’épître aux Romains nous servira de base pour les troisième et quatrième parties de cette étude sur la vie du chrétien né de Dieu
La gloire à venir (deuxième partie de Romains 8)
1. v.18-25: Souffrance et gloire à venir
18. J’estime qu’il n’y a pas de commune mesure entre les souffrances du temps présent et la gloire à venir qui sera révélée pour nous.
19. Aussi la création attend-elle avec un ardent désir la révélation des fils de Dieu.
20 . Car la création a été soumise à la vanité – non de son gré, mais à cause de celui qui l’y a soumise –
21. avec une espérance: cette même création sera libérée de la servitude de la corruption, pour avoir part à la liberté glorieuse des enfants de Dieu.
22. Or nous savons que, jusqu’à ce jour, la création tout entière soupire et souffre les douleurs de l’enfantement.
23. Bien plus, nous aussi, qui avons les prémices (un acompte) de l’Esprit, nous aussi nous soupirons en nous-mêmes, en attendant l’adoption, la rédemption de notre corps.
24. Car c’est en espérance que nous avons été sauvés. Or, l’espérance qu’on voit n’est plus espérance: ce qu’on voit, peut-on l’espérer encore?
25. Mais si nous espérons ce que nous ne voyons pas, nous l’attendons avec persévérance.
Paul juxtapose deux choses:
– la souffrance: l’état présent celle-ci tient à la corruption: tout est vanité, tout passe, tout meurt, il n’y a pas d’espoir du point de vue matériel.
– la gloire à venir: l’état futur elle est espérance: la rédemption et la durée éternelle du corps, parce que devenu immortel; la création entière y participera.
Toute la création forme une unité organique: ce fait scientifique est considéré par Paul du point de vue théologique. Il y a une étroite relation entre l’homme et la nature.
L’homme: à la suite d’Adam, il naît dans le péché et y tombe continuellement; par Christ, il devient une nouvelle créature.
La nature: elle souffre du péché de l’homme; mais, avec lui, elle partage l’espérance d’une pleine restauration.
Parenthèse sur la signification de «gloire»
Dans l’Ancien Testament, gloire se trouve ainsi défini:
– apparence lumineuse
– manifestation de Dieu et l’effet produit
– révélation de Dieu: dans la création; dans l’histoire du salut
– honneur
NB: L’arche = symbole de la présence de Dieu.
Dans le Nouveau Testament nous trouvons:
a) le grec «doxa» pour «gloire»:
– il est utilisé 165 fois : (entre autres par Paul : 77 fois; Jean : 35; Pierre : 15; Luc: 13)
– honneur, célébrité, réputation
– majesté, puissance
b) «glorifier» se trouve plus de 60 fois, avec les sens :
– faire partager la gloire de Dieu/Christ
– rendre efficace la gloire de Dieu/Christ
c) Les êtres célestes ont leur propre gloire.
– Les croyants participent ou participeront à la gloire
– L’espérance chrétienne est «l’espérance de la gloire» (Col. 1.27; Eph. 1.18; 2 Thes. 2.14; 2 Tim. 2.10).
NB: La transfiguration de Christ est la révélation de la gloire que Jésus a possédé continuellement mais pas ouvertement.
L’état du monde est dû à la malédiction qui fut la conséquence du péché d’Adam et Eve et de tous leurs descendants. Dans l’optique de l’idéologie de l’évolution, il n’y a aucun espoir pour l’homme et la nature. L’environnement ne s’améliore aucunement, et seul un aveugle peut penser que le monde va vers la perfection.
Bertrand Russell enseignait qu’il n’y a aucun espoir pour le monde, que le monde est fou, que si les gouvernements ne changent pas certaines choses, on va inévitablement vers la catastrophe. De toute façon, la mort est la fin. Quelle différence! Pour Russell, le monde est fou (aucune responsabilité morale!); la Bible, elle, parle du péché, de la méchanceté de l’homme (qui en est responsable). Russell: aucun espoir ! Paul: espérance et gloire! Comment comprendre?
C’est que le seul espoir repose en Dieu lui-même, car il est ancré dans le caractère et l’intention de Dieu par rapport à l’homme et à la nature qu’il a créés. L’honneur de Dieu lui interdit de laisser le monde se détruire jusqu’à l’anéantissement. Parce que Dieu est Dieu, il ne peut le permettre.
Quand Dieu maudit la terre, il donna aussi l’espérance de la délivrance. C’est là que les faits historiques de Genèse 3 ont toute leur portée. L’histoire de la chute est essentielle à la compréhension de la doctrine biblique du salut. Car Dieu donna tout de suite une promesse: La semence de la femme (à savoir Jésus-Christ) écrasera la tête du serpent (Satan). Dans cette promesse de délivrance est comprise la délivrance de toute la nature créée par Dieu. C’est comme si Dieu avait dit à la nature : «Je dois te maudire à cause du péché de l’homme, mais ce ne sera pas ta condition pour toujours.» Il n’y a que la Bible qui enseigne cela.
Paul dit: j’estime…; le mot grec contient le mot «logos» (= raisonnement); le mot mesure avait le sens de «peser». La pensée de Paul est donc la suivante: Selon toute logique, si l’on pèse les souffrances présentes et en compare le poids avec celui de la gloire à venir, on a une estimation correcte du temps et de la vie sur terre.
Le non-chrétien, l’homme du monde, vit uniquement en fonction de sa vie terrestre. Quand il souffre, il n’a pour se consoler que des phrases creuses: «faut pas y penser» – «ça passera» – «ça s’arrangera»… Le chrétien, au contraire, vit en fonction de l’âge à venir. La mort n’est pas la fin! Il n’y a pas de fin, pour personne! Il y aura une «apocalypse» (en grec «dévoilement, découverte »), une révélation qui introduira un état nouveau: le ciel éternel pour l’enfant de Dieu, l’enfer éternel pour l’incrédule, et la restauration pour la création, qui s’accomplira à la deuxième venue de Christ en gloire. Toute la Bible en parle, AT et NT. Toute souffrance est estimée à sa vraie valeur à la lumière de ce jour. Même les souffrances les plus atroces perdent de leur horreur, comparées avec l’éternité de félicité, de bonheur, de perfectionnement total.
Vivre aujourd’hui veut dire, pour le chrétien, vivre dans la perspective du retour glorieux de Jésus-Christ.
Que dit en fait le v.20? «L’homme est tombé par sa propre volonté, mais c’est involontairement que l’univers a été corrompu avec lui, selon le décret divin. C’est Dieu a qui soumis la création à la vanité, ce qui l’a plongée dans l’insatisfaction et la maladie…- mais avec une espérance de délivrance. Celui qui l’y a soumise se réfère à Dieu, non à Adam ou à Satan, car la mention de l’espérance ne peut s’expliquer que si c’est Dieu qui a prévu la délivrance finale et la restauration de l’harmonie de la création.» (Nouveau commentaire biblique, Emmaüs, légèrement adapté)
Au v.19, il est dit quelque chose d’inattendu de cette création qui souffre: …la création attend avec un ardent désir la révélation des fils de Dieu. Pourquoi cela et non «la restauration» ?
La réponse est donnée aux v.21-22: tout comme la création a part à la corruption à cause du péché de l’homme, elle aura part à la libération de la corruption à cause de la libération de l’homme de la corruption. Cela revient à dire que le destin de la création est indissolublement lié au destin de l’homme. La création est ce qu’elle est à cause du péché de l’homme, à cause de sa désobéissance, sa révolte, son orgueil qui lui fait croire qu’il est son propre dieu, qu’il est capable de décider lui-même ce qui est bien ou mal. L’homme ne remplit plus la fonction que Dieu lui avait attribuée.
Mais en fait, quelle est cette création?
Le terme la création toute entière comprend-il, par exemple, aussi les anges? Certainement pas les «bons anges», ceux qui n’ont pas écouté Satan, car ils n’ont jamais été soumis à la vanité, ni soupirent-ils. Ni d’ailleurs les «anges tombés», car leur sort est déjà réglé: ils savent ce qui les attend au jour du jugement [cf. 2 Pierre 2.4 & Jude v.6]. Les chrétiens aussi sont exclus du terme toute la création, car Paul écrit nous aussi, comme étant distincts de cette création. Et les incrédules ? Comment s’attendraient-ils à une gloire dont ils n’ont aucune connaissance? La «création» ici sous-entend donc la création irrationnelle, matérielle, animée et inanimée, organique et inorganique, les animaux et les plantes, les rivières et les montagnes, la terre et le ciel audessus de nous.
Paul dit donc que cette partie de la création attend ardemment l’apocalypse, c.-à-d. la révélation des enfants de Dieu. En d’autres mots, Paul personnalise cette partie irrationnelle de la création! Esaïe parle du désert qui se réjouira, des montagnes qui chanteront, des arbres qui battront des mains [35.1 & 55.12].
Le grec pour «attendre ardemment» veut dire «guetter avec une attention soutenue, le cou tendu en avant». C’est ce que fait la nature! Toute la nature guette le moment de la révélation des enfants de Dieu. Paul décrit le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui, et il parle de nos souffrances et de celles du monde. C’est la réalité qu’il décrit. Il veut nous faire palper la grandeur de cette gloire à venir, si grande que la nature entière (les animaux, les plantes et les pierres) tend le cou et trépigne d’impatience dans cette attente.
Quel impact cela devrait avoir sur nous! La création entière est dans l’attente de notre révélation en tant qu’enfants de Dieu! Parce qu’alors tout va changer, parce que Jésus-Christ va rétablir le paradis perdu sur terre! parce que la haine, la cruauté, les souffrances atroces dues à la méchanceté de l’homme sans Dieu vont disparaître à jamais! Et nous, les enfants de Dieu fidèles, nous allons régner avec le Christ glorifié, glorifiés comme lui!
Que signifie l’expression: Jusqu’à ce jour, la création entière souffre les douleurs de l’enfantement? Paul utilise la même tournure en écrivant aux Galates : Mes enfants, pour qui j’éprouve de nouveau les douleurs de l’enfantement, jusqu’à ce que Christ soit formé en vous… [4.19]. Ici, dans Rom 8.22, Paul dit que la nature est en train de donner naissance à quelque chose de meilleur. Ce processus implique une sorte d’agonie.
L’image de la naissance se retrouve dans le phénomène du printemps: chaque année, la nature ressuscite à une nouveauté de vie, sort de la mort de l’hiver pour donner naissance à la vie. Seulement, ce réveil mène finalement à l’automne et à une nouvelle mort. Chaque année, c’est un échec. Ainsi la nature continue à soupirer après le renouveau définitif, sans jamais y parvenir, et chaque éclat de vie est voué à la mort. L’homme aussi, n’est-il pas toujours sur le point de créer un monde meilleur, et n’échoue-t-il pas chaque fois? Il veut améliorer la société (plus de classes sociales, plus de pauvres, plus de guerres…), et il échoue parce qu’il veut le faire sans Dieu. Mais Paul dit qu’il n’y a pas d’espoir en dehors d’une intervention radicale de Dieu. Dieu annonce qu’il y aura un dénouement à l’histoire du monde, et que c’est lui qui le restaurera, en Christ et par Christ.
V.23: Nous sommes enfants de Dieu, pour le moment «de droit» (juridiquement), étant reconnus comme tels. Mais nous attendons l’adoption à la résurrection; alors nous serons enfants de Dieu «de fait».
Car il y a 3 étapes à notre salut :
1. Notre prédestination, que Dieu a opérée selon sa prescience, déjà depuis toujours (dans le passé de l’éternité): Car ceux qu’il a connus d’avance, il les a aussi prédestinés à être semblables à l’image de son Fils [comme l’indique le v.29].
2. Notre statut d’enfants de Dieu: Car vous êtes tous fils de Dieu par la foi en Christ-Jésus [Gal 3.26]; c’est notre état actuel («de droit»).
3. Notre adoption finale, à la résurrection, quand notre corps revêtira l’immortalité; c’est notre état futur («de fait»).
La possession actuelle de l’Esprit est comme un échantillon de la pleine moisson encore à récolter (de là prémices, quasi «acompte»); c’est un avantgoût de la puissance transformatrice de l’Esprit: Celui qui a ressuscité le Christ- Jésus d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous [v.11, déjà cité].
C’est une espérance, non encore un fait accompli. Ici, attention: nous ne sommes pas sauvés parce que nous espérons, mais nous espérons parce que nous croyons. L’espérance accompagne la foi et le salut qui en résulte.
Paul nous dit donc que la création attend la révélation des fils de Dieu; pour l’instant, elle soupire et souffre; et Paul d’ajouter: nous aussi! La souffrance est le lot de l’homme tout court, donc aussi de l’homme sauvé; il n’est nulle part dit que la souffrance lui serait épargnée. A Antioche, Paul et Barnabas affermissaient l’âme des disciples, les exhortant à demeurer dans la foi, et disaient: C’est par beaucoup de tribulations qu’il nous faut entrer dans le royaume de Dieu [Actes 14.22].
Le salut par la foi en Christ est un fait; mais c’est en espérance que nous avons été sauvés. Et Jean précise : Ce que nous serons n’a pas encore été manifesté. La révélation de ce que nous sommes vraiment aura lieu quand LUI sera manifesté, lors de son retour; alors nous serons semblables à lui par la rédemption de notre corps. C’est à cela que nous sommes prédestinés [v.29 déjà cité]; et c’est futur. Pour l’heure, nous sommes transformés en la même image, de gloire en gloire [2 Cor 3.18]. Il s’agit de notre transformation intérieure qui se manifeste par une vie transformée, à la gloire de Dieu (c.-à-d. qui lui fait honneur). Mais la gloire finale sera infiniment supérieure, car de gloire en gloire indique une progression.
Qu’implique cette glorification? Le mot grec «doxa» (dont on a dérivé «doxologie» = prière qui loue Dieu) se trouve 165 fois dans le NT. Il s’apparente au mot «honneur»; «splendeur» et «transfiguration» entrent aussi dans le concept.
La gloire se révèle du ciel. Son but est la transformation de la création entière. Cela ne se voit pas encore. Mais si nous espérons ce que nous ne voyons pas, nous l’attendons avec persévérance [v.25]. Plus tard, Paul écrit à Timothée probablement sa dernière lettre: Si nous persévérons, nous régnerons aussi avec lui [2 Tim 2.12]. C’est cela, participer à sa gloire.
2. v.26-27: La prière par l’Esprit
26. De même aussi l’Esprit vient au secours de notre faiblesse, car nous ne savons pas ce qu’il convient de demander dans nos prières. Mais l’Esprit lui-même intercède par des soupirs inexprimables;
27. et celui qui sonde les coeurs connaît quelle est l’intention de l’Esprit : c’est selon Dieu qu’il intercède en faveur des saints.
De même aussi… Comme le Saint-Esprit nous convainc de péché, nous mène à la conversion en nous faisant placer notre confiance en Christ, nous fait naître de nouveau et nous transforme, de même, dit Paul, il nous aide à prier. En grec, le verbe «aider» ou «secourir» se compose de 3 mots: «syn» = ensemble, «anti» = à sa place et «lambánestai» = prendre une charge sur soi, ce qui donne «synantilambánestai» et nécessite toute une phrase si l’on veut en savoir le contenu exact. Voici cette phrase: «partager une charge avec quelqu’un pour le soulager». Et c’est ce que fait l’Esprit quand nous prions ! Mais il partage, il ne fait pas tout, car nous ne sommes jamais passifs dans la prière. Cela doit faire réfléchir ceux qui récitent des prières par routine (l’Esprit n’a pas besoin de les aider). Comment l’Esprit partage-t-il nos prières? Le texte dit qu’il intercède.
Nous bénéficions donc de deux sortes d’intercession:
1. Jésus-Christ plaide pour nous en personne devant le tribunal céleste; il est notre avocat au ciel.
2. Le Saint-Esprit, par contre, est en dedans de nous. Il n’intercède pas à notre place comme Jésus, mais il nous pousse à prier comme il convient.
Ces deux intercessions se complètent. Un avocat fait deux choses:
a) il conseille à son client ce qu’il faut dire (le Saint-Esprit).
b) il s’adresse directement au tribunal (Jésus-Christ).
L’intercession de l’Esprit est son action particulière quand nous sommes dans la perplexité. Il interprète nos soupirs («des» soupirs dans le texte). Ce ne sont pas les soupirs de l’Esprit, qui est une personne de la Trinité et, comme tel il ne doit jamais chercher ses mots, comme cela nous arrive en temps de forte pression. La suite le montre clairement: Celui qui sonde les cours… (ceux des chrétiens qui prient) est Dieu, qui connaît ce que personne d’autre ne connaît, tels nos aspirations, nos gémissements, nos sentiments… Notre Seigneur nous comprend. Le point culminant: le Saint-Esprit interprète toujours en faveur des saints.
Ceux qui prient par routine ne savent rien de ces soupirs inexprimables. Ce sont les «saints» (mot qui veut dire «mis à part pour Dieu») qui ont de ces soupirs, et le texte pourrait même faire penser que l’Esprit lui-même produit ces soupirs : il intercède par des soupirs inexprimables. Ces soupirs sont une particularité des saints qui livrent un combat dans leur vie et dans leurs prières.
Quelle consolation!
A la lumière de tout cela, je comprends mieux le v.18: J’estime qu’il n’y a pas de commune mesure entre les souffrances du temps présent et la gloire à venir qui sera révélée pour nous.
Mesurons-nous l’éclat de cette gloire ? Pierre, Jacques et Jean en ont eu une lumineuse approximation quand ils ont vu le Seigneur transfiguré. Nous le serons un jour avec lui !
J.-P. Sch.
(N.D.L.R.: Nous terminerons l’étude de ce chapitre dans le numéro suivant de PROMESSES)
- Edité par Schneider Jean-Pierre
« Qu’importe le flacon, disait Musset, pourvu qu’on ait l’ivresse.» Cette maxime rend bien compte de la mentalité contemporaine. Toute pensée organisée, toute doctrine clairement structurée sont assimilées à des «flacons», à des emballages, à des étiquettes sans importance. Y prendre garde n’est plus de mise, et confinerait à l’étroitesse d’esprit, voire à l’intégrisme. Ce qui est devenu le «contenu», la «substance», c’est désormais l’effet ressenti, l’«ivresse» du moment, le plaisir ou le soulagement éprouvés. Quant aux «flacons», on peut toujours les remplacer, les recycler, ou les oublier…
Que dénotent cette légèreté, cette préférence marquée pour les voies faciles, pour les gratifications instantanées, pour les modes «alternatives»? Que signifie ce dédain à l’égard de toute vérité normative (et en particulier à l’égard de la Révélation biblique) ? Que prépare cette grande foire des sensations et de l’irrationnel?
Dans un article1 consacré au petit sorcier Harry Potter, nouvelle coqueluche littéraire de la jeunesse, un spécialiste tente d’expliquer le succès phénoménal des ouvrages de J.K. Rowling en déclarant: «La sorcellerie, le merveilleux, tout ce qui fait appel à l’irrationnel y est présent. C’est une fantasmagorie séduisante puisqu’elle permet au lecteur de sortir du principe de réalité au nom du principe de plaisir.» Mais pourquoi ce besoin accru de fuite dans des mondes parallèles, dans des chimères à coloration et orientation occultes? Un autre auteur répond: «Parce que nous vivons dans une société anxiogène (qui engendre l’angoisse), de vache folle et de catastrophes naturelles, où Halloween et ses dérivés sont une manière de conjurer la peur de la mort.» Cette réflexion n’est pas sans intérêt.
En effet, l’«ivresse» et l’étourdissement recherchés par nos contemporains ne révèlent pas seulement une soif immodérée de sensations agréables, mais trahissent de profondes angoisses et des cris restés sans écho. Peut-il en être autrement dans un monde qui s’est massivement détourné du seul Sauveur et Seigneur des hommes, de la seule Source d’eau vive: Jésus-Christ?
Mais pour ceux qui ont soif de vérité, d’authenticité, d’amour vrai et éternel, la satisfaction passe par la redécouverte du Dieu Créateur (lisez à ce sujet l’article de F. Horton), par une foi bien orientée et sainement exercée (les textes de J.-P. Schneider et de D. Arnold y sont consacrés, mais aussi le touchant témoignage de P. Bigler-Andres), et par une manière de vivre respectueuse du plan de Dieu, dans le cadre de la famille comme dans le cadre plus large de la société (voyez l’étude de J.-M. Berthoud). Vous constaterez, une fois encore, que Révélation biblique et vie pratique font bon ménage, et que notre Dieu a réponse aux plus hautes exigences, pour autant que nous acceptions de lui rester soumis. Oui, ceux qui sont en paix avec Dieu, et en communion avec son Fils, n’ont rien à envier à ceux qui se félicitent de vivre selon leurs caprices ou selon les «ivresses» du monde. Laissons le roi David résumer notre propos:
Plusieurs disent: Qui nous fera voir le bonheur ?
Fais lever sur nous la lumière de ta face, ô Eternel!
Tu mets dans mon cour plus de joie qu’ils n’en ont
Quand abondent leur froment et leur moût.
Je me couche et je m’endors en paix,
Car toi seul, ô Eternel! tu me donnes la sécurité dans ma demeure. Ps 4. 7-9
1 Journal Construire, no 47, 21 novembre 2000
- Edité par Pfenniger Claude-Alain
ETHIQUE PRATIQUE
1re partie
A. Introduction
Tout d’abord, quelques remarques préliminaires nécessaires avant d’entrer au cour du sujet; ces remarques concernent le deuxième terme de notre titre : Le rôle de la famille dans le christianisme.
Qu’entendons-nous par «christianisme » ? Il s’agit de bien distinguer entre ce qu’on peut appeler le «christianisme historique» et une version travestie qui s’est manifestée dès le début de l’Eglise. Je vais donc parler de la véritable Foi Chrétienne, non de son travesti, de son apostasie.
Comment distinguer l’original de la version travestie ? Nous donnerons ici quatre réponses.
Réponse 1
Il faut examiner l’attitude du croyant face à la Bible. La Bible – le Tanak juif (l’Ancien Testament) et le Témoignage Apostolique (le Nouveau Testament) – est-elle la Parole inspirée de Dieu, et en tant que telle, l’autorité finale pour l’enseignement de la Foi Chrétienne? Ou la Bible juive et chrétienne n’est-elle qu’une parole humaine, certes utile et qui nous inspire, mais forcément faillible, comme toute entreprise humaine, et en aucun cas normative pour tous les hommes, en tous lieux et en tout temps? La question de l’autorité finale est au coeur de toute foi religieuse. Cette autorité n’est-elle qu’humaine, comme dans la version «moderne» frauduleuse de la Foi Chrétienne? Est-elle uniquement rationnelle, scientifique, expérimentale, bref «critique» à l’égard de la révélation divine? Ou l’autorité du Tanak et du Témoignage Apostolique est-elle pleinement divine, comme l’affirme la Foi Chrétienne Historique pour laquelle l’autorité finale est inscrite dans la texture verbale même des Saintes Écritures? Ainsi, dans la perspective de la Foi Chrétienne Historique, le critère absolu pour définir le rôle de la famille sera l’enseignement de la Bible, tel qu’on le trouve dans le Tanak et dans le Témoignage Apostolique. Cette vérité normative ne peut se trouver ni dans l’expérience indépendante de l’Église ni dans l’expérience autonome de l’homme, elle ne se rencontre ni dans les leçons de l’histoire ni dans la sociologie. Je m’empresse d’ajouter ici qu’il n’est absolument pas question de négliger toute information utile que l’on peut, à la lumière de l’Écriture Sainte, glaner dans ces différents domaines de la recherche humaine.
Réponse 2
La Foi Chrétienne a un caractère historique. Je veux dire par cela que, dès le début de l’histoire, la confrontation entre la Foi Chrétienne Historique et les erreurs qui n’ont cessé de l’attaquer, ont conduit à une meilleure compréhension tant de ses croyances fondamentales que des erreurs qui ont constamment cherché à la détruire. La Foi Chrétienne Historique confesse donc d’une seule voix la confession de foi fondamentale de l’Église primitive: le Symbole des Apôtres, la Confession de Nicée, les définitions du Concile de Chalcédoine, qui sont toutes restées fidèles à leur fondement scriptural. Dans notre entreprise de définition du rôle assigné à la famille par le christianisme, nous tiendrons compte de cette accumulation à travers l’histoire de sagesse doctrinale soigneusement formulée. Les attaques dirigées contre la famille, par exemple, celles d’hier comme celles d’aujourd’hui, nous ont permis de mieux comprendre la nature, le caractère et la fonction de la famille.
Réponse 3
La Foi Chrétienne Historique tient à une épistémologie réaliste. Ce qui veut dire que le contenu intellectuel de la Foi peut être déterminé par la formulation de concepts soigneusement définis. Donc, si ces concepts sont vrais dogmatiquement, les affirmations de leurs contraires sont nécessairement fausses. En ce qui concerne la famille, il est donc possible, du point de vue de la Foi Chrétienne Historique, non seulement de définir avec précision l’origine, le caractère, le rôle, les obligations et la finalité religieuse de la famille, mais il est aussi possible de réfuter les déformations qui l’ont attaquée à travers les siècles et qui aujourd’hui cherchent désespérément à la détruire.
Réponse 4
La Foi Chrétienne Historique n’est pas simplement une doctrine, une théorie, mais la vie, une façon de vivre, une obéissance éthique, sociale et personnelle, reçue comme un cadeau de Dieu. Elle cherche donc à se conformer à la volonté révélée de Dieu, à sa Loi, contenue dans l’Écriture entière, le Tanak et le Témoignage Apostolique. Ceci veut dire que dans le contexte de la Foi Chrétienne Historique, le rôle de la famille doit être représenté dans l’histoire et qu’il doit faire preuve de sa vérité en se manifestant concrètement dans la vie de tous les jours de la société. Il est clair que la restauration des structures créationnelles et des fonctions de la famille passeront par la destruction de leurs imitations et contrefaçons qui réapparaissent régulièrement au cours de l’histoire.
Ces quelques remarques préliminaires étant faites, nous allons pouvoir aborder notre thème: Le rôle de la famille dans le christianisme. Le rôle que la Foi Chrétienne Historique assigne à la famille ne peut être correctement appréhendé sans une bonne compréhension de son origine et de son caractère, de ses obligations et de sa finalité. Voyons brièvement chacun de ces aspects.
B. L’origine de la famille 2
L’Écriture, le Tanak et le Témoignage Apostolique, nous dit que la famille, comme l’homme lui-même, la terre et la mer et tout ce qu’elles contiennent, est une créature, c’est-à-dire une forme sociale créée directement par Dieu, et que ses membres – chacun d’entre nous, sans exception – sont en fin de compte redevables à Dieu de la façon dont ils traitent cette institution. La famille a donc le caractère d’une forme substantielle permanente (comme les espèces biologiques ou les éléments chimiques) et par conséquent, comme pour toutes les formes créées, elle ne pourra jamais être détruite par l’homme. Et nous pouvons en tirer les conclusions suivantes : la famille créée est constitutive de la race humaine et, même si elle est aujourd’hui durement attaquée, elle ne peut disparaître; tout être humain, de par sa nature même, appartient à la famille ; tous les humains, sans tenir compte de leurs croyances religieuses (ou irréligieuses) ne peuvent pas plus échapper à ce cadre divinement établi qu’ils ne peuvent s’arrêter de respirer, ou refuser d’utiliser leur système digestif, ou encore se passer de leur circulation sanguine. Cette permanence de la famille à laquelle on ne peut échapper est la raison de notre rencontre ici à Genève (en des temps plus anciens, une citadelle exemplaire de la Foi Chrétienne Historique), car ce qui nous a rassemblés aujourd’hui, c’est notre conviction commune de la nature fondationnelle de la famille, famille qui, en tant qu’institution créationnelle, nous inclut tous dans la perspective de son autorité. Ce qui nous console dans la bataille que nous livrons tous pour la défense de la famille créée, c’est son caractère indestructible, aussi indestructible que l’ordre universel luimême. Comme ils sont vains et futiles, les efforts de ceux qui cherchent à la détruire! La nature même que Dieu leur a donnée les force, de génération en génération, à ré-établir la famille. Nous ferons bien de commencer nos considérations sur le rôle de la famille dans le christianisme par l’écoute tout d’abord du témoignage de la Torah, telle qu’il est consigné dans le livre de la Genèse, puis par l’écoute du témoignage du Messie Luimême, tel qu’il est rapporté par le témoignage apostolique de Marc sur l’origine divine et le caractère créationnel de la famille.
L’Eternel Dieu dit : Il n’est pas bon que l’homme soit seul; je lui ferai une aide qui sera son vis-à-vis.[…] Et l’homme dit: Cette fois c’est l’os de mes os, la chair de ma chair. C’est elle qu’on appellera femme, car elle a été prise de l’homme. C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme, et ils deviendront une seule chair. (Gen 2.18; et 23-24).
Dieu créa l’homme à son image: il le créa à l’image de Dieu, homme et femme il les créa. Dieu les bénit et Dieu leur dit: Soyez féconds, multipliez-vous, remplissez la terre et soumettez-la. Dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel et sur tout animal qui rampe sur la terre. (Gen 1.27-28).
Voilà pour la Torah, voyons maintenant le Témoignage Apostolique:
Les Pharisiens l’abordèrent et, pour l’éprouver, lui demandèrent s’il est permis à un homme de répudier sa femme. Il leur répondit : Que vous a commandé Moïse ? Moïse, dirent-ils, a permis d’écrire un acte de divorce et de répudier (sa femme). Et Jésus leur dit : C’est à cause de la dureté de votre cour que Moïse a écrit pour vous ce commandement. Mais au commencement de la création, Dieu fit l’homme et la femme; c’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère, et s’attachera à sa femme, et les deux (époux) deviendront une seule chair. Ainsi ils ne sont plus deux, mais une seule chair. Que l’homme ne sépare donc pas ce que Dieu a uni. (Marc 10.2-9)3.
Nous voyons donc que la Torah et le Témoignage Apostolique, tant Moïse que Jésus-Christ, témoignent de la divine origine de la famille créationnelle, de son unité fondamentale, de sa permanence et de son caractère strictement exclusif et monogame. Car la famille, création de Dieu, est une forme substantielle bien réelle, «une seule chair», qu’«aucun» homme (y compris bien sûr le Population Council de New York et les lobbies homosexuels du monde entier!) ne doit s’aviser de «séparer», c’est-à-dire de détruire. Les deux aspects de la famille ressortent du texte de la Genèse:
a. la communion et l’aide mutuelle entre mari et femme, si merveilleusement et si délicatement décrites dans le Cantique des Cantiques, dans le dernier chapitre des Proverbes et au chapitre cinq de l’Epître de Paul aux Ephésiens ;
b. la consommation naturelle du mariage dans la procréation de nombreux enfants, la fécondité étant toujours considérée dans la Bible comme une bénédiction divine 4. Les écrits du Témoignage Apostolique, le Nouveau Testament, font abondamment écho à ces enseignements du Tanak.
C. Le caractère (ou structure) de la famille
L’idée que l’on se fait aujourd’hui du modèle de la famille, c’est à dire la famille occidentale moderne constituée par l’union temporelle de deux partenaires fonctionnellement interchangeables, accompagnés de un, ou tout au plus, de deux enfants dont la conception a été explicitement désirée et «planifiée», est une idée très éloignée de la vérité. La famille biblique chrétienne a un caractère bien différent. Elle est surtout une institution hautement complexe et organisée. Par certains aspects, on peut dire qu’elle est monarchique, par d’autres, aristocratique, et par certains côtés on peut même considérer qu’elle a un caractère démocratique.
Elle est tout d’abord monarchique. Mari et femme sont tous deux créés à l’image de Dieu. A cause de la chute, ils sont tous deux également pécheurs et les objets du jugement de Dieu comme de sa grâce. A cet égard, il n’y a pas de différence spirituelle fondamentale entre homme et femme 5, ce qui n’exclut pas qu’il y ait une hiérarchie dans la structure de la famille. L’institution de la famille est en fait strictement monarchique dans le sens que le mari, loin d’être «l’égal» mathématique de son épouse, est assurément son supérieur institutionnel. Tant le Tanak que le Témoignage Apostolique sont clairs sur ce point : l’homme est légalement le chef de la femme. L’explication de cette hiérarchie conjugale est de nature fondamentalement religieuse: le Tanak et le Témoignage Apostolique nous enseignent tous les deux que la relation entre le mari et sa femme constitue une image de la relation entre Dieu et sa création, entre le Seigneur Dieu et son peuple, Israël, et entre Jésus- Christ – la seconde personne de la Trinité – et son peuple de la nouvelle alliance, l’Église Chrétienne. Cette dernière est constituée d’hommes et de femmes de toutes nations, qui, par leur foi en leur Messie, sont devenus héritiers des promesses faites à Abraham. Le rétablissement de la structure biblique de la famille doit donc s’accompagner d’un rejet total de l’égalitarisme pseudo-mathématique professé par la société contemporaine, en particulier en ce qui concerne la relation entre mari et femme. Il nous faut absolument revenir à la structure hiérarchique de la famille biblique. Mais comme il ressort clairement de l’enseignement tout entier de la Bible, cette hiérarchie structurelle et institutionnelle ne tolère en aucun cas la domination tyrannique du mari sur sa femme. Elle ne tolère pas non plus la domination féministe de l’homme par la femme, telle qu’on la connaît aujourd’hui dans nos sociétés occidentales. Mais ce qui est encore pire, c’est une famille (ou une société) menée par les caprices des enfants 6 Ce dont il est question ici, c’est de la structure de ces institutions – dans ce cas, la famille -. Il ne s’agit pas de l’infériorité ou de la supériorité intrinsèque de différents êtres humains. La lecture du dernier chapitre du livre des Proverbes et un examen attentif du rôle vital joué par les femmes dans le ministère de Jésus-Christ et dans celui de l’Apôtre Paul devraient amplement suffire à nous éclairer ce point.
Mais la famille biblique est également structurée de manière hiérarchique, aristocratique. Si le père est, comme nous l’avons vu, le Roi de la famille, son épouse en est la Reine. C’est la raison pour laquelle en Occident la cérémonie du mariage chrétien a été pendant si longtemps célébrée comme un couronnement (jusqu’aux temps de Breughel l’Ancien au XVIe siècle). C’est d’ailleurs toujours le cas aujourd’hui dans la tradition orthodoxe. Ensemble, mari et femme forment le gouvernement de la famille. La famille chrétienne n’est donc pas gouvernée par la seule autorité monolithique (moniste) du Père et Mari, mais par une sorte de système de gouvernement à deux chambres. L’autorité de l’épouse fait contrepoids à celle du mari, mais elle reste subordonnée à l’autorité du mari. C’est pour cela que le Témoignage Apostolique parle du péché originel non pas comme du péché d’Eve, mais comme du péché d’Adam, parce que, en tant qu’époux, c’était lui qui en dernier lieu, était responsable envers Dieu de tout ce qui se passait sous son autorité. La raison théologique de cette forme de double gouvernement – une garantie contre l’absolutisme arbitraire masculin – se trouve dans le fait que si d’une part l’homme est personnellement créé à l’image de Dieu, d’autre part, la famille est créée à l’image de la famille céleste, la Trinité, Père, Fils et Saint Esprit, trois Personnes divines, Dieu 7.
Enfin, dans la perspective chrétienne, la famille a, jusqu’à un certain point, un caractère démocratique. Non pas que dans la famille ce soit la majorité des votes qui établisse la loi ou la vérité, comme c’est le cas partout aujourd’hui en Occident, où est pratiquée une forme pervertie de la démocratie qui en fait n’est rien d’autre qu’une divinisation de l’Homme et du Nombre. Mais dans les familles chrétiennes (famille au sens large), tous les membres, enfants et parents, domestiques et employés 8 – étant tous créés à l’image de Dieu – ont droit, selon leur âge et leur condition, à s’exprimer quant aux affaires de la famille. Ceci naturellement sous la direction des parents et de l’autorité finale du père. Là aussi nous observons les effets bénéfiques du modèle divin de la famille, la Trinité. Car dans la structure de la famille biblique, ces deux éléments aussi ressortent: ceux de l’unité et de la diversité. L’apport des enfants à la gestion de la famille ira en grandissant avec l’âge jusqu’au moment où l’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme; et ils deviendront une seule chair. Ils établiront donc une nouvelle famille sur le modèle de base qu’ils ont reçu de leurs parents. Cette nouvelle branche de la famille, en se détachant du tronc patriarcal, s’ouvre à l’innovation. Et son attachement au modèle de base lui assure la continuité. Cette structuration complexe et cette diversité au sein du modèle biblique de la famille produisent une institution extraordinairement dynamique et flexible, capable d’agir en commun (les ordres doivent être suivis!) et dotée de la force nécessaire pour résister aux prétentions totalitaires des institutions plus larges de la société, qu’elles soient de nature politique ou religieuse.
J.-M.B.
N.D.L.R.: Nous terminerons cet exposé dans le numéro suivant de PROMESSES.
Notes
* Ce texte et celui qui suivra dans le prochain numéro constituent un chapitre dans le livre de Jean-Marc Berthoud à paraître prochainement aux Editions de l’Age d’Homme sous le titre «Foi chrétienne et politique»
1 Etude lue à l’occasion du Deuxième Congrès Mondial des Familles à Genève, du 14 au 17 novembre 1999.(N.d.l.r.: nous avons légérement écourté la partie A. de l’Introduction avec l’autorisation de l’auteur). Pour un exposé plus complet des thèses développées ici, voyez le livre de Jean-Marc Berthoud, L’Ecole et la famille contre l’utopie (L’Age d’Homme, Lausanne, 1997) en particulier sa première partie, qui traite spécifiquement de la famille.
2 Sur le thème du fondement biblique de la famille, je vous recommande la lecture de deux brillantes dissertations, très détaillées, sur l’application concrète des Dix Commandements: Pierre Viret, L’Instruction Chrétienne en la Loi et l’Evangile, qui pour la première fois depuis 1564 va bientôt être publié à nouveau en cinq volumes aux Editions de l’Age d’Homme, à Lausanne, et: Rousas John Rushdoony, The Institutes of Biblical Law, Vol. I, Presbyterian and Reformed, Philadelphia, 1973, Vol. II, Law and Society, 1982 and Vol. III, The Intent of the Law, 1999, tous deux publiés par Ross House Books (P.O. Box 67, Vallecito, California 95251).
3 Voir aussi les versets suivants: Mat 19.3-9, I Cor 6.16; Eph 6.31.
4 Voir entre autres les Psaumes 127 et 128.
5 Cette «égalité» spirituelle s’applique aussi à d’autres catégories sociales. Elle n’abolit pas les distinctions et hiérarchies créationnelles et sociales telles que celles que cite l’apôtre Paul entre hommes libres et esclaves, Grecs et Juifs, Chinois et Africains, soldats et officiers, enfants et parents, etc. Voir Gal 3.28 et Col 3.11.
6 Sur ce sujet vital, voyez l’enseignement du prophète Esaïe et notre étude: «L’Humanisme: la confiance en l’homme, ruine des nations. Ésaïe chapitre 3», dans Résister et Construire, No 41-42 1998 (Case postale 468, 1001 Lausanne, Suisse).
7 Voyez entre autres, Eph 3.14-15
8 Dans la société biblique, et en d’autres temps de l’histoire de la chrétienté, les esclaves étaient inclus dans la famille élargie, ou ménage.
- Edité par Berthoud Jean-Marc
1 Samuel 13.1-14
Au début du règne de Saül, Israël semble vivre en bon voisinage avec les Philistins puisque Saül ne garde que trois mille hommes et renvoie le reste du peuple chez lui (13.1-2).
Jonathan le trouble fête (13.3-7)
Jonathan ne respecte pas cette trêve puisqu’il attaque une garnison philistine (13.3). Espère-t-il battre secrètement quelques Philistins pour en retirer un maigre avantage territorial? 1 Dans ce cas, l’action de Jonathan est stupide, car pour un gain insignifiant, le fils de Saül entreprend une opération des plus risquées. Si jamais l’action commando est découverte (et on voit mal comment, tôt ou tard, elle ne pourrait pas l’être), la guerre avec les Philistins reprendra, et Israël est militairement mal préparé pour un tel combat. En effet, le gros de l’armée vient d’être démobilisé et les armes sont pratiquement inexistantes en Israël (13.19-22).
Mais Jonathan est un homme aux qualités multiples comme le montre sa deuxième attaque d’une garnison philistine (14.6-15). Le signe demandé à Dieu reflète un discernement militaire affiné 2 et les paroles adressées à son écuyer témoignent d’une grande foi: «Rien n’empêche l’Éternel de sauver au moyen d’un petit nombre comme d’un grand nombre » (14.6). Homme de foi et homme de vision, Jonathan attaque la première garnison philistine dans le dessein de stimuler Israël au combat. Comme Samson l’avait fait dans le passé, Jonathan essaie de rompre la paix pourrie avec les Philistins. Le littoral, occupé par ce peuple païen, fait partie de la terre promise. Israël ne doit pas coopérer avec ses voisins occidentaux, ni même les tolérer, mais il doit les déposséder de leur territoire. Pour déclencher les hostilités, Jonathan provoque un incident frontalier sans rien cacher («Les Philistins l’apprirent »).
A ces remarques, il convient d’ajouter que les Philistins semblent avoir étendu, depuis peu, leur domination territoriale, puisque la garnison philistine attaquée par Jonathan est positionnée à Guéba, c’est-à-dire en plein centre des collines de Judée, territoire traditionnellement occupé par Israël. Guéba est même située entre Mikmach, où se trouvent les deux mille hommes de Saül, et Guibea, où sont stationnés les mille hommes de Jonathan. Cet emplacement stratégique du camp philistin fait penser que les Philistins contrôlent le pays. Si Saül renvoie le gros de ses troupes, c’est parce qu’il n’a aucune intention de les utiliser contre les Philistins. Elles servaient sans doute à contenir les Ammonites à l’est du Jourdain et comme la paix semble rétablie dans cette région (cf. 11.1-11), Saül libère ses soldats.
L’avancée philistine en territoire israélite n’est pas commentée, mais on peut supposer que ce peuple a profité des efforts israélites à repousser l’agression bestiale des Ammonites à l’Est, qui voulaient mutiler tous les habitants de Yabéch (11.2), pour étendre imperceptiblement leur contrôle «amical» des plateaux judéens. Saül accepte cette situation, alors que Jonathan la conteste. Celui-ci attaque la garnison philistine chargée de contrôler les allées et venues des deux corps d’armée israélites (13.3). Tout en infligeant un camouflet aux Philistins, il renforce la position israélite puisque les trois mille hommes peuvent à nouveau être réunis en cas de besoin. Le coup d’éclat du fils oblige le père à rappeler rapidement ses troupes («Saül fit sonner de la trompette dans tout le pays» 13.3). Au son du cor, les Israélites comprennent que la paix est rompue («Israël s’est rendu odieux aux Philistins» 13.4). Dans l’absence de détails, la responsabilité en est attribuée à Saül («Tout Israël entendit que l’on disait : Saül a battu le poste des Philistins» 13.4).
Saül se retire d’une vingtaine de kilomètres à l’Est pour convoquer ses troupes à Guilgal dans la vallée du Jourdain (13.5). Ce mouvement de repli lui donne un peu de répit. Peutêtre espère-t-il aussi que le lieu où Dieu l’a publiquement oint roi deux ans auparavant (11.14-15) soit à nouveau un lieu de bénédiction pour lui.
La réaction des Philistins est rapide et musclée: trente mille chars et six mille cavaliers sont mobilisés (13.5). L’action de Jonathan est ressentie comme un coup de poignard dans le dos. La vivacité de leur réaction montre que ces voisins en apparence amicaux étaient fondamentalement très durs. Aucune démarche diplomatique pour s’assurer que l’attaque du commando était planifiée par le gouvernement et non par un groupe extrémiste. Le nombre des soldats mobilisés laisse présager d’un combat sans quartier. Beaucoup d’Israélites paniquent et désertent l’armée pour se réfugier dans le maquis («dans les cavernes, dans les buissons, dans les rochers, dans les tours et dans les citernes » 13.6) ou à l’étranger («de l’autre côté du Jourdain»). Les six cents vaillants qui restent avec Saül tremblent.
Le «discernement» de Saül (13.8-14)
Saül est dans une situation délicate. Ses chances de succès paraissent minimes et diminuent d’heure en heure. Le temps joue contre lui, car plus il attend, plus ses soldats le désertent et ceux qui restent tremblent, car l’inaction est toujours difficile à gérer pour une armée menacée. D’autre part, l’ennemi profite certainement de ce délai pour renforcer ses positions.
Saül devait agir rapidement s’il voulait se tirer de ce guêpier et pourtant, contre toute logique militaire, il repousse l’affrontement de plusieurs jours. Saül veut à tout prix offrir un holocauste à l’Éternel avant d’engager le combat, et comme le seul à pouvoir offrir ce sacrifice est absent (Samuel), mais a promis de passer dans la semaine, Saül attend sept jours.
Manifestement, Saül a certaines convictions. Dans un passé récent (10.1- 12), il a vu l’intervention de Dieu dans sa propre vie et il désire maintenant que Dieu l’assiste dans sa détresse, réalisant que seul un miracle peut lui permettre de remporter la victoire. La patience de Saül à attendre le retour de Samuel souligne à quel point Saül voulait offrir ce sacrifice.
La patience de Saül est remarquable, mais, pour un rien, est insuffisante. Lorsque le septième jour arrive, Saül perd patience et, au moment où il offre lui-même le sacrifice, Samuel arrive. Le prophète traite le roi d’insensé et lui annonce qu’en raison de son infidélité son règne ne sera pas affermi (14.13-14). La royauté passera à une autre famille. La condamnation est sans appel et semble très dure.
Pour comprendre la sévérité du jugement divin, il faut saisir deux choses. Premièrement, Samuel n’a jamais reproché à Saül son impatience. Le péché du roi n’est pas de n’avoir pas assez attendu le prophète, mais d’avoir lui-même offert le sacrifice. Deuxièmement, Saül n’avait aucune obligation d’offrir un holocauste avant d’engager le combat. Aucune stipulation dans la loi mosaïque n’oblige un tel sacrifice. Lorsque Saül patiente jusqu’à l’arrivée de Samuel («Il attendit sept jours, selon le terme fixé par Samuel » 13.8), il ne faut pas comprendre que Samuel avait interdit à Saül de se battre avant son arrivée, mais qu’il lui avait simplement indiqué la date de son prochain passage: «Je serai de passage dans la semaine».3 Saül aurait pu (et aurait dû) attaquer les Philistins sans offrir de sacrifice puisque aucun sacrificateur n’était présent.
Le problème de Saül est d’avoir voulu aller au-delà de la loi, pour ensuite ne pas respecter la loi. Si Saül a fini par offrir l’holocauste (et ainsi, transgresser la loi), ce n’est pas parce que Dieu l’a poussé dans des limites surhumaines de patience, mais parce que Saül, sous sa propre initiative, s’est placé dans une situation des plus inconfortables en décidant de ne pas se battre sans avoir offert préalablement un sacrifice.
Saül estimait-il qu’un sacrifice obligerait davantage l’Éternel? Ou pensaitil à la dernière bataille entre les armées israélite et philistine (7.7-14) lorsque Samuel avait offert un holocauste juste avant une victoire éclatante et miraculeuse? Si c’est le souvenir de ce sacrifice qui nourrissait son esprit, alors il a oublié l’essentiel, c’est-à-dire le réveil spirituel qui avait précédé le sacrifice et la victoire (7.2-6).
L’épreuve de Saül était difficile, mais pas surhumaine. L’épreuve est difficile parce que l’ennemi est fort. Mais Dieu ne rajoute pas à l’épreuve en faisant patienter Saül pour que ses troupes diminuent. Nous ne sommes pas dans la situation d’un Gédéon à qui Dieu a demandé de diminuer ses troupes. Ici Saül aurait pu agir, mais une mauvaise compréhension des choses divines le paralyse, puis le fait transgresser ouvertement l’alliance. Cette situation se retrouvera au chapitre suivant. Pour respecter son vou, Saül sera prêt à tuer un innocent (son propre fils: 1 Sam 14.44).
Saül n’est pas un homme qui doute de l’intervention divine. Son problème est de croire au signe plus qu’au sens, à la forme plus qu’au fond, à la lettre plus qu’à l’esprit derrière la lettre. Ce n’est pas le doute qui est reproché à Saül, mais une foi mal placée.
Tout comme les fils d’Eli avait une foi superstitieuse et stérile dans l’arche (cf. 4.1-11), ainsi Saül croit plus à la valeur des sacrifices qu’à l’obéissance au Seigneur. Il est intéressant à noter que la défaite d’Eben-Ezer lorsque l’arche a été prise (14.1, 10-11) est suivie d’une victoire à Eben-Ezer en l’absence de l’arche (7.2-13). De même, la victoire de Samuel contre les Philistins lors d’un combat précédé par un sacrifice (7.2-13) est suivie d’une victoire de Jonathan contre les Philistins, alors que ce dernier n’avait offert aucun sacrifice (14.1-15).
Dans notre récit, l’échec de Saül n’est pas celui d’un coureur de cent mètres qui lutte jusqu’aux derniers mètres avant de se faire battre sur le fil. Saül ressemble plutôt à un coureur insensé qui, à la surprise générale, s’élancerait dans la mauvaise direction. L’échec de Saül n’est pas partiel, mais total.
D.A.
1 Le lecteur ne connaît rien de Jonathan et peut tout imaginer sur cet homme, car c’est la première fois que son nom est mentionné.
2 Voir prochain article: L’exploit de Jonathan, 1 Sam 14.1-15.
3 Plusieurs commentateurs estiment que Samuel avait demandé à Saül d’attendre sept jours, sur la base de 1 Sam 10.8: «Puis tu descendras avant moi à Guilgal; et voici, je descendrai vers toi, pour offrir des holocaustes et des sacrifices d’actions de grâces. Tu attendras sept jours, jusqu’à ce que j’arrive auprès de toi et que je te dise ce que tu dois faire». Le contexte est pourtant tout autre, car cette parole à été donnée avant l’accession au trône de Saül et se situe deux ans avant notre texte (cf. 1 Sam 13.1).
- Edité par Arnold Daniel
Invoque-moi au jour de la détresse, je te délivrerai et tu me glorifieras (Ps 50.15).
Déchargez-vous sur Lui de tous vos soucis, car Lui-même prend soin de vous (1 Pi 5.7).
Il m’a été mis une écharde dans la chair. Trois fois j’ai prié le Seigneur de l’éloigner de moi, et Il m’a dit: «Ma grâce te suffit». Car ma puissance s’accomplit dans la faiblesse (2 Cor 12.7-9).
Nous sommes souvent désemparés par le paradoxe qui apparaît dans certaines déclarations de la Parole de Dieu. Celles-ci nous exhortent à nous décharger sur le Seigneur de tous nos soucis, avec ces promesses: Lui-même prend soin de nous – ou Invoque-moi au jour de la détresse, je te délivrerai et tu me glorifieras, alors que tant de prières restent inexaucées. L’on découvre alors, au fil des ans, que le Seigneur avait quelque chose de meilleur en réserve pour nous : Sa grâce pleinement suffisante, grâce qui nous aide à accepter notre faiblesse, notre incapacité totale, bien souvent sans en comprendre la raison, mais comme une circonstance que Lui permet, et au travers de laquelle Il veut manifester Sa puissance et nous apprendre à dépendre de Lui pour tout.
Il me faudra vivre des miracles de Sa grâce. Le plus grand de tous fut, tout d’abord, celui vécu le 31 janvier 1937, où le Seigneur fit irruption dans ma vie et répondit à ma détresse.
C’était un dimanche. Faisant partie d’une famille chrétienne très pauvre de sept enfants, je me trouve absolument seul dans la vieille ferme vétuste à O., car tous sont invités ailleurs pour la journée. Privilège rarissime, car en temps ordinaire le vacarme rendait difficile un recueillement personnel dans la maison. Cette journée sera mémorable. Le Saint-Esprit me travaille dès le matin. Je suis convaincu de péché et me sens perdu. Je lis la Bible à plusieurs reprises et prie à tout moment, jusqu’aux limites du désespoir. J’implore le pardon, et la délivrance du péché. Mais Dieu ne répond pas. Je suis effrayé à la pensée d’être rejeté pour toujours et d’aller à la perdition éternelle.
Le soir, à 20 heures, je vais me coucher, totalement désespéré, certain qu’il me sera impossible de dormir cette nuit-là. Tout à coup, en une fraction de seconde, le Saint-Esprit descend dans mon cour et m’inonde d’une joie inimaginable, avec la certitude absolue du pardon de Jésus. Je réalise en un instant la nouvelle naissance et le baptême du Saint-Esprit.
C’est si extraordinaire que je ne peux m’endormir de suite. Il me semble que je suis suspendu entre ciel et terre ! Et pourtant, je ne bouge pas dans mon lit, je ne crie ni ne parle en langues. Cette contemplation de la Grâce fantastique qui m’inonde et me porte me donne déjà l’assurance que la perspective d’être un jour au ciel dans la présence du Seigneur sera un bonheur absolument sublime. Ce ne sera qu’aux environs de vingt-trois heures que je m’endors. Le lendemain, je me réveille et retrouve aussitôt la même joie. J’avais quinze ans et demi.
L’exhortation de ce verset du psaume 50, et la délivrance vécue, ont marqué un tournant décisif de ma destinée. Cette parole: Tu me glorifieras, va me pousser au témoignage du salut en Jésus-Christ et à l’évangélisation, ainsi qu’à l’étude de la Bible et à la prière, car je sais que mon Rédempteur est vivant et qu’Il entend nos supplications.
Que d’événements dans les quatre ans qui suivirent! Me voici maintenant en 1941. J’entre à l’école de recrues à Bière. Je suis en pleine forme. A deux semaines de la fin du service nous parvient un ordre urgent du commandement général de l’armée: toutes les écoles de recrues de la Suisse sont transformées en un commando dit «le régiment de recrues», de sinistre mémoire. J’y suis intégré. Les manouvres sont extrêmement dures. Je tiens le coup pendant sept jours, mais à la suite de l’imprudence d’un caporal, je tombe gravement malade. Ce sera alors le transfert pour trois mois dans un hôpital militaire à Wengen (BE).
J’ai vingt ans. Mon cas est déclaré difficilement guérissable, et je ne suis plus apte au service actif. Un cercle d’amis chrétiens pentecôtistes prie avec ferveur pour ma guérison, avec la conviction que Jésus a pris sur la croix nos maladies comme nos péchés, car, selon eux, la rédemption touche nos corps comme nos cours et notre esprit.
Mais je ne serai pas guéri.
Ce sont alors des périodes de découragement, de luttes et d’inquiétude face à mon avenir.
Finalement, le texte de 2 Cor 12.7- 10 me revient souvent à la pensée: Il m’a été mis une écharde dans la chair. J’ai prié le Seigneur de l’éloigner de moi et Il m’a dit : MA GRACE TE SUFFIT, car ma puissance s’accomplit dans la faiblesse.
Ce fut l’expérience de l’apôtre Paul. serait-ce aussi celle que le Seigneur me demandait de vivre désormais ? C’est alors la victoire : Va avec cette force que tu as. En cinquantehuit ans, je serai hospitalisé trentedeux fois, pour une durée totale de trente-six mois, et je subirai plusieurs opérations.
Le 11 juillet 1955, je termine un traitement chez un dentiste à Lausanne. L’asepsie des installations et des instruments me paraît plutôt douteuse. Et, bien que n’étant pas chirurgien, je suis étonné que ce praticien termine ses travaux par une sérieuse opération du palais, perçant le plancher des sinus pour extraire des granulomes. Tout est recousu, sans aucune précaution d’hygiène, à mains nues et sans désinfection !
Ce dentiste, partant en vacances pour un mois, me laisse rentrer chez moi en me déclarant: «A mon retour, vous serez totalement guéri et vous reviendrez pour le dernier contrôle».
Dès le lendemain, douleurs et infection. Les souffrances deviennent intolérables. Lorsque je bois du liquide, il en ressort une partie par le nez. Je mange avec peine et il m’est difficile de parler.
La seule solution sera de trouver l’adresse d’un chirurgien oto-rhino. A Lausanne, je consulte l’annuaire téléphonique et, sans le connaître, j’entre en contact avec le docteur T., lequel me prie de venir de suite.
Son diagnostic est terrible: «Quel est le salaud qui vous a fait cela? C’est foutu, foutu, foutu.»
«Vous êtes marié?» me demande-t-il. A ma réponse positive, il crie avec le même vocabulaire que précédemment, mais avec des décibels en plus. «Avez-vous des enfants?» «Oui, j’ai quatre jeunes enfants, l’aîné a sept ans.» Le docteur T. hurle encore les mêmes mots, ne pouvant contenir sa rage.
C’est que ce médecin réalise à quel point mon cas est gravissime. La gangrène du palais est déjà avancée: il y a une pourriture généralisée. Seule solution immédiate: ablation totale du palais. Il me dira plus tard que, dans sa longue pratique, il a eu deux cas semblables au mien. Ces deux malades sont décédés, suite à cette opération au palais, et dans de grandes souffrances. Donc, pour le docteur T., c’est une situation humainement perdue. Toutefois, pour me soulager rapidement, il téléphone à la clinique Cécil pour retenir un médecin anesthésiste. Malheureusement, tout est fermé pour une semaine de vacances. Le docteur instaure un traitement afin d’arrêter l’évolution du mal, et veut tenter une première opération du côté gauche, le 27 juillet 1955, à la clinique Cécil. Je dois alors y rester une semaine.
Le 2 août, je peux rentrer chez moi pour quelques jours; néanmoins le mal s’est encore étendu, et dans quelles souffrances!
Le 3 août 1955, j’ai la visite de l’un des anciens, membre du conseil de l’Eglise libre de Morges dont je fais partie. Me voyant dans une telle extrémité, sans aucune force, il décide immédiatement de convoquer cinq frères du conseil, dont le pasteur Roger Glardon, pour le lendemain soir à 20 heures. Ils prieront et pratiqueront l’onction d’huile, selon l’épître de Jacques, au chapitre 5.
Ils viendront, ces bien-aimés frères, et prieront avec une ferveur et une foi extraordinaires pendant près de deux heures. A 22 heures, nous nous séparons. Lorsque le dernier a franchi le seuil du logement, et au moment où je tourne la clé pour refermer la porte, une joie foudroyante m’envahit avec la certitude que le Seigneur a répondu. Mon épouse étant à deux mètres de moi, je lui dis alors : «Je suis guéri, Maria, je suis guéri!» Or, j’ai encore des douleurs. Humblement, je confesse alors, comme cet homme dans l’évangile de Luc (5.20), que c’est la foi des cinq frères qui m’a porté devant le Seigneur.
Jésus, voyant leur foi, .
Quelques jours après, je suis de nouveau chez le docteur T. Il m’attend avec grande inquiétude, car il sait ce qui m’attend. Avant de m’installer dans le fauteuil, il me fait ouvrir la bouche et examine attentivement. Puis il me prend dans ses bras et m’embrasse en criant : «Vous êtes guéri! Il y a eu un miracle. Je veux savoir ce que vous avez fait, et qui a opéré ce miracle!».
Il m’est alors facile de lui raconter la visite des cinq frères de l’église par le détail. «Je crois que seul Dieu a pu faire ce miracle. Expliquez-moi tout, maintenant. Je veux en savoir plus sur l’ouvre de Dieu et sur la Bible», me dit-il. Pendant près d’une heure, je parlerai et répondrai aux multiples questions de ce médecin sur l’évangile et l’ouvre de Dieu.
Le 29 août 1955, le docteur T. me revoit une dernière fois, et me déclare totalement guéri. Cet événement s’est passé il y a quarante-cinq ans. Je n’ai plus jamais ressenti de douleurs au palais.
Invoque-moi au jour de la détresse; je te délivrerai et tu me glorifieras, Ps 50.15.
Souviens-toi du chemin dans lequel l’Eternel t’a fait marcher pendant ces quarante ans dans le désert,… Deut 8.2.
«Se souvenir, mais refuser d’enjoliver la mémoire, car elle est trompeuse, elle trie et garde ce qui nous arrange. Pas question de s’attarder en chemin. On supporte mal la lourdeur du quotidien. Il n’offre souvent rien d’exaltant. Quand cette évidence devient trop décapante, on enfourche tout naturellement la machine à remonter le temps. Là, tout est sérénité, heures claires. Le passé se reconstruit à loisir, se remodèle et se transforme à notre gré, infatigable kaléidoscope des jours heureux où nous étions superbes, où l’on s’invente des répliques, où l’on se refait soi, inlassablement, sous le meilleur éclairage. » (Denise Sergy, «Des coquillages plein les poches»)
Onze janvier 2000. Depuis dix-huit ans, suite à un décollement de la rétine, mon oil gauche a perdu sa capacité visuelle de façon progressive. Consulté à ce sujet, le docteur R. de Vevey craint que d’ici quelques années cet oil soit totalement perdu. Il faut tenter une opération pour le sauver. J’accepte volontiers cette intervention, qui est programmée pour le deux février à l’hôpital Providence. Dans une situation normale, une demi-heure suffit pour traiter la cataracte et greffer le cristallin artificiel. Or, une mauvaise surprise nous attend: l’enveloppe de cet élément de l’oil est tellement abîmée qu’il est quasiment impossible de faire l’implantation de cette lentille artificielle.
Trois quarts d’heure supplémentaires seront nécessaires pour enfin réussir une si délicate manouvre de la chirurgie oculaire. L’anesthésie étant locale, j’ai pu estimer la difficulté de cette opération et ainsi entendre cette parole du docteur R. au terme de son intervention: «Je suis reconnaissant. C’est un miracle.» Il le dit spontanément et tout naturellement, sans crainte d’être entendu par ses assistants. Cela me fait tellement plaisir ! C’est un miracle de la grâce que je vis une fois de plus, et je glorifie le Seigneur dans mon cour.
L’occasion m’est donnée, lors d’une consultation au cabinet médical de ce médecin, de lui raconter l’intervention miraculeuse ayant agi sur mon palais, et de quelle manière, en réponse à la prière de cinq hommes de foi, je fus guéri en cette soirée du 3 août 1955. C’est alors que le docteur R. me confesse humblement, tout réjoui: «Savezvous que moi aussi, j’avais prié Dieu de faire un miracle dans cette opération de la cataracte, car je savais que ce serait difficile d’y arriver ? Je Lui suis vraiment reconnaissant.»
Revient alors avec force une parole du pasteur Hunziker: «Le meilleur est devant! Après la page tournée, la page blanche où va s’inscrire le miracle quotidien et se dessiner les surprises à venir. L’inimaginable aujourd’hui, l’incroyable avenir, tout ce que le Seigneur tient en réserve pour ceux qui lui font totalement confiance, jusqu’au jour irréversible où sera tournée la dernière page et refermé le livre de notre vie. Puissions-nous alors être inscrits pour l’éternité dans le Livre de l’Agneau dont parle l’Apocalypse! » (Denise Sergy, «Des coquillages plein les poches»).
P.B.
- Edité par Bigler-Andres Pierre
DÉFENSE DE LA FOI CHRÉTIENNE
Dans le dernier numéro de Promesses, sous le titre Les insensés pensent : «Dieu n’existe pas», nous avons tracé le développement d’une pensée athée à partir du rationalisme du 17e siècle, et cherché à montrer comment, dans un mouvement de cause à effet, elle a contribué à l’émergence des idéologies du 20e siècle avec leur lot de «goulags» et de génocides. Nous avons évoqué certains maîtres à penser représentatifs de ce mouvement, dont en particulier Charles Darwin (matérialisme biologique), Karl Marx (matérialisme politico/économique), Friedrich Nietzsche (athéisme militant), et Sigmund Freud (matérialisme psychologique).
Nous avons conclu en proposant de «formuler une réponse chrétienne qui soit notre témoignage, approprié à notre génération». C’est ce que nous tâcherons de réaliser ici, du moins en partie, car le sujet est tellement vaste que nous serons obligés de limiter le cadre de nos réflexions à quelques problèmes soulevés par le Darwinisme, et de poser des jalons qui pourraient stimuler des recherches plus poussées de la part de nos lecteurs dans les domaines qui les intéressent.
Une question d’a priori
Dieu existe-t-il ? La science, limitée par définition et par compétence à l’examen des faits observables, et conduisant à l’élaboration d’hypothèses puis de théories, ne peut fournir des «preuves» de son existence, ni, d’ailleurs, la «disprouver» ! On a bien dit que «Dieu ne se prouve pas» (ce à quoi les chrétiens pourraient répondre: «C’est vrai, mais il s’éprouve»). Car la question appartient au domaine extra-scientifique, métaphysique, et doit être classée dans la catégorie des a priori (ou présuppositions), c’est-à-dire de ce qui est axiomatique, à des notions premières admises sans démonstration ou antérieures à toute expérience. Qu’on le reconnaisse ou non, tout raisonnement, tout débat, toute recherche, partent nécessairement d’un choix, peut-être inconscient, d’a priori.
Nous verrons ci-après que l’existence de Dieu – du Dieu Créateur – est le point de départ sine qua non de la foi chrétienne. Cependant, nous maintenons que l’idée de la «non-existence de Dieu» est aussi un acte de foi (ou de non-foi si l’on préfère) qui n’a rien de scientifique… mais qui ne manque pas d’audace ! Il faudrait, en effet, être doté d’omniscience et d’omniprésence – attributs divins – pour fouiller dans les derniers recoins de l’univers où Dieu pourrait se cacher avant d’oser l’affirmer. A ce sujet il est intéressant d’évoquer une enquête entreprise avant la Deuxième Guerre Mondiale auprès des membres du «Fellowship of the Royal Society» en Grande-Bretagne, association à laquelle ne pouvaient accéder que des savants scientifiques dont les recherches avaient impressionné leurs pairs. Parmi les 200 réponses reçues à la question: «La science contredit-elle l’idée d’un Dieu personnel tel qu’enseigné par Jésus-Christ?»
– 26 répondirent par l’affirmative,
– 103 dirent que non,
– et 71 évitèrent de se prononcer par oui ou non.
Plusieurs ajoutèrent en substance: «Le fait que je suis professeur de chimie [ou d’une autre discipline] ne me qualifie pas pour exprimer une opinion déterminante dans un domaine religieux, politique ou autre… pas plus qu’une autre personne nonscientifique mais raisonnablement instruite» 1.
C’est, donc, au niveau des a priori que le dialogue entre chrétiens et leurs contemporains doit s’engager pour éviter les écueils cachés et rester valable.
Tester nos a priori
Puisque les a priori ne peuvent être prouvés, comment savoir si nous avons fait le bon choix? Dans la suite de notre article nous proposons de les soumettre à deux tests :
1.Qu’est-ce qui a motivé notre choix ?
2.Où, vers quels résultats, nous conduit notre choix?
1. Choix motivés
1.1. Parlant de l’attraction qu’exerce l’évolution sur l’homme naturel, Rick Lanser, que nous avons cité dans l’article précédent, dit que «celui-ci cherche constamment un chemin de détour autour de ce Dieu qui gène avec ses exigences morales (…)»; et de conclure: «L’évolutionnisme darwinien n’est, enfin, qu’une philosophie fondée sur [des a priori] religieux qui essaie, sans grand succès, d’interpréter les données à partir de prémisses purement naturalistes. Il est populaire, non pas en tant que bonne science, mais parce que, dans les mots de l’ultra-évolutionniste Richard Dawkins, il fournit les moyens d’être un «athée intellectuellement comblé»2.
Il s’agit là d’une accusation grave, que certains pourraient qualifier de procès d’intention. Mais est-elle fondée? Nous avons dit plus haut en substance que la science a longtemps été définie comme une investigation objective qui découvre et teste les faits. Cependant une autre définition, implicite dans l’establishment scientifique, englobe une philosophie matérialiste qui limite les tentatives d’explication de tout ce que nous observons à des causes naturelles, et s’oppose d’emblée à toute mise en question de l’évolution naturaliste. La présupposition en est que seules les forces naturelles rendent possible le développement de toute vie sur la terre, et que notre tâche se réduit à discerner les détails du mécanisme. (Tandis que la science véritable part du principe du libre examen, ne se limite pas arbitrairement à des théories naturalistes, mais reste ouverte à toute explication rationnelle et suit les indices où qu’ils conduisent.)
Ainsi, le biologiste Richard Lewontin de l’Université de Harvard accepte la théorie classique de l’évolution parce que, écrit-il, «nous avons un engagement préalable au matérialisme », engagement, admet-il, qui n’est pas fondé sur la science, bien au contraire ! Il ajoute: «Nous sommes forcés, par notre adhésion a priori [!] à des causes matérielles, de créer un appareil d’investigation et un ensemble de concepts qui produisent des explications matérialistes (…). Ce matérialisme est absolu, car nous ne pouvons permettre qu’un pied divin se glisse dans la porte» 3. Concession significative, en effet.
1.2. Qu’est-ce qui motive le choix du croyant en faveur de l’existence d’un Dieu Créateur, en l’absence de «preuves scientifiques» ? S’agit-il d’un élan irrationnel de ceux qui, selon Ludwig Feuerbach, projettent et objectifient la nature humaine pour en faire un être divin? 4 Nous répondrons que cette foi intuitive, profondément ancrée dans le cour de l’homme et quasi-universelle dans le temps et l’espace, fait appel à des témoignages éloquents, adéquats pour les uns mais jamais assez convaincants pour les autres… selon leurs a priori. Nous en développerons deux:
Témoignage de la création (appelée «révélation générale» par les théologiens). (1.2.1.)
Témoignage de l’Ecriture («révélation spéciale»). (1.2.2.)
1.2.1.Témoignage de la création
Nous utilisons délibérément le mot «création», dans son sens le plus large, plutôt qu’«univers» ou «nature». Depuis quelques années un grand débat se poursuit à l’intérieur des milieux scientifiques autour d’un concept présenté par l’auteur William Dembski, entre autres, dans son livre Intelligent Design (dessin intelligent). Un philosophe d’autrefois avait dit qu’une horloge ne pouvait exister sans horloger! Cet argument est repris à la lumière de découvertes récentes, surtout dans le domaine de la biologie moléculaire. Celle-ci reconnaît que la cellule vivante est une véritable usine en miniature, infiniment plus complexe que ce que Darwin pouvait imaginer. Les systèmes innombrables, variés mais synchronisés de la cellule agissent ensemble en harmonie comme autant de moteurs, pompes, ressorts, communicateurs et transporteurs, de telle manière qu’ils doivent tous être complets et en place avant de fonctionner. De plus, ils ne peuvent pas évoluer et fonctionner à travers d’innombrables stages intermédiaires, étape après étape, comme l’exige le Darwinisme. Cette structure incroyablement complexe, conforme à un modèle préconçu, est la marque du dessin intelligent.
De même, l’apparition de la théorie de l’information jette une lumière sur le code génétique, l’«ADN»: celle-ci a la même structure qu’un langage. L’origine de la vie doit, donc, être expliquée en termes d’information biologique, information qui ne saurait être créée par des forces matérielles, aveugles ! Darwin lui-même, à son époque, a reconnu l’évidence en faveur du dessin, mais l’a écartée [a priori !] en espérant montrer que les êtres vivants avaient seulement l’apparence du dessin, tout en étant le résultat du hasard et de la sélection naturelle 5; son but était d’exclure Dieu comme explication du dessin évident des organismes.
Ce témoignage de la création comporte d’autres aspects que nous devons nous contenter de mentionner brièvement:
Le dessein (avec un «e») intelligent, ou la notion de finalité. En d’autres termes: pourquoi la création? A quoi sert-elle? «Devant la vision de l’unité et de l’harmonie de la création qui s’impose à eux, de nombreux savants en viennent à remettre en honneur la notion de finalité longtemps abandonnée sous l’influence du rationalisme et du scientisme; la finalité leur apparaît non seulement comme une finalité interne immanente, une finalité de fait du domaine directe de la biologie, mais aussi comme une finalité externe à l’être vivant et à la création tout entière, une finalité transcendante qui, pour être essentiellement d’essence métaphysique, n’en correspond pas moins à une réalité. Or, la finalité, quels qu’en soient le niveau et la perspective, exclut l’idée de hasard et implique l’existence d’un Dieu qui a conçu et créé, et qui continue à diriger et à gouverner» 6
Le «principe anthropique» de la cosmologie nous dit que l’univers tout entier, avec les milliers d’éléments qui le composent, est très exactement ajusté dans tous ses détails pour rendre la vie possible et la soutenir. L’astronome Fred Hoyle, pourtant athée, y voit l’implication «qu’un surintendant a bricolé avec les [propriétés] physiques» 7.
Ceux qui lisent l’anglais et désirent approfondir ces questions, pourraient consulter la liste d’ouvrages des plus intéressants, notamment de la plume de Phillip E. Johnson, publiés par les Groupes Bibliques Universitaires de l’Amérique du nord 8.
1.2.2.Témoignage de l’Ecriture
Importance
Citons un extrait de l’ouvrage de J. M. Nicole: «Le schéma classique de la destinée humaine d’après la Bible se résume en trois mots: création, chute, rédemption. Avec raison, nous avons tendance à majorer le troisième, qui constitue le centre de l’Evangile. Mais nous avons tort de ne pas prêter attention autant que nous le devrions au premier.
«Si nous ouvrons l’Ecriture, dès le début nous sommes mis en présence, et cela majestueusement, du Dieu créateur. On aurait pu imaginer une autre entrée en matière. C’est cellelà que le Saint-Esprit a choisie pour notre édification. Tout au long de l’Ancien Testament, les prophètes et les psalmistes reviennent sur ce thème (…).
«Lorsque les apôtres évangélisaient les païens, ils ne se bornaient pas à parler du péché et du salut, ils prenaient soin aussi de poser à la base de leur enseignement le fait de la création (…). Dans les moments difficiles qu’ils traversaient, les premiers chrétiens trouvaient force et consolation à la pensée qu’ils s’adressaient au Créateur de l’univers, et c’est lui qu’exaltent les cantiques célestes de l’Apocalypse (…)» 9.
Bref survol biblique La doctrine biblique de la création ne doit pas être confondue avec une quelconque hypothèse scientifique des origines, car son but est éthique et religieux, tout en étant présentée comme une réalité historique. Loin d’être confinée aux premiers chapitres de la Genèse, cette doctrine est invoquée dans un nombre étonnant de textes, tant dans l’Ancien Testament que dans le Nouveau. En voici quelques exemples, à titre indicatif: Néh 9.6; Job 38.4ss; Ps 8; l9.1-7; 33.6-9; 90.2; 102.26-28; 104; Es 40.26,28; 42.5; 45.18; Jér 10.12-16; Amos 4.13; Mat 18.4; Jean 1.1ss; Act 17.24; Rom 1.20,25; 4.17; 2 Cor 4.6; Col 1.16-17; Héb 2; 11.3; 1 Pi 4,19; Apoc 4.11; 10.6; 14.6-7.
Héb 11.3 fournit un bon point de départ pour considérer la doctrine: «C’est par la foi que nous comprenons que le monde a été formé par la parole de Dieu, de sorte que ce qu’on voit ne provient pas de ce qui est visible.» Cela veut dire que, à l’instar de l’auteur de la Genèse – et de Jésus-Christ (Mat 18.4)! – nous partons de l’a priori, non seulement que Dieu existe, mais qu’il a créé toutes choses ex nihilo. En d’autres termes, la doctrine biblique de la création est fondée sur la révélation divine, tout comme le mystère de la rédemption, et ne peut être saisie et acceptée que par la foi.
De plus, l’ouvre de la création est attribuée tour à tour aux trois personnes de la Trinité: au Père (Gen 1.1; Ps 33.6; Es 44.24), au Fils (Jean 1.3; Col 1.16), et au Saint-Esprit (Gen 1.2; Job 26.13), en tant qu’ouvre une et indivisible du Dieu trinitaire. Loin d’être un acte nécessaire ou inévitable, la création doit être comprise comme le fruit d’une initiative libre de Dieu, déterminée par sa volonté souveraine. Ainsi Dieu peut être à la fois le Seigneur transcendant, distinct de sa création, et immanent, Dieu de la providence dont dépend la création pour son existence continue. Le rôle de cette création est de manifester la gloire de la puissance éternelle, de la sagesse et de la bonté du Créateur, bref d’être, comme le dit Calvin, «le théâtre de sa gloire» 10.
En parfait accord avec l’Ancien Testament, le Nouveau Testament tout entier assume ou affirme la création du monde par Dieu et sa dépendance absolue de lui. Cette création, ainsi que les corollaires de grâce et de liberté, sont les axiomes [a priori – ndlr] sur lesquels toute la vérité biblique est érigée 11.
Portée de la doctrine
Le grand théologien Alfred Edersheim, juif messianique, insiste sur la portée de la doctrine de la création: «Quatre grandes vérités, touchant à l’ensemble de la révélation, nous viennent du récit biblique le plus ancien, comme le fleuve, divisé en quatre bras qui sortaient du jardin d’Eden:
1. la création de toutes choses par la puissance de la parole de Dieu;
2. la descendance de toute l’humanité de nos parents communs, Adam et Eve;
3. notre solidarité avec Adam, tête de la race humaine, dans le péché et la chute;
4. la promesse d’un second Adam, sans péché, qui par ses souffrances nous délivrerait des conséquences de la chute, et deviendrait l’Auteur d’un salut éternel pour tous ceux qui croiraient en lui» 12
«De toutes les oeuvres créées par Dieu», ajoute Edersheim, «l’homme seul a été créé «à son image, selon sa ressemblance» (Gen 1.26). Cette expression met en relief, non seulement l’intelligence conférée par Dieu et l’immortalité qu’il lui a accordée, mais aussi la nature parfaite, morale et spirituelle, que l’homme possédait au commencement.»
J. M. Boice développe ce thème, en détaillant les attributs que possède l’homme créé à l’image de Dieu:
1. personnalité: connaissance, vie affective, volonté;
2. moralité: liberté, conscience, responsabilité;
3. spiritualité: potentiel de communion avec Dieu13.
2. Vers quel résultat nous conduit notre choix?
2.1. «Dieu n’existe pas!»
L’hédonisme inconscient: «Mangeons, buvons, amusons-nous, car demain nous mourrons!»
L’angoisse: «Jean Rostand (1894- 1977) tout au long de sa vie s’est interrogé sur son athéisme, reconnaissant qu’il n’était «ni satisfait ni apaisé, obsédé» qu’il était, «sinon par Dieu, du moins par le non-Dieu» 14.
Le désespoir : «Le monde est absurde, la vie n’a pas de sens : inutile de se poser des questions pour lesquelles il n’y a pas de réponse. Il ne nous reste qu’à reconnaître notre désespoir, à l’accepter et à apprendre à vivre avec lui.»
2.2. Dieu existe!
«Celui qui s’approche de Dieu doit croire qu’il existe et qu’il récompense ceux qui le cherchent» (Hébreux 11.6b).
A vous, cher lecteur, de faire votre choix, et de suivre jusqu’à sa destination inévitable, le chemin dans lequel vous vous engagez.
F.H.
Notes
1 A. Rendle Short, Modern Discovery and the Bible, Inter-Varsity Fellowship, Londres, 1947; p. 11.
2 Rick Lanser in Associates for Biblical Research Newsletter, jan/fév. 2000; p. 2.
3 Cité par Nancy Pearson in We’re not in Kansas Anymore, Christianity Today, 20 mai 2000; p. 45.
4 Voir art. précédent dans PROMESSES no 134
5 Nancy Pearson, art. cit. in Christianity Today; p. 46.
6 Art. sur la Création in Nouveau Dictionnaire Biblique, Editions Emmaüs, 1992; p. 296s.
7 Nancy Pearson, art. cit.: p. 47.
8 Inter-Varsity Press, P.O. Box 1400, Downers Grove, IL 60515, USA, www.ivpress.com.
9 J. M. Nicole, Précis de doctrine chrétienne, Editions Institut Biblique de Nogent-s/Marne, 1983; p. 63s.
10 Art. sur la création in The New Bible Dictionary, Inter-Varsity Fellowship, Londres, 1967; p. 269s.
11 The Expositor’s Bible Commentary, Zondervan, 1978, Vol. 1; p. 46.
12 Alfred Edersheim, Bible History, Old Testament, Hendricksen, 1998; p. 11.
13 J. M. Boice, Le Dieu Souverain, Editions Emmaüs, 1981; p. 179s.
14 Art. cit. in Nouveau Dictionnaire Biblique, p. 297.
- Edité par Horton Frank
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