PROMESSES

Les chapitres 8 et 9 de la seconde épître de Paul aux Corinthiens forment clairement un tout. Ils concernent principalement la promesse des chrétiens de Corinthe d’effectuer une collecte en faveur des saints de Jérusalem.

Il y avait beaucoup de pauvres dans cette église de la Judée et Paul s’était fait un devoir de leur apporter son aide, particulièrement au moyen de collectes organisées dans des églises locales qui se trouvaient sur son champ missionnaire (Gal 2.10 ; Rom 15.25-28).
Plusieurs croyants à Corinthe s’étaient déjà engagés verbalement à y participer. Paul profite alors de cette occasion pour enseigner une vérité fondamentale en lien avec le caractère et la conduite des chrétiens : ils doivent être des gens de parole, c’est-à-dire qu’ils doivent agir de manière conséquente à ce qu’ils disent ou promettent. Il est donc question d’intégrité et de fiabilité. Ce sont ces qualités que Paul espérait trouver chez les Corinthiens.

L’exemple des chrétiens de la Macédoine

La Grèce, à cette époque, était divisée en deux grandes provinces romaines : la Macédoine au nord, et l’Achaïe au sud. Dieu, dans sa grâce, avait déjà touché le cœur des croyants de la Macédoine et les avait incités à contribuer aux besoins des pauvres de la Judée. Mais ce qui est remarquable avec les chrétiens de Philippes, Thessalonique et Bérée (les églises locales de la Macédoine), c’est qu’ils avaient décidé de participer à cette offrande malgré le fait qu’ils vivaient eux-mêmes des temps très difficiles d’épreuves et de persécutions (8.1-5).
Une seule chose peut expliquer une telle attitude : c’est parce que ces chrétiens « se sont d’abord donnés eux-mêmes au Seigneur » avant de se donner aux autres (8.5). Autrement dit, d’une manière probablement autant individuelle que collective, ils se sont placés devant le Seigneur dans la prière et ils ont compris ce que Christ attendait d’eux.
C’est d’ailleurs pour cela qu’ils considéraient leur participation à cette œuvre comme une « grâce » du Seigneur (8.4)

Passer de la parole aux actes

Maintenant, il semble bien que les chrétiens de l’Achaïe, c’est-à-dire les frères et sœurs de Corinthe, avaient fait savoir qu’ils désiraient, eux aussi, prendre part à ce service et que c’est Tite qui avait été mandaté pour l’organisation et la gestion de la collecte (8.6).
Aussi, afin de les encourager et de leur donner un modèle d’offrande par  excellence, Paul a rappelé aux Corinthiens de quelle manière le Seigneur Jésus lui-même s’était fait pauvre, de riche qu’il était, afin que par sa pauvreté les Corinthiens soient enrichis (8.9).
Puis vient l’exhortation principale, qui est probablement le cœur des chapitres 8 et 9 : « Achevez donc maintenant d’agir, afin que l’accomplissement selon vos moyens réponde à l’empressement que vous avez mis à vouloir. La bonne volonté, quand elle existe, est agréable en raison de ce qu’elle peut avoir à sa disposition, et non de ce qu’elle n’a pas » (8.11,12).
Ces versets nous disent qu’il faut être des gens de parole. Nous pouvons avoir l’air d’être bien gentils, bien généreux et bien serviables lorsque nous disons que nous allons faire quelque chose, mais faisons-le !
Sinon c’est le contraire qui va se produire, et nous serons connus comme des gens qui n’ont pas de parole, qui n’ont pas d’honneur. Réfléchissons bien à ceci : les gens peuvent-ils compter sur nous ?
Au chapitre 9, nous voyons à quel point Paul était préoccupé par cette nécessité que les chrétiens soient des gens de parole.
Paul jugeait qu’il n’était pas nécessaire de revenir sur le besoin lui-même des pauvres de Jérusalem et de l’expliquer à nouveau parce que les Corinthiens étaient déjà bien au fait de la situation et ils avaient déjà manifesté leur intention de participer à la collecte (9.1). C’est la « bonne volonté » dont il parle au verset suivant et dont il était si fier, au point même de dire aux chrétiens de la Macédoine : « Hé ! Vous savez quoi ? Les chrétiens du sud veulent aussi participer ! Ils en parlent même depuis l’année dernière ! »

Les paroles en l’air font perdre la face

À la fin du verset 2 du chapitre 9, Paul va même souligner que le zèle des Corinthiens a été un moteur pour motiver un très grand nombre de croyants à faire de même. Pouvez-vous vous imaginer ce qui va arriver si les Corinthiens ne tiennent pas parole ? La motivation des autres pourrait en être grandement affectée et, finalement, ce sont les pauvres de Jérusalem qui en subiraient toutes les conséquences.
Car lorsqu’une personne n’honore pas sa parole, des gens sont lésés.
Les Corinthiens ne seraient pas les seuls à perdre la face, mais ils la feraient perdre aussi à d’autres.
C’est précisément ce que Paul redoute, comme nous pouvons le voir dans les trois versets suivants (9.3-5).
Pour s’assurer que les Corinthiens n’allaient pas mettre Paul et tous les autres dans l’embarras, il leur envoie Tite et deux autres frères anonymes (8.18,22-24) en éclaireurs. Si jamais les Corinthiens ne tiennent pas parole, il vaut mieux que ce soit devant ces trois ouvriers habitués à en voir de toutes les couleurs, que devant des frères et sœurs de Macédoine qui pourraient être découragés par la situation. Quand Paul parle de « confusion », il parle de honte, voire même d’humiliation. Celui qui ne tient pas parole a toutes les raisons d’être rouge de honte, mais il met aussi les autres dans l’embarras. Paul a donc raison d’évaluer cette situation comme étant potentiellement néfaste pour bien des gens et c’est ce qui le pousse à prendre des précautions. Il exhorte alors Tite et ses deux compagnons d’œuvre à se rendre à Corinthe afin de vérifier l’état de la situation.

Tenir parole pour les bonnes raisons

Remarquez bien ce qui est dit en lien avec la participation des Corinthiens à l’offrande destinée aux saints de Jérusalem, en (9.5) : les Corinthiens avaient déjà promis une libéralité, c’est-à-dire qu’ils avaient non seulement promis de participer, mais aussi d’être très généreux. C’est ce qu’on appelle créer des attentes chez les gens.
Non seulement Paul espère qu’ils seront effectivement généreux, mais aussi qu’ils le feront pour les bonnes raisons. Permettez-moi de paraphraser ce que Paul veut probablement suggérer aux Corinthiens : « Vous avez dit d’avance que vous alliez donner généreusement ; eh bien, j’espère que vous donnerez généreusement et pas à contre-cœur, dans l’espoir de recevoir quelque chose en retour. »
C’est le sens du mot « avarice » à la fin du verset 5. Il parle de « cupidité ».

Ainsi, non seulement Paul craint que les Corinthiens ne tiennent pas parole, mais il craint aussi que, même s’ils tiennent parole, ils ne le fassent pas pour les bonnes raisons. Certaines personnes, quand elles se sentent prises au piège par leurs propres paroles, vont finir par agir, mais souvent pour de mauvaises raisons, et cela va clairement paraître dans leur attitude.

Tenir parole pour la gloire de Dieu

Celui qui tient parole, qui fait simplement ce qu’il a dit, pour de bonnes raisons, va bien vite prendre conscience que Dieu prend soin de lui, quelle que soit sa situation. C’est ce que Paul va souligner ensuite en (9.6-10). Ces versets sont la promesse que celui qui tiendra parole en verra tôt ou tard du fruit, et le fruit en particulier dont Paul parle en (9.11-15), c’est la reconnaissance à Dieu. Quand les croyants tiennent parole dans ce qu’ils promettent aux autres, Dieu en récolte les remerciements, la louange et la gloire.
Il y a beaucoup de gens dans le monde qui ne connaissent pas le Seigneur et qui sont pourtant intègres et fiables. Raison de plus pour que ce soit le cas de tous ceux qui ont connu le don si merveilleux de Dieu, incarné dans la personne de notre Seigneur Jésus Christ. C’est lui notre parfait modèle d’intégrité et de fiabilité. Tout ce que Jésus a dit et a promis, il l’a fait. Alors, si vous dites que vous appartenez à Jésus, vous ne pouvez pas ne pas tenir parole. Que le Seigneur nous aide à être des gens de parole, intègres et fiables.


Dans les chapitres précédents, nous voyons Paul mentionner toutes sortes de souffrances, pourquoi et comment il faut continuer à s’accrocher à Dieu malgré cette souffrance. Dans le chapitre 7, nous voyons Paul parler de son amour envers les Corinthiens mais également leur demander de persévérer dans leur amour pour lui. Les Corinthiens étaient certainement des gens difficiles à aimer ; pourtant, Paul s’accroche à la relation et se rend vulnérable.

Ce passage fascinant est pertinent pour nos vies car qui d’entre nous n’a pas rencontré des frères et des sœurs que nous trouvons plus difficiles à aimer ? Devant Dieu, nous sommes tous égaux, pourtant, tous nos proches ne sont pas également faciles à aimer, c’est une question de personnalité et de sensibilité interpersonnelle.

1. Vous rendez-vous vulnérables pour Dieu ? (v. 2-3)

Paul persévère dans une relation avec l’église de Corinthe où il éprouve davantage de déceptions que de satisfactions. Il se rend vulnérable. Paul plaide pour que les Corinthiens lui donnent accès à leur cœur. Paul ne veut pas seulement une relation distante d’apôtre à chrétiens où il leur dit ce qu’ils doivent faire. Il veut une relation plus intime. Dieu veut que nous ayons dans le cadre de l’église locale des relations profondes ! Est-ce que nous cherchons à les cultiver ?
Pourtant Paul a payé le prix de cette relation avec les Corinthiens. La Bible ne nous enseigne pas d’être ami proche de tout le monde. Cependant, nos amitiés intimes ne doivent pas être limitées aux relations où il n’y a pas de péché, pas d’injustice ni de souffrance.

2. La consolation de l’amitié dans le Seigneur (v. 4-7)

La Bible nous enseigne que la joie peut côtoyer la souffrance. À quoi Paul fait-il allusion lorsqu’il mentionne la lutte au-dehors et les craintes au-dedans ? Paul a vécu bien des périls (4.8-9 ; 11.23-28).
Les luttes au-dehors font allusion à des combats (coups, emprisonnement, périls, etc) vécus en dehors de la sphère de l’Église. Les craintes au-dedans sont les luttes vécues à l’intérieur de l’Église ou pour l’Église.
De quelle consolation Paul parle-t-il ? La consolation, c’est avoir la paix au moyen d’encouragements ou d’exhortations. C’est le même mot en grec que « exhorter ». Le ministère de la Parole de Dieu nous permet de fonctionner à nouveau lorsque nous sommes abattus ou arrêtés. La venue de Tite a été un grand encouragement, une consolation pour Paul.
Lorsque nous sommes blessés, ne lâchons pas et laissons la Parole de Dieu accomplir son ministère.
Consolons et laissons-nous consoler ! Cela ne veut pas dire que certains n’auront pas de longues saisons de souffrance. Cependant, il faut lutter pour se relever tant bien que mal. Dieu ne nous appelle pas à abandonner la lutte contre le découragement.

3. Êtes-vous tristes à tort ou à raison ? (v. 8-12)

Paul se réjouit de la tristesse des Corinthiens. Il est heureux qu’ils aient éprouvé de la tristesse quant à leur péché. Dieu ne nous appelle pas à nous sentir coupables lorsque nous péchons, mais à nous sentir tristes. Être triste, c’est ressentir une douleur à tort ou à raison. La tristesse peut donc être très bonne car, quand on pèche, il y a un dommage. Nous ne sommes pas en train de refléter le Seigneur et nous affligeons les personnes contre lesquelles nous avons péché.
La repentance, c’est utiliser cette tristesse selon Dieu pour se détourner de notre péché et nous tourner vers Dieu. La tristesse due au péché est bonne. Il ne faut pas avoir peur de le dire ! Cela va à l’encontre de la culture actuelle. Par contre, dans le Nouveau Testament la culpabilité n’est jamais mentionnée pour le croyant.
Car Jésus a pris cette culpabilité sur lui.
Il faut être prudent car il y a deux extrêmes. L’un des extrêmes, c’est ne jamais être touché par la tristesse que nous avons causée aux autres. L’autre étant de toujours demander pardon quand d’autres ont été blessés par nous. Parfois, bien agir peut blesser. Ce n’est pas l’émotion de l’autre qui nous dit si nous avons péché ou non mais la Bible. Nous ne demandons pas pardon parce que la personne blessée est triste, mais parce que nous avons péché. Nous devons aussi être sensibles à la souffrance de l’autre. Gardons un sage équilibre.

4. Vivez-vous des relations authentiques ? (v. 12-16)

Voyez-vous comment la relation de Paul avec les Corinthiens est devenue profonde et authentique ? Il est en paix, se réjouit et éprouve une saine fierté (de la gloire).
Je rencontre beaucoup de couples dans mon ministère de counseling biblique. Je suis frappé de voir comment ils deviennent beaucoup plus proches et intimes après des drames dans leur mariage. Si vous vivez des drames, ce n’est pas la fin de l’histoire ! Mais peut-être une occasion d’approfondir la relation !
Une relation authentique supporte qu’on se dise la vérité. Comment est-ce que je réagis lorsque d’autres m’exhortent ou me reprennent ? Dieu veut des relations authentiques dans l’Église. Recevons humblement les remarques et apportons-les en prière devant Dieu.
Nous ne serons peut-être pas d’accord avec tout ce qui nous a été dit, mais laissons notre cœur être enseigné.
À l’inverse, si je n’ose pas dire la vérité ou si je suis susceptible, je me condamne à avoir des relations plus superficielles. Ayez de la grâce et dites la vérité à vos frères et sœurs. Soyons prêts à exhorter et à écouter l’exhortation. L’Évangile nous enseigne que ce n’est plus une menace d’avouer ses torts.

5. Conclusion

Ce chapitre 7 de 2 Corinthiens nous montre comment certaines relations méritent d’être cultivées malgré la souffrance et le péché. Avez-vous des relations
authentiques avec des frères et sœurs ? De plus, nous avons vu qu’être la cause de la tristesse de quelqu’un n’est pas toujours mauvais. En effet, dire des choses qui rendent triste n’est pas toujours péché s’il y a compassion. N’oubliez pas que les amitiés authentiques dans le Seigneur sont un cadeau de Dieu. Soyez intentionnel à cet égard. Choisissez quelqu’un que vous allez inviter à prendre du temps avec vous. Ouvrez la Parole ensemble et prenez deux minutes pour prier l’un avec l’autre.


Paul avait fondé l’église de Corinthe et avait passé deux ans et demi environ dans cette église. Malheureusement, après son départ, des leaders de l’extérieur et probablement certains de l’intérieur, avaient commencé à attaquer Paul et surtout son enseignement. Paul est l’un des hommes appelés par Dieu pour fonder l’Église. C’est un apôtre, ministère spécial et spécifique.

Je ne crois pas qu’il y ait encore d’apôtres aujourd’hui. Non seulement Paul est apôtre, mais il est l’apôtre des non-Juifs. Dieu lui avait révélé son message et celui de l’Évangile. Il avait confié à Paul le ministère d’annoncer ces vérités à travers l’Empire romain. Il avait aussi confié à Paul la responsabilité d’écrire ces vérités. Rejeter Paul et rejeter l’Évangile reviennent à la même chose !

1. L’endurance (patience) (v. 4-7)

La plus grande démonstration de la puissance de Dieu dans la vie de ses serviteurs n’est pas l’absence de souffrance ou la présence de miracles. Mais c’est la patience, c’est l’endurance dans les peines, les souffrances et les persécutions. Le Seigneur lui-même a souffert. Dieu enrichit la vie des personnes qui bénéficient du ministère de ceux qui sont éprouvés. Quand nous souffrons, cela nous humilie et nous rend dépendant de Dieu.
Le but de Paul, ici, n’est pas le renouvellement des sentiments des Corinthiens à son égard mais un engagement renouvelé de leur part envers l’Évangile qu’il leur prêche. La patience de Paul dans la souffrance démontre que sa vie et son ministère travaillent ensemble avec Dieu afin de répondre à l’appel de Dieu. Ainsi lui-même n’a pas reçu la grâce en vain (v. 1) et il souhaite que ce soit également le cas des Corinthiens.

Les versets 4 et 5 présentent trois groupes de trois aspects négatifs :

Les versets 6 et 7 présentent trois groupes de trois aspects positifs :

Paul a travaillé jusqu’à l’épuisement, il a subi des émeutes, des lapidations, il a été battu, etc. Mais également, il a soumis son corps à la pureté, il a fait preuve de bonté, d’amour, de patience, etc. « Connaissance » a ici le sens de sagesse ; Paul savait mettre en pratique, dans sa vie, ce qu’il avait appris de la sagesse de Dieu. Nous sommes souvent plus préoccupés par ce que nous savons de façon intellectuelle, mais le but de Paul est de nous faire réfléchir à la manière dont nous appliquons ce savoir dans notre vie. Remarquez qu’en plein milieu de ces aspects positifs, il y a « par l’Esprit saint ». Paul nous démontre que, contrairement aux philosophes grecs stoïciens, les bonnes choses dans sa vie ne sont pas le résultat de ses efforts personnels, mais plutôt du travail du Saint-Esprit en lui.

2. Paradoxes (v. 8-10)

Dans les versets 8 à 10, Paul présente neuf façons dont il est dénigré par des personnes mal informées qui le jugent.

Et encore une fois, nous avons neuf paradoxes par groupes de trois. Cela ressemble beaucoup à ce qu’on trouvait dans la littérature grecque de l’époque.

Le prédicateur fidèle de l’Évangile connaît la gloire et le déshonneur, il est à la fois aimé et méprisé.
Certaines personnes vont lui faire une bonne réputation, d’autres une mauvaise. Cette réputation paradoxale de Paul existait au sein même de l’église de Corinthe [note] Certains appréciaient Paul et se réclamaient de lui (1 Cor 1.12 ; 3.4), d’autres le rejetaient (2 Cor 2.1-2)[/note] .
Certains le voyaient comme un inconnu, mais il était bien connu auprès de l’élite juive (Act 26.4,5). Il a frôlé la mort à plusieurs reprises, la menace de la mort planait constamment sur lui. Condamné à plusieurs reprises, mis en prison mais maintenu en vie par la grâce de Dieu.

Attristé certainement par le rejet de l’Évangile de la grâce par une partie des Corinthiens, attristé par les menaces des faux enseignants, par les âmes perdues, par les croyants immatures, mais animé d’une joie profonde en Dieu que l’on découvre en particulier dans sa lettre aux Philippiens. Pauvre quant aux biens matériels, mais enrichi par ceux qui ont accepté le message de l’Évangile. N’ayant rien sur cette terre, mais un héritage éternel au ciel.

3. Réconciliation (v. 11-13)

Paul démontre son caractère et son leadership en ce que, même s’il n’a rien fait de mal, il prend l’initiative pour la réconciliation.
Paul nomme rarement ses lecteurs par leur nom.
Ici, il en appelle à leur cœur en s’exclamant : « Ô Corinthiens ! » (Darby). Paul leur parle ici avec ses tripes. Il déverse toutes ses émotions.
Remarquez l’honnêteté de Paul : « sa bouche est ouverte. » Il ne cache rien qui leur serait utile pour leur développement et leur croissance, même si cela pourrait les déranger. Savez-vous que parfois nous avons besoin d’être dérangés, qu’on nous dise les choses en vérité ? Un berger doit parfois dire des choses peu agréables à ses brebis. Le berger a besoin de courage et de sagesse. La brebis doit apprendre à écouter et à accepter !
Remarquez également l’affection de Paul. Il dit : « notre cœur est élargi ». Vous n’y êtes pas à l’étroit. Vous êtes là, dans mon cœur. Je vous aime. L’attitude des Corinthiens avait profondément blessé Paul, mais il n’est pas devenu amer. Il les aime toujours et ne cherche pas la vengeance et cherche encore leur bien. Quelle attitude !

4. Conclusion

La profonde souffrance de Paul ici est une preuve même de la pureté de ses motivations et de son amour envers ses enfants spirituels. Voulez-vous servir le Seigneur ? Il faut être prêt à souffrir. Si vous n’êtes pas prêt à cela, vous n’êtes pas prêt à servir.
Voulez-vous être un leader ? L’attitude que vous allez démontrer dans la souffrance vous donnera l’autorité spirituelle nécessaire pour faire l’œuvre de Dieu.
Il y a tellement de choses dans ce passage qui nous parlent parce que nous ne sommes pas comme Paul : naturellement, nous sommes en lutte avec la vengeance, nous désirons éviter la souffrance. Nous avons des difficultés à pardonner, à aimer ceux qui nous font mal. Nous avons besoin de changer.
Si Paul a pu démontrer de telles qualités de caractère, c’est parce que sa vie était influencée et dirigée par le Saint-Esprit (v. 6). Paul a laissé libre cours au Saint-Esprit pour changer sa vie.


Introduction

Au long de ses différentes épîtres, Paul aborde plusieurs fois le sujet de la vocation. Il la présente sous plusieurs formes, que ce soit la vocation céleste en Philippiens 3, ou simplement la vocation d’Éphésiens 4. Par ce terme, Paul entend un appel de Dieu au croyant à vivre conformément à ce qu’il est en Christ.
Dans le début de cette épître aux Corinthiens, Paul aborde successivement les sujets de l’odeur de la connaissance de Dieu, du ministère de la nouvelle alliance et de la perspective céleste du croyant.
Dans ce passage de 2 Corinthiens 5.11-6.1, nous sommes amenés à comprendre les raisons de notre vocation, celle d’ambassadeurs pour Christ (5.20), mais aussi les bénéfices que nous pouvons en retirer et les risques auxquels nous devons faire face en la vivant. Le Larousse définit l’ambassadeur comme une « personne susceptible de représenter à l’étranger une certaine image de son pays ou qui est chargée d’une mission ». Dans la perspective céleste, le croyant sait que sa patrie se trouve au ciel (5.2).

Le croyant a un regard différent

Le croyant sait qui est son Dieu, le connaît et le craint. Le livre des Proverbes nous rappelle que le commencement de la sagesse, c’est la crainte de l’Éternel (Prov 9.10). Parce qu’ils craignent Dieu, Paul et ses compagnons cherchent à convaincre les hommes (v. 11). Ils sont aussi pleinement conscients de la réalité du jugement, notamment du tribunal de Christ. Ils cherchent donc à avoir une attitude conforme à la volonté de Dieu et à lui plaire (v. 9-10). Ce regard différent qu’ils ont sur les choses, c’est aussi ce regard que nous devrions avoir. Le regard qui va motiver notre désir de convaincre les hommes.
Le respect de Dieu conduit à un changement de valeurs, porté sur ce qui est céleste, développé également plus tôt dans le chapitre 5 (v. 2-9). Il se manifeste par un cœur consacré. Ce n’est pas de l’apparence que nous devons tirer gloire mais de ce qui est dans le cœur (v. 12-13), car c’est ce à quoi Dieu regarde (1 Sam 16.7). Il nous faut cependant garder un certain équilibre : nous savons aussi qu’il n’y a pas que la question de ce qui est céleste dans notre vie de croyant. Nous sommes dans le monde mais pas du monde (Jean 17.15-18).
L’élément clé de la vie du chrétien est Christ. C’est en lui, par lui et pour lui que toutes choses sont. Lorsque nous regardons le monde avec ce regard, nous voyons que ce dernier a besoin de lui. Tous ceux qui vivent sans lui et qui ne sont pas sauvés sont morts : « Car tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu » (Rom 3.23). C’est le cas de tous : nos amis, notre famille, nos voisins, nos collègues ou nos camarades d’étude. C’est ainsi que, pressés par le même amour que celui que Christ a manifesté pour nous, nous devons chercher à convaincre tous les hommes car Christ est mort pour tous (v. 14).
Nous devons imiter celui qui, étant Dieu, s’est dépouillé lui-même en devenant serviteur et en allant jusqu’à mourir pour nous sauver (Phil 2.6-8).
Nous devons donc ne plus vivre pour nous-même, mais pour celui qui est mort et ressuscité pour nous (v. 14-15). Si c’est une réalité dans nos vies, nous verrons et connaîtrons chaque personne autour de nous en sachant que Christ est mort pour elle. De même, nous connaîtrons que Christ n’est pas seulement notre Sauveur, mais aussi notre Seigneur (v. 16). Christ mort pour tous : cette vérité nous permettra de travailler pleinement à notre mission sur terre qui est d’avoir un ministère de la réconciliation.

Le ministère de la réconciliation : sa vocation d’ambassadeur (5.18-20)

En plaçant notre identité en Christ, en l’acceptant comme Seigneur et Sauveur, cela apporte un changement radical dans nos vies. Absolument tout change ! Pas seulement notre regard sur le monde, mais aussi notre regard sur notre vie passée ou encore sur la manière dont nous allons penser, agir, et surtout aimer ! Paul décrit ce changement en disant que « Si quelqu’un est en Christ, il est une nouvelle création. Les choses anciennes sont passées ; voici, toutes choses sont devenues nouvelles » (v 17).
Ce qui devient le plus important à nos yeux, ce qui a le plus de valeur, c’est ce que Christ a fait pour nous : il nous a réconciliés avec Dieu. Cette première partie du verset 18 est relativement facile à s’approprier, mais elle s’accompagne d’une responsabilité qu’il ne faut pas mettre de côté : Dieu nous donne le ministère de la réconciliation.
Après être venu accomplir la volonté du Père en se donnant à la croix, Christ nous a passé le témoin. Il nous a donné la mission d’aller et de faire de toutes les nations des disciples (Matt 28.19). Pour mener à bien ce ministère, Dieu a mis en nous la parole de réconciliation (v.19). Ainsi, nous devons nous appuyer sur trois éléments : l’appartenance à la nation céleste tout d’abord (v. 2), l’amour de Christ qui nous presse à convaincre les hommes ensuite (v. 14), et cette mission de réconciliation (v. 18-19). Ces trois éléments démontrent que nous sommes des ambassadeurs du ciel sur la terre au service de Christ (v. 20).
La réconciliation est plus qu’une simple mission pour le croyant, c’est le but premier de sa vocation d’ambassadeur. C’est pourquoi Paul avertit aussi : nous ne devons pas recevoir la grâce de Dieu en vain (6.1). Nous avons été prédestinés à un rôle, celui de pratiquer des bonnes œuvres qui ont été préparées d’avance (Éph 2.10). Cette mission de réconciliation fait partie des œuvres préparées, et ne pas les pratiquer peut revenir à négliger la grâce
reçue de Dieu. Il est toutefois normal de rencontrer des difficultés à pratiquer ces bonnes œuvres.
Même en ayant une perspective céleste avec les bénéfices qui accompagnent notre vocation, il y a en nous un combat entre l’Esprit et notre chair.
Beaucoup d’éléments peuvent devenir des prétextes pour renoncer à notre engagement ou chercher à le minimiser. En effet, nous savons que la fonction d’ambassadeur comporte certains risques, et que nous devons sortir de notre zone de confort.

Quels sont les risques ?

La question des risques encourus en exerçant notre vocation est abordée par Paul dans plusieurs épîtres. Elle tourne autour de la persécution et des souffrances qui peuvent accompagner l’exercice des fonctions d’ambassadeur. Dans notre société occidentale, nous ferons plutôt face à des souffrances morales, à du mépris, à la perte d’un statut ou d’un travail. Le regard de nos contemporains sur nous pourra changer. Selon où nous plaçons notre gloire, cela peut être un vrai frein. Car en étant ambassadeurs de la réconciliation, nous transportons l’odeur de la connaissance de Dieu (2.14-17), qui lorsqu’elle est perçue comme une odeur de mort, peut amener des réactions virulentes
et engendrer de vraies difficultés et souffrances.

Quel sont les bénéfices ?

La bonne nouvelle est qu’en exerçant fidèlement notre vocation d’ambassadeur, nous sommes gagnants sur plusieurs points. Tout d’abord, nous honorons notre Dieu qui sera juste au jour du jugement (5.10), et rétribuera chacun selon ses œuvres. De plus, nous donnons à nos frères et sœurs une raison de se glorifier à notre sujet (v. 12). Ainsi, nous les encourageons à exercer, eux aussi, leur vocation céleste. De plus, nous serons édifiés, dans le sens où la mise en pratique nous rendra disposés à vivre notre foi dans tous les domaines et à répondre à l’appel de Dieu. Cela nous fera grandir dans notre fidélité et dans beaucoup d’autres domaines de notre foi. Enfin, nous aurons peut-être le privilège de convaincre des hommes, ce qui est l’une des plus grandes joies à vivre sur terre.

Conclusion

En connaissant Dieu, en comprenant pleinement l’amour de Christ et étant pressés par cet amour, nous cherchons à convaincre les hommes de se tourner vers Christ. Notre regard sur les gens qui nous entourent change. Nous avons reçu de Dieu une vocation d’ambassadeur, avec le ministère de la réconciliation. Même si nous avons conscience de cette mission et que nous désirons la remplir, il est en pratique souvent difficile de s’y consacrer pleinement. Il y aura des hésitations, parfois nous trouverons des raisons de ne pas agir pleinement.
Mais nous savons que la difficulté de notre exercice réside dans le fait de parvenir à garder notre regard tourné vers Christ. Nous devons considérer ce qui était pour nous un gain comme une perte (Phil 3.7-8), et persévérer jusqu’au bout en combattant le bon combat et en gardant la foi (2 Tim 4.7). Nous savons que Christ reviendra, que nous comparaîtrons tous devant le tribunal de sa justice, et qu’il sera juste dans ses récompenses (v 10). Cependant, nous cherchons une récompense bien particulière avec cette vocation, celle de voir des hommes être convaincus de l’amour de Christ, et se tourner vers lui.


« C’est pourquoi aussi, que nous soyons présents ou que nous soyons absents, nous nous appliquons avec ardeur à lui être agréables ; car il faut que nous soyons tous manifestés devant le tribunal du Christ, afin que chacun reçoive les choses accomplies dans le corps, selon ce qu’il aura fait, soit bien soit mal. Connaissant donc combien le Seigneur doit être craint, nous persuadons les hommes, mais nous avons été manifestés à Dieu, et j’espère aussi que nous avons été manifestés dans vos consciences. » (5.9-11 [note] Les citations de cet article sont tirées de la version Darby[/note]).

Christ, le croyant, un tribunal : on peine à associer ces trois mots. On est sauvé par grâce, donc pas de tribunal, n’est-ce pas ? Pourtant si. Non seulement tous les incroyants devront comparaître devant un tribunal, mais aussi les croyants, dit Paul dans ce texte. Essayons de comprendre quel est ce tribunal pour en tirer quelques conséquences.

1. Quel est ce tribunal, qui devra s’y présenter et pourquoi ?

« Tous » auront à comparaître devant le tribunal de Dieu :
• Les incroyants pour être jugés et recevoir ce que mérite ce qu’ils auront fait pendant leur vie sur la terre, devant le grand trône blanc (Apoc 20.11-15).
• Les croyants (les saints), non pas pour être jugés dans le sens d’être condamnés (tout est réglé quant à leur position), mais pour que leur vie soit mise en lumière [note] À dessein, le mot « jugement » n’est pas utilisé en rapport avec ce tribunal en 2 Cor 5, même si d’une certaine façon il y a ce sens[/note] .

D’autres textes[note] Rom 2.16 ; 14.12 ; 1 Cor 4.4-5 ; Mat 10.26 ; Marc 4.21-22 ; Luc 8.16-18 ; 12.1-2.[/note] sur le sujet nous disent que tout sera révélé. Ils affirment trois grands principes en relation avec ce tribunal :

1. L’homme ne peut rien garder secret ; Dieu voit tout

Ce principe très important maintient l’autorité du Dieu qui est lumière. Autrement quelque chose échapperait à son pouvoir et à son jugement.

2. Nous aurons à rendre compte à Dieu

Notre responsabilité personnelle envers Dieu est maintenue. Nos frères et sœurs dans l’Église peuvent nous aider ici-bas mais n’interféreront pas dans l’appréciation que Dieu portera sur nous.

3. Nous n’avons pas à craindre les hommes, mais Dieu

Nous n’avons pas à craindre les machinations secrètes des hommes mais nous pouvons avoir confiance en Dieu. La perspective de ce tribunal maintient notre conscience dans la lumière devant Dieu. Si nous sommes inquiets d’être « manifestés » [note]Le verbe grec phaneroo utilisé par Paul et traduit ici par « manifester » signifie litt. « être révélé dans son vrai caractère, tel que l’on est vraiment »[/note], nous ne sommes pas pleinement dans cette lumière.
Cette manifestation au tribunal de Christ sera un gain immense pour le croyant qui connaîtra comme il aura été connu (cf. 1 Cor 13.12). Il portera le même juste regard que Dieu sur sa vie, depuis sa naissance : les fruits qu’il a portés pour Dieu dès sa conversion, l’usage qu’il a fait des dons reçus, la mesure selon laquelle il aura honoré le Seigneur ou il aura attristé le Saint-Esprit.
Déjà maintenant, en regardant en arrière depuis notre conversion, nous voyons quelle grâce, quelle patience, quel amour Dieu a eu pour nous ! Combien plus alors, libérés de la vieille nature qui nous a poussés à commettre le mal, apprécierons-nous la manière d’agir pleine d’amour de Dieu envers nous !
Alors nous comprendrons les plans de sagesse et de bonté de Dieu pour nous conduire, nous enseigner, nous garder de la tentation, nous relever après une chute. Certaines façons d’agir du Seigneur, qui paraissent aujourd’hui incompréhensibles, n’auront alors plus de secret pour nous et nous les considérerons avec admiration et une profonde adoration.

2. Quand aura-t-il lieu ?

Devant ce tribunal, les croyants arriveront avec leur nouveau corps glorieux (Phil 3.21). Cela aura donc lieu après l’enlèvement des croyants, quand Jésus nous prendra pour être pour toujours avec lui [note]Jean 14.1-3 ; 1 Thes 4.16-17.5[/note].
Nous pouvons aussi penser que ce sera avant d’être présentés au Père (1 Thes 3.13), car nous recevrons nos couronnes à la suite de ce tribunal.
En ce jour, il ne restera plus de trace de la nature pécheresse d’autrefois. Nous serons dans la joie avec notre Seigneur et dans une parfaite paix, résultat de ce que Christ a obtenu pour nous.
Plus encore, nous serons comme le juge, dans un corps semblable à lui, grâce à lui (1 Jean 3.2). Le juge sera celui qui a pris sur lui ma faute.
Les méchants recevront leur punition après le millénium ; les saints, leur récompense avant. Il n’y a pas de groupe intermédiaire.

3. Comment se déroulera-t-il ?

Cela aura-t-il lieu devant tous ou à huis-clos ? La Bible ne le précise pas. Chacun rendra compte pour lui-même sans que personne d’autre s’en mêle. Il paraît difficile de penser que tous écouteront et verront la vie de chacun : nous connaître à fond est une prérogative qui n’appartient qu’à Dieu, notre Créateur [note] Pour le jugement des incroyants, Jésus a annoncé que des hommes de Ninive et la reine de Shéba se lèveront et condamneront les Juifs qui l’ont refusé (Mat 12.41-42). Ce jugement sera donc, au moins partiellement, visible par d’autres[/note].

4. Quelles seront les conséquences ?

À la suite de cette manifestation devant le tribunal de Christ, il y aura pour le croyant :
• Des récompenses
Chacun recevra sa propre récompense, en rapport avec son propre travail pour Christ — bien que tout soit grâce, car c’est ce que l’Esprit aura fait en nous.
Selon notre diligence à obéir à la Parole de Dieu, notre intégrité dans notre service et dans notre vie chrétienne, nous n’aurons pas tous la même récompense. Les couronnes seront différentes et l’autorité que nous confiera le Seigneur aussi (cf. Luc 19.12-27). Nous recevrons en tout cas un « plein salaire » (2 Jean 8).
• Des pertes
Les œuvres de notre vie seront éprouvées par le feu pour constater si elles sont de l’or ou du foin. Dans ce dernier cas, elles seront consumées (1 Cor 3.14 15). Dans nos vies, combien de motifs impurs, d’interprétations bibliques qui nous arrangent, d’œuvres futiles, d’attitudes égoïstes, de désirs de plaire aux hommes plutôt qu’à Dieu ? Il en résultera une perte de récompense. Nous verrons de combien de bénédictions notre infidélité nous a privé. Devant l’accumulation de nos fautes, nous comprendrons davantage la valeur de l’œuvre de Christ.

5. Quelles implications pratiques en tirer aujourd’hui ?

Le verset 11 nous montre un double effet pour notre vie présente :
• Le Seigneur doit être craint : nous savons quel terrible jugement éternel attend celui qui est perdu. Alors cela nous pousse à persuader les hommes en annonçant l’Évangile. Le verbe « convaincre » ou « persuader » implique une conviction profonde, une insistance et une persévérance de notre part.
• Comme notre conduite sera mise en lumière, nous sommes donc encouragés à rechercher le bien des autres et la gloire de Christ.
Telles sont les conséquences que l’apôtre veut que nous tirions du tribunal de Christ — et non la peur d’un jugement. Si, aujourd’hui, nous ne sommes pas à l’aise avec ce tribunal, si nous ne pouvons pas y penser avec tranquillité, c’est soit par manque de compréhension de ce qu’il est, soit parce que quelque chose dans notre vie n’est pas en règle avec Dieu. Si nous avons ouvert tout notre cœur devant Dieu maintenant, nous ne devrions pas être inquiets qu’il soit entièrement dévoilé à ce moment futur.
Si notre cœur se rassure en pensant que telle chose ne sera pas révélée, Dieu nous répète que rien ne restera caché. Il le fait pour notre bénédiction et pour la joie que produit une marche droite devant lui.
Puisque crainte il y a, elle n’est pas liée au moment où nous le rencontrerons, mais elle concerne notre marche ici-bas. Si un chrétien pèche, Dieu va s’occuper de lui — et cela peut aller jusqu’à la maladie ou même le décès (cf. 1 Cor 11.30).
D’une manière générale, le Seigneur ne nous juge pas si nous nous jugeons nous-mêmes (1 Cor 11.31), car Dieu ne prend pas plaisir à nous affliger.
Si je suis pur aujourd’hui dans ma marche devant Dieu — ce qui ne me justifie pas — je n’ai pas à être anxieux d’être plus tard manifesté devant Dieu, parce que je le suis déjà maintenant. Cette perspective a un grand effet pratique sanctifiant : elle nous maintient sous l’œil de Dieu qui voit tout ce que nous faisons.
Alors appliquons-nous aujourd’hui avec ardeur à lui être agréables dans tous nos moments, sans nous laisser influencer par un environnement souvent opposé. Sondons avec ardeur sa volonté et la pensée biblique sur les questions qui agitent notre société. Pensons à sa gloire plus qu’aux pressions que nous subissons. Il en est digne (Apoc 4.10-11) !


Le passage s’inscrit dans la continuité directe de celui dans lequel Paul présente la gloire supérieure de la nouvelle alliance, au service de laquelle il se présente, comparée à la gloire de l’ancienne alliance, qu’il reproche aux « super-apôtres » de réintroduire sous couvert de l’Évangile, pour leur propre profit.

Au début du chapitre 4, Paul accuse les super-apôtres de ruse, de falsification de la parole de Dieu, d’être des incrédules aveuglés par Satan (4.2-4). En contraste, l’Évangile qu’il proclame le conduit à prendre un rôle de serviteur des autres pour mettre Christ au centre (4.5). Mais il doit alors faire face à l’accusation de faiblesse, de timidité (10.1-2), là où l’éloquence de leurs discours (10.6) est censée refléter la puissance de Christ (13.3).
Et Paul fait de cette faiblesse apparente, un argument en faveur de son ministère :

Elle ôte toute ambiguïté dans l’attribution de la puissance (4.7)

Au vu de sa faiblesse, cette puissance ne peut venir de lui, c’est donc celle de Dieu qui est à l’œuvre. On peut ici lire en creux une critique de Paul à ses adversaires. Il les accuse de jouer sur cette ambiguïté pour s’attribuer ne serait-ce qu’une part de la gloire qui ne revient qu’à Dieu seul.

C’est au travers de cette faiblesse que transparaît le plus visiblement l’image de Jésus (4.8-12)

À la liste des souffrances que Paul évoque, on peut difficilement éviter le rapprochement avec Jésus. Paul le fait d’ailleurs explicitement : il porte dans son corps les souffrances du Seigneur Jésus.
Le Dieu-Roi est devenu un homme pauvre et simple. Venu pour aimer et sauver, il a souffert le rejet, les menaces puis la torture et la mort.
Il ne s’agit pas pour Paul d’ajouter par ses souffrances quoi que ce soit à la valeur expiatoire des souffrances et de la mort de Jésus.
Son œuvre est complète. Mais de son arrestation jusqu’à son dernier souffle, l’agonie de Christ a aussi eu pour but de faire briller d’autant plus fort le message qu’il a continué de communiquer au travers de ses souffrances. Le pardon qu’il prêchait n’a pas d’exemple plus fort que celui qu’il demande depuis la croix pour ses persécuteurs. L’amour filial qu’il recommande n’a pas d’expression plus touchante que celui qu’il témoigne à sa mère avant de mourir. Et c’est dans la recherche du même but que Paul inscrit ses propres souffrances pour la cause de l’Évangile dans la continuité de celles de son Seigneur. À travers elles, il manifeste concrètement à ceux qui le voient, ce que le Seigneur a traversé. Et de la même manière que les souffrances du Seigneur jettent une lumière éblouissante sur son message, celles de Paul mettent en valeur l’Évangile qu’il prêche et qu’il vit jusque dans ces épreuves : afin que la vie de Jésus soit, elle aussi, révélée dans notre corps mortel. Et c’est au travers de cette mort que se transmet cet Évangile concret, cette vie de Jésus, d’où le passage du « nous » au « vous » (4.12) : « Ainsi la mort agit en nous, et la vie agit en vous. »
Paul retourne donc l’accusation de faiblesse en la présentant comme une preuve de son ministère. Là encore, on peut y voir en négatif une critique de ces super-apôtres qui avançaient des miracles et une rhétorique maîtrisée à l’appui de leur prétendu ministère. Le vrai serviteur de l’Évangile est celui dont la vie même reflète celle du Seigneur, au détriment de l’affirmation de sa propre personne.

Et puisque Paul souffre à l’image de Christ, il sera aussi ressuscité à son image (4.13-15)

Ce qui fait de lui un objet de mépris pour certains est pour Paul l’assurance de son avenir éternel avec Dieu et une preuve supplémentaire de son apostolat. Dans le Psaume 116 qu’il cite, l’auteur n’a pas honte de rappeler la faiblesse dans laquelle il s’était retrouvé. Sa confiance en Dieu lui a permis de traverser son épreuve dont le souvenir fait abonder la reconnaissance publique du poète.
De la même manière, l’assurance de Paul (« j’ai cru », 4.13) l’affranchit de toute honte vis-à-vis de ses faiblesses qu’il a exposées librement dans les versets précédents (« j’ai parlé »). Loin d’être un discrédit porté à son ministère, elles sont le canal par lequel Dieu touche les cœurs afin de multiplier la grâce et de faire abonder la reconnaissance à la gloire de Dieu (4.15).

C’est au-delà de sa vie présente que Paul recherche un accomplissement (4.16-18)

Les super-apôtres sont probablement obnubilés par la recherche d’une gloire dans le temps présent et sont en travail constant pour conserver l’attention, l’admiration de leurs contemporains. La gloire de Paul est à venir et certaine, il ne cherche donc pas, à tout prix, une reconnaissance visible de ses contemporains mais plutôt celle invisible de Dieu. Les super-apôtres luttent continuellement pour retenir une gloire qui a tendance à les fuir ; Paul voit patiemment le moment de la sienne se rapprocher de manière inéluctable, tout en voyant son capital augmenter au fil des épreuves qui lui sont imposées…

Mais la souffrance n’est pas l’horizon du croyant

Dans le début du chapitre 5, Paul se permet un petit excursus sur le sujet de la résurrection qu’il vient d’effleurer. Peut-être que ses adversaires, non contents de se focaliser sur la vie présente, nient carrément la vie après la résurrection ? Je n’ai pas trouvé d’affirmation en ce sens. En tout cas, la Première Épître fait assez clairement état de Corinthiens qui la mettaient en doute et versaient soit dans une mortification de leurs membres considérés comme mauvais, soit dans un comportement licencieux puisque, de toute façon, ce qui était fait dans le corps n’avait pas d’importance. Une précision est donc probablement bienvenue pour éviter que l’attitude dans laquelle il s’est présenté vis-à-vis de ses souffrances soit prise pour une forme de mépris du corps. En effet, ce qui n’est pas visible ne signifie pas ce qui est immatériel mais plutôt ce qui n’a pas encore été manifesté. Et cette description du corps ressuscité a aussi l’avantage d’appuyer l’espérance décrite à la fin du chapitre 4 tout en responsabilisant les destinataires par rapport à ce qu’ils font aujourd’hui dans leur corps mortel.
L’apôtre utilise deux images parallèles : celle de la tente et de la maison, de l’édifice ainsi que celle du corps et de l’habit. Ces images permettent de distinguer trois situations :
• La situation présente : il habite une tente, il est habillé de son corps mortel qui est un lieu de gémissements et qui se détruit.
• La situation intermédiaire : la nudité. Après la mort physique, nous nous retrouvons dans la présence de Dieu, dans l’attente de la résurrection. C’est une situation meilleure que celle dans laquelle nous gémissons mais pas aussi enviable que celle dans laquelle nous serons vêtus à nouveau et pour l’éternité.
• La situation finale, celle à laquelle il aspire le plus : il habitera l’édifice que Dieu lui a construit, il sera habillé de son corps éternel dans lequel, tout ce qui est actuellement mortel aura été englouti dans la vie.

Paul désire être revêtu par-dessus son habit actuel plutôt que de voir celui-ci détruit. Cela peut laisser penser que notre corps céleste aura une forme de continuité avec notre corps actuel, puisqu’il engloutira dans la vie tout ce qui est mortel. Ce faisant, Paul donne un certain prix à notre corps actuel. Il reconnaît lui-même qu’il préférerait ne pas traverser la mort, donc subir la perte de celui-ci. Il avertit ainsi les Corinthiens de leur responsabilité vis-à-vis de l’emploi qu’ils en font. Le verset 10 va aussi dans ce sens en prévenant que nous comparaîtrons tous pour rendre compte de ce que nous aurons fait « dans notre corps ».
Mais à côté de cet avertissement, Paul fournit des assurances réconfortantes : c’est Dieu qui le prépare à ce renouvellement par son Esprit qui est, d’une part, le sceau de la promesse et, d’autre part, celui qui renouvelle dès à présent son être intérieur.
Il est donc certain d’aller vers le mieux, ce qui le remplit de confiance.

En conclusion

Alors que retenir de ce passage ?
• Nous pouvons admirer le plan de Dieu qui se révèle dans l’humble condition de ses serviteurs et qui fait briller son message dans les personnes qui souffrent en son nom. Mais s’il leur accorde la grâce de souffrir comme Christ, pour son Évangile, c’est aussi lui qui les renouvelle et leur donne de fixer les yeux par avance sur la gloire à laquelle il les destine. S’il permet que leur corps mortel soit perdu, il leur promet un corps parfait dans sa présence éternelle.
• Nous devons aussi nous laisser interpeller par l’attitude de Paul qui revendique sa faiblesse.Puis-je affirmer comme lui que je porte « les souffrances du Seigneur » dans mon corps pour que sa vie s’y manifeste et soit communiquée ?
Bien sûr, nous ne sommes pas apôtres ni même tous évangélistes. Mais nous sommes tous témoins. Et la question : « Est-ce que ceux qui me voient et m’entendent parler perçoivent  Christ ? » nous avons à nous la poser. Mes collègues, mes voisins ont-ils eu l’occasion de voir quelqu’un pour qui leur salut est un réel fardeau ? Ou quelqu’un de commun, accessoirement chrétien, mais qui ne les dérange pas avec ça ? Est-ce que je « pue » la mort ou est-ce que j’embaume la vie, pour reprendre l’image de Paul (2.16) ? Et quand je passe par l’épreuve, est-ce que je la traverse seulement en gémissant sur mon sort (ce qui peut se comprendre) ou est-ce que je demande aussi à Dieu d’en faire une occasion de manifester sa gloire ?
• Est-ce que, à l’inverse, je n’ai pas tendance à rechercher l’approbation de mes semblables plutôt que celle de Dieu ? Mes yeux sont-ils fixés sur la récompense au ciel comme l’étaient ceux de Paul, ou sur ce que je pourrais acquérir déjà aujourd’hui en termes de confort, de carrière, etc.
• Nous vivons pour l’instant dans un corps qui dépérit et peut-être même ce dépérissement se manifeste-t-il plus cruellement pour certains d’entre nous. Mais, même s’il dysfonctionne ou semble destiné à se décomposer, c’est ce corps qui sera renouvelé. Comment cultiver dès aujourd’hui dans ce corps, la relation que je vivrai pour l’éternité avec Dieu quand il l’aura renouvelé ?


La fin justifie-t-elle les moyens ? L’essentiel est-il d’annoncer le message de l’Évangile, même si les méthodes sont discutables, puisque l’enjeu est éternel ?
Peut-on ainsi profiter d’un auditoire captif dans une rame de métro pour l’obliger à entendre, même contre son gré, notre prédication de l’Évangile ?
Quelles limites mettre aux méthodes employées pour annoncer l’Évangile ?

Dans sa seconde Épître aux Corinthiens, l’apôtre Paul, sans doute accusé par ses adversaires, doit défendre, non seulement son ministère apostolique, mais aussi sa manière de témoigner de l’Évangile. Après avoir montré le caractère spécifique de son ministère d’apôtre, il donne quelques repères pour une juste éthique du témoignage chrétien.
Cet article ne cherche pas à entrer dans le détail des controverses opposant Paul et ses détracteurs, mais plutôt à souligner les fondements du ministère de Paul afin de les appliquer à notre propre vie. Nous nous limiterons aux premiers versets du quatrième chapitre.

1. L’encouragement de la grâce (4.1)

Au sein de ses difficultés et malgré les accusations des Corinthiens, Paul se laisse encourager par la grâce de Dieu qui a fait de lui son témoin.
Il sait qu’il ne mérite rien. Il rappelle plusieurs fois dans ses lettres son indignité devant Dieu, lui, l’ancien persécuteur des chrétiens [note] 1 Cor 15.9 ; Gal 1.13 ; Phil 3.6 ; 1 Tim 1.13[/note] .
Paul sait que l’Esprit qui agit en lui (3.18) est aussi à l’œuvre dans le cœur de ses auditeurs. Il est donc doublement encouragé. Malgré son passé et ses limites, Dieu a fait de lui son instrument pour annoncer l’Évangile. De plus, Paul peut avoir confiance dans la puissance du Saint-Esprit pour transformer des vies.
Aujourd’hui encore, Dieu continue de se faire connaître par le témoignage de personnes imparfaites. La mission de faire des disciples, premièrement confiée aux apôtres (Mat 28.18-20), est toujours d’actualité. Dieu accorde le privilège à tous ses enfants d’être des moyens pour que des personnes passent de la mort à la vie.
Tous les enfants de Dieu peuvent aussi se laisser encourager par les mêmes promesses divines, même lorsque le témoignage est difficile. Comme Paul, ils doivent parfois affronter une opposition forte et des accusations injustes. Ils peuvent compter sur la grâce du Dieu qui les envoie et sur l’action puissante de son Esprit pour que le message atteigne son but.

2. L’intégrité du messager (4.2a)

Paul refuse toute « fourberie », tout ce qui cacherait ses véritables intentions. Il se justifiera encore dans la troisième partie de la lettre (12.16), probablement en réponse à de nouvelles accusations.
Dans le livre des Actes, nous voyons Paul changer la manière d’aborder les personnes, selon leur origine – juive (Act 13.16-41) ou païenne (Act 17.22-31). Mais le message reste le même. Paul proclame l’Évangile de Christ.
Paul refuse donc d’utiliser des moyens qui ne font pas honneur au Dieu de vérité. Il refuse de compter sur des procédés purement humains pour accomplir sa mission.
Cette attitude est exemplaire pour le témoignage chrétien. Il est parfois nécessaire d’être prudent (Mat 10.16), en refusant par exemple de se laisser entraîner dans des discussions sans fin sur des sujets annexes et controversés. Comme Paul, il est souvent utile de soigner la manière d’annoncer le message en adaptant notre approche au public.
Nous devons cependant éviter que le témoignage soit trompeur. Si la prudence est nécessaire dans les pays qui interdisent le christianisme, il n’est pas légitime de cacher notre foi dans les autres pays. Organiser un faux sondage dans le but de tromper pour attirer des personnes ne reflète pas le caractère du Dieu de vérité. De même la mise en place d’un soutien scolaire dans le but de manifester l’amour de Christ autour de nous est excellent mais si ce n’est qu’un prétexte pour garnir les rangs de notre assemblée, nous nous écartons des justes motivations du témoin de l’Évangile.
Le témoin de l’Évangile soigne la présentation de son message. Mais il ne peut en aucun cas être un vendeur qui utilise des techniques trompeuses pour « placer son produit ». Paul encourage ainsi un témoignage intègre et invite les enfants de Dieu à examiner premièrement leurs motivations pour des pratiques honnêtes. De plus, il est probable que des personnes piégées une fois seront beaucoup moins réceptives à l’annonce de l’Évangile.

3. L’intégrité du message (4.2b-4)

Paul cherche à « manifester la vérité ». Il est le témoin de celui qui se présente comme « la vérité » (Jean 14.6). Il présente donc l’Évangile de la manière la plus exacte possible, sans ajouts ou omissions pour une meilleure acceptation du message.
L’Évangile est parfois refusé mais ce n’est pas à cause de sa complexité. Paul montre bien la responsabilité des auditeurs lorsqu’il les déclare incrédules, c’est-à-dire qu’ils refusent de faire confiance à Dieu.
Il rappelle aussi l’action du diable qui pousse à refuser la bonne nouvelle du salut. Comme dans la parabole du semeur (Marc 4.14-20), le diable et l’endurcissement des auditeurs sont responsables du refus de l’Évangile. Le message lui-même n’est pas en cause.
Paul manifeste ainsi toute confiance dans la clarté et la simplicité du message de l’Évangile. Il sait que la vérité n’est pas toujours bien accueillie mais il ne cherche pas à adapter le cœur de sa prédication pour éviter de heurter ses auditeurs. Il reste fidèle au sens des Écritures et ne change pas le contenu de l’Évangile. L’Évangile est glorieux, il n’est pas possible de l’améliorer !
Aujourd’hui encore, les questions de jugement, de péché, de justice de Dieu, d’enfer et même de bien et de mal peuvent heurter nos contemporains. Sans aller jusqu’aux excès de l’Évangile de la prospérité, il est possible, en Occident, de prêcher un Évangile du bien-être qui place l’être humain au centre. Paul met donc en garde contre la tentation d’adapter certains éléments de l’Évangile pour le rendre culturellement acceptable.
Jésus a appelé à prendre sa croix (Luc 9.23).
L’Évangile ne vient pas calmer la peur de la mort ou la peur de l’enfer. Il demande de renoncer à sa propre vie pour se laisser transformer par Dieu et renoncer aux désirs naturels contraires à sa volonté (Rom 8.12-14).
L’Évangile est aussi la proclamation de la grâce de Dieu qui commence par une mauvaise nouvelle, mais qui continue par l’amour et la grâce du Dieu qui s’est fait homme. Il annonce la gloire à venir, la victoire de Dieu et la défaite du mal. Ce message doit être fidèlement annoncé ; il est glorieux !

4. Christ au centre (4.5-6)

La fidélité dans la proclamation de l’Évangile revient à annoncer Christ mort et ressuscité. Dans sa première lettre aux Corinthiens, Paul avait déjà rappelé cette vérité fondamentale :
« Nous prêchons Christ crucifié, scandale pour les Juifs et folie pour les païens. » (1 Cor 1.23)« Car je n’ai pas eu la pensée de savoir parmi vous autre chose que Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié. » (1 Cor 2.2)
Dans sa définition de l’Évangile, Paul rappelle aussi la place centrale de l’incarnation, de la mort et de la résurrection du Fils (1 Cor 15.1-4).
Paul ne cherche pas à se mettre lui-même en avant. Il ne promeut aucune philosophie particulière ni une éthique de vie déconnectée de Jésus. Il rappelle le cœur de l’Évangile, le cœur de la prédication chrétienne et celui qui est annoncé dans toutes les Écritures (Luc 24.27).
Il annonce Jésus comme Messie, oint de Dieu, spécialement choisi pour sa mission de salut. Il prêche Christ Seigneur, maître de la création et qui doit être reconnu comme tel. Christ est enfin celui qui révèle la gloire du Père. Le Dieu qui s’est incarné est la révélation particulière de Dieu donnée aux hommes (Jean 1.14,18).
L’exemple de Paul est précieux pour les témoins de tous les temps. Il rappelle l’essentiel de ce qui doit être transmis et montre que l’attitude du messager doit aussi refléter le message.
Il n’y a pas de témoignage chrétien sans Christ, sans sa mort sur la croix, sans résurrection et sans une juste compréhension du sens de ces éléments. La nécessité d’un sacrifice parfait pour le pardon des péchés et la résurrection qui montre que l’expiation a bien été réalisée et que Christ est vainqueur sont des éléments constitutifs de l’Évangile.
Paul ne décrit pas Jésus comme un simple sauveur : il est le Seigneur, celui qui doit être reconnu comme Maître par tous ceux qui veulent le suivre (Rom 10.9). Le salut est gratuit car Jésus a tout accompli, tout payé. La grâce est une réalité qui conduit à ce que des pécheurs soient déclarés justes. Le salut implique aussi un changement radical de vie : la confiance (foi) totale accordée à Jésus-Christ conduit à désirer lui obéir en tout point.
Paul est donc un modèle dans son enseignement en rappelant le contenu de l’Évangile. Il est également prêt à servir son Maître. Son attitude est donc au service du message puisqu’elle reflète la position de Jésus, seul Maître et Sauveur.
Il rappelle la nécessité d’un message centré sur la personne de Jésus-Christ et d’un comportement en adéquation avec l’enseignement. La vraie lumière, la véritable richesse et la joie authentique et profonde de l’enfant de Dieu proviennent de Jésus-Christ, le Seigneur.

5. Gloire de Christ et humilité du messager (4.6-7)

Alors que le dieu de ce siècle aveugle les pensées des incrédules (v. 4), Christ brille au sein même des ténèbres. La lumière a vaincu les ténèbres. Tout le mérite en revient donc à Dieu et non aux hommes.
Paul utilise ainsi l’image du vase de terre qui porte un trésor pour que l’attention se porte, non sur le messager, mais bien sur le contenu du message, le glorieux Évangile de Jésus-Christ.
Le vase de terre ne doit pas être interprété comme un rejet du corps considéré comme mauvais. Paul cite une image de l’Ancien Testament qui distingue le créateur de la créature [note] És 45.9 ; Jér 18.6. L’image est reprise en Rom 9.20-21[/note] .
Paul nous donne encore un enseignement essentiel concernant le témoignage de l’Évangile. Le témoin est appelé à s’effacer derrière le message. Il est parfois utile de raconter son propre témoignage de conversion, de donner les éléments qui nous ont conduits à reconnaître Jésus comme Sauveur et Seigneur. Il est alors nécessaire que Christ soit au centre, que son œuvre soit magnifiée et que nous ne cherchions pas à raconter une histoire dont nous serions le personnage principal.
Le vase de terre est façonné par le potier. Il n’est pas sans valeur, surtout si le potier est doué. Mais le mérite en revient entièrement au potier. Le vase qui transporte un trésor a une utilité réelle. Mais la vraie richesse réside dans le trésor transporté.
Paul ne nous invite pas à nous dévaloriser. Mais il rappelle la grandeur de Dieu, l’excellence du message de l’Évangile, la puissance du Saint-Esprit qui transforme des vies. Les messagers sont imparfaits, limités. Mais l’Évangile de grâce est glorieux ; c’est pourquoi il doit être mis en valeur.
Le témoin attire donc l’attention sur le véritable trésor. Les chrétiens de tous les temps ont montré des limites, des faiblesses, et ils ont commis des erreurs. Mais Dieu est venu chercher des pécheurs imparfaits et il leur accorde un plein pardon, les reconnaît justes, les appelle ses enfants et les destine à la gloire éternelle dans sa présence. Tout l’honneur revient donc au Dieu éternel et souverain.

Conclusion

Paul souligne donc à la fois la grandeur de l’Évangile et l’attitude humble du messager. Il appelle à rester fidèle à l’Évangile et à faire confiance à la puissance divine et à la beauté de l’Évangile.
Le témoin de l’Évangile est ainsi appelé à l’humilité et à la fidélité. Il est un serviteur qui désire communiquer le plus fidèlement possible le message, dans une attitude humble, droite et confiante.
Paul savait s’adapter à son public, citant les Écritures aux Juifs (Act 13.22) et un poète grec à Athènes (Act 17.28). Mais il insiste particulièrement sur l’attitude du messager et la fidélité à l’Évangile.
Il encourage ainsi à privilégier une attitude de service et un message fidèle en contraste avec des approches qui tiennent davantage du marketing que de l’Évangile. Certaines actions de témoignage ou d’évangélisation cherchent tellement à adapter le contenu de la proclamation que l’on peut se demander si nous considérons encore l’Évangile, tel qu’il a été transmis, comme un trésor… ou s’il ne doit pas être adapté aux attentes de la société pour plaire à l’auditoire.
Ce texte incite non seulement à prier pour que l’Évangile continue d’être reçu et que Christ continue d’être reconnu comme Seigneur dans toutes les nations, mais il conduit aussi le chrétien à demander à Dieu de le transformer afin qu’il devienne un témoin fidèle, dans ses paroles, son attitude, son amour et sa dépendance de Dieu.


Très tôt, l’église naissante a dû défendre la supériorité de l’Évangile face à la loi [note]Act 15.10 ; Gal 5.1[/note] . Ceux qui étaient les ministres de l’ancienne alliance (v. 6) s’opposaient violemment à l’apôtre Paul, messager de la nouvelle alliance, de l’Évangile. Les ministres de l’ancienne alliance enseignaient que certains rites, comme la circoncision, l’observance du sabbat, certaines fêtes ou règles alimentaires, etc., étaient nécessaires au salut. Vivant dans la crainte par rapport à ces judaïsants, l’apôtre Pierre a eu besoin d’une révélation spéciale de Dieu pour accepter que l’Évangile soit aussi pour les gens des nations [note]Act 10.9-28 ; 11.1-18[/note] .
Aujourd’hui, comme alors, l’Église doit être vigilante et très claire : les rituels et les cérémonies extérieures ne sont pas des moyens qui permettent d’obtenir le salut ou une meilleure grâce !
Dans cette portion de texte de la Deuxième épître aux Corinthiens (2 Cor 3.6-18), Paul va donner dix raisons pour lesquelles l’Évangile est supérieur à la loi.

1. L’Évangile est plus glorieux que la loi (v. 7-8)

Paul affirme que l’ancienne alliance est un ministère de la mort. La loi est incapable de donner la vie, elle ne sauve personne, elle permet simplement de faire prendre conscience à l’homme de son péché [note]Rom 3.20 ; 7.7 ; Gal 3.10[/note], de lui faire découvrir son besoin d’un Sauveur (Matt 1.21) et de le conduire à Christ (Gal 3.24). Mais en elle-même, elle n’a strictement aucun pouvoir. Si la loi a été glorieuse, l’Évangile est bien plus glorieux encore ! (v. 8-9)

2. L’Évangile vivifie (v. 6)

À l’inverse, l’Esprit donne la vie. À la conversion, le Saint-Esprit non seulement scelle le croyant, mais il lui communique la vie spirituelle de Dieu.
L’esprit mort de l’homme est alors vivifié pour être en communion avec Dieu. L’Évangile est ainsi une bonne nouvelle qui montre à l’homme comment recevoir le pardon de ses péchés et recevoir la vie de Dieu en lui.
Aussitôt la loi donnée par Dieu à Moïse, le peuple désobéit au premier commandement, ce qui a conduit à la mort de 3 000 Israélites (Ex 32.28) alors que, à la suite du don du Saint-Esprit et de la prédication de l’Évangile par Pierre, 3 000 personnes sont nées de nouveau et ont été baptisées (Act 2.41).

3. L’Évangile permet de voir la gloire de Dieu et la refléter (v. 7,12,18

Sous l’ancienne alliance, seul Moïse a pu s’approcher de Dieu [note]Mentionnons, entre autres, les passages suivants : Ex 3.4 ; 19.19 ; 33.21-23[/note] . Seul le grand sacrificateur pouvait entrer une fois l’an dans le lieu très saint [note]Lév 16.2,34 ; Héb 9.25[/note] , symbole de la présence de Dieu.
Sous la nouvelle alliance, nous pouvons désormais tous nous approcher de Dieu (Héb 10.19)et rechercher sa présence en tout temps et en tout lieu ! Et ainsi, nous pouvons, non seulement, voir la gloire de Dieu, mais également la refléter. La gloire de Dieu s’est reflétée sur le visage de Moïse, de manière passagère ; elle peut être reflétée désormais de manière permanente sur le visage du croyant né de nouveau (v. 18).

4. L’Évangile produit la justice (v. 9)

La loi ne pouvait rendre parfait celui qui s’approchait de Dieu (Héb 10.1). Seul Jésus-Christ peut nous rendre justes, car lui, l’homme juste par excellence, nous impute et nous donne sa justice.
Nous sommes ainsi revêtus de la justice de Dieu.
L’Évangile nous montre donc comment l’homme est déclaré juste devant Dieu.
Une fois déclarés justes, nous sommes appelés à démontrer cette justice dans la pratique (1 Jean 3.7).

5. L’Évangile est permanent (v. 11)

L’ancienne alliance était passagère ; lorsqu’elle a accompli son ministère de condamnation, elle ne pouvait rendre parfait celui qui l’observait.
La nouvelle alliance lui est grandement supérieure : elle est permanente, elle ne sera plus ni supplantée, ni dépassée. John MacArthur commente  : « Le message de l’Évangile du salut par grâce, par le moyen de la foi, est le dernier mot de Dieu à l’homme. » [note]Les Épitres de Paul, Commentaires sur le Nouveau Testament , Éditions Impact, p. 823 [/note].

6. L’Évangile donne l’espérance (v. 12)

L’ancienne alliance ne procurait aucune espérance quant au pardon des péchés : « car il est impossible que le sang des taureaux et des boucs ôte les péchés. » (Héb 10.4)
En contraste, l’Évangile donne l’espérance  : l’espérance d’un avenir glorieux dans la présence de Dieu, l’espérance d’être définitivement débarrassé de la présence du péché, de revêtir des corps glorieux et de vivre dans la sainte cité où il n’y a plus ni cris ni larmes. Notre Dieu est « le Dieu de l’espérance » (Rom 15.13) et « cette espérance, nous la possédons comme une ancre de l’âme, sûre et solide » (Héb 6.19).

7. L’Évangile donne la liberté (v. 12,17)

Fort de cette espérance, Paul use d’une grande liberté dans l’annonce de l’Évangile. Il proclame sans crainte et sans hésitation le message de l’Évangile, quoi qu’il lui en coûte [note]2 Cor 6.4-10 ; 11.23-28[/note].
L’Esprit de Dieu nous donne la liberté car il nous affranchit de l’esclavage de la loi (Rom 7.1-6), de Satan (Héb 2.14-15), de la crainte (Rom 8.15), du péché (Rom 6.2,7,14) et de la mort (Rom 8.2). Mis à part par le Saint-Esprit (1 Pi 1.2), nous avons été placés dans la liberté.

8. L’Évangile est centré sur Christ (v. 14-16,18)

L’Évangile révèle la personne qui peut tout changer, celui qui peut faire tomber le voile des Juifs aveuglés : Jésus-Christ ! Quoique les Écritures parlent de Christ (Luc 24.27), ce voile est maintenu lorsque les Juifs lisent l’Ancien Testament. Alors que les disciples d’Emmaüs cheminent avec Jésus, ils ne reconnaissent pas leur interlocuteur jusqu’à ce que leurs yeux soient ouverts [note]Luc 24.16,31[/note]  ! Ce n’est qu’au moment où les Juifs se convertissent à Jésus-Christ que ce ²voile peut être ôté.
Lorsque le Saint-Esprit le convainc de péché, tout homme, qu’il soit juif ou non, peut se repentir et placer sa foi en Jésus-Christ. Par grâce, il reçoit ainsi le pardon de ses péchés et il est scellé du Saint-Esprit. Ce n’est que lorsqu’une telle rencontre avec Jésus-Christ a eu lieu, et grâce au ministère du Saint-Esprit, que nos yeux peuvent alors discerner l’excellence de Jésus-Christ.

9. L’Évangile est clair (v. 14,15)

L’incrédulité rend l’Évangile invisible. La dureté de cœur des Juifs les empêchent de voir en Jésus-Christ le Messie annoncé. « Car Dieu, qui a dit : La lumière brillera du sein des ténèbres ! a fait briller la lumière dans nos cœurs pour faire resplendir la connaissance de la gloire de Dieu sur la face de Christ. » (4.6)
L’Évangile fait tomber les voiles et même des forteresses. Tout s’éclaircit une fois confronté à Christ et à la Parole de Dieu.

10. L’Évangile transforme (v. 18)

Le croyant peut rechercher la présence de Dieu et vivre un face à face. Ce face à face est une nécessité pour tout véritable disciple de Jésus-Christ. L’action du Saint-Esprit dans nos vies, l’action de la Parole de Dieu sur nos cœurs et la contemplation de Dieu transforment ! Rendu possible grâce au sang de Jésus-Christ, qui nous a lavés de nos péchés qui faisaient séparation avec un Dieu saint, ce face à face nous transforme.
L’expression « de gloire en gloire » indique qu’il y a des étapes et que cette transformation est progressive. Le plus beau témoignage à la suite d’une conversion, ce sont des actes qui s’enracinent en Christ. Une vie transformée par la puissance de l’Évangile parle souvent bien plus qu’une bonne prédication.


2 Corinthiens est une Épître paradoxale, car c’est une lettre à la fois bien connue et peu connue. Bien connue, car nous y trouvons nombre de versets familiers à beaucoup de lecteurs. En voici quelques-uns :
• « Notre capacité vient de Dieu. » (3.5)
• « Nous portons ce trésor dans des vases de terre. » (4.7)
• « L’amour de Christ nous presse. » (5.14)
• « Grâces soient rendues à Dieu pour son don merveilleux ! » (9.15)
• « Ma grâce te suffit. » (12.9)
• « Quand je suis faible, c’est alors que je suis fort. » (12.10)
Et nous pourrions allonger la liste — jusqu’au dernier verset, bénédiction souvent prononcée ou chantée en fin de culte : « Que la grâce du Seigneur Jésus-Christ, l’amour de Dieu, et la communion du Saint-Esprit, soient avec vous tous ! » (13.13).

Toutefois, la trame générale de la lettre reste souvent méconnue : Paul y traite d’abord et avant tout le sujet de la contestation de son ministère par les Corinthiens. Tout en poursuivant ce thème principal plutôt sombre, l’apôtre s’interrompt pour faire un développement annexe, ouvre une parenthèse, fait une application.
Cette trame est discernable y compris dans les parties les plus souvent lues.

Voici un exemple :
« C’est pourquoi, ayant ce ministère selon la miséricorde qui nous a été faite, nous ne perdons pas courage. Nous rejetons les choses honteuses qui se font en secret, nous ne nous comportons pas avec ruse, et nous n’altérons point la parole de Dieu. Mais en publiant la vérité, nous nous recommandons à toute conscience d’homme devant Dieu. Si notre Évangile est encore voilé, il est voilé pour ceux qui périssent, pour les incrédules dont le dieu de ce siècle a aveuglé l’intelligence, afin qu’ils ne voient pas briller la splendeur de l’Évangile de la gloire de Christ, qui est l’image de Dieu. Nous ne nous prêchons pas nous-mêmes ; c’est Jésus-Christ le Seigneur que nous prêchons, et nous nous disons vos serviteurs à cause de Jésus. Car Dieu, qui a dit : La lumière brillera du sein des ténèbres ! a fait briller la lumière dans nos cœurs pour faire resplendir la connaissance de la gloire de Dieu sur la face de Christ. » (4.1-6)
Les portions mises en rouge paraissent a priori incongrues et difficiles à interpréter si elles ne sont pas rattachées au thème général de la lettre. En la lisant, il nous faut donc changer de perspective et la voir avant tout comme un plaidoyer de Paul pour son ministère face à ses accusateurs. C’est le seul moyen d’en percevoir la cohérence et de correctement interpréter dans leur contexte nos versets préférés.

La situation de l’église de Corinthe

Les échanges entre Paul et les Corinthiens furent nombreux et complexes, donnant lieu à au moins 5 lettres et 5 visites[note]L’hypothèse d’une première lettre (« 0 » Corinthiens) et d’une troisième (« 1,5 » Corinthiens) est soutenue par de nombreux commentateurs. Cf. Craig Blomberg,  1 Corinthians, NIVAC, p. 22 ; Thomas Schreiner, 1 Corinthiens, MB, p. 38 ; David Garland, 2 Corinthians, NAC, p. 25-27. »[/note]. Le tableau page suivante tente de les résumer.

Les suites de la visite rapide de Paul

Lorsque Paul, depuis la Macédoine, rédige 2 Corinthiens, la situation de l’église s’est éclaircie.
Après lui avoir envoyé sa première lettre, Paul avait dû faire une visite rapide à Corinthe à partir d’Éphèse au cours de laquelle il avait fait face à une forte contestation. Qui s’était opposé à lui ? L’incestueux de 1 Corinthiens 5 ? Un des leaders de l’église ? En tout cas, Paul y fait allusion en affirmant qu’il lui a pardonné (2.5,10).
Après la réception d’une lettre sévère de Paul (7.8) et grâce au ministère de Tite, l’envoyé de l’apôtre, la réaction de l’église a été saine : elle a pris les mesures disciplinaires qui s’imposaient envers l’opposant de Paul : « Cette même tristesse selon Dieu, quel empressement n’a-t-elle pas produit en vous ! Quelle justification, quelle indignation, quelle crainte, quel désir ardent, quel zèle, quelle punition ! Vous avez montré à tous égards que vous étiez purs dans cette affaire. » (7.11)

Les super-apôtres[note]C’est ainsi que les versions NBS, S21, BFC, Semeur, etc., traduisent l’expression « les apôtres par excellence » de la NEG (11.5). [/note]

Malheureusement, un grave problème subsistait : l’église de Corinthe accueillait des enseignants qui contestaient le ministère de Paul. Il n’est pas facile de cerner avec précision qui ils étaient ni ce qu’ils enseignaient. Dans un sens, ce flou nous profite car il donne à la lettre un caractère général et la rend applicable dans une grande variété de situations, ce qui serait sans doute moins le cas si Paul avait été plus spécifique. Quoi qu’il en soit, l’objectif majeur de l’apôtre est de contrer leur influence toxique et d’avertir l’église.
Notons que Paul ne s’adresse jamais à eux, mais à l’église qui les a accueillis. Chaque église est responsable du leadership qu’elle suit et c’est à elle de prendre les mesures nécessaires.

D’où venaient les super-apôtres ?

• Ils étaient, semble-t-il, originaires de Palestine et non de Corinthe. Ils revendiquaient avec fierté leur judaïté : « Sont-ils Hébreux ? Moi aussi. Sont-ils Israélites ? Moi aussi. Sont-ils de la postérité d’Abraham ? Moi aussi. » (11.22)
• Sans doute plusieurs avaient-ils vu le Christ ressuscité et s’en glorifiaient-ils (cf. 5.16).
• Ils disposaient de lettres de recommandation plus ou moins authentiques (cf. 3.1 ; 10.12).
• Leur ministère n’était cependant pas validé par les vrais apôtres : la lettre circulaire rédigée en conclusion du concile de Jérusalem environ 7 ans auparavant précisait : « Ayant appris que quelques hommes partis de chez nous, et auxquels nous n’avions donné aucun ordre, vous ont troublés par leurs discours et ont ébranlé vos âmes… » (Act 15.24). Cette remise en cause ne les avait pas empêchés de sévir à Corinthe.
• Ils prétendaient être à Christ de manière spéciale (cf. 10.7). Peut-être étaient-ils les leaders du « parti de Christ » auquel Paul avait fait allusion en 1 Corinthiens 1.12.

Sous quelles influences étaient les super-apôtres ?

• Des influences juives : ils prônaient un retour vers la loi, méconnaissant le changement introduit par la nouvelle alliance (cf. 3.7-18).
• Des influences grecques : ils accordaient une grande importance à la forme et à la puissance rhétorique et ils méprisaient Paul dont ils jugeaient la présence faible et la parole méprisable (10.10).
• Des influences mystiques : ils se glorifiaient de révélations directes du Seigneur qu’ils auraient reçues (cf. 12.1).

Quelle était la conduite des super-apôtres ?

• Elle était intrusive : ils avaient subrepticement pénétré dans la sphère d’activité de Paul pour la récupérer à leur profit (cf. 10.15).
• Elle était dominatrice  : Paul constate  : «  Si quelqu’un vous asservit, si quelqu’un vous dévore, si quelqu’un s’empare de vous, si quelqu’un est arrogant, si quelqu’un vous frappe au visage, vous le supportez. » (11.20)
• Elle était cupide : dans l’Antiquité, plus un maître faisait payer ses élèves, plus son enseignement était jugé de qualité. Les exigences financières des super-apôtres étaient élevées, face à Paul qui avait annoncé gratuitement l’Évangile (11.7).

Quelle est l’opinion de Paul sur les super-apôtres ?

Le jugement de l’apôtre est très sévère : pour lui, ils sont de faux docteurs qui enseignent un évangile frelaté (cf. 2.17 ; 11.4). Il va même jusqu’à dire que de tels hommes sont « de faux apôtres, des ouvriers trompeurs, déguisés en apôtres de Christ », des ministres de Satan déguisés en ministres de la justice dont la « fin sera selon leurs œuvres » (11.13-15). À la lumière de ce texte, on peut se demander si, pour Paul, ces hommes ont vraiment la vie de Dieu…

La triple occasion de la lettre

En écrivant à l’église de Corinthe, Paul visait un triple but :
• Tout d’abord, il devait régler le problème lié à sa visite rapide et à sa lettre sévère : il devait affirmer qu’il n’avait pas de ressentiment, faire part de sa joie à l’écoute du témoignage de Tite lui rapportant que la situation avait été réglée et défendre son ministère face aux attaques.
• Ensuite, dans le cadre de la préparation de la collecte que Paul voulait ramener à Jérusalem, il devait stimuler les Corinthiens à être généreux, en instaurant une saine émulation entre les églises de Grèce, d’Achaïe et de Macédoine. Il devait également les rassurer sur la bonne gestion de la collecte.
• Enfin, il devait avertir fermement les Corinthiens par rapport aux super-apôtres. Il va ainsi se trouver dans la situation paradoxale d’être obligé de se défendre, sinon il sera accusé de faiblesse. Mais Paul est peu désireux de se mettre en avant, sinon il sera accusé de se vanter. Il est donc sur une crête très étroite et il s’en sort en disant en substance : « Vous voyez, je suis obligé de parler comme un insensé ; vous m’y contraignez parce que je suis obligé de me défendre mais je n’ai pas envie de me mettre en avant. » Grâce à cette astuce rhétorique, Paul met au jour le danger que représentent ces super-apôtres tout en préparant sa venue future, en demandant aux Corinthiens de prendre les mesures nécessaires contre eux.
Cette triple occasion de la lettre permet d’y distinguer trois grandes parties : ch. 1 à 7, 8 et 9 puis 10 à 13 (cf. plan en annexe).

Deux thèmes majeurs de la lettre

La Seconde Épître aux Corinthiens couvre moins de thèmes que la Première. Deux thèmes se détachent néanmoins particulièrement.

Des aspects uniques de Christ

2 Corinthiens présente de façon touchante et parfois unique des aspects de la personne et de l’œuvre de Jésus-Christ :
1. Christ est unique dans son sacrifice  :
• Il est la substitution pour nos péchés, comme l’affirme un des textes les plus profonds de toute la Bible : « Celui qui n’a point connu le péché, il l’a fait devenir péché pour nous, afin que nous devenions en lui justice de Dieu. » (5.21)
• En lui, nous trouvons ce que John Stott appelle à juste titre « l’auto-substitution de Dieu [note]John Stott, La croix de Jésus-Christ , EBV, 1988, p. 127-155.[/note]  » : « Dieu était en Christ, réconciliant le monde avec lui-même, en n’imputant point aux hommes leurs offenses. » (5.19)
2. Christ est unique dans son abaissement volontaire pour nous :
• Il s’est fait volontairement pauvre : « Vous connaissez la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ, qui pour vous s’est fait pauvre, de riche qu’il était, afin que par sa pauvreté vous soyez enrichis. » (8.9)
• Il s’est fait volontairement faible : « Il a été crucifié dans la faiblesse. » (13.4, NBS)
3. Christ est unique, mais il peut être vu dans les siens :
• Les chrétiens sont transformés par la contemplation de sa personne : « Nous tous dont le visage découvert reflète la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en la même image, de gloire en gloire, par l’Esprit du Seigneur. » (3.18)
• Les chrétiens, à la suite de Paul, peuvent suivre son exemple : « Moi Paul, je vous prie, par la douceur et la bonté de Christ » … (10.1).

Le ministère chrétien

Le second thème, trame principale de la lettre, est l’apologie du vrai ministère chrétien. Le vrai serviteur de Christ :
• Imite Jésus Christ en acceptant paradoxes et souffrances sans chercher son intérêt personnel : « Moi, très-volontiers je dépenserai et je serai entièrement dépensé pour vos âmes, si même, vous aimant beaucoup plus, je devais être moins aimé. » (12.15, Darby) ;
• Prêche la pure Parole de Dieu — ce qui, aujourd’hui, signifie rester fidèle à la Parole apostolique (cf. 2.17) ;
• Accepte les responsabilités pour combattre quand cela est nécessaire (10.4-6) ;
• Développe un cœur de berger en s’intéressant au collectif comme à l’individuel : « Je suis assiégé chaque jour par les soucis que me donnent toutes les Églises. Qui est faible, que je ne sois faible ? Qui vient à tomber, que je ne brûle ? » (11.28-29) ;
• Est équilibré en tout  : humble sans être servile, doux sans être faible, flexible sans être influençable (cf. 4.8-10 ; 6.3-10 ; 10.17).

L’impact de la lettre

Quels furent les effets de la lettre ? Ils sont peu explicites à la lecture du livre des Actes. À tout le moins, la collecte a dû être suffisante pour que Paul la porte à Jérusalem et le climat a dû être suffisamment paisible pour que Paul puisse rédiger l’Épître aux Romains pendant son séjour. Et puis Paul n’a pas jugé nécessaire, semble-t-il, de rédiger un « 3 Corinthiens » !
Au-delà de cet impact historique, 2 Corinthiens aura un impact aujourd’hui si la lecture de cette lettre nous conduit à nous engager hardiment dans le service du Seigneur, en imitant Paul qui lui-même imitait si bien son Maître.

 

Annexe : un plan pour 2 Corinthiens

Sans rentrer dans tous les détails du plan, il est nécessaire d’indiquer que la première partie des ch. 1 à 7 comporte une grande parenthèse courant de 2.14 à 7.4. En effet, 7.5 semble continuer directement le thème couvert jusqu’en 2.13 :

La défense de la conduite de Paul (1. 11 – 2. 13)

Paul ne trouve pas Tite à Troas et part en Macédoine
2. 12-13 : Or , étant arrivé dans la Troade pour l’Evangile de Christ, et une porte m’y étant ouverte dans le Seigneur, je n’ai point eu de repos dans mon esprit, parce que je n’ai pas trouvé Tite, mon frère ; mais, ayant pris congé d’eux, je suis parti pour la Macédoine.

Parenthèse : La nature du ministère (2. 14 – 7. 4)

La défense de la lettre écrite par Paul (7.5-16)

Paul lutte en Macédoine en attendant Tite qui arrive finalement 7. 5-6 : Car aussi, lorsque nous arrivâmes en Macédoine, notre chair n’eut aucun repos, mais nous fûmes affligés en toute manière : au dehors, des combats ; au-dedans, des craintes.
Mais celui qui console ceux qui sont abaissés, Dieu, nous a consolés par la venue de Tite.

Salutation et bénédiction  1.1-11
Adresse  1.1-2
Bénédiction  1.3-11

A. La défense du ministère 1.11-7.16
1. La défense de la conduite de Paul  1.12-2.13
L’explication du changement des plans de Paul  1.12-2.4
Le pardon du frère offenseur 2.5-11
L’absence de Tite à Troas  2.12-13
2. La nature du ministère  2.14-7.4
La gloire du ministère  2.14-4.6
La fragilité du ministre 4.7-5.10
Le message du ministre  5.11-6.10
L’appel du ministre à l’amour et à la sainteté  6.11-7.4
3. La défense de la lettre écrite par Paul 7.5-16
La rencontre avec Tite en Macédoine  7.5-7
La lettre sévère et la tristesse positive produite  7.8-16

B. La collecte pour les chrétiens de Jérusalem  8.1-9.15
1. La nécessité de la collecte 8.1-15
L’exemple stimulant des Macédoniens  8.1-5
L’exhortation motivée aux Corinthiens  8.6-15
2. La mission de Tite et des deux frères à Corinthe 8.16-9.5
La recommandation de Tite et des deux frères par Paul 8.16-24
L’attente de Paul 9.1-5
3. Les principes de la générosité chrétienne 9.6-15
Le bénéfice pour le donateur  9.6-11
La louange à Dieu par les bénéficiaires  9.12-15

C. L’autorité de Paul face à ses adversaires 10.1-13.10
1. L’autorité de Paul face à ses adversaires .. 10.1-18
Les armes utilisées par Paul  10.1-6
L’attitude cohérente de Paul  10.7-11
L’ampleur du champ d’activité de Paul 10.12-18
2. La supériorité de Paul face à ses adversaires  11.1-12.13
La supériorité de Paul dans sa prédication et sa conduite  11.1-15
La glorification forcée de Paul  11.16-12.13
3. La prochaine visite de Paul  12.14-13.10
Le désintéressement de Paul 12.14-18
Les craintes de Paul sur la situation des Corinthiens lors de sa visite  12.19-21
Les avertissements de Paul sur l’exercice possible de sa discipline apostolique  13.1-10

Exhortations finales, salutations et vœux .. 13.11-13

 


En lisant d’une seule traite la deuxième Épître de Paul aux Corinthiens, on a l’impression de lire une lettre d’amour (faites le test !). L’apôtre réaffirme plusieurs fois et avec éloquence sa grande affection pour les Corinthiens, ainsi que ses déceptions : ses émotions fluctuent comme sur des montagnes russes ! Le flot rapide et les propos de la lettre lèvent le voile sur ses sentiments profonds.
L’apôtre s’est mis au diapason du cœur de Dieu, en serviteur exemplaire de son Seigneur. Dans l’Ancien Testament, on trouve souvent le thème de la désobéissance d’Israël, comparé à une prostituée lorsqu’il abandonne Dieu, son premier amour, pour se tourner vers les idoles. C’est un peu le même schéma qui se reproduit ici. L’apôtre Paul rappelle son travail inlassable pour édifier l’église de Corinthe et donne des preuves de son amour envers elle. Il montre aussi la peine qu’il a de les voir se détourner vers de faux apôtres aux doctrines alternatives. Se considérant comme un instrument dans la main de Dieu, il n’hésite pas à hausser le ton pour les ramener à l’unique Évangile.
Qu’à l’occasion de ce numéro sur 2 Corinthiens, nous réalisions de manière concrète, comme Paul, que « l’amour de Christ nous étreint » (5.14, Darby) ! C’est dans ses faiblesses et ses épreuves extrêmes que l’apôtre reflétait le mieux la gloire divine. Que cela nous encourage ! Pleinement conscients de notre nouvelle identité, nous vivrons alors comme des « ambassadeurs pour Christ » (5.15-20).