PROMESSES

Ce texte est un extrait d’un message donné au Metropolitan Tabernacle à Newington. Le titre de la prédiction s’intitule : « Une dette envers Dieu et l’homme ».

« Puis ils se dirent l’un à l’autre : Nous n’agissons pas bien ! Cette journée est une journée de bonne nouvelle ; si nous gardons le silence et si nous attendons jusqu’à la lumière du matin, le châtiment nous atteindra. Venez maintenant, et allons in-former la maison du roi. » (2 Rois 7.9)

[…] À ma connaissance, il y a des districts de Londres, particulièrement dans les faubourgs, où lorsqu’un homme frappe aux portes et commence à parler de Christ, les habitants lui rétorquent : « Personne ne nous rend jamais visite pour nous faire du bien. Nous sommes abandonnés à notre sort. » Il est honteux qu’il en soit ainsi, mais c’est le cas. Dans cette nation chrétienne, des hommes vivent et meurent aussi ignorants du message de l’Évangile que s’ils avaient vécu dans de lointaines forêts équatoriales. Mais si ces mêmes hommes vivaient là-bas, nous nous enga-gerions tous à leur envoyer un missionnaire pour leur parler de Jésus et de son amour. Au risque de voir le missionnaire mourir de fièvre, nous le leur enverrions. Et pourtant, ceux qui demeurent tout près de chez nous, qui sont même à notre service, sont laissés dans l’ignorance du salut. Notre femme de ménage, le ba-layeur de rue peuvent ne pas connaître Christ mieux que des peuples indigènes, et cependant nous ne leur disons rien de Christ.

Cela n’est-il pas choquant ? Nous sommes rassasiés mais tolérons que d’autres meurent de faim ! S’il m’était possible d’entraîner l’un des frères ou des sœurs ici présents – un qui a goûté à la grâce de Dieu – à secouer sa léthargie coupable, je n’aurais pas perdu mon temps.

Chers amis, fuyons l’indifférence et mettons-nous au travail pour le Seigneur. Il ne me suffit pas de prêcher l’Évangile ; je voudrais tous vous envoyer le proclamer. Oh, si les milliers d’auditeurs réunis ici pouvaient parcourir Londres en proclamant Christ ! Seule l’éternité serait suffisante pour révéler les fruits d’une telle croisade ! […]


« Jésus, s’étant approché, leur parla ainsi : Tout pouvoir m’a été donné dans le ciel et sur la terre. Allez, faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et enseignez-leur à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde. » Matthieu 28.18-20

Examinons ensemble ce texte biblique en commençant par son contexte immédiat (v. 16-17). Jésus est ressuscité depuis quelque temps, se montrant ici et là, afin de certifier sa résurrection. Au-delà de ces preuves, des doutes persistent encore dans certains cœurs, probablement au sujet de « la mouvance nouvelle » qu’il avait initiée. Comment les disciples poursuivraient-ils sans sa présence ? Ces derniers avaient sans doute des questions voire des craintes en rapport avec les responsabilités liées à leur élection (Jean 15.16), avec leur envoi dans le monde (Jean 17.18), avec la persécution annoncée (Jean 16.1-4) et avec l’attente de la puissance promise (Luc 24.49).
En ce début de XXIème siècle, la perplexité est aussi importante : trop de chrétiens semblent avoir de la difficulté avec les versets mentionnés en titre. Les réactions suivantes en sont des exemples avérés : « Ce fût une bonne recommandation valable uniquement pour les apôtres afin de les pousser dans la bonne direction du service. Je ne sais pas comment témoigner, et concernant ‘faire des disciples’, ce n’est pas ma spécialité, honnêtement, je ne m’y connais pas ! Parce que personne ne m’a formé à être un disciple. Tout cela, c’est pour ceux qui sont à plein-temps, qui perçoivent une paie pour ce double travail. J’ai une peur bleue de témoigner, car je ne sais pas engager une conversation à froid même avec une connaissance, encore moins avec un inconnu. Ce programme apostolique n’est plus de notre époque, nous avons des évangélistes, des films, des livres et la radio pour faire ce boulot. Dieu en a élu certains, ils vont donc être sauvés sans mon effort d’évangélisation, et je n’ai de surcroît pas un grand amour pour les perdus. »
Dans ce texte, Jésus reprend ceux qui doutaient avec une affirmation prodigieuse (v. 18), avec deux ordres clairs (v. 19b-20a) et avec une belle promesse (v. 20b). Ce texte n’est pas exclusivement un appel pour les missions étrangères ou pour les missionnaires ou serviteurs à plein temps. Il s’applique de manière générale à chaque croyant.

1. Commentaire des versets

Je souhaite faire apparaître le sens profond de ce texte et aider à réfléchir d’une manière nouvelle sur ces versets que nous connaissons par cœur.
1. Le verset 18 affirme la souveraineté de Dieu :
– Mais aussi ce que Jésus a proclamé,
– a été donné à moi par le Père Souverain,
– tout droit, habilité, autorité dans le ciel,
– aussi sur la terre (c.-à-d. l’humanité).
Chaque mot a sa valeur dans l’ordre spécifique de l’original. Jésus-Christ est chef suprême sur les siens, ainsi que sur toute l’humanité, donc sur la vie individuelle de chaque converti. Ce verset indique la source de l’autorité de Jésus-Christ et donne un impact d’autant plus grand aux paroles qui vont suivre. C’est un appel solennel à l’attention de chaque sauvé qui veut vivre comme un disciple à accepter l’autorité souveraine et absolue du Ressuscité sur chaque domaine de sa vie. Ne passons pas trop vite sur ce verset et sur ses implications. Il est le fondement du service à rendre par chaque croyant à chacune des trois personnes de la trinité.
2. Les versets 19 et 20a contiennent deux ordres :
– par conséquent, allez (c.-à-d. conduisez-vous usuellement de la façon suivante),
– et faites pleinement et véritablement (c.-à-d. non d’une manière fortuite ou n’importe comment, n’importe quand) des disciples de toutes nations, des deux manières suivantes :
a. « en les baptisant en faisant référence au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit… » (v. 19b). L’emploi du « nom » signifie que Jésus ordonne à ses disciples, en s’appuyant sur l’autorité donnée par le Père (v. 18), d’immerger directement dans l’eau (sens original de texte) tous ceux qui s’attacheront à lui par la foi, le reconnaissant comme leur seul Sauveur. Ainsi, par l’acte d’immersion, le sauvé signale publiquement son attachement à Dieu. En recevant cette immersion au nom de chaque personne de la trinité, le sauvé affirme que chaque personne joue un rôle précis dans sa conversion et dans sa vie chrétienne quotidienne[note]Act 7.48-52 ; 10.34-43 ; 20.21-22 ; Tite 3.4-6[/note]. Quels sont le sens et la signification du mot « nom » ? Le singulier souligne l’unicité, la cosubstance et l’essence indivisible de Dieu. Le baptisé professe :
– qu’il reconnaît qu’il dépend du Père comme son Créateur et son Supérieur,
– qu’il avait reçu Jésus-Christ comme son unique Rédempteur et Seigneur,
– qu’il reconnaît le Saint-Esprit comme celui qui le sanctifie et le réconforte.
La première étape du disciple de Jésus-Christ est de s’engager publiquement auprès du Dieu trinitaire. Le croyant peut-il alors demeurer dans l’anonymat ?
b. « En les enseignant tous, sans exception, à observer tout ce que je vous ai ordonné », (v. 20). Examinons les mots principaux :
« en les enseignant » : le texte original porte le sens d’instruire de manière répétée en vue de créer la disposition chez le disciple d’accepter la matière présentée. L’instruction doit donc être méthodique. Elle doit commencer dès la conversion et ce d’une manière enthousiaste, cohérente, intéressante, sérieuse et biblique. L’étude des paroles de Jésus et de surcroît du N.T. doit être consistante et constante, car nous y trouvons l’explication de Jésus et son œuvre. Dans la LXX, le terme « en les enseignant » signifie bien davantage qu’une simple transmission de connaissance, il exprime surtout comment vivre la vérité selon la volonté de Dieu, dans tous les aspects du quotidien, ceci en ne visant pas uniquement l’intellect mais aussi le cœur. Il y a là beaucoup de matière à réflexion pour ceux qui dans l’assemblée locale ont une responsabilité dans l’enseignement ! Où en êtes-vous dans votre assemblée ?
« à observer » : Le texte original met en premier lieu l’accent sur le sens d’apercevoir ou de reconnaître ce qui est vrai, ensuite sur le sens d’y prêter beaucoup d’attention en vue d’une mise en pratique docile à chaque situation. En d’autres termes, cela signifie que le vrai disciple est celui qui se fixe comme objectif de connaître et de mettre en application ce qu’il a appris consciencieusement des paroles transmises par le N.T. Ainsi, l’étude des Évangiles et de surcroît de tout le N.T., qui met en lumière Jésus-Christ, est une nécessité.
« toutes les choses… prescrites » : L’original exprime l’idée de sérieux et de formel. Les paroles annoncées, enseignées, expliquées par Jésus-Christ sont bien plus que des suggestions, elles sont des commandements. Tout est à prendre avec sérieux et à appliquer au quotidien de manière intelligente, ce en rapport avec tout l’enseignement appliqué à chaque contexte de la vie.
c. Le mot « disciple » a pour sens un individu qui se met dans une attitude d’apprenti, prêt à apprendre de son maître ce qu’il doit savoir dans tous les domaines de la vie, entre autres, de la connaissance[note] Ps 119.7-11, 71, 73[/note] , et comment devenir par la suite un pêcheur d’hommes [note]Marc 1.17 ; Luc 5.10 [/note] .
Les références ci-dessous donnent quelques indications en rapport aux points importants dans l’apprentissage du discipulat :
– suivre intimement Jésus comme Maître [note] Mat 4.19 ; 9.9 ; Jean 15.16 [/note],
– être prêt à laisser à l’Esprit le soin de changer son existence par rapport à sa vie de pécheur invétéré (Éph 4.17-24),
– accepter une vie d’abnégation[note] Mat 9.28a-b ; 16.24-25 ; 10.24-25, 16-20  [/note], notez bien le principe : le serviteur n’est pas plus grand que son maître (Héb 5-8),
– ne pas vivre selon les principes immoraux et de libertinage du monde (1 Jean 2.15-17),
– reconnaître que le disciple est singulièrement un représentant direct de Jésus-Christ [note] an 13.20 ; Act 6.7 ; 14.21-22 ; Rom 1.7-8 ; 2 Tim 4.7 [/note],
– aimer selon l’amour de Jésus qui est la directive capitale (Jean 13.34-35). À cet égard, réfléchissons aux implications réellement pratiques sur le plan personnel et sur le plan de la communauté des saints [note] Phil 2.1-4 ; Col 3.12-15 ; 1 Thes 4.9-12 ; Héb 13.-6 ; 1 Pi 1.22-23 ; 1 Jean 2.7-11 ; 3.11-15, 23-24, 20-21 [/note] .
Notez bien que l’accent est mis sur ce que l’on est en Christ et ce que l’on est en train de devenir quotidiennement par l’Esprit.
Jusqu’ici, nous n’avons relevé que les facteurs importants du discours de Jésus à ses disciples, à un moment de son ministère de 40 jours, entre sa résurrection et son ascension (v. 19-20). Le Maître révèle ainsi la tâche qui servira de base à leurs ministères futurs, en vue de perpétuer le message et la façon d’approcher Dieu par le nouveau chemin (Jean 14.6), sans aucune restriction géographique ni raciale.

2. La garantie éternelle de victoire

Dans le texte original, le verset 20b attire notre attention avec force : « Et prêtez particulièrement attention ! Je-avec-vous-suis [note] ct de l’ordre des mots  [/note] tous les jours jusqu’à la consommation de cet âge. » Cette dernière phrase est tellement connue et répétée, presque banalement, en sorte que la force réelle et eschatologique pourrait nous échapper.
Jésus ouvre ce verset en élevant la voix avec un appel énergique afin que nous lui prêtions une attention particulière. Le sujet est tellement important, qu’il mérite toute leur considération. Ce fut une sorte de « Hé, vous les amis ! » Ainsi, et par extension, ces paroles sont destinées à tout converti contemporain qui veut vivre le vrai discipulat sous sa direction. « Je vous garantis ma présence continuelle et quotidienne jusqu’à la fin de l’histoire humaine telle que nous la connaissons. » Jésus savait que le disciple aurait un besoin énorme d’assurance pour le suivre fidèlement, en partageant l’Évangile dans un monde rebelle et hostile à la vérité. Cette promesse est absolument pertinente pour chaque sauvé : « Je suis continuellement présent à votre côté qu’importe la situation jusqu’à la fin de votre vie. » Frères et sœurs, fortifiez-vous avec cette promesse conséquente.
Le Seigneur nous encourage à être animés continuellement de « l’attitude de disciple », à savoir être éveillés à toutes les occasions de le présenter aux autres par n’importe quelle méthode, par les sondages, par l’offre d’un N.T. ou d’un traité approprié au moment opportun, par un témoignage, approprié au contexte vécu au moment même où le Seigneur agit, etc.
Selon le N.T., l’activité professionnelle, le mariage, le salaire, les vacances, la retraite ne sont pas nos priorités premières. Le but premier du sauvé est de présenter Christ aux autres. Il est simple d’accomplir ses deux phrases sous l’inspiration de l’Esprit, Esprit qui veut gérer d’une manière ordonnée chaque aspect de notre quotidien.
« Car l’amour de Christ nous presse, parce que nous estimons que si un seul est mort pour tous, tous donc sont morts ; et qu’il est mort pour tous, afin que ceux qui vivent ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui qui est mort et ressuscité pour eux. » (2 Cor 5.14-15)
Lorsque cette réalité bouillonne dans notre cœur, le Saint-Esprit ouvre des portes et des cœurs pour parler naturellement de lui.


Le dernier livre du N.T. rappelle à plusieurs égards les derniers livres de l’A.T. Un prophète, après avoir reçu une vision glorieuse de Dieu est chargé de « réveiller » le peuple de Dieu et de montrer en quoi il dévie de la mission confiée par Dieu (És 6.1-8 ; Éz 1.1-28 ; Jér 30.2). Dans le livre de l’Apocalypse aux chapitres 1 à 3, Jean, alors qu’il a la vision de Jésus-Christ glorifié, reçoit la mission de consigner par écrit ce qu’il voit et « ce qui doit arriver ensuite » (1.19), afin de mettre en garde l’Église de dérives, d’erreurs et de péchés.

1. Le chandelier

Jésus-Christ se présente dans sa gloire « au milieu des sept chandeliers » (Apoc 1.13), « et les sept chandeliers sont les sept Églises » (v. 20). Symbole missionnaire, le chandelier doit répandre la lumière dans l’obscurité, comme l’Église est chargée de refléter la supériorité de Jésus, lumière du monde pour les nations (Jean 8.12) [1].

Aux églises qui laissent entrer le péché en leur sein, l’avertissement suivant est donné : « Souviens-toi donc d’où tu es tombé, repens-toi, et pratique tes premières œuvres ; sinon, je viendrai à toi, et j’ôterai ton chandelier de sa place, à moins que tu ne te repentes. » (Apoc 2.5, italique ajouté) Le Seigneur peut décider de supprimer la présence d’une église infidèle dans un quartier, dans une ville. À quoi sert le sel s’il a perdu sa saveur ?

2. Comment perd-on son premier amour ?

C’est à l’église d’Éphèse que Jésus (Apoc 2.1-7) menace de retirer le témoignage de l’Église (v. 5). Malgré son discernement doctrinal (connaissance) et son endurance dans la persécution (persévérance), l’Église souffre d’un avertissement sévère de la part du Seigneur au niveau de l’amour, qu’il associe à ses « premières œuvres ». Le livre des Actes montre que l’Église était, dès le début, active au niveau de la mission. Une église peut donc défendre l’orthodoxie apostolique (v. 2) et résister aux séductions de ce monde (v. 3), si elle n’a pas l’amour, le Seigneur peut à tout moment supprimer sa présence (son chandelier) de la ville où elle est implantée.

Comment savons-nous si notre église locale a perdu son premier amour ? Il ne s’agirait pas ici de sa bonne entente interne, mais du rayonnement de son témoignage c.-à.-d. des croyants qui la constitue. William MacDonald a écrit : « Les chrétiens doivent se rappeler les beaux jours où ils devinrent croyants, se repentir de la diminution de leur premier amour et se remettre au service de Dieu avec la même consécration qu’au commencement de leur vie chrétienne. Sinon Christ ôtera le chandelier d’Éphèse, en d’autres termes, l’Assemblée cessera d’exister car son témoignage s’éteindra. »[2]

3. Qu’est-ce qu’une Église en bonne santé ?

L’église de Philadelphie est largement louée par le Seigneur Jésus (Apoc 3.7-13). Elle semble pourtant la plus faible selon les critères de ce monde (v. 8). Peut-être n’a-t-elle pas en son sein de bons « communicants », des musiciens talentueux, ni la technologie qui rend les spectacles si attractifs ?

Jésus, en promettant de lui ouvrir une porte que personne ne peut fermer (v. 8), lui assure une évangélisation qui portera un fruit à sa gloire. Jésus lui promet même que les adversaires les plus farouches se prosterneront et reconnaîtront l’amour de Jésus pour cette église (v. 9). Qu’est-ce qui fait une église si victorieuse ? Sa fidélité. Une église, même faible, si elle est fidèle à la Parole, peut annoncer puissamment le salut aux nations.

4. N’est-il pas trop tard ?

Nous connaissons la terrible situation de l’église de Laodicée. Sa perception d’elle-même est faussée (v. 17). Elle tend dangereusement vers l’excommunication par Jésus lui-même.

Il connaît ses œuvres. La mission est une œuvre de l’Église. Comme cette église n’est plus bouillante, elle a perdu de son zèle, sans doute aussi sa vision missionnaire. Ses œuvres ne tiendront pas au feu du jugement. En rachetant auprès de Jésus de l’or éprouvé  par le feu, en se repentant et en redevenant bouillonnante, elle recapitalisera sa fortune céleste.

Avec Dieu, il n’est jamais trop tard. Jésus promet même une grande récompense : être assis sur le propre trône de Jésus. Jésus est prêt à partager ses plus grands biens avec ceux qui se repentent et reprennent le flambeau (la mission) confié à chaque église.

5. Quelques éléments de synthèse

  • Le Seigneur a confié à chaque église la mission de refléter la lumière divine aux nations. Ce témoignage est un critère donné par Jésus pour savoir si une église peut demeurer implantée ou non dans le tissu local.
  • L’enseignement de la saine doctrine, le discernement et l’endurance ne suffisent pas. L’église doit « sortir » d’elle-même, participer à l’effort missionnaire (localement ou mondialement), au risque de se voir confisquer son chandelier par le Seigneur, au bout de quelques années. Ne dit-on pas qu’une église renfermée sur elle-même crée ses propres problèmes ?
  • Une église fidèle, qui s’appuie sur la promesse de Dieu et non sur les techniques du monde, sera bénie : Dieu lui-même assure son succès dans l’évangélisation. Ses ennemis eux-mêmes changeront de perspective (Apoc 3.9).
  • Votre église ne « sort » pas et se tiédit ? Il n’est pas trop tard. Dieu est le champion des renversements de situation. Repentons-nous de notre tiédeur et glorifions-nous aux yeux du monde de la folie de la croix (Gal 6.14), avec l’espérance que le Seigneur ajoutera ceux qu’il a élus.

[1]    Voir également Ps. 36.10 ; És 42.6 ; Act 13.47 ; Luc 2.32

[2]    William MacDonald, Le Commentaire Biblique du Disciple, Ed. J.-P. Burgat / La Joie de l’Éternel, p. 1325, Commentaire d’Apoc 2.5


La mission chrétienne outre-mer, qui bénéficiait jadis d’une idéalisation excessive, n’a plus très bonne presse. Elle n’évoque plus pour beaucoup, jusque dans les églises, que le casque colonial. Heureusement que les faits sont têtus : le survol de Jacques Blandenier les met opportunément en place dans cet article paru dans Fac Réflexion en avril 1987.

Alors que nous sommes à l’aube du 3ème millénaire de l’ère chrétienne, nous constatons que l’Évangile est répandu sur toute la surface de la terre, et que l’Église est devenue une réalité multiraciale.

Il est vrai que dans certaines régions, surtout dans les zones d’influence de l’islam et du bouddhisme, la présence chrétienne est une très faible diaspora, et qu’ailleurs encore, des milliers d’ethnies n’ont jamais entendu la Bonne Nouvelle dans leur langue – sans parler des immenses concentrations humaines des mégapoles du Tiers-Monde. Gardons-nous donc de tout triomphalisme ; la tâche est bien loin d’être achevée ; il faut que les efforts redoublent, de toute urgence, surtout lorsqu’on songe à l’explosion démographique des nations peu évangélisées. Et ce sont les chrétiens du monde entier qui doivent se mobiliser pour cette tâche.

Cependant, cette diffusion universelle de l’Évangile est une réalité, et c’est un phénomène récent, unique dans l’histoire du christianisme[1], et même dans l’histoire des religions en général. Si l’on confronte ce fait à la situation telle qu’elle se présentait à la fin du XVIIIème siècle, le changement apparaît radical. Il est dû à un renouveau de la vision missionnaire de l’Église qui n’a de comparable que l’élan missionnaire des trois premiers siècles.

L’éclosion, l’explosion missionnaire de ces 200 dernières années sont le fait des Églises occidentales de race blanche. Car, à part quelques exceptions (l’Église de l’Inde du Sud, celles d’Égypte et d’Éthiopie – pour ne rien dire de la christianisation superficielle de l’Amérique latine par les Conquistadores), le christianisme était devenu presque exclusivement européen depuis plusieurs siècles. Ce qui était loin d’être le cas à d’autres périodes de l’histoire de l’Église : développer cette question nous ferait sortir de notre sujet, l’écarter entièrement en fausserait la perspective et nous rendrait coupables d’un fâcheux ethnocentrisme occidental !

Au premier millénaire : évangélisation sur trois continents

Les Actes des Apôtres, c’est vrai, nous montrent comment l’Évangile, à partir de Jérusalem, est parvenu jusqu’en Europe et le récit se termine à Rome, capitale de l’Empire. Mais Luc, premier historien de l’Église, n’a jamais prétendu être exhaustif – s’il avait voulu l’être, son livre aurait été monumental, ou alors se serait réduit à une sèche énumération. L’axe missionnaire qu’il a choisi mène vers l’Europe pour des raisons évidentes (lui-même est Européen, et témoin privilégié des missions de l’apôtre Paul, choisi par Dieu pour écrire des pages fondamentales de la révélation néotestamentaire).

Mais d’autres axes, à partir de Jérusalem, ont conduit très tôt les messagers de l’Évangile vers le sud ; l’Égypte, puis l’Afrique du Nord, l’Arabie puis les Indes ; et, à partir d’Antioche vers les royaumes d’Orient (Edesse, Arménie, les Perses, les Parthes, l’Adiabène).

C’est ainsi qu’au IVème siècle, il y a d’innombrables églises en Mésopotamie, et bien au-delà. Il s’agit d’églises nestoriennes[2], donc séparées de Rome. Dans les siècles suivants, elles eurent une intense activité missionnaire dans toute l’Asie. Entre les VIIème et IXème siècles, elles fondent des monastères et de nombreuses églises en Chine qui disparurent par la suite. Au début du XIème siècle, elles atteignent divers groupes mongols, et la grande tribu des Keraïtes devient chrétienne peu après l’an 1000. Il se trouve même que le petit-fils du terrible Gengis Khan, Kublaï Khan, qui régna à Khanbaluk (Pékin) de 1266 à 1294 sur le plus grand empire que la terre ait connu, avait une mère kéraïte chrétienne. Il était lui-même très attiré par le christianisme, et par le truchement de l’explorateur vénitien Polo, il demanda au pape de lui envoyer cent missionnaires, exprimant le vœu d’être lui-même baptisé.

À son apogée, vers 1350, l’église nestorienne comptait environ 15 millions de membres, effectif probablement supérieur à celui de l’église d’Occident à la même époque ! Mais elle déclina rapidement, notamment à la suite des massacres perpétrés par le conquérant musulman Tamerlan qui réalisa en grande partie son projet d’éliminer le christianisme d’Asie.

Chrétienté en peau de chagrin

Dès lors, à partir du XVème siècle, une chrétienté en peau de chagrin se voit confinée à l’Europe[3]. Bastion du christianisme de l’Antiquité – l’Afrique du Nord est tombée depuis longtemps – les Turcs, après avoir conquis l’Asie Mineure (autre bastion chrétien antique !) s’emparent de Constantinople en 1453, puis de tout le sud-est de l’Europe (ils sont aux portes de Vienne en 1521) ; les Mongols musulmans ne sont chassés de Russie par Ivan III qu’en 1480, et les Arabes, du sud de l’Espagne qu’à la fin du XVème siècle (ils quittent Grenade en 1492).

L’Europe assiégée, mais en pleine ébullition culturelle grâce au mouvement de la Renaissance, trouve un exutoire outre-mer avec les grandes découvertes. D’emblée on voulut évangéliser ces nouveaux territoires, mais on sait avec quelle brutalité la christianisation accompagna cette colonisation.

Les réformateurs, qui sont au courant de la découverte de ces terres peuplées de païens, et qui savent que les Ordres religieux catholiques s’emploient à y implanter l’église romaine, n’ont, quant à eux, aucune vision missionnaire. Ce n’est pas le lieu ici d’exposer les raisons de cette carence.

Au cours du XVIIème siècle, les protestants restent fermés à toute vision missionnaire. Quelques précurseurs isolés font exception. Cependant, un théologien réformé, le Hollandais Gilbertius Voetius (1589-1676) jette les bases d’une mission protestante[4]. Un de ses compatriotes et disciples, Justus Hernius (1587-1652), peut être considéré comme le premier praticien protestant de la mission. Envoyé à Java comme aumônier par la Société Commerciale Unie des Indes Orientales, il s’engagea auprès des indigènes, apprit leur langue, traduisit des textes bibliques en javanais (première traduction protestante des Écritures en langue non européenne, en 1629), et fonda une église.

Parmi quelques autres, impressionnants par leur consécration, leur audace… et leur solitude, nous citerons le pionner par excellence, John Eliot (1604-1690). Puritain britannique, il s’en alla rejoindre en 1631 les Pères pèlerins du Mayflower au Massachusetts. Grâce à un travail inlassable auprès des Indiens Mohicans, il en amena plusieurs milliers à une réelle conversion et fonda des villages de « Praying Indians » (Indiens prieurs) organisés selon un modèle inspiré de l’ancien Israël. Même si son travail fut anéanti par les guerres indiennes, l’influence de ce véritable précurseur des missions évangéliques fut considérable. Par ses lettres de nouvelles, il fit découvrir aux Anglais que la grâce pouvait opérer dans le cœur des Indiens dont on pensait qu’ils étaient définitivement rejetés par Dieu, dégénérés, plus proches de l’animal que de l’homme.

Pour le XVIIème siècle encore, citons un Allemand de la noblesse, Ernest von Welz, dont l’échec est significatif du climat de l’époque. Plus d’un siècle avant Carey, il eut la vision de fonder une société missionnaire. Il multiplia les démarches auprès des autorités de l’église luthérienne et de la diète impériale, mais ne recueillit que railleries et critiques. De distingués théologiens écrivirent des brochures pour dénoncer sa folie : aller évangéliser les païens, c’était jeter les perles aux pourceaux ! Finalement, las d’être traité de déséquilibré, et désespérant de rencontrer quelque écho, von Welz vendit toutes ses terres et partit tout seul au Surinam (Guyane néerlandaise) en 1666, où il semble être mort martyr peu après son arrivée.

L’éveil de la conscience missionnaire

C’est au cours du XVIIIème siècle que la conscience missionnaire apparaît progressivement chez les protestants. Elle est un fruit direct du réveil piétiste et du mouvement morave en Allemagne, et du réveil wesleyen en Angleterre. Ce mouvement reste cependant limité et minoritaire. Il n’émane pas des autorités des églises établies, mais de groupes de convertis appartenant à diverses dénominations. Il aboutira, à la fin du siècle, à la création des premières sociétés missionnaires qui déploieront leur action décisive au XIXème puis au XXème siècle.

On doit au piétisme la conversion du roi du Danemark, Frédéric IV, qui devint un soutien efficace de la mission, au Groenland (avec l’admirable Norvégien Hans Egede) et en Inde où le Danemark avait un comptoir à Tranquebar. Plusieurs missionnaires y travaillèrent dès 1705. Le plus remarquable d’entre eux fut Christian Schwartz (1726-1798), qui quitta le comptoir danois pour s’implanter au cœur de la population hindouiste du royaume de Tanjore. Il y accomplit une œuvre extraordinaire.

Selon Jacques A. Blocher : « Schwartz a démontré qu’un missionnaire se contentant de prêcher l’Évangile en vue d’un salut individuel, à la mode piétiste, peut avoir une incroyable influence sociale, économique, politique, sur tout un peuple. » Quand Schwartz s’éteint en Inde en 1798, William Carey se trouve depuis peu dans le nord du même pays.

Avant d’évoquer cette figure de proue des missions évangéliques, il faut mentionner le travail considérable des missionnaires moraves. Touché par le témoignage d’un esclave noir et d’Esquimaux convertis par Egede, le comte Nicolas de Zinzendorf devint un ardent promoteur de la cause missionnaire au sein du mouvement dont il était l’âme. Aux Antilles danoises (dès 1732), au Groenland (1733), en Afrique du Sud (1739), puis dans les forêts d’Amazonie et parmi les Indiens d’Amérique du Nord, les Moraves travaillèrent avec un zèle inlassable, livrés à eux-mêmes, en butte à l’hostilité des colons et aux maladies tropicales. Leurs sacrifices ne portèrent pas d’emblée tous les fruits escomptés. Il manquait à ces premiers envoyés l’expérience, une stratégie missionnaire coordonnée, un soutien efficace depuis l’arrière, et surtout une formation suffisante. Mais les Moraves ont démontré que la mission n’était pas l’affaire de quelques originaux solitaires, ni même de groupes spécialisés. Chez eux, c’était la communauté des Frères dans son ensemble qui en était responsable. La pratique discutable du tirage au sort des envoyés l’exprimait à sa manière : n’importe quel membre de la communauté pouvait être désigné par le sort pour un départ en mission – chacun devait être préparé à l’accepter !

Un tournant décisif

Avec William Carey (1761-1834), nous ne sommes plus dans l’ère des précurseurs, mais des fondateurs. Cet humble cordonnier d’un petit village du centre de l’Angleterre va marquer profondément l’histoire de l’Église. C’est à lui qu’il allait appartenir de « convertir » les chrétiens à la cause de l’évangélisation des païens.

Passionnément ouvert sur le monde (il dévorait les récits de l’explorateur Cook, tapissait son échoppe de cartes de géographie et rassemblait tous les renseignements possibles sur les peuples vivant dans les pays d’outre-mer), il était surtout hanté par le sort des païens mourant sans Dieu et sans espérance. Consacré pasteur baptiste en 1787, il s’employa dès lors à convaincre ses collègues de la nécessité d’évangéliser toutes les nations – ce qui lui valut cette célèbre rebuffade du président de la pastorale : « Asseyez-vous, jeune homme. Lorsqu’il plaira à Dieu de convertir les païens, il le fera sans votre aide et sans la mienne. »

Par sa ténacité, par la force communicative de sa conviction, il finit cependant par gagner l’adhésion d’un petit groupe de collègues et c’est avec eux qu’il créa, en octobre 1792, la Société Baptiste Missionnaire – bien fragile, il est vrai, et disposant de moyens financiers dérisoires. Mais huit mois plus tard, Carey est sur le navire qui le conduit à Calcutta, avec sa femme, ses trois jeunes fils et un coéquipier, le Dr Thomas. Ils doivent débarquer clandestinement, en raison de l’opposition de la Compagnie des Indes qui considère les missionnaires comme des indésirables.

Ce n’est pas le lieu ici de retracer la carrière de William Carey, qui devint imprimeur, traducteur de la Bible, professeur de sanskrit à l’Université, orientaliste réputé, fondateur de plus de 150 écoles et collèges, de sociétés agricoles et horticoles, d’une caisse d’épargne…

Par rapport à ses prédécesseurs, Carey vécut certes dans une période plus favorable à l’éclosion d’une conscience missionnaire évangélique, l’église de son pays ayant été fertilisée par le puissant réveil wesleyen. Mais c’est avant tout à son rayonnement spirituel capable d’en entraîner d’autres dans son sillage, à sa vie de prière et à sa consécration qu’il faut attribuer le fruit de son labeur.

Comme le constate Arthur Grandjean[5], réveil spirituel et intérêt missionnaire vont de pair, réagissant constamment l’un sur l’autre.

Une saine théologie est indispensable, la prise de conscience de l’existence de peuples non évangélisés également. Mais sans des cœurs profondément convertis par l’amour de Dieu, sans une participation à la compassion du Seigneur pour ceux qui se perdent, la mission reste une entreprise périphérique et aléatoire, ou alors un aspect de la prise de pouvoir de la civilisation occidentale sur des peuples considérés comme « sauvages ». Tel est peut-être le premier enseignement de la vie de Carey et de tant d’autres qui l’ont suivi, en particulier de Hudson Taylor. C’est dans l’obéissance résultant d’une communion personnelle avec un Seigneur vivant qu’il faut chercher l’impulsion qui a donné naissance aux missions évangéliques. Il faut une prise de conscience, au travers de son propre vécu, de la perdition de l’homme sans l’œuvre expiatoire de Jésus-Christ, pour que jaillisse la volonté d’apporter, envers et contre tout, le message du salut à ceux qui en sont privés. Mais, à l’inverse, combien l’intérêt missionnaire stimule la foi, la prière, le zèle pour la conversion d’autrui !

Les premières sociétés missionnaires

Une brève évocation des débuts de la mission en Afrique en est l’illustration. Dès la naissance de la Société Baptiste Missionnaire, les nouvelles du travail de Carey et de ses compagnons au Bengale touchent profondément la conscience du peuple de Dieu en Angleterre. Dans ce qu’on a appelé alors une seconde Pentecôte – une rencontre rassemblant à Londres plusieurs centaines de pasteurs de diverses dénominations – on jeta les bases de la London Missionary Society (L.M.S.), au terme de trois jours de discussions et surtout de prière. C’était en 1795. Très vite, cette société recruta trente missionnaires.

D’autres suivirent quelques années plus tard. Notamment, en 1799, la Church Missionary Society (C.M.S.), regroupant l’aile évangélique de l’église anglicane, puis en divers lieux d’Europe, les Sociétés Missionnaires des Pays-Bas, de Bâle, de Paris, et tant d’autres, wesleyennes, presbytériennes, baptistes, luthériennes – ou inter dénominationnelles, voire même internationales[6].

Plusieurs d’entre elles s’engagèrent dans une aventure incroyable le long de la côte occidentale de l’Afrique. Il convient de rappeler ici que l’un des fruits du réveil religieux du XVIIIème siècle fut la création de diverses sociétés philanthropiques, dont l’un des premiers objectifs fut l’abolition de l’esclavage. Dès 1772, cette institution n’a plus droit de cité en Angleterre, et 15 000 Africains se trouvent libérés. Ceux qui se préoccupèrent de leur réinsertion songèrent à les renvoyer en Afrique, et c’est ainsi que 350 Noirs s’embarquèrent en 1787 pour la Sierra Leone où fut fondé l’établissement de Freetown, qui connut des débuts extrêmement difficiles. Au début du XIXème siècle, les Américains tentèrent une même entreprise au Libéria (1817).

Le prix à payer

Dès leur fondation, la London Missionary Society et d’autres sociétés missionnaires se sentirent responsables de la vie spirituelle de ces établissements, et surtout ils y virent la possibilité d’en faire une base de départ pour atteindre les populations autochtones païennes. Mais le coût de ces entreprises fut inimaginable, et c’est à cela que nous nous sommes référés plus haut en disant que sans un cœur brûlant de la compassion du Christ, il n’y a pas de mission. Les dangers liés au climat étaient tels que, entre 1815 et 1860 (lorsqu’apparurent des traitements à la quinine) l’espérance de vie (statistique) d’un missionnaire partant pour cette côte a varié entre deux ans et demi et trois ans. À elle seule, la Church Missionary Society a perdu en Sierra Leone 129 missionnaires entre 1815 et 1840[7].

Et le résultat visible de ces sacrifices fut extrêmement mince durant de longues années. Ce qui est le plus impressionnant, c’est que ces risques, loin de décourager les sociétés missionnaires et leurs envoyés, les firent redoubler d’efforts. Durant la première moitié du XIXème siècle, on assiste – selon l’expression de Louis Joubert – à un flux humain vers cette côte occidentale de l’Afrique.

« L’Afrique est une forteresse, disait un de ces missionnaires ; pour qu’elle soit forcée, il faut que le fossé soit comblé par les corps des missionnaires qui se seront donnés pour que l’Évangile soit annoncé là. »

Ces premières entreprises touchèrent surtout les régions côtières. Il faudrait un autre exposé pour décrire comment des Livingstone ou Coillard en Afrique, et en Asie, des Adoniram Judson (Birmanie) ou Hudson Taylor (fondateur en 1864 de la Mission à l’Intérieur de la Chine) et bien d’autres moins connus, mobilisèrent les chrétiens occidentaux, poursuivirent la tâche et quittèrent les côtes pour pénétrer profondément à l’intérieur de territoires jamais atteints auparavant.

Des missionnaires du monde entier et pour le monde entier

Et l’histoire continue. Ce qu’on a appelé le second réveil américain, à la fin du XIXème siècle, a donné naissance à diverses sociétés missionnaires pour la plupart internationales et inter ecclésiastiques, de tendance évangélique clairement affirmée. Parmi elles, l’Alliance Chrétienne et Missionnaire (1897), la Mission à l’Intérieur de l’Afrique, la Mission Unie du Soudan, la Mission à l’Intérieur du Soudan. Pour éviter de tomber dans le piège d’une nomenclature, réjouissante certes, mais fastidieuse pour le lecteur, nous nous abstiendrons de poursuivre cette énumération.

Notre conclusion sera avant tout la reconnaissance à la pensée de tant de lucidité chez des pionniers que l’esprit de leur temps ne poussait en aucune manière vers de telles aventures périlleuses, de tant de persévérante obéissance à une vision qu’ils savaient venir de Dieu. De tant de sacrifices aussi, non reconnus par leurs contemporains et souvent sans aucun résultat visible durant leur vie.

Dieu a honoré ce travail, malgré ses lacunes et ses infirmités que nous aurions peut-être dû relever également – veillons à ne pas idéaliser ces grandes figures pionnières !

Aujourd’hui, alors que l’Église semble s’amenuiser tragiquement en Occident, elle croît de façon impressionnante dans d’autres régions du monde. Les églises nées de la mission ont pris le relais, et non seulement elles évangélisent leurs propres concitoyens, mais elles envoient à leur tour des missionnaires à l’étranger. Depuis le début des années quatre-vingt, les chrétiens blancs sont à nouveau minoritaires dans l’Église. Mais tous ensemble, et sans distinction de couleur de peau, de partout vers partout, nous sommes appelés à poursuivre la tâche jusqu’au retour du Seigneur.

 

[1]  Fac Réflexion n°4, Avril 1987, p. 12-17, Il était une fois… l’évangélisation du monde (http://flte.fr/wp-content/uploads/2015/08/FR4-Dossier_evangelisation_monde.pdf consulté le 14.01.2015)

[2]    Les Nestoriens suivent en christologie Nestorius, condamné pour hérésie en 431 parce qu’il divisait le Christ, séparant ses deux natures.

[3]    Selon le statisticien David Barrett, les Blancs qui étaient minoritaires dans l’Église jusqu’en l’an 900 au moins, et guère plus de 60% en 1300, sont 92,6% en 1500.

[4]    Voir à ce propos, in Perspectives Missionnaires n° 12, l’étude de Jacques Blocher : « Un missiologue méconnu : Gilbertius Voetius » (p. 18-25).

[5]    Arthur Grandjean, La Mission Romande (Éd. Bridel, Lausanne, 1917).

[6]    Cf. le chapitre 2 du livre très stimulant du pasteur André ROUX, Missions des Églises, Mission de l’Église (Éd. du Cerf, Paris, 1984). Pour une présentation plus complète, Jean Faure Histoire des missions et églises.

[7]    Cf. Louis Joubert, « Un combat pour un monde nouveau », Journal des Missions Évangéliques, n° 10-12 de 1975, p. 11-21.


Dans Actes 1.8, nous lisons que Dieu voulait que l’Évangile soit annoncé jusqu’aux extrémités de la terre. Dans le livre des Actes, nous voyons comment cette expansion de l’Évangile a débuté dans l’Église primitive. Cette expansion se poursuit aujourd’hui et durera jusqu’au retour de Jésus-Christ. Nous verrons au travers de ces lignes comment Dieu a mené cette action, quel sont les défis qui nous sont posés et comment l’Évangile peut être répandu autour de nous.

Dans le livre des Actes, nous constatons la progression géographique de la prédication de l’Évangile. L’Évangile est d’abord annoncé à Jérusalem auprès de la communauté juive, auprès de ceux qui ont la même langue et la même culture que les apôtres. Ensuite, c’est la Judée qui est évangélisée, une région parlant la même langue et de même culture, puis la Samarie, proche par la langue et par la culture. Le témoignage se poursuivra dans des langues et des cultures différentes, et plus tard ira jusqu’aux extrémités de la terre.

La mission commence donc près de chez nous, depuis notre porte, et va au loin,  jusqu’aux extrémités de la terre, et ce, avec l’extraordinaire aide du Saint-Esprit. Aucune œuvre ne peut subsister sans l’œuvre du Saint-Esprit et cette œuvre nous pousse à la mission, en référence à : « Vous serez mes témoins » (Act 1.8).

1. Deux visions : se laisser déranger par Dieu

Les deux visions sont des situations surprenantes. Dans notre ordinaire, Dieu intervient et peut nous mettre face à des situations extraordinaires, de manière à nous surprendre. Nous pouvons affirmer qu’au travers d’Actes 10.1-16, être surpris par Dieu signifie « se laisser déranger par Dieu ».

1.1. La vision de Corneille

Corneille est un chef de l’armée romaine, il est une figure du non-Israélite, impur car non-juif. C’est donc un homme infréquentable pour des Juifs ! Il est pourtant pieux et fait des aumônes, il a foi en Dieu, ce Dieu qui s’intéresse à tous les hommes, non pas uniquement à Israël. Les Juifs croyaient que Dieu s’intéressait à eux à l’exclusion des autres peuples. Ainsi, lorsque nous parlons de Dieu, nous ne devons pas faire connaître le Dieu qui nous appartiendrait, mais plutôt faire connaître le Dieu à qui nous appartenons. Il est au-dessus de tout homme, tout peuple, musulman, bouddhiste ou hindouiste ; il est Dieu.

Malgré sa ferveur, nous apprenons en Actes 11.13-14 que Corneille n’était pas sauvé au moment où l’ange lui est apparu. Dans tout peuple, il y a des hommes et des femmes qui sont de bonne volonté, qui ont un cœur bien disposé, qui font de bonnes œuvres mais qui ne sont pas sauvés pour autant ! Voilà pourquoi Dieu utilise Pierre pour annoncer le salut à Corneille. Comme Pierre, nous sommes appelés à nous appliquer au même travail d’annonce du salut. En effet, une âme religieuse n’est pas une âme sauvée.

1.2. La vision de Pierre

Simon Pierre vivait chez un tanneur à Jaffa. Le travail du tanneur consiste à tuer les animaux et à traiter leur peau, il est donc en contact direct avec des cadavres. Ainsi et selon Lévitique 11.39, Pierre risquait de se souiller s’il touchait l’un de ces cadavres. Mais Dieu préparait Pierre à la vision qu’il allait recevoir.

À midi, Pierre monte sur la terrasse pour prier, ce qui montre l’importance que Dieu a dans la vie de Pierre. Suite à ce temps de prière, Dieu lui parle par une vision. Nous découvrons ici une autre dimension de la communion avec Dieu dans la prière : l’écoute de Dieu. Alors que Pierre a faim, Dieu se manifeste à lui au travers d’une vision qui l’invite à tuer et à manger. Comme la vision se répète à trois reprises, Pierre devient attentif. Dieu fait son travail dans la vie de Pierre. Il réagit d’abord comme un Juif ne voulant pas manger d’animaux impurs. Pierre est amené à transgresser la loi religieuse et le code culturel liés à son vécu. Il est d’abord choqué par la vision, mais, par la suite, il accepte le projet de Dieu.

Dans nos vies, il y a des interdits liés à notre éducation et à nos origines religieuses. Ceux-ci nous influencent dans notre manière d’approcher les autres. Lorsque j’ai grandi à Madagascar, j’ai été éduqué à manifester de la haine envers une ethnie. Cette éducation a pris racine en moi et a freiné ma vie chrétienne, jusqu’au jour où j’ai compris que cela m’empêchait d’annoncer l’Évangile aux gens de cette ethnie. Dieu, par sa grâce, a travaillé en moi pour que je sois affranchi de ces interdits.

Il y a des interdits qui déterminent notre vie et qui nous empêchent d’aller au-delà et d’être disponibles pour ce que Dieu veut accomplir à travers nous. Y a-t-il  dans nos vies, des interdits reçus pendant notre éducation ou issus de notre culture, qui constituent un facteur de blocage dans la transmission de l’Évangile ?

Relevons un autre détail : d’abord Dieu nous transforme afin que nous puissions annoncer le Seigneur et franchir les différentes barrières qui nous séparent de l’autre. Si nous ne nous laissons pas transformer par le Seigneur, nous aurons beaucoup de peine dans notre approche vis-à-vis de celui qui est différent.

J’ai connu le responsable d’une mission qui avait eu une image très négative des Roms[1]. Or, un Rom est venu frapper à sa porte. Le voyant, le missionnaire a été saisi de préjugés. Après un long moment d’hésitation, il a finalement fait entrer le Rom chez lui. Au fil de la discussion, il s’est rendu compte que son visiteur était chrétien. Ils ont prié ensemble pour un sujet précis. Quelques jours plus tard, le Rom est revenu vers son hôte pour lui dire que le Seigneur avait exaucé leur prière. Dieu a travaillé le cœur de ce missionnaire pour qu’il puisse accueillir celui qui était l’objet de ses préjugés.

Soyons donc sensibles au fait que nous avons été éduqués avec toutes sortes de préjugés, d’interdits et d’images négatives liés à une culture, à un peuple ou à toute autre chose qui nous différencie de notre prochain, images qui reviennent lorsque nous sommes confrontés à une situation ou aux gens qui les incarnent. Sommes-nous prêts à nous laisser déranger par Dieu ?

2. Deux rencontres : aller vers l’autre devancé par l’Esprit 

Luc nous prépare à cette rencontre extraordinaire entre Pierre et Corneille. Ce que Dieu montre à Pierre est en quelque sorte le contraire de la logique du chauvinisme spirituel : « La bénédiction qui provient du Dieu au-dessus des nations, n’appartient pas aux seuls Juifs, mais également aux nations ». Dieu a fait comprendre à Pierre le partage de la bénédiction du salut aux autres peuples, afin qu’il ne la garde pas captive pour Israël.

Dans les versets 17 à 33, nous assistons à deux rencontres initiées par Dieu. Il y a tout d’abord celle de Pierre avec les envoyés de Corneille, puis celle de Pierre avec Corneille.

2.1. Rencontre de Pierre avec les trois envoyés de Corneille

Il est midi, Pierre a faim. On pourrait penser qu’il a eu une hallucination lorsque, sur le toit, il voit la nappe descendre du ciel avec des animaux. Pourtant, cette triple apparition donne de la crédibilité à cette vision. Pierre authentifie l’origine quand il dit : « Non, Seigneur, car je n’ai jamais rien mangé de souillé ni d’impur » (v. 14). Finalement, il est informé par le Saint-Esprit que les trois envoyés de Corneille allaient se présenter à la porte de la maison où il résidait.

Comment Pierre a-t-il pu discerner que cette vision venait de Dieu ? Comment a-t-il su que c’était le Saint-Esprit qui parlait ?

Pierre passait du temps avec Dieu, il connaissait donc Dieu, il avait une relation avec lui au travers de la communion et la prière, il savait que cela venait de Dieu.

Quand Jésus a dit : « Je connais mes brebis, et elles me connaissent » (Jean 10.14), il nous montre que sa voix peut être reconnue. C’est en passant du temps avec Jésus, que l’on arrive à discerner sa voix, même si on ne le voit pas physiquement. Ainsi, nous apprenons à connaître la voix du Seigneur, ce qui implique :
– une relation et une communion avec lui,
– le don préalable et la réception du Saint-Esprit,
– la capacité de reconnaître le Saint-Esprit parler. Le Saint-Esprit n’est pas uniquement une puissance, mais une personne.

Il y a donc cinq éléments qui attestent  que les faits qui venaient de se produire ne venaient pas de son imagination ou du diable, mais de Dieu :
– la triple vision,
– la disponibilité de Pierre,
– l’interpellation de l’Esprit sur le moment,
– la venue des trois envoyés,
– les paroles des trois envoyés.

Pierre manifeste une compréhension progressive du plan de Dieu. Alors qu’il est sur le toit, il est perplexe et réfléchit à ce qu’il vient de vivre. Mais l’arrivée des trois envoyés et la parole du Saint-Esprit : « Voici, trois hommes te demandent ; lève-toi, descends, et pars avec eux sans hésiter, car c’est moi qui les ai envoyés » (v. 19-20), ont convaincu Pierre qu’il devait se mettre en route avec eux. Tout d’abord, Pierre a laissé entrer les hommes impurs dans son logement. Puis ils ont voyagé ensemble pendant plus d’une journée. Au risque d’être vu par d’autres Juifs, il a cheminé avec eux ; mais que se sont-ils dit tout au long du chemin ? Ce temps passé ensemble les a aidés à mieux se connaître. On peut penser que Pierre a parlé de sa foi ou que les envoyés ont posé des questions sur sa foi.

Lorsque je vous demande : « Comment ça va ? », vous pouvez répondre poliment « ça va » mais aussi répondre en parlant de votre foi, en partageant ce que vous vivez avec des chrétiens comme avec des non-chrétiens.

2.2. Rencontre entre Pierre et Corneille

Finalement en arrivant auprès de Corneille, Pierre donne ce témoignage : « En vérité, je reconnais que Dieu ne fait point de favoritisme. » (v. 34) Pierre a donc mené toute une réflexion. Cela nous apprend que le discernement de la volonté de Dieu n’exclut pas la réflexion. Pierre a compris progressivement que personne n’est impropre au salut. Il fallait donc annoncer l’Évangile à ce païen représenté par Corneille.

Luc a pris du temps dans la rédaction de ce chapitre afin de nous expliquer la rencontre avec cet homme impur. Il donne plusieurs indices qui ont conduit Pierre à comprendre cela :
– Pierre habitait chez Simon le tanneur qui tuait des animaux en tous genres,
– Pierre a reçu une triple vision,
– Pierre a offert l’hospitalité aux envoyés de Corneille,
– Pierre a voyagé avec les envoyés de Corneille.

Aux versets 28 et 29, Pierre dit à Corneille qu’il savait qu’il est interdit à un Juif de fréquenter un étranger ou d’entrer chez lui. Pierre était en train de transgresser la loi, mais Dieu lui avait fait comprendre qu’il ne fallait considérer aucun être humain comme souillé ou impur. Pierre avait compris la vision qu’il avait eue à Jaffa. Sa vision de Dieu en fut renouvelée. Dieu a ainsi accompli dans la vie de Pierre une transformation de mentalité et d’attitude. N’enfermons donc personne dans nos raisonnements charnels excluant certains d’être sauvés ou d’être aimés de Dieu. N’enfermons pas Dieu dans notre système de pensée. Laissons Dieu nous transformer. Allons vers l’autre, devancés par le Saint-Esprit.

3. Conclusion

Pour résumer, les deux visions (Actes 10.1-16) nous invitent à nous laisser déranger par Dieu. Les deux rencontres (Actes 10.17-33) nous encouragent à aller vers l’autre, devancé par l’Esprit. Mais avant tout, sortons de notre bulle, c’est-à-dire laissons-nous surprendre par Dieu pour aller au-delà de nos préjugés personnels ou culturels, de notre propre vision de lui, de nos cercles d’amis et de nos églises !

 

[1]     Peuple nomade venu d’Inde vers le Moyen-Orient puis l’Europe, très largement présent en Europe centrale. Le terme désigne à la fois une branche spécifique originaire d’Europe orientale et balkanique, et l’ensemble des Gitans, Tsiganes, Manouches, Bohémiens, Sintés, Kalés, etc.


Durant dix ans, ma femme Meg et moi, avons servi en France, à Paris, comme missionnaires avec The Evangelical Alliance Mission (TEAM). Notre objectif était clair : terminer l’implantation d’une église qui avait débuté des années auparavant avec d’autres missionnaires. Par la grâce de Dieu, durant les dix ans où nous étions là-bas, nous avons vu l’église devenir autonome. Aujourd’hui, vingt ans plus tard, l’église se porte bien.

Une drôle de chose m’est arrivée lorsque nous étions en phase de transition suite à ce ministère. Le désir de mon cœur avait toujours été de servir le Seigneur dans un ministère à Genève, en Suisse, où j’avais grandi. Mon père était un homme d’affaires américain à Genève, et pendant les quinze premières années de ma vie dans cette ville, je n’ai jamais entendu le véritable Évangile biblique de Jésus-Christ, même si Genève est l’endroit où Jean Calvin a prêché, il y a 500 ans !
Lorsque mes collègues français ont entendu parler de nos intentions d’un ministère à Genève, un frère bien intentionné m’a dit : « John, cela n’a aucun sens ! Pourquoi quittez-vous la France, pays dont les besoins sont énormes, pour vous installer dans un pays déjà évangélisé (en parlant de la Suisse) ? »
Je compris ce que ce frère français demandait. La France est, après tout, souvent considérée comme le cimetière des missionnaires. Elle est un terrain très difficile. Les Français sont athées de réputation, humanistes, pessimistes, intellectualistes et rationalistes. La plupart sont totalement fermés à l’Évangile. Nombreux sont les missionnaires ayant œuvré en France qui ont fini par être découragés.
Cette discussion souligne ainsi l’importance de comprendre ce qu’est le succès dans l’évangélisation. Qu’est-ce qui permet de conclure qu’une évangélisation a eu du succès ? Cette question est importante, surtout aux yeux de ceux qui ne voient que rarement des fruits. Examinons, pour y répondre, trois exemples de rencontres d’évangélisation rapportées dans le N.T. et qui, bien qu’approuvées de Dieu, n’offrent qu’un faible fruit apparent.

1. Jean-Baptiste

Dans Matthieu 3, le texte nous dit que, tout en prêchant dans le désert, le message de Jean-Baptiste était clair: « Repentez-vous, car le royaume des cieux est proche. » (v. 2) Des centaines, voire des milliers de personnes sont venues. Beaucoup se sont repenties publiquement et furent baptisées. Mais une chose étonnante se produit dans Matthieu 14. Jean-Baptiste réprimande sévèrement Hérode pour son péché d’adultère (v. 4). Quelle a été la conséquence de cette réprimande ? Je voudrais pouvoir dire qu’Hérode reconnut son péché, se repentit, et orienta sa vie en faveur du Sauveur ! Au lieu de cela, la réprimande de Jean-Baptiste se retourna contre lui… Hérode ordonna de le faire emprisonner, et plus tard, de le décapiter.
Jean-Baptiste, était-il un évangéliste performant ? Après tout, il aurait pu tenir sa langue et tout simplement laisser Dieu condamner Hérode ! S’il n’avait pas confronté Hérode à son péché, il aurait sans doute vécu plus longtemps et aurait pu continuer à prêcher l’Évangile ! Il aurait pu conduire des milliers d’âmes au Sauveur… Mais cela ne s’est pas déroulé ainsi. Si Hérode voulait s’attacher au Seigneur, alors, comme toute autre personne qui se tourne vers Christ, il était nécessaire qu’il se repente de son péché. Jean-Baptiste savait cela. De ce fait, il a confronté Hérode à son péché d’adultère pour qu’il s’en détourne. Et voilà comment il a compris ce qu’était le gain de l’évangélisation, au prix de sa vie.

2. L’apôtre Paul

Dans Actes 24, une chose étonnante se produit alors que Paul était en prison. Le passage nous dit que Félix et sa femme Drusille ont eu des entretiens réguliers avec Paul (v. 24, 26b). Le verset 24 nous dit qu’« il l’entendit sur la foi en Christ. » Remarquons la réaction de Félix au verset 25 : « Félix, effrayé, … ». Il se sentait coupable de son péché et savait au fond de lui-même qu’il méritait le jugement de Dieu. Paul a-t-il, comme Jean-Baptiste, payé le prix pour ce qu’il leur avait dit ? Le verset 27 nous rapporte que Paul est resté deux années supplémentaires en prison.

Réfléchissons un instant. Paul aurait pu garder le silence, ne pas se confronter à Félix et à sa femme, et espérer être libéré de prison. Après tout, aucune véritable charge judiciaire n’avait été portée à son encontre. Il aurait pu imaginer un avenir avec bien plus d’années de ministère. Mais ce n’est pas ce qui est arrivé. Il a partagé l’Évangile avec Félix et Drusille, malgré leur grandeur, comme il l’a fait avec tout le monde. Il a même osé les confronter à leur péché. Et il a payé pour cela.

3. Jésus

Matthieu 9.35 nous dit quelque chose d’étonnant au sujet de Jésus : « Jésus parcourait toutes les villes et les villages, enseignant dans les synagogues, prêchant la bonne nouvelle du royaume, et guérissant toute maladie et toute infirmité. » Au cours de son ministère galiléen, Jésus a fait une quantité considérable de miracles.

Alors Jésus fit une déclaration étonnante dans Matthieu 11.23-24. Il dit que les gens de Capernaüm ont eu beaucoup plus de possibilités de s’attacher au Christ, car, ayant vu ses nombreux miracles et entendu son enseignement, ils seront jugés plus sévèrement au séjour des mort (l’enfer), que Sodome, qui était connue pour sa débauche homosexuelle et son rejet pur et simple de Dieu.

Jésus était-il un bon évangéliste ? Il a fait plus de miracles dans Capernaüm que partout ailleurs, utilisant Capernaüm comme base d’opérations pour sa mission en Galilée. Plusieurs fois, il y a prêché et quel en fut le résultat ? Sauf quelques-uns qui l’ont reçu comme Sauveur, la majorité l’a rejeté. La ville entière est finalement condamnée à l’enfer.

4. La véritable prérogative

Le succès dans l’évangélisation semble être, dès lors, bien plus que de porter des fruits. Bien sûr, les fruits sont des résultats que nous souhaiterions tous récolter ! Cela a été notre force motrice durant nos trente années de ministère à Paris et à Genève. Mais, ce n’est pas la définition du succès dans l’évangélisation. Si cela était le cas, Jean-Baptiste, Paul et Jésus seraient des exemples d’échec, et vous et moi probablement aussi.

Qu’est-ce qu’alors le succès dans l’évangélisation ? C’est la proclamation fidèle de l’Évangile (Marc 16.15 ; Rom 1:16) à toutes les personnes, de manière à les mettre devant un choix : soit croire en Jésus-Christ comme Sauveur et Seigneur pour le pardon des péchés, soit rejeter Christ et porter la culpabilité de leurs propres péchés. N’est-ce pas, après tout, ce que déclare simplement Jean 3.16[1] ?

Nous devons nous rappeler une chose extrêmement importante lorsque nous proclamons l’Évangile, où que nous soyons : la plupart des gens qui entendent l’Évangile rejetteront l’Évangile. Voilà exactement ce que Jésus nous a dit dans Matthieu 7.13-14. Il a dit : « Entrez par la porte étroite. Car large est la porte, spacieux le chemin qui mènent à la perdition, et il y en a beaucoup qui entrent par là. Mais étroite est la porte, resserré le chemin qui mènent à la vie, et il y en a peu qui les trouvent. » Voyez, peu de gens croiront effectivement au Christ. Et si nous ne nous souvenons pas de cela, nous serons très vite découragés quand nous ne verrons que peu de fruits.

Par conséquent, nous avons été appelés à proclamer fidèlement et sans vergogne l’Évangile à tous, comme Jean-Baptiste, Paul et Jésus l’ont fait. Nous devons dire à tous qu’ils ont besoin de se repentir, de se détourner de leurs péchés et de se tourner vers le Sauveur, Jésus-Christ. Annonçons que Jésus est prêt à leur pardonner, s’ils croient en lui et lui font confiance. Si nous pratiquons cela, nous serons fidèles. Voilà ce qu’est le succès dans l’évangélisation, même si cela peut nous coûter la vie comme à Jean-Baptiste, Paul et Jésus !

Que nous soyons des missionnaires en France, en Suisse, au Maroc ou ailleurs dans le monde, notre tâche est la même : être des semeurs fidèles de la Parole afin que ceux que Dieu a choisis viennent à Christ.

[1] NDLR : voir aussi 2 Cor 2.14-17


Quelle est notre conception de la mission et des missionnaires ? La mission a-t-elle encore un sens et une actualité ? Ou s’agit-il d’un concept dépassé pour des « attardés » ou des « illuminés » qu’on considère avec condescendance ? La recherche du sens et de la stratégie de la mission était déjà la préoccupation de Paul. À sa suite, faisons le point.

1. Entrer dans le plan du Seigneur

L’Évangile que Paul vit et proclame, il ne l’a « ni reçu, ni appris d’un homme, mais par une révélation de Jésus-Christ. » (Gal 1.12) C’est donc à la mission du Seigneur que tout le ministère de Paul se réfère. Celui sur qui notre foi repose et en qui se trouve notre espérance, Jésus, le missionnaire par excellence, a ainsi présenté sa mission : « Le Fils de l’Homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu. » (Luc 19.10) C’est pourquoi il est venu « pour servir et donner sa vie comme la rançon de beaucoup. » (Marc 10.45 ; Mat 20.28)

À la suite de cet accomplissement, le Seigneur nous invite :

  • Jean 20.21 : « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie. » Il veut les siens dans le prolongement de sa mission.

Et il ajoute :

  • Luc 24.48 : « Vous êtes témoins de ces choses » : celles qu’il vient de mentionner et qui avaient été écrites que « le Christ souffrirait, et qu’il ressusciterait […] et que la repentance et le pardon des péchés seraient prêchés en son nom… » (v. 46 et 47)
  • Actes 1.8 : « Vous serez mes témoins » : ceux qui le connaissent et qui font l’expérience de sa présence et de son œuvre.
  • Marc 16.15 : « Allez par tout le monde, et prêchez la bonne nouvelle… »
  • Matthieu 28.19 : « Allez, faites de toutes les nations des disciples… »

Paul a saisi la portée de ce quintuple message, « l’ordre suprême » comme on l’a souvent désigné. Avec Paul, nous désirons nous laisser interpeller.

2. La fidélité au message

Message de grâce et de salut pour un monde perdu, la prédication de l’Évangile – quelle qu’en soit la forme – se doit d’être ancrée dans l’Écriture. Elle a :

2.1 Un contenu:

l’appel à « la repentance envers Dieu et la foi en notre Seigneur Jésus-Christ. » (Act 20.21) C’est plus qu’une simple annonce, une insistance qui fait suite au premier message de Jésus dans son ministère public rapporté en Marc 1.15 : « Repentez-vous, et croyez à la bonne nouvelle. »

2.2 Un objectif:

la présentation d’un salut complet, tel qu’il est présenté par Jésus à Paul déjà lors de son appel (Act 26.18). Ce salut est la délivrance de :

  • la punition du péché: « pour qu’ils reçoivent, par la foi en moi, le pardon des péchés »,
  • la puissance du péché: « pour qu’ils passent […] de la puissance de Satan à Dieu » en faisant l’expérience de la liberté, de la victoire et d’une vie de plénitude en Christ. Ainsi, le converti peut faire l’expérience de :

– la liberté : « Si donc le Fils vous affranchit, vous serez réellement libres » (Jean 8.36 ; Gal 5.1), et en conséquence, « affranchis du péché […] vous avez pour fruit la sainteté » (Rom 6.22),

– la victoire : « Nous sommes plus que vainqueurs par celui qui nous a aimés » (Rom 8.37 ; 1 Cor 15.57) : une victoire réalisée dans le combat auquel chacun est confronté, et qui prend un relief particulier dans les confrontations de puissances auxquelles se réfèrent diverses religions traditionnelles, en particulier l’animisme,

– la vie en abondance (voir Jean 10.10) parce que, dit Paul : « J’ai été crucifié avec Christ ; et si je vis, ce n’est plus moi qui vis, c’est Christ qui vit en moi ; si je vis […], je vis dans la foi […] » (Gal 2.20). Alors « si quelqu’un est en Christ, il est une nouvelle création […] voici, toutes choses sont devenues nouvelles. » (2 Cor 5.17)

  • la présence du péché: une attente qui se réalisera lors du plein « héritage avec les sanctifiés » au ciel.

2.3 Un fondement:

l’œuvre de Christ

  • sa crucifixion: la crucifixion est un message étonnant mais si puissant (1 Cor 1.23-24) que Paul déclarait : « Je n’ai pas eu la pensée de savoir parmi vous autre chose que Jésus-Christ […] crucifié » (1 Cor 2.2) !
  • sa résurrection: la résurrection est la démonstration que Christ a le pouvoir de la vie ; et la victoire de la vie sur la mort. « Si Christ n’est pas ressuscité, votre foi est vaine, vous êtes encore dans vos péchés […] Mais en réalité, Christ est ressuscité, précédant ainsi ceux qui sont morts. » (1 Cor 15.17,20)
  • 3. La stratégie

    3.1. Trois étapes

    Alors qu’il entreprend ses voyages missionnaires, la stratégie de Paul comprend trois étapes vers la croissance et la maturité :

    • Évangéliser

    Évangéliser, c’est présenter la bonne nouvelle, c’est partager le message complet que nous avons considéré ci-dessus pour qu’il y ait des conversions à Christ et des vies transformées : des hommes et des femmes ayant passé par la nouvelle naissance. Pour suivre Paul, il s’agit d’épouser sa vision d’un monde perdu et de son besoin d’un Sauveur : « Je n’ai pas honte de l’Évangile : c’est la puissance de Dieu pour le salut de quiconque croit » (Rom 1.16) et de se laisser saisir par sa passion : « […] la nécessité m’en est imposée et malheur à moi si je n’annonce pas l’Évangile. » (1 Cor 9.16) Il s’agit donc de saisir chaque occasion : « Prêche la parole, insiste en toute occasion, favorable ou non » (2 Tim 4.2), ce qui incite à tirer avantage tant des moyens technologiques que des ouvertures, même inattendues, qui se présentent ou qu’on provoque.

    • Enseigner

    Si nous sommes responsables d’évangéliser (2 Tim 4.5), la mission que le Seigneur nous a confiée ne s’arrête pas là : le Seigneur nous demande de faire des disciples. Un disciple se met à l’écoute de son Maître, il le suit et il désire intégrer et mettre en pratique son enseignement. Ce processus inclut deux axes selon l’ordre du Seigneur (Mat 28.19-20) :

    – le baptême : le baptême est une immersion qui illustre et affirme un échange de vie par notre identification avec Christ dans « sa mort, afin que, comme Christ est ressuscité […] de même nous marchions en nouveauté de vie. » (Rom 6.4)

    l’enseignement : l’enseignement doit veiller à garder tout ce que le Seigneur a commandé : tout le conseil de Dieu (Act 20.27), l’ensemble de sa Parole ! Or « si vous demeurez dans ma parole, vous êtes vraiment mes disciples » dit encore le Seigneur; « vous connaîtrez la vérité et la vérité vous rendra libres. » (Jean 8.31-32)

    L’enseignement est prioritaire pour la croissance et la résistance : « Étant enracinés et fondés en lui (Christ) et affermis par la foi, d’après les instructions […] données » (Col 2.7). C’est pourquoi Paul prend le temps nécessaire pour enseigner et former les jeunes églises. Il passe du temps à Corinthe, un an et demi (Act 18.11), à Éphèse deux ans (19.9-10). Cet enseignement, on ne peut se contenter de l’écouter, il s’agit de le mettre en pratique (Jac 1.22).

    • Rassembler

    Dieu n’a pas voulu les siens solitaires. Il voulait un peuple pour lui, « un royaume de sacrificateurs » (Ex 19.6), des adorateurs (Jean 4.23-24). C’est le Seigneur lui-même qui a réalisé ce projet (Apoc 1.6) : l’Église. L’Église a été et reste au centre de son plan d’amour. L’intégration et la participation de chacun à la manifestation locale de cette Église n’est pas facultative (Héb 10.25 ; 1 Cor 14.26) ; elle est une occasion indispensable au renouvellement et à la croissance de tous (Éph 4.12-13).

    Le caractère déterminant et permanent de l’Église est la présence et la plénitude de Christ (Éph 1.23). Ainsi, expérimenter et exprimer la réalité de l’Église, c’est vivre ensemble la présence de Christ (Mat 18.20). Cela implique une priorité pour l’implantation d’églises, ce qui – comme dans les Actes – peut commencer dans les maisons. On l’a dit : « La mission de l’Église, c’est les missions ; la mission des missions, c’est l’Église. »

    3.2. La clé de la multiplication

    Pour que la stratégie soit opérationnelle, un mouvement de reproduction doit être initié. Paul en donne la clé en 2 Timothée 2.2 (« la clé 222 ! ») ; il s’agit de former des formateurs et des leaders-serviteurs : « des hommes fidèles, qui soient capables de l’enseigner aussi à d’autres ». La chaîne commence par Paul (aujourd’hui ses écrits et l’ensemble de la Parole) ; elle se poursuit par Timothée (aujourd’hui : ceux qui ont des repères dans la Parole : 1 Timothée 3.15) et peuvent l’enseigner ; ensuite ceux qui ont un potentiel pour l’œuvre de Dieu et sont disponibles pour elle ; enfin les destinataires qui, ensuite, pourront eux-mêmes prendre le relais.

    3.3. Le critère d’autonomie

    L’autonomie n’est pas une fin en soi, mais elle est garante de croissance et de multiplication, elle témoigne de la maturité. Paul la voulait dans chaque endroit où il œuvrait.

    Au milieu du 19ème siècle Henry Venn et Rufus Anderson en ont proposé les conditions sous forme de trois « self » (= auto-)

    • « self-supporting » : un soutien autonome, qui permet l’indépendance des hommes et évite influences et pressions qui peuvent être la contrepartie d’une assistance externe ; mais qui exige par ailleurs une gestion rigoureuse, transparente et redevable. Une aide extérieure n’est alors pas une condition à l’action mais un renforcement éventuel.
    • « self-governing » : une propre direction qui implique la responsabilité devant le Seigneur sous la direction du Saint-Esprit et une grande maturité spirituelle liée à une profonde humilité.
    • « self-propagating » : une multiplication spontanée, l’église devient la pépinière indispensable à la reproduction. On dit que la santé d’un arbre est manifeste quand non seulement il produit des fruits mais se reproduit ! (1 Thes 1.8). Vision, enthousiasme, zèle, persévérance, abnégation sont quelques-uns des ingrédients nécessaires pour que cette croissance, spirituelle d’abord, numérique ensuite, se produise.

     

    On a pu y ajouter un quatrième « self » :

    • « self-identifying »: une propre identité en Christ, qui cherche et trouve ses repères dans la Parole, examinant les Écritures (Act 17.11) pour l’appliquer dans un contexte spécifique et hors des influences culturelles et diverses étrangères, que celles-ci soient traditions, liturgies (officielles ou « de fait »), formes ou autres. Il s’agit de mettre en valeur ce qui fait l’essentiel du message et de « la culture » bibliques.

    3.4. Une évolution

    Cette stratégie se manifeste dans une progression de l’œuvre et de l’église naissante dont on a pu distinguer quatre phases qui définissent le rôle et la tâche du missionnaire :

    • phase 1 : rôle de pionnier, centré sur la prédication,
    • phase 2 : rôle de formateur, qui vise la croissance spirituelle de disciples,
    • phase 3 : rôle de partenaire, qui contribue à la formation de la relève (formateurs et leaders-serviteurs),
    • phase 4 : rôle de participant, qui reste simplement disponible sur appel, ce qui contribue à permettre l’indépendance de décision et de responsabilité, prises au plus proche de l’action (principe de « subsidiarité »).

    3.5. L’action sociale

    Paul n’était pas indifférent aux situations que traversaient ses interlocuteurs et il agissait. Des miracles sont accomplis (Act 28.5,8-9 ; 20.10) ; il organise la bienfaisance (1 Cor 16.1-3 ; 2 Cor 8 et 9) ; étonnamment, celle-ci n’est pas en faveur des nouvelles églises mais de l’église mère.

    Aujourd’hui, des actions humanitaires dans les domaines pédagogique, médical, des micro-entreprises, etc., non seulement sont un témoignage à l’Évangile (Jac 2.18b ; Éph 2.10) mais peuvent devenir une occasion d’ouverture pour l’Évangile. Elles ne changent cependant en rien – d’aucuns estimeront que c’est excessif ! – la priorité de la mission : l’Évangile du salut. Celui-ci constitue certainement le plus grand facteur de développement par des vies transformées au service de Dieu et de leurs prochains, dans l’amour (Mat 22.37,39).

    4 Le service

    4.1 Être accompagné et accompagner

    Au début du ministère de Saul, c’est Barnabas qui le présente aux apôtres (Act 9.27), il le cherche pour apporter du renfort dans l’œuvre et l’église à Antioche (11.25) et il l’accompagne tout au long de son premier voyage missionnaire (Act 13 et 14). Il lui apporte l’appui et l’expérience dont il a besoin. Il est un référent. Fort de cette expérience, Paul va s’associer Silas (15.40), Timothée (16.3), Luc (16.10) et d’autres qu’il va encourager et former pour qu’ils entrent dans la stratégie 222.

    4.2 Faire équipe

    Le Seigneur déjà envoyait ses disciples deux à deux (Luc 10.1). S’associer d’autres pour les accompagner et les former, c’est d’abord « faire équipe » ensemble avec le Seigneur ; dans la prière d’abord et à l’écoute de sa Parole. C’est également reconnaître les complémentarités des uns et des autres, les apprécier et les mettre en valeur. Faire équipe, c’est aussi un réel exercice dans les rapports mutuels. Paul en décrit quelques conditions, entre autres, la bonté, l’humilité, la douceur, le support et le pardon mutuels, ainsi que l’amour (Col 3.13-15).

    4.3 Préparer la relève, le relais>

    En formant une nouvelle génération, Paul préparait ceux qui seraient appelés à prendre le relais, à assurer la pérennité de l’œuvre. Cette démarche est prioritaire et elle débute avec l’œuvre.

    4.4 Contextualisation

    Paul pouvait dire : « Je me suis fait tout à tous, afin d’en sauver » (1 Cor 9.22). Les trois étapes – évangéliser, enseigner, rassembler – ainsi que la clé 222 ont une portée universelle. Le message cependant est apporté dans une langue et une forme de communication qui puissent être comprises dans la culture locale et dont le fond aborde les questions existentielles des gens.

    4.5 La concentration urbaine

    Déjà le Seigneur, puis les disciples, et Paul en particulier, ont une stratégie géographique et concentrent leur action sur les villes (Luc 4.43 ; Act 8.40 ; 16.11-12…). Ils cherchent à produire un impact sur les lieux de concentration humaine (lieux publics) et à atteindre des personnes clés.

    Avec l’exode rural et les mouvements de population auxquels nous assistons aujourd’hui – dont les réfugiés – une concentration de l’effort sur les villes (souvent devenues des mégalopoles) paraît un impératif pour que l’Évangile progresse.

    4.6 Les faiseurs de tentes

    Paul ne s’attendait qu’au Seigneur pour répondre à ses propres besoins, ainsi qu’à ceux de son équipe. À côté de son ministère il exerce un métier manuel – faiseur de tentes – par lequel même, il entre en contact avec d’autres (Act 18.1-3 ; 20.34-35). Exercer un métier peut permettre de pénétrer dans certains pays fermés à l’Évangile. C’est aussi un moyen d’apporter l’Évangile sans frais (1 Cor 9.18), une contribution décisive à l’autonomie.

    5 Le serviteur

    5.1. La préparation

    Avant de les « envoyer prêcher », le Seigneur appelle ses disciples « pour les avoir avec lui » (Marc 3.14-15). Le Seigneur veut ses envoyés d’abord dans son intimité, à son écoute, dans le dialogue et dans la découverte de « l’excellence de sa connaissance » (Phil. 3.8,10)

    • la connaissance du Seigneur :

    Ce ne sont pas des critères intellectuels qui sont prioritaires (même s’ils font partie des talents reçus) mais des critères spirituels d’abord. C’est l’intimité avec le Seigneur qui qualifie pour le service. On peut relever, entre autres, deux conditions :

    – la conscience d’une relation vivante avec le Seigneur par le témoignage du Saint-Esprit (1 Jean 3.24),

    – l’absence d’amertume (Héb 12.15) ; car celle-ci produit du trouble.

    • la formation continue :

    Elle est un impératif dans le service de Dieu et nécessite un exercice de piété, c’est-à-dire d’attachement au Seigneur (1 Tim 4.8), qui implique de le faire intervenir en toute circonstance ainsi que de persévérer dans l’écoute de la Parole et une vie de prière personnelle.

    5.2. Consécration radicale

    « Il faut qu’il croisse, et que je diminue » (Jean 3.30), reconnaissait Jean, le précurseur du Seigneur. Paul y fait écho en exhortant « que ceux qui vivent ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui qui est mort et ressuscité pour eux. » (2 Cor 5.15) Vingt siècles plus tard, l’exigence n’a pas changé. Témoin en grec se dit « marturos », ce qui rappelle à quoi être prêt.

    5.3. Maturité et humilité

    Pour un service pratique (Act 6.3), on attendait un bon témoignage ainsi qu’une plénitude de l’Esprit et de sagesse. La maturité reste exigeante aujourd’hui encore. Elle se manifeste sur les plans spirituel, émotionnel, familial, social et professionnel. Et la vraie maturité se manifeste dans l’humilité ; Paul se considérait ainsi : « Je suis le moindre » (1 Cor 15.9).

    5.4. Flexibilité, mobilité

    Les situations évoluent. La flexibilité, la mobilité, telle que Paul et ses équipes la vivaient, permettent de s’adapter et de renouveler un apport dans divers lieux de service.

    5.5. Identification

    Aujourd’hui encore c’est un témoignage de proximité qui convainc – être avec – et pourtant un témoignage qui marque notre différence – notre espérance et nos repères – et pose des questions à l’entourage (1 Pi 3.15). Il s’agit d’y joindre une attitude d’écoute et d’empathie manifestant l’amour de Christ.

    5.4. Audace et risques

    Paul le rappelle, l’esprit qui nous anime « n’est pas un esprit de timidité, […] mais un esprit de force » (2 Tim 1.7), un esprit d’audace même qui l’a porté au travers de son ministère et veut nous animer encore. Paul a fait l’expérience des risques que cela comporte et en énumère quelques-uns : persécutions, dangers (2 Cor 11.23). Il en est ainsi aujourd’hui encore. Abandonné même, Paul pouvait dire : « Le Seigneur qui m’a assisté et qui m’a fortifié […] le Seigneur me délivrera. » (2 Tim 4.17,18)

    Face à un tel défi, d’aucuns diront : « Qui est suffisant pour ces choses ? » (2 Cor 2.16), mais « notre capacité […] vient de Dieu » (3.5). Paul en a été rassuré : « Ma grâce te suffit, car ma puissance s’accomplit dans la faiblesse » (12.9). Ainsi « …attachons-nous à la grâce. Par elle, servons Dieu d’une manière qui lui soit agréable. » (Héb 12.28)

     

    Bibliographie

    – Flemming Kenneth : Stratégie missionnaire, Editions Centres Bibliques, Lausanne, 2005

    – Ben Naja : Mission – le dernier chapitre ? Editions Emmaüs, St-Légier, 2007

    – Nunn Andrew : A Missionary Manifesto, Manizales Columbia, 2001

     

     


    Il paraît que ce n’est pas ce que nous disons (le message) qui a le plus d’impact sur les gens autour de nous, mais la qualité du témoignage qui se dégage de nos bonnes actions. Une célèbre phrase attribuée à François d’Assise le disait ainsi: « Prêche tout le temps l’Évangile et, si nécessaire, utilise des mots. » Qui oserait s’opposer à une telle sagesse ? Il est vrai que bien des gens méprisent l’Évangile parce que les rares chrétiens qu’ils connaissent ont une conduite qui déshonore son message. Cependant, le reproche qu’on entend ces temps-ci vise davantage les chrétiens qui se comporteraient trop en chrétiens. Autrement dit, il vaudrait mieux que ces derniers dissimulent leur identité chrétienne derrière un comportement un peu plus, disons, humaniste. Voilà l’idée en gros, les chrétiens devraient adopter une posture qui soit le moins possible en rupture avec la culture postchrétienne et postmoderne.

    Or, le Nouveau Testament est totalement muet à ce sujet. Que les chrétiens soient reconnus pour leurs bonnes œuvres est indéniable. Mais nulle part on ne trouve dans l’Écriture la moindre trace d’une démarche dont le but serait de redorer l’image de l’Église et celle de Dieu pour un monde qui rejette l’Évangile. Si on adhère à l’idée que l’annonce du message du salut est inefficace sans les bonnes œuvres sociales des chrétiens, on affaiblit la part que Dieu joue dans la révélation de l’œuvre de Christ à la croix. Une fois de plus, le scandale de la croix est subtilement dissimulé derrière le bon vouloir naturel des chrétiens bien intentionnés. Pourtant me direz-vous, Dieu n’utilise-t-il pas son Église pour rejoindre les perdus ? Certes oui, mais pas de cette manière.  Il serait insensé de croire que Dieu est dépendant du témoignage, de la sagesse et du savoir-faire des chrétiens pour assurer le salut de ses élus[1].

    Ayez au milieu des païens une bonne conduite

    Avoir une bonne conduite parmi les inconvertis est tout à fait de Dieu[2] dans la mesure où il s’agit bien d’une transformation authentique et non d’un stratagème calculé.  Par contre, faire des œuvres dont le but consiste à être remarqué des hommes est une attitude que seule la chair peut imaginer. Jésus n’a-t-il pas lui-même prévenu ses disciples des dangers d’un tel piège : « Gardez-vous de pratiquer votre justice devant les hommes, pour en être vus ; autrement, vous n’aurez point de récompense auprès de votre Père qui est dans les cieux. » (Mat 6.1)

    Alors qu’il prévenait les chrétiens de Corinthe, l’apôtre Paul anticipait déjà cette déviation dans l’Église primitive : « Car puisque le monde, avec sa sagesse, n’a point connu Dieu dans la sagesse de Dieu, il a plu à Dieu de sauver les croyants par la folie de la prédication. Les Juifs demandent des miracles et les Grecs cherchent la sagesse : nous, nous prêchons Christ crucifié ; scandale pour les Juifs et folie pour les païens, mais puissance de Dieu et sagesse de Dieu pour ceux qui sont appelés, tant Juifs que Grecs. » (1 Cor 1.21-24)

    Les Juifs comme les Grecs auraient bien voulu que l’Évangile soit adapté à leur réalité culturelle.  Pour les Juifs habitués à l’Ancien Testament, les épisodes miraculeux authentifiaient la vocation des héros bibliques de leur histoire, voilà pourquoi ils réclamaient un Évangile de miracle, plus spectaculaire. Et les Grecs eux, étaient culturellement habitués à ce qu’on enrobe de sagesse tout discours philosophique ou religieux pour le rendre plus présentable. Mais l’apôtre refuse radicalement de souscrire à ce genre de caprice dont l’Évangile n’a pas besoin.  « Nous, nous prêchons Christ crucifié » dit-il et ce même si c’est une folie pour les uns et un scandale pour les autres.

    Bien entendu, Paul nous explique ensuite pourquoi il est inutile d’ajouter à l’Évangile une part d’esthétisme qui le rendrait plus attirant. C’est que l’Évangile est « puissance de Dieu et sagesse de Dieu pour ceux qui sont appelés[3], tant Juifs que Grecs. » Ni miracle ni sagesse ne peuvent sauver un homme car l’Évangile contient en lui-même la puissance et la sagesse nécessaires au salut de quiconque. Dans la parabole du riche et du pauvre Lazare, Jésus nous apprend que, même un miracle aussi spectaculaire que la résurrection d’un homme d’entre les morts, ne saurait convaincre un pécheur de se tourner vers Dieu[4].

    Que faut-il faire alors ?

    À l’heure des médias sociaux où les chrétiens sont bombardés d’informations de toutes sortes, on peut aisément adopter comme chrétiennes des opinions erronées qui contredisent l’Évangile. Comment se positionner sur telle ou telle question morale, politique ou éthique ? Notre monde est de plus en plus complexe et le rejoindre avec l’Évangile l’est tout autant. Comment maintenir un dialogue ouvert avec les hommes de notre génération sans adhérer à leurs valeurs mais sans non plus vivre en marge de ce qu’ils sont ? Faut-il répondre aux caprices culturels de chacun comme les Juifs et les Grecs le voulaient du temps de Paul ? Tous ces questionnements complexes ne manquent pas de préoccuper les pasteurs actuellement.

    Dans un article de la Revue réformée, Paul Wells[5] traduit bien l’ambiguïté dans laquelle se retrouvent les chrétiens occidentaux qui manifestement, aiment deux choses : ils aiment Jésus et ils aiment le monde. Cette tendance est déjà bien implantée dans la pensée de millions de chrétiens aux États-Unis pour qui les valeurs chrétiennes et mondaines se confondent dans un heureux mélange de confusion.

    Wells déclare : « La réussite des évangéliques dans ce pays tient au fait qu’ils ont su s’adapter au monde et aux valeurs de la postmodernité. Le contenu de la foi plus ou moins assurée est noyé dans la cool communication d’un message qui promet le bonheur dans cette vie et sa prolongation dans celle qui est à venir.[6]»

    En réaction à cela…

    Pour se protéger du sécularisme triomphant, une partie des églises évangéliques traditionnelles se replient sur elles-mêmes, adoptant un fondamentalisme revanchard. Réagissant à cette attitude de fermeture, un nouveau mouvement d’églises (émergent) navigue à contre-courant de cette vieille bourgeoisie chrétienne encombrante. Se disant plus près des réelles aspirations de Jésus-Christ envers l’homme, ce courant développe un Évangile de compassion qui pleure avec le monde les grands désespoirs de l’humanité. Plus près des réalités de la misère humaine, ces derniers se font un devoir de restaurer l’image d’une Église jugée trop doctrinaire et trop peu humaine.

    Pour tous ces nouveaux leaders qui rompent avec les traditions archaïques, l’Église d’aujourd’hui doit s’imprégner de la culture de son temps si elle souhaite demeurer pertinente au regard de la société qui ne lui reconnait plus de légitimité sociale. Non seulement cela, mais ce nouveau christianisme considère l’espace de l’expression culturelle comme un lieu qui privilégie la rencontre et l’échange entre les chrétiens et le monde. Les chrétiens devraient cesser d’ignorer la culture artistique postmoderne, car là se trouvent aussi, en ce monde, ceux qui réfléchissent aux mesures à prendre pour le sauver d’une perdition certaine.

    Sauver le monde, le grand rêve des humanistes athées. Mais oui, parce que l’univers des artistes et des créateurs est lui aussi concerné par la bêtise humaine dont il veut affranchir ce monde. Alors, pourquoi ne pas se joindre à sa quête d’un avenir meilleur pour la planète ? Construisons une version chrétienne de la résistance écologique et comme les humanistes athées, militons pour plus de justice en réduisant les inégalités de toutes sortes. Puisque les incroyants ne veulent pas être des nôtres, à nous donc d’être un peu plus des leurs se disent certains, peut-être les rejoindrons-nous plus efficacement avec l’Évangile de cette manière.

    Trouver l’Évangile dans les bonnes actions du monde

    Puisque l’Église n’arrive plus à rejoindre le monde avec le message de l’Évangile, elle devrait essayer de trouver des traces de l’Évangile dans les projets des hommes. Si donc des organismes humanitaires prennent soin des pauvres, ce geste de générosité revêt en lui-même une part du message de Jésus qui nourrissait aussi les pauvres. Vous voyez l’idée ? Tout ce que ce monde fait de bien et qui s’apparente aux valeurs du Nouveau Testament peut donc être vu comme l’incarnation des valeurs de l’Évangile. Comme si le monde dans son bon sens naturel était finalement plus chrétien qu’il n’ose le croire. Et pourquoi les chrétiens ne manifesteraient-ils pas un peu plus d’ouverture envers les philosophies et les religions dites païennes, même si, pour y arriver, il leur faudrait se défaire de quelques petits carcans scripturaires dérangeants ?

    Paul Wells ajoute encore : « Dans cette perspective, la doctrine chrétienne n’a que peu d’intérêt ou de place. Le christianisme est en train de perdre son fondement objectif et prend place, comme une autre, parmi les nombreuses formes de spiritualité présentées à nos contemporains. Le choisir plutôt que la sagesse du dalaï-lama, par exemple, relève tout simplement de la préférence individuelle. »

    « Si nécessaire, utilise des mots »

    J’aime bien l’adage de François d’Assise, mais je crains que le christianisme actuel ne le récupère à son compte que pour justifier son éloignement volontaire de l’Écriture. L’Écriture nous dit comment Dieu, alors que l’humanisme nous dit comment l’homme… Oui, car une des idées populaires chez les jeunes évangéliques consiste à se fabriquer un personnage chrétien conforme à une stratégie de mise sur le marché dont la mission est d’infiltrer le monde au nom de l’Évangile en taisant le plus possible ce qui fait la force de son message. Ici, Jésus est caché quelque part dans le comportement généreux et gentil du personnage chrétien qui s’efforce de se faire remarquer par sa bonté personnelle.

    Les évangéliques ont souvent accusé les catholiques d’avoir caché Jésus derrière des statues et des rituels sans nombre. Mais réalisent-ils qu’ils sont en train de cacher à leur tour Jésus derrière le comportement stéréotypé du bon chrétien ? Comme, par exemple, en dire le moins possible sur nos vraies convictions, ne jamais parler des sujets controversés, éviter d’avoir l’air trop différent et finalement adopter une attitude « cool » en se comportant le plus normalement possible ? Réalisent-ils que cette démarche n’est rien de plus qu’une nouvelle déviation par lequel on replace l’homme et ses réalisations au centre du message, quelque part entre Dieu et le peuple ?

    Il nous faut prendre conscience que ce chemin mène directement à la fin de l’Église telle que nous la connaissons. Dans le même article, Paul Wells nous rappelle avec justesse que : « Quand l’Écriture est considérée comme une autorité parmi d’autres, son statut se trouve relativisé, et celui de la foi, de la grâce et du service de Dieu le sont également. Le protestantisme perd alors le fondement de sa spécificité religieuse ainsi que sa vitalité spirituelle, même s’il vivote comme phénomène socioculturel. » Plus loin il ajoute : « L’identité de la foi évangélique et, par implication, du protestantisme dépendra des capacités dont on fera preuve, face à cette situation, pour réagir et pour maintenir avec lucidité ses distances par rapport à l’esprit du siècle, et cela dans tous les domaines de la vie individuelle et collective. »

    Conclusion

    Souvenons-nous cependant que l’Église est bien plus qu’une institution humaine et que rien ne saurait mettre fin à sa présence sur terre sinon le Seigneur souverain lui-même.  « Et moi, je te dis que tu es Pierre, et que sur cette pierre je bâtirai mon Église, et que les portes du séjour des morts ne prévaudront point contre elle. » (Mat 16.18)

     

    [1] Voir Éph 1.4-6

    [2] 1 Pi 2.12 « Ayez au milieu des païens une bonne conduite, afin que, là même où ils vous calomnient comme si vous étiez des malfaiteurs, ils remarquent vos bonnes œuvres, et glorifient Dieu, au jour où il les visitera. »

    [3] Le terme grec kletos utilisé ici signifie « invités ».

    [4] « Et Abraham lui dit : S’ils n’écoutent pas Moïse et les prophètes, ils ne se laisseront pas persuader quand même quelqu’un des morts ressusciterait. » Luc 16.31

    [5] Paul Wells est professeur de théologie systématique à la Faculté libre de théologie réformée d’Aix-en-Provence et éditeur de la revue.

    [6] http://larevuereformee.net/articlerr/n239/le-role-de-l’ecriture-dans-l’identite-protestante-i-relativisme-et-biblicisme

     


    Frederic Walraven a été missionnaire au Cameroun pendant de nombreuses années. Il vit actuellement aux Pays-Bas, son pays d’origine, où il continue à servir le Seigneur comme ancien dans son église locale et dans un ministère d’enseignement en Europe. Il est marié et père de trois enfants adultes.

    1. La mission dans l’Ancien Testament

    Le terme « mission » désigne le service que Dieu confie à son peuple en l’envoyant dans le monde. Notre Dieu est un Dieu missionnaire. Au travers du peuple d’Israël, Dieu voulait exécuter son plan de rédemption. Il voulait que toutes les nations le servent : « Il dit : C’est peu que tu sois mon serviteur pour relever les tribus de Jacob et pour ramener les restes d’Israël, je t’établis pour être la lumière des nations, pour porter mon salut jusqu’aux extrémités de la terre. » (És 49.6)[1]

    Dieu envoya d’abord Abraham, lui ordonnant de quitter son pays et sa famille pour aller vers l’inconnu, avec la promesse de le bénir et de bénir le monde au travers de son obéissance (Gen 12.1-3). Puis il envoya Joseph en Égypte, allant jusqu’à utiliser la méchanceté de ses frères pour préserver un reste qui lui appartienne sur la terre pendant la famine (Gen 45.7-8). Il envoya ensuite Moïse vers son peuple opprimé en Égypte, lui confiant la bonne nouvelle de la liberté.

    Après l’Exode et l’établissement des Israélites dans leur nouveau pays, Dieu envoya des prophètes, les uns après les autres, chargés de transmettre à son peuple ses avertissements et ses promesses : « Depuis le jour où vos pères sont sortis du pays d’Égypte, jusqu’à ce jour, je vous ai envoyé tous mes serviteurs, les prophètes, je les ai envoyés chaque jour, dès le matin. Mais ils ne m’ont point écouté. » (Jér 7.25-26)

    Après leur captivité à Babylone, Dieu ramena avec bienveillance les Israélites dans leur pays, en envoyant encore avec eux des messagers afin de les aider à rebâtir le temple et la ville, et à reconstruire leur vie nationale. Finalement, « lorsque les temps ont été accomplis, Dieu a envoyé son Fils, né d’une femme, né sous la loi, afin qu’il rachète ceux qui étaient sous la loi » (Gal 4.4-5). En dernier lieu, le Père et le Fils envoyèrent le Saint-Esprit au jour de la Pentecôte.

    Tous ces éléments constituent le fondement biblique indispensable à toute compréhension de la mission. La mission est d’abord celle de Dieu ; c’est en effet lui qui envoie ses prophètes, son Fils et son Esprit.

    2.La mission à l’image de Christ

    La mission du Fils est la mission centrale, car elle est l’aboutissement du ministère prophétique, et elle englobe l’envoi de l’Esprit qui en est le point culminant. Dès lors, le Fils envoie des hommes, comme il a lui-même été envoyé. Pendant son ministère public déjà, il envoya en mission les douze apôtres, puis les soixante-dix disciples ; c’était une sorte d’extension de son propre ministère de prédication, d’enseignement et de guérison. Après sa mort et sa résurrection, il étendit la portée de la mission pour y inclure tous ceux qui l’appellent Seigneur et se disent ses disciples : « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie. » (Jean 20.21)

    2.1  L’incarnation de Christ : le modèle de la mission

    Le Fils de l’homme fut envoyé dans le monde. Il est réellement devenu l’un de nous. Il a fait l’expérience de notre fragilité, de nos souffrances et de nos tentations. Il est venu et s’est donné lui-même en service désintéressé pour les autres, et son service prit une grande variété de formes selon les besoins des hommes. Il a servi en action autant qu’en paroles. Aujourd’hui, Christ nous envoie, comme le Père l’a envoyé. C’est pourquoi notre mission, comme la sienne est une mission de service : « Ayez en vous les sentiments qui étaient en Jésus-Christ : existant en forme de Dieu, il n’a point regardé son égalité avec Dieu comme une proie à arracher, mais il s’est dépouillé lui-même, en prenant une forme de serviteur, en devenant semblable aux hommes ; et il a paru comme un vrai homme. »  (Phil 2.5-7) Toute mission véritable est une mission d’incarnation. Elle exige une identification sans perte d’identité. Cela veut dire entrer dans le monde des gens, comme le Christ est entré dans le nôtre, sans pour autant que nous renoncions à nos convictions chrétiennes, à nos valeurs et à nos principes.

    Il nous est plus naturel de crier l’Évangile aux gens à distance que de nous impliquer nous-mêmes profondément dans leurs vies, de nous plonger dans leur culture et leurs problèmes et de souffrir avec eux dans leurs peines. C’est ainsi que l’exprime l’apôtre Paul : « Car, bien que je sois libre à l’égard de tous, je me suis rendu le serviteur de tous, afin de gagner le plus grand nombre. Avec les Juifs, j’ai été comme Juif, afin de gagner les Juifs ; avec ceux qui sont sous la loi, comme sous la loi (quoique je ne sois pas moi-même sous la loi), afin de gagner ceux qui sont sous la loi; avec ceux qui sont sans loi, comme sans loi (quoique je ne sois point sans la loi de Dieu, étant sous la loi de Christ), afin de gagner ceux qui sont sans loi. J’ai été faible avec les faibles, afin de gagner les faibles. Je me suis fait tout à tous, afin d’en sauver de toute manière quelques-uns. » (1 Cor 9.19-22)

    2.2 La croix de Christ : le prix de la mission

    De nos jours, l’un des aspects les plus négligés de la mission au sens biblique est la place indispensable que la souffrance, voire la mort, y occupe. Pourtant, l’Écriture l’enseigne clairement. Il nous est présenté dans le serviteur souffrant d’Ésaïe (És 53.3). Jésus lui-même a enseigné ce principe, l’a mis en pratique dans sa vie et l’a imposé à ses disciples : « En vérité, en vérité, je vous le dis, si le grain de blé qui est tombé en terre ne meurt, il reste seul; mais, s’il meurt, il porte beaucoup de fruit. Celui qui aime sa vie la perdra, et celui qui hait sa vie dans ce monde la conservera pour la vie éternelle. » (Jean 12.24-25)[2] L’apôtre Paul s’est appliqué ce principe : « Aussi je vous demande de ne pas perdre courage à cause des afflictions que j’endure pour vous : elles sont votre gloire. » (Éph 3.13)[3]

    Tôt ou tard, la mission aboutit à la passion. Dans la conception biblique, le serviteur doit souffrir ; c’est ce qui rend la mission efficace. Toute forme de mission conduit à la croix. Ce n’est pas un hasard si, en grec, « témoin » se dit « martyr ». On dit que l’Église a été construite sur le sang des missionnaires. L’histoire de l’Église est remplie de récits de persécutions. Les souffrances sont parfois physiques ; à d’autres moments, les souffrances endurées ont été davantage morales que physiques.

    La fille du général Booth (fondateur de l’Armée du Salut) écrivit de sa prison : « Jésus a été crucifié […] Depuis ce jour, les hommes ont toujours cherché une voie plus facile, mais les voies les plus faciles ne mènent nulle part. Si vous voulez gagner des milliers d’hommes et de femmes qui sont sans Dieu, soyez prêt à être crucifié, vous et vos projets, vos idées, vos préférences et vos désirs. Vous dites que les choses ont changé et que nous vivons sous un régime de liberté. Vraiment ? Sortez et vivez comme le Christ a vécu, parlez comme il a parlé, enseignez ce qu’il a enseigné, dénoncez le péché partout où vous le constatez, et vous verrez si l’ennemi ne s’élancera pas contre vous avec toute la furie de l’enfer ! »

    Il existe également une souffrance sociale. Le missionnaire est essentiellement un martyr social, coupé de ses racines, de sa famille, de son sang, de son pays, de son arrière-plan, de sa culture… Il doit se dévêtir volontairement de sa culture pour devenir l’instrument nu de l’Évangile pour les cultures du monde.

    L’Évangile d’un Christ crucifié demeure une folie pour le monde. Sommes-nous prêts à supporter la souffrance, prêts à mourir au confort et au succès, à notre sentiment inné de supériorité personnelle et culturelle, à notre ambition de richesse, de gloire et de puissance ? Seule la graine qui meurt se multiplie. Sommes-nous prêts à suivre le Seigneur à n’importe quel prix ?

    En 1850, David Livingstone, l’intrépide pionnier missionnaire en Afrique, écrivit : « Je n’ai jamais fait un sacrifice […] Que jamais nous ne considérions l’obéissance à l’ordre du Roi des rois comme un sacrifice, alors que les hommes du monde considèrent l’obéissance aux ordres de leurs gouvernements comme un honneur […] Je suis missionnaire au plus profond de mon cœur et de mon âme. Dieu n’avait qu’un Fils unique, et il fut missionnaire et médecin. Je ne suis qu’un bien pâle reflet de ce qu’il fut. […] C’est à cette tâche que je veux consacrer ma vie ; c’est en l’accomplissant que je souhaite mourir. »

    2.3 La résurrection de Christ : le mandat de la mission

    Il est de la plus haute importance de se rappeler que la résurrection a précédé l’ordre missionnaire. C’est le Seigneur ressuscité qui a ordonné aux siens d’aller et de faire des disciples de toutes les nations : « Allez par tout le monde, et prêchez la bonne nouvelle à toute la création. » (Marc 16.15) « Que la repentance et le pardon des péchés seraient prêchés en son nom à toutes les nations, à commencer par Jérusalem. Vous êtes témoins de ces choses. » (Luc 24.47-48) « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie […] Recevez le Saint-Esprit. » (Jean 20.21-22) « Vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée, dans la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre. » (Act 1.8) Il ne pouvait pas leur confier cette mission plus tôt, avant d’être ressuscité d’entre les morts et d’être investi de l’autorité suprême : « Tout pouvoir m’a été donné dans le ciel et sur la terre. Allez, faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et enseignez-leur à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde. » (Mat 28.19-20)

    La mission est l’annonce de la Seigneurie de Christ. La résurrection est la clé des deux mouvements:

    – C’est le Seigneur ressuscité qui nous envoie dans le monde (effet centrifuge).
    – C’est encore lui qui rassemble les gens dans son Église (effet centripète).

    2.4 La glorification de Christ : le zèle de la mission

    Il ne suffit pas que nous sachions ce que nous devons faire, mais également pourquoi le faire. Lorsque notre motivation est mal fondée, nous perdons rapidement courage. La glorification de Jésus-Christ à la droite du Père, autrement dit à la position d’honneur suprême, constitue la plus forte des incitations missionnaires : « le faisant asseoir à sa droite dans les lieux célestes, au-dessus de toute domination, de toute autorité, de toute puissance, de toute dignité, et de tout nom qui peut être nommé, non seulement dans le siècle présent, mais encore dans le siècle à venir. Il a tout mis sous ses pieds. » (Éph 1.20-22)[4]

    Sans aucune gêne ni honte, nous devons dire que les chrétiens devraient proclamer la supériorité de Christ. Dieu veut que tout homme, sans exception, s’incline devant son Fils. Si Dieu a conféré cet honneur suprême à Jésus, et s’il désire que tout être lui rende hommage, le peuple de Dieu devrait partager le même désir. L’Écriture appelle cette attitude « zèle » ou « jalousie » : « Car je suis jaloux de vous d’une jalousie de Dieu, parce que je vous ai fiancés à un seul époux, pour vous présenter à Christ comme une vierge pure. » (2 Cor 11.2) « J’ai déployé mon zèle pour l’Éternel, le Dieu des armées. » (1 Rois 19.10)

    Qu’est-ce qui motive à la mission ? C’est la recherche de la gloire de Dieu et l’honneur dû à son nom : « Si vous portez beaucoup de fruit, c’est ainsi que mon Père sera glorifié, et que vous serez mes disciples. » (Jean 15.8)[5]

    2.5 Le don de l’Esprit par Christ : la puissance nécessaire pour la mission

    Pendant son ministère public, Jésus avait attiré l’attention sur la nature et le dessein missionnaire du Saint-Esprit : « Celui qui croit en moi, des fleuves d’eau vive couleront de son sein, comme dit l’Écriture. Il dit cela de l’Esprit que devaient recevoir ceux qui croiraient en lui. » (Jean 7.38-39) Personne ne peut être habité par le Saint-Esprit et le conserver pour lui tout seul. Là où est l’Esprit, il coule ; s’il ne coule pas, c’est qu’il n’est pas là.

    Les Écritures déclarent que Dieu est lui-même le plus grand évangéliste. Car l’Esprit de Dieu est l’Esprit de vérité, d’amour, de sainteté et de puissance ; l’évangélisation est impossible sans le Saint-Esprit. C’est lui qui oint les messagers, confirme leur parole, prépare l’auditeur, convainc le pécheur, éclaire l’aveugle, suscite la repentance et la foi, donne la vie au mort spirituel, ajoute au corps du Christ, communique l’assurance de l’adoption, modèle l’être humain à la ressemblance du Christ et le pousse à accomplir le même service, et l’envoie à son tour pour être témoin de Christ. Dans tout cela, le but essentiel du Saint-Esprit est de glorifier Jésus-Christ en nous le révélant et en le faisant grandir en nous.

    2.6 Le retour de Christ : l’urgence de la mission

    Sur le mont des Oliviers, les yeux tournés vers le ciel, les disciples avaient reçu l’ordre d’aller jusqu’aux extrémités de la terre. Il leur fut promis que ce Jésus qui venait juste de partir, reviendrait en son temps (Act 1.8-12). Après l’ascension, les anges ont donné à peu près ce message aux disciples : « Vous l’avez vu partir. Vous le verrez revenir. Mais entre son départ et son retour, vous devrez compter sur quelqu’un d’autre. L’Esprit doit venir, et vous, vous devrez aller dans le monde pour le gagner au Christ ».

    Jésus a dit que la fin ne viendrait pas avant que la Bonne Nouvelle du Royaume ne soit prêchée à toutes les nations : « Cette bonne nouvelle du royaume sera prêchée dans le monde entier, pour servir de témoignage à toutes les nations. Alors viendra la fin. » (Mat 24.14)[6]

    Nous avons besoin de retrouver la ferveur qui caractérisait l’attente eschatologique des premiers chrétiens, et en même temps le sens de l’urgence qu’elle leur communiquait : « Connaissant donc la crainte du Seigneur, nous cherchons à convaincre les hommes; […] Car l’amour de Christ nous presse, […] nous vous en supplions au nom de Christ : Soyez réconciliés avec Dieu ! » (2 Cor 5.11, 14, 20)[7]

    [1] Voir aussi Ps 2.8, Ps 71.11, És 2.2

    [2] Voir aussi Mat 16.24

    [3] Voir aussi 2 Tim 2.10, 2 Cor 4.12

    [4] Voir aussi Phil 2.9-10

    [5] Voir aussi 1 Pi 4.11

    [6] Voir aussi Marc 13.10

    [7] Voir aussi 2 Tim 4.1-2, 2 Pi 3.9-12


    A lors que depuis quelques mois des dizaines de milliers de réfugiés, issus de pays musulmans, tentent au péril de leur vie de venir en Europe, arrêtons-nous un instant pour réfléchir à la réalité de notre mission.
    Jésus avait donné cet ordre aux disciples : « Allez, faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et enseignez-leur à observer tout ce que je vous ai prescrit. » (Matt 28.19-20a)
    Quelques jours plus tard, à la Pentecôte, des Juifs et des prosélytes de diverses nations se sont retrouvés à Jérusalem pour célébrer la fête des moissons. C’est ce jour que le Seigneur a choisi pour envoyer son Esprit comme il l’avait promis (Jean 14.15-17). Ce même jour, Pierre, dans son discours, les encouragea à se repentir et à se faire baptiser. Le nombre des disciples augmenta en ce jour d’environ 3 000 personnes.
    Aujourd’hui la mission s’est, pour ainsi dire, professionnalisée, mais qu’en dit la Bible ? Sommes-nous encore des ambassadeurs du Christ, avec une mission, témoignant du Christ aux perdus, là où nous sommes ? Alors que nous avons perdu du zèle à cette tâche et n’osons plus nous engager au péril de notre vie, des peuples nous arrivent en masse. Sommes-nous dès lors prêts à relever le défi que le Seigneur nous propose : nous envoyer dans sa moisson ? Les églises sont-elles prêtes à répondre à l’appel de cette mission ? Rappelons cette phrase attribuée à James Hudson Taylor : « Dieu ne regarde pas à des personnes ayant une grande foi, mais à des individus prêts à le suivre.