PROMESSES

Alliance des Evangéliques Confessants
Cambridge, Massachusetts (USA), le 20 avril 1996

Traduction Frank HORTON

Aujourd’hui les églises évangéliques sont de plus en plus dominées par l’esprit du siècle plutôt que par l’Esprit du Christ. En tant qu’évangéliques nous nous appelons à nous repentir de ce péché et à recouvrer la foi historique chrétienne.

Au cours de l’histoire, les mots changent de sens. A l’heure actuelle c’est ce qui est arrivé au mot « évangélique ». Par le passé il servait de lien d’unité entre chrétiens venant d’une grande diversité de traditions ecclésiastiques. Etre évangélique, c’était confesser sa foi. Etre évangélique, c’était adhérer aux vérités essentielles du christianisme telles qu’elles avaient été définies par les grands conciles ocuméniques de l’Eglise. De plus, les évangéliques partageaient en héritage commun les « sola » de la Réforme protestante du 16e siècle.

Aujourd’hui la lumière de la Réforme a été affaiblie d’une manière significative. En conséquence, le mot « évangélique » est devenu tellement inclusif qu’il a perdu sa signification. Nous sonmes confrontés au danger de perdre l’unité forgée pendant des siècles. En tenant compte de cette crise, et à cause de notre amour pour le Christ, pour son évangile et pour l’Eglise, nous nous efforçons d’affirmer tout à nouveau notre adhésion aux vérités centrales de la Réforme telles qu’elles ont été confessées historiquement par les évangéliques. Nous affirmons ces vérités, non pas à cause de leur rôle dans nos traditions, mais parce que nous croyons qu’elles sont centrales à la Bible.

I. Sola Scriptura: L’érosion de l’autorité

L’Ecriture seule est la règle inhérente de la vie de l’Eglise, et pourtant l’église évangélique à l’heure actuelle a séparé l’Ecriture de sa fonction d’autorité. Dans sa pratique, l’Eglise se laisse diriger trop souvent par la culture ambiante. Techniques thérapeutiques, stratégies de marketing, rythme du monde des divertissements: tout cela correspond beaucoup plus à ce que l’Eglise désire, à sa manière de fonctionner, et à ce qu’elle offre, que ne le fait la Parole de Dieu. Nombre de pasteurs ont négligé le contrôle légitime qu’ils doivent exercer sur l’adoration, y compris sur la substance doctrinale de la musique. Au fur et à mesure qu’on a abandonné dans la pratique l’autorité biblique, que ses vérités ont disparu de la pensée chrétienne, et que ses doctrines ont perdu leur pointe, l’Eglise a été progressivement dépouillée de son intégrité, de son autorité morale et de son orientation.

Plutôt que d’adapter la foi chrétienne pour la faire correspondre et satisfaire aux besoins ressentis par les consommateurs, nous devons proclamer la loi comme l’unique mesure de la justice véritable, et l’évangile comme l’unique annonce de la vérité salvatrice. La vérité biblique est indispensable à la compréhension de l’Eglise, à son édification et à sa discipline.

L’Ecriture doit nous porter; au delà de nos besoins ressentis jusqu’à nos besoins réels, et nous libérer de l’habitude que nous avons de nous voir au travers des images séduisantes, des clichés, des promesses et des priorités d’une culture de masse. C’est seulement à la lumière de la vérité de Dieu que nous sommes rendus capables de nous comprendre et de voir comment Dieu a pourvu à nos besoins. Il est donc indispensable de prêcher et d’enseigner la Bible dans l’église. Les sermons doivent être une exposition de la Bible et de ses enseignements, et non pas l’expression des opinions du prédicateur ou des idées courantes de l’époque. Nous ne devons accepter rien de moins que ce que Dieu a donné.

L’ouvre du Saint-Esprit dans l’expérience ne saurait être dissociée de l’Ecriture. L’Esprit ne parle pas selon des moyens qui seraient indépendants de l’Ecriture. Séparés de l’Ecriture, nous n’aurions jamais connu la grâce de Dieu en Christ. C’est la parole biblique, et non pas l’expérience spirituelle, qui est le critère de la vérité.

Première thèse: Sola Scriptura

Nous réaffirmons l’Ecriture inerrante comme unique source de la révélation divine écrite, qui seule peut lier notre conscience. La Bible seule enseigne tout ce qui est nécessaire pour notre salut (et délivrance) du péché, et constitue la règle selon laquelle tout comportement chrétien doit être mesuré.

Nous déclarons qu’aucun credo, concile ou individu ne peut lier la conscience du chrétien, que l’Esprit Saint ne parle jamais indépendamment de ou contrairement à ce qui est présenté dans la Bible, et que l’expérience personnelle spirituelle ne peut jamais être un véhicule de la révélation.

II. Solus Christus: L’érosion d’une foi centrée sur le Christ

Au fur et à mesure que la foi évangélique s’est conformée à l’esprit du siècle, ses intérêts se sont confondus avec ceux de la culture ambiante. Les résultats ont été, d’abord, une perte des valeurs absolues et l’ émergence d’un individualisme permissif; la guérison s’est substituée à la sainteté, le rétablissement à la repentance, l’intuition à la vérité, la sensation à foi, le hasard à la providence, et gratification immédiate à l’espérance persévérante. Le Christ et sa croix ont été déplacés du centre de nos préoccupations.

Deuxième thèse: Solus Christus

Nous réaffirmons que notre salut est accompli par le Christ historique seul grâce à son ouvre de médiateur. Sa vie sans péché et l’expiation comme substitut à notre place seules suffisent pour notre justification et notre réconciliation avec le Père.

Nous déclarons que l’Evangile n’est pas prêché si l’on ne déclare pas l’ouvre expiatoire du Christ et si l’on ne sollicite pas la foi en Christ et en son ouvre.

III. Sola Gratia: L’érosion de l’Evangile

La confiance injustifiée dans la capacité de l’homme est un produit de la nature humaine déchue. Cette fausse confiance remplit maintenant le monde évangélique – à partir de l’évangile de l’estime de soi jusqu’à l’évangile de la santé et de la richesse; à partir de ceux qui ont transformé l’Evangile en un produit à vendre et les pécheurs en des consommateurs qui désirent acheter, jusqu’à d’autres qui considèrent que la foi chrétienne est vraie parce qu’elle est efficace. Tous « ces dérapages » réduisent au silence la doctrine de la justification, quels que soient les engagements officiels de nos églises.

La grâce de Dieu en Christ est non seulement nécessaire, mais reste la seule cause efficace du salut. Nous confessons que les êtres humains naissent morts sur le plan spirituel et sont incapables de collaborer avec la grâce qui régénère.

Troisième thèse: Sola Gratia

Nous réaffirmons que par le salut nous sommes délivrés de la colère de Dieu, et cela par sa grâce seule. C’est l’ouvre surnaturelle du Saint-Esprit que de nous conduire au Christ en nous libérant de notre esclavage au péché et en nous ressuscitant de la mort spirituelle à la vie spirituelle.

Nous déclarons que le salut n’est en aucun sens une ouvre humaine. Les méthodes, techniques et stratégies humaines ne peuvent, par elles-mêmes, accomplir cette transformation. La foi ne peut être produite par notre nature humaine non-régénérée.

IV. Sola Fide: L’érosion de l’article principal

La justification est par la grâce seule au travers de la foi seule à cause du Christ seul. Il s’agit là de l’article par lequel l’Eglise tient debout ou s’écroule. Aujourd’hui nombre de responsables, savants et pasteurs qui prétendent être évangéliques négligent, déforment, voire parfois nient cet article. Bien que la nature humaine déchue ait toujours refusé d’admettre la nécessité de la justice de Christ imputée, la pensée moderne alimente peu à peu ce mécontentement à l’encontre de l’Evangile biblique. Nous avons permis à ce mécontentement de dicter la forme de notre ministère et le contenu de notre prédication.

Nombre de ceux qui sont dans le mouvement pour la croissance de l’Eglise croient que la compréhension sociologique des participants au culte est tout aussi importante pour le succès de l’Evangile que la proclamation de la vérité biblique. Par conséquent, les convictions théologiques sont souvent divorcées d’avec l’ouvre du ministère. L’orientation vers le marketing dans beaucoup d’églises va encore plus loin, pour effacer la distinction entre la Parole biblique et le monde, priver la croix de Christ de son aspect choquant, et réduire la foi chrétienne à des principes et des méthodes qui assurent le succès des corporations mondaines.

Tout en prétendant croire à la théologie de la Croix, ces mouvements en réalité la vident de sa substance. Il n’y a pas d’autre évangile que celui de la substitution du Christ à notre place, grâce à laquelle Dieu lui a imputé notre péché et nous a imputé sa justice. C’est parce qu’il a enduré notre jugement que nous pouvons maintenant marcher dans sa grâce, assurés pour toujours de son pardon, acceptés et adoptés comme enfants de Dieu. Il n’y a pas d’autre fondement pour notre acceptation devant Dieu que l’ouvre salvatrice du Christ… pas même notre patriotisme, notre dévouement ou notre rectitude morale. l’Evangile déclare ce que Dieu a fait pour nous en Christ, et nous dissuade de chercher à obtenir la faveur de Dieu par quelque autre voie que ce soit.

Quatrième thèse: Sola fide

Nous réaffirmons que la justification est par la grâce seule au travers de la foi seule grâce au Christ seul. Par la justification, la justice de Christ nous est imputée comme unique satisfaction possible de la justice parfaite de Dieu.

Nous déclarons que la justification ne repose sur aucun mérite qui nous soit propre, ni sur la base d’une infusion de la justice de Christ en nous par voie sacramentelle. Nous déclarons de même qu’une institution qui prétend être une église mais qui refuse ou condamne la sola fide ne peut être reconnue comme une église légitime.

V. Soli Deo Gloria: L’érosion d’une adoration centrée sur Dieu

Partout où, dans l’Eglise, l’autorité biblique a été perdue, le Christ a été déplacé, l’Evangile a été biaisé ou la foi pervertie, cela a toujours été pour une seule raison: nos intérêts ont remplacé ceux de Dieu et nous appliquons nos méthodes à l’accomplissement de son ouvre. Que Dieu ne soit plus au centre de la vie de l’Eglise aujourd’hui est un fait répandu et lamentable. C’est cette perte qui nous permet de transformer l’adoration en divertissement, la prédication de l’Evangile en marketing, la foi en une technique, l’éthique en appréciation agréable de nous-mêmes, et la fidélité en une quête du succès. En conséquence, Dieu, le Christ et la Bible ont perdu une grande partie de leur valeur à nos yeux et ne pèsent plus beaucoup pour nous.

Dieu n’existe pas pour satisfaire nos ambitions humaines, nos convoitises, notre appétit de consommation, ni même nos intérêts spirituels personnels. Nous devrions de nouveau centrer notre adoration sur Dieu lui-même, plutôt que sur la satisfaction de nos besoins personnels. Dieu reste souverain dans l’adoration, et non pas nous. Nos soucis devraient concerner le royaume de Dieu et non pas notre propre sphère, notre popularité ou notre succès.

Cinquième thèse: Soli Deo gloria

Nous réaffirmons que parce que le salut est de Dieu et a été accompli par lui, ce salut est pour la gloire de Dieu, et nous devons le glorifier, lui, toujours. Nous devons vivre notre vie entière devant sa face, sous son autorité et pour sa gloire seule.

Nous déclarons que nous ne pouvons pas glorifier Dieu convenablement si nous confondons l’adoration avec le divertissement, si nous négligeons la Loi ou l’Evangile dans notre prédication ou si nous permettons à la recherche de l’épanouissement de soi, l’estime de soi ou la réalisation de soi de devenir les options préférées de notre « évangile ».

Conclusion

Un appel à la repentance et à la réformation

La fidélité de l’Eglise évangélique dans le passé contraste de façon marquante avec son infidélité actuelle. Au début de ce siècle, les églises évangéliques soutenaient un effort missionnaire remarquable et construisaient de nombreuses institutions religieuses au service de la vérité biblique et du royaume de Christ. C’était une époque où le comportement chrétien et son attente étaient tout à fait distincts de ceux de la culture. Aujourd’hui ils ne le sont souvent plus. Aujourd’hui le monde évangélique est en train de perdre sa fidélité à la Bible, sa boussole morale et son zèle missionnaire.

Nous nous repentons de notre mondanité. Nous sommes tombés sous l’influence des « évangiles » de notre culture sécularisée… qui ne sont pas des évangiles. Nous avons affaibli l’Eglise par notre manque de repentance sérieuse, notre aveuglement face aux péchés en nous-mêmes que, pourtant, nous voyons si clairement chez les autres, et notre échec inexcusable d’annoncer efficacement à d’autres l’ouvre salvatrice de Dieu en Jésus-Christ.

Nous appelons sincèrement les évangéliques égarés qui se sont écartés de la Parole de Dieu dans les domaines développés dans cette Déclaration. Nous y incluons ceux qui déclarent qu’il y a une espérance de vie éternelle en dehors d’une foi explicite en Jésus-Christ, qui prétendent que ceux qui rejettent le Christ dans cette vie sont annihilés plutôt que de subir le juste jugement de Dieu au travers d’une souffrance éternelle, ou qui affirment qu’évangéliques et catholiques romains sont un en Christ là même où la doctrine biblique de la justification n’est plus confessée.

L’Alliance des Evangéliques Confessants invite tout chrétien à envisager d’incorporer cette Déclaration dans l’adoration de l’église, comme dans son ministère, ses principes, sa vie et son ouvre d’évangélisation.

Pour la gloire de Christ.
Amen

Taduction F. H.

Écrit par


Quelques notes sur l’auteur: M. Lambot est père de 2 enfants, enseignant de cours de religion depuis 2 ans en Belgique, précédemment directeur de L’Institut Biblique Belge. Il est licencié en théologie de la Faculté d’Aix-en-Provence.

Texte tiré avec autorisation de l’auteur et de l’éditeur du « Messager Evangélique » n° 357, déc. 1996.

Les experts annonçaient la percée de la sécularisation (fin de l’impact social et politique de la religion), mais des symptômes divers depuis une vingtaine d’années annoncent plutôt le retour du « religieux »ou des « spiritualités ». Ce phénomène est perceptible à beaucoup de niveaux. Citons: les acteurs de cinéma: Richard Gere et son bouddhisme tibétain, Shirley Mc Laine et le Nouvel-Age, Tom Cruise et la scientologie; les chanteurs: Ophélie Winter avec le titre: « Dieu m’a donné la foi », Joan Osborne: « One of us ». Il y a peu, Véronique Samson interprétait: « Allah ».

Auparavant, il fallait oser parler de religion, de foi ou d’expérience; actuellement, cela donne un petit genre « in ». Sophrologie, yoga, zen, relaxation physique et mentale sont des réalités bien connues de tout un chacun(1). La science, la technique et la raison n’ont pas tué la sensibilité reli- gieuse de l’être humain; l’homme post-moderne recourt toujours au spirituel pour vivre.

Le retour du religieux à notre époque post-moderne a de grandes répercussions sur notre façon de vivre la foi en communauté.

Nous citerons pour commencer quelques formes de la spiritualité post-moderne; nous expliquerons ensuite courtement le modernisme et le post-modernisme; nous en examinerons troisièmement la répercussion dans nos communautés et esquisserons quelques solutions pour terminer.

Quelques formes de cette nouvelle spiritualité(2)

Les religions exotiques (qui n’appartiennent pas à nos civilisations de l’Occident):
-L’islam (revigoré), qui deviendra la première religion mondiale autour de l’an 2000(3). En Belgique, l’islam est la deuxième religion avec environ 300 000 fidèles.
-Le bouddhisme et l’hindouisme.
-Les différentes sagesses: africaines, des Indiens d’Amérique (du Nord ou du Sud)…
-Les sectes anciennes ou nouvelles. A. Lallemand recense une cinquantaine de sectes en Belgique et au Luxembourg(4), sectes qui rayonnent bien au-delà de nos frontières. Quant à celles qui restent cantonnées chez nous, elles sont entre 100 et 120(5). La résurgence des sectes est très médiatisée, il ne faut donc pas s’étendre sur le sujet. Signalons qu’une commission d’enquête parlementaire a été nommée en Belgique et qu’un observatoire (chargé de surveiller le phénomène sectaire) est mis en place au parlement français.
-Le Nouvel-Age. Il s’agit d’un état d’esprit qui emprunte des éléments à l’hindouisme, l’ésotérisme (doctrine ou pratique réservée à des initiés), l’occultisme, la gnose (philosophie qui « prétend à concilier toutes les religions et en expliquer le sens profond par une connaissance ésotérique des choses divines, communicables par tradition et par initiation » ), et la psychologie (surtout celle de Jung et sa psychologie des profondeurs). En Belgique, il y aurait entre 500 et 700 organismes liés à ce mouvement(6).
-Les vagues de dévotion dans les églises traditionnelles (surtout catholique; le Renouveau – charismatique ou non) avec un retour sur l’enseignement biblique, une accentuation de certains éléments de la tradition, ou encore un fondamentalisme catholique (conduit par des universitaires en marge des facultés ou séminaires de théologie).
-Une croissance des églises protestantes dites professantes.

Modernisme et post-modernisme(7)

Pour comprendre le phénomène religieux actuel, il est important de s’arrêter à notre société et à son évolution.

Le modernisme est un processus qui s’est étendu sur 2 ou 3 siècles. Cette période a vu les grandes découvertes scientifiques et les progrès techniques avec comme conséquences des changements quantitatifs et qualitatifs de la vie matérielle ainsi que la transformation des mentalités. L’homme a revendiqué (et obtenu) son autonomie. Il s’est doté de lois, a construit la cité sans référence à une divinité ou à une tradition. L’idéal dominant fut la raison, raison capable d’ordonner le réel et de procurer bonheur et liberté.

Afin de mieux pénétrer les différentes parties de la réalité, on les a séparées en les constituant en spécialités ayant leurs techniques propres, leurs caractéristiques scientifiques particulières. La grande idéologie était le progrès à l’infini dans tous les domaines. C’est l’époque des grands systèmes explicatifs du monde (marxisme, positivisme et scientisme) qui promettent le bonheur. La religion est battue, en brèche, elle est disqualifiée, sécularisée(8).

Lorsque l’on parle encore de religion, l’heure est au dialogue (fini la mainmise de la religion sur la pensée et la volonté du peuple!). La religion s’ouvre au monde moderne. Vatican II (1962-1965) reconnaît l’autonomie des réalités humaines, la valeur de la démocratie, de la raison en général, du progrès scientifique et technique. Il admet la séparation des domaines (par ex. en politique).

Le christianisme se veut donc éclairé, à l’écoute du monde, en dialogue avec lui. Le témoignage chrétien est discret, timide, anonyme, voire honteux. Les religieux quittent les monastères et les communautés pour vivre avec les gens, au travail, dans la ville.

Le post-modernisme (notre époque), prolonge le modernisme et en même temps rompt avec lui. L’individu en est une des composantes essentielles. Il prime sur tout: « c’est l’individu, son bien-être, son harmonie intérieure, la réalisation de ses potentialités enfouies qui comptent »(9). Selon un auteur récent, « notre modèle imaginaire actuel » serait précisément « l’individu holistique »: « un homme complet », un honnête homme des temps modernes, comme on en rencontrait davantage au début du siècle, avant la spécialisation à outrance. Il se perçoit comme un système global, « holistique » (holos: tout), à la fois interactif, sensoriel et intelligent, et il appréhende de manière complète ce qu’hier il compartimentait. Ce modèle complet n’est pas fortuit: il se développe comme la réponse à une société elle-même complexe, connectée, interdépendante et confortable. C’est le modèle d’un individu considéré comme un écosystème, lui-même intégré à un éco-environnement(10).

Un petit tableau comparatif (non-exhaustif) de la modernité et de la post-modernité permettra de mieux cerner notre point.

Epoque moderne
Epoque post-moderne

Primat de la raison (science et technique)
Séparation des parties de la réalité
Grands systèmes philosophiques
Prédilection de la structure sociale
Effacement des religions
Religions conventionnelles
Le devoir
Importance de l’intellect

Expression du religieux dans un cadre institué (Eglises.)

Primat de la conscience
Harmonisation du tout
A chacun sa philosophie
Prédilection de l’individu
Résurgence des spiritualités
Patchwork religieux personnalisé
Le plaisir
Importance de l’harmonie (bien dans sa tête et bien dans son corps)
Expression anarchique de sa spiritualité

Répercussion dans nos communautés

L’individualisme(11) constitue certainement l’une des « retombées » les plus néfastes de notre société sur la vie en communauté. D’ailleurs, quelle réalité recouvre encore ce mot « communauté » pour les chrétiens? Bien souvent, il ne s’agit plus que du regroupement ponctuel de plusieurs individus qui restent toujours bien isolés les uns des autres. Nous sommes des îles les uns pour les autres dans ce petit océan de notre église locale. Les conséquences sont multiples. Esquissons-en quelques-unes.

1 La solitude. Nous rencontrons de plus en plus de membres d’églises qui se sentent seuls, qui ne trouvent plus « leur compte » dans la fraternité ecclésiale, et donc s’en éloignent encore un peu plus…

2 L’hérésie personnelle. Il est de bon ton de prendre ce qui intéresse et de délaisser le reste. Cela se répercute aussi sur notre vision de Dieu. On gomme le jugement, l’obéissance, la vie de disciple pour garder le Dieu Bon (ou comme on le dit parfois sans y penser le « bon dieu »). On adapte Dieu à notre façon de voir et de penser, on fabrique un christianisme à notre dimension humaine tout à fait personnelle et donc étrangère à la Bible. A partir de ce moment, c’est la cascade en chaîne comme au jeu des dominos…

3 L’amenuisement de la vie d’église. Comment organiser la vie d’église alors que chacun y cherche ce dont il a envie ou ce qui lui fait plaisir?

Bien sûr, le vocabulaire utilisé lors des rencontres masque les « desiderata » personnels. Il faut recouvrir tout cela d’un vernis spirituel pour entraîner l’adhésion éventuelle (qui est en fait une illusion!) des autres.

Les assemblées de membres deviennent un forum, un lieu d’échanges de vues, de façons de voir ou de faire. Mais comme il est impossible de rencontrer les désirs variés (et changeants) de chacun, les décisions sont toujours ressenties – si elles ne vont pas dans le sens personnel souhaité – comme une atteinte à la liberté, comme une « violation » de l’intégrité individuelle. En fait, on veut se servir de la communauté pour se faire plaisir. Le centre d’intérêt n’est plus la gloire de Dieu ou les autres, mais soi-même.

4 Le manque d’engagement. La citation suivante résume bien la situation: « l’évangélisation est plus facile parce que les barrières de l’institution (Eglise catholique romaine par exemple) n’existent plus. Chacun est libre de croire ce qu’il veut… Il est intéressant d’entendre quelque chose de nouveau… (cf. Act 17). A priori, l’ouverture est grande. Mais celui qui a écouté la « bonne nouvelle », qui aura apprécié l’ambiance de l’endroit, aura du mal à s’engager dans une institution qui, même de manière légère, va lui demander des comptes. Notons que ce qui est dit des nouveaux chrétiens vaut pour les anciens. Ces derniers ont facilement endossé le costume moderne du consommateur, client, de celui qui a des envies, mais plus guère de devoirs »(12).

5 Le relativisme et l’autonomie. Nous vivons dans une société d’ouverture et de tolérance où chacun tisse sa toile spirituelle à sa convenance.

Baignés dans cet état d’esprit, nous exerçons « notre droit de censure » par rapport aux exigences bibliques. Là aussi, nous prenons ce que nous estimons bon et faisons « passer à la trappe » ce qui nous déplaît. Parler de l’autorité de la Bible relève de la gageure!

De même, chaque frère ou sour en Christ est « libre de vivre sa vie comme il (elle) l’entend.. L’exhortation fraternelle n’a donc plus de raison d’être…

Lorsque le Consistoire ou le Conseil d’anciens envisage (si tant est qu’il le souhaite encore!) d’exercer la discipline ecclésiastique, on crie à l’ingérence dans la vie privée…

Mentionnons, pour terminer ce point, que les responsables ne sont pas à l’abri. Eux aussi peuvent relativiser les commandements de Dieu et déterminer eux-mêmes (sans aucun égard envers la révélation biblique) le sens qu’ils veulent donner à leur vie propre ou à celle de la communauté, avec toutes les funestes conséquences que cela entraîne.

Esquisses de solutions

Avant de proposer quelques idées pour tenter de réduire les répercussions de notre époque sur la vie des églises, nous devons formuler un avertissement et signaler un facteur aggravant.

L’avertissement: notre réaction doit être sage. Excessive, elle nous apparenterait aux sectes, ce qui donnerait un bon bois aux adversaires du christianisme, qui s’en serviraient pour confectionner des flèches meurtrières. N’oublions pas que l’assimilation « sectes » et « protestant » est courante en Belgique.

Nous devons sans cesse garder cet avertissement à l’esprit dans nos essais de solution.

La crise économique qui se fait de plus en plus sévère constitue le facteur aggravant. Lorsque le manque de sécurité tenaille le chrétien, ce dernier risque de se laisser influencer encore plus facilement par les phénomènes décrits plus haut.

Soli Deo gloria

Que ce soit dans le modernisme ou dans le post-modernisme, l’homme est le centre. Il est le point autour duquel tout s’articule. Il faut changer cette perspective en opposant un théocentrisme à l’anthropocentrisme contemporain. Nous devons refuser d’être notre propre norme et accepter (en théorie et en pratique) que Dieu soit le centre de toute réalité (et de la nôtre en particulier), la norme de toute pensée.

Dans notre vie de tous les jours, il s’agira de se plier aux exigences bibliques et de ne pas interpréter ces dernières selon notre goût personnel, influencé par l’esprit ambiant.

Sola scriptura et tota scriptura

Pour éviter l’hérésie de se façonner un dieu à notre image, notre vision de Dieu devra être sans cesse ajustée à celle que nous donne la Bible, sans négliger les éléments qui heurtent notre sensibilité post-moderne. Bien au contraire, ils sont de précieux signaux d’un déviationnisme latent en nous.

Vivre selon les Ecritures est une question de volonté et de connaissance. Comment, aujourd’hui, inculquer ces deux notions? La formation est certainement l’une des clés, la discipline en est une autre.

Un retour à la mise en pratique de la Bible constitue probablement le plus grand défi à notre génération, mais aussi le gage d’une communauté vivante et contemporaine. Aucun responsable ne peut faire l’économie d’une réflexion continue à cet égard. Comme le disait déjà Esaïe: C’est aux instructions et aux messages du Seigneur qu’il faut revenir. Celui qui n’adoptera pas ce mot d’ordre ne verra pas l’aurore (8.20 B.F.C.)(13).

Vie communautaire

La vie communautaire actuelle n’est plus la même que celle de nos parents. Notre monde a changé, nous avons changé et nos besoins sont différents; ne répétons pas ce qui s’est fait auparavant! La bonne question à poser est: « quels sont les véritables besoins? »

De nos jours, beaucoup de chrétiens ne fréquentent pas l’église locale la plus proche de leur domicile mais celle qu’ils affectionnent pour une raison ou une autre. On peut ne pas être d’accord avec cette façon de faire, elle n’en demeure pas moins une pratique courante. Comment dès lors organiser la vie communautaire? Créativité, variété (mais sans éclatement) et changement sont les maîtres-mots.

Dans ce contexte, il faut d’abord retrouver les fondements scripturaires de la vie communautaire, et seulement alors les traduire dans nos situations locales. Notre individualisme et notre égoïsme contemporains seront mis à mal. La patience sera de rigueur pour voir se développer cette denrée qui nous est tellement étrangère.

Je crois qu’une grande méprise s’est installée dans nos communautés. Nous parlons entre nous de tout et de rien (de la pluie et du beau temps), de choses sans grande consistance et nous passons à côté de l’essentiel, d’une vie communautaire profonde et riche pour la simple raison que nous avons « cadenassé » les sujets intéressants dans la sphère privée de l’individu. On ne parle pas ou peu de relations familiales (proches ou plus éloignées), de certaines difficultés ou joies personnelles, familiales, professionnelles, sauf en cas de séisme! En définitive, on ne partage pas ce qui fait le « tissu » de notre vie.

Le service mutuel nous gardera unis les uns aux autres. Mettons au service des autres les capacités que Dieu nous a données dans quelque domaine que ce soit. Nous avons tous des besoins qu’un frère ou une sour pourrait combler. Pourtant, que passe-t-il en pratique? Nous restons avec nos difficultés (avec les conséquences que cela entraîne pour nous et les autres) et nous faisons appel à des non-chrétiens. Quel gâchis!

Souffrance

La souffrance me paraît l’antidote approprié à la préoccupation actuelle du plaisir(14). Nous avons tendance à nous éloigner de la souffrance, à la considérer comme une chose mauvaise, dans laquelle il n’y a rien de bon, qui ne puisse coïncider avec notre vision de Dieu. La souffrance confine, dans notre compréhension, à la fausseté, à l’erreur et est donc incompatible avec notre christianisme…

Pourtant, la souffrance fait partie intégrante de la vocation chrétienne (1 Pi 2.21; 4.1, 12-18). De plus, c’est dans ce monde de souffrances bien réelles que Dieu nous place; à nous de ne pas évacuer la souffrance en « imaginant » notre petit univers sans souffrance(15). Nous devons donc redécouvrir les vérités bibliques quant à la souffrance.

Sanctification

La sanctification est le processus inauguré à la nouvelle naissance, par lequel nous devenons de plus en plus conformes à l’image de Jésus-Christ. Elle n’est pas une option mais une obligation selon Héb 12.14. Le renouvellement de l’intelligence par l’Esprit-Saint qui applique les vérités de l’Ecriture à notre vie constitue la base de ce processus.

Mais lorsque notre esprit est pollué par les médias, par les collègues… le renouvellement est ralenti. De plus, si la méditation régulière de la Bible fait défaut, le processus est mis en péril. Par ailleurs, la sanctification requiert patience et persévérance, deux vertus que le hic et nunc (ici et maintenant)(16) de notre société abhorrent.

Prière

Selon O. Guinness, la prière (associée au jeûne) constitue l’un des deux points d’appui pour surmonter la modernité. Dans le contexte de la post-modernité, la situation a évolué et s’est compliquée.

La prière a retrouvé une certaine place dans la société. Beaucoup de nos contemporains affirment prier! Cela relaxe et ouvre la personne aux énergies cosmiques. La prière biblique (qui se différencie nettement de ce que nous venons de décrire) demeure l’une des vocations essentielles du chrétien et de la communauté croyante de tout temps (y compris le nôtre). Mais, il faut bien l’avouer, nous la pratiquons tellement peu. Nous vivons donc un paradoxe: les non-chrétiens prient de plus en plus et les chrétiens oublient (de plus en plus?) de le faire!

Conclusion

Comme souvent dans la Bible et dans l’histoire de l’Eglise, nous nous sommes laissés corroder par l’esprit de notre siècle. Mais « les portes du séjour des morts n’ont pas prévalu contre l’Eglise ». Pourtant, que de temps perdu, que d’opportunités manquées!

Nous avons signalé au début de cet article que la croissance des églises de professants était l’une des caractéristiques de la nouvelle spiritualité, mais à regarder beaucoup de nos communautés, je me demande ce qui se passera demain lorsque l’engouement actuel pour les nouvelles spiritualités aura cédé la place à autre chose.
Pourquoi ne pas profiter encore mieux de l’occasion que notre époque nous concède pour apporter le salut à un plus grand nombre? Serait-ce parce que nous sommes trop occupés à régler nos problèmes internes, nos situations personnelles? Ou encore, parce que le salut des autres ne nous intéresse plus? « Après tout, à chacun son salut… »

A. L.

1 Il suffit de jeter un coup d’oil (même rapide) sur les présentoirs des librairies pour s’en convaincre.
2 La réflexion qui suit trouve son origine dans une conférence de H. Blocher donnée le 23 avril 1996. L’article d’O. Guinness, « La mission face à la modernité », in « Hokhma 46-47 » (1991), p. 79-113 est toujours stimulant.
3 Sfeir, A., (éd.) « Atlas des religions » (Paris: France Loisirs, 1996), p. 60.
4 « Les sectes en Belgique et au Luxembourg » (Bruxelles: EPO, 1994).
5 Toujours selon le même journaliste, invité à l’Ecran Témoin le 20.05.1996.
6 Même source.
7 Largement inspiré de Schlegel, J.-L., « Religions à la carte » (Paris: Hachette, 1995), Collection Questions de société.
8 La reconnaissance officielle de la laïcité en Belgique en 1993 est l’une des conséquences de ce processus.
9 In op cit. p. 106.
10 Weil P., « A quoi mènent les années 90? » cité par Schlegel, J.-L., op. cit. p. 106-107.
11 Baty C., « Croire ensemble » in « Hokhma » 61 (1996), p. 32.
12 Op cit. p. 106-107.
13 Baty, C., « Croire ensemble », in « Hokhma » 61 (1996), p. 32.
14 Voir aussi Russell-Jones B, « Réveil et retour? » in « Le Maillon », avril 1996, p. 3.
15 La réalité virtuelle est très tentante pour nos contemporains (dont nous faisons partie!).
16 Le « Space Mountain » d’EuroDisney a coûté la bagatelle de 3 500 000 000 de FB et procure une sensation, un plaisir de… 30 secondes!!! Rocca D., dans le journal paroissial « Echos de l’Eglise Evangélique d’Uccle » (juin 1996, p. 12).
17 Op, cit. p. 108-110.

Écrit par


Nous vivons un temps de crise et de mutations profondes.

Plus que jamais dans l’histoire de l’humanité, les progrès technologiques permettraient de produire des biens et des services de qualité en abondance et rapidement, et pourtant les besoins fondamentaux de millions de personnes ne sont pas satisfaits. Les moyens de communications connaissent une expansion sans précédent, et pourtant les gens se sentent de plus en plus isolés. Le génie génétique et d’autres découvertes scientifiques laissent entrevoir la stabilisation sinon ta guérison de maladies considérées jusqu’il y a peu comme incurables ou irréversibles, et pourtant de nouvelles épidémies, la drogue et la pauvreté extrême tuent de trop nombreuses personnes dans la fleur de l’âge.

En dépit de ces prouesses technologiques et des immenses retombées et virtualités positives qu’elles entraînent, les hommes et les femmes des pays les plus riches de la planète tremblent pour leurs emplois, ont peur de voir leurs salaires et autres revenus diminuer au point de ne plus leur permettre d’acheter l’indispensable. Ils appréhendent d’être agressés psychiquement et physiquement. En un mot comme en cent, la plupart des êtres humains craignent aujourd’hui pour leur sécurité.

La société entière est en désarroi, crispée face à l’avenir, se demandant de quoi demain sera fait. La confiance dans les gouvernements s’érode dangereusement.

Cette situation constitue évidemment le terreau idéal de l’ émergence d’une nouvelle quête de spiritualité. Pour le chrétien que je suis, cette quête est rationnelle et réjouissante lorsqu’elle emprunte les chemins qui conduisent au seul vrai Dieu. Elle est en revanche irrationnelle et regrettable quand elle se manifeste par une fascination pour les religions orientales, les horoscopes ou les gourous tyranniques, assoiffés d’argent et parfois même de sang.

Il ne fait guère de doute que des millions d’êtres humains attendent quelque chose des Eglises chrétiennes, aujourd’hui peut-être même davantage qu’hier, même s’il en a toujours été ainsi. Les Ecritures l’attestent, puisque nous pouvons lire ce passage dans l’épître aux Romains (8.19): la création attend… avec un ardent désir la révélation des fils de Dieu.

Mais cette attente est le plus souvent non formulée, confuse, comme tapie au fond de l’âme, à la lisière entre l’angoisse et l’espérance.

Par ailleurs cette attente présente un caractère ambigu, ressemblant étrangement à celle des enfants à l’égard de leurs parents, à celle des citoyens face à l’Etat, ou encore à celle des élèves face à leurs enseignants.

L’enfant fera tout pour que son père lui passe ses caprices, mais simultanément il souhaite que son père lui résiste afin de le protéger. Nous désirons presque tous que l’Etat prélève moins d’impôts et qu’il nous laisse faire presque n’importe quoi, mais dans le même temps nous en voudrions aux pouvoirs publics de ne plus assumer correctement leurs tâches et de ne plus réprimer les agissements qui mettent gravement et objectivement la vie sociale en péril. La plupart des élèves déploient des trésors de patience et d’imagination pour travailler le moins possible et obtenir de leur maître une agréable mansuétude, mais ils finissent par mépriser ceux qui n’exigent rien d’eux.

Ainsi sont les être humains, écartelés dans leur âme, comme victimes d’une espèce de schizophrénie morale, souhaitant pour eux-mêmes à la fois le bien et le mal, sans être capables de toujours trancher ce dilemme sans aide extérieure.
Cette contradiction ontologique, constitutive de la nature humaine, se retrouve évidemment dans leur attente face à l’Eglise chrétienne. D’un côté, nous, humains, aimerions que l’Eglise accommode son message aux vents de l’histoire, aux nécessités idéologiques et aux mours du moment, qu’elle taise tout ce qui résonne désagréablement à nos oreilles, mais d’un autre côté, nous aspirons, souvent plus inconsciemment que consciemment il est vrai, à entendre de l’Eglise un message vrai et fort, fondé sur l’entier de la révélation de Dieu, dût-elle blesser nos âmes et troubler notre confort ainsi que certaines de nos certitudes et pratiques dont nous soupçonnons qu’elles pourraient être fausses.

La Bible traite magistralement de cette contradiction majeure de l’âme humaine, notamment dans un épisode de l’histoire d’Israël que l’on découvre dans 1 Rois 22. Le roi de Juda et celui d’Israël projettent d’attaquer la Syrie pour reprendre un territoire perdu. Mais avant de faire la guerre, ils entendent connaître la volonté de Dieu. Les nombreux prophètes courtisans leur annoncent bien sûr la victoire. Mais pour plus de sécurité, on envoie chercher Michée, dont on connaît la fidélité à Dieu. Survient cette conversation révélatrice entre Michée et le roi d’Israël. Le roi s’exprime: Michée, irons-nous attaquer Ramoth en Galaad, ou devons-nous y renoncer? Michée, dans un instant de faiblesse ou par ironie répond: Monte, tu auras du succès… Et le roi lui dit: Combien de fois me faudra-t -il te faire jurer de ne me dire que la vérité au nom de l’Eternel? Michée affirme alors qu’il faut renoncer à la reconquête. Le roi d’Israël, furieux, dit à Josaphat, roi de Juda: Ne te l’ai-je pas dit? Il ne prophétise sur moi rien de bon.

Toute l’ambiguïté de l’attente des hommes à l’égard de l’Eglise se trouve dans ces dialogues. On veut connaître la vérité tout en désirant ne pas la connaître. On flatte et consulte les faux prophètes tout en les méprisant. On attend des prophètes véritables qu’ils annoncent la vérité, tout en les haïssant de cette haine faite d’un mélange d’admiration, de respect et d’aversion.

Or le devoir de l’Eglise est clairement de s’inspirer de l’attitude des prophètes véritables et non de celle des faux prophètes; de répondre aux aspirations justes, les meilleures et les plus élevées de l’être humain, et non de céder aux mauvais penchants qui se cachent en chacun de nous.

L’Eglise existe pour servir de témoignage à la vérité révélée en Jésus-Christ. Cette mission lui a été confiée par Dieu lui-même. L’Eglise ne peut être fidèle à l’humanité qu’en étant fidèle à Dieu et à sa Parole.

Aujourd’hui, comme par le passé, être fidèle à Dieu consiste tout d’abord, pour l’Eglise, à rappeler à nos contemporains les grandes vérités bibliques, à savoir:

Que l’univers est une création de Dieu et non pas le produit du hasard et de la nécessité comme le disait Jacques Monod dans les années soixante. Le premier verset de la Bible contient cette affirmation centrale: Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre.

Qu’en dépit du mal et de l’action de Satan, Dieu exerce une souveraineté absolue sur l’histoire et la vie de tout être humain. A l’Eternel la terre et ce qu’elle renferme, le monde et ceux qui l’habitent (Ps 24.1).

Que tout être humain est marqué par le péché originel à la suite d’un mauvais choix de nos ancêtres communs, Adam et Eve. Il convient d’ajouter que dans leur situation nous aurions tous agi de la même manière, tentés que nous aurions été par le goût de l’inconnu, par l’attrait du mal, en dépit des conséquences connues.

Qu’il n’y a de salut individuel pour l’éternité qu’en Jésus-Christ. Il n y a de salut en aucun autre; car il n y a sous le ciel aucun autre nom qui ait été donné parmi les hommes, par lequel nous devions être sauvés (Act 4.12).

Que le ciel et la terre passeront (Luc 21.33). Cela implique que l’état définitif du Royaume de Dieu n’est pas de cette terre.

Qu’en conséquence l’Etat, institution divine, existe pour rendre la vie sur terre possible en dépit de la méchanceté du cour humain, selon le texte célèbre du 13e chapitre de l’épître aux Romains.

Pour l’Eglise, être fidèle au Dieu de Jésus-Christ consiste en outre à rappeler aux hommes et aux femmes de ce temps, le génie de Dieu, le génie de la Bible, le génie du christianisme, pour reprendre le titre d’un livre de Chateaubriand. L’Ecriture dit de Dieu qu’il est omnipotence, amour, justice et sainteté. Personnellement j’aime ajouter qu’Il est le génie incarné, sa quintessence.

Ce génie se retrouve dans l’équilibre qui caractérise la Bible. Il convient de le faire redécouvrir à nos contemporains.

L’Ecriture dit: Que toute personne soit soumise aux autorités supérieures, car il n’y a point d’autorité qui ne vienne de Dieu (Rom 13.1). Mais, dans un chef-d’ouvre d’équilibre, elle nuance tout aussitôt en proclamant: Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes (Act 5.29), ce qui légitime l’objection de conscience contre les lois et ordres iniques de l’Etat. Appliquée uniquement dans ce domaine, l’Ecriture préviendrait aussi bien contre l’anarchie que contre le totalitarisme, ce qui souligne son apport inestimable aux nations et à la société.

Dans la foulée, l’Eglise doit répéter qu’il n’y aurait jamais eu de démocratie sans christianisme et plus particulièrement sans le protestantisme.

Cet équilibre exceptionnel et parfait de la Bible caractérise également les relations parents-enfants telles qu’elles devraient être: Enfants obéissez à vos parents, est-il dit en Eph. 6.1, mais la nuance suit immédiatement: Pères, n’irritez pas vos enfants (Eph. 6.4).

Alors que les Ecritures appellent sans cesse les hommes à être justes et saints, elle n’hésite pas à dire: Ne sois pas just à l’excès (Ecc17.16). Quel incroyable équilibre. Quelle incroyable richesse.

La Bible ruisselle de vérité tout au long de ses pages. Loin d’être un livre de contes, elle dépeint l’homme tel qu’il est, sans fard. Les errements du grand roi David y sont décrits sans complaisance. L’apôtre Paul a pu écrire à son propre sujet: Je ne fais pas le bien que je veux, et je fais le mal que je ne veux pas… Misérable que je suis! Qui me délivrera de ce corps de mort?. (Rom 7.19,24).

Le livre qui dit cela ne peut qu’être le livre de la Vérité. L’Eglise de Jésus-Christ doit plus que jamais répandre la révélation du Dieu de Jésus-Christ dans le monde où Dieu l’a mise et s’adonner à un véritable travail apologétique.

Chers amis lecteurs, merci d’être des témoins de la vérité dans vos villes et vos villages. Et souvenez-vous de ce que Christ disait à l’Eglise de Sardes: Rappelle-toi donc comment tu as reçu et entendu la parole, garde-la… (Apoc 3.3).

J.-P. G.
Dr. ès sc. politiques


HM CARSON
publié aux Editions Europresse, Chalon-sur-Saône,
et vendu par « La Maison de la Bible », 192 pages, 80 FF

Depuis quelques années on peut constater des changements dans l’Eglise catholique. La messe est dite en langue vernaculaire; les laïcs y participent davantage; les études bibliques sont organisées dans bien des paroisses et le vocabulaire employé dans les bulletins hebdomadaires est plus évangélique. Même le rôle de Jean-Paul II, sous la pression des Eglises orthodoxes, ne serait plus celui du chef suprême mais celui de rassembleur, unificateur. Est-ce vrai que Rome a changé? Est-ce que le Vatican revient à l’enseignement biblique?

Beaucoup d’évangéliques se réjouissent de se retrouver régulièrement avec des catholiques dans un groupe dit « d’étude biblique ocuménique », mais si leur expérience est à peu près normale, ils doivent être souvent frustrés et affligés de voir l’enseignement du Seigneur ou de ses apôtres « corrigé » par les traditions catholiques ou les notes de la Bible de Jérusalem, etc.

Ce livre « La foi du Vatican » arrive à point nommé comme une aide indispensable pour ceux qui veulent aider les catholiques à acquérir une meilleure connaissance du Sauveur. Le nouveau « Catéchisme de l’Eglise Catholique » montre clairement que Rome reste attaché aux dogmes définis au XVIe siècle par le Concile de Trente et en ajoute d’autres qui élèvent Marie et le Pape. On pourrait donc craindre que l’auteur ne réfute ces aberrations avec un pilonnage de versets bibliques – ce qui eût été un jeu facile. Crainte inutile, car Carson affirme: « Je ne cherche pas, dans ce livre, à gagner brillamment un argument et à terrasser mes adversaires… Je désire plutôt, peut-être pas toujours avec succès, me souvenir de l’admonition de l’apôtre Paul… 2 Tim 2.23-25 » (page 16).

Les chapitres 2 & 3, sur l’histoire et le développement de l’Eglise et de la Tradition, résument clairement les moyens qui ont été employés pour transformer l’Eglise apostolique en Eglise catholique romaine. Le chapitre sur l’Infaillibilité est consacré à l’étude des textes principaux de Mat 16.13-19; Luc 22.31, 32 et Jean 21.15-17; puis Carson, faisant allusion à Galates 2.11, pose la question (page 61): « Pouvez-vous imaginer un cardinal résistant en face et reprenant publiquement le pape, puis mentionnant le fait dans une lettre circulaire adressée aux églises? »

Les neuf autres chapitres sont d’excellentes introductions aux thèmes aussi variés que: – l’influence croissante des radicaux; l’Eglise comme incarnation continuelle; le pentecôtisme catholique; la vierge Marie; les prêtres; la pénitence et le purgatoire; la transsubstantiation et la messe. Son dernier chapitre « Justifiés » est une présentation claire de la doctrine évangélique de la justification par la grâce au moyen de la foi. C’est le message qui est au cour de l’évangile et qui seul peut nous donner cette assurance inébranlable qui nous fait chanter déjà: Il nous aime et nous a lavés de nos péchés par son sang… (Apoc 1.5,6).

Un livre à lire pour mieux comprendre le catholicisme d’aujourd’hui; un livre à mettre dans la main des catholiques, souvent ignorants des erreurs aberrantes du Vatican, dans l’espoir qu’ils arriveront à expérimenter pleinement l’assurance chrétienne.

Tony HYNES

Écrit par


(2 Rois 2.19-25)

« Les gens de la ville dirent à Elisée: Voici, le séjour de la ville est bon, comme le voit mon seigneur; mais les eaux sont mauvaises, et le pays est stérile. Il dit: Apportez-moi un plat neuf, et mettez- y du sel. Et ils le lui apportèrent. Il alla vers la source des eaux, et il y jeta du sel, et dit: Ainsi parle l’Eternel : J’assainis ces eaux; il n’en proviendra plus ni mort, ni stérilité. Et les eaux furent assainies, jusqu’à ce jour selon la parole qu’Elisée avait prononcée.

Il monta de là à Béthel; et comme il cheminait à la montée, des jeunes gens sortirent de la ville, et se moquèrent de lui. Ils lui disaient: Monte, chauve! monte, chauve! Il se retourna pour les regarder, et il les maudit au nom de l’Éternel. Alors deux ours sortirent de la forêt, et déchirèrent quarante-deux de ces adolescents. De là il alla sur la montagne du Carmel, d’où il retourna à Samarie. » (2 Rois 2:19-25).

Quel contraste entre ces deux récits! Bénédiction d’un côté, malédiction de l’autre. D’abord, miracle sur la nature physique par un geste; ensuite, miracle dans le monde animal par une simple parole. Le premier prodige est caractéristique d’Elisée, alors que le second semble bien éloigné du prophète qui a si souvent soulagé ses contemporains de leurs maux. La purification des eaux de Jéricho inspire, encourage et redonne espoir, alors que la malédiction des enfants de Béthel fait peur, choque, scandalise au point de jeter, dans certains esprits, un doute quant à l’éthique et l’inspiration des Ecritures.

La tension entre ces deux récits est manifeste. Loin de la cacher, l’auteur de 1 et 2 Rois la met en évidence non seulement en plaçant les deux textes côte à côte, mais encore en leur donnant une même forme littéraire: (1) narration très succincte (quatre et trois versets, alors que les récits qui précèdent et suivent sont beaucoup plus longs); (2) même ordre des événements: une parole adressée par un groupe à Elisée (les hommes de Jéricho/les garçons de Béthel) suivie d’une réponse du prophète, puis d’un prodige en guise de réponse à la parole du prophète; (3) mention de deux villes célèbres (Jéricho et Béthel) visitées peu avant par Elie (2 Rois 2.2- 4). Manifestement, l’auteur des Rois pousse ses lecteurs à comparer les deux récits.

Les eaux de Jéricho

Pour saisir toute la portée de la bénédiction opérée à Jéricho, il faut comprendre la situation particulière de cette ville avant le miracle. Depuis la conquête du pays cinq siècles plus tôt, Jéricho était placée sous la malédiction prononcée par Josué contre quiconque rebâtirait la ville (Jos 6.26). La raison d’une telle parole n’est pas donnée, mais on peut la rattacher au péché des Cananéens. En effet, la conquête de la terre promise marquait non seulement une bénédiction pour Israël, mais aussi un jugement pour les nations païennes habitant le pays (Gen 15.16). En laissant Jéricho en ruine, Josué voulait probablement laisser un mémorial pour rappeler la condamnation divine sur toute iniquité. Du temps du roi Achab, Hiel de Béthel avait reconstruit Jéricho au mépris de l’interdit de Josué et au mépris de la vie de ses deux fils sacrifiés à cette occasion (1 Rois 16.34). Ainsi, depuis une génération, le site de Jéricho était de nouveau occupé, mais la malédiction restait partiellement accrochée au pays au travers de la stérilité de sa source.

Ces remarques montrent qu’Elisée a fait plus que purifier une source d’eau. En assainissant les eaux de Jéricho, le prophète met un terme à la malédiction de Josué. Mieux, il remplace la malédiction par une bénédiction puisque la ville, qui ne devait jamais être reconstruite, est maintenant pourvue d’une source qui reste définitivement pure. Elisée est vraiment l ‘homme des renversements. Nous avions déjà vu comment son ministère se situait aux antipodes de celui d’Elie (voir Promesses n° 118 et 119). Dans ce récit, Elisée fait l’inverse de Josué. A chaque fois, son ministère souligne la grâce divine qui soulage et pardonne, plutôt que la justice divine qui condamne.

Une deuxième singularité dans ce récit est l’emploi du sel et d’un plat neuf pour assainir la source. L’action d’Elisée est marquée par le symbolisme, Pour comprendre le sens de son geste, il faut d’abord saisir la valeur du sel. Le sel peut être une bonne ou une mauvaise chose. Il donne du goût aux aliments et préserve les viandes d’une décomposition trop rapide. Ainsi, Jésus utilise l’image du sel dans un sens positif en exhortant les chrétiens à être le sel de la terre (Mt 5.13). Mais le sel peut aussi représenter la malédiction. Le taux élevé de salinité dans la Mer Morte interdit toute vie (c’est vraiment une mer morte). Une ville recouverte de sel suite à une conquête n’a plus d’avenir (Jug 9.45). De même, une source remplie de sel n’a aucune valeur.

A Jéricho (située à dix kilomètres de la Mer Morte), le sel n’a aucune connotation positive. Il en est de même du sel dans une source d’eau. Or, contrairement à toute attente, le sel jeté par Elisée dans la source d’eau a un effet positif. Puisque le sel était d’abord posé sur un plat neuf, on peut conclure que la nature mauvaise du sel a été transformée par son contact avec le plat neuf. Ainsi fondamentalement, l’élément curatif vient du plat et non du sel. D’une certaine manière, Elisée est comme ce plat neuf. Il vient de succéder à Elie (2 Rois 2.7-15) et sa venue transforme tout. Sa présence est source de bénédiction. Elisée annonce le ministère du Messie et la nouvelle alliance.

Avant de nous pencher sur la malédiction des enfants de Béthel, notons encore que, malgré le recours à des objets matériels (plat neuf et sel), le prodige est attribué à la parole du prophète (Les eaux furent assainies, jusqu’à ce jour, selon la parole qu’Elisée avait prononcée, 2 Rois 2:22). Elisée n’est pas un magicien, mais un pédagogue. Les objets matériels sont utilisés uniquement en raison de leur valeur symbolique.

Les enfants de Béthel

Comme nous l’avons déjà relevé, le récit des enfants de Béthel soulève bien des questions. Pourquoi Elisée a-t-il maudit ces enfants et pourquoi quarante-deux sont-ils morts? Le comportement du prophète paraît si mal correspondre au caractère d’Elisée.

Relevons pour commencer qu’Elisée ne tue personne. Il se contente de maudire les enfants, et ses paroles ne suggèrent même pas que les moqueurs doivent mourir (contrairement à Elie, par exemple, qui avait annoncé à deux reprises que le feu céleste descendrait pour dévorer une troupe de soldats venus l’arrêter: 2 Rois 1.10, 12). Elisée s’en remet au jugement divin. C’est l’Eternel qui choisit de punir les moqueurs par la mort !

En deuxième lieu, il convient de préciser que le terme hébreu « na’ar » traduit parfois par « enfant » peut représenter aussi bien un bébé qu’un jeune adulte. Moïse, âgé de trois mois, est appelé un « na’ar » (Ex 2.6), alors qu’Absalom, qualifié du même terme, avait déjà soulevé une armée contre son père, le roi David (2 Sam 18.5). Dans notre texte, il est question de « jeunes na’ar ». Probablement des adolescents.

Troisièmement, la ville originaire des moqueurs est une ville particulière. Comme pour Jéricho, une compréhension de son histoire est importante. Lors du schisme entre Israël et Juda, Jéroboam (le premier monarque du royaume du nord) avait fait construire deux autels, l’un situé au sud de son royaume à Béthel et l’autre au nord à Dan. Le roi voulait ainsi empêcher ses sujets de se rendre trois fois par année à Jérusalem et y subir l’influence des prêtres de Juda, craignant que son peuple ne finisse par comprendre que le roi légitime devait être un descendant de David (1 Rois 12.26-30). En plus de ces deux lieux d’adoration, Jéroboam avait aussi instauré une nouvelle classe de sacrificateurs et modifié le calendrier religieux (1 Rois 12.31-33). Même si toute la ville de Béthel n’était pas dévouée au faux culte, puisque certains fils des prophètes y habitaient au moment de l’enlèvement d’Elie (2 Rois 2.2-3), l’influence péjorative des hérétiques devait être considérable comme en témoigne le nombre élevé de moqueurs.

Les paroles blessantes à l’égard d’Elisée ne se limitaient certainement pas à l’aspect physique du prophète. La sévérité du jugement divin empêche de penser que nous sommes en présence de gamins qui, un jour, par hasard, se moquent de l’apparence physique d’un individu qui avance avec peine: monte chauve, monte chauve (une distance de 25 kilomètres et une dénivellation de 1000 mètres séparent Béthel de Jéricho). Les « enfants » étaient vraisemblablement de jeunes adultes; le verbe « monter » pouvait faire allusion à l’ascension d’Elie; et le mot « chauve » pouvait impliquer une stérilité plus étendue qu’une simple absence de cheveux. La répétition des termes souligne une insistance particulière (ils disent deux fois monte chauve).

L’ascension d’Elie était connue dans toute la région. Avant même qu’elle n’ait eu lieu, les fils des prophètes en parlaient librement (2 Rois 2.1-5). On peut imaginer le scepticisme des faux adorateurs à l’annonce du départ imminent d’Elie: « Ce vieux fou est sur le point de mourir et on voudrait nous faire croire qu’il va monter au ciel! » L’annonce de l’ascension ne devait pas les avoir convaincus davantage: « Son successeur a dû cacher son corps pour faire croire à un départ miraculeux ». En demandant à Elisée de monter, la nouvelle génération de Béthel tourne en ridicule l’ascension d’Elie. Elle demande à Elisée de quitter la région comme Elie l’avait fait: « Disparais pour toujours de notre présence. On ne veut plus te voir ici ». La mention de la calvitie peut être une référence à la stérilité du ministère: « On n’a pas besoin de toi ici, car tu ne produiras rien de bon ». Si les moqueurs avaient déjà entendu parler de l’assainissement de la source de Jéricho (de telles nouvelles se propagent très vite), ils rejetteraient alors aussi le ministère de bénédiction d’Elisée.

Elisée répond à leurs paroles de rejet par une parole de rejet. Ceux qui s’endurcissent devant les prodiges et les bénédictions du Seigneur ne peuvent plus rien recevoir. Jésus a condamné avec une même sévérité les pharisiens qui l’accusaient de faire les miracles au nom de Béelzébul (Mt 12.24), et c’est dans ce contexte que le Fils de l’homme a parlé du péché contre le Saint-Esprit, péché qui ne peut être pardonné (Mt 12.31). Les moqueries des jeunes gens de Béthel sont du même ordre. Elles témoignent d’un rejet total du prophète de la grâce. L’endurcissement des moqueurs de Béthel montre, une fois de plus, que l’incrédulité est beaucoup plus difficile à guérir qu’une carence physique. Elisée n’a aucun problème à purifier les eaux de Jéricho. Par un geste et une parole, il efface une malédiction vieille d’un demi millénaire. L’incrédulité, par contre, est beaucoup plus tenace. Elle colle aux gens comme la pire des maladies. Jésus en a fait l’expérience, lui qui a été le plus grand faiseur de miracles, et pourtant a été abandonné par tous et crucifié.

Ces constatations sur la dureté du cour humain (Calvin parlait de corruption totale) devraient nous faire apprécier d’autant plus la grâce salvatrice qui mène les gens à la foi. La conversion est le plus grand des miracles. A la Pentecôte, quand le Saint-Esprit est venu avec puissance, ce sont trois mille personnes qui se sont converties.

Notons pour terminer que l’Eternel a envoyé deux ours pour tuer les moqueurs, comme si un seul n’avait pas suffi! Les ours n’attaquent pas en bande et, d’une manière générale, ils évitent les hommes. Seul l’instinct maternel peut les rendre féroces et dangereux pour les hommes (cf. Prov 17.12). Or les deux ours quittent la forêt, c’est-à-dire le lieu où leurs petits auraient pu se trouver. Leur comportement étrange renforce l’idée qu’ils ont été envoyé par Dieu pour punir les moqueurs (à l’extérieur de la forêt, les jeunes gens ne formaient aucune menace pour les bêtes). La nature ou le hasard n’y est pour rien. C’est Dieu qui manifeste sa colère au travers de ces deux ours. Pourquoi deux? Peut-être pour symboliser un jugement sans appel (une sorte de double témoignage de la colère divine), ou une condamnation suite au rejet de deux prophètes (Elie et Elisée), ou encore le salaire d’un rejet répété d’Elisée (Monte, chauve! monte, chauve!).

Les deux récits que nous venons d’étudier ne se contredisent nullement, mais se complètent. Elisée est le prophète de la grâce (comme le montrent les eaux purifiées de Jéricho), mais quand cette grâce est rejetée (comme dans le cas des moqueurs de Béthel), il ne reste que le jugement.

C’est pourquoi nous devons d’autant plus nous attacher aux choses que nous avons entendues, de peur que nous ne soyons emportés loin d’elles. Car si la parole annoncée par des anges a eu son effet, et si toute transgression et toute désobéissance a reçu une juste rétribution, comment échapperons-nous en négligeant un si grand salut? (Héb 2.1-3).

D.A.

Écrit par


La superficialité de la vie des chrétiens d’aujourd’hui provient d’une idée confuse de ce qu’est la repentance. Le fardeau de John Muller n’est pas de faire entendre encore une voix accusatrice et culpabilisante, mais de retrouver le message qui mène à la vie. Publié aux Etats-Unis sous le titre, « Repentance and 2Oth century man » (La repentance et l’homme du 20e siècle), ce livre est encore plus nécessaire en francophonie où le Petit Robert définit la repentance comme « Souvenir douloureux, regret de ses fautes, de ses péchés », sans aucune allusion au changement de conduite qui est le fruit du changement d’attitude, et qui est si bien illustré dans la vie de Zachée ou celle de Saul de Tarse.

Le premier chapitre, « Un fondement pour la vie », établit le ton du livre, Le but visé par l’appel à la repentance n’est pas d’accabler de culpabilité mais de bien poser les fondements de la vie nouvelle en Christ. Aujourd’hui tout pasteur consciencieux constate que bien des problèmes rencontrés chez des personnes se présentant comme « nées de nouveau » proviennent d’une mauvaise conception et de soins prénatals inadéquats; ce qui donne des enfants morts-nés ou gravement handicapés. Tout en soulignant que Dieu résiste aux orgueilleux, l’auteur souligne que « le Seigneur ne peut s’empêcher d’accueillir le cour brisé qui connaît une authentique repentance ». En faisant allusion à la célèbre parabole, il écrit: « Ce Père, dont la sainteté est infinie, n’est pas quelque être sentimental, qui invite les hommes pécheurs à se vautrer dans l’apitoiement. Au contraire, bien que voyant les hommes dans toute leur souillure, il s’adonne à des excès étranges de tendresse. Son amour éclate en une joyeuse activité chaque fois qu’un pécheur se tourne vers lui sous l’exercice de la conviction. Un simple regard au retour du fils prodigue nous suffit pour voir la dynamique de cet amour » (pages 11, 12). Notre erreur, c’est que nous avons réduit l’Eternel à un « être sentimental ». Nous avons oublié l’avertissement de P. T. Forsyth au début du siècle: « Dieu est assez fort pour retenir sa pitié jusqu’à ce que l’affliction ait accompli son ouvre grâcieuse. ».

Le deuxième chapitre est le plus long car l’auteur s’efforce de montrer la différence entre la repentance et la pénitence. Il démontre la nature égocentrique de la pénitence; ce qui explique son inefficacité évidente. En citant le cas d’Esaïe, l’auteur nous rappelle que « la meilleure marque d’authenticité de la vraie repentance est une hardiesse et un enthousiasme joyeux pour les choses de Dieu » (page 29).

Le troisième chapitre est consacré à la vraie repentance, puis les cinq derniers chapitres contiennent des applications pratiques à divers aspects de la vie chrétienne. Nos opinions sur la plénitude de l’Esprit, le chrétien charnel, la cure d’âme ou l’évangélisation seront trop superficielles si notre conception de la repentance est inadéquate. Un retour à la bonne base de toute la vie chrétienne – la repentance envers Dieu, (Actes 20.21) – donnerait une nouvelle santé et une nouvelle vigueur à nos églises. Ce livre pourrait nous aider dans cette démarche difficile mais ô combien nécessaire.

Tony HYNES

Écrit par


Editions Barnabas, 1996, 287 pages

Barnabas? Ah oui, c’est celui qui a accompagné Paul dans son premier voyage missionnaire et qui, à cause de son neveu Jean surnommé Marc, s’est séparé de Paul. Avec cela, on oublie souvent le rôle inestimable que Barnabas a joué dans l’Eglise primitive et dans la vie de Paul. Et c’est ce que Maurice Decker nous fait découvrir. Barnabas n’a-t-il pas été le premier à apporter aux apôtres tout l’argent provenant de la vente d’un champ? C’est ainsi qu’il est présenté aux lecteurs des Actes, où Luc explique que son nom signifie fils d’exhortation ou fils d’encouragement. Aussi l’auteur nous fait-il percevoir en Barnabas un de ces encourageurs dont l’Eglise a tant besoin. Chacune des quatre parties du livre éclaire un aspect réconfortant de ce chrétien d’une trempe de caractère exceptionnelle .

C’est Barnabas qui introduit l’apôtre Paul aux apôtres à Jérusalem. Cet homme, dont il est dit qu’il était plein d’Esprit Saint, fut envoyé à Antioche pour y exhorter et encourager l’église, et il y eut beaucoup de conversions, après quoi il alla à Tarse pour en ramener Paul et le présenter à l’église d’Antioche. C’est cette église qui envoya Barnabas et Paul évangéliser à Chypre et en Pisidie, voyage connu comme le premier voyage missionnaire de Paul. Jusque là, Barnabas est toujours nommé avant Paul. Mais en cours de route, Barnabas laisse à Paul la place principale. Il sait s’effacer sans aucune trace de jalousie. C’est une preuve de son humilité. Dès lors, Paul est nommé avant lui. Mais Barnabas reste le prophète, celui qui par définition encourage, alors que Paul est le docteur, celui qui enseigne. Barnabas n’est plus mentionné dans les Actes après le chapitre 15. Il est vrai que Paul, dans sa lettre aux Galates, doit le reprendre pour sa conduite, ce qu’il fait avec une fermeté imprégnée de douceur. Cela nous rappelle que le meilleur peut faire un faux pas, ce qui encore nous aide à ne pas nous décourager.

J’ai passé, et combien sommes-nous qui avons passé à côté des richesses de ce fils d’encouragement du premier siècle! Maurice Decker nous les fait découvrir et nous fait réfléchir à maints aspects de notre vie chrétienne au 20e siècle. Cet ouvrage est un appel à
-un amour centré en Christ, donc désintéressé;
-une attitude conciliante tout en restant dans la vérité;
-une conscience de la grandeur de la grâce dans la liberté et la joie;
-une vie remplie du fruit de l’Esprit dont les dons ne sont que le corollaire.

En tout cela, Barnabas est un encouragement à persévérer, quel que soit l’enjeu, quels que soient les revers.

Ce livre se lit aisément, parsemé qu’il est d’illustrations fort à propos où l’humour ne fait jamais défaut, quel que sérieux que soit le développement de la pensée de l’auteur.

J.-P. SCHNEIDER


L’exceptionnel vécu de certains hommes de Dieu ajoute à leur souvenir plus d’une leçon encore actuelle. Genèse 32 fait revivre intensément le moment vraiment crucial de la vie de Jacob, l’ancêtre du peuple d’Israël.

Jacob avait fui la maison familiale devant la fureur d’Esaü, son frère, dépouillé de son droit d’aînesse par la ruse de son cadet. Chez Laban, à son tour, Jacob fut trompé, exploité même, pendant bien des années; mais il s’est aussi copieusement enrichi, par ruse encore. Environ 50 ans plus tard, le voilà sur le chemin du retour au pays de la promesse, avec sa nombreuse famille et de grands biens. Pourtant, si longtemps après, sa conscience le tourmente encore. Il craint toujours la vengeance d’Esaü qui vient justement à sa rencontre avec 400 hommes (v. 6). Alors Jacob juge prudent de se faire précéder par un somptueux cadeau (v. 14-15). Mais la nuit dramatique ne fait que commencer pour lui (v. 22-32). Elle se déroulera en 4 actes.

I. La solitude de Jacob (v. 24)

Ni le Dieu créateur du premier couple, ni le Christ des 12 apôtres, n’ont voulu l’homme isolé. C’est un être appelé à vivre en société. Il n’est pas bon que l’homme soit seul (Gen 2.18). Il n’est pas bon non plus qu’il ne soit jamais seul. Dieu voudrait un tête-à- tête fréquent avec chacun, un de ces moments intimes, à l’écart, où les cours s’ouvrent sans crainte. Mais l’homme moderne le fuit. Il s’étourdit dans le bruit, souvent pour ne plus penser. Ou bien il se passionne pour toutes sortes de choses, bonnes ou mauvaises, sans jamais pourtant étancher sa soif de vrai bonheur durable.

Aujourd’hui, la solitude est devenue soit un luxe (le riche propriétaire, seul maître sur ses terres), soit une punition (le prisonnier sous haute surveillance dans sa cellule). Mais il peut arriver à la solitude de déboucher sur une rencontre bénie et libératrice avec Dieu. C’est ce que va vivre Jacob.

II. La lutte de Jacob (v. 24-25 )

Très effrayé et saisi d’angoisse (v.7), Jacob toujours ingénieux a partagé ses gens en deux camps et se dit que si Esaü vient contre l’un des deux camps et le bat, le camp qui restera pourra se sauver (v. 9). Mais le vieillard, alors presque centenaire, ignore qu’il ne pourra pas échapper, lui, à l’assaut d’un redoutable inconnu, dans le mystère obscur d’une nuit mémorable. Ce sera un singulier tête-à-tête que cet implacable corps à corps, où nul ne veut céder.

Pour fléchir enfin l’opiniâtre lutteur, l’inconnu le frappa à l’emboîture de la hanche; et l’emboîture de la hanche de Jacob se démit pendant qu’il luttait avec lui (v. 25). Même ainsi diminué, Jacob ne lâche pas prise. Il sent qu’il vit un moment décisif, unique sans doute. Son adversaire le met à genoux; il ne le met pas à mort. Dieu ne veut pas la mort du pécheur, mais qu’il se repente et qu’il vive. Jacob a trouvé plus fort que lui; c’est pourquoi il ne peut lâcher celui dont il sent qu’il a besoin et qui a une bénédiction en réserve après cette terrible épreuve. Apparemment vaincu, Jacob tiendra ferme, accroché à cet homme puissant. Il sera même déclaré vainqueur!

C’est encore à genoux que se remportent les plus grandes victoires.

III. Le dialogue de Jacob (v. 26-30)

La nuit de lutte s’achève. A Moïse, bien plus tard, l’Eternel dira: tu ne pourras pas voir ma face, car l’homme ne peut me voir et vivre (Ex 33.20). L’inconnu doit partir pour préserver son anonymat. Il ne doit pas être vu. Mais Jacob ne l’entend pas ainsi. Il veut la bénédiction. Longtemps après, sur la montagne de la transfiguration, Pierre voudra installer trois tentes, pour prolonger un moment de bonheur exceptionnel. Mais, ici-bas, ils seront toujours trop courts.

A l’appel de son nom, Jacob dévoile son identité et sa nature profonde de supplanteur et trompeur, car tel est le cour humain. C’est seulement après cet aveu qu’il recevra son nouveau nom d’Israël, vainqueur de Dieu, lui, le vaincu de la nuit et qui dut mettre genou à terre. De même ne devient enfant de Dieu que celui qui s’avoue pécheur et perdu, dans une authentique confession suivie de repentance et de foi en Christ.

A son tour, Jacob prie l’inconnu de lui déclarer son nom. Pourquoi demandes-tu mon nom? (v. 29). Le mystère demeurera jusqu’à la prophétie d’Osée (12.4-5). C’était bien l’ange de l’Eternel, souvent apparu sous forme humaine dans l’AT. Occasionnellement, le Fils de Dieu a pu ainsi visiter la terre, avant de s’y manifester dans la personne de Jésus-Christ, Dieu manifesté en chair (1 Tim 3.16).

En réponse à sa persévérance dans la lutte de la foi, Jacob fut béni sur place. Il a reconnu ainsi qu’il avait eu à faire à Dieu lui-même dans l’inconnu. C’est pourquoi il appela le lieu Peniel (la face de Dieu), car, dit-il j’ai vu Dieu face à face, et mon âme a été sauvée (ou J‘ai eu la vie sauve, v. 30). Ainsi le tête-à-tête devenu corps à corps apparaît après coup comme un face à face libérateur pour la vie.

C’est bien aussi face à la croix qu’une nouvelle vie s’ouvre au croyant: désormais il ne sera plus jamais seul.

IV. L’avenir de Jacob (v.31)

Après cette nuit tragique, le soleil se lève enfin; mais il va désormais éclairer la route du vieillard boiteux qui ne pourra plus courir pour fuir devant Esaü. Ce ne sera pas nécessaire d’ailleurs. Quand l’Eternel approuve les voies d’un homme, il dispose favorablement à son égard même ses ennemis (Prov 16.7). Esaü courut à sa rencontre; il l’embrassa, se jeta à son cou, et le baisa; et ils pleurèrent (Gen 33.4). Quel matin lumineux après la sombre nuit de lutte!

Au cours d’un voyage antérieur, une nuit mémorable elle aussi avait valu un rêve à Jacob qui appela le lieu Béthel, maison de Dieu (Gen 28.12-19). A Peniel ce fut la face de Dieu. C’est seulement là qu’une nouvelle vie a commencé pour Jacob-Israël. Il y reçut à la fois un nouveau nom et une nouvelle marche. Chaque pas devait rappeler au boiteux sa rencontre décisive avec le Dieu qui avait réorienté sa vie vers la terre promise.

Chacune de nos journées est comme un pas vers l’éternité. Si nous connaissons l’église, maison de Dieu, nous sommes en route aussi. Mais il y a plus. Si nous avons vraiment et personnellement rencontré le Seigneur, montrons-le en marchant en nouveauté de vie (Rom 6.4).

Celui qui dit qu’il demeure en lui doit marcher aussi comme lui a marché (1 Jean 2.6).

J. C.

L’importance de la vérité

"Certains chrétiens ont été imprégnés par les formes de pensée du XXe siècle. Dans la conversion chrétienne, la vérité a la priorité. La formule "accepter Christ comme Sauveur" peut vouloir dire n’importe quoi. Aussi devons- nous expliquer très clairement que la vérité du christianisme est une vérité objective, et qu’en conséquence "accepter Christ comme Sauveur" n’est pas simplement une sorte de "saut dans l’irrationnel".

Francis Schaeffer
(« Dieu: illusion ou réalité », Revue Réformée,
n° 161/162, novembre 1989, page 125)

Écrit par


La fin du vingtième siècle avec ses grands chambardements approche à grands pas. Elle est caractérisée par le renversement des fondements sur lesquels reposait la société occidentale. Profondément marquée par des siècles de culture chrétienne qui plongeait ses racines dans les Ecritures, elle a subi une érosion lente pour aboutir à un changement de paradigme dans son concept du monde. Le psalmiste pose une question pertinente: Quand les fondements sont renversés, le juste, que ferait-il?(11.3) Quelle sera notre réponse?

Il est bon de revenir un peu en arrière dans le temps. La Réforme nous a légué quelque chose d’inestimable. Par elle, Dieu a opéré un retour aux Ecritures, seule norme de notre foi dans tous les domaines de la vie. Cette foi n’était pas floue. L’ensemble des vérités bibliques constituait le fondement de la foi des Réformateurs. Il engendrait une confiance; et une obéissance totales en la Bible, Parole de Dieu qui avait autorité sur leur intelligence, leur cour, leur vie. Il n’y avait pas de concept relativiste ou pluraliste quant aux fondements de la foi. En revanche, le dualisme entre le spirituel et le matériel, l’invisible et le visible, la nature et la grâce, le temporel et l’éternel a contribué à une sécularisation progressive de la société occidentale. Les lumières et le rationalisme ont encore diminué l’impact de l’Evangile produit par la Réforme. Avec Hegel, au début du 19e siècle, le monde a été bouleversé dans sa manière de penser par le principe dialectique: thèse, antithèse, synthèse. Plus rien n’était absolu, vrai, sans cette démarche philosophique préalable. Ici, on trouve l’origine du relativisme qui a marqué également la théologie.

Au milieu du siècle passé, Darwin, sans doute influencé par la philosophie de Hegel, a publié son fameux ouvrage « De l’origine des espèces par voie de sélection naturelle », ce qui marqua le début de la diffusion de la théorie de l’évolutionnisme. Roger Liebi écrit avec pertinence: « On exagère à peine en disant que Darwin a posé l’un des fondements essentiels de la cosmologie dominante du 20e siècle. Il est l’auteur d’un tournant décisif dans la manière de penser des pays occidentaux hautement civilisés. Innombrables furent ceux qui commencèrent à se détacher du christianisme. La perspective biblique, selon laquelle Dieu créa le monde et la vie, et fit l’homme à son image, devint pour eux toujours plus inacceptable. L’enseignement de Darwin conduisit aussi à de toutes nouvelles conceptions en philosophie, en psychologie, en pédagogie, en sociologie, en théologie, en histoire, en astronomie, ainsi qu’en beaucoup d’autres domaines » (Le Nouvel Age, p. 11, éd. Bibles et Traités Chrétiens, CH-1800 Vevey). Le marxisme, l’existentialisme et le pragmatisme ne sont que le prolongement de ces philosophies.

En résumé, toute la crise actuelle à tous les niveaux est la conséquence de l’humanisme séculier qui a déshumanisé l’homme, aussi paradoxal que cela paraisse. Dans tous les domaines, il est en faillite. Alors les hommes cherchent leur bonheur ailleurs, dans l’irrationnel, puisque le matérialisme rationnel ne leur a apporté que le goût amer d’une illusion chimérique. Le Nouvel Age se substitue au rationalisme. On parle d’être en harmonie avec soi-même, avec la nature, l’environnement, le cosmos, etc. Pour se déstresser, on a recours à la spiritualité orientale, au mysticisme, à l’astrologie, à la médecine parallèle, à la psychologie moderne, etc. Des termes comme amour, unité, paix, n’ont plus la connotation que la Bible leur donne.

Face à ce déferlement de séductions sataniques et à la désorientation de l’Eglise dans un monde où elle devrait être le sel de la terre, n’y a-t-il pas un retour aux Ecritures Saintes à opérer en laissant libre cours à l’Esprit de Dieu qui veut parler à nos cours? Lui seul peut produire la repentance, l’obéissance à la Parole de Dieu et la mise en pratique des directives divines. L’objectif des articles publiés dans ce numéro est d’avertir nos lecteurs des temps que nous vivons en nous encourageant à revenir aux vérités centrales de la Réforme: Sola Scriptura, Solus Christus, Sola gratia, Sola fide, Soli Deo gloria. Ces vérités claires et fondamentales révélées dans les Ecritures ne se négocient pas. Il n’y a pas de compromission possible. Jésus n’affirme-t-il pas: Je suis le chemin, la vérité, et la vie. Nul ne vient au Père que par moi ? L’apôtre Pierre n’est pas moins explicite: Il n’y a de salut en aucun autre; car il n y a sous le ciel aucun autre nom qui ait été donné parmi les hommes, par lequel nous devions être sauvés. (Jean 14.6; Act 4.12). Paul, dans sa 2e lettre aux Corinthiens, retrace la vie chrétienne au milieu des difficultés. Toutes nos ressources sont en Christ, qui nous fait toujours triompher (2.14). Les armes avec lesquelles nous combattons ne sont pas charnelles, mais elles sont puissantes, par la vertu de Dieu, pour renverser les forteresses. Nous renversons les raisonnements et toute hauteur qui s’élève contre la connaissance de Dieu, et nous amenons toute pensée captive à l’obéissance au Christ (10.4-5). C’est Jésus seul, l’Esprit seul et l’Evangile seul par contraste à un autre Jésus…, un autre esprit… et un autre évangile provenant de Satan lui-même qui se déguise en ange de lumière (11.4, 13-15).

Que Dieu nous fasse la grâce de persévérer dans la foi telle que les Ecritures nous l’enseignent. C’est pourquoi, affermissez votre pensée, soyez sobres et ayez une parfaite espérance en la grâce qui vous sera apportée, lors de la révélation de Jésus-Christ. (1 Pi 1.13).

H.L

Écrit par