PROMESSES

Je citerai en exergue de mes réflexions ce texte tiré de 1 Rois 8.29: Que tes yeux soient nuit et jour ouverts sur cette maison, sur le lieu dont tu as dit: Là sera mon nom! Ecoute la prière que ton serviteur fait en ce lieu.

Si ce texte nous rapporte cette belle prière de Salomon pour le temple d’alors, il n’en est pas moins que ces paroles peuvent aussi trouver leur application pour tout nouveau foyer.

Essayons donc de dégager quelques points que ce texte nous suggère.

1. Le couple chrétien va bâtir sa maison avec Dieu

Face à une société qui a mis Dieu à l’écart et qui l’a remplacé par des idéaux éphémères menant sur des chemins sans issue, les nouveaux mariés peuvent compter sur le Tout-Puissant, Créateur des cieux et de la terre. C’est le Dieu personnel et infini, celui de la Bible.

Il a créé l’univers. ll a créé l’homme à son image. Nous sommes tous de sa race, constatait l’apôtre Paul dans son discours aux Athéniens. Nous avons donc une intelligence, des sentiments, un sens de la beauté, de la noblesse, parce que le Créateur possède toutes ces qualités. Dans le premier chapitre de la Genèse, l’homme a été appelé à gérer la terre avec intelligence et hannonie.

Dieu ayant vu qu’il n’est pas bon que I ‘homme soit seul, il lui a donné une compagne, une aide, un vis-à-vis, afin qu’ils se complètent et qu’ils partagent ensemble leurs responsabilités et leurs biens, dons divins, pour qu’ils en jouissent.

La chute d’Adam et d’Eve a amené disharmonie, incompréhension et solitude. Mais Jésus-Christ, Fils unique de Dieu, est venu remédier à cette situation en apportant le salut, le pardon.

Qu’il est merveilleux de savoir qu’en vertu de l’oeuvre rédemptrice de Jésus-Christ, le chrétien est régénéré et restauré spirituellement, faisant déjà partie de la nouvelle création. Alors tout foyer chrétien peut se remettre entre les mains du Seigneur comme l’a fait Salomon.

2. Dieu habite le foyer du couple chrétien

Selon les plan éternels, il a choisi d’habiter le coeur de tout homme régénéré, cela dans toute sa plénitude de Dieu Père, Fils et Saint -Esprit. C’est une certitude. Quel privilège royal d’accueillir le Seigneur en lui réservant la place qu’il faut dans le foyer!

Voici une promesse extraordinaire: Il aura les yeux sur vous nuit et jour. Depuis leur réveil, tout au long de leurs activités journalières diverses jusqu’aux moments les plus intimes, Dieu veillera sur les époux chrétiens. A leur tour, ils l’honoreront en le suivant fidèlement.

3. Le foyer chrétien est une maison où le Seigneur désire habiter

Le foyer selon les pensées de Dieu est la cellule la plus importante dans l’ordre créationnel. Dans Gen2.24, nous apprenons que l’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme, et ils deviendront une seule chair. Cette base est reprise par Paul dans l’épître aux Ephésiens lorsqu’il trace les principes de conduite pour le mari, l’épouse et les enfants, afin que tout se passe dans l’harmonie, l’ordre et la paix.

En effet, après avoir fait le choix que son coeur et ses pensées lui ont dicté, et s’étant remis entre les mains du Seigneur, l’homme quitte la cellule familiale de ses parents pour s’attacher maintenant à sa femme. Désormais il prend le temps de développer cet amour conjugal qui devra être cultivé avec soin comme une plante.

L’homme et la femme deviendront ainsi une seule chair. Il y a donc fusion en quelque sorte du corps, de l’âme et de l’esprit des deux êtres. La «connaissance» physique n’a pas seulement la procréation comme objectif, mais surtout l’unité, l’harmonie, l’épanouissement et la joie. Cette connaissance est indissociable entre les deux époux, dans tous les domaines.

L’institution du mariage étant un ordre divin, il va à l’encontre de la cohabitation libre si répandue de nos jours qui produit des effets désastreux. Le foyer chrétien est le lieu où la grâce, l’harmonie et la paix manifestent la présence de Dieu. Ce témoignage brillera ainsi comme un phare dans la nuit pour montrer la route aux navires.

4. L’égalité de valeur et la différence de nature et de fonction entre l’homme et la femme

Notre société confond égalité de valeur et différence de nature entre les deux sexes.

D’une part, les deux sont égaux devant le Seigneur. Il n’y a ni Juif; ni Grec, ni esclave, ni libre, ni homme, ni femme, car vous êtes tous un en Jésus-Christ, écrivait l’apôtre Paul aux Galates (3.28). Le sang précieux de Jésus-Christ a purifié chaque conjoint au même titre en vertu de son oeuvre.

D’autre part, l’homme et la femme sont différents l’un et l’autre dans leur nature et dans leurs fonctions. La femme est différente dans son être; elle est plus fragile. Ayant comme objectif la maternité, elle possède déjà un sens naturel de l’accueil et de l’aide. Sa nature intuitive lui permet d’éviter parfois des faux pas. Elle a en général une plus grande sensibilité.

L’homme, de nature plus solide, est fait pour protéger les siens et pourvoir à leurs besoins.

Lui raisonne avec son esprit, elle avec son coeur.

Comme Christ a aimé l’Eglise qui lui est soumise, ainsi le mari doit aimer son épouse qui lui est soumise. Comme chef de famille, il a reçu le mandat de la diriger dans l’amour, la dignité et la soumission au Seigneur et à sa Parole. Il est en quelque sorte le sacrificateur de son foyer. C’est ainsi qu’il discernera les besoins de son épouse et de ses enfants en leur procurant un cadre sécurisant spirituellement et matériellement. Dans la maîtrise de soi, il apprendra à montrer de la sagesse dans ses rapports avec sa femme, comme avec un sexe plus faible, en l’honorant (1 Pi 3.7); il sait que les limites de son autorité lui sont fixées par l’amour. Maris, aimez chacun votre femme, comme le Christ a aimé l’Eglise (Eph 5.25). Dans un tel foyer, il y a absence d’autoritarisme.

Dieu cherche des hommes authentiques, qui ne démissionnent pas dans leurs fonctions de chef selon le modèle de Christ.

La femme à son tour se soumet volontiers à son mari, car elle voit en lui le modèle de Christ. Elle le respecte et l’aide à construire le nouveau foyer.

Les fonctions des deux conjoints sont donc complémentaires et s’amalgament harmonieusement si chacun reste soumis à la parole de Dieu. Cet équilibre est nécessaire pour le développement mutuel à tous les niveaux.

Et au Dr. Paul Tournier d’écrire à ce sujet: «Souvenez- vous qu’il faut construire ensemble le bonheur conjugal. C’est un but à poursuivre, non un privilège acquis d’avance… La prétendue incompatibilité d’humeur est un mythe inventé par les juristes à bout d’arguments pour plaider le divorce et une excuse commode des époux pour couvrir leur échec… Il n’y a pas d’humeur incompatible, il y a des incompréhensions, et il y a des fautes qu’on peut corriger si on le veut.»

La compréhension mutuelle reste une des conditions de l’épanouissement dans le couple. Si d’une part il faut s ‘aimer pour se comprendre, il faut aussi se comprendre pour s’aimer. Chacun des deux conjoints a soif d’être compris. C’est précisément ici qu’il faut admettre les différences de nature entre l’homme et la femme.

Tout cela demande du temps pour écouter et pour comprendre l’autre. Citons encore le Dr. Tournier: «Heureux les époux qui comprennent que leur bonheur leur est donné par Dieu, qu’ils peuvent s’agenouiller ensemble pour le remercier non seulement de l’amour qu’il a mis dans leur coeur, des enfants qu’il leur a accordés et de toutes les joies de la vie, mais aussi du progrès qu ‘il leur fait vivre par cette difficile école de la compréhension mutuelle.»

Les paroles de Salomon citées au début, tirées de sa prière lors de l’inauguration du temple, se terminent par: écoute la prière que ton serviteur fait en ce lieu.

La prière est un élément primordial dans la vie du couple. Les époux doivent apprendre à prier ensemble, à prendre le temps ensemble pour passer en revue la journée et à lire la Bible ensemble. Il leur faut partager ensemble tous leurs problèmes, qu’il ne faut pas laisser s’accumuler. Qu’ils aient le courage de s’écouter et de se pardonner si un nuage passe. Que le soleil ne se couche pas sur votre colère, nous exhorte l’apôtre Paul.

Il est essentiel d’éliminer systématiquement tout ce qui pourrait faire obstacle aux prières, comme le recommande Pierre dans sa première épître. Le combat dans la prière en couple est important s’il veut remporter des victoires.

La promesse de Dieu dans le prophète Jérémie est valable pour tous les couples fidèles au Seigneur et l’un à l’autre: Il vous fera marcher vers des torrents d’eau par un chemin droit. Et ils ne trébucheront pas (31.9).

Le foyer chrétien sera ainsi une maison de Dieu, un lieu qui exhale le parfum de Christ. Il sera un lieu où rayonneront l’amour, l’harmonie, la fidélité et l’espérance. D’autres seront attirés par cette façon de vivre, viendront chercher conseil et réconfort. Les conjoints auront le privilège de leur montrer le chemin de la vie éternelle en celui qui est le chemin, la vérité et la vie. Quel programme exaltant, passionnant !

H.L.
Que tes yeux soient nuit et jour ouverts sur cette maison, sur le lieu dont tu as dit: Là sera mon nom! Ecoute la prière que ton serviteur fait en ce lieu. .
Rois 8.29


Titre: Francis Schaeffer (238 P)
Auteur: L.G. Parkhurst
Editeur: La Maison de la Bible, Genève 1992

Le sous-titre, «L ‘homme et son message», indique d’emblée qu ‘il ne s’agit pas d’ une biographie seulement, mais aussi de la pensée de ce grand prophète chrétien de notre siècle, qui vécut de 1912 à 1984. Les deux parties, d’égale longueur, se complètent admirablement.

Ce qui frappe tout au long de la lecture de cette biographie, c’est le soutien constant que lui fut Edith, la fidèle compagne de Schaeffer, et l’heureuse entente sur tous les plans dans la vie de ce couple consacré au service du prochain.

A 36 ans, Schaeffer vient en mission en Europe, avec sa femme et leurs deux enfants. Sept ans plus tard, c’est le début de l’Abri Fellowship à Huémoz, dans les préalpes vaudoises, centre d’accueil où des étudiants de tous azimuts trouvent de l’aide et sont amenés au Seigneur. Les discussions portent souvent aussi sur la musique et les arts, la philosophie et la science, l’éthique, la politique, les différentes cultures, etc. L’oeuvre de l’Abri s’est répandue dans plusieurs pays.

Francis Schaeffer publia 25 ouvrages en anglais, dont 9 ont été traduits en français. Un des premiers livres montre qu’il n ‘y a pas de contradiction entre foi et saine raison ( «Démission de la raison» ). Ses ouvrages présentent une riche palette de sujets très divers allant de la création (dont le récit de la Genèse exclut l’hypothèse évolutionniste) au dénouement final de l’Histoire à la venue de Christ. Trois fois, on lui décerna le titre de «doctor honoris causa», ce qui explique pourquoi il est constammnent désigné par «le Dr Schaeffer» dans le livre, procédé inhabituel pour le lecteur francophone.

La pensée de Schaeffer est d’abord d’ordre théologique. Les hommes ne peuvent pas se considérer comme des membres de la famille de Dieu, étant séparés de Dieu par le péché. Mais même si la raison de l’homme créé à l’image de Dieu a été affaiblie par la chute, il a gardé la capacité d’ explorer la pensée de Dieu et de «discerner le caractère on ne peut plus rationnel de tout ce qui a trait au salut par la foi» (cité du livre). Il peut comprendre que le salut s’inscrit uniquement dans le cadre de l’oeuvre de rédemption de Christ à la croix, lieu du seul sacrifice expiatoire qui peut réconcilier 1’homme avec Dieu, qui lui pardonne son péché s’il se repent et met sa foi en Christ. L’homme est responsable de ses choix. «L’homme dispose depuis toujours du libre arbitre. N’étant pas une marionnette, il ne peut être contraint à faire sien un comportement ou une croyance contraires à sa volonté» (cité de «L’Abri» ).

La Bible est la seule base de vérité sur laquelle Schaeffer fonde ses réflexions. Aussi refuse-t-il toute collaboration avec les théologiens libéraux, sans quoi «je compromets la démonstration de la vérité…, sans laquelle je perds toute crédibilité auprès de mes contemporains» (cité de «Impact et crédibilité du christianisme» ). «Le libéralisme, disait-il, n’est autre que l’humanisme affublé d’une terminologie religieuse», qui aboutit en fait à la destruction de la foi chrétienne tout entière. il discerna très tôt l’interprétation socialiste du Conseil Oecuménique et s’en distança.

Dès l’âge de 56 ans, il donna de nombreuses conférences des deux côtés de l’Atlantique. Douze ans plus tard, il produisit, avec son fils, une série de f1lms qui analysent le développement de la culture occidentale et en indiquent l’avenir .

Schaeffer attribuait une très grande importance à la qualité de vie du chrétien, et à son implication dans la vie artistique et politique de la société. La vérité de la Bible doit être vécue dans le service et l’amour pour être crédible. La prière tenait une place capitale dans la vie du couple et de la communauté.

A 66 ans, il devint la victime d’un cancer, qui ne l’emporta pourtant que 6 ans plus tard.

La lecture de ce livre sera pour vous une excellente introduction aux livres de Francis Schaeffer, qui a eu l’art de traiter des sujets pas si faciles en un langage fort accessible. Bonne lecture !

Jean- Pierre Schneider


 Verset clé: …afin que, justifiés par sa grâce, nous devenions héritiers dans l’espérance de la vie éternelle. Tite 3.7

Préambule

Les réflexions que je vous soumets n’ont d’autre prétention que de refléter fidèlement ce que dit la Bible. Ce sujet étant, je l’espère, bien connu de nos lecteurs, j’éviterai d’enfoncer des portes ouvertes.

Dans cette première partie, nous allons examiner le premier volet du salut, à savoir le salut qui sauve de la perdition, qui fait passer de la mort à la vie. La base: l’oeuvre de Christ; le principe: la grâce; le moyen: la foi.

La deuxième partie traitera du salut qui fait participer au royaume, où il est question d’hériter et de régner avec Christ. La base: l’oeuvre du chrétien; le principe: une récompense; le moyen: la fidélité.

Nous prions nos lecteurs de faire abstraction de leurs positions théologiques particulières pour laisser parler la Parole, tout simplement. Je ne puis que souhaiter que, comme moi, vous découvriez certains aspects du salut dans ses implications futures qui vous avaient peut-être échappées jusqu’alors.

Précision préliminaire

Avant de nous lancer dans le sujet proposé, faisons tout de même le point sur le sens du concept «salut, sauver».

Dans l’AT, le salut signifie une délivrance d’ordre souvent matériel, collectif, personnel, quelquefois spirituel, qui est toujours l’oeuvre de Dieu. Le salut prend aussi une dimension prophétique liée à l’apparition du Messie et à l’établissement d’un royaume éternel.

Dans le NT , «salut, sauver» apparaissent environ 150 fois, avec le sens de rendre sain physiquement et spirituellement (du latin salus = santé). Le salut est une délivrance de la personne entière, une libération du péché, de la colère de Dieu, de la condamnation, de la perdition, de la mort. Comme dans l’ AT, c’est par la puissance de Dieu que le salut s’opère.

Explication

Pourquoi «les 2 volets du salut» ? Je vous propose d’entrer en matière par le texte de Zacharie 3.1-7 (à lire). – Josué, pourtant revêtu des habits sacerdotaux, est un pécheur comme tous les hommes. Dieu le revêt de justice sans que Josué n’ait rien dit ni rien fait, gratuitement. C’est le premier volet du salut. Mais après cette purification par grâce, Dieu met des conditions: si tu marches droit, si tu gardes ma parole, tu régneras parmi les autorités angéliques. C’est le deuxième volet du salut.

Premier volet
Le salut qui sauve de la perdition
(passer de la mort à la vie )

J’ai choisi 2 textes de base: Romains 4 et Hébreux 6. Il est recommandé d’ouvrir sa Bible et de lire chaque fois les versets indiqués:

v.1-3: justification et justice
– selon la chair: cette expression s’applique ici aux oeuvres, aux mérites, à la naissance, au baptême considéré comme salvateur.
-devant Dieu, ces oeuvres de la chair sont une base inacceptable en ce qui concerne la justification.
-Abraham crut à Dieu, et cela lui fut compté ( imputé) comme justice: ce texte est cité de Gen 15.6, première mention de la justification par la foi. Dieu fit une promesse de bénédiction à sa descendance ( semence, sing.), cité en Gal 3.16 pour montrer qu’il s’agissait de Christ, dont Abraham se réjouissait de voir la venue (Jean 8.56); dans un sens, il croyait déjà en la rédemption par Jésus-Christ! Le principe est resté le même: Dieu nous compte (déclare) justes; cela ne nous fait pas justes.

v.4-8: La foi qui sauve
Dieu justifie l’impie: Abraham aussi bien que nous, car tous sont pécheurs et donc coupables devant Dieu; tous sont justifiés en tant qu’impies. David non seulement est pardonné, mais aussi réintégré dans la communion avec Dieu.

Comment Dieu pardonne-t-il l’injuste tout en restant le Dieu juste et saint? -2 Cor 5.19-21: Christ a été fait péché pour nous (non pas « pécheur »!); il s’est substitué à l’homme pécheur en se chargeant de son péché.

Le chrétien a compris cela. Il ne fait rien pour se sauver (la sanctification ne le sauve pas); il se sait sauvé à cause de Christ uniquement.

v .9-17: Grâce et loi
Abraham est présenté comme le père de tous les croyants (Juifs et païens): avant la circoncision, avant la loi !

La promesse dont Abraham hérita se référait à Christ et fut donnée sur la base de la foi, en l’absence de la loi. Dieu lui promit d’être le père d’un grand nombre de nations avant même qu’il soit devenu le père d’Isaac!
-là où il n’y a pas de loi, il n’y a pas non plus de transgression: non pas, «pas de péché»; la loi codifie le péché, le rend évident.

La foi d’Abraham va loin: il croyait que Dieu donne la vie aux morts (Héb 11.17-19) et qu’il appelle à l’existence ce qui n’existe pas (au point de rendre fertile l’ovaire desséché de Sarah !).

Conclusion: la loi ne peut produire le salut.
v.18-22: La nature de la foi
-espérant contre toute espérance: la réalité ne permettait pas à Abraham d’espérer que se réalise la promesse (sa descendance, la venue du Messie et du salut).
-il ne douta point: il douta initialement (Gen 17.17), puis sa foi surmonta le doute. (La foi n’exclut pas le doute.)
-pleinement convaincu: Abraham avait l’assurance que, par sa puissance, Dieu accomplit tout ce qu’il promet.
-il donna gloire à Dieu: c’est l’ essence même de la foi; elle regarde à Dieu (qui il est, ce qu’il est) et non aux circonstances (elles sont là, mais Dieu peut les vaincre); le croyant est ainsi fortifié, rendu capable d’agir selon sa foi.

v.23-25: La résurrection de Christ valide le salut
-Jésus notre Seigneur, livré pour nos offenses et ressuscité pour notre justification:
1. Nos offenses sont effacées à cause de la croix.
2. La résurrection démontre que Dieu est parfaitement satisfait de l’oeuvre d’expiation par laquelle nous sommes justifiés.

Implications pratiques

Abraham illustre ce que fait la foi qui sauve:
1. Elle croit la promesse de Dieu sur la seule base de sa parole.
2. Elle nous pousse à agir selon cette parole, prouvant par là son authenticité.

Si nous croyons comme Abraham croyait, nous serons justifiés comme Abraham le fut.

Hébreux 6.1-8: Peut-on perdre le salut?
-tendons vers la perfection: les mots «parfait» et «perfection» utilisés dans l’épître aux Hébreux sont appliqués à Christ et à sa sacrificature par contraste au système lévitique (p.ex. 7.11,19). La sacrificature de Christ va au-delà du fondement déjà posé; car les v. 1b-2 sont une énumération d’éléments communs au judaïsme aussi bien qu’au christianisme.
-il est impossible de les ramener à une nouvelle repentance: impossible pour qui? (Rappel: la repentance signifie un changement radical d’attitude.) Le texte vise ceux qui ne peuvent plus changer d’attitude. Ce qui les caractérise:

1. Ils ont été éclairés par le Saint-Esprit (ce n’est pas identique avec «sauvés» ); ils ne sont plus ignorants (parallèle: Jean 8.31 mentionne ceux qui avaient cru en Jésus, mais qui ont ensuite rejeté son enseignement et sont nommésf ils du diable par Jésus; leur foi ne les a pas menés au salut).

2. Ils étaient participants au Saint-Esprit: seule la puissance du Saint-Esprit peut produire la repentance; si elle est rejetée délibérément, il n’y a plus aucune autre puissance qui puisse les mener au repentir. L’illustration des 2 terrains fait comprendre que davantage de pluie ne produira que davantage de chardons!

3. -goûté …les puissances du siècle à venir: les Juifs distinguaient entre «l’âge présent» et «l’âge messianique à venir» .Les miracles de Jésus et des apôtres après lui témoignent suffisamment de la qualité de l’âge messianique encore à venir, et ceci encore aujourd’hui (pas besoin de nouvelles preuves !).

Résumé: avoir été éclairé, avoir goûté à toutes ces bonnes choses n’est pas la même chose que de naître de nouveau.

Déduction:
Il arrive que d’authentiques chrétiens s’éloignent du Seigneur et deviennent mondains; ils vivent comme s’ils étaient de nouveau sous la souveraineté de Satan, selon la chair, mais ils n’ ont jamais rejeté Christ pour autant; ils n’ont pas perdu le salut. C’est le sens de la parole que Paul prononce sur un cas d’inceste à l’église de Corinthe: qu’un tel homme soit livré à Satan pour la destruction de la chair, afin que l’esprit soit sauvé au jour du Seigneur Jésus (cf. 1 Cor 5.5). Satan est nommé le détenant du pouvoir de la mort (traduction littérale de Héb 2.14); mais il n’a plus ce pouvoir pour ceux qui vivent sous la souveraineté de Christ. Les enfants de Dieu égarés peuvent se repentir et être pardonnés ( cf. 2 Cor 2.6-7, qui semble indiquer que l’incestueux s’est repenti, et les lettres aux 7 églises dans Apoc 2et 3, qui appellent les croyants égarés à la repentance).

Je vous rappelle que je veux faire parler uniquement les textes de la Bible, en tirer les déductions évidentes et chercher réponse à des questions que cette quête peut susciter. Et ici, justement, je me pose la question concernant:

L’efficacité de la prière

La Bible affirme 2 choses qui, pour notre logique, sont contradictoires, voire irréconciliables :

1. Dieu est souverain; il est le Seigneur de l’univers; il accomplit tout ce qu’il se propose de faire.

2. L’homme est responsable de ses choix et de ses actions, et Dieu les respecte.

Nous ne pouvons pas concevoir que l’une de ces affirmations n’exclut pas l’autre. Nous ne pouvons que constater que la Bible affirme aussi bien la puissance souveraine de Dieu que la liberté de choix et d’action de l’homme créé à l’image de Dieu. La Bible ne craint pas de juxtaposer la responsabilité de l’homme et la souveraineté de Dieu. Je ne citerai que 3 passages:

Rejetez loin de vous tous les crimes qui vous ont rendus criminels; faites-vous un coeur nouveau et un esprit nouveau. Pourquoi devriez-vous mourir, maison d’Israël? Car je ne désire pas la mort de celui qui meurt – oracle du Seigneur, l’Eternel. Convertissez-vous donc et vivez (Ez 18.31-32). Si le peuple n’exécute pas les 4 ordres donnés, il ne vivra pas, bien que ce ne soit pas le désir de Dieu qu’il meure.

-... personne ne connaît le Père, si ce n’est le Fils et celui à qui le Fils veut le révéler. Venez à moi, …et je vous donnerai du repos (Mat 11.27-28). L’implication est claire: à moins qu’on vienne à lui, pas de révélation ni de repos.

– Jérusalem, Jérusalem, …combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants, …et vous ne l’avez pas voulu (Mat 23.37). Dieu veut bien, mais l ‘homme souvent ne veut pas.

Nous prions, étant convaincus que Dieu peut exaucer nos prières; la prière perdrait tout sens si Dieu ne pouvait pas l’exaucer selon sa volonté. D’autre part, si nous n’étions pas convaincus de la valeur de nos propres actions, nous ne prierions jamais. Le croyant fait 1’expérience de la réalité de la prière en constatant l’exaucement. Sont ainsi établies la souveraineté de Dieu et en même temps la signification de l’action de l’homme.

Quand je prie pour la conversion de quelqu’un, je m’attends à l’action souveraine de Dieu et au libre choix de la personne. L’apôtre Paul illustre cet état de fait: pendant 3 mois, il cherche à persuader les Juifs d’Ephèse de la vérité de !’Evangile et les invite à se repentir, mais ils restent endurcis et incrédules. Ils en sont pleinement responsables. Pourtant, Dieu veut que tous les hommes soient sauvés (I Tim 2.4). Mais leur incrédulité les perd. Celui qui croit a la vie éternelle,. celui qui désobéit (en ne croyant pas) ne verra pas la vie… (Jean 3.36).

«D’une part, Dieu veut que tous les hommes soient sauvés. D’autre part, le choix de l’homme décide de son salut ou de sa perdition. Je répète: nous ne pouvons comprendre comment ces deux affirmations de la Bible peuvent s’accorder. Mais il y a d’autres réalités que nous n’arrivons pas à comprendre. Nous ne comprenons pas, par exemple, comment Jésus pouvait être en même temps Dieu et homme, ni comment son être intérieur pouvait s’en accommoder. Et pourtant tous les chrétiens ont affirmé avec les apôtres que Jésus était aussi bien Dieu qu’homme. Nous savons que notre salut demande que Jésus soit les deux: Dieu pour être un sacrifice suffisant pour ôter les péchés de tous et avoir la puissance sur la mort; homme pour être notre substitut et s’offrir à notre place. Nous ne pouvons pas non plus comprendre comment Dieu créa l’univers simplement en parlant.» (Traduit de «Being Human», par Macaulay et Barrs, IVF Press, p.lll. )

«Si nous disons «non» à Jésus, c’est notre faute; si nous disons «oui», c’est la grâce de Dieu.» (Traduit de «Lydia», par Barbel Wilde, p.59.)

Acceptons que la Bible affirme des faits qui apparaissent irréconciliables entre eux à notre raison humaine limitée, et ne cherchons pas à les harmoniser. Paul nous avertit: aujourd’hui je connais partiellement (1 Cor 13.12). Acceptons notre limitation humaine.

Pour terminer, voici une description de ce qu’est l’Evangile qui sauve, placée sous le titre:

Les bases du salut

L’Evangile… par lequel vous êtes sauvés, si vous le retenez dans les termes où je vous l’ai annoncé; autrement vous auriez cru en vain (1 Cor 15.1-2), D’emblée, Paul évoque le danger de remplacer les termes inspirés par l’Esprit par des expressions qui soi-disant rendraient l’Evangile plus accessible (voir «Bible en français courant», où le mot «sang» est 16 fois remplacé par «mort, sacrifice, nature humaine» ).

Quels sont les termes de l’Evangile?

1. L’ oeuvre expiatoire (propitiatoire ) de Jésus-Christ pour nos péchés est la seule base (cf. Rom 3.25; 1 Jean 2.2; 4.10).

2. La grâce, source de salut pour tous les hommes (Tite 2.11 ):les oeuvres du croyant n ‘y sont pour rien (Eph 2.9).

3. ...sauvés par le moyen de la foi (Eph 2.8). La foi est la condition qui rend le salut opérant {Jean 3.16,36).

Quels sont les éléments nécessaires au salut?

1. Conviction de péché produite par le Saint-Esprit à l’écoute ou à la lecture de la Parole, qui donne la sagesse en vue du salut par la foi en Jésus-Christ (2 Tim 3.15).

2. Repentance: confesser son péché, s’en détourner et radicalement changer de vie (2 Cor 7.10).

3. Saisir par la foi le pardon par le sang de Christ, le Fils de Dieu devenu chair, mort et ressuscité. Rom 10.9: ...si tu crois dans ton coeur que Dieu l’a ressuscité d’entre les morts, tu seras sauvé. La foi est le «oui» du pécheur, la condition pour recevoir le salut. Il est entièrement responsable de son choix face à Christ.

4. Naître à la vie éternelle (Jean 6.47); réception du don du Saint-Esprit (Act 2.38).  Ceci dit, comme toute schématisation est sujette à caution, il faut constater que de nombreux textes déclarent sauvée toute personne qui croit dans son coeur en Jésus-Christ mort et ressuscité et qui le confesse (p. ex. Rom 10.9-10).

La perspective globale

Il n’y a qu’un seul Dieu, le Père, de qui viennent toutes choses, et pour qui nous sommes, et un seul Seigneur, Jésus-Christ, par qui sont toutes choses, et par qui nous sommes. 1 Cor 8.6.

J.-P. S.


Titre: Vos décisions et la volonté de Dieu (222 p)
(Decision Making and the Will of God, 1980)
Auteur: Garry Friesen avec Robin Maxson
Editeur: Vida (1989)


Ce n’est pas «un livre de plus» indiquant comment connaître la volonté de Dieu. Le sous-titre nous éclaire: «Une alternative biblique au point de vue traditionnel» .En quoi consiste ce dernier?

Il ne concerne pas la volonté souveraine de Dieu, qui détermine tout ce qui se produit dans l’univers; elle s’accomplit inéluctablement. Il ne s’agit pas non plus de sa volonté morale, que Dieu nous a fait savoir par ses commandements; elle nous enseigne comment croire et vivre. Ces deux aspects de la volonté divine sont clairement consignés dans la Bible.

La tradition piétiste évangélique y ajoute la volonté spécifique de Dieu; elle varie d’un individu à l’autre; c’est le plan de vie détaillé que Dieu prévoit pour chaque croyant. Dieu aurait une cible, nommée le «point central», que le croyant aurait à découvrir quand il doit prendre une décision personnelle. Dieu veut-il que j’épouse telle personne ? que je choisisse tel métier? que j’habite en tel endroit? que j’achète telle voiture? A ces questions, la Bible ne donne pas d’indications spécifiques. Il faut donc chercher ailleurs, tout en restant sur la base de l’enseignement biblique. La pratique habituelle est de consulter des «panneaux indicateurs» : le témoignage intérieur (souvent des impressions ou convictions subjectives qu’on attribue au Saint -Esprit ), le conseil de frères mûrs, les désirs personnels, le bon sens, la direction particulière.

La Bible ne dit nulle part que le Saint-Esprit conduit les croyants par des impressions intérieures; l’origine de ces dernières ne peut être établie avec certitude, pas plus que le message qu’elles sont censées communiquer; faire intervenir des signes discrédite l’authenticité de la prétendue voix intérieure. Déduction: «les impressions intérieures ne peuvent être assimilées à une révélation de Dieu» (186); elles laissent le croyant dans l’incertitude.

Comment alors décider là où la Parole ne donne pas d’ordre spécifique? Réponse: selon la sagesse que Dieu nous donne sur demande (Jac 1.5; 3.17). Ya-t-il plusieurs options dont choisir? «Il faut remercier Dieu d’avoir la possibilité de choisir… selon sa préférence personnelle» (179). Si le choix ne correspond pas à la volonté souveraine de Dieu, il interviendra. A toute prière donc doit s’attacher le «si»; si le Seigneur le veut (Jac 4.15).

Je cite: «Dieu n’a pas un plan de vie idéal et détaillé pour chaque croyant qu’il convient de découvrir afin de prendre de bonnes décisions» (p.119).La connaissance de la volonté morale de Dieu suffit. Ainsi 1 Cor 7 donne le cadre dans lequel le chrétien est libre d’épouser la personne de son choix: Que ce soit dans le Seigneur (le conjoint doit être croyant). D’autres éléments seront à considérer en suivant la loi morale de Dieu. «Tant que la volonté morale de Dieu n’a pas été transgressée, aucun péché n’a été commis» (p.128).

Il arrive exceptionnellement que Dieu donne des signes (le choix de l’épouse pour Jacob, la toison de Gédéon); on ne peut généraliser ce procédé. «Si Dieu a uniquement révélé la réalité de sa volonté souveraine et le contenu de sa volonté morale, on peut penser qu’elles suffisent pleinement à répondre à nos besoins en matière de prise de décision» (94).

Que dire de «l’appel» à servir Dieu? Le NT parle d’un «désir», d’une «aspiration» d’être ancien, missionnaire, etc., «jamais d’un appel intérieur mystique» (p.212). Par contre, il énumère les qualifications nécessaires au ministère.

«Les principes de la prise de décision selon la voie de la sagesse» sont résumés ainsi, grosso modo (p.216):
1. Obéir aux commandements et principes de Dieu énoncés dans la Bible (sa volonté morale). Lire 2 Tim 3.16-17!
2/3. En l’absence de commandements précis (décisions sans portée morale), il y a liberté de choix à l’intérieur de la volonté morale de Dieu, en fonction de l’opportunité spirituelle.
4. Toute décision doit être prise en soumission à la volonté souveraine de Dieu, qui affecte chaque décision.
 Selon Romains 6.-8., «les fils de Dieu sont ceux qui sont conduits par le Saint-Esprit à faire mourir les actions de la chair et à accomplir la volonté morale de Dieu» (p.112).

Jean-Pierre Schneider


Une communauté explosive

L’Eglise locale: une communauté explosive

(2 Rois 6.1-2)

Après le temps de la nourriture, voici celui de l’exercice physique. Pour le maintien d’une bonne santé spirituelle, l’action doit être étroitement associée à l’enseignement dans la vie du membre d’église. Dans notre «texte illustration» nous voyons les fils des prophètes passer à l’action, confrontés qu’ils sont avec une «crise du logement.» ils connaissent les problèmes bénis de la croissance. La maison qui les abrite est trop petite. il faut construire plus grand. Cette situation suggère une seconde caractéristique d’une église locale en marche: elle est explosive (et non implosive!), c’est-à-dire dynamique, contagieuse, envahissante…

Elle vise la multiplication

Actes 6.7; 8.4-5,25,40; 9.31,35; 11, 19-24; etc.)

L’Eglise locale n’est pas un club de gens sélects, encore moins un ghetto ou une société secrète. Ses locaux ne sont pas à confondre avec des bocaux. Elle fait partie d’un organisme vivant, le corps de Christ, dont les cellules doivent se multiplier.

Dans un de ses livres1, Ralph Shallis signale qu’une cellule biologique en bonne santé peut se reproduire en moins d’un an, cent-vingt milliards de fois, de manière à créer un être humain, un bébé.

Vers l’âge de 15-17 ans, il y a quatre-cents milliards de cellules qui sont toutes issues de cette cellule originelle.

L’église locale vise donc continuellement sa reproduction par la multiplication de chaque cellule vivante qu’est le disciple de Christ. Ce processus fantastique a commencé à Pentecôte: Le Seigneur ajoutait chaque jour à l’Eglise ceux qui étaient sauvés (Actes 2.47).

Décrivant la vie quotidienne des premiers chrétiens, de l’an 95 à l’an 197, A. Hamman écrit: «La rapide expansion du christianisme, en contraste avec la décadence des religions païennes, a surpris, parfois attérré les païens. ..Moins de deux siècles après la mort du Christ, les chrétiens occupent dans l’empire, une position indéracinable. A la veille de la paix constantinienne, leur nombre est estimé à 5% et même 10 % de la population de l’Empire.»2.

Il est intéressant de constater que ce passage est tiré d’un chapitre que l’auteur a intitulé «La contamination de la foi». J’ai lu ailleurs que l’Empire Romain comptait deux à trois millions de chrétiens en l’an 150 et cinq à six millions vers l’an 300.

La lecture de l’échange de correspondance entre Pline le Jeune, proconsul de Bithynie (dans le nord-ouest de l’actuelle Turquie) et l’empereur Trajan, vers 112, est hautement suggestive: «…l’affaire m’a paru mériter que je prenne ton avis, surtout à cause du nombre des accusés. Il y a une foule de personnes de tout âge, de toute condition, des deux sexes aussi, qui sont ou seront mises en péril. Ce n’est pas seulement à travers les villes, mais aussi à travers les villages et les campagnes que s’est répandue la contagion de cette superstition…»

Pline évoque plus loin la crise économique provoquée par cette «contagion» :temples païens presque abandonnés, cérémonies rituelles longtemps interrompues, très rares acheteurs d’animaux pour les sacrifices…

Une église locale en marche respire donc l’évangélisation, c’est-à-dire la communication tous azimuts de la Bonne Nouvelle (le verbe évangéliser se trouve 54 fois dans le N.T). Toutefois, en dehors de l’ordre de faire des disciples, dans Matthieu 28.19-20, il n’est jamais directement ordonné d’évangéliser dans le N.T. car cela va de soi… c’est aussi indispensable que de respirer pour vivre. L’évangélisation est «inscrite dans les chromosomes» de l’homme nouveau (Phi1 2.14-16). Chaque membre a compris que sa vie doit se multiplier. Nous sommes loin de cette définition caricaturale de l’expérience chrétienne: «une secousse initiale suivie d’une inertie chronique.»

Il ne faut pas oublier de noter le lien étroit entre évangélisation et église locale dans le N.T. (Act 13.1,3; 14.26, 28; 15. 30-35, 40, etc.). Toute oeuvre travaillant à l’évangélisation se doit de ne pas dissocier ce que le Seigneur a uni si elle veut être approuvée de Lui et porter du fruit qui demeure.

Elle est extravertie

C’est-à-dire tournée vers le monde extérieur et non en position foetale, repliée sur elle-même. Son action s’effectue du dedans vers le dehors.
(2 Rois 6.2 Allons jusqu’au Jourdain!)

Elle va là où se trouvent les gens (dans les rues et les maisons, sur les places…) Act 5.42,8.25, 10.24, 16.13, 17.17,20, etc.

Elle pénètre la vie de la cité par le témoignage de chacun de ses membres là où il vit habituellement d’abord: dans son quartier, sur son lieu de travail…

En 1980, une enquête intéressante sur la croissance de l’église, a été effectuée en France: 4 à 6% des membres actuels des églises ont été admis après s’être convertis suite à des visites à froid (par exemple: effort de colportage, enquête…), 6 à 8 %,suite au travail pastoral, 2 à 4 % dans le cadre du programme de l’église, moins de 1% grâce aux efforts spéciaux de campagnes d’évangélisation, 70 à 90% par suite de l’influence des chrétiens sur la famille et les amis.

Ces chiffres parlent d’eux-mêmes et soulignent avec force l’importance du témoignage personnel de chaque membre dans son cadre de vie quotidien.

Elle vise toutes les couches de la société: couches d’âge, couches sociales, culturelles, de l’enfant au vieillard, de l’écolier à l’universitaire, etc…

Son évangélisation est multicolore. Infiniment variée dans son style et dans sa forme, elle permet à chaque disciple de Christ d’épanouir sa personnalité et de trouver le contact de la manière qui lui convient le mieux. Le Saint-Esprit est créateur et merveilleusement ingénieux, prêt à communiquer de nouvelles idées pour une meilleure approche de notre prochain.

Elle vise l’accès aux médias: journaux locaux et régionaux, radios locales, télévision régionale, brochures des syndicats d’initiative, etc…

Elle évite soigneusement la «réunionite» , cette maladie qui isole les nouveaux membres de leur famille, donnant l’impression à tel mari non converti de ne plus avoir d’épouse, puisqu’elle est toujours fourrée à l’église. Couper le jeune converti de sa vie de famille est une des ruses dans lesquelles l’ennemi excelle.

L’église locale veillera au contraire, à montrer comment rendre le meilleur témoignage chez soi et sur le lieu de travail. Toutes les réunions ne sont pas immuables dans le programme d’activités de l’église locale. Il faut qu’elles puissent disparaître sans entraîner de remous, lorsqu’elles ne correspondent plus à un besoin précis.

L’église en marche est donc une communauté conquérante. Michaël Green a fait à cet égard une réflexion qui vaut la peine d’être méditée: «L’Eglise d’aujourd’hui attire par succion, invitation ou rabattage. L’Eglise primitive se manifestait par l’explosion, l’invasion, la conquête.»

Son label de garantie: Jésus-Christ

(2 Rois 6.3-4). Les fils des prophètes ont invité Elisée à les accompagner. Le feu vert de sa part ne leur suffisait pas. La suite du récit démontre qu’ils ont eu raison de procéder ainsi.

L’église locale veille à la qualité de son évangélisation. Elle n’évangélise pas sans Jésus-Christ. Le témoignage de l’Eglise.primitiveest centré sur la personne et l’oeuvre du Christ. Partout on reconnaît les disciples comme des «partisans du Christ» (Act 4.13, 11.26), ceux qui suivent «la Voie» ou comme nous le dirions aujourd’hui, «le chemin de Jésus» (Act 9.2; 19.9,23;22.4;24.4, 22). C’est ce qui conduit un auteur à écrire: «… une chose demeurait constante: leur message était de part en part, christo-centrique. Le contenu de leur prédication n’était rien d’autre que la personne du Christ. Ils faisaient usage de tous les moyens culturels et intellectuels propres à faciliter la réception du message. Intensément sensibles aux besoins de leurs auditeurs, à la pensée du monde dans lequel ils se mouvaient, au langage le plus propre à éclairer leur esprit, ils gardaient néanmoins un objectif simple et direct: conduire leurs auditeurs à Jésus-Christ»3.

L’église locale ne présente pas d’abord son clocher, son étiquette, son union d’églises, ses théories particulières… Elle présente le Christ vivant et agissant dans la personne de chaque disciple engagé! Ce qui rend son témoignage transcendant, miraculeux et efficace, c’est Jésus-Christ reconnu, vécu et annoncé comme Sauveur et Seigneur par les siens. Avant de présenter le croyant comme ambassadeur pour Christ chargé de transmettre un message absolument vital pour l’humanité (2 Cor 5.20), l’apôtre Paul indique sa triple vocation de parfum, de lettre et de miroir du Christ (2 Cor 2.15; 3.3; 18). Le message parlé est le prolongement du message vécu !

Ne pas vouloir évangéliser sans Jésus-Christ va beaucoup influencer notre manière de partager la Bonne Nouvelle.

Camus a dit qu’il y a deux sortes d’efficacité: l’efficacité du typhon et l’efficacité de la sève. Ceci est vrai en ce qui concerne l’évangélisation! il y a celle de la chair et celle de l’Esprit, celle du moi naturel et celle du Christ en moi, celle qui engendre des Ismaélites, fils de l’effort propre, source de bien des problèmes dans l’église locale, et celle qui engendre des Isaac, fils de la promesse et de la grâce. il ne suffit pas d’être zélé pour l’évangélisation, On peut être toujours en première ligne et pourtant desservir la cause pour laquelle on se bat vaillamment… avec un mauvais caractère, une énergie brutale, une passion sans compassion.

Ceci n’est pas sans me rappeler une petite expérience qui sous des dehors assez comiques souligne ce que nous affirmons ici. Au soir d’une rencontre régionale d’églises, on m’avait gentiment installé dans la voiture d’amis inconnus pour faire avec eux une centaine de kilomètres. Tout jeune serviteur, je venais de débarquer dans la région. Alors que nous roulions, ces chers frère et soeur, soucieux du salut de mon âme, se firent un devoir de m’évangéliser. Comme je ne pipais mot, ils renchérissaient tour à tour…le message était hélas très négatif; ce fut une leçon pour moi!

C’est Spurgeon, le prince des prédicateurs, qui a fait remarquer ceci: «Si vous vous tenez à cinq cents mètres d’un homme et lui jetez l’Evangile à la tête, vous le manquerez sûrement, mais si vous allez près de lui, si vous lui saisissez la main avec chaleur et lui montrez que vous avez pour lui de l’affection, alors, par la bénédiction de Dieu, vous pourrez diriger ses pas sur le bon chemin.»

La valeur d’une passion, comme celle d’un feu, se juge à la quantité de lumière et de chaleur qu ‘elle donne. Les fanatiques, comme les incendies de forêts, lancent de grandes flammes, mais détruisent tout ce qui est vert et tendre. .. La passion est inséparable de la compassion. Combien cette pensée d’un auteur anonyme est vraie! Notre Sauveur n’est-il pas celui qui ne brise pas le roseau froissé et qui n’éteint pas la mèche qui fume? (Mat 12.20).

Tout en ayant une saine ambition de croissance et sans négliger les questions de méthodes et de stratégie, l’église locale doit veiller à ne pas être centrée sur le rendement, les statistiques, la stratégie… Elle est centrée sur Christ et sensible à Ses directives. Elle associe harmonieusement l’être et le faire, se souvenant qu’on peut être tellement affairé au service de Jésus-Christ, qu’on en oublie de l’aimer, donc par ricochet, d’évangéliser avec amour et sainteté.

Pour clore ce chapitre, je ne puis m’empêcher de citer une réflexion de cet homme de Dieu remarquable que fut A.W .Tozer: «La notion populaire que la première obligation de l’Eglise est de répandre l’Evangile jusqu’aux extrémités de la terre, est fausse. Sa première obligation est d’être digne spirituellement de le répandre.» Et notre dignité consiste à vivre Christ de plus en plus.

NOTES :
1«Explosion de vie» R. Shallis -page 164, éditions Farel.
2 «La vie quotidienne des premiers chrétiens (95/197)» A. Hamman -page 71, éditions Hachette.
3 «L’évangélisation dans l’église primitive» Michaël Green -page 335 éditions Groupes Missionnaires et Emmaüs.


M.D.

Les fils des prophètes dirent à Elisée: Voici, le lieu où nous sommes assis devant toi est trop étroit pour nous. Allons jusqu’au Jourdain; nous prendrons, chacun une poutre, et nous nous y ferons un lieu d’habitation.
2 Rois 6.1-2



L’extraordinaire extension de l’Eglise primitive tient au fait que le témoignage des chrétiens était vivant et véridique. Les Actes des Apôtres nous en parlent. Pourtant, les luttes ne leur étaient pas épargnées. il est vrai que nous vivons des temps de plus en plus difficiles. Notre société s’est inféodée à son propre confort matériel et au culte du bien-être. Au rejet de l’éthique chrétienne basée sur la parole de Dieu suivent maintenant les crises économiques et politiques. D’énormes changements sont à la porte, comme au temps des premiers chrétiens.

Les hommes sont ballottés par des courants philosophiques et théologiques néfastes. Mais le temps du retour de Jésus-Christ est plus proche qu’il y a 2000 ans. Il va revenir promptement. C’est notre grande espérance. Alors, devons-nous baisser les bras et nous laisser gagner par le découragement, le défaitisme? Loin de nous une telle pensée !

Nous sommes appelés la lumière du monde, pour briller comme des étoiles (Dan 12.3; Mat 5.14-15). Par la Bible nous connaissons notre Dieu pour agir avec fermeté (Dan 11.32). L’Eglise du Dieu vivant est appelée à être la colonne et l’appui de la vérité (1 Tim 3.15). Elle a donc un rôle important à jouer: mettre la vérité en évidence en proclamant que Christ est Seigneur et Sauveur, et en vivant en conformité avec l’Evangile dans nos foyers, à nos places de travail, dans nos églises et dans le monde.

L’Eglise du Seigneur est en marche. Malgré les combats et les épreuves, elle avance pas à pas. Le Seigneur ajoutera encore des membres à son Eglise. Qu’il nous accorde la grâce de persévérer dans l’enseignement des apôtres, dans la communion fraternelle, dans la fraction du pain et dans les prières (Actes 2.42,47).

INFORMATION

Plusieurs lecteurs nous ont encouragés à continuer de dispenser un enseignement biblique simple et clair .Merci à tous ceux qui nous ont écrit pour commander des exemplaires supplémentaires (spécialement le no 104 avec son dossier spécial sur l’évaluation de la doctrine et des méthodes du Dr Paul Yonggi Cho) ou pour nous faire part de leurs remarques. Continuez à nous envoyer vos suggestions, vos questions; cela nous permettra de préparer d’autres thèmes actuels. Continuez à faire connaître notre revue autour de vous. Demandez-nous des spécimens gratuits. Distribuez-les dans vos églises. Et n’oubliez pas l’AFRIQUE. Nous recevons des lettres poignantes de ce continent où beaucoup de responsables et de pasteurs nous demandent de leur envoyer PROMESSES.

Merci pour vos fidèles prières et vos dons !

H.L.
Ils persévéraient dans l’enseignement des apôtres, dans la communion fraternelle, dans la fraction du pain, et dans les prières.
Actes 2.42
Ils étaient chaque jour tous ensemble assidus au temple, ils rompaient le pain dans les maisons et prenaient leur nourriture avec joie et simplicité de coeur, louant Dieu, et trouvant grâce auprès de tout le peuple. Et le Seigneur ajoutait chaque jour à l’Eglise ceux qui étaient sauvés.
Actes 2.46-47


Comment Dieu, trois fois saint, peut-il nous aimer d’un amour si grand, étant donné son aversion pour le péché et notre condition terrestre, notre faiblesse spirituelle, la nécessité quotidienne de nos excuses et contritions? Nous essayerons d’y répondre d’une manière satisfaisante pour l’esprit.

Le mécanisme de l’amour

Vu que Dieu est amour et qu’il nous a créés à Son image, nous pouvons comprendre, au moins partiellement, l’optique et les réactions de Dieu à notre égard. Nous avons appris et compris que le Seigneur Jésus, Dieu fait homme exempt de notre nature pécheresse, s’est conduit en homme parfait, tel qu’il fut annoncé tout au long de l’Ancien Testament.

Nous les hommes, dans presque tous les cas, nous pouvons obéir pour faire ceci ou cela, pourvu que nous en acceptions l’effort. Nous avons donc la liberté d’agir, de commander notre corps; et quand notre volonté le commande, le corps obéit bon gré mal gré.

En revanche, commander à nos sentiments n’est pas si simple et nous n’avons pas la capacité d’obéir aussi facilement au commandement «d’aimer» qu’à celui «de lire la Bible» par exemple. Cela devient une affaire de culture, et nous pouvons cultiver les mauvais sentiments (Osée 10.13), mais les bons aussi, leur trouver un moteur, une raison d’être, un besoin. Ainsi, nous cherchons les raisons d’aimer une personne, une chose, et suivant ce qui touchera notre coeur, nous éprouverons spontanément de l’amour.

Les motifs possibles en sont nombreux, parfois inattendus, insignifiants, voire contradictoires. Ainsi on aimera un enfant quelconque parce qu’on le connaît, parce qu’il est faible, malheureux, qu’il a besoin d’être aimé ou qu’il nous aime, etc. Mais la raison indispensable est de connaître la personne ou la chose à aimer: on ne peut pas aimer sans connaître.

C’est pourquoi la lecture systématique de la Bible nous fait grandir dans la connaissance de Dieu, en nous montrant les actions et réactions de l’Eternel dans l’Ancien Testament et celles du Seigneur Jésus dans le Nouveau Testament. Simultanément, notre amour pour Dieu naît et grandit spontanément.

Notre vision de l’amour de Dieu

Si la connaissance de Dieu nous conduit à l’aimer, elle nous permet aussi de comprendre les raisons de son amour pour Israël, les rachetés, le jeune homme riche (Marc 10.20s), les amis (Jean Il.5), etc. Nous découvrons que ces raisons sont comparables à ce que peuvent être les nôtres, quoique plus anciennes, et plus lourdes de conséquences. Dieu étant parfait, son amour est parfait puisqu’il se définit lui-même par ce sentiment (1 Jean 4.8).

Michel Evan soulignait ceci: «Un grand amour entre deux personnes crée un besoin: celui d’être aimé en retour. Certes, Dieu n’a besoin de personne, mais avant que nous ayons eu besoin de lui, il avait choisi d’avoir besoin de nous. Aussi la Bible compare-t-elle son amour à l’amour conjugal, tant pour Israël que pour l’Eglise, et également à l’amour filial, fraternel, amical, pour chaque racheté. En effet, nous sommes conscients que, dans le couple, il existe un sentiment d’insécurité quand le besoin d’amour éprouvé par l’autre n’est pas mutuellement ressenti. Les vrais amis, également, sont ceux qui éprouvent le besoin réciproque de l’autre: il est nécessaire d’être deux pour éprouver une relation d’amitié ou d’amour> (conférence 1991 à St-Marcellin).

Il est utile également de méditer la réciprocité des sentiments et l’intimité commune qui apparaissent dans Apoc 3.20, après l’ouverture de notre porte.

Considérons aussi notre «adoption», car nous fûmes créés et non engendrés. Une créature n’est pas un fils. Une statue ne fait pas partie de la famille de l’artiste, bien qu’il l’aime avant de l’avoir sculptée, car il la voit déjà dans sa tête et dans son coeur. Or, Dieu nous a adoptés légalement: Eph 1.5 dit que nous sommes prédestinés à être ses enfants d’adoption. Conformément au droit romain (nationalité de Paul), l’adoption résulte d’un choix réciproque du père et des enfants. C’est bien ce qui se passe à la conversion: un choix de l’enfant qui répond au choix de son père.

Ces considérations ne répondent que partiellement à la question: «Comment Dieu peut-il nous aimer, pécheurs que nous sommes chaque jour?» Car ce que nous sommes, ce n’est pas ce que voient les autres, c’est ce que chacun connaît de soi- même. Or, aucun chrétien ne se fait d’illusions sur lui-même, à moins d’être encore aveugle. Et je ne crois pas que nous conserverions beaucoup d’amis si chacun d’eux connaissait toutes nos pensées secrètes. Mais Dieu connaît nos pensées secrètes, et cependant il nous aime.

Une conséquence de la maîtrise du temps

Cette maîtrise éclaire la réponse cherchée. Dieu étant le créateur du temps, il n’y est pas assujetti. Il vit dans tous les temps simultanément, ou encore, il vit dans un éternel présent. Il n’y a pour lui ni passé ni présent, sinon pour se rendre accessible à notre intelligence (voir l’article «Dieu et le temps» dans le n°102).

D’autre part, puisqu’il nous a adoptés comme fils, depuis notre conversion il nous éduque à la façon d’un père, avec ses droits et ses responsabilités. Dans la Loi, le père n’avait-il pas droit de vie et de mort sur son fils indocile et rebelle ? (Deut 21.18-21). Ce droit, qui est aussi celui du créateur, nous l’avons reconnu de bonne grâce à notre père céleste. Il en résulte que, depuis notre conversion, nous trouvons tout à fait normal et bon qu’il nous perfectionne au moyen de l’éducation, d’encouragements, de remontrances, d’épreuves et de sanctions. A la conversion, n’étions-nous pas d’accord avec lui sur les clauses du contrat?

Or, quand un père doit punir son enfant, il ne cesse pas de l’aimer à cause de la désobéissance précédente. Bien sûr, il n’aime pas les fautes commises, et ce sont elles qu’il sanctionne, tandis que ce qu’il aime, c’est l’enfant tel qu’il sera après avoir été guéri de ses défauts, lorsqu’il aura grandi et lui fera honneur.

Seulement, pour le père humain, ce n’est qu’un espoir qui peut être déçu. Tandis que Dieu sait ce que nous serons dans l’éternité, il le voit et il ne subira aucune déception, aucun échec. Il voit, dans le ciel, des hommes saints et parfaits: ses enfants d’adoption. Alors, bien que les défaites du présent justifient sa désapprobation, il nous aime néanmoins pour ce que nous serons demain. Et cela, il peut le faire sans aucune ombre, malgré ce que nous sommes aujourd’hui.

Y a-t-il une maîtrise du temps pour nous?

Bien qu’il soit créé à l’image de Dieu, l’homme, encore pécheur, voit rarement les événements avec la même optique que lui. Aussi, pour juger des circonstances, l’homme spirituel doit-il, dans beaucoup de domaines, tenir compte de cette optique d’en haut.

Je m’expliquerai en ce qui concerne la maîtrise du temps. Si elle ne nous est pas accessible, savoir qu’elle existe peut quand même nous conférer une certaine sagesse, une certaine patience. Nous pouvons penser à l’avenir avant d’agir ou de réagir. Je citerai un seul exemple pratique que j’emprunte à David Goold :

«Quand Jésus regardait quelqu’un, il ne voyait pas le pécheur récalcitrant du moment, mais le fidèle qui se repentira demain. Alors, toi non plus, ne désespère de personne, regarde les gens comme Jésus les voit: il voit des personnes qui pourront changer. De la même façon accueille sans difficultés le rétrograde repentant, en pensant non à ce qu’il fut, mais à ce qu’il sera. Il faut voir ce que toutes ces personnes seront demain» (conférence 1988 à l’Hermon). Ce frère regardait au lendemain, dans le but de voir comme Dieu, et d’agir selon son conseil.

La Bible fait une appréciation dans le temps quand elle dit: Mieux vaut la fin d’une chose que son commencement (Ecc 7.8 Seg. 1975). Elle nous conduit à la patience, à la mansuétude, et à une foi plus clairvoyante pour les autres, car, malgré l’ennemi, le dernier mot appartient au créateur, notre Père céleste.

H.L.


(Juges 11.29-40)

Qui dit Jephthé dit voeu; qui dit voeu dit Jephthé. Du ministère de ce juge, le lecteur ne retient souvent que le récit de son voeu étrange. Impossible de dissocier les deux. Mais en quoi consistait exactement cet engagement? Etait -il plaisant ou déplaisant, exemplaire ou exécrable? Dans quel esprit et pour quelle raison a-t-il été fait?

L’interprétation de cet acte oppose adversaires et sympathisants de notre juge. Les uns voient en lui un produit des cultures cananéennes, un homme qui n’a pas hésité à sacrifier sa propre fille pour s’acheter la bénédiction divine. Les autres, sans l’approuver entièrement dans sa démarche, suggèrent que Jephthé s’est contenté de consacrer sa fille au service du tabernacle.

La difficulté à trancher entre les deux points de vue vient souvent d’une négligence (pour ne pas dire d’une ignorance) du contexte, car faut-il le rappeler, les 12 versets de notre récit font partie d’un ensemble beaucoup plus large (60 versets: Jug 10.6-12.7). Evaluer la force de chaque position sans étudier les développements antérieurs et postérieurs, c’est s’aventurer sans boussole dans une jungle d’arguments.

Notre étude du contexte examinera les données relatives, (l) à l’ensemble du livre des Juges, (2) au cadre fixé par le ministère des juges précédant et suivant immédiatement Jephthé, (3) à la structure du sixième cycle d’oppression / libération, (4) au contenu particulier de ce cycle. Nous serons alors mieux à même de discerner l’ivraie du bon grain dans les arguments avancés par les différents commentateurs. Mais avant de prendre envol pour cette approche globale, précisons les éléments clés de chaque position.

Sacrifice humain ou consécration au service de Dieu?

Les critiques de Jephthé relèvent comme argument fondamental la mention du mot holocauste ( «olâ : 11.31). Selon eux, ce mot est toujours utilisé pour décrire un sacrifice entièrement brûlé. Pour expliquer l’abomination du sacrifice humain, ils relèvent l’arrière-plan du juge et la dégradation morale de son époque. Notre juge est né d’une prostituée (probablement païenne puisque la prostitution était bannie d’Israël pendant la majeure partie de son histoire ). Il semble avoir vécu à l’étranger (le pays de Tob) entouré d’hommes de rien ( 11.3). Ce contexte païen pourrait expliquer la perversion des valeurs morales et spirituelles de Jephthé. Plus tard, le massacre de 42 000 hommes d’Ephraïm (12,1-6) semble confirmer ce jugement. Quant à l’ absence de reproches du peuple suite à ces infamies, elle serait due à la dégradation morale et spirituelle de l’époque.

De l’autre côté, les défenseurs de Jephthé avancent que le juge est mentionné comme héros de la foi dans le Nouveau Testament (Héb 11.32), que l’Esprit divin était sur lui (Jug 11.29), que le drame principal du récit est la virginité et non la mort de la fille de Jephthé. Enfin, la passivité du peuple devant un sacrifice humain serait inexplicable, même en des temps d’apostasie. Ne voit-on pas le peuple réagir violemment à une autre abomination à la fin du livre, alors que le peuple est au plus bas (19.30-20.1)?

Le contexte du livre: le thème du leadership

Comme nous avons eu l’occasion de le relever dans nos études précédentes (Promesses 99-104), le livre des Juges présente le ministère des leaders sous un regard favorable. La corruption rencontrée à cette période en Israël ne vient pas des juges, mais du peuple. Celui-ci préfère se tourner vers les idoles plutôt que de suivre la voie tracée par leurs chefs (voir en particulier Promesses 99: 1992/1 ). Mis à part quelques légers écarts, le comportement des juges est irréprochable:

Le Nouveau Testament interprète dans le même sens leur ministère: non seulement rien de négatif n’est mentionné à leur sujet, mais surtout quatre d’entre eux (dont Jephthé) sont cités comme héros de la foi (Héb 11.32).

Concernant le voeu, on doit relever la mention de la venue de l’Esprit de l’Eternel sur le juge juste avant la formulation de son voeu (11.29-30). Six des sept références à l’Esprit de l’Eternel dans ce livre ont pour but d’aider le lecteur à interpréter correctement un récit qu’il pourrait, de prime abord, mal comprendre. (La première référence sert à qualifier le ministère du juge-type Othniel: 3.10). Ainsi, l’auteur nous met en garde de ne pas lire négativement cette action du juge: Jephthé était pleinement guidé par le Seigneur quand il s’est engagé par son voeu. L’étude détaillée du texte nous montrera en quoi son voeu était le produit d’un coeur noble. Cependant avant de le faire, notre attention s’arrêtera sur le contexte historique du juge et la structure du cycle.

Le cadre des prédécesseurs et successeurs: le thème de la descendance

Le ministère de Jephthé est entouré par celui de cinq petits juges, deux avant (Tola et Yaïr : 10.1-5) et trois après (Ibstân, Elôn et Abdôn: 12.8-15). Le qualificatif petit qui leur est appliqué ne caractérise ni la durée de leur règne (les deux premiers ont régné trois fois plus longtemps que Jephthé) ni leur influence (Yaïr, Ibtsân et Abdôn ont profondément marqué les générations suivantes par leurs descendants), mais par la place que l’auteur leur consacre: le ministère de chacun est «expédié» en deux ou trois versets.

Cependant, tout petits qu’ils soient, on aurait tort de les ignorer. L’auteur des Juges a choisi avec soin tous les éléments de son oeuvre. Les trois siècles qu’il désire décrire sont riches en événements. Seuls quelques-uns peuvent être mentionnés. Chacun est donc significatif et représentatif de son époque. Les petits juges jouent le rôle des petites pierres qui viennent s’intercaler entre les blocs massifs d’une construction pour en accroître la solidité et l’unité. Au nombre de six (aux cinq mentionnés ci-dessus, il faut ajouter Chamgar: 3.31), les petits juges portent le nombre total des juges à douze, soit le nombre des tribus d’Israël. Parce chiffre clé, l’auteur semble signaler aux lecteurs attentifs que les juges sélectionnés dans son livre représentent tous les juges de cette période. D’autre part, la totalité du règne de ces petits juges «bouche-trou» s’élève à 70 ans, un autre chiffre plein de sens. Notez que l’auteur n’invente rien. Il se contente de mentionner et d’omettre ce qui est utile à son oeuvre (ce que fait, soit -dit en passant, tout historien).

Pour revenir plus précisément aux cinq petits juges entourant Jephthé (soient cinq petites pierres pour caler un bloc plus embarrassant que les autres), il nous faut relever, dans les données accompagnant le nom de ces juges, les mentions abondantes (et même démesurées) des descendances. De plus, si l’on inclut la seule autre descendance mentionnée dans ce livre (celle du juge précédant immédiatement Tola), nous obtenons un chiasme révélateur :
  Al Gédéon: 70 fils (8.29-32)
   B1 Tola : aucune précision sur la descendance (10.1-2)
    C1 Yaïr: 30 fils (10.3-5)
     D Jephthé : est privé d’une descendance (11.29-40)
    C2 Ibtsân : 30 fils (12.8-10)
   B2 Elôn : aucune précision sur la descendance (12.11-12)
  A2 Abdôn : 40 fils et 30 petits- fils, soient 70 au total (on relève les 70 ânons) (12.13-15)

Cette structure focalise les regards sur Jephthé au centre du chiasme. Au mouvement décroissant des descendances conduisant de Gédéon à Jephthé, suit le mouvement inverse de Jephthé à Abdôn. Mieux: les chiffres des descendances respectives se correspondent entièrement : 70 -? -30 -0 -30 -? -70.

Si Jephthé est au centre, le thème de la descendance l’est aussi, ou plutôt l’absence de descendance. En effet, le drame de Jephthé privé d’une descendance est décuplé dans ce contexte d’une progéniture plus qu’abondante. Comme une tache noire sur fond blanc, le sort de Jephthé tranche sur celui des autres juges. La structure globale du texte rejoint le message verbal: la souffrance de Jephthé tient dans la virginité de sa fille. Une nouvelle fois, notre analyse fait pencher la balance en faveur de ceux qui voient dans l’enjeu du voeu une consécration au service divin plutôt qu’un sacrifice vivant.

La structure du cycle: Le thème de la marginalité

Avant d’étudier les mots mêmes de notre texte, une dernière étape doit être franchie dans notre approche globale: celle qui situe nos 12 versets dans le cadre des 60 consacrés au cycle de Jephthé.

La particularité de cette section (en plus du voeu de Jephthé) vient de la longue plaidoirie du juge en faveur de la légitimité pour Israël à occuper la Transjordanie (11.12-28). Pourquoi l’auteur a-t-il jugé opportun de rapporter ces paroles, et de manière si détaillée? Cette question devient brûlante quand on réalise que ce discours est au centre de toute la section :
  Al La révolte du début: 10.6
   B1 La colère de l’Eternel devant la trahison d’Israël: 10.7-16
    Cl L’héritage laissé à Jephthé: 10.17-11.11
     D Plaidoirie sur l’héritage d’Israël en Transjordanie: 11.12-28
    C2 L’héritage laissé par Jephthé: 11.29-40
   B2 La colère de Jephthé devant la trahison d’Ephraïm: 12;1-6
  A2 La conclusion du règne: 12.7

Les tribus de Transjordanie sont l’objet de ce cycle. L’auteur des Juges, qui n’en a encore jamais parlé (sinon brièvement au travers du juge Yaïr: 10.35) et ne les mentionnera plus (sinon brièvement lors de la coalition contre Benjamin à la fin du livre: 20.1), règle ici leur statut. La situation de ces trois tribus établies à l’est du Jourdain était ambigüe: tout en faisant partie d’Israël, elles avaient préféré une autre région à la terre promise. La menace d’ une scission entre les tribus des deux côtés du Jourdain était constante (Jos 22).

En incluant dans son livre une histoire de salut relative à Gad, l’auteur reconnaît le rattachement de ces tribus à Israël. Certes, seul Gad est mentionné, mais la situation des autres est la même; et comme d’autre part, Gad est situé entre Manassé au nord et Ruben au sud, il représente tous les trois.
 Si les trois tribus font partie d’Israël, si elles ont hérité d’une terre comme les autres, si elles sont inclues dans l’alliance avec l’Eternel (et souffrent de sa colère ou bénéficient de son secours selon leur attitude), leur situation n’est quand même pas identique à celle des tribus de Cisjordanie. Restées en marge des promesses divines, elles ne recevront qu’un juge marginal, Jephthé, le fils d’une prostituée. Le juge qui les défendra est aussi celui qui les représente. La marginalité des tribus entraîne la marginalité du juge. Ce lien entre le juge et sa tribu est fondamental si l’on veut bien comprendre la réponse divine au voeu de Jephthé. En effet, ce qui arrive au juge n’est pas seulement le résultat de son attitude ou de son statut personnel, mais aussi le résultat du statut des tribus qu’ il représente.

Lumière sur un voeu: le thème de la consécration

L’analyse du contexte étant terminée, nous pouvons maintenant nous pencher sur le récit du voeu. Jephthé est un homme de Dieu, un héros de la foi. Oint de l’Esprit divin, il s’engage et se consacre à Dieu. Quel était le contenu de son engagement et pour quelle raison l’Eternel a-t-il fait tomber le sort sur sa fille ? Dans l’ordre, nous allons répondre à ces deux questions.

Jephthé, le marginal et le représentant d’une tribu marginale, désire renouveler son alliance avec Dieu. Mais Dieu est-il prêt à renouveler cette alliance? Jephthé sera fixé à l’issue du combat. S’il remporte la victoire, il saura que Dieu est de son côté. Et dans ce cas, il s’engagera de tout son être. Mais comment marquer cet engagement? Jephthé propose de laisser à Dieu le choix de l’offrande. Je te consacrerai quiconque sortira des portes de ma maison à ma rencontre à mon heureux retour de chez les Ammonites.

L’offrande de Jephthé est de valeur. Mieux qu’un objet, il offre une personne, et une personne de valeur: elle fera partie de sa famille, et sera celle qu’ il apprécie le plus, puisqu’elle aura été plus alerte que les autres à 1’accueillir à son retour. En effet, quelqu’un qui nous est entièrement attaché et ne vit que pour nous est aussi quelqu’un que l’on apprécie. Ainsi Jephthé place la barre au sommet: il veut offrir à Dieu la personne qu’il apprécie le plus. Cependant, il laisse le choix final à Dieu. Comme signe d’une soumission réelle, il était difficile de mieux faire.

Comment cette personne sera-t- elle offerte à Dieu ? La personne sera consacrée à l’Eternel, et je l’offrirai en holocauste (11.31). Le mot français holocauste vient du grec holos (tout) et kainô (brûler) ; il représente un sacrifice dans lequel la victime est entièrement brûlée. Le mot hébreu traduit par holocauste est olâ; il vient de la racine alâ qui exprime l’idée de monter. Lévitique 1 fournit les caractéristiques de trois types d’holocaustes. A chaque fois, l’offrande est brû1ée dans sa totalité, mais 1’accent pour ces sacrifices est ailleurs. il est dans la fumée et surtout l’odeur agréable qui montent vers le Seigneur (Lév 1.9, 13,17).Ainsi la racine hébraïque (et non le mot grec) exprime l’essence fondamentale de ce sacrifice.

Jephthé, en parlant d’holocauste, ne pense nullement à un sacrifice humain, mais à un don total et à une offrande d’une agréable odeur qui monte vers Dieu. L’apôtre Paul reprendra dans un même esprit les notions de sacrifice vivant (Rom 12.1) et d’odeur de vie (patfum) (2 Cor 2.14-16). Jephthé, comme Paul, pense au service de Dieu. La suite du texte des Juges confirme cette interprétation puisque la conséquence de cet engagement total n’est pas la mort, mais le célibat du serviteur. Et pour être bien compris, l’auteur relève jusqu’à trois fois la virginité de la fille du juge ( 11.37, 38, 39).

Jephthé consacre une personne de grande valeur au service de Dieu. Mais pourquoi ne s’est-il pas offert lui-même? Le don d’un autre n’est-il pas une voie de facilité ? Pour certains peut-être: pas pour Jephthé. Notre juge est prêt à s’engager totalement. Mais si Jephthé est consacré, il est aussi sage et humble.

Il réalise que son appel se situe sur le plan politique. Dieu l’a qualifié pour libérer le pays. Ses désirs personnels importent peu: il doit rester à son poste. Pas question de servir au temple. Comme le fidèle qui n’a pas reçu d’appel pastoral, mais soutient pasteurs et missionnaires par ses ressources, Jephthé reste à son poste, mais appuie de toutes ses forces le ministère spirituel d’une autre personne.

Par ailleurs, Jephthé est le fils d’une prostituée. Quand on connaît toutes les restrictions physiques au ministère de sacrificateur, on peut imaginer les hésitations de Jephthé à s’engager dans un ministère religieux. Parmi les descendants d’Aaron étaient éliminés du service de l’autel les aveugles, les boiteux, ceux ayant le nez déformé ou un membre allongé; les hommes ayant une fracture au pied ou à la main, les bossus ou grêles, ayant une tache à l’oeil, la gale, une dartre ou les testicules écrasés (Lév 21.18- 20). Ainsi sous l’ancienne alliance, les caractéristiques physiques et spirituelles devaient correspondre. La perfection sous tous les rapports était exigée. Or par sa naissance, Jephthé est impur, et d’emblée, il se sent exclu d’un ministère spirituel.

Un homme sans reproche

Si Jephthé porte en lui une marque d’imperfection (par sa naissance), il est irréprochable sur le plan moral et spirituel. Il accepte les limitations imposées par Dieu pour certains ministères; il se soumet aussi au choix de Dieu lorsque sa fille l’accueille la première. Même la guerre civile qu’il mène après sa victoire sur les Ammonites est juste (12.1-6). Les hommes d’Ephraïm qui en voulaient à sa vie sans raison n’étaient que des criminels. Comme juge, il accomplit son devoir. En les punissant par la mort, il applique la loi divine qui exige la peine capitale pour les meurtriers (Ex 21.12).

Le seul point négatif à relever contre Jephthé semble être la réponse divine à son voeu. En le privant de descendance, l’Eternel ne l’a-t-il pas puni ? Dans l’Ancien Testament une descendance nombreuse était signe de bénédiction, et Jephthé en désirait une.

Un rappel du contexte aide à mieux comprendre le choix divin.

Le dernier siècle de la période des juges est marqué par une aspiration grandissante à la royauté. Les juges, au travers de leurs descendants, cherchent à asseoir leur maison. Gédéon voulait transformer un de ses fils en héros (8.20- 21); Yaïr marque de son nom 30 localités qu’il confie à ses fils (10.4); Ibtsân conclut des alliances politiques par des mariages inter-ethniques (12.9); Abdôn choisit, pour ses descendants, 70 ânons (12.14) comme marche-pied au pouvoir (à noter que les rois cheminaient sur des ânes); plus tard sous Samuel, le peuple ira jusqu’à demander la royauté. Rien de bon dans tout cela, car cette séduction vers la royauté ne reflète en fin de compte qu’un rejet de l’autorité divine. Le slogan à la fin du livre des Juges (en ce temps-là, il n’y avait pas de roi en Israël. Chacun faisait ce qui lui semblait bon: 17.6; 18.1; 19.1; 21.25) est une apologie non de la royauté humaine, mais de la royauté divine. Quand Dieu est rejeté comme roi, l’anarchie s’installe.

Certes, la royauté sera instaurée par Dieu en temps voulu, car la venue du Messie doit être préparée. Mais en aucun cas, la maison de Jephthé ne pouvait servir de fondation à cette royauté: Jephthé est le fils d’une prostituée et représente une tribu restée sur la réserve. Jephthé est impur et sa tribu est impure. En lui refusant une descendance, Dieu lui fait comprendre que le Messie tant attendu ne pourra venir ni de sa maison ni de sa région. Accessoire:ment, l’Eternel lui rappelle aussi que le salut dépend de l’alliance, et non de la grandeur d’une maison (mais voir note à la fin).

Aucun blâme personnel pour Jephthé: il n’est simplement pas l’homme de Dieu pour cette vocation. Dieu l’a choisi pour une autre tâche, ponctuelle celle-là: libérer son peuple de la main des oppresseurs Ammonites. Son rôle s’apparente d’une certaine manière à celui de Débora. Tous les deux sont des juges inhabituels (une femme et un bâtard), tous les deux exercent un ministère temporaire (Débora essaie de se retirer dès que possible pour laisser la place à un homme; Jephthé n’a pas de descendance et reçoit un règne limité à six ans). Ce rapprochement entre les deux juges est encore renforcé par la structure globale du livre. Si l’on excepte Othniel, qui sert de prologue aux juges, on peut relever le chiasme suivant:
  A1 Ehud : un libérateur solitaire du sud (Benjamin)
   B1 Débora : un juge inhabituel (une femme)
    C1I Gédéon: le père vainqueur de Baal
    C2 Abimelek : le fils adorateur de Baal
   B2 Jephthé : un juge inhabituel (un bâtard)
  : A2 Samson: un libérateur solitaire du nord (Dan)

Face à l’esprit de revendication qui secoue notre société, Jephthé (comme Débora) est l’exemple du serviteur qui ne se révolte pas contre sa condition modeste. Il accepte, dans la paix, la place que lui confie le Seigneur. Avec lui, la parole de Christ est accomplie avant d’être prononcée: quand vous avez fait tout ce qui vous a été ordonné dites: Nous sommes des serviteurs inutiles, nous avons fait ce que nous devions faire (Lc 17.10).

D.A

Note de la rédaction: N’oublions pour- tant pas que, dans la généalogie de Jésus, il y a Rahab, une prostituée.

 Vous de même, quand vous avez fait tout cce qui vous a été ordonné, dites: Nous sommes des serviteurs inutiles, nous avons fait ce que nous devions faire.
Luc 17.10