PROMESSES

Constatation

Notre vingtième siècle est aussi le siècle de l’ocuménisme: les « chrétiens » récitent ensemble le Notre Père ocuménique, utilisent la Traduction Ocuménique de la Bible, la T.O.B., participent à des rencontres ocuméniques, assistent à des mariages ocuméniques, célèbrent des « baptêmes » ocuméniques… Une vraie hantise!

Une question

Il m’arrive fréquemment de commencer mes cours ou mes conférences sur l’ocuménisme par la question: « Ce mot se trouve-t-il dans la Bible? » Après quelques moments de silence, on entend un timide « oui » auquel répond un véhément « non ». A l’auditoire impatient, je réponds simplement par l’affirmative. En effet, le mot grec « oikoumenê » se trouve effectivement plusieurs fois dans le texte sacré des Ecritures: Mat 24.14, Luc 2.1 et Apoc 3.10. Il est traduit dans nos versions par le monde entier ou toute la terre. C’est dans ce sens que les premiers conciles de l’Eglise sont ocuméniques.

Que de divisions !

Sans entrer dans les détails de l’Histoire de l’Eglise, nous devons avouer que souvent ceux qui se réclament du Christ sont à l’origine de nombreuses divisions. Dans les premiers siècles, on assiste aux querelles trinitaires (Dieu est-il unique en trois personnes?), puis christologiques (Jésus est-il Dieu, est-il de nature divine ou humaine, possède-t-il les deux natures?). Plus tard vont naître des divergences quant à la succession apostolique, au baptême, à l’autorité dans l’Eglise (Bible ou tradition?).

Deux dates sont à retenir: 1054 voit la chrétienté se diviser en deux blocs, l’Occident reconnaissant l’Eglise catholique Romaine, l’Orient l’Eglise Orthodoxe; 1517 marque le début de la Réformation, berceau des Eglises Protestantes.

Tableau actuel

Avec tristesse, nous devons constater que les « chrétiens » sont divisés et appartiennent à des organisations fort variées.

Un bref aperçu.
Ils sont:
-catholique romains sous la houlette du pape qui se veut successeur de l’apôtre Pierre; leur Eglise est hiérarchisée et convaincue d’être la seule véritable en dehors de laquelle on ne saurait être vraiment sauvé, elle se croit investie de la mission d’établir le Royaume de Dieu sur la terre;
-catholiques indépendants refusant l’autorité papale, tout en célébrant la messe et les sacrements selon le rite romain;
-vieux-catholiques en communion avec l’archevêque d’Utrecht. Ils n’acceptent pas le dogme de l’infaillibilité du pape promulgué en 1870;
-orthodoxes répartis en plusieurs Eglises autocéphales, en communion avec le patriarche de Constantinople; connus pour la vénération des icônes;
-orthodoxes indépendants: coptes, arméniens, syriens, nestoriens, maronites, ruthènes, melkites…
-uniates gardant jalousement leurs particularités liturgiques tout en acceptant l’autorité du pape;
-anglicans dont la foi est résumée dans le « quadrilatère de Lambeth » (autorité des Ecritures, autorité des symboles des Apôtres et de Nicée, pratique des deux sacrements du baptême et de la sainte cène, Soumission à un épiscopat historique). Ils sont en communion avec l’archevêque de Cantorbéry , mais leur chef est la Reine d’Angleterre!
-luthériens qui veulent suivre la Confession d’Augsburg de 1530. Ils gardent deux sacrements et un certain faste dans le culte;
-réformés ou presbytériens ou calvinistes, pratiquant un culte plus dépouillé. Ils ont une organisation démocratique ou presbytérienne synodale;
-baptistes, revenus à la pratique biblique du baptême par immersion des seuls convertis. Leurs églises sont congrégationalistes;
-méthodistes issus du puissant réveil dont l’instrument fut John Wesley, en Angleterre au 18e siècle;
-autres, car la liste pourrait bien s’allonger avec les mennonites, les darbystes, les frères larges, les salutistes, les quakers, les moraves, les pentecôtistes Le tableau se complique encore lorsque l’on sait que, dans chacune de ces dénominations, vous avez des charismatiques et des non-charismatiques!

Efforts ocuméniques du passé en France et ailleurs

Le Colloque de Poissy (1561) en France n’arrive pas à une entente entre catholiques et réformés. Le Synode de Tonneins (1614) accepte le principe d’une réconciliation entre les différentes branches de la chrétienté.

Dès 1804, la Société Biblique Britannique et Etrangère collabore avec différentes Eglises de la Réforme.

Le « Mercure de France » publie un article percutant, invitant Napoléon 1er (!) à réunir tous les cultes… dans l’Eglise Catholique, et ceci en 1806.

En 1822, des chrétiens d’origines ecclésiastiques diverses, créent la Société des Missions Evangéliques de Paris.
Vingt-deux ans plus tard, George Williams veut mobiliser des jeunes appartenant à différentes Eglises: ce seront les Unions Chrétiennes de Jeunes Gens.

Par la suite, nous sommes témoins de deux phénomènes interprétés comme des signes d’unité: le regroupement d’églises de la même dénomination, d’une part; une collaboration plus étroite entre églises différentes, d’autre part.

Quelques dates marquantes:
1855: Alliance Universelle des Unions Chrétiennes de jeunes Gens
1867: Synode pan-anglican et première Conférence de Lambeth
1868: Fédération Luthérienne Mondiale
1875: Alliance Réformée Mondiale
1881: Conseil Méthodiste International
1889: Conférence des évêques vieux-catholiques
1891: Conseil Congrégationaliste International
1892: Conférence de Grindelwald (Suisse) pour les anglicans et non anglicans
1905: Alliance Baptiste Mondiale

Naissance de l’Alliance Evangélique

Dans la liste précédente, une date a été (volontairement) omise, car elle mérite une mention spéciale.

A Londres, en 1846, venant de 52 églises différentes et de 12 nations, 921 chrétiens se retrouvent pour fonder l’Alliance Evangélique. Ces délégués veulent manifester l’unité en Jésus-Christ. Il ne faut plus que les chrétiens se disputent alors que le monde court à sa perdition. A cette rencontre de Londres, l’adjectif « ocuménique » (dans le sens actuel) est utilisé pour la première fois.

Fusions et Fédérations

Désormais de plus en plus, une forme d’ocuménisme vise une fusion pure et simple de dénominations proches. En Allemagne, des églises Luthériennes et Réformées fusionnent en Eglises unies. En France, c’est en 1938, le remembrement de l’Eglise Réformée .regroupant des réformés libéraux, des réformés évangéliques, quelques libristes et quelques méthodistes. Au Canada, les méthodistes, congrégationalistes et presbytériens formeront l’Eglise Unie du Canada. En Inde, on verra en 1947, la fusion d’églises de type épiscopal et d’églises de type presbytérien synodal: ce sera la célèbre « Eglise de l’Inde du Sud ».

Dans de nombreux pays, les Eglises issues de la Réforme se fédéreront et nous voyons naître les Fédérations Protestantes, en France, en Suisse, en Belgique et ailleurs.

Démarrage officiel

Les historiens de l’Eglise sont unanimes: l’ocuménisme officiel à l’échelle mondiale est mis sur rail en 1910 par la grande Conférence missionnaire d’Edimbourg. Cent soixante sociétés missionnaires décident de coordonner leurs efforts en vue de l’évangélisation du monde, sans esprit de concurrence. Le Conseil International des Missions est né.

Deux autres mouvements parallèles voient le jour:
1. Vie et Action: il faut agir ensemble même si doctrinalement l’accord n’est pas réalisable; c’est un christianisme pratique sans doctrine claire. Conférences à Stockholm en 1925 et à Oxford en 1937.
2. Foi et Constitution: il faut confronter les doctrines, en insistant surtout sur tout ce qui unit. Conférences à Lausanne en 1927 et à Edimbourg en 1937.

Un Comité de 14 membres, durant une rencontre à Utrecht en 1938, propose la fusion de Vie et Action et de Foi et Constitution pour former le Conseil Ocuménique des Eglises. La Seconde Guerre mondiale retardera la réalisation de ce désir.

Le Conseil Ocuménique des Eglises

Il voit le jour le 22 août 1947, avec son siège à Genève, 150 Rte de Femey. Voyons rapidement ses grandes assemblées:
1. Amsterdam (1948): des délégués de 147 Eglises de 44 pays se rencontrent pendant 15 jours. Ils élaborent une (sommaire) Confession de foi.
2. Evanston (1954): les quelques 1000 délégués acceptent 16 nouvelles églises et proposent une espérance chrétienne dans le monde d’aujou d’hui.
3. New-Delhi (1961): les églises membres se montent à 198; pour la première fois l’Eglise Catholique a mandaté cinq observateurs. Le Conseil International des Missions est intégré au Conseil Ocuménique, plusieurs Eglises orthodoxes (dont celle de Russie) et pentecôtistes (du Chili) sont reçues comme membres, la nouvelle Confession de foi est acceptée par 383 oui, 36 non et 7 abstentions.
4. Uppsala (1968): cette Assemblée dont le thème est pourtant: Voici, je fais toutes choses nouvelles, s’est penchée plutôt sur le social; la spiritualité est en baisse. Les 235 Eglises membres affichent de profonds désaccords, ce qui a fait dire à un journaliste, et non sans humour: « A Uppsala, ce fut une vraie uppsalade! »
5. Nairobi (1975): pas de faits marquants à signaler.
6. Vancouver (1983): le Conseil Ocuménique prétend représenter 400 millions de chrétiens, il souhaite organiser des rencontres avec des juifs, des bouddhistes, des hindous, des musulmans, des marxistes… et qui encore?
7. Canberra (1991): ce fut une rencontre plutôt mouvementée, avec plusieurs accents nettement syncrétistes.

Et l’Eglise Catholique?

L’encyclique « Mortalium Animos » du pape Pie XI, en 1928, condamne toute participation des catholiques au mouvement ocuménique.

Quatre ans plus tard, l’abbé Couturier de Lyon propose une semaine de prière pour l’unité des chrétiens pour chaque année, du 18 au 25 janvier. Afin de permettre la participation de non catholiques à cette semaine de prière, l’abbé Couturier précise qu’il s’agit de l’unité « telle que Dieu la veut et par les moyens qu’il voudra ».

En 1962, le pape Jean XXIII convoque le Concile Vatican II: 17 églises non romaines (des orthodoxes russes aux unitariens universalistes) sont invitées comme observatrices.

Trois ans après, un cardinal proche du pape visite le siège du Cnseil Ocuménique. Un groupe de travail se forme avec 6 membres de l’Eglise Catholique et 8 du Conseil Ocuménique.

En 1969, le pape Paul VI en personne rend visite au Conseil Ocuménique à Genève.

Les changements depuis Vatican II

Beaucoup pensent que l’Eglise Catholique s’est profondément transformée à la suite de ce concile. Il n’en est rien en ce qui concerne le fond, la doctrine. Comment une institution millénaire qui se veut infaillible peut-elle changer? Il est vrai, beaucoup de changements mineurs, de forme, sont à noter. On a quand même travaillé à Vatican II: 521 votes, 6000 interventions, 16 textes publiés.
Depuis Vatican II, les protestants ne sont plus des hérétiques, mais des frères séparés; la messe n’est plus célébrée en latin, mais en français; le prêtre ne vous tourne plus le dos pendant les célébrations, mais vous regarde en face; les suicidés et les divorcés peuvent à nouveau être enterrés par l’Eglise…

Mais si les protestants sont à présent des frères séparés, ils doivent quand même revenir dans le giron de la Sainte Mère l’Eglise pour jouir pleinement du salut.

Une messe célébrée en latin ou en français est toujours une messe où s’effectue la transsubstantiation. Une erreur dite en latin ou une erreur dite en français est toujours une erreur.

Que le prêtre vous tourne le dos ou qu’il vous regarde en face, il est toujours, pour l’Eglise romaine, l’intermédiaire indispensable entre Dieu et l’homme, aussi important que Jésus-Christ.

Critiques des Evangéliques

L’ocuménisme est séduisant et toute âme sentimentale est touchée par cette unité factice. Mais ne voyons-nous pas dans l’ocuménisme de nombreux compromis, une théologie flottante, plutôt sociale, humanitaire, politique, humaniste, pro-romaine et même jusqu’à ces dernières années, communisante?

Les ocuménisants officiels ont-ils vraiment défini, Bible en main, l’unité, l’Eglise, le chrétien ? Parle-t-on de conversion, de nouvelle naissance indispensable? La collaboration entre multitudinistes (qui croient que tous sont chrétiens par le baptême des nourrissons) et professants (ne sont chrétiens que ceux qui professent une foi personnelle au Christ ressuscité) est-elle vraiment possible? Ne voyons-nous pas des « théologiens » de ce mouvement critiquer des textes bibliques, leur refusant la pleine inspiration et l’autorité souveraine? Peut-on encore parler d’évangélisation si tout le monde « est chrétien »? Et que dire des aides financières à des mouvements révolutionnaires? Et de la théologie de la libération de l’oppresseur, et non du péché? Peut-on unir croyants et incroyants? L’unité est-elle à fabriquer, ou à recevoir comme un don de Dieu? Attention, mes amis, danger! Dans l’Eglise, on n’agit pas comme dans le monde; l’Eglise du Seigneur n’est pas un bric-à-brac, un capharnaüm religieux.

Plaire à Dieu ou plaire aux hommes?

Cette alternative, si chère à l’apôtre Paul (Gal 1.10), reste toujours d’actualité, plus que jamais aujourd’hui. L’ocuménisme est à la mode et il est bien difficile de ne pas être à la mode. L’ocuménisme est le chemin facile et beaucoup le préfèrent. Si vous n’êtes pas pour cet ocuménisme, vous êtes taxés de sectaire (ceci est également à la mode), de borné, de rétrograde, d’intégriste. Plaire à Dieu, c’est faire des choix. Le message d’Elie (1 Rois 18.21) reste bien actuel. Plaire à Dieu, c’est examiner les Ecritures pour voir si ce qu’on nous dit est exact; plaire à Dieu c’est s’éloigner de toute organisation qui n’a pas de base solide, fondée sur la Bible. Oui, la majorité des « chrétiens » prône l’ocuménisme, la minorité le récuse. Il est toujours difficile d’être dans le camp minoritaire.

N’y a-t-il pas un bon ocuménisme?

Se basant sur la prière de Jésus, placée dans le contexte de Jean 17, un peu partout dans le monde, des chrétiens évangéliques veulent manifester l’unité du corps de Christ.

Face au Conseil Ocuménique est né, également à Amsterdam, et quelques jours avant celui-ci, le Conseil International d’Eglises Chrétiennes. Nous pouvons souscrire à sa doctrine, à ses précautions, à sa rigueur, mais pas toujours à ses agissements extrémistes.

Et l’Association des Eglises de Professants, et la Fédération Evangélique de France, et bien d’autres, voient des chrétiens différents vivre en authentique unité chrétienne.

Si nous avons en vue la gloire de Dieu et si le Seigneur nous inonde de sa vérité et de son amour, alors allons-y, soyons ocuméniques (de la bonne manière). Il y a plusieurs demeures dans la maison du Père…

Une proposition pratique

A mon (humble) avis, toute collaboration ocuménique est possible si nous professons les 6 points de la théologie du B.I.C.E.P.S. Il faut se mettre d’accord sur:
1. la même Bibliologie: la doctrine de la Bible, reconnaissant son inspiration plénière et son autorité souveraine;
2. une parfaite Intégrité, avant, pendant et après chaque effort commun;
3. la même Christologie: la doctrine du Christ qui affirme sa pleine divinité et sa pleine humanité;
4. la même Ecclésiologie: la doctrine de l’Eglise dont sont membres les seuls convertis;
5. la même Pneumatologie: la doctrine du Saint-Esprit donné à tous les chrétiens, à leur nouvelle naissance;
6. la même Sotériologie: la doctrine du salut, nous sommes sauvés par grâce, par le moyen de la foi personnelle, seule, et non par les ouvres;

Nous vivons dans une fin de siècle passionnante, mais difficile. Heureusement Dieu veille sur son Eglise, et rien ne peut la détruire. Que nous soyons toujours davantage unis au vrai Cep pour porter les fruits de l’Esprit, dont l’amour…

G. D.

Écrit par


Introduction

Suite au premier article de ce numéro intitulé « L’ocuménisme dans la Bible, le bon et le mauvais », ainsi que le deuxième « Ocuménisme d’hier et d’aujourd’hui », nous voulons, dans cette troisième partie, comprendre ce qui se passe dans le domaine ocuménique en cette fin de siècle.

D’abord, nous jetterons un coup d’oil sur les efforts ocuméniques que déploie actuellement l’Eglise romaine, et ensuite nous donnerons un aperçu de quelques projets du Conseil Ocuménique des Eglises (COE) pour les prochaines années. En conclusion, nous essayerons de relever quelques attitudes, décisions et/ou positions, souvent ambiguës, que les églises professantes pourraient facilement adopter ou accepter – presque sans s’en rendre compte -et qui risquent d’obscurcir la pureté du message de l’Evangile et la doctrine biblique de la séparation.

a. Efforts ocuméniques actuels de l’Eglise Romaine

Après Vatican II…

Le concile de Vatican II (1962 -1965) a certes fait naître beaucoup d’espoir chez tous ceux qui croyaient à l’ocuménisme. Cependant, après le pape Jean XXIII, son successeur Paul VI a été dans l’ensemble plus réticent pour laisser entrer par les fenêtres ouvertes du Vatican l’air frais tant désiré par Jean XXIII. Aussi, tout le monde s’attendait-il à l’avènement de quelques merveilles dans le domaine ocuménique dès l’arrivée de Jean-Paul II, en 1978. Venant d’un pays communiste et grand voyageur devant l’Eternel, ce pape pèlerin promettait beaucoup de par ses contacts médiatiques et ocuméniques. Hélas, les ocuménisants de tous bords furent rapidement déçus, et l’on a commencé à parler d’un « hiver ocuménique papal ».

Décrets conciliaires observés

Cependant, les décrets de Vatican II – surtout ceux d' »Unitatis Redintegratio » (1) concernant l’ocuménisme – n’ont pas été mis en quarantaine. Aussi, après avoir bien précisé dans le « nouveau » Catéchisme (2) que rien des dogmes romains n’a été abrogé, Rome a fait publier le « Directoire ocuménique » (3) en 1994. Dans cet ouvrage, des précisions sont offertes aux évêques catholiques et aux comités locaux qui les secondent, dans le but clairement affiché de faire avancer l’ocuménisme entre catholiques, orthodoxes et protestants. Le Conseil pontifical pour la Promotion de l’Unité des Chrétiens, dont le président actuel est le cardinal Cassidy, doit être régulièrement informé de tout ce qui se fait sur le terrain dans les diocèses du monde entier.

Lettre apostolique et encyclique: « Qu’ils soient un »

Suite au « Directoire ocuménique », Jean-Paul II rédigea sa lettre apostolique, « Tertio millennio adviente », sur le Jubilé de l’An 2000, ainsi que son encyclique sur l’ocuménisme: « Qu’ils soient un ». D’après ces ouvrages, la plus grande préoccupation du pape actuel serait de créer l’unité visible de la chrétienté pour l’an 2000. Dans sa lettre apostolique, le programme est bien défini. Après les années de préparation de 1997, 98 et 99, pendant lesquelles Jésus-Christ, l’Esprit Saint et le Père seront respectivement honorés, en l’An 2000, de grandes manifestations pan-chrétiennes avec Musulmans et Juifs sont prévues à Jérusalem et au mont Sinaï. Puis à Rome, un grand congrès eucharistique terminera le Jubilé.

Primauté du pape mise en question?

Pour la réalisation d’un tel programme, Jean-Paul II semble être prêt à déplacer les montagnes (sauf les 7 collines de la ville éternelle!). Les péchés du passé sont regrettés – sans toutefois être nommés, (inclut-il donc l’Inquisition et les persécutions des protestants promulguées par Rome?) – et même la primauté du pape peut actuellement devenir, éventuellement, « un objet d’études », dans l’ensemble du mouvement ocuménique. Peut-être pour mieux la comprendre? Disons que depuis cette ouverture, les propositions sont nombreuses. Un théologien luthérien verrait le pape comme « patriarche d’Occident » (déjà l’un de ses titres), ce qui dévoile jusqu’où certains protestants seraient prêts à accepter le pape comme chef des églises occidentales (4).

Malgré cette humble proposition du pape, il semble que son infaillibilité « ex cathedra » ne soit pas remise en question. Le pape entrouvre même la porte à une déclaration « ex cathedra » à la fin de ce siècle. Cela serait rendre témoignage à la vérité, et servirait l’unité (5)
Mais comment le COE voit-il toute cette préparation?

b. Sur l’agenda du COE: ocuménisme à la catholique ?

La plupart des églises non catholiques n’ont pas réagi de façon particulièrement chaleureuse vis-à-vis de l’encyclique de Jean-Paul II, « Qu’ils soient un ». Konrad Raiser, le secrétaire général actuel du COE. aurait dit personnellement au pape, lors d’une de ses visites à Rome, que c’était un « ocuménisme à la catholique ». Malgré « l’ouverture » du pape concernant sa primauté, il ne semble pas que les églises non catholiques vont « mordre » à cet appât sans beaucoup réfléchir auparavant.

Unité visible recherchée à Graz en 1997

Par ailleurs, le COE s’intéresse davantage au « concret » qui sera vécu à Graz du 23 au 29 juin 1997, organisé par « toutes les Eglises chrétiennes » de « tous les pays d’Europe » (6);et dont le thème est « la réconciliation, don de Dieu, source de vie éternelle ». Après le même genre de rassemblement à Bâle, il y a 7 ans, sur « la paix, la justice et sauvegarde de la création » le problème de la réconciliation, surtout en Europe – l’ex-Yougoslavie s’impose! – est plus « spirituel ». Nous apprenons qu’anglicans, baptistes, luthériens, méthodistes, orthodoxes, réformés, vieux catholiques et pentecôtistes font partie de la « conférence des Eglises européennes » (la K.E.K.) qui organise « Graz » avec le C.C.E.E. (Conseil (Catholique) des Conférences Episcopales Européennes).

Parmi les thèmes principaux du Rassemblement, la recherche d’une « unité visible » entre les Eglises, et le dialogue avec les religions et les cultures, sont parmi les premiers objectifs cités. Ce Rassemblement pense-t-il devancer le pape en créant avant lui l’unité visible des Eglises? Ou Graz est-il juste une étape de plus dans la préparation de l’unité visible dont le pape cueillera le fruit mûr en l’an 2000?

Proposition d’un Concile universel en l’an 2000

Par ailleurs, Monsieur Raiser propose la mise en place d’un Concile chrétien universel pour l’an 2000 afin de surmonter les problèmes qui divisent les Eglises. Au fond, le but d’un tel concile est toujours l’application du document du Pérou, le fameux B.E.M. (7) (Baptême, Eucharistie, Ministère). Un tel Concile, estime K. Raiser, donnerait l’occasion de parler de la question de la primauté du pape.

Multiplicité de rencontres inter églises

En attendant les grandes dates ocuméniques telle que Graz, ainsi que la réalisation de grands projets, comme ce désir de Concile en l’an 2000, les rencontres inter-églises se multiplient partout dans le monde. Chaque fois que les catholiques peuvent être présents, ils le sont. Ils accomplissent ainsi les projets du Vatican II et les directives proposées dans la Direction Ocuménique, dont nous avons parlé plus haut. La « politique » organisant ces rencontres n’oublie pas non plus les autres religions, ni, d’ailleurs, les problèmes éthiques.

Quant à ce dernier sujet, certains chrétiens pensent qu’il offre un bon terrain d’entente pour faciliter la création de l’unité visible, mais sachons que M. Konrad Raiser craint que le « problème » de l’homosexualité dans les églises – faut-il, oui ou non, pleinement accepter homosexuels et lesbiennes comme membres des églises? – ne divise davantage la chrétienté! Or, le fait même de soulever une telle question, comme si les églises avaient le droit d’accepter ou de rejeter un péché semblable, selon leur propre goût, nous fait comprendre que même le COE a des tendances amorales (8).

Besoin de tolérance dans le monde

En terminant cette section de notre article, nous ajoutons encore ce mot. Dans notre monde, le besoin de tolérance se fait cruellement sentir. Le genre humain est abreuvé de violence. Les médias, visuels et écrits, s’en chargent si bien, et… si mal! Aussi, le désir de plus de tolérance devient-il, dans le cour de tous, comme une nécessité impérieuse.

Or, en général, le mouvement ocuménique s’attaque aux divisions d’ordre religieux, ethnique et même culturel – afin d’essayer de les supprimer. Le monde entier donc applaudit, et les églises évangéliques ne restent pas sans réagir favorablement aux efforts déployés pour créer enfin la compréhension et la paix entre tous.
Dans ce sens-là, nous aussi, nous souhaitons la réussite des pourparlers organisés dans ces buts: ne désirons-nous pas la paix encore plus que les autres? Ce qui contribue à faire régner la justice et la paix, aussi bien que la liberté, l’égalité et la fraternité sur notre planète Terre, ne saurait être vu de mauvais oil par un chrétien évangélique.

Quelle est la manière de faire de Dieu?

Mais – et voilà ce que nous devons surtout comprendre – ce n’est pas ainsi que viendra le Royaume de Dieu sur la terre. Ce n’est pas la mission que le Seigneur ressuscité a confiée à ses apôtres sur le mont des Oliviers (voir la fin de Mat 28 et de Luc 24). Si nos yeux ne sont pas éclairés par la parole de Dieu, nous pourrons facilement tout confondre et perdre de vue irrémédiablement le véritable objectif du peuple de Dieu sur la terre depuis l’Ascension de Jésus-Christ: prêcher en Son nom à toutes les nations la repentance en vue du pardon des péchés (Luc 24.47).

Dans la dernière section de cet article nous dévoilerons quelques pièges dans lesquels les chrétiens des églises professantes pourraient facilement tomber, tout en conservant le sincère désir d’honorer Dieu.

c. Pour que les évangéliques ne soient pas pris au piège

Slogans « spirituels » tentants

« Aujourd’hui on ne peut plus vivre en vase clos ». Comme l’on se sent aujourd’hui dépendant des autres! L’autonomie dans le sens strict du terme n’est guère possible. Aussi, le COE en appelle-t-il au monde évangélique pour qu’il fasse route avec les autres églises, et insiste sur l’importance de la présence évangélique en son sein. Ce discours est-il vraiment sans arrière-pensées? Quoi qu’il en soit, certains évangéliques se laissent emballer – que cela soit pour le COE, ou pour Graz, ou même pour une exposition sur la Bible dans une localité, car le cri retentissant, « l’union fait la force » et, « plus on est nombreux, plus on est fort », l’emporte. On oublie si vite les promesses de Dieu dans des textes bibliques, tels que 1 Sam 14.6, 2 Chron 14.10 et Zach 4.6, où Dieu se montre le Dieu des faibles, des minorités et du petit nombre. Heureusement que, par exemple, comprenant l’appel de Dieu, quelques évangéliques ont vu clair pour la mission « Ascension 96 » à Lyon, avec la « Tente de l’Unité », et n’ont pas collaboré pour un effort en commun, même si le but avoué était d' »annoncer ensemble Jésus-Christ »,

Evangéliser la terre entière avant l’an 2000

Evangéliser tous ensemble paraît aujourd’hui un sine qua non, puisque d’ici l’an 2000, l’Eglise de Jésus-Christ devrait saturer la terre du message de l’Evangile. Toutefois, cet objectif peut facilement évoluer en un activisme fébrile. On est prêt parfois à s’associer à presque n’importe quoi, et avec n’importe qui, afin d' »évangéliser » le monde entier. Une multiplicité d’organisations se sont créées ces derniers temps pour accomplir la tâche – dont des mouvements comme « AD 2000 », « DAWN » et l’organisation sour française « AUBE », « Evangélisation 2000 », présidée par le prêtre Tom Forrest, etc.

Si, comme fruit des efforts évangéliques, nous nous réjouissons déjà de penser que des millions de personnes par tout le monde auront entendu au moins une fois parler de Jésus-Christ, nous craignons cependant que dans le tohu-bohu d’activisme ainsi engendré, les évangéliques ne sachent se démarquer du monde religieux. Deux voix se feront donc entendre en même temps, vite rangées par le grand public sous le même chapiteau. L’une annoncera l’Evangile, tel qu’il est présenté dans les Ecritures, et l’autre parlera d’activités religieuses ou de sacrements qui seront un autre évangile, qui n’est pas l’Evangile. Ce problème de deux « évangiles » existait au temps où l’apôtre Paul évangélisait les Galates (voir Gal 1.6-10). La même situation demeure 1950 ans plus tard. Plus que jamais!

Qu’est-ce que l’Evangile

L’article « Evangelism », dans le Dictionnaire du Mouvement Ocuménique (Dictionary of the Ecumenical Movement, 1991, WCC Publications, Geneva), quoique intéressant et informatif, n’arrive pas à clairement définir ce qu’est évangéliser, ni ce qu’est l’Evangile. Dans l’ensemble, pour le COE, évangéliser c’est informer de Jésus-Christ qui réconcilie le monde à Dieu. L’appel à se repentir, à croire et à accepter le message de Dieu, répondant individuellement à l’ordre du Seigneur pour recevoir le pardon de ses péchés, est singulièrement absent. Avant donc de partir ensemble « évangéliser » il serait sage d’apprendre d’abord ce qu’est l’Evangile pour les camarades de route. Quelques surprises pourraient nous être réservées.

Les marches pour Jésus

Innovée à Londres dans le quartier malfamé de Soho en 1986 par Roger Forster afin d’annoncer l’Evangile de façon plutôt originale aux habitants malheureux de ses rues, la première « Marche pour Jésus » (officielle) était une grande réussite. L’Eglise était allée vers les perdus.

L’idée a pris racine et, quelques années plus tard, des millions de gens auraient « marché pour Jésus » le samedi 25 mai 1996 dans 170 pays et dans plus de 2000 villes. Dans la seule ville de Sao Paulo, on estime que 2 millions de chrétiens ont défilé.

Que Dieu nous garde de critiquer un tel élan, mais si, selon notre source d’information (9), cet événement mondial est « principalement soutenu par les Eglises et organisations évangéliques », que faire quand « de nombreux fidèles d’autres Eglises y participent aussi »? Le prophète Amos, 7 siècles avant Jésus-Christ, rappelait à ses contemporains que deux personnes ne peuvent marcher ensemble sans en être convenu, ou sans être d’accord. Amos donc nous appelle à la vigilance. Personnellement, avant de me mettre en route avec quelqu’un pour rendre témoignage au Seigneur Jésus, je veux savoir avec qui je rends témoignage ainsi que la nature du témoignage que nous devons rendre ensemble.

Il y a quelque temps, à Zurich, les catholiques qui participaient à une marche portaient un crucifix. Or les statues n’ont aucune place dans une manifestation chrétienne et Dieu lui-même les interdit totalement dans le deuxième des dix commandements. Un chrétien voulant obéir au Seigneur a-t-il le droit de s’associer à une telle effigie? D’autant plus qu’il s’agit d’une représentation de Dieu même, objet de culte!

Et que fera-t-on quand certaines « marches » deviendront des pèlerinages? Marches et pèlerinages peuvent rapidement devenir cousins germains. Il y a quelques années, des évangéliques allaient organiser une marche en Grande Bretagne du nord au sud et de l’est à l’ouest, pour « marquer le Royaume Uni d’une très grande croix ». Jeunesse en Mission parle de reprendre la route des Croisés d’il y a quelque 900 ans, en passant par Istanbul, avec l’objectif de demander pardon des erreurs commises autrefois lors des Croisades du Moyen Age… Certes les Croisés ont commis des exactions, mais sur quelle base biblique est organisée une telle « longue marche »? Les évangéliques d’aujourd’hui sont-ils responsables des péchés de la chrétienté d’autrefois?

Semaines de prière: laquelle est « la bonne »?

Les mêmes réserves s’appliquent à la prière. « Prier ensemble » ou « être ensemble pour prier » est un genre de jeu de mots, (employé par Rome en 1986 pour justifier l’appel du pape à une réunion de prière syncrétiste à Assise) qu’un évangélique trouve inacceptable. Si un chrétien ne prie pas Dieu au nom de Jésus, sa prière ne peut être exaucée. Et si quelqu’un ne prie pas seulement au nom de Jésus – mais affuble sa prière de Marie ou de quelque « saint » – sa prière ne peut être pure. Certains catholiques prient seulement Jésus en votre présence; puis, ailleurs, s’adressent aux saints.

C’est ainsi que des églises de professants ne sauraient se joindre aux catholiques lors de la Semaine de prière de l’Unité des Chrétiens, la 3e semaine de janvier.

« Evangéliques et catholiques ensemble »

Tel est le titre d’une déclaration faite en 1994 et qui a été signée par plusieurs évangéliques notables et par quelques « pères » catholiques. Malgré le contexte américain, qui a beaucoup influencé, le document choque. Les catholiques sont considérés par les signataires évangéliques comme chrétiens nés de nouveau, et l’Eglise romaine donc comme l’une des nombreuses dénominations chrétiennes.

Déjà l’attitude de Billy Graham va dans ce sens. Depuis un certain nombre d’années, bien des catholiques sont parmi les « conseillers » des rallyes de Billy Graham, et sont censés expliquer l’Evangile à ceux qui répondent à l’appel donné en fin de réunion. Ce qui inquiète plus d’un évangélique…

Dans un sens, le document « Evangéliques et catholiques ensemble » ferme la porte à l’évangélisation des catholiques. Bien sûr, l’appel à la « conversion » des catholiques a été lancé dans les écrits de Jean-Paul II et d’autres catholiques. Seulement, leur « conversion » n’est pas celle de la Bible, car la leur est inséparable de l’Eglise (romaine). Or l’exemple du « bon larron » sur la croix qui reçoit la promesse du paradis sans l’Eglise, montre une fois pour toutes que le Seigneur seul sauve, et que l’Eglise ne véhicule jamais le salut, comme le déclare malheureusement l’Eglise catholique.

Pour une excellente compréhension de cette déclaration, « Evangéliques et catholiques ensemble », et pour saisir les dangers contenus dans le document, nous recommandons vivement l’évaluation de Bernard Dodler (écrire à CRIE, BP 1422, F-68071 Mulhouse).

Conclusion

Il devient évident que les évangéliques d’aujourd’hui « non-conformistes » par rapport à la pensée du monde religieux et profane, risquent fort d’être traités de sectaires, de bigots, d' »antis », etc.. Mais les Evangiles ne nous avertissent-ils pas de ce genre de réaction?

Cependant, ce que nous ne devons pas oublier, c’est la porte actuellement grande-ouverte – grâce au mouvement ocuménique (!) – pour rendre témoignage au monde religieux, tout en dénonçant ce qui est contre la Parole de Dieu.

Nous croyons qu’une prise de position fermement maintenue, et expliquée de manière compréhensible par des paroles accompagnées de grâce, assaisonnées de sel, comptera pour beaucoup auprès des frères évangéliques à moitié séduits. En même temps, nos bonnes paroles pourront aussi aider les personnes religieuses enivrées du vin ocuménique à voir clair et à saisir l’enseignement de la Parole de Dieu.

C’est aussi la mission que Dieu nous confie aujourd’hui.

P. W

1 Vatican II. Les 16 documents conciliaires. L’ocuménisme, Chapitre 1 p. 499. 1967. Fides.
2 Catéchisme de l’Eglise catholique. 1992. MAME/PLON.
3 Directoire Ocuménique. 1994. Cerf.
4 BSS N° 950 du 26 juin 1996. p. 3/4.
5 Jean-Paul II. Qu’ils soient un. Paragraphe 94. 1995. Bayard Editions/Centurion.
6 BSS ND 951 du 3 juillet 1996. La lettre de Graz, p. 5-8
7 Ce document, publié en 1982 par les Presses de Taizé et le Centurion, est le résultat de 50 années de travaux de la Commission Foi et Constitution du COE. Son but est de faire reconnaître au sein de la chrétienté un même baptême, une même eucharistie et un même ministère dans toutes les églises. Ainsi un nourrisson, baptisé chez les Réformés, par un ministre anglican, devrait pouvoir plus tard prendre sans problème l’hostie catholique.
8 BSS ND 929, du 13 décembre 1995. p. 4
9 BSS ND 948 12 juin 1996 p. 3

Écrit par


Peu de personnages de l’Ecriture sont aussi contrastés qu’Elie et Elisée. Si Elie est le prophète solitaire par excellence (voir dernier numéro de Promesses), Elisée est le prophète du peuple. Alors qu’Elie vivait toujours à l’écart du peuple, Elisée est constamment entouré d’hommes.

Cet aspect « communautaire » du prophète ressort tout au long de son ministère et même avant. Ainsi, lors de son appel (1 Rois 19.19-21), nous le voyons intégré à une équipe de douze laboureurs: Il y avait devant lui douze paires de boufs, et il était avec la douzième et son attachement à sa famille est relevé: Elisée, quittant ses boufs, courut après Elie et dit: Laisse-moi embrasser mon père et ma mère, et je te suivrai. Il invite aussi le peuple à partager un repas communautaire suite au sacrifice de ses boufs: Il fit cuire leur chair et la donna à manger au peuple.

Plus tard, quand Elie va être enlevé au ciel, Elisée refuse de quitter son maître, alors que celui-ci lui demande à trois reprises de le laisser seul (2 Rois 2.2, 4, 6). Le contraste du caractère social/antisocial des deux hommes est particulièrement manifeste dans ce récit. Autant Elie insiste à être seul, autant Elisée refuse de le quitter: Elie dit à Elisée: Reste ici, je te prie, car l’Eternel m’envoie jusqu’à Béthel. Elisée répondit: L’Eternel est vivant et ton âme est vivante! je ne te quitterai point. Relevons que cette désobéissance aux ordres d’un prophète (dans 1-2 Rois) n’est pour une fois pas punie, mais au contraire récompensée. Elie fait à son disciple une offre des plus généreuses: Demande ce que tu veux que je fasse pour toi, avant que je sois enlevé d’avec toi (2 Rois 2.9). Sur quoi, Elisée manifeste son désir d’avoir une double portion de l’Esprit. Devant cette réponse, Elie précise que la demande ne sera agréée que si tu me vois pendant que je serai enlevé d’avec toi. En d’autres termes, le ministère puissant d’Elisée ne sera possible que s’il reste attaché à son maître jusqu’à son départ.

Après l’enlèvement d’Elie, Elisée traverse le Jourdain et retourne vers les hommes pour vivre avec eux. Il séjourne à Jéricho (2 Rois 2.15-22), à Sunem (2 Rois 4.8-10), à Guilgal (2 Rois 4.38), à Dothan (2 Rois 6.19) et à Samarie à plusieurs reprises (2 Rois 2.25; 5.3, 9; 6.32).

Alors qu’Elie échappait à toutes les recherches, Elisée est abordable. Quand on a besoin de lui, on sait toujours où le trouver. La veuve qui risque de perdre ses deux enfants peut, sans difficulté apparente, s’adresser à lui (2 Rois 4.1, 7). La Sunamite qui a fait construire une chambre en dur pour accueillir le prophète sait où le trouver lorsqu’il n’est pas chez elle (2 Rois 4.22-25). Même la petite fille juive prisonnière des Syriens sait où loge le prophète itinérant (2 Rois 5.3).

Elisée peut être trouvé, non seulement par les gens du peuple, mais aussi par les rois d’Israël. Lors du siège de Samarie, le roi sait où chercher Elisée pour l’arrêter (2 Rois 6.31-32). Peu avant la mort d’Elisée, le roi peut lui rendre une visite de courtoisie (2 Rois 13.14). Encore plus étonnant est la facilité avec laquelle les rois d’Israël, de Juda et d’Edom, égarés en plein désert avec leurs armées lors de leur campagne contre Moab, trouvent Elisée (2 Rois 3.9-11). Finalement, même les étrangers ennemis d’Israël découvrent rapidement son lieu de résidence quand ils veulent l’arrêter (siège de Dothan: 2 Rois 6.13-14). Du début jusqu’à la fin de son ministère, Elisée vit au milieu du peuple et quiconque le cherche peut le trouver rapidement.

Un ministère de grâce

Elisée se distingue aussi d’Elie par son ministère. Alors qu’Elie prononçait essentiellement des paroles de jugement à l’égard des rois d’Israël, Elisée apporte au peuple délivrance sur délivrance. Elisée est présent avec le peuple, non seulement physiquement, mais aussi de cour. Il assainit les eaux du Jourdain (2 Rois 2.19-22), sauve trois armées de la mort en leur donnant de l’eau (2 Rois 3), aide une veuve à payer ses débiteurs pour éviter l’esclavage à ses enfants (2 Rois 4.1-7), donne un fils à une femme stérile, puis ressuscite cet enfant de la mort (2 Rois 4.8-37), purifie en temps de famine un repas empoisonné (2 Rois 4.38-41), multiplie à satiété une nourriture peu abondante (2 Rois 4.42-44), délivre un étranger de sa lèpre (2 Rois 5), permet à un pauvre de retrouver son bien perdu (2 Rois 6.1-7), renseigne régulièrement le roi d’Israël des embûches syriennes (2 Rois 6.8-10), libère une ville israélienne -Dothan – du siège ennemi (2 Rois 6.14-19), épargne les soldats syriens piégés à Samarie non seulement de la mort, mais leur donne à manger (2 Rois 6.21-23), prévient les habitants affamés de Samarie de la fin rapide du siège ennemi (2 Rois 7.1), puis, juste avant de mourir, il annonce au roi d’Israël une série de victoires sur ses ennemis (2 Rois 13.14-19).

Même le souvenir d’Elisée suscite la délivrance, puisque le rappel de la résurrection du fils dé la Sunamite permet à celle-ci de retrouver ses biens avec tous les revenus du champ (2 Rois 8.1-6). Mieux encore: même un an après sa mort, les os d’Elisée donnent encore la vie à un homme qui vient de décéder (2 Rois 13.20-21).

Lien étroit entre Elie et Elisée

Le contraste entre Elie et Elisée est manifeste; il saute même aux yeux. Cependant, on aurait tort d’opposer ces deux hommes. En premier lieu, il faut pondérer l’affirmation qu’Elie est le prophète du jugement et Elisée le prophète de la grâce. Certes, Elie est principalement le prophète du jugement, mais il a aussi sauvé, ne serait-ce qu’une fois, une personne. La résurrection du fils de la veuve de Sarepta est d’ailleurs très semblable à la résurrection du fils de la femme de Sunem par Elisée. Les deux hommes aident dans un premier temps une femme (la première est veuve, pauvre et étrangère, alors que la seconde est mariée, riche et israélite). Quand le fils unique de ces femmes meurt, ces dernières s’adressent à l’homme de Dieu sous forme de reproche (envers Elie: Qu’y a-t-il entre moi et toi, homme de Dieu? Es-tu venu chez moi pour rappeler le souvenir de mon iniquité, et pour faire mourir mon fils? (1 Rois 17.18); envers Elisée: Ai-je demandé un fils à mon seigneur? N’ai- je pas dit: Ne me trompe pas? (2 Rois 4.28). Enfin et surtout pour ressusciter l’enfant, le comportement des deux prophètes est étrange. Tous deux font monter l’enfant dans leur chambre haute, puis s’étendent sur l’enfant à plusieurs reprises: Elie s’étendit trois fois sur l’enfant, invoqua l’Eternel (1 Rois 17.21), et Elisée monta, et se coucha sur l’enfant; il mit sa bouche sur sa bouche, ses yeux sur ses yeux, ses mains sur ses mains, et il s’étendit sur lui. Et la chair de l’enfant se réchauffa. Elisée s’éloigna, alla çà et là par la maison, puis remonta et s’étendit sur l’enfant (2 Rois 4.34-35).
D’autre part, même si Elisée est le prophète de la grâce, il a aussi prononcé quelques paroles de jugement: la malédiction d’un groupe d’adolescents moqueurs de Béthel (2 Rois 2.24), l’annonce d’une lèpre permanente pour Guéhazi, le menteur, et pour sa descendance (2 Rois 5.27), la divulgation d’une mort imminente pour l’écuyer incrédule du roi d’Israël (2 Rois 7.2, 17). Dans les trois cas, le jugement est fulgurant: (1) Deux ours sortirent de la forêt, et déchirèrent quarante-deux de ces enfants, (2) Guéhazi sort de la présence d’Elisée avec une lèpre blanche comme neige, (3) l’écuyer meurt moins de vingt-quatre heures après l’annonce du jugement, piétiné par le peuple qui se rue sur les biens abandonnés par les Syriens.

Jugement et grâce ne sont jamais placés dans dès compartiments étanches. Elie est majoritairement – et non pas exclusivement – le prophète du jugement et Elisée est d’abord – et non pas uniquement – le prophète de la grâce.

Le lien étroit entre Elie et Elisée ressort tout particulièrement dans le récit qui décrit l’ascension d’Elie. Elisée s’accroche à Elie jusqu’au bout. Rien ne peut le séparer de son maître, même pas les ordres de ce dernier. La double onction de l’Esprit demandée par Elisée dépend d’ailleurs d’un attachement total. Dès que son maître est parti, Elisée reprend le manteau d’Elie, signe du ministère de son prédécesseur, et l’utilise d’une manière analogue pour traverser miraculeusement le Jourdain. Ainsi ce texte qui introduit le ministère d’Elisée annonce une continuité parfaite entre les deux hommes. Aucune opposition ne peut être soupçonnée, alors même que leur ministère est si différent.

Rappelons, enfin, que la liberté de mouvements d’Elisée est un fruit direct du ministère d’Elie (voir Promesses 118). Devant les critiques répétées de ce dernier, les rois d’Israël ont fini par écouter ou du moins tolérer les prophètes de l’Eternel.

Cette unité/diversité entre Elie et Elisée est des plus intéressantes, car elle est caractéristique de l’unité et de la diversité que l’on trouve dans l’Ecriture et dans le corps de Christ.

L’unité entre l’Ancien et le Nouveau Testament

Elie annonce Jean-Baptiste (le dernier et plus grand prophète de l’Ancien Testament: Mat 11.11; Luc 7.28) tout comme Elisée annonce le ministère de Jésus-Christ. Le lien entre les deux premiers mentionnés ne nécessite aucun développement particulier puisque Jésus l’a clairement établit à deux reprises: Jean-Baptiste est l’Elie qui devait venir (Mat 11.14) et c’est celui qui est déjà venu (Mat 17.10-12; Marc 9.11-13). L’ange Gabriel avait aussi relevé le lien entre Jean-Baptiste et Elie lors de l’annonce de sa naissance à Zacharie il marchera devant Dieu avec l’esprit et la puissance d’Elie (Luc 1.17).

Quant au lien entre Elisée et Jésus, il est, peut-être, encore plus manifeste que celui qui unit Elie à Jean-Baptiste, même si le Nouveau Testament ne le relève pas. Non seulement un ministère de grâce accompagne les deux hommes, mais une multiplication des pains marque les deux ministères. Elisée a multiplié vingt pains pour nourrir cent hommes (2 Rois 4.42-44), alors que Jésus, avec moins de pains, a nourri une foule beaucoup plus nombreuse, et cela à deux reprises (Mat 14.19-21; 15.36-38). La similitude entre les deux miracles permet aussi (et peut-être surtout) de relever la supériorité du Christ par rapport au prophète vétéro-testamentaire. La même constatation peut être faite en ce qui concerne la vie donnée après la mort: les os d’Elisée ont ressuscité un mort: Comme on enterrait un homme…, on jeta l’homme dans le sépulcre d’Elisée. L ‘homme alla toucher les os d’Elisée, et il reprit vie et se leva sur ses pieds (2 Rois 13.20-21), alors que la mort du Christ donne la vie à tous ceux qui se confient en lui.

Le rapport jugement/grâce entre Elie et Elisée est le même qu’on trouve au niveau de l’Ancien et du Nouveau Testament. L’Ancien Testament souligne davantage la notion du jugement, mais la grâce est loin d’y être absente. Inversement, le Nouveau Testament souligne avant tout la grâce, mais les paroles de jugement s’y trouvent aussi en particulier dans les textes eschatologiques (Mat 24; Apoc). Voir une opposition entre l’ Ancien et le Nouveau Testament est tout aussi erroné que de voir une opposition entre Elie et Elisée. Il y a lien étroit malgré une différence d’accent évidente.

Diversité des ministères dans le corps de Christ

Finalement, cette unité/diversité caractéristique d’Elie/Elisée et de l’Ancien Testament/Nouveau Testament se retrouve au sein de l’Eglise. Unité n’est pas synonyme d’uniformité. Certains sont appelés à semer, d’autres à récolter. Certains sont plus gardiens, d’autres plus médecins. Les uns veillent au dépôt de la foi, les autres tendent les bras aux démunis. Aucune opposition entre les deux. Les deux sont nécessaires. Selon les besoins du moment, un vrai berger paîtra ses brebis ou les défendra contre les bêtes féroces, son seul souci étant le bien-être de ses protégés.

Trop souvent, malheureusement, le fidèle ignore, méprise et parfois même exclut un frère dont le ministère diffère du sien. L’attachement d’Elisée à Elie, alors même que leur ministère était tellement différent, doit nous servir d’exemple. Unis au Christ révélé dans les Ecritures, sachons apprécier la diversité de l’ouvre de son Esprit dans l’Eglise (cf. 1 Cor 12.11).

D.A.

Écrit par


Publié aux éditions « L’Age d’Homme »

C’est un lieu commun, pour une présentation de livre, d’affirmer « que c’est un ouvrage qui vient à son heure ». En ce qui concerne celui-ci, on pourrait presque déplorer qu’il arrive si tard, ou pour le moins reconnaître qu’il était urgent qu’un tel plaidoyer paraisse enfin. Il y a eu, c’est vrai, tout au long de l’histoire de l’Eglise, des hommes fidèles, pour prononcer des apologies du christianisme, ou de la Parole de Dieu; alors pourquoi aujourd’hui une apologie pour la loi de Dieu? Que d’aucuns se rassurent tout de suite: il ne s’agit nullement de « galatiser », de « judaïser », de « sabbatiser », de rétablir des ordonnances explicitement abrogées par le Christ ou encore d’une résurgence de l’hérésie pélagienne; non, Jean-Marc Berthoud n’a de cesse d’affirmer, selon l’enseignement du Nouveau Testament, que le salut s’obtient par la grâce, par le moyen de la foi, que l’homme est justifié par la foi, sans les oeuvres de la loi (Eph 2.8; Rom 3.28). « Nous croyons que la véritable adoration de Dieu n’a lieu maintenant qu’en Esprit et en vérité, sans prêtrise, ni médiation terrestre, ni renouvellement du sacrifice, et d’autre part nous n’avons plus besoin de la terreur du glaive pour rester fidèle a l’Alliance de notre Dieu » (p. 47).

Alors pourquoi revenir à la loi ?

Eh bien tout simplement parce que celle-ci est tout autant Parole de Dieu que l’Evangile et est pourtant en passe d’être oubliée, son rôle méconnu, son application rejetée. Fort des claires affirmations scripturaires énoncées ci- dessus, et si justement mises en valeur en son temps par nos hardis réformateurs, l’Eglise en est venue à progressivement mettre l’Ancien Testament au second plan, puis à l’opposer au nouveau, affirmant que dans le premier le salut proposé était un salut obtenu par les oeuvres, contrastant avec la proclamation d’un salut obtenu par la grâce dans le deuxième, comme s’il s’agissait de deux alliances différentes, incompatibles, opposées et contradictoires; n’entend-on pas parfois même parler du Dieu de l’Ancien Testament et du Dieu du Nouveau Testament? poussant ainsi jusqu’au bout la véritable schizophrénie spirituelle dans laquelle une partie de la chrétienté s’est enfoncée. Sans aller si loin, d’autres se sont installés dans un rationalisme pratique, choisissant non pas entre ce qui est inspiré ou non, ce qui est Parole de Dieu ou non, mais entre ce qui est actuel et ce qui ne le serait plus. Le résultat de ces attitudes est toujours le même: on retranche quelque chose à la Parole de Dieu, l’hérésie est ainsi à la porte! Jésus-Christ a pourtant affirmé avec force qu’il n’est pas venu pour abolir la loi ou les prophètes, mais pour l’accomplir. Car je vous le dis en vérité, tant que le ciel et la terre ne passeront point, il ne disparaîtra pas de la loi un seul iota, pas un seul trait de lettre, jusqu’à ce que tout soit arrivé (Mat 5.17-18), Comment en effet saurait-il y avoir contradiction entre Jésus-Christ, qui est lui-même Dieu, et le Dieu Créateur, Législateur et Sauveur donnant sa loi à Moïse.

Alors qu’est-ce que la loi ? Quel est son rôle ?

Relevons simplement au passage quelques pensées que Jean-Marc Berthoud développe dans son ouvrage. « La loi de Dieu est une loi dont l’application dépasse le peuple d’Israël. Si elle a été transmise par Moïse à Israël, elle l’a été pour tous les hommes, pour toutes les nations, car, cette loi étant de Dieu, révèle la pensée même de Dieu, et la pensée de Dieu établit l’ordre et le vrai sens de toutes choses, de toute création de Dieu. Elle est universelle » (p. 20).

« Les 10 commandements sont éternels, car ils sont l’expression de la personnalité même de Dieu. Les mêmes expressions sont employées pour décrire Dieu et sa loi. Tous deux sont proclamés être parfaits, saints, justes, bons, droits, éternels, immuables. Le décalogue est en conséquence l’expression des principes immuables et éternels de la justice qui appartiennent à la nature et au caractère même de Dieu » (p.30).

« Cette loi a autorité sur tous les hommes, croyants ou non, quel que soit l’état de leur culture, l’époque de leur existence, leur haine ou leur attachement à Dieu. L’obéissance aux commandements conduit au bonheur, la désobéissance conduit au malheur. Le malheur extrême des hommes vient de ce qu’une telle volonté de Dieu pour nous est que nous soyons parfaits comme lui. Mais cette perfection est totalement inaccessible à l’homme pécheur. En Christ, elle nous est accessible par la foi, foi qui permet à la perfection du Seigneur d’être mise gratuitement sur notre compte. Par la foi nous avons accès à l’obéissance sans faille du Fils de Dieu fait homme pour notre salut » (p.51).

En effet, la loi de l’esprit de vie en Jésus-Christ m’a affranchi de la loi du péché et de la mort. Car chose impossible à la loi, parce que la chair la rendait sans force, Dieu a condamné le péché dans la chair, en envoyant, à cause du péché, son propre Fils dans une chair semblable à celle du péché, et cela afin que la justice de la loi fût accomplie en nous, qui marchons, non selon la chair mais selon l’esprit (Rom 8.2-4).

N’est-il donc pas de première urgence que le chrétien retrouve, médite et s’imprègne profondément de l’Esprit de la loi de Dieu? « Une des tâches les plus urgentes à l’heure actuelle serait de définir, selon l’enseignement de l’Ecriture, tout ce qui, dans la loi de Dieu, garde aujourd’hui une force contraignante, tant pour la vie du chrétien dans l’Eglise et dans le monde, que pour l’exercice public du pouvoir. Car c’est de l’obéissance au détail de la Parole de Dieu que découle la bénédiction du Seigneur. Ainsi l’Eglise de Dieu pourrait revenir sur le chemin qui la rétablirait comme sel de la terre et lumière pour ce monde, pour les autorités de ce monde » (p. 48).

Puisse ainsi cette « Apologie de la Loi de Dieu » réveiller la conscience, susciter la réflexion de tout chrétien sur le but de son salut, qui est la pratique non seulement dans sa famille ou dans son église, mais encore dans le monde, d’ouvres préparées d’avance par Dieu, dans le but de le glorifier dans toute la création, qui lui revient de droit, non seulement comme Créateur, mais encore comme Rédempteur. Cet ouvrage nous y aide grandement, et c’est ainsi que sa publication ne sera pas arrivée trop tard…

Olivier WETTER

Écrit par


Introduction

Voici comment le « Petit Robert » définit l’ocuménisme: – « Mouvement favorable à la réunion de toutes les églises chrétiennes en une seule ». Cette définition est elle-même discutable, et il est évident que, dans ce sens restreint, il n’y a pas d’ocuménisme dans la Bible. Pour le N.T., l’église universelle de la Nouvelle Alliance est une réalité spirituelle, et les églises locales sont unies par des liens spirituels, et non administratifs.

Cependant, dans un sens plus large il y a bien un « ocuménisme » dans la Bible, ou plutôt il yen a deux, l’un bon et l’autre mauvais. Signalons que le mot grec « oikoumené » veut dire « terre habitée » ou « habitable », et qu’il est employé assez souvent dans la LXX (version grecque ancienne de l’A.T., datant d’avant J.-C.), surtout dans les Ps (ex. 24.1, la terre), et dans Esaïe. La première mention est dans Ex 16.35; Israël a mangé la manne jusqu’à son entrée dans la terre (promise). Dans le N.T. il désigne l’Empire Romain (Luc 2.1), et la terre entière (Luc 4.5), où il est traduit par « monde » (Colombe). A partir du 4e siècle les Pères de l’Eglise ont employé ce terme pour désigner la totalité de la réalité ecclésiastique de leur époque (les « conciles ocuméniques » rassemblaient idéalement des représentants de toutes les églises), et enfin il a été repris au XXe siècle dans le cadre de la recherche de l’unité de toutes les églises dites « officielles ».

Mais le bon ocuménisme est la reconnaissance réciproque, franche, et loyale, de l’autre en tant que serviteur de Dieu authentique. Il est opposé à l’exclusivisme et à l’étroitesse d’esprit. Le mauvais est la confusion entre la religion révélée et les religions humaines, même si elles se disent « chrétiennes ».

I. L’ocuménisme dans l’Ancien Testament

Le premier, et peut-être le meilleur exemple de bon ocuménisme dans la Bible, est la rencontre d’Abram et de Melchisédek dans Gen 14.17-20. Abram rentre en direction d’Hébron, de sa sortie courageuse où il a pu délivrer Lot et sa famille des mains de la confédération des rois du nord; il passe tout près de Jérusalem, d’où vient à sa rencontre le roi/sacrificateur Melchisédek. (L’identification de Salem avec Jérusalem est justifiée par le Ps 76.3, où Salem est assimilée Sion). La seule ombre au tableau est la présence du sinistre roi de Sodome, qui servira de contraste. Il faut peut-être insister sur le fait que ce Melchisédek est un être humain tout comme Abram; il n’est ni ange ni théophanie (apparition divine), même s’il constitue, avec d’autres personnages de l’A.T., une préfiguration de Christ. S’il n’était pas humain, il ne pourrait être ni roi de Jérusalem, ni sacrificateur (Héb 5.1). Lorsque le texte d’Héb 7.3 dit, à propos de Melchisédek, qu’ il est sans père, sans mère, sans généalogie, et qu’ il n’a ni commencement de jours, ni fin de vie, il ne faut pas en déduire que l’auteur de l’épître le croyait de nature angélique. Il utilise plutôt l’omission, par l’auteur de la Genèse, de ces données généalogiques, pour nous diriger vers la compréhension allégorique du roi de Salem, type du Fils éternel de Dieu.

Nous ignorons si Abram et Melchisédek se connaissaient déjà, ce qui n’est pas impossible. Le pain et le vin que ce roi fit apporter étaient naturellement destinés à restaurer les vainqueurs affamés. C’était un geste pratique de solidarité humaine, par lequel Melchisédek approuvait publiquement l’action énergique qu’avait menée Abram. Après ce geste de munificence royale, c’est le sacrificateur qui parle en bénissant Abram et son Dieu qui est aussi le sien. Car il faut remarquer que l’un comme l’autre, Melchisédek et Abram invoquent le Dieu Très-Haut, Maître du ciel et de la terre, qu’Abram appelle également l’Eternel, le Dieu de l’Alliance qui allait se révéler comme tel à Moïse au buisson ardent (Ex 3).

Leur reconnaissance mutuelle est basée sur leur foi commune au Dieu vivant qu’ils servent chacun dans sa situation respective. Ils n’ont pas ressenti le besoin de former conjointement une « super-église » avec quartier général à Jérusalem, Melchisédek comme PDG, et Abram comme secrétaire général! Dans une pleine communion, ils sont allés chacun son chemin selon la vocation que Dieu lui avait adressée. Melchisédek est rentré à Salem, et Abram a continué à parcourir en long et en large le pays qui lui était promis.

Est vraiment « ocuménique » celui qui reconnaît partout ses frères, et jouit d’une bonne communion avec eux dans le Seigneur, sans nécessité d' »unité » administrative – et sans confusion entre la parole de Dieu et la tradition des hommes. La vraie tradition est la communication de l’évangile de génération en génération, car le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob est celui des générations successives. En ce qui concerne les Pères de l’Eglise, et autres docteurs, faisons comme Calvin qui a cherché à obéir à l’injonction apostolique de tout examiner mais de ne retenir que ce qui est bon et conforme à l’Ecriture, sans prétendre à l’infaillibilité (1 Thes 5.21), ni mépriser les hommes que le Seigneur Christ a donnés à son église (Eph 4.11).

a. Mauvais ocuménisme: Josaphat et Achab

(1 Rois 22 et 2 Chron 18; 19.1-3)

En ce temps-là le peuple de Dieu était divisé entre le royaume de Juda au sud, dont Josaphat était un bon roi, craignant l’Eternel, et celui d’Israël (Samarie) dans le nord, avec le malheureux Achab, celui-là même qui avait épousé Jézabel, païenne idolâtre, et s’était déjà opposé au prophète Elie. Joram, fils de Josaphat, avait d’ailleurs épousé Athalie, fille d’Achab sur l’instigation de son père pour des raisons politiques (alliance contre la Syrie, l’ennemi commun).

En vertu de cette alliance politique mais impie, Josaphat et Achab étaient installés l’un à côté de l’autre dans toute leur gloire royale à la porte de Samarie, et assistaient à un « culte ocuménique » où les prophètes de Baal et d’Astarté disaient des mensonges au nom de l’Eternel. Mais dans un geste de ce qu’on appellerait aujourd’hui le « pluralisme théologique », Josaphat insistait pour que l’on fasse venir Michée, le seul vrai prophète de l’Eternel qui se trouvait alors dans le nord (à ne pas confondre avec son homonyme qui a écrit 150 ans plus tard). Celui-ci, après avoir ironiquement donné le même message de conformisme religieux que les faux prophètes, révéla qu’il venait d’assister à une scène royale autrement plus impressionnante et véridique que celle qui se jouait alors à Samarie; elle scellait le sort d’Achab, qui allait tomber au combat. Achab va tout faire pour que Josaphat soit tué à sa place, mais celui-ci sera sauvé de justesse, et la parole de Dieu s’accomplira, comme « par hasard » (2 Chron 18.33). Lorsque Josaphat est enfin rentré chez lui, le prophète Jéhu le rencontre, et lui reproche son alliance avec Achab: Doit-on secourir le méchant, et aimes-tu ceux qui haïssent l’Eternel? A cause de cela, l’Eternel est indigné contre toi (2 Chron 19.2).

Or, il est à craindre que le culte de Marie et des saints soit comparable à celui de Baal et d’Astarté, du moins sur le plan spirituel, qui est le plus important; Astarté était la reine du ciel… Cela ne veut pas dire bien entendu que tout catholique romain pris individuellement soit méchant, haïssant l’Eternel, mais nous parlons du système romain dans la mesure où il favorise la confusion religieuse, où le Seigneur Christ est déshonoré au profit d’un culte idolâtre qui relève de l’ancien paganisme. (Que ceux qui en doutent viennent faire un tour en Auvergne!). D’où le besoin d’une extrême prudence aujourd’hui dans nos pays où nos églises sont sollicitées par la sirène ocuménique. Les circonstances changent, mais les principes spirituels inculqués par la parole de Dieu demeurent toujours valables.

b. Au retour de la Captivité

(Esdras 4.1-5)

Les adversaires de Juda et de Benjamin étaient les Samaritains: non plus ceux du royaume de Samarie, qui étaient Israélites, ni encore ceux des Evangiles et des Actes, devenus monothéistes, mais des païens installés par les Assyriens à la place des tribus déportées du nord, en partie judaïsés, tout en retenant leur ancien paganisme (2 Rois 17.34 et 41): Ils craignaient l’Eternel, est-il dit, mais rendaient en même temps un culte à leurs statues. Il y a là, hélas, une ressemblance frappante avec le catholicisme romain.

Voici donc leur proposition ocuménique: Nous bâtirons avec vous, car comme vous, nous invoquons votre Dieu…, ce qui était une demi-vérité, mais aussi un vrai mensonge, car pour être invoqué droitement, Dieu doit l’être exclusivement, ce qui n’était pas leur pratique. Dieu n’aime pas les mélanges, comme nous l’enseignent les deux premiers commandements, (Ex 20.3-6). Aimer Dieu, c’est garder ses commandements, Si l’on nous accuse de légalisme, nous invoquerons les paroles de Christ: Il est écrit, tu adoreras le Seigneur ton Dieu, et à lui seul tu rendras un culte (Mat 4.10). C’est donc en vain que le Catéchisme de l’Eglise Catholique affirme: « Le culte des images saintes est fondé sur le mystère de l’Incarnation du Verbe de Dieu. Il n’est pas contraire au premier commandement » (2141); et (2131): « En s’incarnant, le Fils de Dieu a inauguré une nouvelle économie des images ». C’est exactement ainsi qu’une tradition humaine en vient à annuler la Parole de Dieu. Soyons donc clairvoyants et vigilants!

Zorobabel, Josué et les autres chefs ont-ils eu raison de répondre aux Samaritains: Ce n’est pas à vous et à nous de bâtir une maison pour notre Dieu: nous bâtirons nous seuls pour l’Eternel, le Dieu d’Israël (Esd 4.3)? Il est à craindre qu’aujourd’hui beaucoup de croyants les taxeraient tout simplement de sectaires, d’esprits étroits. Mais il ne faut pas oublier qu’en leur temps Zorobabel, le prince de Juda, et Josué, le grand sacrificateur, ont été des préfigurations de Christ (les deux oliviers de Zach 4.14), et ce n’est donc pas à la légère qu’on les condamnerait là où l’Ecriture s’abstient de le faire. Pour notre part nous sommes persuadés que c’est par l’Esprit de Christ qui était en eux qu’ils ont refusé cette collaboration contre nature avec des demi-païens étrangers au peuple de Dieu. N’oublions pas que ceux-ci étaient des « adversaires » (v.1), comme le démontre leur comportement (aux v. 4-5).

Dans les pays francophones comme la France et la Belgique où l’église romaine est très largement majoritaire, il est très tentant pour les évangéliques de vouloir sortir de leur isolement en collaborant à des projets communs tels que des expositions bibliques, etc. Mais, avant de s’y lancer, il faut bien peser le pour et le contre, en se laissant diriger par les principes spirituels qui se dégagent de l’Ecriture. Il faut, par exemple, se donner la peine de lire ce que l’Eglise Romaine dit d’elle-même dans son nouveau catéchisme, où elle se montre malheureusement incapable de renier son passé – ce qui n’empêche pas qu’on y trouve quelques belles pages, au sujet de la Trinité, par exemple.

II. « L’ocuménisme » dans le N. T. : la cohabitation, et ensuite la séparation de l’Eglise par rapport au Judaïsme

Il est indispensable de se rappeler que la partie historique du Nouveau Testament décrit un temps de transition entre l’Ancienne et la Nouvelle Alliance. Ce qui est normatif, ce sont les principes spirituels qui s’en dégagent. C’est ainsi que le Seigneur Jésus, né sous la loi (Gal 4.4), a toujours vécu en Juif pratiquant, tout en dénonçant la tradition des anciens lorsque celle-ci annulait la parole de Dieu; et ses apôtres ont suivi leur Maître en exerçant leur ministère dans la mesure du possible dans le Temple et dans les synagogues, jusqu’à ce qu’ils en soient chassés. Dans ce cadre, on peut parler d’un « ocuménisme » judéo-chrétien, car alors le « papillon » de l’Eglise se dégageait peu à peu du « cocon » du judaïsme.

Ceci dit, il faut tenir compte du fait que le judaïsme de l’époque n’était plus tout à fait la religion de Moïse et des prophètes, à cause précisément de ces couches progressives de traditions humaines qui s’y étaient ajoutées au travers des siècles. C’est ainsi que la démarche pédagogique du Seigneur Jésus comprenait un « décapage » très sérieux, comme on le voit par exemple dans Mat 5.21, 27, 31, 33, 38 et 43. Le Seigneur ne s’en prend pas, bien entendu, à la Loi de Dieu, mais à la mauvaise interprétation de celle-ci par les sacrificateurs et les scribes, dont on voit la glose à la fin des v. 21 et 43. Dès le début, il s’agissait donc d’une cohabitation critique où Christ et ses apôtres cherchaient à ramener Israël à la pure parole de Dieu, comme l’avaient fait Jean-Baptiste, et les Prophètes avant lui.
Mais ici intervenait quelque chose de nouveau: la Nouvelle Alliance promise par Jérémie 31.31ss. Elle a tout de suite rencontré une opposition farouche: Jean-Baptiste, le Précurseur du Seigneur, a été rejeté par les autorités religieuses, et exécuté par Hérode; ensuite ces mêmes autorités ont livré Jésus au procureur romain, et les apôtres ont été persécutés et chassés du Temple et des synagogues.

C’est ainsi qu’après une cohabitation temporaire, l’Eglise s’est progressivement séparée du judaïsme, car à l’époque la première représentait la religion élevée, et le second, la corruption de celle-ci par des traditions humaines. Depuis, l’Eglise « officielle » a eu largement le temps de se corrompre de la même façon et il ne faudrait pas que nous pensions être nous-mêmes à l’abri d’un traditionalisme stérile! Quoi qu’il en soit, tout cela était prévu et écrit d’avance: Es 6.9-10 est cité dans les 6 premiers livres du N.T.! C’est le douloureux mystère de l’incrédulité d’Israël qui perdure jusqu’à nos jours, mais qui prendra bientôt fin, comme nous promet Rom 11.

Puisque l’Evangile est pour le Juif premièrement (Rom 1.16), Paul a profité de la tribune que lui offrait la liberté de parole dans la synagogue pour annoncer l’Evangile, d’abord aux Juifs, puis aux prosélytes et aux païens craignant Dieu, dans chaque ville qu’il visitait. C’est seulement lorsqu’il en était rejeté qu’il réunissait les chrétiens à part. Paul allait aussi loin qu’il le pouvait dans sa conformité extérieure au judaïsme, en se faisant tout à tous; par exemple, il a circoncis Timothée, non parce qu’il croyait à l’utilité de la circoncision en soi, mais parce que la mère de celui-ci était juive, et Paul ne voulait mettre aucun obstacle à l’évangélisation de ses frères selon la chair. De même, il s’est plié (la mort dans l’âme?) aux exigences de ses frères judéo-chrétiens à son arrivée à Jérusalem (Act 21. 18ss) en pourvoyant aux dépenses de 4 hommes qui avaient fait un vou.

On ne saurait imaginer Paul devenu apôtre, en train d’entamer un dialogue ocuménique avec les autorités juives, afin de « réunir tous les enfants d’Abraham ». Il aurait objecté qu’Abraham eut deux fils, l’un esclave, et l’autre libre, et que l’esclave ne reste pas toujours dans la maison (Jean 8.35, Gal 4.22ss). Ce n’est que par la repentance et la foi en Christ, dons de l’Esprit, que l’on devient vrai enfant d’Abraham, que l’on soit juif ou non. Ceci nous amène à un exemple d' »ocuménisme » vraiment réussi dans le N.T .

Juifs et non-Juifs devenus un même corps en Christ

Jésus et ses disciples étaient tous juifs, comme l’étaient les membres des toutes premières églises, celles de Jérusalem et de la Judée. Mais déjà dans l’A.T. les prophètes avaient annoncé l’accession des nations à la foi (Deut 32.43 LXX), Nations, réjouissez-vous avec son peuple (voir Rom 15,10). Dès le début de son ministère, le Seigneur Jésus avait prédit l’entrée des païens dans l’Eglise (Mat 8.11: Plusieurs viendront de l’orient et de l’occident, et se mettront à table avec Abraham, Isaac et Jacob dans le royaume de Dieu; Jean 10.16: J’ai encore d’autres brebis qui ne sont pas de cette bergerie… il y aura un seul troupeau, un seul berger). C’est ainsi qu’après la Pentecôte, Philippe a été amené à évangéliser les Samaritains avec le succès que l’on sait (Act 8), et à baptiser l’eunuque éthiopien; Simon Pierre a été envoyé dans la maison de Corneille, centenier romain (Act 10 et 11), et a su convaincre ses frères judéo-chrétiens du bien-fondé de son action (Act 11.18: Dieu a donc accordé la repentance aussi aux païens).

De plus en plus il s’est avéré que l’on ne pouvait contenir le vin nouveau de l’Evangile dans les vieilles outres du judaïsme, et à Antioche des hommes hardis ont annoncé l’évangile avec succès aux Grecs (Act 11.19-21). En outre, Dieu préparait déjà son instrument en la personne de Saul de Tarse, devenu Paul, futur apôtre des nations (Act 9.15: Cet homme est pour moi un instrument de choix, afin de porter mon nom devant les nations…). Tout cela a préparé la première mission de Paul (Act 13 et 14), où Juifs et non-Juifs se sont convertis à Antioche de Pisidie, Iconium, et Lystre. Cependant, au retour de Paul et Barnabas à Antioche (de Syrie), il arrive ce qui devait arriver: Quelques hommes, venus de la Judée, enseignaient les frères en disant: Si vous ne vous faites pas circoncire selon la coutume de Moïse, vous ne pouvez être sauvés (Act 15.1). C’est ce qui a précipité le « Concile de Jérusalem », où Pierre et Jacques ont été les porte-parole du Saint Esprit pour maintenir la liberté chrétienne. Toute la question était de savoir si les païens étaient acceptés dans l’Eglise sans se convertir aussi au judaïsme. L’ordre donné aux chrétiens d’origine non juive de s’abstenir du sang (v. 29), était une mesure provisoire pour faciliter la coexistence de Juifs et de non Juifs dans les églises.

C’est ce même souci de cohabitation fraternelle et ocuménique qui a poussé Paul à montrer tant de zèle à organiser la collecte parmi les églises non juives, en faveur des chrétiens pauvres de la Judée. Il y voyait une façon pratique de susciter un véritable ocuménisme entre ces chrétiens et églises d’origine si diverse; et comme une anticipation de l’accomplissement de la prophétie d’Esaïe, qui prévoyait que les nations apporteraient leurs richesses à Jérusalem.

C’est ainsi que ce virage difficile a été négocié avec succès, grâce à l’assistance de l’Esprit Saint, et que Juifs et non Juifs ont pu vivre ensemble, dans l’Eglise, une réelle communion d’esprit. La condition d’une telle unité est que chacun soit prêt à abandonner la vaine manière de vivre qu’il a héritée de ses pères (1 Pi 1.18), et à marcher pleinement dans les voies que le Seigneur nous a indiquées dans sa Parole. Aujourd’hui les chrétiens et les églises peuvent s’unir dans la mesure où ils en font autant: Si vous savez cela, vous êtes heureux pourvu que vous le mettiez en pratique, Jean 13.17.

Voilà donc en quoi consiste le vrai et le bon ocuménisme.

C. P.

Écrit par


Nous espérons, chers lecteurs, que vous apprécierez la nouvelle « robe » de votre journal. Sous une forme résolument actuelle, elle illustre le fait que la grâce et les promesses de Dieu sont destinées à être reçues par tous les hommes, en tous temps, et en tous lieux.

En filigrane, la couverture de votre revue dit aussi que l’histoire marche vers un terme glorieux pour ceux qui attendent la venue du Fils unique de Dieu, et qu’il convient de s’y préparer.

Le thème principal du présent numéro, à savoir 1’OEcuménisme, est le développement de notre dossier sur l’Unité (voir numéro 117; 1996/3). A l’heure où tant de voix (dont celle du Souverain Pontife) nous exhortent avec insistance à entrer en dialogue, il n’est sûrement pas superflu de s’arrêter sur le sujet.

Mais au fait, sommes-nous réellement équipés pour entamer un dialogue de cette envergure? Je ne crois pas être le seul à penser que, contrairement à la situation qui prévalut à l’époque de la Réforme, les tenants de la foi biblique sont très mal préparés à aborder un débat dont ils puissent éviter d’être les dupes. Cela pour deux raisons majeures:
-le discours des partisans déterminés de l’ocuménisme semble si humble et si conciliant qu’il en devient désarmant;
-les évangéliques fondamentalistes sont de plus en plus nombreux à ne plus très bien savoir ce qu’ils croient, à ne plus connaître avec précision les fondements bibliques de la doctrine chrétienne, et à se désintéresser de ce que prônent et propagent leurs interlocuteurs potentiels.

D’où, à court terme (et sauf réveil salutaire), une accélération et une multiplication d’alliances de toutes sortes sont célébrées dans l’enthousiasme d’une réconciliation tragiquement bâclée et déficiente .

Chers lecteurs, le Seigneur nous appelle à le suivre, à rester fidèles à l’Ecriture seule, à prêcher par nos actes et par nos paroles, bref à l’aimer, à l’honorer, à le recommander. Ne nous laissons pas obnubiler par le sacro-saint dialogue ocuménique.

Cherchons à vivre en paix avec tous les hommes (Héb 12.14,. Rom 12.18), soyons prêts à rendre compte de notre foi si besoin est (1 Pi 3.15), mais ne nous laissons pas entraîner à des fraternisations auxquelles le Seigneur ne nous convie pas. Nous avons pris la peine de décrire la nature et les conditions de la véritable unité (voir Promesses no 117): à chacun de nous maintenant de la favoriser avec toutes les ressources d’En haut (cf Eph 4.1-6).

Encore cette fable pour votre réflexion: un chasseur se trouvait face à un ours impressionnant. Il épaulait son fusil quand l’ours se mit à parler: je crois que nos points de vues sont très différents. Mais nous sommes tous deux raisonnables: discutons-en. » L ‘homme abaissa son arme et dit: « De quoi veux-tu donc que nous parlions? »

« Eh bien, grogna l’ours en s’approchant, dis-moi pourquoi cette agressivité à mon égard? »

« C’est bien simple, répliqua le chasseur, il me faut un manteau de fourrure! « 

« Et moi, dit l’animal en souriant d’un air bonasse, j’ai besoin d’un déjeuner; je suis sûr que nous allons nous entendre tous les deux. »

Ils s’assirent donc pour tenter de conclure un accord. Un peu plus tard, l’ours se releva, et s’en alla tout seul. La conférence avait trouvé sa conclusion: l’ours avait obtenu son déjeuner et le chasseur était entré dans son manteau de fourrure.

C.-A.P.