PROMESSES

VOUS aurez remarqué que l’article annoncé de notre série «Regards sur l’Occident» n’a pas pu être publié cette fois-ci pour des raisons de temps. Rassurez-vous, il est en préparation. Un peu dans la même ligne, il nous a paru bon de publier un article de Frank Horton qui nous servira de réflexion centrale: «Les insensés pensent : Dieu n’existe pas». Il est affolant de voir jusqu’à quel point la raison de l’homme autonome s’étant mise à la place de Dieu a cherché par tous les moyens à construire son propre château… de cartes, avant de s’écrouler misérablement. Nous pensons à cette parabole dans Mat 7.24-27 – ô combien vérifiable et vérifiée mille et une fois déjà ici-bas dans la vie des hommes, mais aussi tragique quand il faut entrer dans l’éternité et que l’on a pas construit sur le ROC. Deux possibilités nous sont offertes : soit construire notre vie sur le sable de la vie humaine sans Dieu pour aboutir à la mort éternelle, soit bâtir sur le ROC, Jésus-Christ crucifié et ressuscité et fondement inébranlable pour la vie éternelle. Et quelle machine infernale que la raison humaine sans Dieu! L’article de Frank Horton démontre d’une façon admirable combien la raison tordue de l’homme insensé peut imaginer et échafauder des théories aboutissant à un athéisme de fait . Trois exemples sont proposés: le matérialisme biologique avec un de ses principaux artisans, Charles Darwin, le matérialisme dialectique économico-politique érigé par Karl Marx, et le matérialisme psychologique conçu par Sigmund Freud. Les trois systèmes reposent sur un présupposé évolutionniste matérialiste. La mise en pratique de ces philosophies athées est dramatique, et tout le 20e siècle en témoigne: deux guerres mondiales, des millions de victimes causées par le communisme et par le national-socialisme; le sida, l’avortement, l’euthanasie, la globalisation sans merci, et nous en passons. Toute maison bâtie sur le sable s’écroulera tôt ou tard, tandis que l’homme sage, sensé, construit sa vie sur Jésus-Christ.

Autour de cette pensée centrale d’une construction saine et durable gravitent les autres sujets traités dans ce numéro. «La vie dans l’Esprit » traitée par J.-P. Schneider nous instruit sur l’enracinement de notre foi dans le Christ par l’Esprit de vie. Par lui nous combattons contre la chair pour acquérir la victoire sur elle. En lui nous attendons la victoire finale, lors de son glorieux retour.

Daniel Arnold nous présente une leçon spirituelle à travers la vie mal vécue, gâchée de Saül. Dans son «Onction privée du premier roi » nous discernons combien il est important de ne pas nous comporter comme des insensés en négligeant la Parole de Dieu, mais de craindre Dieu, ce qui est le commencement de la sagesse, le chemin de l’obéissance à Dieu. La religiosité ne suffit pas. Il faut construire sur le Roc par cette onction reçue de la part de Celui qui est saint (1 Jean 2.20,27).

Le cour de l’homme sensé, sage qui a bâti sa maison – son existence – sur le Roc, dans le «Psaume 30», commenté par Pierre Berthoud ne cesse de louer le Dieu des délivrances, face aux divers dangers rencontrés. Il a fait l’expérience de la fidélité de son Dieu qui, à travers les épreuves, lui a fait découvrir la prière et les actions de grâce.

Nous sommes heureux de publier un article provenant de la plume d’un jeune serviteur de Dieu du Sénégal qui plaide avec ardeur pour une construction solide sur le Roc. Ne soyons pas comme beaucoup d’insensés qui mettent leur confiance en leur propre personne – leur intelligence, leur belle apparence, leur prospérité matérielle et leurs propres capacités et forces. Dans cette maison construite sur le Roc, il y a encore un puits profond et béni, d’où nous devons puiser instant après instant pour boire la vie en Christ à grands traits et en abondance. Cet article «Si quelqu’un a soif » nous encourage et nous exhorte à suivre les traces de Jésus, la vraie et abondante eau vive.

Face aux a priori des insensés athées matérialistes, nous avons l’injonction de la Parole « d’instruire l’enfant » dans la voie du Seigneur. Ainsi, Proverbes 22.6 nous dit d’orienter le jeune garçon sur la voie qu’il doit suivre. Même quand il sera vieux, il ne s’en écartera pas. Quelle immense responsabilité pour les parents et pour l’Eglise dans la proclamation de l’Evangile et la formation pour une vie ancrée sur le Roc et non pas sur le sable mouvant d’un humanisme séculier enseigné dans les établissements scolaires à tous les niveaux.

Finalement, la différence entre le sage et l’insensé se manifeste dans les épreuves endurées. Si la maison de celui qui a bâti sur le sable s’écroule, comment celle construite sur le Roc résiste-t-elle? C’est à travers notre confiance inébranlable en Celui qui est le Maître souverain de toutes choses et qui contrôle tout, l’Alpha et l’Oméga, Celui qui est, qui était et qui vient, le Tout-Puissant (Apoc 1.8). C’est aussi ce qu’une officière de l’Armée du Salut, Mme Sylvette Huguenin, a vécu dans l’épreuve douloureuse de la perte de son mari emporté par une maladie foudroyante. Son témoignage «Une espérance au-delà de la souffrance », recueilli par Robert Muller, nous en fait part.

Bâtissons donc sur ce fondement de Christ avec sagesse, dans l’obéissance aux Ecritures Saintes et avec des matériaux éprouvés au feu qui résisteront pour l’éternité selon 1 Cor 3.10-15.


Genre, thème et structure

Ce poème est généralement considéré comme un psaume individuel de reconnaissance ou de louange. En fait, les deux attitudes du fidèle se rejoignent. Le psalmiste est reconnaissant parce que le Seigneur l’a arraché à la maladie qui menaçait sa vie même. Mais si la délivrance éveille l’action de grâce, elle fait jaillir des lèvres du croyant la louange (v.2,5,10,13). D’ailleurs la structure de ce psaume s’articule autour de cette double perspective:
– Le poème commence par une déclaration générale de louange (v.2-4).
– Il se poursuit par une reprise détaillée de ce même thème (v.5-13).

Ce thème principal est d’autant plus significatif qu’il s’articule à deux autres thèmes secondaires: la proximité de la mort (v.4,6,10) et les pleurs du fidèle qui se sent menacé (v.6,10,12,13).

Le contexte

Cultuel. Ce psaume se chantait lors de la dédicace du temple, fête connue sous le nom de Hanouca. Cette fête se célébrait dans l’allégresse et commémorait la purification du temple et de l’autel, accompli (en 164-65 av. J.-C.) par Judas Maccabée trois ans après leur profanation par Antiochus Epiphane (1 Mac 4.36-59). Elle fut aussi connue sous le nom de la fête des lumières. En effet, on allumait des lampes devant chaque maison les huit jours que durait la fête. Ces lumières signifiaient que la liberté avait « lui» pour le peuple d’une manière inespérée. Elles étaient sans doute le symbole de la loi qui est une lumière, la lumière de Dieu sur les chemins des hommes (Pr 6.23; Ps 119.105). Ce psaume se comprenait aussi en fonction de la restauration exilienne. « C’était le peuple élu qui avait failli périr, à la grande joie de ses ennemis. Mais le Seigneur l’avait ramené des portes du Sheol par la restauration post-exilienne. Il avait changé, et surtout changerait au temps du Messie, son deuil et ses lamentations en chants d’allégresse et en joyeuses danses».

Historique. Il est bien difficile de le préciser. On a pensé à la dédicace de la citadelle de Sion retardée par une grave maladie du psalmiste (2 Sam 5.6-12). D’autres ont pensé qu’il s’agissait d’un psaume composé en vue de la consécration du site du futur temple (2 Sam 24; 1 Chr 25). En effet, après le fléau qui avait frappé le peuple lors du recensement orgueilleux de David, ce dernier avait dressé un autel sur l’aire d’Aravna, site du Temple que Salomon devait construire. Cela n’est pas impossible. Quoiqu’il en soit, nous entrevoyons déjà les richesses de ce psaume et comment les croyants y ont puisé des trésors d’édifications et d’espérances. Puisse-t-il nous aider à mieux recevoir, accueillir celui qui a dit de luimême: Je suis la lumière du monde.

Portons maintenant notre attention sur les lignes de force de ce psaume : la faveur de Dieu; persévérance ou présomption; le cri «au secours»; la réponse et l’appel de Dieu; le témoignage et le défi.

La faveur de Dieu

Ce qui caractérise un «hassid», c’està- dire un fidèle, c’est l’impression de solidité, d’assurance, de vitalité et de permanence qui se dégage de lui. Ce psaume ne fait pas exception. Mais cette assurance, le psalmiste ne la puise pas en lui-même. Cette solidité, elle n’est pas inhérente au fidèle; elle est grâce de Dieu, plus précisément faveur de Dieu (v.6,7). Ce mot désigne l’amour spécial que Dieu porte, au sein de l’alliance à son peuple, à ses fidèles. C’est l’ensemble des bénédictions qui l’accompagnent : la santé, le bien-être, la paix, la sécurité, la prospérité et surtout cette communion qui donne à la vie, plénitude et profondeur. Tel était le privilège du fidèle et en particulier du roi qu’on appelle d’ailleurs le plus beau fils d’homme, la grâce est répandue sur ses lèvres : c’est pourquoi Dieu l’a béni pour toujours (Ps 45.3). Lorsque la faveur et la bénédiction divines pénètrent dans le temps du hassid, dans son histoire, elles apportent non seulement une nouvelle qualité de vie, mais aussi une restauration comparable à une véritable résurrection ((v.3,4). Dieu fait resplendir sa face sur lui et tout à coup la vie sur terre avec tous ses bienfaits acquiert une dimension spirituelle. Lorsque la faveur et la bénédiction divines pénètrent dans l’histoire de la vie du hassid, elle apporte assurance (n’en déplaise à ceux qui prônent la radicale incertitude), mais aussi durée, permanence; une qualité de vie qui transcende les limites de nos horizons parce que don du Dieu vivant.

Persévérance ou présomption

Mais cette faveur divine, cette grâce céleste appelle de la part du fidèle persévérance. Sans la fidélité et l’obéissance active du croyant, Dieu cache sa Face et tout l’acquis s’évanouit. La présomption guette David et il tombe dans son piège. Ecoutez-le: Je disais dans ma tranquillité: je ne chancellerai jamais. Le mot hébreu rendu par tranquillité véhicule une connotation négative : « Insouciance, indolence, négligence, légèreté». Ah, ce David, le grand roi, l’élu de Dieu, l’homme de fidélité, d’intégrité; ce poète et musicien dont les talents ont été entièrement consacrés à la gloire de Dieu… Ce David, le voilà pris au piège de la suffisance, de la présomption. Ce qui était grâce: qualité de vie, solidité, assurance, permanence – devient une fin en soi… Ce qui était faveur, devient un dû… Ce qui appelait humble reconnaissance devient orgueil de la vie… volonté de puissance… Et c’est à cet endroit précis que David trébuche, pèche, lorsqu’il entreprend ce fameux recensement qui provoqua la colère divine et un fléau redoutable au sein de son peuple. On retrouve dans ce psaume le même écho. La réaction de Dieu est immédiate et radicale. Dieu cache sa face et le fidèle est troublé, secoué, ébranlé, terrorisé, épouvanté (v.8), son fondement s’évanouit sous lui. La colère divine se manifeste dans un châtiment soudain et immédiat (v.6). C’est un coup de tonnerre dans le ciel bleu… La maladie l’assaille (v.3) et le voilà qui se trouve aux portes de la mort et du séjour des morts. Dans ce contexte, ce n’est pas toujours le cas (Job), la maladie, le danger mortel est présenté comme ayant valeur de châtiment. Le contraste entre Je ne serai jamais ébranlé et me faire descendre dans le gouffre (v.10) est total. Comme il est vulnérable cet homme, comme il est fragile ce fidèle qui croit pouvoir se passer de Dieu. Il est comme une ombre qui s’évanouit dans la nuit… Il n’a plus ni qualité de temps, ni durée… mais fragmentation. Dans sa folie, l’homme cherche en fait à se détruire. Mais Dieu ne désire pas anéantir l’homme… le fidèle.

Le cri «au secours»

Dieu ne désire pas la mort du pécheur, mais la repentance qui mène à la vie que donne le pardon. Et là encore, nous constatons que le jugement de Dieu est aussi une grâce qui permet une prise de conscience, un changement de mentalité, un renouvellement profond, … la sanctification. Face à l’irruption de la colère divine, la réponse de David ne se fait pas attendre. Il appelle Dieu au secours (v.3); il crie : grâce! (v.9b), fais-moi grâce (v.11). Notons que cette demande de pardon a été accompagnée d’un rite: David s’est revêtu d’un sac pour marquer sa repentance et son humiliation, son retournement intérieur (v.12). Son secours viendra du Seigneur seul. Plus encore, dans sa misère profonde, David va jusqu’à interpeller le Seigneur. Ce qui est dramatique dans cet instant de jugement, ce n’est pas tellement la mort et le Sheol, mais le fait de mourir sans la faveur de Dieu! Certes, ce qui est dramatique pour le psalmiste c’est de perdre irrémédiablement la vie, mais, plus encore, c’est de ne plus pouvoir célébrer son Dieu sur la terre des vivants… C’est de ne plus pouvoir raconter la vérité et la fidélité de Dieu sur terre… (v.10-11). Dans un acte de confiance inouï, au sein même de sa misère…, de sa repentance, David ose s’en ouvrir à Dieu.

La réponse du Seigneur

Dieu entend son appel au secours, il voit sa repentance et il renouvelle sa faveur. La générosité du Seigneur est saisissante: il le relève (v.2). Le mot hébreu signifie littéralement «puiser, retirer un seau d’eau d’un puits ». L’image s’applique parfaitement à la situation de crise du psalmiste. David gravement malade est à l’article de la mort. Il se voit descendre dans la fosse (= «puits»). C’est à ce moment précis que Dieu l’en retire. Il le guérit (v.2), il le fait remonter du Sheol (v.4); du séjour des morts. Il le délivre des griffes de la mort. Il le fait revivre (v.4). Il délie le sac du psalmiste; il accorde son pardon au fidèle repentant.

Le témoignage et le défi

David, objet de la faveur de Dieu est rétabli dans sa vocation de hassid. Le fidèle loue Dieu de tout son être sur la terre des vivants. Il raconte la vérité de Dieu, ses hauts faits et sa fidélité aux hommes de son temps (v.13)… et aux générations futures puisqu’aujourd’hui encore, nous entendons son témoignage. Mais David ne se contente pas de raconter son témoignage, il nous prend à parti, il nous interpelle: Vous qui avez entendu les hauts faits de Dieu, vous aussi psalmodiez en l’honneur de l’Eternel, célébrez son saint nom. Joignez- vous à moi pour le célébrer à toujours.

Conclusion

Dieu est, il était, il vient… Sommesnous prêts à célébrer le souvenir de sa sainteté, de l’incarnation de celui qui est notre salut et notre espérance? Sommes-nous prêts à célébrer sa manifestation dans nos vies, en réponse à nos cris, à laisser la Parole et le Saint-Esprit éclairer nos intelligences et baliser nos chemins ? Sommesnous prêts à le rencontrer lors de son avènement en gloire?

En ce temps d’inquiétudes et d’incertitudes puisse le Seigneur agir dans nos cours, afin que nous soyons profondément renouvelés par celui que nous avons toujours à nouveau à recevoir, Jésus-Christ. Puisse-t-il donner sens à notre vie et à notre mort au sein d’une époque dans laquelle il est si facile de passer à côté de l’essentiel.

P.B.

Questions

1. Comparer le Ps 30 et Es 38.10-28 (prière d’Ezéchias) et relever les éléments constitutifs d’un psaume de reconnaissance et de louange.
2. A la lumière des passages cités (2 Sam 5.6-12 et 2 Sam 24; 1 Chr 25), essayer de préciser les circonstances historiques possibles de ce psaume.
3. Comparer le comportement du fidèle et du présomptueux.
4. Comment Dieu concilie-t-il justice et amour dans ce poème?
5. Imaginer le contexte culturel dans lequel ce psaume pourrait être lu aujourd’hui.
6. Que vous apporte l’enseignement de ce psaume individuellement et communautairement?


DÉFENSE DE LA FOI CHRÉTIENNE

Ils sont corrompus, leurs actions sont dégradantes, aucun n’agit bien.
(Psaume 14.1; Bible du Semeur)

DANS ce tableau terrible de la nature humaine, écrit W. G. Scroggie 1, il est question, moins d’un athéisme formulé, philosophique, que d’un athéisme pratique, d’une perversité morale. Est athée, écrit-il, celui qui exclut Dieu de ses calculs et qui ordonne sa vie sans tenir compte des droits et des exigences divins. Toutefois, nous constatons que la pensée détermine le caractère et inspire le comportement, car l’homme «est tel que sont les arrière-pensées de son âme» (Proverbes 23.7a). La pensée et l’acte sont indissociables. Tout homme qui agit de la sorte est qualifié d’insensé par le Seigneur, et le chemin dans lequel il s’engage conduit à la catastrophe… et au jugement.

Un regard en arrière

Nous venons de quitter un siècle jalonné d’horreurs. Quel chiffre donner, en dizaines de millions, au nombre de victimes des guerres, des massacres et autres génocides pendant le 20e siècle? Comment expliquer cette inqualifiable inhumanité de l’homme envers son prochain? Qu’est-ce qui a inspiré les goulags, les camps de concentration, les pogroms, «l’holocauste », le terrorisme ? Pouvonsnous en tirer des conclusions qui seraient utiles pour notre propre cheminement? Nous allons essayer de poser des jalons de réponses à ces questions en retraçant dans quelques grandes lignes le développement de la philosophie athée au travers de ces derniers siècles. Au risque de trop simplifier, nous serons obligés de résumer, de survoler, de choisir des exemples représentatifs pour illustrer nos propos. Dans un article ultérieur nous tâcherons de formuler une réponse chrétienne aux problèmes évoqués.

Au 17e siècle: extension du rationalisme

Un mouvement de pensée émerge au 17e siècle, le Rationalisme, qui n’est pas, au départ, une approche explicitement athée. Les rationalistes des 17e et 18e siècles ont développé des systèmes marqués par une grande diversité, mais fondés sur une prémisse commune: la rationalité de l’univers et le pouvoir de la raison de le saisir. Déjà les Réformateurs du 16e siècle avaient pris comme point de départ – rationnel – l’action de Dieu en Christ de laquelle témoignait la Sainte Ecriture. Mais d’autres, sans être forcément irréligieux, appliquaient la logique à leur étude de la structure rationnelle de l’univers; puisque toutes choses pouvaient être jugées à la lumière de la raison, celle-ci finissait, pour certains, par évacuer le surnaturel pour ne laisser que la nature et ce qu’ils pouvaient déduire en l’examinant. Libre à chacun d’assigner à Dieu dans son schéma le rôle qu’on voulait bien lui accorder. On peut citer comme exemples Descartes (1596-1650), Spinoza (1632-1677), et Leibnitz (1646- 1716) 2.

Au 18e siècle: le «siècle des Lumières» met la Révélation biblique sous le boisseau

Dans le contexte d’un mouvement, devenu mondial, vers le rationalisme hérité du 17e siècle, la pensée du 18e siècle se raffine, et combine l’opposition à la religion surnaturelle avec la confiance en la toute-suffisance de la raison humaine, motivées par l’ardent désir de promouvoir le bonheur des hommes dans cette vie. La plupart de ses représentants rejettent le dogme chrétien; ils affichent leur hostilité au catholicisme ainsi qu’à l’orthodoxie protestante, qu’ils considèrent comme des barrières à l’utilisation des facultés rationnelles humaines. Leur confiance inébranlable en la bonté de l’homme les rend aveugles à la réalité du péché, et produit un optimisme facile: il suffit de reconnaître les principes de la raison éclairée pour annoncer le progrès et la perfectibilité de la société humaine 3. Nous citerons deux exemples parmi les représentants de ce courant de pensée.

Jean-Jacques Rousseau (1712- 1778). Sans abandonner la religion, il popularise la nature, et cède à un parti pris qui subsistera aux 19e et 20e siècle: une conception naïve, optimiste, du caractère de l’homme, combinée au refus de prendre au sérieux la Révélation chrétienne 4.

Emmanuel Kant (1724-1804). Sa pensée représente le point culminant du rationalisme du 18e siècle. Kant rejette les preuves traditionnelles de l’existence de Dieu. L’homme devenu adulte doit se débarrasser de toute pseudo-autorité externe, et faire ce que lui dicte sa raison, car il n’a plus besoin de Dieu comme conseiller céleste. Il faut libérer le christianisme de sa foi en un Dieu surnaturel qui intervient dans les affaires humaines, et mettre à sa place la notion d’un Créateur impersonnel qui ne s’intéresse plus au monde. Une religion d’auto-suffisance doit remplacer l’idée de la grâce de Dieu qui mène au salut 5.

Au 19e siècle: l’athéisme étend ses racines

Le 19e siècle, époque de foi et d’incrédulité, fut témoin, d’une part, de l’expansion missionnaire et de réveils, et, d’autre part, d’un nombre grandissant de voix clamant haut et fort que les fidèles sont captifs d’illusions. Nombre de philosophes partageaient le désir de réinterpréter le christianisme à la lumière des connaissances qu’ils estimaient vraiment modernes. Dans l’opinion publique, les savants scientifiques expliquaient de mieux en mieux le fonctionnement de l’univers, laissant de moins en moins de place à Dieu. Pour certains, le renversement définitif de Dieu allait ouvrir la voie à des philosophies athées 6 ou agnostiques 7 dignes de prendre sa place 8.

Ludwig Feuerbach (1804-1872). Ce philosophe allemand exerce une influence déterminante sur certains de ses contemporains et successeurs, par un matérialisme qui réduit à néant la dimension spirituelle. Selon lui, dans la religion l’homme purifie, projette et objectifie sa propre nature pour en faire et contempler un être divin distinct 9. «La théologie n’est rien d’autre que l’anthropologie; la connaissance de Dieu n’est rien d’autre que la connaissance de l’homme» 10.

Charles Darwin (1809-1882): le matérialisme biologique. Dans son livre célèbre, L’origine des espèces (1859), Darwin combine et développe deux idées maîtresses. La première, ancienne, postule le développement graduel de la vie au cours de millions d’années à partir d’un ancêtre commun. La seconde, nouvelle, parle de «sélection naturelle » par la concurrence et la survivance des plus forts 11. Ainsi est promulguée l’hypothèse d’une sélection fondée sur des variations aléatoires et la lutte pour la survivance. Toutes les caractéristiques humaines – physiques, mentales et morales – auraient leur explication dans une modification progressive de nos ancêtres anthropoïdes, et tomberaient, par conséquent, dans le domaine de la loi naturelle, du hasard. L’évolutionnisme déborde du cadre biologique et devient le tremplin pour des philosophies évolutionnistes sociologique, morale et éthique 12.

Notre but ici n’est pas d’entrer dans un débat d’ordre scientifique (pour lequel nous serions incompétents), car notre querelle avec Darwin se situe sur le plan théologique. L’agnosticisme de Darwin devient plus évident dans ses déclarations postérieures au livre mentionné plus haut. Pourquoi Darwin figure-t-il parmi les cinq hommes qui, selon un sondage fait en décembre 1999, ont exercé le plus d’influence sur l’humanité pendant les 1000 dernières années ? « Je crois, dit Rick Lanser, qu’il s’agit de l’attraction qu’exerce l’évolution sur l’homme naturel, car celui-ci cherche constamment à contourner ce Dieu qui gêne avec ses exigences morales (…). Je pense que nous verrons bientôt la macroévolution 13 darwinienne dirigée vers la décharge des idées abandonnées. De nouvelles découvertes en biochimie et d’autres sciences «dures», combinées avec des études statistiques, feront la démonstration définitive que les changements provoqués par des mutations sont impossibles (…). L’évolutionnisme darwinien n’est, enfin, qu’une philosophie fondée sur [des a priori] religieux qui essaie, sans grand succès, d’interpréter les données à partir de prémisses purement naturalistes. Il est populaire, non pas en tant que bonne science, mais parce que, dans les mots de l’ultra-évolutionniste Richard Dawkins, il fournit les moyens d’être un « athée intellectuellement comblé» 14. Nous reviendrons ci-après sur l’influence que le Darwinisme a exercé sur d’autres maîtres à penser.

Karl Marx (1818-1883): «matérialisme dialectique» politico-économique. En 1843 Marx avait déjà formulé le programme auquel il resterait désormais fidèle. «L’abolition de la religion, écrit-il, en tant que bonheur illusoire de l’homme, est indispensable pour son bonheur véritable ». Marx voit en Feuerbach le fondateur du matérialisme authentique et de la science positive, en ce qu’il avait fait de la relation d’homme à homme le principe fondamental de sa théorie. Et de dénoncer la religion comme ennemie de tout progrès; le vide laissé par sa disparition doit être rempli par un matérialisme dynamique modelé sur la dialectique de Hegel. Le mariage du matérialisme avec la tension dialectique s’appelle «matérialisme dialectique»: sa façon d’étudier les phénomènes de la nature est dialectique, alternant entre thèse et antithèse pour aboutir à une synthèse, tandis que son interprétation de ces phénomènes est matérialiste, dénuée de la dimension spirituelle. A ce sujet Bertrand Russell, lui-même athée, commente: «Marx se déclare athée, et pourtant il garde un optimisme que seul le théisme pourrait justifier. D’une manière générale, tous les éléments dérivés de Hegel sont non-scientifiques, dans ce sens qu’il n’y a aucune raison de les supposer vrais» 15.

Karl Marx, fervent admirateur de Charles Darwin, trouve utile la loi darwinienne de la compétition. Ayant lu L’origine des espèces en 1860, il commenta: «Le livre de Darwin est très important, et me sert de base comme science naturelle pour soutenir la lutte historique». Ainsi l’évolution apporte sa contribution à la doctrine communiste, selon le rôle que Marx choisit de lui assigner 16.

Friedrich Nietzsche (1844-1900): athéisme militant. Adversaire acharné de la religion, il est fêté comme le fondateur de l’école de la «Mort de Dieu». Son point de départ est la non-existence de Dieu. L’homme est, par conséquent, laissé à lui-même pour déterminer l’orientation de sa vie, puis se débrouiller seul. Nietzsche n’a que du mépris pour ceux qui rejettent l’idée chrétienne de Dieu, mais cherchent à récupérer la morale chrétienne. Il faut tout balayer, ditil, et recommencer à partir de zéro pour que chacun distingue par sa propre volonté entre le bien et le mal. Les torrents de diatribe amère émis par cet homme, malade toute sa vie et mort aliéné, ont eu une influence incalculable sur nombre d’écrivains, de poètes et de philosophes européens. Il est à noter surtout que Nietzsche fut adopté comme le philosophe attitré du National Socialisme, et reconnu pour être l’athée le plus conséquent du 19e siècle 17.

Sigmund Freud (1856-1939) : le matérialisme psychologique. Freud choisit la science naturelle comme point de départ, et enracine sa théorie dans les sciences biologiques et leurs méthodes de recherche. En d’autres termes, il opère dans un système fermé de cause à effet, dans lequel les lois biologiques et physiques de la nature déterminent tous les aspects de l’existence humaine. Il maintient, donc, que l’évolution de l’homme à partir d’animaux inférieurs, l’émergence des croyances religieuses et l’essor de la civilisation, ainsi que le développement de chaque personnalité individuelle, sont asujettis à des lois naturelles inexorables 18.

Au 20e siècle: qui sème le vent moissonne l’ouragan

Dans la mosaïque de textes tirés de l’Ancien Testament construite par Paul pour décrire les hommes sans Dieu, il dit, entre autres: «Leur bouche est pleine d’aigres malédictions. Leurs pieds sont agiles quand il s’agit de verser le sang. La destruction et le malheur jalonnent leur parcours. Ils ne connaissent pas le chemin de la paix. A leurs yeux, respecter Dieu n’a aucun sens» 19. Peut-on trouver un tableau plus percutant de ceux qui, au cours du 20e siècle, ont adopté et mis à exécution l’athéisme militant hérité des maîtres à penser, leurs prédécesseurs? Dieu est évacué de la scène; l’homme, accident de la nature ou résultat de lois naturelles aveugles, n’est plus créé à l’image de Dieu. Il perd, par conséquent, son identité unique, sa dignité et sa valeur, et peut être supprimé selon les caprices de quiconque exerce le pouvoir absolu et en abuse. Les Hitler et autres Staline pouvaient formuler leur propre système éthique et supprimer quelques millions de leurs contemporains sans craindre d’avoir des comptes à rendre à un quelconque Etre suprême. Il nous paraît donc évident que les événements tragiques du 20e siècle ont été inspirés par l’influence diabolique de Darwin, Marx, Freud et leurs compères. Ainsi que nous l’avons déjà dit, notre querelle avec eux ne se situe ni sur le plan biologique, ni sur les plans politique ou psychologique, mais bel et bien avec leurs a priori théologiques; notre point de départ à nous est la conviction que Dieu est – Créateur, Rédempteur et Juge – et qu’un jour tous les hommes se tiendront devant lui pour rendre compte de leurs actions sur la terre.

La lecture de cet article n’aura peutêtre pas été des plus faciles, mais n’avons-nous pas besoin de courage et de discernement pour voir en face les réalités du 20e siècle, et formuler une réponse chrétienne qui soit notre témoignage, approprié à notre génération? Nous espérons, Dieu voulant, consacrer un nouvel article à cette question.

F.H.

Notes

1 W. Graham Scroggie, The Psalms, Pickering & Inglis, Londres, 1946; vol. 1, p. 98.
2 Colin Brown, Philosophy and the Christian Faith, Tyndale Press, Londres, 1969; p. 48ss.
3 The Oxford Dictionary of the Christian Church, Oxford University Press, Londres, 1958; p. 105.
4 Colin Brown, op. cit., p. 81ss.
5 Ibid.; p. 90ss.
6 Athéisme: refus de croire en l’existence de Dieu.
7 Agnosticisme: le doute quant à la possibilité de savoir si Dieu existe ou non.
8 Colin Brown, op. cit.; p. 107ss.
9 Ibid.; p. 133ss.
10 L. Feuerbach, The Essence of Christianity, 1841; p. 14.
11 Colin Brown, op. cit.;. 147ss.
12 Charles Hummel, The Galileo Connection, IV Press, 1986; p.. 227ss.
13 Apparition de nouvelles expèces par voie de mutation.
14 Rick Lanser in Associates for Biblical Research Newsletter, jan/fév. 2000; p. 2.
15 Colin Brown, op. cit.; p. 135ss.
16 Ibid.; p. 147.
17 Ibid.; p. 137ss.
18 Roger Hurding, Roots and Shoots, Hodder & Stoughton, Londres, 1985; p. 73.
19 Romains 3.14-18; Bible du Semeur


VIE CHRÉTIENNE

Jean 4.1-29; 7.37-38; Jérémie 2.12-13

Pierre Célestin NTOKO TONGA

Jeune pasteur-adjoint d’une église Baptiste à Dakar, Pierre Ntoko nous a remis un message dont nous publions un condensé. Son contenu nous concerne tous, car les fléaux du matérialisme, de la vanité et de l’égocentrisme propagés par les mass-médias occidentaux n’ont pas de frontières. Mais aussi, le cour de l’homme est partout le même, et nous devons veiller à puiser toutes nos eaux dans le seul puits qui offre l’eau vive désaltérante: Jésus-Christ qui nous donne la vie éternelle, une vie débordante et intarissable.

La femme samaritaine

Chaque être humain est confronté tôt ou tard à la question inéluctable: Quel est le sens de la vie? Bien des systèmes du monde moderne, comme la philosophie, les religions, la politique, l’économie, le cinéma, le sport, par exemple, ont tenté d’apporter leur réponse.

Le texte de Jean 4.1-29 nous parle aussi d’une femme en quête du sens de la vie. Elle est connue sous le nom de la femme samaritaine. Jésus est en chemin pour la Galilée. Son itinéraire l’oblige à passer par la Samarie. Il arrive à Sychar, en Samarie, située aux environs du champ que Jacob avait donné à son fils Joseph (Gen 48.22; Jos. 24.32). A cet endroit se trouvait un puits – le puits de Jacob – sur la margelle duquel Jésus va s’asseoir, fatigué du voyage. A ce moment, il va rencontrer une femme samaritaine qui vient puiser de l’eau, et il entame une conversation avec elle.

Le puits de Jacob

Donne-moi à boire (v. 7) dit-il. Aussitôt la femme samaritaine réagit en faisant valoir les questions sociales, tribales, ethniques et géographiques. Elle lui dit : «Comment toi qui es Juif me demandes-tu à boire à moi qui suis une Samaritaine? » (v. 9). Elle touche ainsi à un problème d’une acuité et d’une actualité brûlantes dans notre chère Afrique de plus en plus rongée par la gangrène de la division et de la peste de la haine. A la place de Juif et de Samaritain on pourrait tout aussi bien dire «Comment toi qui es Congolais me demandes-tu à boire à moi qui suis Gabonais ?» A dessein ou non, nous érigeons ainsi entre nous des barrières sous les faux arguments de la nation, de l’ethnie ou de la race.

La conversation de Jésus avec la Samaritaine va déboucher sur un entretien sur la vie sentimentale, affective et conjugale de celle-ci. Progressivement elle fait la découverte de Jésus qui l’invite à appeler son mari. Sa réponse est franche, sans fioriture: Je n’ai pas de mari (v. 17). Elle avait essayé cinq mariages qui tous s’étaient terminés par un échec. Je crois personnellement que cette femme n’était pas veuve, sinon elle n’aurait pas par la suite choisi de s’installer sur le terrain putride de l’union libre. Désabusée, déçue et au bout de ses forces, elle décide de ne plus se remarier et verse dans le concubinage. En France, on a expurgé cette notion de son contenu de péché en lui donnant le nom de «cohabitation». Mais retenons fermement que cette femme a quitté le terrain de la volonté de Dieu pour s’installer dans une relation adultère. Son attitude est un aveu, un mea culpa. Aucun mariage n’avait réellement pu combler les désirs de son cour ni satisfaire ses aspirations profondes d’être humain et de femme en particulier. Elle savait que l’union libre ne le pouvait pas non plus.

Tirons de tout cela un principe fondamental de la vie: aucune relation sociale (dans nos rapports avec les membres de la société), familiale (parents- enfants), conjugale (mari-femme), fraternelle (frère-sour), ecclésiale (dans nos rapports avec les membres de l’Eglise), matérielle (dans nos rapports avec les biens du monde) ou psychologique (l’homme dans son rapport à lui-même), ne peut combler nos cours. Seul Jésus-Christ peut totalement et véritablement combler nos cours: Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive (Jean 7.37). Cela implique que nous devons donner aux autres la juste place qu’ils devraient avoir dans nos vies et que nous reconnaissons aussi leurs imperfections, fragilité et faiblesses. Nous serons ainsi capables et prêts à accepter leurs défauts et à leur accorder notre pardon fraternel quand ils nous auront blessés. Nous serons alors capables d’indulgence à leur égard.

Rappelons-nous donc que nous avons tous cette tendance innée à croire que les hommes et les choses peuvent réellement combler nos cours, ce qui nous fait souvent basculer dans un amour excessif et démesuré à leur égard. Abraham et Isaac apprirent une leçon fondamentale à travers leur vécu en Gen 22: Dieu d’abord et avant tout. Isaac en particulier se rendit compte en tant que fils que son père était capable de le sacrifier pour Dieu. Il ne l’a jamais oublié, et cette expérience a dû marquer toute sa vie. Sommes-nous prêts dans nos relations avec les autres et dans tous les autres domaines à discerner et reconnaître que Dieu a la première place, même si nous devions souffrir des sacrifices et des pertes pour Lui? Ce sera pour nous la meilleure façon de les retrouver. Rappelons-nous que même le Père dut en quelque sorte perdre son Fils à la Croix pour le retrouver au ciel. Qu’avons-nous à sacrifier pour la cause et la gloire de Dieu? Augustin a dit justement : «Seigneur, nos cours sont inquiets jusqu’à ce qu’ils reposent en toi».

D’autres puits humains

Avec Jésus-Christ, la Samaritaine est entrée dans une relation qui ne se brisera jamais plus. Elle a rencontré l’Epoux par excellence. De même qu’elle revenait chaque jour chercher de l’eau au puits de Jacob, de même elle avait essayé en vain cinq mariages. Toutes les fois où nous allons trouver le sens de notre vie ailleurs que dans la Personne bénie de Jésus- Christ, nous puisons dans un puits de Jacob, dans un marigot humain pour être déçus tôt ou tard. Pour la femme samaritaine, c’était le mariage. Il y a d’autres puits humains dans lesquels les humains cherchent leur bonheur. Nous aimerions évoquer ici encore trois de ces puits humains avec leurs propres échelles de valeur à partir desquelles la société moderne jauge les hommes et les femmes. Hélas, le monde évangélique n’échappe pas à cette fausse manière de voir à l’aube de ce XXIe siècle. Ce sont les puits humains de la beauté, des richesses et de l’intelligence.

La beauté

Une belle apparence physique de nos jours peut ouvrir bien des portes dans la société moderne. Il n’y a pas de mal à être beau. Mais le problème s’installe lorsqu’on met une confiance excessive et maladroite dans sa beauté. Dans le monde de la musique – et dans bien d’autres domaines encore – on voit des femmes qui n’ont aucun véritable message à faire passer, mais leurs disques se vendent comme des arachides au marché. Même dans les milieux évangéliques l’on rencontre de plus en plus des top-modèles. Ne nous laissons pas séduire : La grâce est trompeuse et la beauté vaine; la femme qui craint l’Eternel est celle qui sera louée (Prov 31.30).

Mais il n’y a pas que les femmes. On voit aussi dans nos églises l’émergence de ce que nous pourrions appeler des hommes-mannequins. Vous connaissez certainement l’histoire de Narcisse dans la mythologie grecque. Ce garçon d’une très grande beauté fut séduit pas sa propre image. Mal lui en prit lorsqu’il voulut embrasser son image reflétée par une fontaine, tomba dans l’eau et se noya. La Bible nous parle du roi Saül. Le jour de son onction comme roi d’Israël, le récit nous rapporte que c’était un homme d’élite et beau, plus beau qu’aucun des Israélites, et les dépassant tous de la tête (1 Sam 9.2). Une semaine plus tard, Saül désobéissait à Dieu et perdait sa royauté. On peut se demander jusqu’à quel degré cette chute était due à une confiance excessive dans son apparence. En Ezéchiel 28, la Bible nous parle d’une créature – Satan – qui mettait le sceau à la perfection. parfait en beauté. chérubin protecteur. mais qui par son orgueil et son arrogance fut précipité de la montagne de Dieu. Dieu dénonçait formellement ce péché grave: Ton cour est devenu arrogant à cause de ta beauté. Tu as corrompu ta sagesse par ta splendeur (v. 17).

Narcisse mourut; Saül perdit sa royauté; Satan fut précipité de la montagne sainte. Tel est le sort de celui qui croit trouver dans sa beauté le sens de la vie. La racine du péché est un narcissisme pathologique qui amène l’homme à se centrer sur lui-même. La Bible nous invite à centrer notre vie sur Dieu par Jésus-Christ. Prenons garde de ne pas vivre de nos apparences, piège mortel pour nos âmes. Toute chair est comme l’herbe et toute sa gloire comme la fleur de l’herbe. L’herbe sèche et la fleur tombe, mais la Parole du Seigneur demeure éternellement (1 Pi 1.24-25).

L’intelligence

Etre intelligent n’est pas non plus un vice, mais lorsqu’elle s’érige en norme suprême de vie, l’intelligence devient dangereuse. Affirmer que la raison et l’instruction sont suffisantes pour assurer le bonheur est un mensonge. Pourtant, l’homme moderne croit y trouver le sens à la vie. La course aux diplômes est un piège qui guette de plus en plus les Africains. Ainsi, le besoin sain d’instruction dégénère parfois en une rivalité avec les autres, et l’école en un lieu où démontrer sa supériorité. Le désir de compétition est une racine vénéneuse qui empoisonne notre vie. L’orgueil, le besoin d’être supérieur à l’autre est en nous et peut se développer si nous ne veillons pas. L’intelligence sans Dieu est une folie, un suicide moral. C’est aux sages et aux intelligents de ce monde que le Père a caché certaines choses (Luc 10.21). Le message de Prov 3.5-7 est un avertissement solennel pour nous : Confie-toi en L’Eternel de tout ton cour, et ne t’appuie pas sur ton intelligence; reconnais-le dans toutes tes voies. Et c’est Lui qui aplanira tes sentiers. Ne sois pas sage à tes propres yeux, crains l’Eternel, écarte-toi du mal.

La prospérité matérielle

Les hommes sont fascinés par les richesses et les biens matériels. Ils croient y trouver le bonheur parfait. Même le chrétien, surtout en ces temps de crise spirituelle, y met son cour. On nous proclame un évangile de la prospérité matérielle fondé sur une philosophie matérialiste malsaine qui flatte les convoitises, l’orgueil et la cupidité. Même dans l’Eglise, il est tentant de donner une place aux gens selon leur prospérité matérielle.

La Bible déclare clairement que la racine de tous les maux se trouve dans l’amour de l’argent (1 Tim 6.10). Ne considérons-nous pas facilement la prospérité matérielle comme le baromètre de notre réussite (Luc 18.18-30) ? Le Seigneur nous rappelle précisément dans Luc 12.15 que même dans l’abondance, la vie d’un homme ne dépend pas de ce qu’il possède. Dans la parabole du semeur, il dit clairement que les richesses et l’invasion des autres convoitises dans nos cours étouffent la Parole et la rendent infructueuse (Matth 13 et Marc 4). Bien des disciples de Jésus-Christ n’arrivent pas à «décoller» spirituellement, parce qu’ils sont pris en tenaille par l’amour des richesses. Leurs prières même trahissent leur centre d’intérêt. On ne les entend jamais remercier le Seigneur dans leurs prières qui tournent toujours autour du même sujet : «donne-nous, donne-nous». Nous connaissons tous ce qui se passe dans nos cours quand le salaire touché au début du mois commence à baisser. Nous avons tendance à devenir froids et tristes. L’argent peut devenir un dictateur dangereux. Prenons y garde.

Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive, dit Jésus

Beauté, intelligence et richesses, pourtant dons de Dieu, peuvent constituer trois sources d’eau polluée. Infectées par le virus du péché et de la mort, elles ne désaltéreront jamais le cour assoiffé de l’homme. Elles nourrissent l’orgueil de l’homme. Malgré cela, nous croyons trouver de l’eau vive dans ces mares d’eau bourbeuses. Aussi, Dieu s’écrie-t-il : Mon peuple a doublement mal agi. Ils m’ont abandonné, moi la source d’eau vive, pour se creuser des citernes, des citernes crevassées qui ne retiennent pas l’eau (Jér.2.13).

La femme samaritaine a posé au Seigneur une question d’importance capitale : Es-tu plus grand que notre père Jacob? (Jean 4.12). La réponse à cette question est fondamentale pour chacun d’entre nous. Jésus Christ estil plus grand que notre père, notre mère, nos enfants, nos biens, etc. ? C’est Lui seul que Dieu a souverainement élevé et lui a donné le nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse dans les cieux, sur la terre et sous la terre, et que toute langue confesse que Jésus-Christ est Seigneur, à la gloire du Père (Phil 2.9-11).

Le Seigneur Jésus a dit: Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive. celui qui boira de l’eau que je lui donnerai n’aura jamais soif, et l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d’eau qui jaillira jusque dans la vie éternelle (Jean 7.37; 4.14). Avez-vous soif ? Vous aussi, vous pouvez boire à la source d’eau éternelle qu’est Jésus-Christ. Que Dieu vous bénisse.

P.-C. N.T.


FORMATION

Proverbes 22.6

Une lettre touchante nous est parvenue il y a quelque temps de la République démocratique du Congo. Le pasteur d’une Eglise locale d’environ 2200 personnes dont plus de 70% sont des jeunes et où plus de 1700 enfants fréquentent l’Ecole du Dimanche, nous a fait part de l’urgence de la formation des responsables. Ces enfants sont encadrés par un directeur et quelque 50 jeunes moniteurs et monitrices sans grande formation. Selon les informations d’autres pays du monde, nous assistons à une explosion numérique d’enfants et de jeunes qui aimeraient recevoir un enseignement biblique sur la foi en Jésus-Christ pour être orientés sur la voie qu’il doivent suivre.

Dernièrement, nous avons pu rencontrer M. et Mme Samuel et Hélène Grandjean, évangélistes d’enfants bien connus qui ont plus de 40 ans d’expérience derrière eux dans ce domaine. Quel rafraîchissement pour notre cour d’entendre leur témoignage vibrant sur la grandeur de Dieu, sa fidélité et sa providence constante à travers les mille et une circonstances et péripéties de leurs voyages sur différents continents (17 pays) et leur labeur dans la préparation de leurs cahiers, livres, recueils de chants, cassettes et CD. Des dizaines de milliers d’enfants ont reçu le message de l’Evangile à travers leurs messages parlés, chantés et écrits. Combien de témoignages reçus, nous disent-ils, de personnes d’âge mûr qui se sont engagées à leur tour dans la voie du Seigneur après avoir été touchés dans leur tendre enfance par leur ministère!

Nous aimerions encourager nos jeunes gens à se consacrer entièrement au Seigneur. Et pourquoi ne pas commencer par un ministère d’enseignement biblique aux enfants ? C’est aussi aux parents que nous aimerions laisser ce texte de Proverbes 22.6: Oriente le jeune garçon sur la voie qu’il doive suivre. Même quand il sera vieux, il ne s’en écartera pas. Une grande vérité qui s’est illustrée à travers le ministère de nos amis ! Ces quelques indications concernant du matériel de formation et d’enseignement bibliques pour les enfants pourront vous aider dans ce domaine.

Instruis l’enfant – Excellent petit manuel pour moniteurs et monitrices d’enfants contenant 28 leçons bibliques pour enseigner l’enfant. Chaque leçon contient d’abord un verset qui la résume. Puis, il y a des questions faciles pour orienter les pensées de l’enfant. Ensuite, on se concentre courtement sur la leçon de choses qui introduit une exposition condensée du récit biblique. Un apport précieux vient s’ajouter à chaque leçon par un ou deux chants et des dessins à décalquer. 70 pages. Auteur: Samuel Grandjean. Editeur: La Maison de la Bible, Le Tresi 6, CH-1028 Préverenges (Suisse) et B.P. 19 FR-69813 Tassin-Cédex (France).

Réponds-moi – Questions et jeux – As-tu compris – Trouve aussi – Quatre jolies brochures avec questions, jeux et courtes histoires vécues qui accrochent l’enfant en l’amenant toujours à l’essentiel: Jésus-Christ. Chaque brochure 48 pages. Auteur: Samuel Grandjean. Editeur: La Maison de la Bible.

Ourane – Sebti – Genovieva – Jeannot chez les bagnards – Quatre récits authentiques, vécus et captivants pour enfants, mais qui sont lus avec autant d’intérêt par les adultes qui veulent les raconter aux enfants. Auteur : Samuel Grandjean. Editeur: La Maison de la Bible

Si tu chantais – Chante avec les musiciens – Je veux chanter – Un temps pour chanter – Quatre recueils illustrés de quelques 60 chants chacun, toutes les mélodies avec accompagnement de piano et accords de guitare.

On peut également obtenir 210 chants en 16 cassettes et 111 chants en 4 CD. Excellent moyen pour répandre ces chants joyeux dans les foyers. Auteurs: Hélène et Samuel Grandjean. Editeur: La Maison de la Bible.

Natala – Une histoire vraie d’une petite Africaine orpheline; 32 pages. Où est ton trésor? – Récits et jeux; 32 pages. J’ai trouvé – Récits et jeux; 32 pages. Les aventures de Claude et Martine – 48 pages. Auteur: Samuel Grandjean. Editeurs: La Maison de la Bible ou Mission Chrétienne Esaïe 55, FR-13190 Allauch (France). Grâce à leur prix intéressant, ces quatre petits livres peuvent être diffusés sur une large échelle.

Toujours joyeux – Brochure destinée aux 6 à 11 ans; 16 pages en couleurs; peut être obtenue en grandes quantités pour une large distribution parmi les enfants. Auteur: Samuel Grandjean. Edition: Toujours Joyeux CH-1400 Yverdon (Suisse) ou Mission Chrétienne Esaïe 55, FR- 13190 Allauch (France).

Tous ces «outils » constituent un précieux apport dans le travail parmi les enfants de l’église locale. Que Dieu nous accorde cette vision pour atteindre les enfants avec l’Evangile.

H.L.


Le chapitre 8 de l’épître aux Romains nous servira de base pour les deuxième, troisième et quatrième parties de cette étude sur la vie du chrétien né de Dieu.

La vie dans l’Esprit – Première partie de Romains 8

V. 1-17: La vie dans l’Esprit

Introduction

Romains 8 doit être lu sur l’arrière-plan de Romains 7. Dans ce dernier chapitre, Paul considère le chrétien dans son corps; au chapitre 8, il le considère dans l’Esprit. Il n’y a pas deux sortes de chrétiens, comme certains commentateurs l’entendent : ceux qui seraient encore dans Romains 7 et ceux qui auraient passé dans Romains 8. Tous les chrétiens vivent aussi bien dans leur corps que dans l’Esprit, qui d’ailleurs habite en leur corps dès leur conversion.

Ceci est confirmé par la fréquence des mots corps et chair.

Chapitre 7: 2 fois corps, 3 fois chair. Chapitre 8: 4 fois corps, 13 fois chair.

La grande différence est la mention de l’Esprit de Dieu: une seule fois au chapitre 7, mais 18 fois au chapitre 8, dans lequel il s’agit du combat du chrétien entre la chair (le Moi incapable de faire le bien) et l’Esprit (qui en donne la possibilité). Autrement dit: c’est le combat entre la puissance du péché habitant dans le corps [7.20] et la puissance du Saint-Esprit qui y habite aussi [8.11].

L’homme régénéré a deux natures : chair et esprit. Exemple: un arbre greffé.

La vieille nature y est encore, crucifiée en quelque sorte, pour porter la nouvelle nature, seule capable de produire de bons fruits.

Mourir à soi-même, c’est se livrer par la foi et l’obéissance au Seigneur, pour que l’Esprit puisse manifester sa victoire sur la chair (nos tendances pécheresses).

Romains 8 peut se résumer en trois titres :

I. 1-17 La vie par l’Esprit
II. 18-27 La gloire à venir
III. 28-39 Toutes choses

Romains 8.1-17: La vie par l’Esprit

On peut distinguer trois parties dans ce passage:

A. 1-4 Plus de condamnation
B. 5-8 Chair et Esprit contrastés
C. 9-17 La vie selon l’Esprit

La pensée de l’apôtre peut aussi être suivie, dans son essence, en lisant 1-4 & 12-17 (considérant 5-11 comme une parenthèse). Lire ces deux passages ainsi donne un certain impact. Mais j’estime la première conception structurellement plus naturelle.

A. Versets 1 à 4: Plus de condamnation

1. Il n’y a donc maintenant aucune condamnation pour ceux qui sont en Christ-Jésus, [qui marchent non selon la chair mais selon l’Esprit].
2. En effet, la loi de l’Esprit de vie en Christ-Jésus m’a libéré de la loi du péché et de la mort.
3. Car – chose impossible à la loi, parce que la chair la rendait sans force – Dieu, en envoyant à cause du péché son propre Fils dans une chair semblable à celle du péché, a condamné le péché dans la chair;
4. et cela, pour que la justice prescrite par la loi soit accomplie en nous, qui marchons, non selon la chair, mais selon l’Esprit.

Le donc au début se rapporte au fait que le chrétien veut servir la loi de Dieu, même si, à cause du péché dans sa chair, il ne réussit pas toujours, ce dont il est sincèrement attristé.

Que dit le texte?

Non pas: «il n’y a plus d’accusation», car Satan nous accuse jour et nuit [Apoc 12.10]; c’est pourquoi Christ est notre avocat auprès du tribunal céleste.

Non pas : «rien en eux ne mérite une condamnation», car le chrétien pèche aussi, selon Romains 7; cf. aussi 1 Jean 1.8: Si nous disons que nous n’avons pas de péché, nous nous séduisons nous-mêmes, et la vérité n’est pas en nous.

Mais: Il n’y a donc maintenant aucune condamnation pour ceux qui sont en Christ-Jésus.

La raison est donnée au verset 2: la loi de l’Esprit de vie n’a pas libéré la chair; elle m’a libéré de la loi du péché (du désir et de l’habitude du péché) et de la mort (la mort spirituelle, qui exclut de la communion avec Dieu).

Plus de condamnation: sur quelle base? Mon péché a déjà été condamné dans la chair de Christ: Dieu, en envoyant à cause du péché son propre Fils dans une chair semblable à celle du péché, a condamné le péché dans la chair (sous-entendu: de son Fils).

Pourquoi cela était-il nécessaire? La suite le dit: et cela pour que la justice prescrite par la loi soit accomplie en nous, qui marchons, non selon la chair, mais selon l’Esprit.

Ici s’impose la lecture de Hébreux 10.1-10!

Pourquoi le péché dut-il être condamné dans la chair de Jésus ? Le verset 4 le dit : et cela, pour que la justice prescrite par la loi soit accomplie en nous… Résultat pour le chrétien né de Dieu: …nous qui marchons, non selon la chair, mais selon l’Esprit. «Marcher» indique la façon de vivre dans son ensemble, non pas les actes isolés pris à part. La marche du chrétien doit visiblement indiquer son caractère. C’est pour ceux-là qu’il n’y a plus de condamnation.

B. Versets 5 à 8: Chair et Esprit contrastés

5. En effet, ceux qui vivent selon la chair ont les tendances de la chair, tandis que ceux qui vivent selon l’Esprit ont celles de l’Esprit.
6. Avoir les tendances de la chair, c’est la mort; avoir celles de l’Esprit, c’est la vie et la paix.
7. Car les tendances de la chair sont ennemies de Dieu, parce que la chair ne se soumet pas à la loi de Dieu, elle en est même incapable.
8. Or ceux qui sont sous l’emprise de la chair ne peuvent plaire à Dieu.

Appliquons-nous un test personnel :

– Qu’est-ce qui me fait le plus plaisir?
– Qu’est-ce qui est le plus important pour moi ?
– A quoi est-ce que je pense le plus souvent ?

«L’homme vaut ce que valent ses pensées.»

Le verset 5 peut se traduire: avoir les tendances de la chair, ou: s’affectionner aux choses de la chair.

Au verset 6:

a) Paul montre les désavantages de l’attitude charnelle.
la mort de la vie spirituelle
de la paix du coeur
de la joie (de vivre)

Le chrétien qui vit charnellement raisonne sans l’Esprit; il se trompe tout le temps, car il n’a pas de directives valables; il va vers la mort.

b) Paul évoque les avantages de la vie spirituelle.
la vie la paix (la quiétude intérieure), opposée au malaise
la paix, opposée au trouble profond accompagnant la marche vers la mort

Au verset 7, Paul s’étend sur les conséquences d’une attitude charnelle. Celui qui veut accomplir la tendance pécheresse de sa chair se fait ennemi de Dieu en s’opposant à la loi de Dieu (celle de l’amour pour Dieu d’abord, pour les plus proches ensuite, puis pour tous ceux qu’il côtoie). L’ennemi de Dieu donne à la chair ce qu’il devrait donner à Dieu. La chair qui ne renonce pas à sa nature pécheresse en arrive à détester la loi et celui qui l’a donnée.

Le verset 8 dit pourquoi ils déplaisent à Dieu: leur principe est, non la recherche de Dieu, mais celle du Moi.

Par contre, le principe du chrétien spirituel (qui marche selon l’Esprit) : il recherche les choses d’en haut [Col 3.2], parce que c’est là que se trouve Jésus-Christ : …en haut, où le Christ est assis à la droite de Dieu. Sa vie est cachée avec le Christ en Dieu. Christ est sa vie [lire Col 3.1-4].

C. Versets 9 à 17: La vie selon l’Esprit

Dans ces neuf versets, il y a huit fois si!
– quatre fois: si l’Esprit habite en vous
– deux fois: si vous vivez selon l’Esprit
– une fois: si vous êtes enfants de Dieu
– une fois: si nous souffrons avec lui

La vie selon l’Esprit n’est réalisable que si ces conditions sont remplies.

Versets 9 à 11: habités par l’Esprit

9. Pour vous, vous n’êtes plus sous l’emprise de la chair, mais sous celle de l’Esprit, si du moins l’Esprit de Dieu habite en vous. Si quelqu’un n’a pas l’Esprit de Christ, il ne lui appartient pas.
10. Et si Christ est en vous, le corps, il est vrai, est mort à cause du péché, mais l’esprit est vie à cause de la justice.
11. Et si l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité le Christ-Jésus d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous.

A la conversion, le Saint-Esprit vient habiter en le croyant; si l’Esprit ne l’habite pas, il n’y a pas eu conversion authentique, c’est-à-dire nouvelle naissance (selon Jean 3).

L’Esprit est d’abord nommé Esprit de Dieu, car il vient de Dieu; Jésus en était rempli. Puis il est nommé Esprit de Christ, car à la Pentecôte, Christ l’a envoyé pour qu’il suscite l’Eglise. Ensuite tout court : Christ.

Jean 14.26: le Père envoie l’Esprit au nom de Jésus-Christ.

Jean 15.26: le Consolateur (= l’Esprit), envoyé par Jésus de la part du Père, est l’Esprit de vérité provenant du Père pour rendre témoignage de Jésus- Christ; c’est là sa mission principale.

Ces versets 9 et 10 confirment la Trinité: Dieu le Père, Dieu le Fils et Dieu le Saint-Esprit sont inséparables.

Digression:

Il est intéressant de noter ici que la Trinité est évoquée 293 fois dans l’épître aux Romains, comme suit :
Dieu (le Père), 159 fois = 54,5%
Christ, Jésus-Christ, le Seigneur, 110 fois = 37,5%
l’Esprit, le Saint-Esprit, l’Esprit Saint, 24 fois = 8%

On s’est mis, depuis le mouvement pentecôtiste et son extension charismatique, à parler beaucoup plus du Saint-Esprit que de Dieu, le Père et le Fils; ce n’est pas ce que fait la Bible, qui ne contient pas une seule prière adressée au Saint-Esprit. (Ceux qui en voient une en Ezéchiel 37.9 n’ont pas remarqué que ce n’est pas une prière au Saint-Esprit, mais une communication que Dieu demande à Ezéchiel de faire à l’Esprit, quelle qu’en soit la signification.)

Il est aussi intéressant de noter que la proportion trouvée dans Romains est à quelques dixièmes près la même dans les lettres des apôtres et l’Apocalypse (forcément elle varie sensiblement dans les Evangiles et les Actes). Ce n’est certes pas un hasard; rien n’est un hasard dans la Bible inspirée du Saint-Esprit, qui attire l’attention avant tout sur Jésus-Christ.

L’homme créé à l’image de Dieu étant aussi trinitaire, comme cela est exprimé si clairement dans 1 Thessaloniciens 5.23 (… tout votre être, l’esprit, l’âme et le corps), Dieu rachète aussi le corps. Le corps meurt à cause du péché d’Adam; ce châtiment est universel, non individuel. L’esprit de l’homme vit à cause de la justice [Rom 5.15,17], à savoir la justification obtenue par la foi [5.1].

L’esprit du chrétien vit à présent. Le corps vivra (deviendra immortel) à la résurrection [v.23].

Nous vivons donc selon l’Esprit dans un corps encore mortel, mais qui est déjà le temple du Saint-Esprit [1 Cor 6.19-20]. La garantie de notre immortalité physique est la résurrection de Christ [v.11].

Versets 12 à 14: Débiteurs de l’Esprit – fils de Dieu

12. Ainsi donc, frères, nous sommes débiteurs, mais non de la chair, pour vivre encore selon la chair.
13. Si vous vivez selon la chair, vous allez mourir; mais si par l’Esprit vous faites mourir les actions du corps, vous vivrez,
14. car tous ceux qui sont conduits par l’Esprit de Dieu sont fils de Dieu.

Le verset 13 fait allusion à un choix: Le chrétien peut vivre charnellement, mais alors il est jugé dans son corps par Dieu [1 Cor 11.30-32]. Mais attention: il y a des maladies qui ne sont aucunement des châtiments de Dieu (exemple: Job!). Pour citer Calvin: «La mort de la chair est la vie de l’homme.»

Le verset 14 est une définition de l’enfant de Dieu. Il est guidé par l’Esprit, c’està- dire obéit à la loi morale de Dieu telle qu’il la trouve dans la Bible. Il ne se laisse donc pas guider par les appétits de la chair qui sont contraires à cette loi. Les versets 15 et 16 indiquent l’action de l’Esprit en nous.

15. Et vous n’avez pas reçu un esprit de servitude, pour être encore dans la crainte, mais vous avez reçu un Esprit d’adoption par lequel nous crions : Abba! Père!
16. L’Esprit lui-même rend témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu.

Ce que l’Esprit ne fait pas: il ne produit pas la crainte, qui est produite par la servitude au péché sous la loi. Les religions païennes sont toutes caractérisées par la crainte.

Ce qu’il fait: L’Esprit adopte et donne la nature de fils de Dieu par la nouvelle naissance; il fait ressembler à Christ; il donne libre accès au Père (un petit enfant crie…).

L’Esprit nous donne l’assurance d’être fils de Dieu; il nous fait percevoir ce fait par sa présence, et il fait que nous obéissions de cour à la règle de doctrine transmise [Rom 6.17], dont le premier principe est que toute notre vie est placée sous la grâce (le pardon) de Dieu.

Par l’action de l’Esprit :
– nous aimons la parole de Dieu
– nous aimons les autres enfants de Dieu
– nous ressentons le besoin de prier
– nous savons que Dieu nous aime
– nous aimons Dieu et acceptons tout de sa main [verset 28]

Le verset 17 dit les conséquences d’être enfants de Dieu:

17. Or, si nous sommes enfants, nous sommes aussi héritiers : héritiers de Dieu, et cohéritiers de Christ, si toutefois nous souffrons avec lui, afin d’être aussi glorifiés avec lui.

1. Nous sommes héritiers de Dieu; nous héritons de sa nature; de sa sainteté; de sa perfection.

2. Nous sommes cohéritiers de Christ; nous héritons le royaume (nous sommes appelés à régner avec Christ); la gloire de Christ [verset 30].

Mais il y a un « si »: nous acceptons la souffrance morale et physique en nous rappelant que Jésus a souffert plus que nous ne souffrirons jamais. Non pas: souffrir pour être glorifié, mais souffrir parce que un avec Jésus-Christ, dans la souffrance et dans la gloire.

Résumons: Le croyant né de l’Esprit vit dès lors selon les tendances de l’Esprit… si du moins l’Esprit de Dieu habite en lui.

J-P. Sch.

(N.D.L.R.: Nous poursuivrons l’étude de ce chapitre dans le prochain no de PROMESSES).


Sylvette Huguenin, officière de l’Armée du salut, est veuve depuis trois ans et demi. Elle réapprend à vivre sans l’être aimé. La jeune femme parle de la bonté que Dieu lui témoigne et de la richesse spirituelle d’une vie éprouvée.

C’est d’une voix calme et posée que la jeune femme répond au téléphone. Elle travaille dans une institution de l’Armée du salut à Genève, et élève seule ses quatre enfants. Philippe, son mari, a été emporté brutalement par une malaria foudroyante en mars 1997, alors qu’il était chef du programme sanitaire de l’Armée du Salut à Brazzaville (Rép. du Congo). Il avait 36 ans. Revenue en Suisse avec ses enfants, Sylvette accepte de parler de ses interrogations et de ce qu’elle découvre au travers du deuil.

Son premier commentaire est un simple mot de reconnaissance: «Merci à Dieu, dit-elle, parce qu’Il m’a soutenue et qu’Il a été fidèle. Merci pour Son amour à travers cette expérience. Merci aussi à Philippe, mon mari. Tout ce que j’ai vécu avec lui m’aide à vivre encore maintenant. Merci à tous ceux qui m’ont aidée dans cette épreuve, depuis le début jusqu’à maintenant, à tous mes amis, et il y en a beaucoup.»

L’interlocuteur en reste perplexe. Comment ne pas éprouver d’amertume quand le bonheur d’une vie est fauché en pleine force de l’âge? « Non, je n’ai pas d’amertume », confie-t-elle. Des «pourquoi», oui, il y en a. Mais ces questions sans réponse ne m’empêchent pas d’aller de l’avant. C’est cela qui compte».

Pourtant, la vie n’est plus la même. L’échelle des valeurs est bouleversée. «On ne donne peut-être plus le même poids à tout ce qui paraissait important avant. Ce qui reste par-dessus tout, ce sont les relations avec les autres, avec nos familles, nos proches et nos amis, la qualité des relations humaines ».

Et Dieu se laisse découvrir d’une manière différente. «J’ai réalisé d’une façon unique à quel point Il m’aimait. Je n’avais pas pensé que c’était aussi grand, que je pouvais vraiment m’appuyer sur Lui, qu’Il n’attendait rien de moi, même pas d’être courageuse. Je peux venir à Lui, tout simplement, avec mes questions, mes doutes, même mes moments de colère. J’ai pu Lui apporter ma colère, dans la mesure où je n’étais pas refermée sur elle, mais prête à y recevoir une réponse». La simplicité du ton sonne juste. On découvre avec Sylvette combien Dieu est extraordinaire et proche.

Portant un regard sur elle-même, elle mesure à quel point tout a changé, et à quel point il est nécessaire de retrouver une nouvelle identité. «Mais d’un autre côté, je suis toujours moi-même, poursuit-elle. Lorsqu’on passe par ce genre d’expérience, on ne sait plus très bien qui on est. Dans mon cas, on réalise plus que jamais que dans le mariage, les conjoints deviennent un. Et puis tout à coup, il manque la moitié. J’ai dû retrouver qui j’étais vraiment, et comment continuer seule. Je ne sais pas si je suis très différente, mais c’est clair que je ne suis plus la même non plus ».

Justement, dans ces moments, la vie de la foi est mise à l’épreuve. Sylvette est à présent plus convaincue de l’amour et de l’attention que Dieu lui porte. «Avant, je savais que Dieu m’aimait, mais d’une autre façon. Dans mon deuil, je réalise que Dieu a encore un projet d’amour et d’espérance pour ma vie et pour celle de mes enfants. Peut-être parce que j’en ai davantage besoin maintenant».

Des idées toutes faites sur la foi ou sur Dieu ne tiennent plus la route: «Tout ce qui n’est pas vraiment vécu ne nous aide pas dans les moments difficiles. Il n’y a que ce qui est vrai et fondé, qui tienne. C’est pour cela que je ne suis plus si sûre des choses qu’on nous a enseignées, si elles n’ont pas été éprouvées ».

On n’écarte sûrement pas les grandes questions qui viennent à l’esprit: pourquoi Dieu permet-Il ces événements, laisse-t-Il faire, est-ce l’ouvre d’une puissance mauvaise? «Je n’ai pas de réponse satisfaisante. Et je n’en ai pas parce que je ne peux pas voir les choses de la manière dont Dieu les voit. Ainsi je serai plus prudente dans ce que dirai à l’avenir, évitant les réponses toutes faites. Elles ne satisfont pas le cour à vif. Je crois surtout que Dieu nous laisse une très grande liberté. Ceux qui L’aiment trouveront auprès de Lui ce qui leur sera nécessaire pour vivre».

Dans l’entourage d’une famille en deuil, on n’ose peut-être pas aborder certains sujets. «Je dirais volontiers aux gens de ne pas avoir peur des larmes. De ne pas avoir peur de parler des gens disparus, ou de demander comment ça va. Même si cela fait pleurer l’autre. En elles-mêmes, les larmes ne sont pas une mauvaise chose. C’est une étape pour aller plus loin. Qu’ils n’aient donc pas peur de parler simplement avec leur cour. Avec son cour, on parle toujours juste, ou du moins l’autre comprend ce qui est dit dans l’affection ».

Enfin, il ne sert à rien de nier la souffrance. Elle n’empêche pas l’espérance. «Je suis convaincue que Jésus pleure avec ceux qui sont dans le deuil. Qu’ils se laissent porter par Dieu, sans vouloir nier la souffrance ou passer par-dessus, mais en la vivant, pour après, aller plus loin. Dieu est fidèle. Cette parole m’a particulièrement touchée: « Je connais les projets que j’ai formés sur vous, dit l’Eternel, projets de paix, et non de malheur, afin de vous donner un avenir fait d’espérance», (Jér 29.11). Le deuil n’aboutit pas au bonheur. Mais par-dessus l’épreuve, ou après, Dieu formule toujours des desseins d’espérance pour nous».

Propos recueillis par Robert Muller; tiré de «En Avant» France no 5816 du 26/10 au 01/03/98 et de «En Avant» Canada du 22/05/99, avec autorisation.


DU TEMPS de Samuel, le peuple désire avoir un roi comme en ont toutes les nations (1 Sam 8.5). Dieu fait comprendre au dernier juge que cette demande est l’expression d’une révolte contre l’Éternel: Ce n’est pas toi qu’ils rejettent, c’est moi qu’ils rejettent, afin que je ne règne plus sur eux (1 Sam 8.7). Dieu ordonne néanmoins à Samuel de se plier à la demande du peuple et d’établir un roi sur eux (1 Sam 8.22).1

Au début du chapitre 9 de 1 Samuel, l’auteur répond au lecteur qui s’interroge sur l’identité de cet homme. Deux chapitres sont consacrés à l’onction du premier roi. L’auteur commence par raconter les pérégrinations du fils d’un propriétaire parti, avec son serviteur, à la recherche de bétail égaré. Après avoir vainement cherché les bêtes dans plusieurs contrées, les deux hommes décident de consulter le prophète Samuel. Celuici les rassure et les informe que le bétail a été retrouvé. Samuel profite de cette rencontre pour annoncer, en privé, à Saül, le fils du propriétaire, que Dieu l’a choisi comme prochain chef d’Israël. Samuel prédit aussi différents événements qui s’accomplissent le jour même. L’auteur achève la narration par une description succincte de l’onction publique. Devant le peuple réuni, Samuel jette le sort qui désigne Saül (1 Sam 10.17-27).

Le récit de l’onction privée est riche et détaillé. Il est quatre fois plus long que celui de l’onction publique. L’auteur présente Saül, mais pourquoi donner autant de détails? Pour comprendre le sens du texte, il est important de saisir la trame de la narration. Sans ce fil rouge, le lecteur se perd dans les éléments secondaires.

Samuel le voyant

Le thème de la vue domine toute la narration. Les deux personnages importants du récit – Samuel et Saül – en sont marqués.

Samuel se distingue par une connaissance exceptionnelle. Dieu l’informe de l’arrivée imminente de l’homme qui sera le premier roi d’Israël. Le temps et le lieu de la rencontre sont indiqués, ainsi que le ministère du futur chef («Demain, à cette heure, je t’enverrai un homme du pays de Benjamin, et tu l’oindras pour chef de mon peuple d’Israël. Il sauvera mon peuple de la main des Philistins » (1 Sam 9.16). Le lendemain, quand Samuel aperçoit Saül, Dieu lui confirme le personnage («Lorsque Samuel aperçut Saül, l’Éternel lui dit : Voici l’homme dont je t’ai parlé; c’est lui qui régnera sur mon peuple» 1 Sam 9.17).

Samuel témoigne de sa connaissance hors du commun dès qu’il ouvre la bouche. Il sait que Saül cherche des ânesses avant que celui-ci ait pu l’informer de son besoin, et il sait où se trouvent les bêtes recherchées en vain depuis trois jours: «Ne t’inquiète pas des ânesses que tu as perdues il y a trois jours, car elles sont retrouvées» (1 Sam 9.20).

Le lendemain, Samuel annonce à Saül toute une série de signes précis qui se réalisent le jour même (1 Sam 10.2-13). Samuel décrit quatre rencontres dont Saül sera le témoin. Pour les deux premières, Samuel indique le lieu de la rencontre, le nombre de personnes et le contenu de leur message. La description du deuxième groupe d’hommes est détaillée à l’extrême («Tu arriveras au chêne de Thabor, où tu seras rencontré par trois hommes montant vers Dieu à Béthel, et portant l’un trois chevreaux, l’autre trois gâteaux de pain, et l’autre une outre de vin. Ils te demanderont comment tu te portes, et ils te donneront deux pains, que tu recevras de leur main» (1 Sam 10.3-4). Samuel révèle aussi le lieu de la troisième rencontre (à l’entrée de «Guibea-Élohim, où se trouve une garnison de Philistins»), ainsi que l’identité, l’activité et l’environnement du troisième groupe («Tu rencontreras une troupe de prophètes descendant du haut lieu, précédés du luth, du tambourin, de la flûte et de la harpe, et prophétisant eux-mêmes» (1 Sam 10.5). En dernier lieu, Samuel annonce la rencontre avec l’Esprit de l’Éternel qui suivra immédiatement et transformera Saül («L’Esprit de l’Éternel te saisira, tu prophétiseras avec eux, et tu seras changé en un autre homme» (1 Sam 10.6).

Tous ces signes se réalisent le jour même, exactement de la manière décrite (1 Sam 10.9). Mieux qu’à aucun autre moment de son ministère, Samuel témoigne dans ce récit d’une connaissance parfaite. Il est d’ail-leurs appelé quatre fois «le voyant» (1 Sam 9.9, 11, 18, 19), un terme rarement utilisé dans l’Écriture pour désigner un prophète. En dehors de 1-2 Chroniques, qui utilise l’expression neuf fois, seul le prophète Gad est désigné une fois de «voyant » (2 Sam 24.11).

Saül, un aveugle qui trouve la vue

Saül offre un contraste total avec Samuel, en particulier dans la première partie du récit. La différence entre Samuel et Saül est à l’image du jour et la nuit. Samuel voit tout et sait tout, alors que Saül ne voit rien et ne sait rien.

Saül cherche en vain les ânesses. Il se donne pourtant beaucoup de peine et parcourt plusieurs régions que le narrateur prend soin de nommer (« Saül passa par la montagne d’Ephraïm et traversa le pays de Schalischa, sans les trouver; ils passèrent par le pays de Schaalim, et elles n’y étaient pas; ils parcoururent le pays de Benjamin, et ils ne les trouvèrent pas» (1 Sam 9.4). Cette recherche stérile contient même une note d’ironie quand on sait que Saül est le plus grand des Israélites, «les dépassant tous de la tête » (1 Sam 9.2). Saül n’est pas Zachée et n’a pas besoin de grimper sur un arbre pour voir. Sa stature lui donne en permanence une vue panoramique, mais malgré cet atout, Saül ne voit rien.

Sur le plan spirituel, Saül témoigne aussi d’une cécité profonde. Avant de rencontrer Samuel, il ignore tout du prophète. C’est le serviteur qui doit informer Saül de l’existence et du ministère de Samuel (« Le serviteur lui dit : Voici, il y a dans cette ville un homme de Dieu, et c’est un homme considéré; tout ce qu’il dit ne manque pas d’arriver. Allons-y donc; peutêtre nous fera-t-il connaître le chemin que nous devons prendre» 1 Sam 9.6). Lorsque Saül est en face de Samuel, il ne le reconnaît pas puisqu’il lui demande de le guider auprès du prophète («Saül s’approcha de Samuel au milieu de la porte, et dit: Indique-moi, je te prie, où est la maison du voyant » 1 Sam 9.18). Saül n’a donc jamais vu Samuel et ne semble jamais avoir entendu parler de lui, ce qui étonne, car l’homme était célèbre. Il était juge, prophète et sacrificateur tout à la fois depuis de nombreuses années.2 On ne peut même pas invoquer l’éloignement géographique pour expliquer l’ignorance de Saül, car Guibéa, sa ville natale, n’est éloignée que de cinq kilomètres de Rama, la ville de Samuel. En effet, après s’être éloignés d’une vingtaine de kilomètres au nord-est, Saül et son serviteur étaient revenus partiellement sur leurs pas.

Saül témoigne aussi d’une ignorance de la grâce dans le domaine spirituel. Il pense que les services divins s’achètent puisqu’il estime ne pas pouvoir consulter le prophète sans avoir quelque bien à lui offrir : « Saül dit à son serviteur : Mais si nous y allons, que porterons-nous à l’homme de Dieu? Car il n’y a plus de provisions dans nos sacs, et nous n’avons aucun présent à offrir à l’homme de Dieu. Qu’est-ce que nous avons? » (1 Sam 9.7). Quand Samuel lui annonce que Dieu l’a choisi pour roi, Saül s’estime humainement trop pauvre pour pouvoir accéder à une telle position (« Ne suis-je pas Benjamite, de l’une des plus petites tribus d’Israël ? Et ma famille n’estelle pas la moindre de toutes les familles de la tribu de Benjamin? Pourquoi donc me parles-tu de la sorte ?» 1 Sam 9.21).

Saül ne voit rien, ne discerne rien et ne comprend rien. Sa rencontre avec Samuel va pourtant le transformer, en tout cas temporairement. En effet dès qu’il quitte le prophète, Saül est au bénéfice d’une avalanche de signes. Notons qu’il est le seul à voir ces révélations divines. En effet, le serviteur est écarté avant l’onction de Saül et l’annonce détaillée des prochains événements (1 Sam 9.27). Les rencontres particulières qui attendent Saül n’auront donc aucun sens pour celui qui ignore tout des prophéties. Saül est le seul à connaître les projets de Dieu et à voir son intervention. A son retour, il se garde d’ailleurs d’en parler à son oncle (1 Sam 10.16), ne dévoilant que les éléments connus du serviteur («Saül répondit à son oncle: Il nous a assuré que les ânesses étaient retrouvées. Et il ne lui dit rien de la royauté dont avait parlé Samuel » 1 Sam 10.16).

Par la suite, Dieu confirme son choix devant le peuple (1 Sam 10.17- 27), mais il le fait discrètement au travers du sort. Aucun miracle ou signe irréfutable n’est donné au peuple en confirmation du choix, ce qui explique le scepticisme de certains individus («Il y eut toutefois des vauriens, qui disaient: Quoi ! C’est celui-ci qui nous sauvera! Et ils le méprisèrent, et ne lui apportèrent aucun présent. Mais Saül n’y prit point garde » 1 Sam 10.27).

Le récit de l’onction privée se termine par l’affirmation étonnante que l’Esprit de Dieu s’empare de Saül et qu’il prophétise au milieu des prophètes (1 Sam 10.10). La chose est tellement étonnante qu’elle a donné naissance à un proverbe: « Saül est-il aussi parmi les prophètes?» (1 Sam 10.11-12; cf. 1 Sam 19.24). Le lecteur familier avec l’histoire de Saül partage cet étonnement, car le roi témoigne, par la suite, d’un cour non régénéré. Quelle a été la profondeur de l’expérience de Saül ? Comment comprendre l’affirmation «Dieu lui donna un autre cour» (1 Sam 10.9)? Manifestement, il ne s’agit pas d’une conversion radicale, mais d’une orientation passagère. Pour la première fois de sa vie, Saül dit de bonnes choses sur Dieu. L’accomplissement des prophéties le pousse à reconnaître la grandeur de Dieu et la fiabilité de sa Parole, à l’image d’un Nébucadnetsar qui devant le miracle de la fournaise ardente ne peut que rendre gloire à Dieu (Dan 3.28). Saül prophétise du fait qu’il déclare des choses correctes sur la personne de Dieu. Saül, l’aveugle, finit par voir, car Dieu s’est révélé à lui de manière irréfutable.

Les leçons spirituelles du texte

Trois enseignements se dégagent de ce récit centré sur la cécité et la vue. Pour commencer, Dieu appelle un homme représentatif du peuple. La cécité de Saül (au moment de son appel) fait penser à la cécité du peuple. Saül ne voit rien, tout comme le peuple est aveugle. La demande d’un roi est l’expression d’un égarement profond. Comment peut-on préférer la direction d’un homme à la direction divine? De même que Saül ne reconnaît pas Samuel, alors qu’il est en face de lui, de même le peuple ne reconnaît pas les bienfaits divins, alors qu’il a expérimenté pendant trois siècles la fidélité de l’Éternel.

Deuxièmement, Dieu donne à Saül tout ce dont il a besoin pour une vie sanctifiée, à savoir une claire révélation de sa personne et de ses desseins. Dieu démontre à Saül que sa Parole est digne de confiance et qu’elle s’accomplit à la lettre. Ainsi, Saül se retrouve dans une position identique à Israël dans le passé, puisque la nation a, elle aussi, bénéficié d’une révélation irréfutable.

Troisièmement, la vie ultérieure de Saül montre que la révélation divine ne suffit pas à transformer fondamentalement les cours. Saül est un homme religieux, tout comme Israël est un peuple religieux. Dans les deux cas, la révélation divine n’a pas opéré la régénération attendue.

En conclusion, Dieu donne au peuple le roi qu’il demande. Puisque le peuple aspire à être comme les autres nations, Dieu leur donne un roi qui leur ressemble. Ils reçoivent le roi qu’ils méritent : un roi ingrat qui oublie bien vite tous les bienfaits reçus. Ainsi, David se verra persécuté injustement par Saül, malgré les nombreux services rendus au roi. L’auteur de 1-2 Samuel ne relate qu’une action positive de Saül envers son peuple (la libération de Yabéch: 1 Sam 11.1-13), alors qu’il consacre 16 chapitres aux exploits d’autres hommes (Jonathan et David) et aux oppressions de Saül (1 Sam 16-31).

Dieu juge donc son peuple en leur donnant pour roi Saül. Pourtant, Dieu n’en reste pas là. Dans la suite de l’histoire d’Israël, le jugement fait place à la grâce. Le deuxième roi choisi par Dieu est d’un autre genre. David est un homme selon le cour de Dieu, un homme au cour droit. Ses actes de bravoures sont nombreux et David finira par libérer définitivement son peuple des Philistins, leurs plus tenaces ennemis. Certes David n’est pas parfait, mais derrière lui se profile le Messie, descendant de David, qui par le sacrifice de sa vie apportera la rédemption au monde entier. La grâce de Dieu non seulement finit par triompher, mais elle dépasse en grandeur et en profondeur tout ce que l’homme aurait pu imaginer.

D.A.

Notes :
1 Les conséquences pour Israël de la royauté ont été exposées dans le précédent numéro de Promesses: «L’instauration de la royauté en Israël».
2 Notons en passant que Samuel n’attire pas les regards par son apparence, ses habits ne le distinguant pas comme prophète, juge ou sacrificateur, alors que Saül attirait les regards tant par sa stature que sa beauté physique (1 Sam 9.2).