PROMESSES
CES MYSTÉRIEUX PSAUMES IMPRÉCATOIRES
Cet article est composé de plusieurs extraits du livre d’Alfred Kuen, Encyclopédie des difficultés bibliques, vol. III, Livres poétiques, Éditions Émmaüs, 2009, p. 256 à 265. Ils ont été reproduits avec l’aimable autorisation de l’auteur et des Éditions Émmaüs. Nous recommandons cet ouvrage, qui est une mine de réponses face à des questions qui peuvent se poser à la lecture des Psaumes. En particulier, il répond dans sa partie « Psaumes : Questions générales » à 26 questions utiles pour entrer dans la compréhension de ce livre.
DEFINITION ET ETAT DES FAITS
Des imprécations isolées se trouvent dans beaucoup de Psaumes, mais dans certains d’entre eux (55, 59, 69, 79, 109 et 137), l’imprécation constitue l’élément essentiel. Dans ces Psaumes, le psalmiste demande à Dieu de châtier le méchant conformément à ce qu’il mérite.
Si notre sens du bien ou du mal est notre critère pour déterminer si un passage est inspiré ou non, il y a de fortes chances pour que nous rejetions ces passages, les considérant comme non inspirés par l’Esprit de Dieu.
LE PROBLEME
Comment un esprit de vengeance évident peut-il être concilié avec les préceptes du N.T. et avec l’ordre de Jésus d’aimer ses ennemis et de prier pour ceux qui vous persécutent (Matt 5.44) ? Trois problèmes se posent :
– Comment peut-on expliquer la présence de ces imprécations dans le recueil d’hymnes hébreux ?
– Peut-on leur trouver une application dans la vie et le culte des chrétiens ?
– Ces cris appelant à la vengeance et au châtiment peuvent-ils être aussi inspirés que les autres parties du Livre des Psaumes qui exaltent le caractère de Dieu ?
ÉLEMENTS DE REPONSE
Affirmer que ces Psaumes font partie de la Parole inspirée de Dieu est une condition préliminaire indispensable à une compréhension correcte de ces paroles. Avant de nous lancer dans la discussion, nous devons réaffirmer notre confiance dans la Parole de Dieu, nous déclarer d’accord avec ce qu’a dit Jésus-Christ, reconnaître que David a parlé et écrit sous l’inspiration de l’Esprit (voir Matt 22.43 ; Marc 12.36 ; Act 1.16 ; 4.25 ; Héb 4.7). Cela exige beaucoup d’humilité, de renoncement à notre propre jugement comme autorité suprême et de confiance dans la Parole de Dieu — même si nous ne la comprenons pas.
Le sens de la justice
Les Psaumes imprécatoires sont une prière pour que justice soit faite et que les exigences du droit soient respectées. Les poètes de l’A.T. étaient très sensibles au mal dû à l’injustice des hommes. David savait être très généreux envers ses ennemis (Saül, Absalom), mais il pouvait aussi être outré par des actions cruelles et il demandait alors à Dieu de les juger.
Bien des appels à la vengeance (109.12 ; 137.8) sont des cris arrachés à des cœurs souffrants qui demandent à Dieu de faire justice et de rétablir le droit. Ces Psaumes veulent réveiller les sentiments du fidèle pour susciter en lui un cœur sensible à la misère causée par la cruauté. Nous trouvons la même préoccupation dans le N.T. La parabole du juge inique demande que justice soit faite à la veuve, et Jésus conclut en disant que « Dieu fera promptement justice à ses élus » (Luc 18.1-8). Pour que la justice de Dieu s’accomplisse, il faut que le mal soit condamné.
Dans un certain sens, ces poètes anciens étaient proches de Dieu qui « a, pour les péchés de ses ennemis, l’hostilité implacable qu’exprime le poète. Implacable ? Certes, mais envers le péché, et non envers le pécheur. Le péché n’est ni toléré, ni ignoré ; il ne fait l’objet d’aucun compromis. De cette façon, l’attitude impitoyable des psalmistes est plus proche d’un des aspects de la vérité que bien des attitudes de nos contemporains qui peuvent être prises, à tort, par ceux qui les adoptent, pour de la charité chrétienne. Les passages féroces des Psaumes servent à nous rappeler que la méchanceté existe réellement dans le monde et qu’elle (sinon ses auteurs) est détestable aux yeux de Dieu. »1
L’injustice émeut et provoque de l’indignation. Si ce n’est plus le cas, le mal est banalisé et accepté.
Le réalisme de la Bible
Le royaume de Dieu ne pourra s’établir qu’après la destruction du royaume de Satan. « Délivre-nous du mal » implique aussi : « Délivre-nous de ceux qui font le mal », de ceux qui s’identifient à la cause de Satan. De même, nous prions avec joie pour le retour du Christ, sans nous arrêter à la pensée que nous prions en même temps pour les événements de 2 Th 1.7-92.
Si nous sommes choqués par ces imprécations, cela peut provenir non pas tant de notre sensibilité chrétienne que d’un manque général d’expérience de la persécution et de notre incapacité à épouser la cause des chrétiens persécutés. Le Ps 83.3-4 dit : « Voici, tes ennemis s’agitent, Ceux qui te haïssent lèvent la tête. Ils forment contre ton peuple des projets pleins de ruse, Et ils délibèrent contre ceux que tu protèges. » Cette situation n’a pas changé. Partout dans le monde, on entend parler des attaques extérieures et intérieures contre l’Église. Dans le Deutéronome, Dieu a prononcé des malédictions sur les membres de son propre peuple. À plus forte raison, maudira-t-il ceux qui s’opposent à lui.
Le cadre de l’alliance
Ces textes sont prononcés dans le cadre d’une société liée par une alliance avec Dieu qui comprenait un engagement mutuel. En cas de rupture du contrat, des sanctions étaient prévues. Le psalmiste demande à Dieu de les appliquer et de punir ceux qui transgressaient son alliance. Cette punition avait aussi un but pédagogique : « Ne laisse pas réussir les projets du méchant, de peur qu’il ne s’en glorifie ! » (140.9)
L’alliance avec Abraham promettait la bénédiction à ceux qui béniraient la postérité d’Abraham et la malédiction à ceux qui la maudiraient (Gen 12.1-3). Comme cette alliance était inconditionnelle, ses promesses restent valables aussi longtemps qu’Israël subsiste en tant que nation. Sur cette base, David avait donc parfaitement le droit, en tant que représentant de la nation, de prier que Dieu veuille accomplir ses promesses en maudissant ceux qui maudissaient ou attaquaient Israël.
Attaquer le roi (représentant oint officiel de la théocratie), c’était attaquer Dieu. Son zèle pour Dieu inspirait ses prières. Le psalmiste a choisi Dieu pour ami ; les ennemis de celui qui prie sont donc aussi les ennemis de Yahveh.
Mais les malédictions sont toujours conditionnelles : « Dieu est un juste juge, qui, chaque jour, fait sentir son indignation à qui ne revient pas à lui. » (7.12-13)
Ces imprécations sont des prières
David avait la passion de la justice ; il n’était pas animé d’un esprit de revanche. Il pouvait être généreux lorsqu’il était lui-même attaqué (2 Sam 16.11 ; 19.16-23). Il a témoigné sa bonté à un fils de Saül (qui l’avait persécuté) (2 Sam 9).
Les psalmistes reconnaissent à Dieu seul le droit d’exécuter la vengeance. Il est certainement préférable de demander à Dieu de nous venger, plutôt que de se venger soi-même. Est-il si condamnable de demander à Dieu de briser les dents des méchants (58.7) lorsque ceux-ci s’en servent pour déchirer les justes ? Combien de malheurs seraient évités si, au lieu de nous venger, nous exposions à Dieu notre amertume et notre misère — tout en traitant nos ennemis de manière noble et généreuse comme David !
Jésus prie aussi ces Psaumes
Il y a des passages des Psaumes que nous ne pouvons pas reprendre pleinement à notre compte, par exemple des affirmations comme celles du Ps 18.21-24 : « L’Éternel m’a traité selon ma droiture, Il m’a rendu selon la pureté de mes mains ; Car j’ai observé les voies de l’Éternel, Et je n’ai point été coupable envers mon Dieu. Toutes ses ordonnances ont été devant moi, Et je ne me suis point écarté de ses lois. J’ai été sans reproche envers lui, Et je me suis tenu en garde contre mon iniquité. » Un seul a pu les redire en toute vérité : Jésus-Christ.
Dans les « je » des Psaumes, c’est le Christ qui parle. Qu’en est-il alors des confessions de péché dans les Psaumes ? David a confessé ses propres péchés dans ces paroles, mais Jésus les a priées parce qu’il s’est chargé de nos péchés, s’appropriant nos dettes (2 Cor 5.21).
Dans ce sens, tous les Psaumes sont messianiques parce qu’ils regardent vers le Christ — même les Psaumes imprécatoires. « Quelle différence cela fait dans notre prédication lorsque nous savons que ces Psaumes ne sont pas les prières émotionnelles d’hommes coléreux, mais les cris de guerre de notre Prince de la paix ! »3 Il faut lire ces prières à la lumière d’Apocalypse 19.11-16.
Sur la croix, Jésus a prié : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu’ils font. » Comment peut-il alors prier ces Psaumes de vengeance contre ses ennemis ?
Il nous faut voir la personne du Christ dans son entier. Il est le Sauveur miséricordieux et plein d’amour qui pardonne les péchés, mais il est aussi Celui qui viendra pour juger ceux qui désobéissent à l’Évangile.
Quel est le but de ces prières ?
Le Ps 83.16-17 dit : « Poursuis-les ainsi de ta tempête, Et fais-les trembler par ton ouragan ! Couvre leur face d’ignominie, Afin qu’ils cherchent ton nom, ô Éternel ! » Nous sommes appelés à prier pour que Dieu exerce ses jugements sur ses ennemis « afin qu’ils cherchent ton nom », c’est-à-dire qu’ils se convertissent. Bien des tempêtes (physiques ou morales) ont amené des gens à se tourner vers le Seigneur.
Le N.T. fait un pas de plus
Dans leur impatience, les psalmistes demandent à Dieu de hâter le jugement. L’Évangile, par contre, montre que Dieu est désireux de sauver. Dans Jean 13.18, Jésus cite le Ps 41.10 au sujet de l’ami qui « mangeait mon pain » et qui « lève son talon contre moi », mais il ne prie pas comme David pour avoir l’occasion de le lui rendre.
L’A.T. ne fait pas de distinction entre le péché et le pécheur. Celui qui combat le péché doit aussi combattre celui qui le commet. Dieu hait le péché et le détruit. Seules la souffrance et la mort du Christ ouvrent le chemin vers le fait que le pécheur peut être pleinement gracié et réconcilié. C’est pourquoi, même dans le N.T., seul celui qui se réfugie auprès de l’Agneau de Dieu qui porte le péché du monde (Jean 1.29) voit s’ouvrir devant lui la porte du paradis (Luc 23.43). Le Dieu de l’A.T. n’est pas plus saint que celui du N.T. Sa colère reste suspendue au-dessus du péché. Cet arrière-plan de l’A.T. rend d’autant plus lumineuse la grâce que Jésus-Christ est venue apporter : tout en condamnant le péché, il voulait sauver le pécheur (Luc 7.47-50 ; 19.1-10 ; Jean 8.1-11).
Apocalypse 20.11-15 nous révèle que Dieu jugera les méchants dans l’avenir. Mais, comme indiqué plus haut, nous pouvons prier Dieu pour qu’il paralyse la main des méchants, juge ceux qui ne veulent pas changer et que la justice soit manifestée sur la terre.
1C.S. Lewis, Réflexions sur les Psaumes, Éditions Raphaël, 1999, p. 49-50.
2« Le Seigneur Jésus apparaîtra du ciel avec les anges de sa puissance, au milieu d’une flamme de feu, pour punir ceux qui ne connaissent pas Dieu et ceux qui n’obéissent pas à l’Évangile de notre Seigneur Jésus. Ils auront pour châtiment une ruine éternelle, loin de la face du Seigneur et de la gloire de sa force. »
3J.E. Adams, War Psalms, p. 33.
- Edité par Kuen Alfred
Les Psaumes messianiques
Que comprenons-nous derrière l’expression « Psaumes messianiques » ?
Au soir de sa résurrection, le Seigneur Jésus explique à ses disciples qu’il fallait que soit accompli tout ce qui était écrit de lui dans la loi de Moise, dans les prophètes et dans les Psaumes (Luc 24.44).
Par cette référence, Jésus confirme le fait que certains Psaumes portent un caractère particulier de Psaumes « messianiques », en ce qu’ils parlent de façon directe du Messie promis au peuple d’Israël.
Parallèlement, on pourrait étendre le concept aux « textes messianiques tirés du Pentateuque » ou aux « prophéties messianiques tirées des prophètes ». En général, le caractère messianique d’un texte de l’Ancien Testament est avéré, quand un ou plusieurs auteurs du Nouveau Testament citent ce texte en relation avec le Messie. Par extension, d’autres parties de la Bible portent ce caractère, sans être spécifiquement « accréditées comme telles » par le Nouveau Testament. Il nous faut ici beaucoup de discernement et de sagesse dans l’interprétation des Écritures, car on risque, dans une recherche trop poussée de typologie, de vouloir rendre messianique un passage qui ne le serait pas. Au-delà d’une lecture directe, historique des Psaumes, nous pouvons en relire certains en cherchant à y trouver ce qui annonce par avance Jésus.
Au cours de son enseignement, Jésus a souvent cité lui-même des Psaumes, afin d’illustrer ou d’établir une vérité
– Mat 21.16 : « Tu as tiré des louanges de la bouche des enfants et de ceux qui sont à la mamelle. » (Ps 8.2)
– Mat 5.5 : « Heureux les humbles de cœur, car ils hériteront la terre ! » (Ps 37.11)
– Jean 6.31 : « Il leur donna le pain du ciel à manger. » (Ps 78.24)
Jésus nous montre ainsi que la lecture des Psaumes constitue une très riche nourriture spirituelle.
Mais il va plus loin, quand il reconnaît le caractère messianique de certains Psaumes :
– Marc 12.36 : Il cite un psaume qui annonce la gloire du Messie : « David lui-même, animé par l’Esprit-Saint, a dit : “Le Seigneur a dit à mon Seigneur : ‘Assieds-toi à ma droite, Jusqu’à ce que je fasse de tes ennemis ton marchepied.’” » (Ps 110.1)
– Jean 15.25 : Il évoque la souffrance du Messie : « Mais cela est arrivé afin que s’accomplisse la parole qui est écrite dans leur loi : “Ils m’ont haï sans cause.” » (Ps 35.19)
– Jean 13.18 : Il annonce la trahison de Judas : « Il faut que l’Écriture s’accomplisse : “Celui qui mange avec moi le pain a levé son talon contre moi.” » (Ps 41.9)
– Luc 20.17 : Il démasque le rejet des chefs religieux à son égard : « La pierre qu’ont rejetée ceux qui bâtissaient est devenue la principale de l’angle. » (Ps 118.22)
N’est-ce pas touchant d’entendre Jésus parler de lui-même, à travers ces citations de Psaumes ?
Cette introduction — que l’on pourrait compléter par de nombreuses citations des Actes et des Épîtres — nous conduit à parcourir ensemble un de ces Psaumes messianiques, cité dans le Nouveau Testament en Hébreux 10. 5-7 : le Psaume 40.
Psaume 40
« J’avais mis en l’Éternel mon espérance ; Et il s’est incliné vers moi, il a écouté mes cris. » (v.1)
Comme souvent dans les Psaumes, le premier verset peut être lu comme un résumé ou une introduction à ce qui suit. L’humanité parfaite du Seigneur marchant sur la terre, sa dépendance et sa patience, sa souffrance, sont évoquées là et se retrouvent dans les versets qui suivent.
« Il m’a retiré de la fosse de destruction, du fond de la boue ; Et il a dressé mes pieds sur le roc, il a affermi mes pas. Il a mis dans ma bouche un cantique nouveau, une louange à notre Dieu. » (v. 2-3a)
Le Psaume commence par la résurrection et la louange. Nous pensons à Jésus victorieux. Après l’abîme de la mort, évoquée dans des expressions qui rappellent celles qu’utilisait Jonas dans le ventre du grand poisson, la stabilité d’une vie qui demeure à toujours s’appuie sur le roc.
Et si nous sommes nous-mêmes au fond d’un puits ou dans un bourbier, nous pouvons penser à celui qui en est sorti victorieux.
« Beaucoup l’ont vu, et ont eu de la crainte, et ils se sont confiés en l’Éternel. » (v. 3b)
De nombreux témoins oculaires de sa résurrection ont vu et ont cru. C’est le cas de Jean, « l’autre disciple », entrant dans le tombeau vide (Jean 20.8) ou de Thomas face aux marques des clous et de la lance (Jean 20.28).
« Heureux l’homme qui place en l’Éternel sa confiance, Et qui ne se tourne pas vers les hautains et les menteurs ! » (v. 4)
Nous entrevoyons la confiance de Christ comme homme. Il n’était pas tourné vers les orgueilleux, lui qui était « doux et humble de cœur » (Mat 11.29).
« Tu as multiplié, Éternel, mon Dieu ! Tes merveilles et tes desseins en notre faveur ; Nul n’est comparable à toi ; Je voudrais les publier et les proclamer, Mais leur nombre est trop grand pour que je les raconte. » (v. 5)
Ses œuvres et ses pensées sont merveilleuses. L’apôtre s’écriera dans une doxologie : « Ô profondeur de la richesse, de la sagesse et de la science de Dieu ! » (Rom 11.38) Jean dira aussi des œuvres du Seigneur : « Si on les écrivait en détail, je ne pense pas que le monde même pourrait contenir les livres qu’on écrirait. » (Jean 21.25) Jésus dira aussi : « Le Père aime le Fils et lui montre toutes les choses qu’il fait lui-même, et il lui montrera des œuvres plus grandes que celles-ci afin que vous soyez dans l’admiration. » (Jean 5.20, Darby) Partageons-nous cette admiration ?
« Tu ne désires ni sacrifice ni offrande, Tu m’as ouvert les oreilles ; Tu ne demandes ni holocauste ni victime expiatoire. » (v. 6)
Jésus était le « plaisir de Dieu » sur la terre, au-dessus des quatre formes de sacrifice qui nous sont décrites dans le début du livre du Lévitique et qui sont rappelées ici. À deux reprises, lors de son baptême et sur la montagne de la transfiguration, Dieu fait entendre sa voix : « Celui-ci est mon Fils bien aimé en qui j’ai trouvé mon plaisir. »
L’humanité de Christ est soulignée dans l’expression : « Tu m’as ouvert les oreilles », traduite par : « Tu m’as formé un corps » dans la traduction des Septante citée en Hébreux 10.5. Outre le fait que les Septante aient probablement choisi ici un mode de traduction dit « par équivalence dynamique » et non pas mot à mot, il est touchant d’entrevoir que toute l’humanité du Seigneur Jésus — « Tu m’as formé un corps » — se caractérisait par son écoute, son obéissance, sa soumission à son Père — « Tu m’as ouvert des oreilles ».
Son corps d’homme parfait est présenté comme sacrifice, ultime ressource quand le sacrifice de prospérité, l’offrande de gâteau, l’holocauste et le sacrifice pour le péché ne nous sont plus « demandés ».
« Alors je dis : “Voici je viens” » (v. 7a)
Joseph dit : « Me voici » quand son père veut l’envoyer vers ses frères (Gen 37.13). Ésaie dit : « Me voici, envoie moi » quand Dieu demande : « Qui enverrai-je, et qui marchera pour nous ? » (És 6.8)
David « se leva de bon matin, […] prit sa charge, et partit » quand Isaï son père lui demanda d’aller voir ses frères (1 Sam 17.17,20).
Joseph et David, par divers traits de leur caractère et par les expériences de leur vie (par exemple leur rejet par leurs frères), annoncent par avance celui qui, encore mieux qu’eux, dira : « Voici je viens. »
« Il est écrit de moi dans le rouleau du livre. C’est mes délices, ô mon Dieu, de faire ce qui est ton bon plaisir, Et ta loi est au fond de mon cœur. » (v. 7b-8)
Quand Jésus dit à ses disciples étonnés, devant le puits de Sichar : « Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé et d’accomplir son œuvre » (Jean 4.34), c’est un peu comme s’il citait ce texte du Psaume 40 pour lui-même. Et voilà que ce même verset fait référence à un autre rouleau, un autre livre, celui de la loi. C’est comme une chaîne qui commence dans le Pentateuque, passe par le Psaume 40 et se termine dans les Évangiles et l’Épitre aux Hébreux. Jésus dira : « Si vous croyiez Moïse, vous me croiriez aussi, parce qu’il a écrit à mon sujet. » (Jean 5.46)
« J’annonce la justice dans la grande assemblée ; Voici, je ne ferme pas mes lèvres, Éternel, tu le sais ! Je ne retiens pas dans mon cœur ta justice, Je publie ta vérité et ton salut ; Je ne cache pas ta bonté et ta fidélité dans la grande assemblée. » (v. 9-10)
Jésus est le vrai témoin fidèle. Sa vie se caractérise par la perfection.
Au cours de son ministère il ne se lassait pas : « Selon sa coutume, il se mit encore à enseigner [la foule]. » (Marc 10.1) Dans les tout derniers jours avant la croix, « tout le peuple, dès le matin, se rendait vers lui dans le temple pour l’écouter. » (Luc 21.38)
Jésus a fait une « belle confession devant Ponce Pilate » (1 Tim 6.13). Il n’a pas hésité non plus devant le souverain sacrificateur, alors qu’il savait quel déchaînement de violence ses paroles allaient provoquer : « Tu l’as dit. De plus, je vous le déclare, vous verrez désormais le Fils de l’homme assis à la droite de la puissance de Dieu, et venant sur les nuées du ciel. » (Mat 26.64) Jésus unifie admirablement dans cette seule phrase deux textes messianiques complémentaires : le Psaume 110.1 (« assis à la droite de la puissance ») et Daniel 7.13 (« Sur les nuées des cieux arriva quelqu’un de semblable à un fils de l’homme »). La situation s’est retournée : Jésus devient le juge et l’assistance, l’accusée. C’est comme si Jésus donnait, à la dernière heure de son ministère, la clef de l’expression qu’il aimait tant utiliser pour se désigner lui-même : « le fils de l’homme » (79 fois dans sa bouche).
« Toi, Éternel ! tu ne me refuseras pas tes compassions ; Ta bonté et ta fidélité me garderont toujours. Car des maux sans nombre m’environnent ; Les châtiments de mes iniquités m’atteignent, Et je ne puis en supporter la vue ; Ils sont plus nombreux que les cheveux de ma tête, Et mon courage m’abandonne. » (v. 11-12)
Ce Psaume, qui a introduit Christ comme un sacrifice, le présente maintenant comme celui qui a porté nos péchés sur lui, les prenant à son compte. Il est semblable au bouc azazel (le bouc qui s’en va, ou le bouc-émissaire), qui recevait l’imposition des mains du sacrificateur sur sa tête. Ce dernier y confessait toutes les iniquités et toutes les transgressions du peuple que le bouc portait au désert (Lév 16. 20-23).
« Veuille me délivrer, ô Éternel ! Éternel, viens en hâte à mon secours ! Que tous ensemble ils soient honteux et confus, Ceux qui en veulent à ma vie pour l’enlever! Qu’ils reculent et rougissent, Ceux qui désirent ma perte ! Qu’ils soient dans la stupeur par l’effet de leur honte, Ceux qui me disent : Ah ! ah ! » (v. 13-15)
Le Seigneur est passé par la souffrance de la moquerie, du ridicule, d’être différent. Un autre Psaume messianique dit : « L’opprobre me brise le cœur. » (Ps 69.20) Quelqu’un d’endurci peut se moquer de l’avis des autres, mais le Seigneur était sensible à la violence des mots et des regards. Il nous comprend, si nous ressentons parfois des attaques de cette nature.
Il semble que ce Psaume se termine par la croix, alors qu’il avait commencé par la résurrection. Quand nous nous préparons et participons à un culte d’adoration, ne tombons pas sous la tyrannie de la chronologie ou de la liturgie. N’hésitons pas à commencer un culte par la résurrection et la victoire et à reparler de la croix après la célébration de la cène. Il en est de même dans notre adoration privée, pour laquelle un Psaume comme celui-ci peut nous servir de base ou d’aide.
« Que tous ceux qui te cherchent Soient dans l’allégresse et se réjouissent en toi ! Que ceux qui aiment ton salut Disent sans cesse : Exalté soit l’Éternel ! » (v. 16)
Au cœur même de la souffrance, le Messie entrevoit les fruits de son œuvre. Des hommes et des femmes rechercheront Dieu, se réjouiront en lui et seront l’objet « d’un si grand salut ». Ils seront un peuple d’adorateurs.
Hébreux 12.2 nous dit : « Jésus, à cause de la joie qui était devant lui, a enduré la croix, ayant méprisé la honte. » C’est un peu le résumé des trois derniers versets de notre psaume : la honte (v. 15), la joie (v. 16) et la croix (v. 17).
« Moi, je suis pauvre et indigent ; Mais le Seigneur pense à moi. Tu es mon aide et mon libérateur : Mon Dieu, ne tarde pas ! » (v. 17)
Sur la croix, le Seigneur Jésus était le pauvre par excellence. On venait de le dépouiller du peu qui lui restait, ses vêtements, dont la tunique tissée d’une seule pièce. Il sait que la délivrance viendra de son Dieu, qui ne l’oublie pas. Mais la souffrance est là et le temps est long : « Mon Dieu, ne tarde pas ! »
- Edité par Jean Frédéric
Un magnifique soir d’été. Je chante dans une chorale le Psaume 103 mis en musique spécialement pour l’occasion. C’est le mariage de ma meilleure amie. Je la connais depuis 25 ans. Nous sommes voisines depuis toujours, allons dans la même école, avons souvent été dans la même classe, partageons la même foi, fréquentons la même église, partons parfois en vacances ensemble et passons de longues heures à parler, au téléphone ou de visu !
Pour son mariage, l’oncle de la mariée a donc composé une musique adaptée au Psaume 103 et une grande chorale chante à pleins poumons : « Mon âme, bénis l’Eternel et n’oublie aucun de ses bienfaits ! » (v. 2) C’est vrai que, pour Amélie , c’est un grand bienfait que d’épouser un garçon qu’elle aime, qui partage sa foi et qui, de plus, a de nombreuses qualités. Pour moi, c’est un peu différent : j’ai vraiment l’impression de la « perdre ». Nos longues heures de discussion risquent de se réduire considérablement ; c’est normal mais j’en éprouve un petit pincement au cœur…
« Autant l’orient est loin de l’occident, autant il éloigne de nous nos transgressions. » (v. 12) C’est beau de rappeler en un jour de mariage que Dieu nous a pardonnés toutes nos fautes et qu’il ne nous les rappelle plus.
« L’homme ! ses jours sont comme l’herbe, il fleurit comme la fleur des champs. Lorsqu’un vent passe sur elle, elle n’est plus, et le lieu qu’elle occupait ne la reconnaît plus. » (v. 15-16) Mais quelle idée a eu l’oncle d’Amélie de vouloir nous faire chanter tout le Psaume 103 ! Les mariés sont jeunes, beaux, pleins de vie et la vie est devant eux ! Il aurait pu nous proposer une adaptation du Psaume en omettant ces deux versets…
« Bénissez l’Éternel, vous toutes ses œuvres, dans tous les lieux de sa domination ! Mon âme, bénis l’Éternel ! » (v. 22)
Quatre jours plus tard, coup de téléphone. C’est la mère de la mariée : « Michel et Amélie sont auprès du Seigneur ! » Stupéfaction. Incompréhension. C’est un accident de voiture qui les a tués tous les deux sur le coup, lors de leur voyage de noces. J’avais eu l’impression de « perdre » ma meilleure amie le jour où elle partait avec son mari, mais là, c’est effectif : je ne la reverrais plus sur cette terre…
Je passe mes journées à pleurer. Et au milieu de mes larmes et de toutes les pensées qui m’assaillent, le Psaume 103 me revient : « L’homme ! ses jours sont comme l’herbe… » Je comprends pourquoi il ne fallait pas supprimer ces deux versets dans l’adaptation musicale. Et, même si je ne comprends pas pourquoi « elle n’est plus », je comprends un peu la brièveté de la vie et la souveraineté de Dieu.
Et, dix-sept ans après, je peux dire : « … elle n’est plus… mais la bonté de l’Eternel est de tout temps et à toujours sur ceux qui le craignent. » (v. 17)
« Mon âme, bénis l’Eternel ! »
- Edité par Prohin Anne
Le Livre des Psaumes est le livre des superlatifs : c’est le livre le plus long du canon inspiré, avec le plus grand nombre de chapitres, avec le chapitre le plus long (le Psaume 119) et le plus court (le Psaume 117) de la Bible ; c’est le livre qui contient le verset central de la Bible (118.7) ; c’est le livre auquel le plus d’auteurs ont contribué ; c’est le livre le plus varié, etc. Alors comment aborder un tel monument ? Modestement, en donnant quelques éléments synthétiques sur l’ensemble du livre puis en essayant de tracer quelques lignes directrices.
150 POEMES
Le titre du livre
En hébreu, les Psaumes s’appellent sepher tehillim, qu’on peut traduire par « livre de louanges » ou, tout simplement « louanges ». La Septante grecque, puis la Vulgate latine, ont choisi le mot qui a donné notre titre actuel, psalmos, c’est-à-dire « livre de poèmes faits pour être chantés avec un accompagnement d’instruments à cordes » ; significativement, ce livre qui est au « cœur » de la Bible va nous parler au cœur, en en faisant vibrer la corde sensible.
Ces deux titres nous indiquent déjà deux des thèmes essentiels des Psaumes :
– c’est un livre de louange,
– c’est un livre de sentiments.
Le premier et le dernier verset reprennent ces deux thèmes majeur : « Heureux l’homme qui… » (1.1) ; « Que tout ce qui respire loue l’Éternel ! Louez l’Éternel ! » (150.6)
La structure
Les 150 Psaumes sont divisés en 5 « livres », tous terminés par une louange et une bénédiction finale, en forme de refrain (41.13 ; 72.18,19 ; 89.52 ; 106.48 ; 150).
Cette division en 5 livres figure dans le texte hébraïque original. Le premier — ou les premiers — Psaume(s) d’un livre ont une importance particulière, car ils donnent le thème général du livre.
Les Psaumes sont le plus long livre de la Bible — et de beaucoup1. Cette diversité est en soit une richesse et une difficulté. Tous les Psaumes ne me parleront pas de la même manière ou au même moment, mais il y en aura toujours un pour m’interpeler. Par ailleurs, il peut paraître ardu d’étudier à la suite tous les 150 Psaumes ; aussi est-ce un livre auquel on gagne à revenir fréquemment.
Le style
Dieu a permis que les Psaumes soient écrits en un style poétique plus facilement traduisible que la poésie française, par exemple, car il repose davantage sur les mots eux-mêmes et leur sens que sur les sons2.
Ce style poétique a une force particulière. Le langage figuratif permet de transmettre de façon condensée des images, des symboles, des figures, des émotions, dans une large variété de sens. Laissons « chanter » ce langage, laissons-nous emporter par ces images. Si nous comprenons si peu les Psaumes, c’est peut-être que nous sommes trop intellectuels ! La contrepartie est que nous trouverons davantage l’expression des sentiments de l’âme du fidèle que des exposés doctrinaux3.
Enfin n’oublions jamais que les Psaumes étaient chantés. Ils ont d’ailleurs été une source majeure de l’hymnologie chrétienne au cours des siècles. Alors nous aussi chantons les Psaumes !
L’ordre des Psaumes
Comme pour d’autres livres (cf. les Proverbes, Ecc 12.9), l’ordre des Psaumes est souvent difficile à saisir. Pour autant, cet ordre est scripturaire : en effet, quand Paul cite le Ps 2 en Actes 13.33, il dit explicitement : « selon ce qui est écrit dans le Psaume deuxième ».
L’ordre est rendu visible par plusieurs indices :
– Parfois, plusieurs Psaumes consécutifs ont le même auteur (ex. : 42 à 49).
– Une suite de Psaumes a le même titre, comme les Cantiques des Degrés (120 à 134).
– Un même thème peut se discerner pour relier plusieurs Psaumes (ex. : le Messie souffrant et glorieux dans les Ps 15 à 24, la louange universelle dans les Ps 146 à 150, etc.).
La structure d’un Psaume
– Le (ou les) premier(s) verset(s) d’un Psaume est important. Il donne souvent soit le thème général du Psaume (ex. : 73.1), soit la conclusion du développement (ex. : 40.1-3).
– La division en alinéas dans les traductions courantes n’est pas inspirée, mais elle éclaire généralement sur la succession des sujets ou des interlocuteurs.
– Saisir la succession des interlocuteurs est primordiale pour une bonne compréhension (ex. : 21). Ils peuvent être variés : Dieu lui-même (ex. : 50.7-13), le Messie (ex. : 22), le Saint Esprit (ex. : 95.7-11, voir Héb 3.7), le fidèle individuellement, les fidèles collectivement, etc. Mais il est à noter que les méchants, s’ils sont cités, ne parlent jamais directement.
Les auteurs
7 auteurs différents sont mentionnés pour 102 Psaumes. Tous (sauf Moïse) appartiennent à la même période de l’établissement de la royauté davidique. David lui-même est l’auteur de 75 Psaumes4.
Mais l’auteur réel du Psautier reste l’Esprit de Dieu (2 Sam 23.2 ; Marc 12.36) : ces paroles d’hommes sont aussi paroles de Dieu et ces descriptions inspirées d’expériences subjectives d’un individu prennent valeur universelle.
Les 4 portées des Psaumes
En simplifiant, on peut distinguer quatre portées différentes dans les Psaumes.
– 1. La portée historique
Les Psaumes éclairent les livres historiques de Samuel et des Chroniques, en montrant quels étaient les sentiments et les exercices de cœur de David dans les situations qu’il traversait et que ces livres historiques racontent5. Mais, au-delà de David et de ses circonstances propres, la vie de cet homme de foi nous est en instruction (1 Cor 10.11,13).
Ainsi la première lecture consiste à lire les Psaumes dans leur sens et leur portée historique, avec leur auteur et avec le peuple d’Israël.
– 2. La portée prophétique
Les Psaumes éclairent les prophètes : les prophètes s’adressent à l’homme de la part de Dieu (2 Pi 1.19-21), tandis que dans les Psaumes c’est l’homme qui s’adresse à Dieu. Tous les versets des Psaumes ne se sont pas encore accomplis : le règne final et complet de Dieu est encore à venir.
Aussi la deuxième lecture consiste-t-elle à lire les Psaumes avec le reste fidèle futur qui attendra le Messie glorieux.
– 3. La portée typologique
Les Psaumes éclairent les Évangiles : ceux-ci ne développent pas les sentiments du Seigneur Jésus pendant sa vie sur la terre ; Dieu a réservé ce trésor aux croyants qui, par la foi, les discernent dans ces expressions anticipatrices des Psaumes (1 Pi 1.10-12).
Ainsi la troisième lecture consiste-t-elle à lire les Psaumes avec Jésus, en cherchant à l’y trouver. N’oublions pas également que notre Seigneur, en Juif pieux, a maintes fois prié les Psaumes. Certaines paroles (en particulier celles où le psalmiste expose son intégrité morale — ex. : 26.1 ; 17.3) ne prennent leur sens complet que dans la bouche de l’Homme parfait.
– 4. La portée morale
Les Psaumes éclairent enfin notre vie quotidienne : « Tout ce qui a été écrit d’avance l’a été pour notre instruction, afin que, par la patience et par la consolation que donnent les Écritures, nous possédions l’espérance. » (Rom. 15. 4). Le Psautier a été, est et restera une source d’édification majeure pour chaque chrétien (Col 3.16)
Et c’est avant tout cette quatrième lecture des Psaumes, avec mes frères et sœurs et pour moi-même aujourd’hui, que nous souhaitons encourager !
Naturellement, selon le thème du Psaume, les quatre « notes » indiquées ci-dessus joueront plus ou moins fort — mais il est rare qu’elles n’y soient pas présentes, sous une forme ou une autre.
UN LIVRE DE LOUANGE
Qui loue ?
– En premier lieu, Christ, auquel plusieurs expressions de louange sont appliquées très directement par les auteurs du N.T. (ex. : 22.22, cité en Héb 2.12)
– Le fidèle personnellement et les fidèles collectivement : voilà deux aspects de notre louange à garder en équilibre. Nous louons en église, lors du culte communautaire, mais encourageons-nous à louer également dans notre culte personnel.
– Les anges (103.20 ; 148.2), la création, la nature (65.13 ; 96.11), toutes les œuvres de Dieu (103.22 ; 145.10) — tout concourt à la louange divine.
Pourquoi louer ?
Tout d’abord parce que Dieu attend notre louange. Une des caractéristiques des Psaumes est que le psalmiste motive sa louange : il trouve des sujets concrets pour alimenter son adoration, et en premier lieu la bonté de son Dieu (136 ; 107).
Voici quelques sujets de louange dans les Psaumes : la nature de Dieu, ses œuvres, son salut, sa gloire, sa parole, ses délivrances au quotidien, etc.
Peut-être parfois nous sentons-nous un peu « secs », nous manquons de thèmes de louange ; alors ouvrons les Psaumes ! Et, à la suite de David, disons-nous : « Mon âme, bénis l’Éternel, et n’oublie aucun de ses bienfaits. » (103.2)
Comment louer ?
Le plus important est la condition morale de l’adorateur (ex. : 51). Les formes, quant à elles, peuvent être diverses, avec ou sans instruments de musique. Aussi n’y attachons pas plus d’importance qu’elles n’en méritent.
Les Psaumes encouragent aussi à un « cantique nouveau » (33.3 ; 40.3 ; 96.1 ; 98.1 ; 144.9 ; 149.1). Sachons renouveler notre louange en trouvant des thèmes ou des manières de nous adresser à Dieu qui ne se contentent pas de ressasser indéfiniment les mêmes expressions…
La spontanéité a sa part, tout autant qu’une préparation soigneuse (45.1). La fréquence ne saurait jamais être trop grande (« chaque jour », 145.2). Aussi sachons nous encourager personnellement (« Mon âme, bénis l’Éternel ! », 104.1,35) et mutuellement (« Venez, chantons à haute voix à l’Éternel ! », 95.1).
Les Psaumes et la louange de l’Église
Loin d’être une forme surannée réservée aux fidèles de l’ancienne alliance, les Psaumes ont immédiatement fait partie intégrante du culte et de l’édification de l’Église apostolique (1 Cor 14.26 ; Éph 5.19 ; Col 3.16).
Plus tard, au cours de l’histoire de l’Église, ils ont été la source renouvelée de la louange des fidèles. La Réforme (avec entre autres Clément Marot) leur a accordé une place de choix. On observe une certaine régression de leur usage dans l’hymnologie protestante du xixe siècle, avant un « retour en grâce » récent. Mais, pour plusieurs, les Psaumes restent un livre à redécouvrir. Peut-être le confort de notre Occident non persécuté nous empêche-t-il en partie d’en savourer la pertinence et l’utilité ?
UN LIVRE DE SENTIMENTS
Sentiments et christianisme
Sentiment et foi n’ont pas toujours fait bon ménage. Au cours de son histoire, l’Église a oscillé entre deux tendances opposées : le mysticisme (qui prône le primat des sentiments) et l’intellectualisme (qui ravale les sentiments à une manifestation charnelle inutile voire nuisible). Face à ces deux extrêmes, nous admirons l’équilibre des Psaumes : le psalmiste laisse parler son cœur, mais objective son expérience à la lumière de la révélation de Dieu.
Prenons un exemple : le mot « bonheur » revient environ 25 fois dans le psautier, dont il est un thème clef. Pour les psalmistes, il revêt deux aspects :
– l’un est objectif : « Bienheureux l’homme qui… » décrit un état de faveur dans lequel se trouve le fidèle, indépendamment de ses états d’âme du moment ;
– l’autre est subjectif : « Tu es heureux » (128.2) ; la considération de son état et ses décisions volontaires (par exemple de garder les préceptes de Dieu) produisent dans le cœur du fidèle un sentiment de joie, de bonheur.
Quelques sentiments des psalmistes
Les psalmistes n’hésitent pas à exposer devant Dieu leurs sentiments, à la première personne du singulier, sans se contenter de généralités, mais sous la pression du besoin ressenti au moment même.
Cela se traduit par des plaintes ou des expressions de joie accompagnées d’actes physiques sans honte (comme les pleurs, 56.8 ; 119.136).
Amour, colère, joie, paix, tristesse, confiance, peur, etc. : quel que soit le sentiment du moment, nous pouvons trouver un Psaume qui s’en fasse l’écho. C’est particulièrement vrai pour les sentiments qui nous semblent « chrétiennement » les moins avouables, comme la colère. Or Dieu sait d’avance et parfaitement ce que nous ressentons et ne nous reproche jamais de le lui exprimer (ce qui ne veut pas dire qu’il approuve toujours de tels sentiments !). Le fait que ces expressions soient consignées dans des écrits publics (avant d’être sacrés) montre également la vérité du psalmiste devant les autres — même s’il évite de faire un étalage public de ses fautes6. Le repentir devant Dieu purifie mon cœur. Le repentir devant mon frère édifie ce frère, mais ma pudeur protège le cœur de ce frère.
Au cours de leur épanchement devant Dieu, les fidèles reçoivent la correction nécessaire de sentiments trop excessifs. Cette catharsis, cette libération, ce défoulement en prière, permet au psalmiste de recevoir l’instruction au milieu même de l’expression de ses sentiments (32.8) et de basculer brusquement de la supplication à la louange. Le changement d’état d’esprit est parfois soudain (28.2,6). Le « travail sur soi » n’a pas besoin d’être très long : devant Dieu, la « remontée » peut être rapide. Dieu intervient, soit dans les circonstances, soit directement dans le tréfonds de l’âme du fidèle, sans que le détail nous soit généralement donné pour nous permettre de nous l’approprier (ex. : 34.4-6).
Ainsi l’expression même de nos sentiments est une forme de louange, car elle glorifie Dieu dans son acte de création de l’humain et dans la reconnaissance de sa dépendance de lui. Apprenons donc à calmer nos craintes, à apaiser notre colère, à consoler notre tristesse, à dire notre joie, à exprimer notre amour, à affermir notre confiance aux pieds du Seigneur dans une méditation interactive de notre âme avec lui.
UN LIVRE QUI PARLE DE JESUS
Comme nous l’avons déjà dit rapidement, Jésus est présent dans les Psaumes (Luc 24.44-47).
Les Psaumes sont le livre de l’A.T. le plus cité dans le N.T. et deux tiers des citations concernent directement Jésus :
– Jésus est le fils de David, le roi par excellence (ex. : 2) ;
– Jésus est aussi le « nouvel Israël », qui récapitule l’expérience de son peuple et concentre l’opposition contre le peuple de Dieu et ses fidèles ;
– Jésus est aussi l’Éternel de l’A.T. en qui Dieu se révèle pleinement (ex. : 102.26-28 ; cf. Héb 1).
Les rabbins juifs appliquaient déjà beaucoup de Psaumes que nous qualifions de « messianiques » au Messie. Aussi, sans gommer le caractère historique (en particulier dans les expériences de David), sommes-nous frappés par la similitude des circonstances, voire par leur côté visionnaire (comme les mains et les pieds percés du Ps 22 dans une civilisation israélite qui ignorait la crucifixion).
Un livre qui nous invite à louer, un livre qui touche nos sentiments, un livre qui nous présente Jésus, un livre qui est au cœur de la Bible : que les Psaumes soient aussi un livre dans notre cœur !
1150 « chapitres », 2 461 versets, soit 60 % de plus que la Genèse (deuxième livre en nombre de versets).
2Voir l’article de Roger Liebi dans Promesses, n° 150, « Les Proverbes, un livre poétique », pour une introduction rapide à la poésie hébraïque. L’introduction du commentaire de Gerald Wilson, Psalms, vol. 1, The NIV Application Commentary, Zondervan, p. 31 à 57, donne des éléments très utiles — et le commentaire des Psaumes qui suit est également excellent.
3Ce point est à garder en mémoire lorsque nous cherchons à interpréter les Psaumes. Il est souvent vain de vouloir tirer d’expressions avant tout poétiques, des points de doctrines qui ne seraient pas solidement étayés par des textes plus didactiques tirés d’autres livres bibliques.
4Soit 50 % du livre, exactement : 73 où il est explicitement indiqué comme auteur + le Ps 2 d’après Act 13 + le Ps 10 par nature (car il est indissociable du Ps 9 comme l’indique la structure alphabétique consécutive de ces deux Psaumes — or le Ps 9 est attribué à David).
5C’est bien sûr vrai, au premier chef, pour les Psaumes dont le titre rappelle une circonstance historique de David. Toutefois d’autres Psaumes peuvent éclairer la façon dont il a ressenti certaines périodes de sa vie, bien qu’ils ne soient pas explicitement reliés à un épisode précis.
6Par exemple, le Ps 51 se contente de rappeler la faute de David dans la suscription. Le reste du Psaume montre un cœur saisi par la gravité de son péché, sans que David ne le mentionne explicitement. De ce fait, ce Psaume devient d’une application très générale.
- Edité par Prohin Joël
SUICIDE OU SACRIFICE ?
Il existe plusieurs types de morts. La plus troublante est celle que l’on s’applique contre soi-même : le suicide (de sui : soi et caedere : tuer : « le meurtre de soi »). La Bible n’est pas silencieuse à ce sujet. Plusieurs récits font part d’hommes qui se sont donné la mort. La question est de savoir s’ils sont pour autant suicidaires ? Ce ne semble pas le cas de tous. Nous allons voir que certains envisagent la mort comme une fin, tandis que d’autres pensent la mort comme un moyen.
1. La mort comme une fin
Les hommes de cette première catégorie se sont suicidés pour eux-mêmes. Ils ont — faussement — cru pouvoir se délivrer des conséquences de leurs actes. Ils voulaient en finir avec leur mal-être ou avec leurs remords.
Remords stériles, du reste. Car si le remord pousse à s’apitoyer sur ses actes, il ne provoque pas forcément la prise de conscience du péché. C’est la repentance qui permet de s’humilier sincèrement devant Dieu, demandant ce pardon qu’il ne peut accorder qu’à tout pécheur contrit, implorant sa grâce (Rom 2.4 ; 2 Pi 3.9). La repentance donne aussi à cette âme la volonté de changer le cap de sa vie, avec l’aide de Dieu.
Le remord ne va pas si loin. C’est la tristesse causée par le résultat de son iniquité, alors qu’elle devrait l’être par l’offense faite à Dieu et le mal occasionné à autrui. Cet accablement, dévoyé par les modes de pensée de ce monde sans Dieu, ne peut que conduire à la mort (2 Corinthiens 7.10).
Quelques exemples
Abimélec, fils de Gédéon, a mis à mort ses frères pour prendre le pouvoir (Juges 9.1-6). L’Éternel ne peut oublier cet acte odieux. Ainsi, lors d’un siège, Abimélec a le crâne fracassé par un morceau de pierre jeté par une femme. Alors, mourant, il ne veut pas saisir cette ultime occasion pour manifester un quelconque regret. Non ! ce qui compte à ses yeux, c’est de ne pas perdre la face. Lui, le roi, être battu par une femme… quelle honte ! Il ordonne donc à son porteur d’armes de le transpercer de son épée (Juges 9.54). Cette fin tragique n’a rien de noble ou d’héroïque. Elle ne relève en rien l’image de cet homme violent et imbu de sa personne.
Saül débute bien comme roi d’Israël — tant qu’il est humble à ses yeux. Il suit le chemin de la volonté propre et finit lamentablement sur la montagne de Guilboa. Rejeté par Dieu à cause de ses péchés et de son obstination, il est acculé par les Philistins lors du dernier combat de sa vie égoïste et jalouse. Grièvement blessé, il demande à son porteur d’armes de mettre fin à ses jours. Tremblant, ce dernier n’ose pas… ce qui pousse Saül à se jeter lui-même sur son épée (1 Samuel 31.4). Le serviteur imite ensuite son maître. Dans cette scène qui a conduit à ces « meurtres », c’est la peur d’être livré à ses ennemis, la peur d’être humilié, battu, torturé et mis à mort qui l’emporte.
Achitophel, conseiller d’Absalom, préfère se donner la mort en s’étranglant plutôt que d’affronter les conséquences de sa trahison envers le roi David (2 Samuel 15.12,31 ; 17.23). Quand il comprend que son plan astucieux pour tuer David ne serait pas suivi par Absalom, il décide de mourir de peur de devoir rendre compte un jour à l’ami trahi.
Zimri, conspirateur et meurtrier de son roi, voyant qu’à son tour il va être renversé et tué, se retire dans son palais et le brûle sur lui (1 Rois 16.18-19). C’est ainsi qu’il meurt à cause de ses péchés !
Judas, disciple de Jésus, troublé et pris de vains remords, rapporte l’argent de sa trahison pour ensuite aller se pendre (Matthieu 27.5). Au-delà de cette terre, il devra pourtant poursuivre son existence loin de Dieu avec ces deux crimes, lui qui est appelé le « fils de perdition » (Jean 17.12).
2. La mort comme un moyen
La seconde catégorie d’hommes exprime autre chose : le sacrifice — au sens de « renoncement à soi » — est le seul chemin pour vaincre l’ennemi, pour ouvrir les trésors de la bonté divine à notre prochain, pour aimer selon Dieu, en action et en vérité !
Quelques exemples
Samson, fils de Manoach, est vu par certains comme ayant commis beaucoup d’écarts et de chutes dans sa vie de serviteur de Dieu[note]. Cette idée ne fait pas l’unanimité. Pour une autre opinion, voir Daniel Arnold, « Samson, un modèle pour nous ? », Promesses n°160, p.10-13.[/note] . Il termine cependant par ce qui n’est pas un suicide mais bien plutôt un sacrifice. L’Éternel lui permet de remporter une dernière victoire en s’offrant pour la délivrance de son peuple. Par sa mort, sous les décombres du palais des Philistins, il entraîne bon nombre de ceux-ci (Juges 16.22-31).
Jésus, Fils de Dieu, unique et parfait en toutes choses, a donné sa vie pour glorifier son Dieu et satisfaire sa justice, pour nous délivrer de la main de l’ennemi de nos âmes (Hébreux 2.15), pour nous délivrer de la puissance des ténèbres (Colossiens 1.13), pour nous délivrer de la colère à venir (1 Thes 1.10), pour nous associer à sa mort et à sa résurrection, pour nous ouvrir les immenses richesses de la grâce de Dieu, pour nous donner, par-delà la mort physique, un sûr et éternel avenir avec lui.
Le Seigneur Jésus a donné sa vie (Jean 10.17-18), personne ne la lui a prise ! Il s’est livré en sacrifice à Dieu. S’il a accepté de mourir c’est pour nous sauver. S’il s’est laissé conduire au supplice et ne s’est esquivé en rien à cette mort ignominieuse, alors qu’il avait le pouvoir de le faire (Matthieu 26.53), c’est par amour pour son Dieu et Père et par amour pour sa créature.
3. La mort comme tentation finale de l’homme découragé
Job, accablé par le deuil et le dénuement, est poussé par son épouse folle de tristesse ou de rage à se laisser mourir (Job 2.9). Job reste ferme. Il ne cède pas à la tentation d’en finir. Et même s’il regrette, dans son chagrin, le jour de sa naissance (Job 3.1), il est consolé par Dieu et béni durant le reste de ses jours.
Élie, après une éclatante victoire sur l’idolâtrie, en vient à demander la mort parce qu’il se croit, à tort, seul contre vents et marées (1 Rois 19). L’Éternel doit alors remettre ses idées en place et lui révéler qu’il ne connaît pas tout et qu’il ne peut pas juger de la sorte. L’Éternel a encore besoin de lui. Élie n’a pas à décider du moment de son départ.
Jonas, fils d’Amitthaï, doit être repris par l’Éternel pour avoir demandé la mort plutôt que de voir ses ennemis bénéficier de la bonté de Dieu (Jonas 4). Son cœur, exclusif dans ses amitiés et ses affinités, s’irrite de ce que Dieu ne fasse pas de différences, de ce qu’il soit également bon envers les méchants et leur fasse grâce s’ils se repentent.
Nous, fils et filles de Dieu, devons aussi prendre garde à nos pensées. Laissons Dieu les renouveler en nous (Rom 12.2). Ne laissons pas les fruits de notre esprit se gâter et amener la corruption de la mort dans notre vie. Rejetons toute idée qui chérirait la mort physique comme délivrance de l’adversité et des soucis. Il peut arriver que, dans des circonstances extrêmes, nous aspirions à quitter notre corps de misère. Mais notre espérance repose sur un fait grandiose : non pas tant la délivrance des infirmités de cette terre, mais surtout le fait d’être revêtus de la plénitude de la grâce de Dieu (2 Corinthiens 5.1-4).
Conclusion
Il y a donc ceux qui se prennent la vie et ceux qui demandent à Dieu de leur prendre la vie. Il y a ceux visent un objectif plus grand que leur vie, et ceux qui portent comme une charge trop lourde le poids de leur vie.
Certains hommes de Dieu sont allés plus loin. Découragés, ils ont été tentés de demander à Dieu d’abréger leur souffrance. Ne critiquons pas cette volonté émanant d’hommes écrasés par les circonstances, même si le passage à l’acte doit nous choquer. Mais montrons bien plutôt à nos contemporains un modèle d’abnégation, à la suite de notre bon Berger.
Nous, frères et sœurs en Jésus-Christ, nous connaissons le véritable amour en ce que Jésus a laissé sa vie pour nous et que nous devons laisser nos vies pour ceux et celles de la famille de la foi (1 Jean 3.16-17 ; Gal 6.10).
- Edité par Théret Sébastien
CHRETIEN ET DEPRESSIF ?
Attaques en chaîne
Mes 40 premières années de vie, dont 23 en tant que chrétien, s’étaient bien passées.
En quelques mois, j’ai vécu des changements importants : passage d’une grande entreprise à une PME, travail devenant itinérant, déménagement dans une autre ville, fin de mon rôle de coresponsable d’église exercé pendant dix ans.
J’ai alors traversé en deux ans trois épisodes dépressifs. Un antidépresseur conjugué à un ralentissement de mon rythme de vie m’ont permis d’en sortir sans m’arrêter de travailler. La troisième année, une soudaine fatigue inexpliquée m’a ralenti. Puis se sont successivement déclarées une grippe, une autre dépression, et enfin une hépatite (non virale), peut-être provoquée par la reprise de l’antidépresseur.
Affaibli par ces maladies simultanées, j’en suis graduellement arrivé à un stade d’affaiblissement et de fébrilité nerveuse où ma seule envie était de dormir pour oublier. Je craignais de perdre mon emploi, voire de ne plus jamais pouvoir retravailler. Chaque tentative pour m’en sortir ressemblait aux efforts d’une fourmi au fond d’une bouteille.
Un premier bilan
• Physiquement, j’admettais la nécessité de faire de l’exercice, mais n’en avais ni le goût ni la force.
• Psychiquement, j’étais sujet à des émotions disproportionnées : anxiété au moindre changement (négatif ou positif), pleurs faciles, impression d’être dépassé, etc.
• Spirituellement, je gardais « la foi » dans mon cœur, mais sans la paix. Chaque acte simple de la vie était pour moi un vrai casse-tête. Pour me remettre du modeste effort consistant à aller au marché et à y acheter mes provisions de légumes et de fruits, il me fallait une heure de récupération.
Remonter la pente
La guérison a commencé par un traitement médicamenteux approprié… qu’il a d’abord fallu trouver ! Les médicaments m’ont ainsi permis de sortir de l’ornière où j’étais immobilisé. J’ai pu envisager les choses simples de la vie avec plus de sérénité.
Une fois rétablis l’appétit et le sommeil, au moins en partie, j’ai traversé de longues semaines de convalescence : marches, lectures (pas trop intellectuelles), siestes, longues nuits, contacts téléphoniques, visite d’amis, prière et lecture de la Bible.
Ma dépression avait pu être accrue par la grippe et l’hépatite, mais aussi par certaines attitudes mentales néfastes qui me rendaient malheureux. Comment identifier ces dernières et surtout les réfuter au quotidien ?
Suite à des lectures, j’ai pris conscience de ce que la psychologie cognitive appelle les « pensées automatiques », qui surviennent à l’occasion d’émotions négatives et angoissantes. J’ai appris à leur substituer des pensées rationnelles. Ma surprise a été de voir que toutes les situations qui me semblaient insurmontables reprenaient ainsi de plus justes proportions.
Cette approche psychologique, quoiqu’utile, ne m’offrait aucune réponse sur le sens de ma vie. Et on se questionne à ce sujet pendant une dépression ! Un psychologue ne peut que donner des conseils très généraux du style : « Tout n’est pas noir dans la vie », « Le pire n’est jamais certain », « Apprenez à regarder ce qui est beau autour de vous ». Tout ceci est certes vrai, mais ne donne pas du « sens ».
Retour sur mon identité chrétienne
Je me suis donc penché à nouveau sur le thème de l’identité, et en particulier de l’identité chrétienne. Sans recevoir de « révélation nouvelle », j’ai simplement redécouvert l’amour inconditionnel de Dieu.
Quels que soient mes réussites ou mes échecs, ce que j’accomplis et ce que je n’accomplis pas, je suis (et je demeure) un enfant adopté de sa famille. Rien ni personne ne pourra me l’enlever.
Huit ans ont passé depuis le début de cette nouvelle période de ma vie. Je voudrais pouvoir me passer complètement de médicaments, mais je dois continuer à en prendre, même si c’est à faible dose. J’expérimente ainsi la complémentarité entre l’aide que Dieu m’apporte à travers les médicaments, et la façon dont il soutient ma foi.
Je ne cherche pas à tout comprendre, parce que l’intelligence de Dieu dans la Création me dépasse : il suffit d’un si petit dérèglement glandulaire pour que notre équilibre soit remis en cause !
Je peux dire que je vis simplement chaque jour dans la reconnaissance pour la vie normale que je peux mener.
Et je sais que toutes nos « infirmités » ne feront plus partie de la « nouvelle Création » dans laquelle Dieu m’a préparé une place.
Car je suis persuadé que ni la mort, ni la vie, ni les anges, ni les dominations, ni le présent, ni l’avenir, ni les puissances, ni les êtres d’en-haut, ni ceux d’en bas, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu en Christ-Jésus notre Seigneur. Romains 8.38-39. |
- Edité par Théron Jean-Louis
Le médecin a d’abord affaire au corps de son patient, c’est une évidence.
L’apprentissage du métier de médecin fait la part belle au corps d’abord, pour s’attacher à comprendre ses fonctions et ses dérèglements.
Les connaissances des médecins relatives à la psychologie sont souvent moindres.
C’est ainsi qu’une dichotomie implicite corps/psyché s’installe.
Cependant nombre de symptômes sont inexpliqués, ils ne correspondent pas à un dysfonctionnement organique identifiable. La médecine psychosomatique tente de sortir de ce dualisme, pour regarder le patient comme un tout dans son corps. En fait, dans toutes les situations, même les plus organiques, l’expérience permet de réunifier soma et psyché : chaque atteinte dans un domaine, corporel ou psychologique, retentit sur l’autre domaine ou s’exprime dans l’autre domaine ; si le trouble est d’abord dans l’esprit, il est visible aussi dans le corps ; si le trouble est d’abord dans le corps, l’esprit en est perturbé. De la même façon, la douleur associe sensorialité (perception désagréable), émotion inévitable (peur et détresse), pensées et raisonnements, et comportement visible sur le corps du patient. Plus simplement, le corps « parle », comme on dit communément.
L’ensemble de la personne comprend aussi une part immatérielle, invisible mais bien présente, spirituelle, – souffle de Dieu, respiration de vie. Le corps est le lieu physique de cette personne complexe et plurielle, et il ne peut être réduit au fonctionnement de cellules et de molécules. C’est par le corps que passe le premier contact avec autrui.
Alors, comment le médecin chrétien appréhende-t-il le corps ? En tant que pédiatre, je m’occupe d’enfants, et particulièrement de douleur chez l’enfant, et je peux partager quelques ressentis et réflexions, sans vouloir être exhaustif.
1. Admirer le corps
Le médecin est d’abord le témoin d’un chef d’œuvre, fait d’une « étrange et merveilleuse manière » (Ps 139.14). Plus les connaissances progressent dans le domaine du fonctionnement du corps humain, de chaque organe, de chaque cellule, des interactions entre elles, plus l’étonnement grandit. À l’échelon macroscopique comme à l’échelon moléculaire, tout est extraordinaire de complexité, chaque cellule spécialisée surprend. Tout un monde de signaux de communication est à l’œuvre à chaque instant, pour maintenir le corps en bonne santé.
Quelle beauté dans le corps d’un enfant en pleine santé ! Les enfants sont des êtres vivants, mystérieux et merveilleux, des personnes humaines à part entière. Leur croissance, leur développement, suscitent aussi notre admiration profonde. Cependant ne nous appuyons pas sur des critères morphologiques ou des standards de mode, allons au-delà.
En effet, en même temps, nous nous rappelons que cette personne a été faite à l’image de Dieu, pour refléter l’image de Dieu, elle a été appelée à l’existence, engendrée. Ce qui nous est proposé par la révélation divine, nous amène à discerner que le corps est beau parce qu’il est reflète le projet de l’être, ou pour le dire de façon plus simple : le corps est beau parce qu’il est habité par une âme. Toutes ces pensées participent au plaisir et à l’émerveillement éprouvés devant un nouveau-né.
Cet enfant devant nous est un être unique, une association de concret et d’immatériel, qui porte un nom. Son corps est le lieu précieux de sa personne, animé par l’esprit et l’âme, et il est impossible de tracer la frontière exacte entre le physique, le psychologique et le spirituel.
Cette admiration peut nous ramener à Jésus, à sa naissance qui nous étonne, à sa croissance et à son développement que nous imaginons.
Cet enfant, ce patient, va apprendre, avec ses parents, à apprécier son corps, à le nourrir et l’entourer de soins (Éph 5.29) ; il va bâtir son espace intime, apprendre à respecter son corps. Le « soin » du médecin et des soignants peut y contribuer.
2. Approcher le corps du patient d’un point de vue médical
Le corps est abordé d’abord par le visage et le regard : on perçoit un visage, on rencontre une présence dans l’expression et le regard. L’état de santé (la fatigue, la dépression, la douleur, les émotions) est visible sur le corps, et d’abord sur le visage. Un petit enfant est particulièrement lisible, il ne contrôle pas son expression, et nous donne à voir et à lire son ressenti ; quand il grandit, le déchiffrage peut devenir plus difficile, car chacun porte facilement un masque.
Pour établir son diagnostic, ou simplement statuer sur la bonne santé, le médecin examine, il a le droit – exceptionnel, reconnu par la société et accepté des parents comme des enfants – de regarder, toucher, examiner le corps dénudé. Les enfants ont aussi des droits, ils ont également besoin de protection. L’approche du corps se doit d’être simple et digne, jamais critique, si possible assortie de commentaires positifs, et parfois ludique avec l’enfant : toucher, palper, ausculter, peser, mesurer… en respectant et même en favorisant la pudeur. On dit ce que l’on fait et ce que l’on va faire, avec respect et délicatesse, alors que l’on cherche à objectiver des « signes cliniques », qui nous éclairent sur des mécanismes pathogènes. C’est aussi respecter une juste distance – la distance de sécurité – être prudent dans les attitudes, la proximité, le territoire intime, avoir le regard chaste et clair, sans séduction, – et cela à tout âge, mais particulièrement, bien sûr, avec les adolescents.
« Le corps dénudé peut être honoré par le regard qui le perçoit et le reçoit comme expressif, tout entier expression d’une présence personnelle. […] Lorsqu’il est perçu à partir du visage, le corps tout entier, dans sa nudité même, peut être regardé sans impudeur » (Xavier Lacroix). En tant que médecin, je regarde, j’examine une personne, un corps « sujet » et non « objet », et le corps que je regarde est comme « habillé » par ce regard. Mon regard, mon expression, accueillent le corps de l’autre, sans le juger, sans se l’approprier.
3. Prendre soin du corps
Devant nous une personne se présente avec sa plainte. La mission du médecin est de rétablir la santé, autant que faire se peut. Cette mission nous évoque l’injonction du Samaritain à l’hôtelier, à propos du blessé qu’il a amené : « Prends soin de lui, et ce que tu dépenseras de plus […] » (Luc 10.35). Quelle étendue dans ce « de plus » : tous les besoins de la personne semblent sous entendus. C’est une médecine de la personne, approche reprise et développée par Paul Tournier1.
L’enfant et ses parents se confient à nous : cela implique échanges loyaux, respect et dignité, du soigné comme du soignant. Cette attitude a détrôné l’approche paternaliste du médecin, qui se place au dessus du patient, sachant et décidant à sa place. La loi française va d’ailleurs dans cette direction2, elle dynamise l’autonomie du patient comme la responsabilité du médecin.
Dans le domaine des soins médicaux du corps, pouvons-nous aussi appliquer la règle d’or : « Faites aux autres ce que vous voulez qu’on vous fasse » (Matt 7.12) ? Nombre de médecins reconnaissent que leur approche change après avoir été eux-mêmes malades !
Les soins médicaux peuvent s’empreindre d’empathie, de bienveillance, dans un projet de collaboration ; parfois doit être communiquée de l’énergie stimulante, de la fermeté, et parfois de la douceur, de la compassion.
Le regard porté sur le corps malade, les paroles, et tous les signaux de communication non verbale qui les accompagnent, font que le patient se sent respecté, écouté, apprécié, reconnu, malgré la maladie. Un « pacte de soin » est implicitement conclu, une alliance thérapeutique s’établit entre le médecin, l’enfant et ses parents.
Jésus a passé beaucoup de temps avec les malades, les handicapés, nous faisons de même ; il regardait, il touchait, il parlait, nous faisons de même. L’analogie s’arrête là car il avait le pouvoir de guérir et de pardonner. Nous pouvons néanmoins ressentir une collaboration avec le Dieu puissant qui guérit, mais bien sûr nous, nous ne guérissons pas toujours.
Cependant Jésus nous dit : « ce que vous avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Matt 25.40). Alors ces petits que nous soignons, nous pouvons les considérer comme les petits frères et soeurs de Jésus.
Des questions éthiques délicates se posent plus particulièrement au début et à la fin de la vie, dans un contexte de souffrance, de tragédie humaine : stérilité, anomalies fœtales, réanimation, fin de vie, soins palliatifs. Nous sommes appelés à essayer de comprendre, à entrer dans l’expérience humaine, en trouvant moyen d’accompagner ces parents.
Soigner, c’est une invitation à la modestie.
4. Soulager le corps souffrant
Le corps peut être crispé, tendu, par des contraintes physiques, émotionnelles, psychiques ou spirituelles. Souffrance morale et douleur physique s’entremêlent souvent.
La douleur fait appel à la solidarité humaine, elle nous incite à « porter les fardeaux les uns des autres » (Gal 6.2). Au plan médical, cela veut dire lutter contre la douleur et la souffrance. Pour nous comme pour les patients qui viennent à nous, l’acceptation de la vie n’a rien à voir avec la résignation. Au contraire, cela signifie l’accepter comme elle vient, avec tous les handicaps, la souffrance, et les injustices, puis tout mettre en oeuvre pour soulager, – cela fait partie de notre vocation.
Mais une révolte intérieure peut gronder, partagée avec l’enfant et ses parents : « Et pendant ce temps, où est Dieu ? » (C.S. Lewis) « À ce moment-là, tous les discours à propos de la résignation, de l’acceptation de la volonté de Dieu ou de la valeur rédemptrice de la souffrance sont insupportables » (Bernard Ugeux).
La souffrance requiert une réponse médicale, pour l’alléger ; mais elle reste un mystère, et elle exige une présence. Cette présence est parfois difficile à assumer : oser entrer dans la chambre où souffre un enfant, où va mourir un enfant, cela exige une atmosphère d’authenticité, sans mensonge. Cet accompagnement médical, psychologique, spirituel c’est la démarche des soins palliatifs. « Restez avec moi » demande Jésus à ses amis lorsque l’approche de la mort l’angoisse (Matt 6.38). À la fin, on laisse venir la mort, que C.S. Lewis appelle « une miséricorde sévère » : quand il n’y a plus rien à faire, il ne reste qu’à être, être avec.
5. Se laisser éclairer par la foi
Bien des attitudes décrites ici relèvent simplement d’une éthique médicale partagée avec nos collègues, laïcs, athées, agnostiques, ou d’autre confession religieuse. Alors quel « plus » apporte la foi pour le médecin chrétien ?
La foi éclaire les mystères, mais incomplètement, comme au travers d’un voile. Nous savons que Dieu ne s’est pas révélé au travers d’une majesté glorieuse, mais sous les traits d’un homme brisé, au corps sanglant cloué sur une croix. Angoisse, rejet, sentiment d’abandon, fatigue, solitude, souffrance physique extrême : le Christ a connu les pires douleurs de l’humanité. Paul Claudel dit : « Dieu n’est pas venu supprimer la souffrance. Il n’est même pas venu pour l’expliquer mais il est venu la remplir de sa présence. »
Si la foi n’explique pas tout, elle permet de porter en nous et autour de nous le mystère, celui de Dieu, mystère qui inclut celui de la souffrance, et celui de la personne humaine. L’être humain ne peut être réduit à ses maladies, ses souffrances, ni d’ailleurs à ses joies ou ses performances. La foi permet de voir au-delà de l’apparence fragile.
La foi déploie de nouveaux horizons dans notre compréhension du corps. Notre privilège en tant que chrétiens est de voir le Créateur, le Sauveur du corps, ce Dieu qui aime le corps qu’il a créé, jusqu’à s’y incarner, et jusqu’à vouloir le ressusciter.
Enfin la foi renouvelle nos forces, comme dit Bernard Ugeux : « Du cœur de ma fragilité reconnue et acceptée sourd une force, une capacité d’accueillir la fragilité, la misère même des autres avec tendresse, en me laissant toucher, mais sans me laisser envahir ou détruire. » Et de nous inciter à puiser au quotidien dans son cœur à lui. Rappelons-nous que les souffrants ne sont pas les seuls à être faibles, que tous, nous avons besoin d’encouragement3.
1Paul Tournier, médecin genevois protestant (1898-1986) en fut un ardent défenseur dans sa pratique et à travers ses nombreux écrits.
2Loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dite loi Kouchner, du 4 mars 2002
3Pour approfondir :
Lydia Jaeger et coll, L’âme et le cerveau, l’enjeu des neurosciences, Édifac et Excelsis, 2009
Michel Johner et coll, Le corps et le christianisme, Excelsis 2003
Xavier Lacroix, Le corps de l’esprit, Les éditions du Cerf, 2002
Paul Tournier, Médecine de la personne, Delachaux et Nestlé 1940
Bernard Ugeux, Traverser nos fragilités, Les éditions de l’atelier, 2006
John Wyatt, Questions de vie et de mort : la foi et l’éthique médicale, Excelsis, 2009
Philip Yancey, Où est Dieu dans l’épreuve, Éditions Ligue pour la lecture de la Bible, 2007
- Edité par Fournier-Charrière Élisabeth
Le yoga semble offrir tout ce que l’homme occidental recherche. Le corps, rouillant sur les chaises de bureau trop longuement fréquentées, trouve ainsi le moyen de s’assouplir et de s’exprimer. La tête, obscurcie de chiffres et de soucis, est gentiment vidée de ses impuretés. Pour beaucoup, le yoga est une source de détente équivalente à un sport ou un loisir.
Mais n’est-il que cela ?
Les auteurs d’ouvrages sur le yoga montrent que cette technique n’est pas purement physique. Elle relève d’une conception théologique du monde où les postures sont à la fois représentation d’une réalité théologique et véhicule d’une puissance spirituelle.
Le yoga est de nature religieuse.
Une religion est un « ensemble d’actes rituels liés à la conception d’un domaine sacré distinct du profane et destinés à mettre l’âme humaine en rapport avec Dieu ». C’est un « système de croyances et de pratiques, impliquant des relations avec un principe supérieur et propre à un groupe social ». Nous sommes ainsi en présence d’une religion lorsque les caractéristiques suivantes sont présentes :
1. l’homme est considéré comme une entité spirituelle ;
2. l’homme a accès à une dimension spirituelle ;
3. il existe une méthode pour parvenir à cette dimension.
Un mouvement révèle sa nature lorsque son historique témoigne d’une recherche spirituelle. Lorsque sa conception du monde affirme l’existence d’un monde spirituel. Lorsque ses objectifs s’appliquent à faire passer l’homme dans des sphères spirituelles. Et lorsqu’il propose à ses adhérents des gestes propres à éveiller une conscience spirituelle. C’est précisément le cas du yoga !
1. Origines du yoga
Le yoga classique indien provient d’un texte attribué à Patanjali dont on connaît peu de choses. Il aurait vécu au Pendjab au ive s. avant notre ère (certains avancent le xie s. av. J.-C.). Le terme yoga signifie littéralement « joug » ou « attelage » ; il évoque la recherche de l’union entre le soi et l’Absolu (brahman).
Selon les époques, les philosophies comme les pratiques varient. Elles visent le salut individuel par un enseignement métaphysique ou religieux (selon les écoles). Ainsi, dès sa création, le yoga est une quête spirituelle.
2. Conception du monde pour le yoga
Le yoga part de l’idée que tout est souffrance, et il faut en être délivré. Cette douleur provient d’une séparation de l’âme avec l’Absolu. L’âme souffre de cette condition déchue et recherche, à travers ses incarnations successives, à retourner dans la fusion originelle avec l’Absolu.
Selon l’hindouisme, la vie humaine est cyclique, d’où la doctrine de la réincarnation. La vie est pleine de douleurs et de chagrins, fondements de la condition de l’homme. Le but du yogi est de se retirer de ce cycle douloureux de la mort et d’atteindre l’immortalité. Cette libération (salut) est entraînée par La mort de l’identité individuelle par sa fusion avec l’absolu. Ainsi, il devient un jîvanmukta, un « délivré de son vivant ». À travers le yoga, un homme profane peut devenir sacré ou divin.
Il est difficile d’échapper à la conclusion que la pratique du yoga illustre une conception éminemment religieuse du monde.
3. Objectif du yoga
Jean Varenne décrit le yoga comme « une technique de salut originale qui se propose de libérer l’âme de sa condition charnelle par l’exercice de disciplines psychiques et corporelles. [L’âme] est en quelque sorte exilée dans le monde de l’existence où elle est condamnée à se réincarner indéfiniment, passant de corps en corps à la manière d’un oiseau migrateur1 ».
Il est évident que le yoga a un objectif religieux. Ce n’est pas seulement une série de gestes innocents. Ils sont pédagogiques (et opérants !) en vue d’une transformation spirituelle de l’être.
4. Pratique du yoga
Comme nous l’avons vu, le yoga est religieux. Pour des raisons obscures, les professeurs occidentaux de yoga voilent cette réalité à leurs étudiants. En décrivant leurs pratiques, ils révèlent pourtant ce côté religieux :
« Le yoga n’a jamais été conçu seulement comme une discipline de mieux-être dans la vie actuelle, mais comme un mode de transformation si radical que ses effets se répercutent sur l’après-vie2 ».
On ne pourra jamais séparer la pratique du yoga de la « théologie » à laquelle elle est liée. En quelque sorte, le yoga offre à l’hindouisme ce que les sacrements offrent au catholicisme. Ils sont les rites initiatiques et opérants de privilèges spirituels.
5. Dangers du yoga
De l’aveu même des praticiens, le yoga n’est pas sans danger. Mircea Eliade évoque les « troubles auxquels certaines techniques exposent l’amateur imprudent, nous pensons surtout à celle de “l’érotisme mystique” »3. Ysé Tardan-Masquelier parle de « graves dissociations, conduisant parfois à la folie ». Il ajoute :
« Le pratiquant est donc très vulnérable […] : il n’a pas perdu son jugement qu’il retrouvera d’ailleurs clarifié et affermi, mais il l’a levé, suspendu, pour entrer plus profondément en lui-même et, si telle est sa forme de spiritualité, en contact avec une puissance divine. On imagine bien à quels excès des instructeurs à tendance paranoïaque, se sentant investis d’une mission urgente pour le monde, peuvent se livrer […] parfois, dans le sens d’un véritable “viol” psychique, […] où les préceptes inoculés dans ces moments de totale réceptivité, atteignent l’inconscient et y laissent des traces indélébiles. »4
Si, selon Saravasti, le yoga est « l’annihilation de toutes les fonctions du mental, l’art de vider son mental et d’en faire un feuillet blanc »5, on entre dans un terrain glissant. Il devient facile à un enseignant, terrestre ou angélique, d’écrire à sa guise les « vérités » spirituelles qui contrôleront la vie de celui qui pratique le yoga.
6. Un chrétien peut-il pratiquer le yoga ?
Deux raisons exigent une réponse négative.
En premier lieu, nul ne peut fléchir le genou devant une statue « innocemment », c’est-à-dire sans détrôner celui qui est le Seigneur. Pareillement, rechercher le « Grand Suprême » par le yoga revient à dire que la Révélation, la Parole de Dieu, est insuffisante.
En second lieu, un geste est un témoignage public. Un chrétien faisant du yoga enseigne qu’il existe d’autres chemins de libération que Jésus-Christ.
C’est probablement ce qui explique la présence dans la loi de commandements comme : « Vous ne couperez pas en rond les bords de votre chevelure. Tu ne raseras pas les bords de ta barbe » (Lév 19.27). Ce n’est pas que ces gestes étaient mauvais en eux-mêmes, mais ils étaient des rites païens que les Israélites ne devaient pas imiter. Il en va de même avec les postures du yoga.
Conclusion
J’invite le lecteur à méditer 2 Corinthiens 6.11-7.1 pour conclure cette brève étude :
11 Notre bouche s’est ouverte pour vous, Corinthiens, notre cœur s’est élargi, 12 Vous n’y êtes point à l’étroit, mais c’est votre cœur qui s’est rétréci pour nous. 13 Rendez-nous la pareille — je vous parle comme à mes enfants — élargissez, vous aussi, votre cœur ! 14 Ne vous mettez pas avec les infidèles sous un joug étranger.
Car quel rapport y a-t-il entre la justice et l’iniquité ? Ou qu’y a-t-il de commun entre la lumière et les ténèbres ? 15 Quel accord y a-t-il entre Christ et Bélial ? Ou quelle part a le fidèle avec l’infidèle ? 16 Quel rapport y a-t-il entre le temple de Dieu et les idoles ? Car nous sommes le temple du Dieu vivant, comme Dieu l’a dit : J’habiterai et je marcherai au milieu d’eux ; je serai leur Dieu, et ils seront mon peuple.
17 C’est pourquoi, sortez du milieu d’eux, et séparez-vous, dit le Seigneur ; ne touchez pas à ce qui est impur, et je vous accueillerai. 18 Je serai pour vous un père, et vous serez pour moi des fils et des filles, dit le Seigneur tout-puissant.
7.1 Ayant donc de telles promesses, bien-aimés, purifions-nous de toute souillure de la chair et de l’esprit, en achevant notre sanctification dans la crainte de Dieu.
1J. Varenne, « Yoga », Encyclopedia Universalis, vol. 12, p. 1029.
2Ysé Tardan-Masquelier, Le yoga : du mythe à la réalité, Paris, Éditions Droguet et Ardant, p. 55.
3M. Eliade, Techniques du yoga, p. 12-13.
4Ysé Tardan-Masquelier, Le Yoga : du mythe à la réalité, Paris, Éditions Droguet et Ardant, p. 111-112.
5Saravasti, La pratique de la méditation, Paris, Éditions Albin Michel, 1950, p. 118.
- Edité par Varak Florent
« Tout m’est permis », mais tout n’est pas utile ; « tout m’est permis », mais je ne me laisserai asservir par quoi que ce soit.
« Les aliments sont pour le ventre, et le ventre pour les aliments ; et Dieu détruira l’un comme les autres. » Mais le corps n’est pas pour la débauche. Il est pour le Seigneur, et le Seigneur pour le corps. Et Dieu, qui a ressuscité le Seigneur, nous ressuscitera aussi par sa puissance.
Ne savez-vous pas que vos corps sont des membres de Christ ? Prendrai-je donc les membres de Christ, pour en faire les membres d’une prostituée ? Loin de là ! Ne savez-vous pas que celui qui s’attache à la prostituée est un seul corps avec elle ? Car, est-il dit, les deux deviendront une seule chair. Mais celui qui s’attache au Seigneur est avec lui un seul esprit.
Fuyez la débauche. Quelque autre péché qu’un homme commette, ce péché est hors du corps ; mais celui qui se livre à la débauche pèche contre son propre corps.
Ne savez-vous pas que votre corps est le temple du Saint-Esprit qui est en vous, que vous avez reçu de Dieu, et que vous ne vous appartenez point à vous-mêmes ? Car vous avez été rachetés à un grand prix. Glorifiez donc Dieu dans votre corps et dans votre esprit, qui appartiennent à Dieu.
1 Corinthiens 6.12-20
Introduction
Corinthe n’est pas très éloignée d’Athènes et l’influence de la philosophie de Platon se faisait sentir dans l’ensemble de la société grecque. Les chrétiens de Corinthe, convertis depuis peu, restaient — peut-être inconsciemment — sous son emprise. Au risque de caricaturer, cette philosophie prônait le mépris du corps et de la réalité tangible au profit du domaine supérieur des « idées ». En conséquence, peu importait ce qu’on faisait de son corps, puisque c’était le domaine spirituel qui primait. Chez les Corinthiens, cela se traduisait par des slogans du style : « Tout m’est permis »[note]Il semble qu’à plusieurs reprises dans cette Épître, Paul cite des paroles ou des extraits de lettre des Corinthiens. Les commentateurs ne sont pas unanimes sur les mots à attribuer aux Corinthiens et ceux qui reflètent la pensée de Paul. Pour notre part, nous considérons que les mots mis entre guillemets ci-dessus sont ceux des Corinthiens et que Paul corrige leur pensée en introduisant son correctif par « mais » ou « toutefois ».[/note]… et par une conduite relâchée quant à leur corps.
Face à ces influences, Paul revient aux fondements de l’Évangile et rappelle à ses destinataires quelques principes de base concernant leur corps. C’est sur ces rappels qu’il fonde ses exhortations pratiques.
Quatre principes évangéliques de base
Reprenons ces quatre principes, dans l’ordre inverse de celui du texte :
1. Nous avons été achetés à grand prix, esprit ET corps (v. 20)
Nous appartenions à un maître cruel et impur, le diable, mais par son œuvre à la croix, Jésus nous a libérés. Le « grand prix » payé a été rien moins que le sang du Fils de Dieu versé pour nous (Apoc 5.9). Toutefois, dans ce verset, l’accent n’est pas tant sur le « rachat » de notre ancien maître, que sur « l’achat » par le Seigneur : nous ne nous appartenons pas, mais sommes l’heureuse possession de notre nouveau maître. Christ a des droits sur nous comme Créateur et plus encore comme Sauveur.
2. Notre corps est le temple du Saint-Esprit (v. 19)
La marque du salut est la présence du Saint-Esprit en nous (Rom 8.1-17). Cette habitation est spirituelle, mais elle se fait dans un corps physique, ?? tangible, qui est ici appelé un « temple ». La présence de Dieu n’est plus dans un édifice de pierre, comme le temple de l’ancienne alliance, mais dans un être de chair et de sang. La sainteté due à la maison de Dieu (Ps 93.5) s’applique donc à notre corps, qui a l’honneur d’accueillir la troisième personne de la Trinité !
3. Nos corps sont les membres de Christ (v. 15)
La présence de l’Esprit dans le corps du croyant l’unit à Christ au point qu’il devient un des « membres de Christ ». Paul ne fait ici qu’effleurer un thème qu’il développera plus loin dans la même Épître (12.12-27). Christ ressuscité n’est plus physiquement présent sur terre, mais sa présence demeure bien réelle par l’intermédiaire des corps de ses rachetés ; grâce aux chrétiens, il continue à toucher les malades, à prêcher le royaume de Dieu, à regarder un souffrant, etc.
4. Notre corps ressuscitera (v. 14)
Notre salut est corporel et l’état de félicité ultime des croyants ne sera pas une présence seulement spirituelle avec Dieu — ainsi qu’une spiritualité polluée par la philosophie grecque l’a parfois compris. Cet état sera une union d’un être humain complet, esprit et corps glorifié. Les Corinthiens, qui niaient la réalité d’une résurrection corporelle des chrétiens (15.12), sont ici rappelés à l’ordre. Même si notre corps actuel est loin de la beauté de notre corps de résurrection, il est important, puisqu’il en est la « semence » (15.42-44).
Des conséquences pratiques importantes
Ainsi étayées par ces rappels doctrinaux importants, les exhortations concrètes de Paul ne sont plus une simple morale, mais la traduction pratique de ce que nous sommes en Christ : achetés, possédant l’Esprit, ?? unis à Christ, bientôt ressuscités. La force de ces exhortations en est accrue !
1. Glorifions Dieu dans notre corps (v. 20)
Paul sous-entend : « … pas seulement dans votre esprit » ! L’utilisation que nous faisons de notre corps (ce que nous faisons, ce que nous voyons, ce que nous écoutons, etc.), peut ou non contribuer à la gloire de Dieu. Plus loin, Paul dit que des actes aussi prosaïques que manger ou boire peuvent ou non contribuer à rien moins que « la gloire de Dieu » (10.31) ! Pensons-y plus souvent…
2. Prenons conscience de la gravité du péché de « fornication » (v. 18)
La « fornication » est un terme large, qui englobe l’ensemble des relations sexuelles en dehors du cadre fixé par Dieu, le mariage[note]Sans faire une liste exhaustive (et fort peu édifiante) des déviations incluses dans ce terme « porneia », citons : l’adultère, les relations sexuelles prémaritales, l’homosexualité. Notons que ce mot grec a donné « pornographie ». Sans être stricto sensu englobée dans ce péché, la pornographie, hélas de plus en plus répandue, risque d’y conduire.[/note]. Paul singularise ce péché : il n’est pas « hors du corps » mais il est « contre son propre corps ». Il ne semble pas qu’il faille comprendre par là que le péché sexuel soit le plus grave[note]Le blasphème contre le Saint-Esprit est le seul péché formellement qualifié d’impardonnable. Les Corinthiens avaient beaucoup forniqué, mais avaient été pardonnés (6.11).[/note], mais il a une composante particulière en ce qu’il implique l’être tout entier. Une relation sexuelle, même passagère et sans affect particulier comme avec une prostituée, crée une relation qui unit plus que deux corps : ce sont deux êtres qui ne font plus qu’un. L’attachement à une liaison sexuelle dénaturée vient polluer un lien réservé au mariage (d’où la citation de Genèse 2) et corrompt le lien spirituel avec le Seigneur.
Paul ne donne qu’un seul ordre : « fuyons » ! Ce verbe implique un acte courageux de notre part, celui d’éviter les lieux, les situations, les environnements, etc., qui peuvent nous mettre en risque. Chacun étant « attiré et amorcé par sa propre convoitise » (Jac 1.14), il ne convient pas de faire une liste d’interdits : voyons pour nous-mêmes ce qu’il nous faut « fuir ».
3. Ne nous laissons pas influencer par de fausses idées sur la liberté ou sur notre corps (v. 12, 13)
Pour les Corinthiens, ce qui était légal (« permis ») était moral. Les relations sexuelles avant le mariage ne sont pas interdites par la loi, mais elles ne sont pas « avantageuses »[note]Autre traduction de l’adjectif « utile » du v. 12.[/note] pour le chrétien, car elles entraînent souvent des dégâts durables. Au contraire, nombreux sont les couples chrétiens qui se sont conservés purs jusqu’à leur mariage et qui peuvent témoigner de l’épanouissement qui a suivi cette attente récompensée.
On entend parfois comparer le « besoin sexuel » avec le besoin de nourriture. C’était déjà un argument des Corinthiens : les aliments sont éliminés par le corps, sans enjeu ; il en est de même d’une relation sexuelle, elle ne porte pas à conséquence (6.13). Tout faux ! dit Paul. Les pulsions sexuelles peuvent être très fortes — et elles sont tellement attisées de nos jours par les médias — mais il est possible de ne pas y céder et Dieu saura récompenser celui qui tient ferme par la foi.
Conclusion
Notre position en Christ nous assure de notre bonheur éternel ; mais Dieu veut le meilleur pour ses enfants, les « achetés » de Christ, dès cette terre. C’est pourquoi, à la lumière de son œuvre éternelle, il nous donne par l’apôtre Paul des exhortations directes, ô combien d’actualité et cela dans des termes sans pudeur excessive. Quel qu’ait été notre passé (et celui de certains Corinthiens était bien lourd), nous sommes invités à considérer aujourd’hui l’importance de notre corps, afin de glorifier notre Maître dans son usage.
1Il semble qu’à plusieurs reprises dans c??ette Épître, Paul cite des paroles ou des extraits de lettre des Corinthiens. Les commentateurs ne sont pas unanimes sur les mots à attribuer aux Corinthiens et ceux qui reflètent la pensée de Paul. Pour notre part, nous considérons que les mots mis entre guillemets ci-dessus sont ceux des Corinthiens et que Paul corrige leur pensée en introduisant son correctif par « mais » ou « toutefois ».
2Sans faire une liste exhaustive (et fort peu édifiante) des déviations incluses dans ce terme porneia, citons : l’adultère, les relations sexuelles pré-maritales, l’homosexualité. Notons que ce mot grec a donné « pornographie ». Sans être stricto sensu englobée dans ce péché, la por-nographie, hélas de plus en plus répandue, risque d’y conduire.
3Le blasphème contre le Saint-Esprit est le seul péché formellement qualifié d’impardonnable. Les Corinthiens avaient beaucoup forniqué, mais avaient été pardonnés (6.11).
- Edité par Prohin Joël
« Mon corps m’appartient ! » entendons-nous clamer haut et fort depuis quelques décennies. L’homme s’épuise à le maintenir en forme à tout prix, à en faire dépendre son bonheur, à le rendre immortel. Dans cette quête de bien-être terrestre, la maladie et l’épreuve sont l’ennemi numéro un. Que dit Dieu de tout cela ?
Le corps n’est pas neutre dans ses usages, de la fornication aux techniques respiratoires. Il a été racheté à un grand prix (J. Prohin, R. Alcorn). Le yoga lui-même ferait concurrence à l’Évangile (F. Varak).
Le médecin s’émerveille devant ce chef-d’œuvre, soignant humblement la souffrance à la lumière de sa foi (É. Fournier-Charrière). Jésus s’est souvent confronté aux malades de son époque, nous laissant un message sur le rapport entre la santé et la foi (M. Poeymirou).
Ce corps limité ne nous pousse-t-il pas à persévérer dans l’espérance de la gloire ? Conscients de notre faiblesse (J.L. Théron) mais soutenus par la fidélité de Dieu, nous soupirons (Rom 8.23) après la perspective du corps de résurrection (J-L. Dandrieu).
Même de grands hommes de Dieu ont connus le découragement, et ils les ont surmontés par la prière et la foi dans la Parole (G. Müller). Dans l’épreuve, sachons examiner nos motivations (S. Théret) afin de témoigner par notre corps, souffrant ou non, de la splendeur glorieuse de notre Créateur !
- Edité par Mondin Frédéric
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