PROMESSES
Il y a plus de dix-neuf siècles, peu de temps sans doute après la prise de Jérusalem qui a sonné le glas de la longue résistance des Juifs contre les occupants romains, un vieillard pensait à ses amis. Il pensait aussi à l’homme merveilleux qui avait été son frère, mais en qui il avait aussi reconnu le Fils de Dieu, le Sauveur. Il désirait ardemment écrire à ses amis au sujet de ce Sauveur et du salut qu’il leur avait apporté, mais il a ressenti l’impérieuse nécessité de dépasser le simple partage des vérités merveilleuses du salut pour défendre la foi, cette foi qui a été « transmise aux saints une fois pour toutes » (Jude 3).
Chers amis (nous pouvons bien vous appeler ainsi, vous qui nous faites l’amitié de lire ce numéro de PROMESSES), toute l’équipe de notre petite revue de réflexion biblique se trouve elle aussi devant cette impérieuse nécessité: « combattre pour la foi qui a été transmise aux saints un fois pour toutes » (Jude 3).
Vous avez entre les mains le premier numéro de l’année 1999, avant-dernière année du deuxième millénaire, et nous espérons que vous avez ouvert en même temps votre bible, car PROMESSES n’est rien sans la Bible. Beaucoup de choses ont changé depuis que Jude, le frère du Seigneur, a écrit son épître, et en même temps rien n’a changé. L’apparence extérieure du monde a changé, mais la nature humaine, qui détermine toute la société, n’a pas changé. La Parole de Dieu est soumise à un flot incessant de critiques, mais chaque nouvelle vague se brise contre elle comme sur un roc inébranlable. Pour celui qui la lit en acceptant le témoignage de l’Histoire, et le témoignage des histoires des hommes qui l’ont crue, elle demeure la seule clé qui permette de comprendre le monde. Rien d’étonnant à cela: n’est-elle pas la révélation de celui qui a créé ce monde? Mais bien sûr, Dieu ne se révèle qu’à celui qui est assez humble pour accepter ce qu’il dit de lui-même, la Bible ne parle qu’à celui qui accepte ce qu’elle dit d’elle-même.
Accepter, que signifie ce terme quand il est question des vérités énoncées par Dieu dans sa Parole? Jacques, l’autre frère humain du Seigneur, ne nous laisse pas dans l’ignorance à cet égard: « Pratiquez la parole et ne l’écoutez pas seulement, en vous abusant par de faux raisonnements. […] Celui qui persévère, non pas en l’écoutant pour l’oublier, mais en la pratiquant activement, celui-là sera heureux dans son action même » (Jac 1.22-25). On ne peut pas prétendre que l’on accepte la Parole de Dieu sans la mettre en pratique, sans qu’elle change quelque chose dans notre vie.
Le danger est grand pour chacun de nous de se séduire lui-même, et il est d’autant plus important pour nous de nous prémunir contre ce danger que nous pouvons croire sincèrement que nous mettons en pratique la Parole de Dieu alors qu’en fait nous nous contentons de pratiquer ce que l’on nous a présenté comme la Parole de Dieu et qui en a l’apparence, mais pas la puissance. Les contrefaçons sont nombreuses aujourd’hui…
Depuis son premier numéro, PROMESSES est restée fidèle à son objectif qui est de présenter les vérités de la Parole de Dieu de façon claire afin d’édifier le peuple de Dieu. Pour continuer dans cette voie, il nous faut encourager les croyants à réfléchir à leur foi et à ses implications dans la réalité de la vie.
Dans ce numéro, nous vous présentons deux articles de fond que nous vous invitons à étudier très attentivement. Le premier nous fournit des pistes pour réfléchir à une vision chrétienne du monde; il est suivi du deuxième volet de l’étude de J.-H. Merle d’Aubigné sur l’autorité des Ecritures.
Le combat pour la vérité dans lequel nous sommes engagés est urgent, car le désarroi des églises et des chrétiens individuels est grand face à ces attaques qui essaient de saper les fondements de la foi chrétienne.
A tous nous voulons rappeler que la Parole de Dieu est « une lampe à nos pieds et une lumière sur notre sentier » (Ps 119.105). Quelles que soient les attaques, «lumineuse et sereine, la Croix reste debout»! La Parole de Dieu éclaire cette Croix, moment suprême de l’histoire de l’humanité, manifestation grandiose de la grâce de Dieu, et base sûre et ferme de notre espérance.
Que cette espérance nous aide à « marcher d’une manière digne de la vocation qui nous a été adressée » (Eph 4.1), en attendant le Retour glorieux du Seigneur!
UNE PAGE D’HISTOIRE
L’autorité des Ecritures
Le témoignage de l’Histoire (2e partie)
J.-H. MERLE D’AUBIGNÉ
L’histoire, par le tableau des égarements du temps passé, prémunit contre ceux du temps pré- sent. […] Il y a trois siècles que l’on remarquait une grande agitation dans la « ville théologique ». – Deux plumes spirituelles qui se sont plus ou moins prononcées en faveur du système anti-scripturaire que nous combattons, ont désigné récemment, sous ce nom, notre cité, avec un peu de malice que nous leur pardonnons de tout notre cour. plût à Dieu que Genève méritât plus réellement ce nom de « ville théologique »! car la théologie, c’est ce qui parle de Dieu. – Il y a donc trois siècles que, comme de nos jours, il y avait une grande agitation dans la ville théologique, et en voici la cause.
Calvin avait connu à Strasbourg, en 1540, un jeune savant, nommé Châtillon, alors âgé de vingt-cinq ans. Plein du désir de réunir dans Genève des hommes éclairés, il y appela ce professeur, nous disent toutes nos annales. Châtillon était doué de talents remarquables, de connaissances variées, de sentiments vifs et d’un esprit très amateur de la liberté. Sa conduite était irréprochable, et il y avait quelque chose d’intéressant dans toute sa personne. « Faveo ingenio et doctrinae », disait de lui Calvin: «]’aime son esprit et sa science.» Mais le Réformateur reconnut bientôt que le savant helléniste manquait de jugement et qu’il avait une confiance immodérée en lui-même. Théodore de Bèze lui donna en conséquence le nom grec d’idiognomon, comme qui dirait un individualiste par excellence, un homme qui ne reçoit pas la lumière qui vient du dehors (par exemple des Ecritures de Dieu), mais qui abonde dans son propre sens. Il y joignait de l’imprudence et peu de ménagements pour ses adversaires; pourvu qu’il frappât fort, peu lui importait qu’il frappât juste. « Ses écrits, dit un biographe de Calvin, étaient marqués au coin de la dialectique la plus touchante et de l’esprit le plus mordant. » Le célèbre historien Schlosser l’appelle « le savant, mais le malheureux, l’orgueilleux et le remuant Sébastien » (c’était son nom de baptême). Un autre historien (P. Henry) dit qu’il était « ganz was die Franzosen », une mauvaise tête « nennen », tout à fait ce que les Français appellent « une mauvaise tête ». Quoique venu de Strasbourg, il n’y était pas né; il y était venu de France (Strasbourg n’était pas alors français). Il prenait habituellement le nom de Castellio ou de Castalio. Il se livra à Genève à des travaux exégétiques, et il publia plus tard, en 1551, une nouvelle traduction de la Bible, avec des annotations, qu’il dédia au roi d’Angleterre, Edouard VI.
La critique dominait la foi dans Châtillon; il niait l’autorité de l’Ecriture, « La Parole, disait-il, ne suffit pas pour décider les controverses religieuses (neque Verbum sufficere); il faut une révélation plus parfaite (ampliorem revelationem) ». Il séparait l’Ecriture de l’Esprit et, selon lui, l’Esprit pouvait éclairer l’homme sans l’Ecriture. Il pensait que tout changerait de face à la suite de la révolution qu’il demandait (car c’était une révolution qu’on voulait opérer). « L’Esprit, disait-il, éclipsera la1umière de l’Ecriture, comme le jour éclipse la lumière d’une lampe: Spiritus splendore suo Scripturae lucem obscurabit ». « Il y avait dès le commencement, dit un historien suisse, un élément mystique dans le caractère de Châtillon, et s’il ne tomba pas dans des rêveries fantastiques, il le dut surtout à sa culture classique très approfondie. »
A ces tendances mystiques, le jeune savant en joignait de rationalistes; il avait de grandes hardiesses exégétiques, surtout pour ce temps. Il retranchait hardiment tel livre du Recueil sacré; c’est ce qu’il fit, au grand scandale de Cal- vin, pour le Cantique des Cantiques.
Calvin, Théodore de Bèze et les autres théologiens genevois combattirent ces doctrines aventureuses. Alors Châtillon ayant perdu, à ce qu’il semble, toute mesure, attaqua ses adversaires dans une congrégation du jeudi; puis il donna lui-même sa démission et quitta Genève. Calvin et ses collègues eurent cependant pour lui de bons procédés. «C’est un ambitieux et un querelleur, écrivait Calvin à Viret, le 26 mars 1544; mais j’estime sa science et aussi son caractère, qui, au fond, n’est pas mauvais.» Calvin lui donna un témoignage dans lequel il déclara que, si Châtillon les quittait, ce n’était ni pour quelque faute de la vie ni pour quelque dogme impie; il exposa les points de leur dernier dissentiment et ajouta: «Nous l’avons conjuré de ne pas attribuer mal à propos à son jugement plus qu’il n’était équitable de le faire, surtout puisque dans toutes ces choses soi-disant nouvelles qu’il proposait (en particulier sur le Nouveau Testament), il n’y avait rien qui ne fût connu et plus que connu bien longtemps avant qu’il fût né.» Châtillon se retira à Bâle, où, en 1553, il devint professeur de grec. Il se jeta toujours plus dans la mystique et publia divers ouvrages des mystiques du Moyen-Age. Il eut la gloire d’être de son temps un des plus chauds défenseurs de la liberté religieuse.
Tel est le premier coup, faible encore, donné dans Genève à l’autorité de l’Ecriture inspirée de Dieu. Cette divine autorité est le fondement sur lequel reposent la foi et la morale du chrétien. Le chrétien évangélique croit une vérité, parce qu’elle est écrite dans les oracles de Dieu; il fait une ouvre, parce qu’elle y est commandée. Si donc vous détruisez ce fondement, il est naturel de penser que vous détruirez par cela même la foi et la morale qui y trouvaient leur appui. Châtillon se contenta d’attaquer la base sans porter la main sur l’édifice; mais voyons si cet édifice subsistera longtemps après lui.
Châtillon n’avait pas encore quitté Genève qu’on y avait vu arriver un homme qui avait ravi toute l’Italie, le général des capucins, Bernardin Ochino, dont l’éloquence avait ému les grandes villes de sa patrie. Il devint à Genève l’ami de Châtillon, et bientôt le petit conseil ayant accordé une chapelle aux protestants italiens près de la cathédrale de Saint-Pierre, on entendit dans notre cité le célèbre prédicateur transalpin. Toutefois, on ne fut pas longtemps à reconnaître dans ses discours si clairs et si vivants, même en général si évangéliques, quelques germes d’un esprit ultra-individualiste et ultra-spiritualiste. «Le Saint-Esprit, disait le grand orateur, éclaire les fidèles, immédiatement et indépendamment de la Parole de Dieu dans la sainte Ecriture!» Il allait même plus loin, et prêchant un jour sur le moyen de connaître les inspirations divines et de les suivre, il disait: «Ainsi donc, c’est l’Esprit de Dieu qui doit être notre règle, et il faut être plus prompt à lui obéir qu’à tous les hommes et les anges, qu’à la propre sagesse et même qu’aux paroles de Christ (imo e che alle parole di Christo).» Remarquons ici l’un des plus grands dangers du système que nous attaquons. Si c’est, non dans l’Ecriture, mais dans nous-mêmes que nous devons chercher la règle de la vérité et de la sainteté, qu’arrivera-t-il? Tandis que c’est la religion qui doit former notre cour déchu, ce sera notre cour déchu qui formera la religion, et nous aurons alors un paganisme peut-être plus subtil, mais aussi dangereux que celui que produisit dans les temps anciens le cour souillé de l’homme. Dès qu’on cesse d’établir l’Ecriture comme source de la religion, on voit s’accomplir cette parole du prophète Jacobi: « Dans tous les temps, la religion de l’homme a été ce qu’était son état moral »; et cette autre parole, profane mais trop vraie (elle est de Voltaire): « Dieu a fait l’homme à son image, et l’homme le lui a bien rendu. » Avec ce fatal système, il n’y a plus de pure religion et plus de pure morale. L’homme, laissé juge de ce qui est bon, trouve toujours que ce dont il a envie est bon, il n’existe plus un péché qui n’ait une excuse; et cette excuse, on la met sur le compte du Saint-Esprit. C’est ce dont l’éloquent Ochino fut, au seizième siècle, un mémorable exemple. Non seulement il tomba bientôt dans de tristes erreurs de doctrine, en particulier sur la divinité du Sauveur, mais encore, selon lui, il suffisait d’avoir une lumière intérieure qui nous poussât à une chose, pour que cette chose fût bonne. « Les bons chrétiens seuls, disait-il un jour dans un de ses sermons, et ceux qui ont une lumière vivante de Dieu, peuvent, sans pécher, prendre les armes et attaquer leur prochain quand ils y ont été inspirés de Dieu ».
Le pauvre Ochino, ayant décliné l’autorité de la Bible, alla même plus loin encore, et il opposa tellement l’Esprit à la Parole de Dieu, qu’il en vint presque à dire que l’Ecriture et l’Esprit s’excluent. Il déclara hardiment qu’il fallait obéir aux inspirations de l’Esprit-Saint, quand même elles étaient contraires à l’Ecriture. Voici ce que nous lisons dans son catéchisme (ces écrits se trouvent dans notre bibliothèque publique). Le ministre dit: « Tu crois donc que les sages-femmes d’Egypte péchèrent en mentant? » L’illuminé (illuminato, c’est le nom dont il se sert), répond: « Sans doute, car Dieu ne leur avait pas inspiré de mentir. Rahab, continue-t-il, ou fut inspirée à mentir, ou pécha (o fu inspirata a mentire, o pecco)… » Le mensonge n’est pas le seul péché qui devienne aussi légitime. Nous lisons dans le même catéchisme: « Et si quelqu’un est inspiré de Dieu à se suicider? » L’illuminé répond: « Il ne pèchera pas (non pecherebbe), comme Samson ne pécha pas. » De tout temps on a vu des mystiques charnels se livrer aux actions les plus désordonnées, parce que, disaient-ils, pendant ces débauches l’Esprit demeurait en eux. L’erreur que nous combattons vient de la chute, et elle est la mère de toute erreur et de tout égarement moral.
Ochino quitta Genève et se rendit à Bâle vers son ami Châtillon.
Châtillon avait été le premier échelon, Ochino fut le second; cet homme illustre, estimable encore à divers égards, avait déjà fortement ébranlé la foi et la morale. Mais continuons courageusement à descendre les marches de cette ténébreuse échelle; elle plonge dans un affreux abîme.
Deux ans environ après que Ochino eût quitté Genève, en 1548, on y vit arriver un homme bien plus important, un jurisconsulte de Sienne, Lélio Socin. « Il était d’un esprit couvert et caché, dit un historien, et se faufilait auprès des personnes les plus considérables. » On lui faisait beaucoup de prévenances parmi les protestants, parce qu’on espérait qu’il travaillerait utilement à la réformation de l’Italie. Peu à peu il s’enhardit. « Après avoir longtemps caché son venin, dit Calvin, il le vomit parmi nous. » Les Socins (Lélio et son neveu Fauste) hésitaient quant à l’inspiration des Ecritures. Quelquefois elle paraissait réelle, émanant d’une influence extraordinaire de l’Esprit-Saint; d’autres fois, elle n’était guère que celle d’hommes qui ont le Saint-Esprit comme tout fidèle a le droit de l’attendre et le devoir de le désirer. En général, aucun des docteurs du seizième siècle n’est allé aussi loin que quelques docteurs de nos jours: aucun d’eux ne s’est contenté de voir dans les Ecritures le noble accent de la voix humaine. Toutefois, les Sociniens se sont rapprochés de ces errements modernes. S’il fallait croire les écrivains sacrés, c’était seulement, selon les Sociniens, parce qu’ils étaient des hommes saints, des chrétiens illustres, et qui avaient vu de près les choses dont ils parlent. Ils trouvaient des contradictions et des erreurs dans la partie historique des Ecritures. Surtout ils déplaçaient l’autorité: au lieu d’être objective dans la Bible, elle était pour eux subjective pour les chrétiens: l’individu devait primer. L’individu ne devait se soumettre à une vérité qu’autant qu’il trouvât en lui quelque chose qui correspondît à cette vérité et qui la confirmât. C’est alors qu’on vit se précipiter cette grande oeuvre de démolition que ces principes subversifs devaient accomplir dans la doctrine chrétienne. Devant les théories mises en avant par Châtillon, Ochino et Socin, il n’y a plus de dogme qui subsiste. L’expérience subjective de Socin rejette le dogme de l’expiation, quand même, dit-il, il se trouverait partout certifié par les paroles les plus claires (ubique clarissimis verbis testatum). Cette expérience subjective rejette de même la divinité du Fils. « Que répondez-vous aux témoignages par lesquels on établit que le Fils est de la même naissance que le Père? » dit-on dans la catéchisme socinien. La réponse est: « Avant que d’examiner les divers témoignages, il faut d’abord que l’on sache que cette génération de l’essence du Père est impossible! » Ainsi, avant même que de lire et d’examiner l’Ecriture, l’individualisme, ennemi de l’inspiration, se prémunit contre elle par l’incrédulité. Vous savez, mes- sieurs, toutes les désolations, les erreurs, les hérésies qui provinrent de ce subjectivisme des Socins. Partout où il a prévalu l’Eglise en a été ébranlée, appauvrie, desséchée, détruite.
Ce vent, qui se faisait sentir alors un peu partout, et qui tendait à renverser les Ecritures de Dieu, après avoir soufflé sur Genève, de France, d’Allemagne, d’Italie, y arriva aussi d’Espagne. Il y vint, en 1553, un homme qui cachait de profondes tendances rationalistes sous des apparences spirituelles, sous un langage métaphysique, mystique et obscur, en quoi il se distinguait des Socins, plus portés vers le rationalisme pur.
Ce nouveau docteur, qui se nommait Michel Servet, s’était échappé des prisons archiépiscopales de Vienne en Dauphiné, où, ne pouvant le brûler en personne, on le brûla en effigie, le 17 juin 1553. Il arriva à Genève vers le milieu de juillet, se proposant, s’il le pouvait, de renverser Calvin et d’accomplir, de Genève, ce qu’il appelait la restauration du vrai christianisme (restitutio christianismi). Il attaquait l’autorité et la nécessité des Saintes Ecritures, et prétendait qu’à la suite de l’affranchissement qu’il méditait, le Saint-Esprit reprendrait dans l’Eglise la place qui lui appartient. « La vraie Eglise du Christ, disait-il, peut subsister sans les Ecritures. La prédication, l’interprétation, la voix vivante de l’Eglise vaut mieux que l’Ecriture morte (vox viva praefertur scripturae mortuae). La doctrine du Christ, disait-il encore, est tout entière spirituelle; n’avons-nous donc pas honte d’appeler ainsi une lettre qui tue (aeque vocare litteram occidentem)?»
Servet, très épris de lui-même, et qui s’imaginait être le restaurateur du christianisme, se plaçait au-dessus de l’Eglise romaine et de l’Eglise protestante, et, au système de ces deux Eglises, il en substituait un troisième, le sien, qui, selon lui, réunissait ce qui restait de vérité dans les deux autres Eglises, tout en rejetant les erreurs. Il s’élevait fort contre l’orthodoxie, prétendant qu’elle n’était qu’un certain intellectualisme. «La foi, disait-il, est une confiance et non une intelligence; c’est une énergie vivante (vivens energia), une action continue (actio continua).» Il couvrait ses doctrines délétères de paroles en apparence spirituelles, qui jetaient de la poudre aux yeux des simples. En s’élevant contre un christianisme dogmatique, il se présentait comme avocat de la voie intérieure. Il parlait beaucoup d’émanations, et voulait que l’idéal de Christ s’imprimât sur tout son être. «Par la foi, disait-i1, Christ prend une forme en nous; son image essentielle, sa vraie idée, sa forme lumineuse, est imprimée dans notre âme (veram in nobis imprimit ideam filii).» Déjà Pierre, dans sa seconde épître, avait demandé davantage: il avait dit que les chrétiens ont communication de la nature divine; mais c’est, selon lui, par les très grandes et précieuses promesses de la Parole que cette communication s’opère. Malgré toutes ses prétentions à une spiritualité sublime, il est évident, pour quiconque a lu les écrits de Servet, que, comme partout où manque le respect pour le témoignage de Dieu, la foi était essentiellement pour lui une croyance théorique, des idées philosophiques, recouvertes d’une fausse spiritualité. Vous savez les funestes erreurs que répandait ce prétendu rèstaurateur du christianisme. Ce qui le caractérise, ce n’est pas seulement un esprit remuant, une tendance mystique, un langage nuageux, mais c’est principalement l’usage de paroles choquantes, cassantes, énormes, que ses amis mêmes condamnaient; c’est ainsi qu’il appelait la sainte Trinité du Père, du Fils et de l’Esprit-Saint, un cerbère à trois têtes. Le gouvernement genevois, ayant pris l’avis de Berne, de Zurich, de Bâle et de Schaffhouse, crut que, s’il ménageait un hérétique, condamné au feu par les papistes, il justifierait les accusations d’hérésie intentées par eux à la Réformation, et, après que Calvin eut intercédé en vain pour adoucir la peine, Servet fut mis à mort par le feu. Cette mort est une tache, un reste de papisme dans notre histoire.
Mais la « ville théologique » ne trouva pas le repos. Il y avait encore un pas à faire. Socin et Servet avaient tiré les conséquences des principes de Châtillon quant à la foi, d’autres devaient se charger de les tirer quant à la morale. Depuis longtemps, un parti actif s’était glissé dans Genève et s’y était emparé même de quelques-uns de ses hommes les plus influents. Un nommé Coppin d’Yssel dans les Flandres, peut être regardé comme le chef de cette secte qui, par de douces paroles, par des discours spirituels, avaient gagné, en Belgique et en France, plusieurs personnes pieuses et de considération. Gruet, qui demeurait au Bourg-de-Four, était à Genève l’un des principaux chefs. La doctrine que nous combattons, et qui nie l’autorité de l’Ecriture dans la sphère religieuse, est en rapport naturel avec les doctrines qui, dans la sphère politique, nient l’autorité du magistrat et de la loi. Ce fut ce rapport entre la sphère politique et la sphère religieuse que la secte réalisa. Elle se proposa d’établir une fausse liberté, c’est-à-dire un horrible désordre dans la politique, la religion et la morale, et, pour cela, elle professa des principes semblables à ceux de Châtillon. Voici les doctrines que ces hommes publiaient alors dans notre cité: « Nous ne devons pas être soumis à la lettre qui occit (qui tue), mais suivre l’Esprit qui vivifie. L’Ecriture, prise en son sens naturel, n’est que lettre morte et qui tue, et partant il faut la laisser, pour venir à l’Esprit vivifiant. Qu’on ne s’arrête pas à ce qui est écrit, pour y acquiescer du tout, mais qu’on spécule plus haut et qu’on cherche révélations nouvelles. » Ces docteurs choisissaient donc dans les Ecritures ce qu’ils voulaient prendre et laisser, ce qu’ils trouvaient vrai ou faux, historique ou fabuleux. Ils se distinguaient dans les discussions par un esprit moqueur uni à une grande présomption, et cherchaient à faire rire leurs auditeurs aux dépens de leurs adversaires. Leur esprit sarcastique, qu’ils donnaient pour l’Esprit divin, allait plus loin et n’épargnait pas même les apôtres. Ils appelaient Paul, « Pot cassé »; Pierre, « Renonceur de Jésus »; Jean, « Jouvenceau et Follet »; Matthieu, « Usurier ». Ils prétendaient en savoir plus long sur la religion que les écrivains sacrés eux-mêmes; ils les corrigeaient en beaucoup de choses, et parfois même, se laissant aller à l’esprit du temps, qui aimait les injures, les appelaient coquins et marauds. Ils s’appelaient eux-mêmes les spirituels, parce qu’ils prétendaient surtout rétablir le règne de l’esprit; on les appela les libertins.
Le spirituel, disaient-ils (c’est-à-dire celui qui prend pour règle de conduite, non l’Ecriture, mais l’Esprit), est devenu comme Adam avant la chute, il ne sait plus rien du péché. Il est libre de toute loi; il n’a pas besoin de se faire une conscience de quelque chose, car c’est l’Esprit qui le pousse; ses désirs et ses ouvres sont les désirs et les ouvres de Dieu. Tout lui est permis, si seulement il se laisse conduire par l’Esprit qui est en lui. Il n’y a plus aucune espèce de liens pour le spirituel; le mariage même ne le lie pas; il peut et il doit former des mariages spirituels avec qui l’Esprit le désire, et le peut aussi longtemps que l’Esprit le veut. En conséquence de ces principes, la femme de l’un des membres du petit Conseil de Genève, Mme Benoîte Ameaux, forma un mariage spirituel avec un libertin. Elle s’excusa en disant que, si cela était contraire à l’Ecriture, cela était conforme à l’Esprit qui l’y avait poussée. Elle fut séparée de son mari, puis condamnée à la prison perpétuelle, et, ensuite, sur la demande de ses parents, relâchée comme folle.
Tel était l’esprit de ténèbres qui, à la suite de tous ces faux docteurs, s’était glissé dans la Réformation. Le papisme était moins à craindre. Sous le voile d’un pieux spiritualisme, sous la forme d’une doctrine nouvelle et plus parfaite, un esprit d’égarement et de désordre s’efforçait de gagner les esprits faibles. L’excellente sour de François Ier, la femme la plus éclairée de son siècle, Marguerite de Valois, endoctrinée par Pocquet, y succomba quelque temps. Une lettre de Calvin la ramena. L’ennemi était venu et semait abondamment l’ivraie parmi le bon grain.
Calvin ne pouvait sommeiller. Il se leva et porta à la fausse spiritualité de son temps des coups qui tombent sur celle de tous les siècles, même sur celle qui demeure dans la mesure de Châtillon et de Servet, sans se jeter dans l’immoralité. « Bien que cette secte, dit le Réformateur, soit bien diverse de celle des papistes, qu’elle soit même cent fois pire et plus pernicieuse, néanmoins toutes les deux ont ce principe commun ensemble, de transfigurer l’Ecriture en allégorie et d’affecter une sagesse meilleure et plus parfaite que celle que nous y avons. »
Tous deux, continua Calvin, tous deux d’un commun accord prennent pour couleur cette parole de Saint Paul que la lettre tue, mais que l’Esprit vivifie. Calvin explique alors le sens de ce passage qui, vous le savez, est souvent al- légué de nos jours. « L’Apôtre, en ce passage, dit-il, compare la loi séparée de Jésus-Christ avec l’Evangile. Il appelle la loi lettre, parce que, sans grâce de Dieu, elle est froide et sans efficace, surtout puisqu’elle n’entre point jusqu’au cour. Il appelle au contraire l’Evangile doctrine spirituelle, parce que Jésus-Christ y est compris, lequel vivifie la Parole, la faisant profiter en nos âmes par son Esprit. La loi, demeurant ainsi littérale, tue, continuait-il, puisque nous ne pouvons trouver en elle que condamnation. Mais l’Evangile vivifie, puisqu’il nous apporte la grâce de Jésus-Christ, par laquelle il fructifie en nous à salut. Voilà le simple sens de saint Paul, qui nous apprend ainsi qu‘il ne faut point séparer la Parole de Dieu de Jésus-Christ, qui en est l’âme. Que nous veulent donc ces bons expositeurs? Ils nous veulent, par ce passage, faire de l’Ecriture un nez de cire, ou la démener comme une pelote. Il est plus que certain que jamais Paul ne pensa à cela. Qu’ils cessent donc de produire un tel témoin pour aider à leur cause. Leur seconde intention, continue notre Réformateur, est encore plus diabolique: ils tâchent de nous égarer hors des limites des Ecritures afin que chacun suive ses propres songes et les illusions du diable, au lieu de la vérité de Dieu. Si Dieu nous a promis son Esprit, ce n’est pas afin qu’en délaissant l’Ecriture nous soyons conduits de cet Esprit et promenés par les nues, mais afin d’avoir la vraie intelligence de cette Ecriture et de nous en contenter.
Les libertins ne sauraient entamer un propos que le mot d’esprit ne soit incontinent par les rangs (c’est toujours Calvin qui parle). Ils appliquent le nom d’Esprit à tout ce que bon leur semble. Comme les curés des villages font quelquefois servir un marmouset qui est en leur paroisse à cinq ou six saints (en sorte qu’il représente tantôt l’un, tantôt l’autre), pour avoir d’autant plus d’offrandes, de même ceux-ci font-ils quant au mot d’esprit: c’est une sauce commune à toutes les viandes. Davantage, il est à noter qu’en appliquant ainsi confusément le mot d’esprit à tout ce qui leur vient à la tête, non seulement ils troublent l’intelligence des auditeurs, en mêlant les choses qui doivent être distinctes, mais aussi les embabouinent, en leur faisant accroire qu’ils sont tout spirituels et divins, et qu’ils sont à demi ravis avec les anges. Si donc quelqu’un de bon zèle tombe entre les mains de ces galants, quand il les entendra ne parler que d’esprit, dire que la Parole de Dieu n’est qu’esprit, et que Jésus-Christ semblablement est esprit, et qu’il nous faut être esprit avec Lui et que notre vie doit être esprit, il lui semblera de prime face que ce soient de bons zélateurs, qui se fâchent de voir la Parole de Dieu ainsi entortillée et mise en opprobre par la méchante vie des faux chrétiens. Etant ainsi amiellé, il concevra d’eux une bonne opinion, qui l’induira à leur porter amour et leur ajouter foi. Mais, puis après, ils viennent dégorger leur venin et tombent de ce haut parler, comme dit saint Jude, à une doctrine brutale. Quoi donc? dira quelqu’un, le nom d’Esprit doit-il pourtant être suspect? Qu’il ne m’advienne de le penser. Mais il nous convient être prudent pour discerner à quel usage on l’approprie. Si donc on aperçoit un homme y aller simplement, montrant que la Parole de Dieu est spirituelle, pour former nos cours à foi et sainte vie, si en reprenant la vanité de ceux qui n’ont la Parole de Dieu que sur le bout du bec, il avertit qu’il faut la prendre en autre usage, qu’on l’écoute de bon cour! Mais si l’on entend quelqu’un parler par ambages, on doit lui couper la broche court et lui demander ce qu’il veut signifier. S’il persévère à tourner à l’entour du pot, et qu’il entortille ses paroles comme une queue de serpent, alors qu’on le tire au jour, quoi qu’il dise, comme si on tirait un larron ou un malfaiteur de sa cachette. Chacun sait comment et à quel titre ces gens ont acquis le nom de spirituels, duquel ils s’enorgueillissent tant, que le nom de chrétiens ne leur est rien au prix.
Pour éviter un tel inconvénient, ajoutait le Réformateur, ne désirons point de rien saisir que ce qu’il a plu à Dieu de nous révéler en son Ecriture. N’assujettissons point la sacrée Parole de Dieu, ni à notre sens, ni à nos concupiscences, mais plutôt rangeons-nous entièrement à ce qu’elle nous dit. Ne soyons point convoiteux de choses nouvelles, et n’ayons point les oreilles chatouilleuses pour nous adonner à curiosité, mais cherchons ce qui est de profit et d’édification. Etant adressés au vrai chemin, tenons-nous-y; ayant la vérité de Dieu, adhérons ferme à icelle. Au reste, que nul ne s’ébahisse ou se trouble de voir des erreurs tant étranges et exorbitantes de toute manière. Que nul ne prenne de là l’occasion de s’ébranler ou de reculer de l’Evangile. Mais plutôt cherchons à nous fortifier en lui, afin qu’il nous soit un appui perpétuel, sûr et fidèle, pour nous soutenir au milieu de tous les troubles et de tous les scandales qui nous pourront accueillir.»
Ainsi parlait, dans Genève, le Réformateur. Mais ces sectaires étaient fortement appuyés: Perrin, Vandel, Berthelier, étaient avec eux. Le 18 mai, les spirituels, à la suite d’un souper où le vin les avait échauffés, entreprirent d’attaquer la maison de Baudichon de la Maisonneuve, où quelques réfugiés et autres Genevois, amis de Calvin, étaient réunis. «Ils se mirent, dit Bonivard, en soupant et faisant collation, à déchiqueter à beaux coups de langue ces Français et porte-Français; et après que la langue eut fait son office, le vin émut les pieds et les mains à faire aussi le leur.» Il y eut une émeute à neuf heures du soir sur la place de la Fusterie. Le syndic Aubert accourut, le bâton syndical à la main. Les spirituels furent saisis en flagrant délit de rébellion, jugés et bannis. Je termine ici l’histoire de cette controverse du seizième siècle dans Genève, controverse que j’ai jugée propre à être remise sous vos yeux. Nous avons achevé de descendre l’échelle: c’est dans la fange qu’elle finit.
Un historien allemand, parlant des faux spirituels qui parurent après la Réformation, a dit: «Le réveil d’un nouveau principe amène toujours quelque chose d’extraordinaire. Quand l’esprit humain est remué par de grandes choses, il s’élance en avant avec la même hardiesse qu’il a mise à renverser les idoles humaines, et il se livre facilement à des idées qui battent tout ordre en brèche.» Ce qui est arrivé au seizième siècle après la Réformation, on ne doit pas s’étonner de le revoir, au dix-neuvième, après le réveil. Vous connaissez tous la parole de Luther, qui comparait l’humanité à un homme ivre à cheval: il tombe d’un côté; on le remet droit, et aussitôt il tombe de l’autre. Voici ce que signifiait cette comparaison. Il y a deux sphères dans la religion: la sphère objective, qui, renferme ce qui est hors de nous (par exemple, l’Ecriture et l’ouvre expiatoire de Christ), et la sphère subjective, qui renferme ce qui est en nous (l’ouvre de l’Esprit et la régénération). Pour que la religion soit vraie et salutaire, il doit y avoir équilibre entre ces deux sphères; mais dès que l’équilibre est rompu d’un côté ou de l’autre, la religion court de grands périls. La Réformation les établit en une parfaite harmonie. Mais, de même que la corruption de la papauté était venue de ce qu’elle s’était jetée du côté objectif et l’avait perverti, le mal des doctrines que nous combattons provint de ce que leurs auteurs se jetèrent du côté subjectif et le dénaturèrent. La tendance subjective, si elle devient exclusive, est une tendance maladive, une fièvre. Cette maladie provient du manque de santé de l’individu, de ce qu’il n’y a pas eu de conversion pour lui, ou, tout au moins, de ce que sa conversion n’a pas été assez profonde. Le moi, qui n’a pas été assez humilié, assez crucifié, se relève tout à coup et se met au-dessus de l’Ecriture de Dieu. On tombe plus facilement dans cette maladie morale, si l’on a cultivé une faculté, l’intelligence par exemple, aux dépens des autres; si l’on a vécu dans son cabinet en dehors des expériences chrétiennes et de la vie chrétienne. « Ah ! nous écrivait tout récemment un pasteur, qui a déjà quelques années d’expérience, et qui est sorti de notre Ecole, que nos frères, les étudiants, entrent seulement dans l’ouvre du ministère; qu’ils s’efforcent de persuader, de convaincre; et, revenant de leur erreur, s’ils ont prêté l’oreille aux nouvelles idées, ils verront bien que, pour faire du bien, ils n’ont pas de plus puissantes armes que les Ecritures de Dieu. »
Messieurs, je redoute cette tendance subjective pour notre époque. Je la redoute, convaincu qu’elle ne peut manquer d’avoir les mêmes développements et les mêmes conséquences qu’elle eut au seizième siècle. Vous aurez remarqué la progression funeste de cette opinion. Châtillon enseigna simplement la doctrine qui substitue l’autorité de l’esprit individuel à l’autorité de l’Ecriture divine. Mais toute semence porte ses fruits. Cette doctrine, professée bientôt par Socin et par Servet, renversa d’abord toutes les doctrines de la foi; puis, interprétée par Coppin, Pocquet, Gruet et les libertins, elle renversa tous les préceptes de la morale. Elle enfanta ainsi de grandes hérésies et un hideux dérèglement. La progression est terrible, mais inévitable. Nous tenons donc à bien l’établir. Si nous nous opposons maintenant aux principes professés parmi nous, ce n’est pas seulement pour défendre l’autorité de la Parole inspirée de Dieu, cela certes en vaudrait déjà la peine, mais nous avons d’autres motifs encore. Nous nous y opposons, parce que (nous en avons la conviction), ce qui est en cause dans cette affaire, ce sont au fond les dogmes chrétiens et la morale chrétienne. Nous devons le répéter, afin que chacun le comprenne: ce qui est en cause dans cette affaire, ce sont les dogmes chrétiens et la morale chrétienne. Nous demander donc, comme on l’a fait, d’admettre ces doctrines pernicieuses, c’est nous demander, non seulement d’abandonner les Saintes Ecritures, mais encore d’abandonner le christianisme, sa foi et ses mours. Autant vaudrait nous demander la vie. Et si l’on nous disait: « Sur quoi basez-vous une opinion si étroite, si étrange, si en arrière du siècle? » nous répondrions: sur le témoignage de Dieu et sur le témoignage des faits. C’est afin de faire, s’il est possible, sauter cette opinion aux yeux des plus incrédules, que nous venons de retracer un chapitre de l’histoire religieuse de Genève. Je crois à la voix de l’Ecriture, et je crois aussi à la voix de l’histoire. Je dois combattre ce dont elles me signalent les redoutables dangers (ich kann nicht anders, je ne puis autrement, parole de Luther à Worms).
Sans doute, Messieurs, les erreurs dont nous sommes maintenant témoins à Genève, pas plus que celles de Châtillon, n’ont aucune ressemblance, sous le rapport moral, avec celles de la dernière catégorie, celles des faux spirituels. Des caractères d’une admirable pureté préviendront, j’en suis convaincu, quelque temps encore, les conséquences fatales de ces principes. On peut même espérer, vu le progrès général, que les excès seront moins grands qu’ils ne le furent il y a trois siècles. L’esprit humain marche en spirale: après un certain temps, il revient au point où il s’est trouvé quelques siècles auparavant. Mais, comme la courbe dont je parle, l’esprit de l’homme, tout en revenant vers le point où il a déjà passé, s’en écarte de plus en plus à chaque révolution qu’il opère. Toutefois, les conséquences des principes que nous combattons sont naturelles, et, je le ré- pète, inévitables. Il ne serait pas nécessaire de sortir de la Suisse pour trouver des gens qui, à cette heure même, tirent ces conséquences et les pratiquent. Quand l’homme est parvenu à abattre, ou du moins, à tourner la digue solide que Dieu a mise à ses doutes et à ses passions, l’Ecriture, il ne trouve plus rien qui l’arrête. Les scandaleux désordres auxquels se livrèrent les spirituels dans Genève, il y a juste trois siècles, sont un avertissement solennel donné à la génération actuelle. Celui qui a voulu que, au commencement de la dispensation évangélique, il y eût des Ananias, des Saphira, des nicolaïtes, pour effrayer les siècles futurs, a voulu aussi qu’au commencement de notre bienheureuse Réformation, il y eût des libertins spirituels pour épouvanter tous ceux qui seraient tentés d’oublier l’autorité unique et souveraine de ce qui est écrit dans la Parole de Dieu.
Quelques-uns mêmes pensent que l’erreur qui se propose de renverser l’autorité de l’Ecriture de Dieu pour lui substituer l’autorité personnelle, a plus de chances de succès de nos jours qu’elle n’en avait au seizième siècle. « Cette erreur, disent-ils, n’était pas dans l’esprit général du seizième siècle; mais elle est tout à fait dans l’esprit du nôtre. » Je dois reconnaître ce qu’il y a de fondé dans cette pensée. Cette doctrine est en effet, pour ainsi parler, le complément théologique de l’idée fausse et funeste de notre siècle qui, à la soumission à une autorité supérieure, substitue partout l’indépendance et l’autorité individuelle. Il y a donc dans la décadence de la société chance pour ces erreurs.
Mais si le mal a progressé, le bien a progressé de même. Si les entendus tombent facilement dans ces doctrines fatales, les simples, les chrétiens vivants ne se laisseront pas entamer. Il en est des enfants de Dieu comme «des corps organisés qui ont la faculté de rejeter toute substance étrangère par le jeu de la vie.» L’Eglise vivante sentira partout que ces erreurs lui sont contraires et les repoussera. Elles ne seront que comme un tamis destiné à séparer ce qui a parmi nous la vraie vie de ce qui n’en a que l’apparence.
Cela est si vrai que nous avons plutôt à craindre une réaction exagérée. Oui, Messieurs, et c’est un fait qui demande toutes vos prières, la nacelle de l’Ecole, et je puis dire de l’Eglise, vogue maintenant entre deux courants opposés: il y a le courant des amis de la science, qui s’oppose à la Sainte Ecriture de Dieu; il y a le courant des amis de la Sainte Ecriture de Dieu qui s’oppose à la science. D’un côté se trouve la beauté intellectuelle du savoir et du talent; de l’autre, la beauté spirituelle de la vie intérieure et de l’activité chrétienne. S’il fallait absolument, pour garder une de ces choses, rejeter l’autre, notre choix ne serait pas douteux: nous abandonnerions l’intellectualisme des savants pour la piété des humbles. Mais, Messieurs, nous ne voulons nous laisser entraîner dans aucun extrême. Nous rejetons la science qui se fait la maîtresse des Ecritures de Dieu, mais nous réclamons celle qui se fait leur servante. Nous voyons de grandes misères pour l’Eglise, si l’on repousse l’un ou l’autre de ces éléments: la science ou la foi. Maintenant plus que jamais, une science vraiment scripturaire est nécessaire pour combattre de subtiles erreurs et ramener sans cesse l’Eglise aux sources primitives de la vie.
Comprenez le bien, si nous voulons conserver les Ecritures, c’est pour conserver la vie, la doctrine, Jésus-Christ lui-même. On a entendu quelques personnes dire que, tout en rejetant les attaques dirigées contre les Ecritures, elles sympathisaient avec d’autres manifestations provenues récemment de la même plume, et croyaient que la vraie sanctification était dans la conformité à l’image de Jésus. Est-ce là, je le demande, ce qui est en question? Les enfants de Dieu de tous les siècles, qui jour et nuit méditent dans la loi de l’Eternel, n’ont-ils pas toujours cherché leur sanctification dans la conformité à l’image de Jésus? Non, la question n’est pas là, mais voici où elle se trouve. Faut-il se conformer à l’image de Christ, telle que nous la donnent les Ecritures inspirées de Dieu, du Christ vrai, du Christ toujours le même, ou bien, faisant un triage dans ces Ecritures, et en retranchant ce qui ne nous plaît pas, faut-il nous conformer à l’image muable du Christ, de nos rêveries, de notre entendement et de notre imagination? Voilà la question.
Messieurs, Christ notre sagesse, Christ notre justice, Christ notre sanctification, Christ notre vie, Christ notre espérance, Christ notre rédemption, voilà Celui qu’il nous faut garder. L’ennemi cherche sans cesse à l’enlever, dût-il même se présenter comme un ange de lumière. Résistons à l’ennemi, et ils ‘enfuira loin de nous. L’Ecriture Sainte maintient seule Jésus-Christ, et l’Esprit seul nous le donne par l’Ecriture. Ah! gardons Jésus-Christ, et pour cela gardons l’Ecriture par le Saint-Esprit!
Ce qui se joue aujourd’hui dans le monde, c’est la grande bataille pour les cours et les pensées. En quelques années, notre société a changé, et les structures du monde occidental s’effondrent pour faire place à une structure globale avec pour objectif l’instauration d’un nouvel ordre mondial. Cependant, notre mission de chrétiens demeure: évangéliser, ce qui implique que nous devons comprendre le temps que nous vivons, afin de nous forger une approche qui tienne compte d’une vision chrétienne du monde, c’est-à-dire d’une vision du monde conforme à la Parole de Dieu.
A. Vision du monde
1. Qu’est-ce qu’une vision du monde
Une vision du monde est un modèle opératoire du monde, c’est-à-dire une idée que l’on se fait du monde, idée basée sur ce qu’est la vie et idée qui commande le choix des valeurs: on se forge un modèle du monde et on agit selon ce modèle.
En général, notre vision du monde vient du mode de vie commun adopté par la société dans laquelle nous vivons. Elle nous inspire et influence notre façon de vivre en famille, d’élever des enfants, d’opérer des échanges économiques, etc.
Quand il y a simultanément plusieurs visions du monde dans une société, il en résulte une désorientation. Les différents domaines sont cloisonnés, chacun risquant d’être dominé par une optique qui lui est propre. Il se produit ainsi des clivages dans la culture, au détriment d’une vision harmonieuse.
Notre façon de vivre est toujours Gouvernée par notre vision du monde qui influence et inspire tout ce qui gravite autour: l’éducation, la santé publique, le système juridique, la protection de l’environnement, les arts, la famille, la politique et les institutions religieuses.
David A. Noebel, président depuis plus de 30 ans des «Summit Ministries» et auteur du livre important «Understanding the Times» définit une vision du monde comme suit: « Le terme « vision du monde » se réfère à toute idéologie, philosophie, théologie, mouvement ou religion qui fournit une approche globale pour comprendre Dieu, le monde, les relations de l’homme avec Dieu et le monde. Spécifiquement, une vision du monde devrait contenir une perspective particulière en relation avec chacune des dix disciplines suivantes: la théologie, la philosophie, l’éthique, la biologie, la psychologie, la sociologie, la loi, la politique, l’économie et l’histoire » (p.8).
Toute vision du monde est basée sur les réponses que chaque homme apporte à quatre questions fondamentales; il répond à ces questions selon sa croyance, sa foi, sans nécessairement les avoir formulées rit même en être conscient. Sa culture l’a façonné, a façonné son raisonnement. Ces questions sont les suivantes:
1. Où suis-je, quelle est la nature de l’univers dans lequel je vis?
2. Qui suis-je, quelle est la nature de l’homme, quel est son rôle, quel est le sens de la vie?
3. Où est le problème, quel est l’ obstacle à mon plein épanouissement, quelle est la nature du mal et la compréhension que j’en ai?
4. Quel est le remède, comment vaincre l’obstacle qui m’empêche d’y arriver; comment être sauvé, délivré?
2. Evaluation d’une vision du monde
Cette évaluation se fait par rapport à la Parole de Dieu et peut se baser sur trois critères:
A) CRITÈRE 1 :
Cette vision est-elle cohérente par rapport à la réalité ?
Correspond-t-elle à tous les domaines de l’existence?
Permet-elle de comprendre la vie sous tous les aspects?
Est-elle vraiment une vision du monde? Met-elle principalement l’accent sur un seul aspect en négligeant les autres?
Exemple: La vision de l’Américain néglige l’aspect écologique en mettant l’accent principal sur le domaine économique, alors que la vision du Japonais néglige l’aspect de la valeur de l’individu et de ses besoins en mettant l’accent sur le groupe et la loyauté envers celui-ci. On constate ainsi qu’il n’y a pas de réelle cohérence dans ces deux cultures par rapport à la réalité. En revanche, dans la vision chrétienne du monde il existe une réelle cohérence au sein de la création, chaque chose étant à sa place. Il est donc dangereux d’en absolutiser un aspect car cela renverse la cohérence de la vision.
B) CRITERE 2 :
Cette vision nous rend-elle sensible à l’amour et à la justice ?
C’est le critère de la cohérence interne de la vision.
L’unité interne par une cohésion des convictions fondamentales est indispensable pour une vision du monde, sinon elle est divisée contre elle-même. Ainsi, absolutiser certains aspects spécifiques d’une vision du monde devenue idole amène des incohérences et cause des injustices.
Exemple: Le Japonais, dans une certaine mesure, met l’accent sur l’union avec la nature, mais aussi sur sa supériorité par rapport aux autres peuples (fierté nationale et loyauté envers le groupe). Bien que cela l’ait amené au succès de l’industrialisation de l’après-guerre, il n’en demeure pas moins que cela crée le problème de la pollution de la nature, ce qui va à l’encontre du respect shintoïste de cette même nature.
C) CRITÈRE 3:
Cette vision est-elle source de vie ou de mort par rapport aux deux premiers critères?
Lire Deutéronome 30.15-20.
Chaque vision du monde est limitée et finie. Aucune n’est infaillible. Nous devons nous laisser modeler par la réalité, mais comme chrétiens nous avons une meilleure compréhension de la réalité grâce à la révélation spéciale, la Parole de Dieu. La vision chrétienne du monde est fondée sur Jésus-Christ, le Chemin, la Vérité et la Vie. Notre vision du monde peut-elle être corrigée? Oui, mais seulement d’après ces trois critères:
a) est-elle cohérente avec la réalité?
b) est-elle en accord avec notre foi?
c) est-elle basée sur notre autorité ultime, la Bible? (2 Tim 3.16-17)
B. Vision chrétienne du monde
l. Définition de la vision chrétienne du monde
Dans notre exposé, nous partons avec l’a priori que la Parole de Dieu restera notre seule norme de foi et de vie. La vison chrétienne du monde répond aux quatre questions suivantes:
1. Où suis-je?
Réponse: la création.
2. Qui suis-je?
Réponse: la création.
3. Quel est le problème?
Réponse: la chute.
4. Quel est le remède?
Réponse: la rédemption.
La vision chrétienne du monde est « l’unique vision du monde qui explique de façon cohérente tous les faits de la réalité dans les domaines de la théologie, de la philosophie, de l’éthique, de l’économie ou de quoi que ce soit d’autre » (David A. Noebel in « Understanding the Times » p. 13).
Le rôle de lumière du monde implique pour les chrétiens la tâche de « mettre l’homme moderne face à la vision chrétienne du monde qui est le concept révélé pour comprendre la réalité et l’expérience, et de faire de nouveau appel à la raison face au vagabondage de l’irrationalisme et à l’arrogance de l’autonomie, afin de servir une foi authentique. Cela n’implique nullement pour l’homme moderne un retour à l’esprit médiéval. Cela signifie plutôt atteindre la pensée éternelle, la pensée de Christ, la vérité de la révélation, le Logos comme source transcendante des règles et structures de l’être, le Logos incarné en Jésus-Christ, le Logos comme agent divin dans la création, la rédemption et le jugement, le Logos qui demeure, invisible mais parfaitement identifiable, comme centre authentique de la nature, de l’histoire, de l’éthique, de la philosophie et de la religion » (Carl F. Henry in « Understanding the Times » p. 12).
« La foi du chrétien, foi qu’il fonde sur la révélation divine, a des implications dans tout ce qui a trait à la vie » (Carl Henry in « Understanding the Times » p. 13).
« Le noyau de la foi chrétienne est soit la vérité absolue, soit du non-sens. Etant absolues, les vérités que la foi proclame revendiquent aussi d’être éternelles. Si elles n’étaient pas absolues, si elles n’étaient pas éternelles, il ne vaudrait pas la peine de les croire. Au contraire, la connaissance scientifique est relative, relative par rapport à tout ce qui peut être trouvé à chaque moment dans le monde naturel. Croire en une religion qui est en constant processus de révision pour s’adapter à l’image toujours changeante que la science donne du monde, est sans doute plus facile, mais il est difficile d’accepter que cela vaille la peine d’y croire » (C.E. M. Joad, philosophe chrétien ayant trouvé Christ en cherchant la vérité éthique, in «Understanding the Times. p. 14). « La Bible évite toutes les visions de la vie et du monde extrêmes et déséquilibrées. La philosophie idéaliste nie l’existence de la matière en affirmant que seul l’esprit est réalité. Le matérialisme affirme juste le contraire. La Bible enseigne la réalité objective des deux, l’esprit et la matière, mais fait ressortir le caractère éphémère du physique et le caractère permanent du spirituel (2 Cor 4.18). Le panthéiste nie la transcendance de Dieu, et le déiste nie son immanence. La Bible enseigne les deux: Dieu est tout en tous et Dieu est au-dessus de tout (1 Cor 15.28; Rom 9.5). Le sécularisme met tout l’accent sur la vie présente; le fanatisme ignore le présent et pointe vers la vie à venir. Le Bouddhisme voudrait supprimer tout désir humain; l’hédonisme ne voudrait satisfaire que les désirs humains et rien d’autre. Le manichéïsme affirme que le corps humain est le mal; l’hindouisme enseigne les castes; le confucianisme ignore Dieu et le futur. La Bible, quant à elle, fait converger tous ces extrêmes en une vision du monde bien équilibrée et pleine de bon sens » (Charles F. Baker in « Understanding the Times » p. 14).
« Les valeurs spirituelles que les chrétiens célèbrent sont universelles et fondamentales, et sans elles, même le système économique le plus efficient conceptuellement faillira. La démocratie elle-même pourrait se perdre dans la tyrannie. Après tout, l’activité de l’économie a trait à l’addition des valeurs. Mais dans leur essence, les valeurs sont spirituelles, elles sont l’expression des qualités des pensées: discipline de soi, ordre, respect de soi, honnêteté, intégrité, pureté, loyauté, principes, fierté authentique, amour et respect des autres. La liste est infinie. Des sociétés aux valeurs spirituelles fortes ont tendance à générer la valeur économique et à s’étendre. Les sociétés aux valeurs trop matérialistes tombent finalement dans le délabrement et la décadence. Celles qui ont essayé d’abandonner tout fondement religieux ou théologique pour le remplacer par des valeurs morales dans lesquelles elles voyaient la clé d’un gouvernement autonome, ont en général connu le déclin et sont devenues la proie de régimes despotiques » (Warren Brook, économiste, in « Understanding the Times » p. 15).
2. La création de l’univers
Elle répond à la première question: Où suis-je?
Notre point de départ a priori est que le Dieu de la Bible, personnel et infini, Créateur de toutes choses, est à l’origine de la création. C’est la doctrine biblique de la création. La révélation spéciale que Dieu nous a donnée, l’Ecriture Sainte, nous informe clairement à ce sujet (voir le chapitre 1 de la Genèse).
Dieu a créé l’univers par sa Parole: « Les cieux ont été faits par la parole de l’Eternel et toute leur armée par le souffle de sa bouche. Il amoncelle en une masse les eaux de la mer… Il dit et fa chose arrive, il ordonne et elle existe« (Ps 33.6-9).
Dieu a créé l’univers par son intelligence et sa sagesse, présentes au moment de la création, chant de sa sagesse. «Il a fait la terre par sa puissance, il a fondé le monde par sa sagesse. Il a étendu les cieux par son intelligence. Lorsqu’il donne de la voix, les eaux s’amassent dans le ciel. Il fait monter les nuages du bout de la terre. Il produit les éclairs pour la pluie. Il fait sortir le vent de sa réserve » (Jér 10.12-13).
A) LE BUT DE LA CRÉATION
« Ainsi parle l’Eternel qui a créé les cieux, lui, le seul Dieu qui a façonné la terre et l’a formée, qui l’affermit. Il ne l’a pas créé vide. Il l’a formée pour qu’elle soit habitée« (Es 45.18). Le but de la création est donc:
– la glorification de Dieu à travers ses ouvres;
– le passage de l’homme sur la terre pour glorifier Dieu;
– la manifestation de la grandeur, de l’omniscience et de la fidélité de Dieu à travers la structure et la stabilité de la création.
B) L’ALLIANCE DE DIEU AVEC LA CREATION
Par cette alliance, il garantit la stabilité et l’ordre dans l’univers, car il tient souverainement le monde entre ses mains (Jér 33.25-26; 31.35-37).
3. La création de l’homme
Elle répond à la deuxième question: Qui suis-je? (Lire Genèse 1.26-28).
L’homme est le couronnement de la création de Dieu, ayant été «créé à son image». Dans ce texte, trois impératifs définissent la responsabilité de l’homme:
– dominer la terre;
– cultiver la terre;
– préserver la création.
L’homme a donc reçu un mandat culturel de la part de Dieu. Ce mandat implique tous les domaines de la vie et a un sens large comme travailler, entretenir, conserver, préserver, former. En parlant par exemple de la préservation de la terre, nous pensons à la société de consommation occidentale: Sa vision est faussée parce qu’elle veut soumettre la terre en l’exploitant, mais sans en assumer la responsabilité.
Deux principes bibliques doivent être soulignés en rapport avec la création de l’homme:
1. Nous sommes dépendants de Dieu et soumis à sa loi et à ses normes, ce qui va à l’encontre de l’humanisme où l’homme est autonome (de « auto » = « propre » et « nomos » = « loi » ) et établit ses propres lois.
2. Nous sommes appelés à dominer et à cultiver la terre en la préservant selon les normes de Dieu. Gérants des biens reçus, nous sommes maîtres de la terre et serviteurs de Dieu. Lire les paraboles du serviteur de Dieu (Mat 20.1-16; 24.42-51; 25.14- 30; Luc 19.11-27; 20.9-18).
4. La chute
Elle répond à la troisième question: Quel est le problème? (Lire Genèse 3)
L’homme, créé libre, n’a pas résisté à la tentation du diable en Eden. Pleinement responsable de ses actes et averti par Dieu, il a cru le mensonge de Satan plutôt que la Parole de Dieu. Ainsi il a été précipité dans la mort et la corruption et avec lui la création toute entière. Malédiction, souffrance et mort sont entrées dans le monde à tous les niveaux, et toute la création a été « soumise à la servitude de la corruption » (Rom 8.18-25).
Comme l’homme est un être profondément religieux parce que « Dieu a mis la pensée de l’éternité dans son cceur » (Ecc13.11), il lui faut à tout prix un repère fondamental: ou il sert Dieu, ou il sert les idoles, quelles qu’elles soient.
Les idoles usurpent la place de Dieu (Rom 1.23-25). L’idolâtrie est une revendication d’autonomie, d’indépendance, c’est le rejet de la souveraineté de Dieu. Cela correspond aux deux premiers commandements du décalogue en Ex 20.1-7: pas d’autres dieux, pas de statue ni de représentation quelconque pour se prosterner devant elles. Le mot image ou copie est aussi employé pour désigner des idoles (Nom 33.52; 2 Rois 11.18; Amos 5.26). L’humanisme séculier s’est substitué à Dieu. L’homme s’est mis à sa place. C’est pour cela que la création souffre, car le système de la vision du monde humaniste séculier ne peut pas s’identifier pleinement aux trois critères énumérés plus haut: cohérence avec la réalité de la vie, amour et justice, source de vie. Il y a bel et bien guerre entre les deux royaumes, celui de Dieu et celui de Satan, prince de ce monde.
5. La rédemption et le renouvellement
Ils apportent la réponse à la quatrième question: Quel est le remède?
C’est l’histoire de la rédemption commençant en Eden et s’achevant dans les trois derniers chapitres de l’Apocalypse. Mais le point culminant de l’histoire se situe à l’incarnation de Dieu en ]ésus-Christ, mort pour nos péchés et ressuscité pour notre justification. «Car il a plu à Dieu de faire habiter en lui toute la plénitude et de tout réconcilier avec Iui-même, aussi bien ce qui est sur la terre que ce qui est dans les cieux, en faisant la paix par lui, par le sang de sa croix» (Col 1.19,20). Il a donc réconcilié la création avec lui-même. Le sacrifice de Christ est pleinement suffisant pour tous, mais ne s’applique qu’à ceux qui se soumettent à sa Seigneurie en confessant leurs péchés et en croyant en lui.
En concluant une suite d’alliances, Dieu a prouvé sa fidélité envers la création et ceux qui se confient en lui: Création (Jér 33.25-26), Abraham (Gen 12.9-17), Israël (Deut 5.2), David (1 Chron 17.1-27), Nouvelle Alliance (Hébr 9.15). Fondée sur la mort et la résurrection de Christ, la Nouvelle Alliance valide toutes les promesses de Dieu à travers les alliances précédentes pour les accomplir.
C. Les dieux de notre temps
Trois idoles, provenant de l’humanisme séculier, projettent un concept global et nouveau dans le monde. Nous assistons à une accélération vers une vision du monde fondée sur le concept d’un Nouvel Age global, holistique, d’un «Nouvel Ordre Mondial», selon ce que prédisait Gorbatchev: «l’humanité entre dans un nouvel âge et les convergences mondiales commencent à obéir à de nouvelles lois et à une nouvelle logique» (p. 873 in «Understanding the Times»). Nous allons certainement vers un syncrétisme de trois visions du monde: le marxisme-léninisme, l ‘humanisme séculier et l ‘humanisme cosmique du Nouvel Age.
Les trois idoles communes aux trois visions mentionnées sont:
– le scientisme;
– le technicisme;
– l’économisme.
1. Le scientisme
C’est le premier absolu de la religion moderne. Or Guinness dit que l’un des éléments importants de l’humanisme est «la croyance que la science peut guider l’homme vers le progrès et remplacer la religion et la morale » (The Dust of Death p.15, cité p.179 in «La vision chrétienne du monde »). Le péché, aujourd’hui, n’est plus la désobéissance à Dieu, mais l’ignorance, l’irrationalité. Le monde, devenu une immense « machine », fruit du concept évolutionniste et base de l’humanisme, est manipulé par le scientisme, et ceci à des fins utilitaires au profit de l’homme. Plus rien n’échappe au contrôle de la science. Mais sous le contrôle de 1 ‘homme autonome, celle-ci est devenue une maîtresse cruelle.2. Le technicisme
Une nation appelée «moderne» aujourd’hui porte les caractéristiques amenées par la science et la technologie qui l’ont transformée, et ceci la définit par rapport à une nation « primitive » n’ayant pas subi les manipulations de ces deux idoles. Le médiateur entre Dieu et l’homme pour l’humanisme s’appelle technologie, source de progrès et guide salvateur qui le mène vers un monde nouveau. Jeremy Ritkin dans son livre « Entropy of a new World View » (p.17 cité p.181 in « La vision chrétienne du monde ») écrit: «Nous rythmons nos vies à l’aide d’une machine, la montre, et communiquons entre nous grâce à une autre, le téléphone. Nous apprenons à nous informer grâce à des machines: la calculatrice, l’ordinateur, la télévision. Nous voyageons dans des machines: la voiture, l’avion et nous pouvons voir grâce à une machine: l’ampoule électrique. La machine représente notre façon de vivre et incarne en même temps notre vision du monde». Nous sommes ainsi coulés dans un moule avec une vision mécaniste très développée. Un exemple: Une machine est démontable, remontable, compréhensible parce que créée par la science et mise en application par la technologie. Or le fonctionnement d’une machine est évalué selon les critères: quantité – productivité -consommation. Plus de miracle en dehors de ces deux nouveaux dieux que sont la science et la technologie. Dans une publication récente aux USA on pouvait lire cette terrible affirmation que «pour dire les choses aussi clairement que possible: la science et la technologie doivent résoudre nos problèmes. Si elles ne le font pas, rien ne le fera» ( «La vision chrétienne du monde», p. 183).3. l’économisme
John K. Galbraith, économiste connu, écrit que « dans notre culture, la croissance du niveau de vie est comme un article de foi que les hommes confessent » (« La vision chrétienne du monde », p. 187) et un autre dit que « la croissance de plus en plus grande du niveau de vie est le dieu de l’Amérique du Nord du 20e siècle et le publicitaire est son prophète » (Ron Sidler in «La vision chrétienne du monde », p. 188). Cet économisme a fait les promesses mirobolantes d’un paradis sur terre avec un maximum de bien-être et un minimum de travail. S’il est vrai que le capitalisme plonge ses racines dans le christianisme, il n’en demeure pas moins qu’il a totalement dégénéré. Tout se résume de nos jours à deux questions: Est-ce rentable? Quel en est le profit? Au nom du sacro-saint profit et de la rentabilité on sacrifie tout, famille, sol, forêts, atmosphère, etc. L’avarice, l’égoïsme et la convoitise sont devenus la gangrène de notre époque. Pas plus tard qu’il y a quelques mois deux géants de l’industrie chimique, Ciba-Geigy et Sandoz se sont alliés, et les mass-médias ont prédit comme résultat de ce mariage la suppression d’environ 10 000 emplois dans un proche avenir. C’est l’éthique de l’économisme qui a réduit l’homme à une machine à produire.
Ainsi, nous constatons que ces trois dieux n’ont pas engendré le bonheur, mettent nos vies en péril et atteignent leurs propres limites. L’angoisse culturelle s’est déjà installée parce qu’ils ont trompé la société. Une utopie s’écroule. La croissance économique, les revenus, les loisirs, une meilleure alimentation, les miracles de la médecine, les triomphes technologiques ne nous ont pas apporté le bonheur: Un ouvrage collectif est sorti récemment en France aux éditions Seghers à Paris. Son titre si prometteur, «L’avenir de la vie», cache en réalité une nouvelle société humaniste manipulée par cette nouvelle vision du monde, où l’individu n’est plus qu’une machine dont la valeur se mesure à sa cadence de productivité. Jugez-en plutôt à partir d’un extrait dû à la plume de Jacques Attali (p. 268-274): « La civilisation religieuse est une mise en scène du cannibalisme. J’ai essayé de montrer que la ritualisation chrétienne est fondamentalement cannibale… La charité n’est autre qu’une forme de dénonciation. Je crois que l’important de la vie ne sera plus de travailler, mais d’être en situation de consommer, d’être un consommateur parmi d’autres machines de consommation. Je crois que dans la logique même du système industriel dans lequel nous nous trouvons, l’allongement de la durée de la vie n’est plus un objectif souhaité par la logique du pouvoir… Dès qu’il dépasse 60-65 ans, l’homme vit plus longtemps qu’il ne produit et il coûte alors cher à la société... En effet, du point de vue de la société, il est bien préférable que la machine humaine s’arrête brutalement plutôt qu’elle ne se détériore progressivement. On pourrait accepter l’idée d’allongement de l’espérance de vie à condition de rendre les vieux solvables et créer ainsi un marché... Je suis pour ma part, en tant que socialiste, objectivement contre l’allongement de la vie parce que c’est un leurre, un faux problème… L’euthanasie sera un des instruments essentiels de nos sociétés futures 0dans tous les cas de figures. Dans une logique socialiste, pour commencer, le problème se pose comme suit: la logique socialiste, c’est la liberté, et la liberté fondamentale, c’est le suicide; en conséquence le droit au suicide direct ou indirect est donc une valeur absolue de ce type de société ».
Avec Daniel Bell, sociologue à la Harvard University ( «La vision chrétienne du monde» p. 201) nous pouvons conclure: « Le vrai problème du monde moderne est un problème de foi ou pour utiliser un terme démodé, de crise spirituelle, car les nouveaux points d’ancrage se sont révélés illusoires et les anciens ont été submergés ».
D. Une solution culturelle chrétienne
1. Le problème
La situation étant catastrophique, que pouvons-nous faire? Avec Willy Durant des USA nous affirmons que «le plus grand problème de notre temps n’est pas le communisme contre l’individualisme, pas l’Europe contre l’Amérique, pas même l’Orient contre l’Occident, mais c’est de savoir si l’homme peut vivre sans Dieu» (« Understanding the Times », p. 44). L’Eglise reste dans une certaine passivité. Si les chrétiens n’apportent pas la réponse, ils désobéissent au Seigneur. Nous devons proposer une solution chrétienne culturelle, mais ce sera celle de l’Eglise tout entière.Pourquoi rencontrons-nous parfois une attitude et des réactions négatives chez les Evangéliques à l’égard d’une solution chrétienne culturelle? Cela provient d’une vision dualiste, où l’on sépare le monde « spirituel » du monde « matériel ». Or la théologie de la création englobe la totalité de la réalité, de la vie.
2. La vision chrétienne globale du monde.
Il faut une approche globale, car tous les problèmes sont interdépendants. Prenons un exemple: le chômage dépend de l’automatisation des entreprises, les modes de production sont liés à la quantité d’énergie disponible, les problèmes alimentaires proviennent d’une mauvaise distribution des ressources. Nous pourrions mentionner aussi notre manière de fonctionner avec les personnes handicapées ou âgées, l’obligation de passer par les institutions sociales: tout dans notre société est lié à la conception humaniste utilitariste: utilité -rentabilité -efficacité.
Nous devons refuser la mentalité humaniste et nous laisser réformer aussi dans nos pensées (notre mentalité) en les rendant conformes à la Parole. Cela nous aidera à résister aux énormes pressions qu’exerce le monde sur les chrétiens et à construire une apologie biblique qui ait pour but d’actualiser la Parole dans la vie d’aujourd’hui pour amener en premier lieu les hommes à Christ. Cette approche globale se fera dans les quatre domaines que nous allons aborder maintenant:
– abandon de nos idoles;
– acceptation du caractère multidimensionnel de la vie;
– réponse aux normes créationnelles de Dieu par notre soumission à Sa Parole;
– devoir de vivre ensemble d’une manière nouvelle.
A) ABANDON DE NOS IDOLES
Cela nécessite l’évaluation et le rejet du concept humaniste de « progrès ». Si science, technique et économie sont soumises à la théologie de la création, alors nous pourrons contribuer au débarras des idoles modernes (Soph 3.3-6; 1 Jean 5.21; Gen 35.2). Cela demande de vraies réponses aux vraies questions.
B) GARDER LE CARACTÈRE MULTIDIMENSIONNEL DE LA VIE
La vision biblique du monde inclut toutes les dimensions de la vie, car elles sont interdépendantes les unes des autres.
Exemple: Le travail: il existe une interdépendance avec d’autres domaines. S’il est réduit à la rentabilité ou à la productivité maximale d’un bien manufacturé, il devient réductionniste, ne tenant plus compte du caractère multidimensionnel de ce domaine. Pensons à l’analyse scientifique pour rendre encore plus rentables les postes de travail. L’ouvrier doit alors se soumettre aux résultats de ces recherches et peut perdre sa place; il doit s’adapter ou se recycler. Il perd ainsi sa liberté et son sens des responsabilités. On s’attaque ainsi à l’homme en le réduisant à une machine, et il perd toute sa valeur comme créature de Dieu, car il est un être social et affectif.
C) RESPECT DES NORMES DIVINES
Les valeurs prédominantes de la culture humaniste séculière sont:
– l’autonomie de l’homme rejetant toute loi, d’où liberté hédonique (plaisir et propre satisfaction)
– l’individualisme
– les intérêts personnels.
Or, les valeurs fondamentales et essentielles manquent. Notre témoignage culturel comportera les éléments suivants:
– accepter de faire certains sacrifices à tous les niveaux
– nous soumettre aux lois créationnelles
– savoir que l’Evangile seul peut réformer notre culture
– retour à la loi de Dieu qui est multidimensionnelle. Cette soumission à la Parole est dynamique et nous devons agir en tant que responsables de la gestion de la terre
– soumission aux normes divines: l’amour, la justice, la bonté, la bienveillance.
Dans ce contexte, nous devons reconsidérer la justice sociale, l’économie et tous les autres domaines de la vie. Le texte de Jérémie 7.5-7 est très clair à ce sujet: « Si vraiment vous réformez vos voies, vos agissements, si vraiment vous faites droit aux uns et aux autres, si vous n’opprimez pas l’immigrant, l’orphelin et la veuve, si vous ne répandez pas en ce lieu le sang innocent, et si vous ne vous ralliez pas à d’autres dieux pour votre malheur; alors, je vous laisserai demeurer en ce lieu ». Donc, il nous faut d’abord réformer nos cours en nous repentant de nos péchés. Ensuite il nous faut réformer nos actes, reflets de nos cours. Cela se traduit en pratiquant la justice. Nous devons gérer les biens reçus de Dieu, afin que les habitants du pays puissent tous en bénéficier par:
– le droit d’avoir de l’eau et de l’air purs;
– le droit à la vie (à l’opposé du concept humaniste favorable à l’avortement et à l’euthanasie);
– le droit de regard des parents sur un enseignement scolaire correct de leurs enfants;
– le droit de l’ouvrier à un travail non déshumanisant qui le motive dans ses responsabilités.
D) RENOUVEAU DE L’EGLISE
Etant conscients de notre impuissance et de l’incapacité dans laquelle nous nous trouvons parfois de réagir individuellement, nous sommes convaincus que ce renouveau doit se faire en commun dans l’Eglise de Jésus- Christ. Quelles sont les questions à nous poser?
1. Comment mettre en pratique cette vision là où je suis (ouvrier, cadre, enseignant, artisan indépendant, etc.)?
2. Que puis-je faire comme scientifique, médecin, artisan indépendant, enseignant, etc., pour ne pas traiter mon prochain comme une machine? Quelle contre-méthode scientifique, technologique ou économique puis-je développer et employer dans le cadre de cette vision chrétienne du monde?
Voici quelques pistes à poursuivre:
1. L’Eglise devrait prodiguer un enseignement biblique sur la vision chrétienne du monde. La théologie de la création est la base d’une instruction biblique saine, car notre vision est fondée sur cette théologie. Les quatre questions fondamentales Qui suis-je? Où suis-je? Quel est le problème? Quel est le remède? devraient être traitées en détail, ce qui implique également une certaine connaissance de la culture humaniste séculière avec ses différents courants. Répondre « Bible en main » signifie poser les bases de l’Evangile: la doctrine de Dieu, de la création, de la mission culturelle de 1’homme, de la chute, du péché, de la rédemption par ]ésus-Christ et de l’eschatologie. L’Eglise enseignera aussi ce que cela implique d’être « le sel de la terre et la lumière du monde ». Nous plaidons ici pour une apologie biblique complète qui englobe la théologie de la création et précisons qu’une telle ligne n’est pas nécessairement liée à une eschatologie déterminée. Vous trouverez à la fin de cet article quelques titres d’ouvrages utiles pour nous aider dans la compréhension et l’application de ce sujet dans la réalité de la vie quotidienne, à la lumière de l’Ecriture.
2. L’Eglise fortifie les chrétiens dans leurs différentes professions pour qu’ils puissent accomplir cette tâche multidimensionnelle de la vie, avec aussi pour but de manifester notre vision chrétienne à tous les niveaux dans notre société post-chrétienne:
a) par le soutien des médecins, par exemple, et du personnel soignant quand ils subissent des pressions dans leur travail (avortement, euthanasie, etc.) qui vont jusqu’au licenciement.
b) par le soutien dont les gens ont besoin pour combattre les dieux modernes, par la prière afin que le Seigneur suscite des dons d’encouragement et de soutien et par la formation des chrétiens pour ces ministères.
c) par le soutien des cadres d’entreprises et des exploitants afin qu’ils ne s’engagent pas simplement dans le «système». Pourrait-on réfléchir avec une équipe pour savoir comment ouvrer pour un changement au sein d’une entreprise pratiquant les principes bibliques de la gestion?
d) par le soutien de ceux qui ont pris la voie de l’art, de la musique, de la littérature ou qui cherchent à s’y engager.
3. L’Eglise vient en aide aux couples en détresse. C’est une excellente forme d’évangélisation. Se faire d’abord des amis et partager joies et problèmes avec eux pour gagner leur confiance. Le témoignage d’unité et d’harmonie de chaque couple chrétien dans l’Eglise servira de base au dialogue sur le rôle distinct de chaque conjoint, dans l’égalité devant Dieu. Il est urgent de promouvoir un enseignement biblique sur le couple, la famille, les enfants. Le mariage et la famille doivent redevenir la cellule de base de notre société. Le ministère d’accueil et de témoignage dans nos familles devrait être développé. Encourageons les couples à participer à des séminaires de formation pour couples et familles.
4. L’Eglise doit encourager des ministères de compassion. Que de personnes, de familles en détresse. Nous pensons au diaconat sous ses multiples formes, aux différents ministères d’amour, de miséricorde et d’accueil. Il faut être capable de don de soi, de compassion, avoir le sens des relations humaines.
5. L’Eglise devrait encourager des ministères d’attention au monde. Que le Seigneur suscite des gens qui aient le souci de l’information, de la connaissance du monde sous tous ses aspects. Cela aiguisera notre sens de la vigilance critique à l’égard de la société: « Examinez toutes choses et retenez ce qui est bon » (1 Thess 5.21). « Eprouvez les esprits pour savoir s’ils sont de Dieu » (1 Jean 4.1). « Ayant la connaissance du discernement des temps pour savoir ce que devait faire Israël » (1 Chron 12.33). Pourquoi ne pas encourager des jeunes à faire du journalisme comme ministère, par exemple?
6. L’Eglise devrait encourager des ministères de réflexion. Une présence pensante de la théologie en rapport avec la vision biblique du monde ne serait-elle pas souhaitable? Il faut dialoguer aussi au cour d’un pluralisme culturel. Les chrétiens qui fréquentent nos universités ou d’autres grandes écoles devraient engager des dialogues, des débats, car ces endroits sont les berceaux des révolutions et des nouvelles philosophies aujourd’hui, mais aussi les temples de nos dieux modernes.
Nous terminons cet essai sur une vision chrétienne du monde. C’est un cri d’alarme, un appel d’urgence à l’Eglise de ]ésus-Christ afin que nous nous repentions de nos défaillances en demandant à Dieu de nous accorder cette vision biblique du monde. Prenons courage, car nous menons ce grand combat contre les puissances des ténèbres (Eph 6), mais « notre capacité vient de Dieu » (2. Cor 3.5), « et les armes avec lesquelles nous combattons ne sont pas charnelles; mais elles sont puissantes, par la vertu de Dieu, pour renverser des forteresses. Nous renversons les raisonnements (de l’humanisme et de sa conception du monde, par exemple) et toute hauteur qui s’élève contre la connaissance de Dieu, et nous amenons captive toute pensée à l’obéissance de Christ (2 Cor. 10.4-5). Appuyons-nous sur cette formidable exhortation d’Elisée face à des ennemis redoutables: « Ne crains point, car ceux qui sont avec nous sont en plus grand nombre que ceux qui sont avec eux » (2 Rois 6.16).
Notice
Cet essai est en grande partie inspiré et adapté du livre « La vision chrétienne du monde » par B. Walsh et R. Middleton, Collection Alliance, 1988, éd. Sator, que nous recommandons vivement.
Nous recommandons la lecture de quelques livres et articles utiles pour prendre connaissance de l’ampleur de la bataille du chrétien d’aujourd’hui et pour nous équiper en vue de cette bataille.
– Tous les livres du Dr. F. Schaeffer, en particulier « Démission de la raison », « Dieu, illusion ou réalité » et les 5 volumes en anglais: « The Complete Works of Francis A. Schaeffer, A Christian Worldview », éd. Crossway Books.
– « Understanding the Times » par David A. Noebel, éd. Harvest House publishers, Eugene, Oregon 97402. Cet ouvrage de près de 900 pages donne une vue assez complète sur les 3 visions du monde: le christianisme, le marxisme-léninisme et l’humanisme séculier. Excellent ouvrage de consultation.
– « The Institutes of Biblical Laws » par Rousas John Rushdoony, éd. The Craig Press. Excellent ouvrage pour l’application de la loi de Dieu à nos temps, celle-ci ayant une valeur permanente car elle englobe toute la Parole de Dieu.
– « Law and Society » par Rousas John Rushdoony, éd. Ross House Books, P.O. Box 67, Vallecito, California 95251, suite du volume. « The Institutes of Biblical Laws » qui traite plutôt les Dix Comrnandements.
– « Ufeviews » par R.C. Sproul, éd. Fleming H. Revell Co. Traite quelques courants philosophiques contemporains en y opposant la vision chrétienne du monde avec son application pratique.
– « A Christian Handbook for defending the Faith » par Robert A. Morey, éd. Presbyterian and Reformed Publishing Co. Phillipsburg, New Jersey, second edition 1981. Trace en quelque 40 pages les lignes principales d’une apologétique chrétienne avec une vue biblique du monde et son application dans la réalité de la vie.
– « Every Thought captive » par Richard L. Pratt Jr. éd. Pesbyterian and Reformed Publishing Co., Phillipsburg, New Jersey. Excellent manuel simple et court sur l’apologétique d’une foi chrétienne sous l’angle de la théologie de la création.
– « The Battle for the Mind » par Tim LaHaye, éd. Power Books, Fleming H. Revell Company, Old Tappan, N. J. Décrit la puissance de l’esprit humaniste qui a pénétré la société occidentale, en particulier les Etats-Unis. C’est un appel à l’Eglise pour qu’elle se réveille et s’engage dans la bataille contre l’humanisme qui a précipité l’humanité dans une crise sans précédent.
– « Plaidoyer pour la foi chrétienne » de Raymond Perron, éd. Publications de la FJE, Montréal. Excellent ouvrage sur l’apologétique chrétienne selon Van Til, avec cette vision chrétienne du monde.
– Les ouvrages parus dans la série « Collection Alliance » des éditions Sator: « Vous serez mon peuple » par Ch. Wright; « Ethique chrétienne et sociale » par F. de Coninck; « Le chrétien et les défis de la vie moderne » par J. Stott (2 volumes); « L’éthique du travail » par R. Sommerville.
– « Apologie pour la Loi de Dieu » par J.M. Berthoud aux éditions L’Age d’Homme, Métropole 10, Lausanne. Cet excellent ouvrage est une apologie pour l’application des Ecritures dans la vie quotidienne, donc un retour à la Parole de Dieu qui est multidimensionnelle dans ce sens. Il invite à considérer la loi biblique dans son juste contexte par son application à tous les domaines de la vie en évitant des déviations comme le légalisme et le spiritualisme.
– « La Revue Réformée » no 196, nov. 1997, a publié les articles suivants qui vont dans le même sens: « Pourquoi l’apologétique? » (P. Wells); « Leçons du passé pour mieux réussir l’avenir » (F. Schaeffer); « Le chrétien et l’interprétation de l’histoire » (H. Klink); « G. Groen van Prinsterer et le développement de la sécularisation en Europe »; « Un défenseur de la foi: Cornelius Van Til » (R. Rushdoo- ny); « Cornelius Van Til, le gardien d’une nouvelle apologétique »; « Dieu l’a dit, je le crois » (R. Rushdoony: Réflexions sur l’apologétique de Van Til).
– « Résister et Construire » no 37-38, déc. 1996- janv. 1997 consacre ses pages à l’apologétique chrétienne allant dans le même sens, en particulier les articles: « Vous avez dit: Apologie » (J.-M. Berthoud), « L’apologétique de Pierre Viret » (J.-M. Berthoud); « Cornelius Van Til, défenseur de la foi » (Richard S. Crews).
– « Die Globalisierungsfalle », par H.-P. Martin et H. Schumann, 1997 éd. Rowohlt. Deux rédacteurs du « Spiegel », très avisés en économie, démasquent le vrai visage d’une technologie et d’une globalisation de l’économisme humaniste aux conséquences désastreuses au niveau planétaire.
– « Der Untergang des christlichen Abendlandes » (Dr. W.-J. Ouweneel), éd. Heijkoop, Schwelm, courants philosophiques et époques culturelles pour comprendre notre époque.
UN JOYEUX NOËL
ET
UNE ANNEE 1999 RICHEMENT BENIE
Que les paroles du Psaume 84.6-8 nous encouragent à placer toute notre confiance en notre tendre Père céleste:
Heureux ceux qui placent en toi leur appui !
Ils trouvent dans leur cour des chemins tout tracés.
Lorsqu’ils traversent la vallée des pleurs,
Ils la transforment en un lieu plein de sources,
Et la pluie la couvre aussi de bénédictions.
Leur force augmente pendant la marche,
Et ils se présentent devant Dieu à Sion.
Un vieux fermier du Far-West rendit un jour visite à son fils, sénateur à Washington. Fervent chrétien, il ne manquait aucune occasion de parler de son Dieu autour de lui. Aussi, lorsque son fils le présenta à l’Ambassadeur de Belgique, il lui posa à brûle-pourpoint cette question inattendue: « Excellence, êtes-vous chrétien?» Très gêné, le fils détourna la conversation de façon diplomatique, et cela avant que l’Ambassadeur n’eût trouvé le temps de répondre.
Quelques mois plus tard, le vieillard mourut. Quel ne fut pas l’étonnement du sénateur de découvrir parmi de. nombreuses couronnes, une superbe gerbe envoyée par l’Ambassadeur de Belgique; sur la carte jointe, quelques mots avaient été rédigés par l’Ambassadeur lui-même. Le sénateur eut les larmes aux yeux lorsqu’il lut ce touchant témoignage rendu à son père: « Il fut le seul homme aux Etats-Unis qui m’ait demandé si j’étais chrétien et qui se soit soucié de mon âme ».
Nous côtoyons tous les jours d’innombrables passants préoccupés et anxieux. Nous parlons avec des commerçants, des employés. Des vendeurs, des pompistes, etc. Mais sommes-nous vraiment préoccupés de leur âme immortelle? Parmi les nombreuses personnes rencontrées tous les jours, il en est qui souffrent… et nul ne se soucie de leur âme précieuse! Le véritable témoin de Christ, sur la route, à la gare, dans l’autobus, partout, répand autour de lui la bonne odeur de la connaissance de son Seigneur (2 Cor 2.14). Celui qui gagne des âmes est sage (Prov 11.30). Après avoir prié, il s’efforce d’entrer en conversation avec les non-atteints ou les mal-atteints. Il a toujours sur lui un traité, un Evangile, un message de la part de Dieu. Le tact crée le contact. L’amour de Christ fait fondre les préjugés. A notre portée immédiate, il y a des perdus qui souffrent, qui espèrent, qui ont été déçus, qui attendent, qui recherchent ardemment la paix. Que personne ne puisse dire de nous un jour: « j’ai passé du temps à ses côtés, je l’ai souvent servi dans mon magasin, nous étions dans le même compartiment en voyage, à la même table au restaurant. ..mais jamais il (ou elle) ne s’est soucié de mon âme ».
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