PROMESSES
Le chapitre 11 du livre de la Genèse retrace l’histoire des descendants de Noé qui rêvèrent d’élever une tour immense pour accéder au ciel. Leur projet échoua, et tourna en crise universelle. Mais l’histoire nous atteste que l’homme n’en a pas moins cherché à s’affranchir de Dieu en lui disputant sa prééminence.
Comme à Babel, le sentiment de supériorité que donne la mutualisation des efforts du plus grand nombre est toujours d’un grand confort pour l’orgueil humain ! C’est un motif, pour les créatures que nous sommes, de reléguer au rang de l’accessoire et du démodé la notion de Dieu.
Ne sourions donc pas de la péripétie de Babel : rien de plus actuel que cette entreprise. Des bâtisseurs semblables s’affairent énergiquement de nos jours1. Aux hommes du xxie siècle comme à ceux de l’Antiquité, la raison et l’indépendance semblent encore supérieures à l’obéissance et à la foi. La technique omniprésente rayonne, la connaissance augmente, et le religieux est appelé à s’y conformer.
Les architectes du pouvoir
Comme à Babel, les hommes, présumant posséder des atouts suffisants pour se diriger et s’épanouir, font facilement crédit aux « constructeurs » politiques, aux technocrates, aux experts, aux philosophes, et l’on en passe. Opportunistes, les inspirateurs et les leaders de nos Babels contemporaines exploitent cette démangeaison d’autosuffisance pour la tourner à leur profit. Gourous dont l’objectif inlassablement poursuivi est de rallier à eux-mêmes le plus grand nombre, ils ne manquent pas de faire valoir leurs mobiles humanistes ou humanitaires.
Ces meneurs cultivent l’art d’assurer leur pouvoir. Ils flattent pour mieux débaucher, font mine d’accueillir favorablement toutes les tendances — mais savent exclure ceux qui les dérangent. Ils excellent à assouplir la morale et à cautériser les derniers scrupules des consciences — mais ils ne manquent pas de culpabiliser les irréductibles. Leur supériorité autoproclamée leur fait négliger, voire mépriser, ceux qui ne s’alignent pas sur leur programme.
Babel dans nos églises ?
L’Écriture nous met aussi en garde contre l’infiltration et l’influence de dangereux bâtisseurs au cœur de nos églises2. Leurs stratégies et attitudes sont variées :
– Ils peuvent se montrer intransigeants. Ceux qui les entravent dans la construction de « leur tour » seront exclus. Leur violente réaction de rejet s’explique : les récalcitrants leur donnent en effet la désagréable impression d’un rappel à l’ordre permanent, et leur conscience en est agacée. Les « perturbateurs » leur tendent involontairement un miroir qu’ils estiment impératif de briser.
– Ils peuvent essayer de soumettre leurs détracteurs en jetant le doute sur le bien-fondé des positions de ces derniers ou sur leurs compétences — n’est-ce pas une manière détournée de se rendre soi-même plus recommandable ?
C’est un travail de longue haleine que celui auxquels s’astreignent ces « faux docteurs ». Au sein de l’Église, ils choisissent de miner la doctrine chrétienne en survalorisant tout ce qui plaît à l’homme charnel, au « vieil homme [qui] se corrompt par les convoitises trompeuses » (Éph 4.22). Leur aspiration à un pouvoir sans partage est en effet renforcée par les tendances naturelles de leurs disciples trop humains. En particulier, par le besoin d’appartenir à un groupe où « il se passe quelque chose », où l’on favorise une religiosité bon enfant, où l’on éprouve la sensation de n’avoir pas quitté l’Église authentique et de faire bel et bien partie d’une « famille spirituelle ». Ce mimétisme entretenu a un côté rassurant : les nouvelles recrues retrouvent un vocabulaire familier assorti d’une « nouvelle lecture » des textes bibliques pour une « nouvelle compréhension », d’une actualisation de la pensée biblique avec tous les ajouts et faire-valoir de notre société profane.
La pédagogie employée par ces « cadres » n’est pas nouvelle : elle appartient à l’arsenal classique du « père du mensonge ». Comme d’habitude, on voit se développer, sournoisement, une force d’opposition à la vérité. Or, depuis le jardin d’Éden, nombreuses sont les armes de séduction de Satan : la tromperie, la perversion des règles édictées par Dieu, la manipulation de la vérité. Les faux apôtres sont donc en réalité « des hommes qui s’opposent à la vérité, étant corrompus d’entendement, réprouvés en ce qui concerne la foi. » (2 Tim 3.9)
Bien souvent, leurs manœuvres commencent par la dispersion d’un poison qui trouble les chrétiens et dont il est difficile de se débarrasser : le relativisme (« Dieu a t-il réellement dit ? » Gen 3.1). Ce « levain » de doute a pour complices naturels la mentalité et les « paradigmes » du monde !
L’élitisme à l’assaut de l’Église
L’épisode de la tour de Babel est la concrétisation d’une attitude générale qui reste intacte chez tous les hommes au travers des millénaires : la démangeaison de rivaliser avec Dieu et l’illusion de la grandeur de ce combat. D’où tant de prétentions à la possession d’une connaissance supérieure3. Mais cette « sagesse » ne reflète rien de plus que ce qui sort instinctivement du cœur humain non régénéré par l’Esprit de Dieu. Les conducteurs de cette humanité-là manifestent tôt ou tard des comportements répréhensibles : « …entraînés par leurs rêveries, [ils] souillent leur chair, méprisent l’autorité et injurient les gloires [et] parlent d’une manière injurieuse de ce qu’ils ignorent… » (Jude 8,10) Ainsi naissent de nouvelles hérésies prônées par de faux prophètes adulés par ceux qu’ils ont dupés.
Cette mainmise sur les âmes est non seulement bâtie sur le mensonge, mais elle se perpétue également par le mensonge : flatteries en permanence ; manipulation de la crédulité des fidèles ; ouverture de nouveaux chemins vers le bien-être et l’auto-rédemption promis. C’est au prix de tels stratagèmes que la fausse « science » prend la place de l’autorité divine.
Notre contre-attaque
L’ennemi du genre humain cherche à creuser un gouffre infranchissable entre Dieu et sa créature. Il mettra même tout en œuvre pour faire douter les chrétiens du bien-fondé de leur engagement, et pour leur prouver que l’herbe est plus verte ailleurs !
C’est pourquoi le croyant fidèle ne peut vivre qu’à contre-courant de cette société soumise au diable. Mais rassurons-nous : Satan sera rendu impuissant si la Parole est obéie et suivie. Toute obéissance à Dieu est en effet destructrice des œuvres du diable4. Nous désamorçons efficacement les ruses de Satan en offrant nos vies à Dieu et en refusant « tout discours vain et profane, les disputes de la fausse science dont font profession quelques-uns qui se sont ainsi détournés de la foi » (1 Tim 6.20-21).
Il y a toujours péril à prêter l’oreille à un « autre Évangile » (Gal 1.6-7), car telle nouveauté mine la vérité scripturaire, compromet le témoignage de l’Église et fait perdre de vue notre Seigneur et Sauveur. Nous n’avons pas de part avec « ceux du dehors » : on ne marchande pas avec la perversité ! Face aux nombreuses tours de Babel modernes, édifiées par l’orgueil des hommes et soutenues par les partisans de la « mort de Dieu », il n’existe qu’une seule réponse : glorifier Dieu dans notre corps et notre esprit qui appartiennent à Dieu5.
La fin de l’épopée de Babel nous montre des ambitieux rendus muets et impuissants. Dieu intervient et démunit leurs chefs de leur influence prestigieuse en les privant de leur « ciment » communautaire : la parole. Quant à nous, il ne nous appartient pas de faire cesser par la force toutes les entreprises diaboliques de notre temps, mais la Bible ne dit-elle pas que par notre témoignage fidèle nous fermerons la bouche des incrédules6 et — qui sait ? — peut-être pourrons-nous en amener quelques-uns aux pieds du Sauveur.
1Voir Ps 2.
2Cf. Mat 15.8,9 ; 24.5,11,24 ; 1 Tim 1.7 ; 4.2 ; 6.3-5 ; 2 Tim 4.3 ; Tite 1.11,16 ; 2 Pi 2.1-22 ; Jude 3-19.
31 Cor 1.17-2.1.
41 Jean 3.8 ; 5.3-5, 18.
51 Cor 6.20.
61 Pi 2.12,15,16 ; 3.15,16.
L’apôtre Jean, dans sa révélation des temps à venir, annonce la couleur : l’Apocalypse est le livre des événements qui sont annoncés « pour bientôt » (Apoc 1.1).
Cette approche de la fin des temps semble faire naître toutes sortes de spéculations ; des curieux, en quête d’extraordinaire, se livrent à des recherches et à des calculs étranges.
Et objectivement, aujourd’hui plus que jamais, une conjonction de déterminants dans la vie politique, sociale, culturelle et économique se conjuguent en une trajectoire inquiétante. Qui ne voit pas évoluer la crise ? Qui ne la subit pas ?
Primitivement, le mot « crise » était réservé à la médecine. Il décrivait ce qui s’était déclaré au cours d’une maladie, notamment les phénomènes particuliers touchant le corps et l’âme. On évoquait la crise de goutte ou encore la crise de nerfs. Plus tard, par extension, le mot « crise » a été utilisé au sens figuré pour désigner un moment périlleux ou décisif lors d’événements ou d’incidents vérifiables et vivement ressentis.
Le mot « crise » allait dès lors prendre ses quartiers dans tous les domaines : industriel, familial, ministériel, éducatif… jusqu’aux crises de la nature, nom donné aux grandes convulsions qui surviennent sur le globe terrestre.
Le côté inquiétant de la crise et le fort sentiment d’impuissance qui l’accompagne ne sont pas niés dans ce nouveau numéro de Promesses. La crise est en effet l’indicateur irréfutable des errements des hommes. Le principe de causalité est à nouveau démontré : « Ce qu’un homme aura semé, il le moissonnera aussi. » (Gal 6.5)
En regard de tout cela, ce numéro s’attache à montrer que rien n’échappe au regard du Créateur. L’Apocalypse n’a pas été écrite pour les curieux, mais pour les croyants : l’avenir appartient à Dieu !
Bernard Cousyn
Si le livre des Psaumes a une place centrale dans la Bible, n’est-ce pas parce qu’il est formé d’une compilation de textes composés par des auteurs marqués par certaines de leurs expériences ?
On y trouve, par exemple, l’exaltation que procure la rencontre avec le Dieu créateur, mais aussi le découragement face à l’adversité. On y entend des louanges envers le Dieu sauveur, mais aussi l’aveu d’un besoin de consolation dans le creuset de l’épreuve.
Ailleurs s’exprime l’épanchement honnête d’un cœur devant Dieu, mais en même temps la crainte que suscite un Dieu juste.
Ou encore, on découvre l’expression du bienfait lié à la proximité du Seigneur, tout autant que la difficulté que l’on éprouve à s’approcher de lui…
Que de richesses ! Tous ces témoignages personnels rendent les Psaumes si proches de nous, si actuels, si universellement vrais !
Ce numéro de Promesses vous propose un survol des motifs qui jalonnent les Psaumes, dans lesquels s’inscrit la réalité de la vie, partout sous-jacente. Vous y trouverez également une sélection de quelques Psaumes particulièrement réconfortants. Vous constaterez enfin que Promesses n’élude pas les questions que soulèvent certains textes déroutants.
Que cette lecture puisse vous convaincre que le message véhiculé par les Psaumes est approprié à notre époque et qu’il a la faculté d’infuser notre quotidien.
« Tout ce qui a été écrit d’avance l’a été pour notre instruction, afin que par la patience et la consolation que donnent les Écritures nous possédions l’espérance. » (Rom 15.4)
« Ainsi aussi la langue est un petit membre et elle se vante de grandes choses. Voici, un petit feu, quelle grande forêt allume-t-il ! Et la langue est un feu. » (Jac 3.5)
Notre société, qui prône la liberté d’expression, semble avoir enfanté deux maîtres en la matière :
– le premier nommé « blabla » n’a qu’une doctrine : tout le monde a la parole ;
– le deuxième, « brouhaha », le bien-nommé, permet à tous de parler en même temps.
Le premier maître inspire ceux qui, n’ayant rien à dire, dissertent longuement et s’égarent dans un dédale de banalités. Le second pousse ceux qui pensent avoir un message à délivrer à le ressasser imperturbablement.
Parler pour ne rien dire
Comment s’y retrouver dans cet imbroglio où n’importe qui peut parler sur n’importe quoi, n’importe comment et à n’importe quel moment ?
Comment ne pas discerner à travers cette incontinence verbale le caractère et les intentions de ceux qui en sont atteints ? Ainsi on reconnaît aisément ceux qui occupent le terrain de peur qu’on ne les oublie ; ceux qui se font remarquer par leurs attaques verbales sans scrupules ; ceux qui osent des affirmations non fondées ; ceux qui imposent des points de vues marginaux, etc.
Tous ces cas de figures sont des produits directs de l’ouverture à tout-va des frontières du domaine universellement convoité : « la prise de parole ». La sagesse biblique nous rappelle « qu’il y a un temps pour se taire et un temps pour parler. » (Ecc 3.7)
Un don de Dieu
La lecture des premiers chapitres de la Genèse nous invite à conclure que la fonction première des oreilles que l’homme a reçues du Créateur est d’écouter la voix de Dieu. De même le langage nous a été donné pour entrer en conversation avec notre Dieu et pour nommer les choses ; et que dire de nos yeux dont le rôle est de contempler les merveilles de la Création, en une espèce de dialogue sans paroles entre les beautés de la nature et l’enthousiasme qu’elles suscitent ?
Nous avons depuis longtemps quitté les rives du jardin d’Eden, mais il nous reste quelque chose de nos précieuses facultés originelles : quel usage pouvons-nous espérer en faire, dans un monde marqué par la présence du péché ?
Faut-il nous souvenir que les paroles que l’on dit n’ont de sens que si elles expriment une pensée élaborée au préalable ? Ainsi, pour que nos discours ne soient ni blessants, ni du vent, il est nécessaire d’avoir conscience de leur contenu. Celui-ci est en effet trop facilement déformé dans son expression par sa pire ennemie: la précipitation.
« La voix de l’insensé se reconnaît par la multitude de ses paroles. » (Ecc 5.2) Par contre, « celui qui ferme ses lèvres est un homme intelligent. » (Pr 17.27)
Dans nos temps, qui exaltent la communication à tout prix et sous toutes ses formes, les avertissements concernant l’inflation verbale ont pris un relief étonnant : « En des temps comme celui-ci, sage est celui qui se tait, car les temps sont mauvais. » (Amos 5.13)
Toutefois, se cantonner dans le silence ne constitue pas l’alternative aux creux bavardages. Dieu nous encourage à une saine et utile pratique de la communication : « On éprouve de la joie à donner une réponse de sa bouche. Combien est agréable une parole dite à propos. » (Pr 15.23)
Pour que cet exercice soit pleinement réussi, il y a une condition essentielle : être soi-même nourri par la Parole de Dieu, et y être soumis, car « c’est l’Eternel qui donne une langue exercée pour que l’on sache soutenir celui qui est abattu. » (Es 50.4)
Bernard Cousyn, retraité et anciennement professeur en mathématique, est marié à Danièle, et père de 3 enfants. Il était ancien dans une grande assemblée évangélique au nord de la France. Il fait partie du comité de Promesses et est dans notre équipe depuis la fondation de notre revue en 1967. Enseignant de la Parole, il est un conférencier apprécié.
« Faites de toutes les nations des disciples. » (Mat 28.l9) C’est un lieu commun de dire que les disciples dont il est question prennent le « parti de Dieu » avec tous les privilèges attachés à leur nouvelle vocation, sans oublier le désir puissant de montrer leur amour pour Dieu en gardant ses commandements (1 Jean 5.3). Ces disciples, dont la communauté est identifiée dans les Écritures comme étant l’Église, auront donc à cœur, individuellement et collectivement, de maintenir et de perfectionner les critères vitaux de leur engagement :
« Les disciples s’attachaient à écouter assidûment l’enseignement des apôtres, à vivre en communion les uns avec les autres, à rompre le pain et à prier ensemble. » (Act 2.42) Ces quatre directions, signalées dès la fondation de l’Église, sont à même d’authentifier et de vivifier notre foi. Chacun des quatre axes cités dans ce verset est une synthèse de ce qui paraît essentiel de retenir et d’entretenir. Chacune de ces affirmations a évidemment généré dans tous les âges une multitude de messages explicatifs et une abondante littérature développant ces thèmes. Notre propos ici a la modeste ambition d’être un rappel, en insistant sur quelques aspects exhortatifs, sans vouloir être exhaustif.
1. « Ils s’attachaient à écouter attentivement l’enseignement des apôtres »
« Quand on découvre tes paroles, c’est la lumière. » (Ps 119.130) Il n’est pas étonnant de trouver en premier lieu l’importance de la Parole. La formulation nous invite à prendre une place très « scolaire » d’apprentissage du contenu des Écritures, avec notre adhésion nécessaire à une grande constance dans la démarche.
Le texte original dit « qu’ils persévéraient dans la doctrine des apôtres » (Act 2.42). « Persévérer » implique « écouter assidûment », mais aussi « apprendre, s’instruire et vivre l’enseignement des apôtres ».
La doctrine des apôtres est la transmission de l’enseignement du Christ (Jean 14.25-26 ; 16.13). Or le Christ se référait constamment à l’A.T., à la loi, aux prophètes et aux Psaumes (Luc 24.27,44). Les apôtres, témoins oculaires de la vie, de la mort et de la résurrection du Seigneur, n’enseignaient rien d’autre que « la doctrine de Christ » (1 Jean 4.6). En conséquence, « quiconque connaît Dieu, écoute aussi les apôtres » (1 Jean 4.6). Cet enseignement comprend également l’A.T., la Torah avec le sens de l’instruction, y compris les Prophètes et les Psaumes. La doctrine biblique occupait donc une place on ne peut plus importante dans l’Église primitive. Cette doctrine des apôtres — celle de Christ — était d’abord axée sur les trois points centraux : « Jésus est le Christ » (Act 3.13-18), Jésus est ressuscité d’entre les morts (Act 1.22 ; 2.24,26), le salut est par la foi en son nom (Act 2.38 ; 3.16 ; 4.12).
Nous ajoutons que cet enseignement apostolique est christologique : « Personne ne peut poser un autre fondement que celui qui a été posé, savoir Jésus-Christ. » (1 Cor 3.11) « Vous avez été édifiés sur le fondement des apôtres et des prophètes, Jésus-Christ étant lui-même la pierre de l’angle. » (Éph 2.20)
Finalement Paul, l’apôtre des nations choisi par Dieu, nous a laissé ses épîtres qui font partie de la doctrine des apôtres.
L’enseignement des apôtres n’est fondé ni sur des émotions, ni sur des circonstances, mais sur toutes les Écritures saintes (A.T. et N.T.), divinement inspirées pour « enseigner, convaincre corriger et instruire dans la justice » (2 Tim 3.16).
Précisons encore que cet enseignement des apôtres concerne toute la Bible et rien que la Bible, Parole de Dieu1.
2. « Ils s’attachaient à vivre en communion les uns avec les autres »
L’explosion numérique constatée après l’annonce de l’Evangile (Act 2.41) a développé l’Église. Dès le début, les apôtres ont eu conscience que pour cette « mini-société » en formation, ils devaient répondre à une double exigence :
– structurer et gérer l’Église, sans la transformer en une organisation pure et simple
– canaliser et s’adapter face au flux des fidèles, et ne pas tomber dans le flou et l’anarchie.
« Vous êtes le corps de Christ, et vous êtes ses membres chacun pour sa part. » (1 Cor 12.27) « La crainte » (Act 2.43) qui saisissait les croyants, dénote la gravité et le sérieux qui caractérisaient les participants — nouveaux ou non — quant à leur implication dans la vie de l’Église qui est le « corps de Christ ». Dans sa sagesse, le Seigneur a voulu que l’une des motivations de notre vie chrétienne soit de participer activement, les uns à côté des autres, à la construction de l’Église.
La lisibilité de l’Église est à ce prix :
– l’authenticité de la vie de ses membres,
– la qualité de leur accueil,
– leur amour fraternel sincère.
C’est la démonstration sans complexe que la vie par la foi est une aventure exceptionnelle.
La communion fraternelle participe au rayonnement de l’Église et se concrétise visiblement par l’enthousiasme et la joie régnante (Act 2.46). Ne masquons pas pour autant les écueils d’une telle entreprise. L’ennemi reste vigilant dans l’exploitation des failles humaines et des faiblesses de la chair. Il y aurait beaucoup à dire sur les chapitres « utilité commune » (1 Cor 12.7) et « édification de l’Église » (1 Cor 14.12). Que dire par exemple de quelqu’un qui dans l’Église n’est pas à la place que Dieu lui destine ? Que dire aussi de celui qui n’y prend pas la place qui devrait être la sienne ? Ou à l’inverse, que dire de celui qui a usurpé une place, et qui de ce fait n’est pas reconnu ? Dans notre participation à la vie de l’église locale, dans notre adoration, la recherche de ce que Dieu est, de ce qu’iI dit, dans notre service sans amateurisme… est-ce que j’admets, sans juger que mon prochain le fait différemment de moi certes, mais avec la même qualité ?
Enfin, évoquons juste la question sous-jacente de l’exercice de l’autorité dans l’Église. Dans le cadre des relations fraternelles, cela reste un sujet sensible en permanence. Osons affirmer que veiller sur le troupeau est un renoncement à soi-même. Conduire l’église locale, n’est-ce pas servir ceux dont on a la charge ? Dans tous les rouages de la communion fraternelle, l’amour les uns pour les autres résout bien des écueils.
«L’amour ne cherche pas son intérêt… il espère tout, il supporte tout. » (1 Cor 13.5,7)
3. « Ils s’attachaient à rompre le pain »
La cène a été instituée à la fin du ministère terrestre de Jésus « dans la nuit où il fut livré » (1 Cor 11.23). Elle fera désormais partie du temps de l’Église. L’événement de la cène est à la fois historique et prophétique :
– « Toutes les fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur. » (1 Cor 11.26). Les éléments dont il est question nous rappellent que « nous sommes en communion au corps de Christ » tout autant qu’unis les uns aux autres (1 Cor 10.16, 17). D’où la centralité du moment de la cène dans la vie de l’église. D’où aussi la solennité de ce moment pour soi-même, qui implique de s’examiner, de s’éprouver, pour réactualiser le fondement de notre appartenance à Christ (1 Cor 11.28 ; 2 Cor 13.5).
– La cène marque également un moment d’attente collectif : « jusqu’à ce qu’il vienne », attente d’un accomplissement final annoncé par le Seigneur lui-même, savoir la venue du Royaume visible de Dieu (Mat 26.29). La cène porte aussi le message de l’espérance, espérance qui a son point de départ avec la Passion, et qui est ponctuée par notre persévérance à la cultiver dans le temps que Dieu a imparti à l’Église.
La cène, qui nous remémore l’œuvre de Christ tout autant que notre statut de racheté, précise les conditions requises pour « attendre des cieux Jésus comme Sauveur » (Phil 3.20). Son institution par Jésus-Christ est le coup d’envoi de cette attente. Sa répétition au sein de l’église reformule, sans lassitude ni répétition à notre cœur oublieux, les termes de l’alliance que Dieu nous propose en Christ (Marc 14.24).
4. « Ils s’attachaient à prier ensemble »
« En toutes circonstances, faites toutes sortes de prières et de requêtes sous la conduite de l’Esprit. Faites-le avec vigilance et constance. » (Éph 6.18)
Le seul discernement humain ne suffit pas pour diriger sa propre vie. Et que dire lorsqu’il s’agit d’une responsabilité prise au sein de l’église locale ? Conscient de ce handicap, le Seigneur a prévu et pourvu : « L’Esprit vient nous aider dans notre faiblesse. Comme nous ne savons pas que prier, l’Esprit lui-même intercède… et c’est en accord avec Dieu qu’il intercède en faveur de ceux qui lui appartiennent » (Rom 8.26, 27).
Voilà donc le fondement de la prière, de notre prière : le Seigneur sur-intercède en ce sens qu’il prend notre prière dans la sienne pour en combler les déficits. Les apôtres du début de l’ère chrétienne, conscients de leurs insuffisances, allèrent à l’essentiel en se consacrant « à la prière et au ministère de la Parole » (Act 6.4). C’est une sage décision que de prendre du temps pour Dieu, avec cette logique de parler à Dieu d’abord avant de parler aux hommes.
La prière est un engagement de 1’homme tout entier, qui reconnaît sa fragilité en même temps que la majesté de Celui à qui il s’adresse. La prière est tout à la fois louange, reconnaissance, requête, mais aussi patience devant la souveraineté de Celui qui accueille nos attentes et dont la réponse est une bénédiction répandue au temps convenable.
Selon les circonstances, la prière peut se faire plus pressante : « Étant en agonie, Jésus priait plus instamment. » (Luc 22.44) Cependant, elle est déraisonnable quand elle ne vise que notre propre satisfaction. Moïse qui réclamait avec insistance d’entrer en Canaan, se fit réprimander par Dieu en ces termes : « C’est assez ! Ne me parle plus de cette affaire. » (Deut 4.26)
En bref, la prière est à la fois respiration de l’âme et complicité avec Dieu, tout autant que requête de notre part et main tendue de Dieu vers les siens.
Prier ensemble, c’est exprimer ensemble une dépendance totale du Seigneur pour l’adoration, les décisions à prendre, la protection et le service. C’est admettre que nous n’avons aucune puissance en nous-mêmes et que nous avons besoin constamment d’être dépendants de Christ. C’est également s’approcher avec confiance du trône de la grâce pour trouver du secours au moment où les épreuves et les difficultés peuvent s’abattre sur l’un ou sur l’autre — voire sur l’assemblée entière (Héb 4.16). Les Actes sont remplis d’exemples de rencontres de prières en commun (Act 1.13-14 ; 4.23-31 ; 12.5 ; 13.1-3 ; 16.13 ; 20.36). La persévérance dans la prière collective — réunions de prière, en groupes, en église — constitue la base d’une vie saine de l’église locale. Ne pas éprouver le besoin constant du secours divin conduit à l’affaiblissement spirituel. Un serviteur de Dieu avait l’habitude de dire : « Pour prendre la température d’une église, visitez sa réunion de prière ! » Quelle impression aurait un visiteur de nos rencontres de prière ?
Conclusion : la foi dénominateur commun
Comment ne pas voir, dans chacune des quatre démarches ci-dessus, un dénominateur commun : celui de la foi ? « Sans elle, il est impossible de plaire à Dieu. Car celui qui s’approche de Dieu, doit croire qu’il existe et qu’il récompense ceux qui le cherchent. » (Héb 11.6) C’est pourquoi les apôtres s’appliquaient « à fortifier les âmes des disciples, les exhortant à persévérer dans la foi » (Act 14.22). En effet,
– la foi rend pertinente les Écritures ;
– la foi purifie les relations fraternelles ;
– la foi donne du sens à la cène ;
– la foi stimule la prière.
Cette foi entretenue qui vivifie tous les aspects de la vie personnelle du disciple, et par là même embellit la vie de l’église, n’est pas à mettre au crédit de l’homme. Car « notre foi ne repose pas sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu » (1 Cor 2.5).
Ainsi, tout procède de Dieu. Tout revient à Dieu. Gloire à notre Dieu!
Notes
1 La Bible a souffert des attaques menées par des personnes qui, pour mieux justifier le bien-fondé de leurs critiques, arguaient de leur démarche scientifique, s’appuyant pêle-mêle sur l’histoire, la linguistique, les reprises d’écrits existants, les légendes anciennes, les coutumes archaïques, la confusion des lieux, les dates de rédaction des textes sacrés, etc. Il s’agissait pour eux, avec leur propre raison humaine, d’éliminer les scories du texte sacré pour découvrir enfin la Parole de Dieu contenue quelque part dans la Bible. Il semble à l’heure actuelle que la démarche soit inversée, c’est-à-dire que la Bible soit considérée comme une Parole de Dieu parmi d’autres que nul ne désespère de découvrir bientôt. A ce point de vue, notre époque paraît exaltante, puisqu’elle permet régulièrement la découverte de manuscrits anciens. Ceux-ci révèlent de nouveaux textes ayant un air de famille avec le christianisme. Par voie de conséquence, on déchoit la Bible de son rôle de référence. Sans le formuler explicitement, on incline à penser que la Bible n’est pas la version définitive que l’on croit. La Parole est comme diluée dans une littérature religieuse abondante parallèle, et on affirme en plus que le choix de la Vérité devient difficile ! Affirmer que la Parole de Dieu n’est pas quelque part dans la Bible, affirmer que la Bible n’est pas qu’une Parole de Dieu à côté d’autres livres, mais affirmer que la Bible c’est la Parole de Dieu, nous fait rejoindre la légion de témoins qui ont aimé les écritures, s’en sont réjouis et en ont vécu. En ce qui concerne l’église, la beauté de la vie qui l’anime a sa source et son prolongement dans la vie personnelle des fidèles qui la composent. Encore faut-il bâtir sur « le Roc de la Parole » entendue, crue et mis en pratique (Mat 7.24). « Je retiens mon pied loin de tout mauvais chemin, afin de garder ta Parole. » (Ps 119.101)
ETUDE BIBLIQUE
Question d’appréciation
ou
contagion mal connue
Le sens du mot «pécher»
Le mot traduit en français par pécher comporte l’idée de manquer son but, d’agir sans résultat. Elle porte même la signification, beaucoup plus abrupte, de «s’être trompé ».
Littéralement, «j’ai péché» signifie «je me suis égaré». Par extension, tout ce qui n’est pas droit: se révolter, commettre l’injustice, rater une cible, sont autant de facettes du péché.
Le péché et Dieu
Dès le départ de l’humanité, c’est Dieu qui définit le terme de «péché». Malgré la création de toutes choses, déclarées par Dieu «bonnes pour les hommes», et malgré la volonté de Dieu d’être l’initiateur de leur bonheur, ceux-ci ne cesseront de s’opposer à ce que Dieu dit et au principe de vie qui s’y attache!
Schématiquement, nous pouvons concevoir la Bible comme étant à la fois la pensée de Dieu et l’histoire du rattrapage, par le Dieu Créateur, du dérapage et de l’immense gâchis provoqué par l’homme, la créature.
Le salut de l’homme consiste à croire Dieu dans Ses affirmations et à Lui obéir, selon Sa volonté, non par devoir, ni avec une idée de profit – ce qui relèverait alors de l’hypocrisie! – mais par humble soumission à Sa parole (cf. Rom 14.23; Rom 5.1; Rom 6.17)
Pécheur de toute façon
Les prescriptions originelles de Dieu (cf. Gen 2.16-18; Gen 26.5), l’activité de la conscience et plus tard, la loi du décalogue sont là pour révéler les péchés.
La loi de Dieu révèle que nous sommes tous coupables (cf. Rom 3.19; Rom 7.8,9; Jac 1.14,15; 1 Jean 3.4).
Ainsi, à cause de l’universalité du péché, nous naissons tous pécheurs et pratiquons tous le péché (cf. Rom 3.10-12; 3.23; Gen 8.21).
La gravité du péché
De ce qui précède, nous pouvons déduire que le péché est une offense à Dieu (cf. 2 Sam 12.13). De plus, le péché est constant dans le cœur de l’homme (cf. Marc 7.21,22; 1 Jean 1.8-10).
Pourtant, ce qui est héréditaire, ce n’est pas la culpabilité, mais la corruption de l’être humain!
La solution au péché
Le péché a nécessité une réparation (cf. Rom 8.3,4; Héb 9.22). Dieu y a pourvu en Christ. Ce qui implique que le péché suprême, irrémédiable, consiste à refuser Christ (cf. Jean 3.36; Héb 2.3; Rom 5.18,19; Rom 1.21).
Encore quelques caractéristiques du péché
Il entraîne une séparation d’avec Dieu (cf. Es 59.1,2). De toute façon, il met l’homme en conflit direct avec la sainteté de Dieu (cf. Hab 1.13; Ps 130.3).
Essentiellement, le péché produit un esclavage redoutable pour l’homme (cf. Rom 6.16,17; Tite 3.3-5).
Au regard de la loi, le péché sera considéré comme une transgression. Et pour un homme qui vit en autonomie vis-àvis de la loi, son péché sera pris pour une iniquité (il sera littéralement tenu pour:«hors-la-loi»).
Ainsi, une vie normale aux yeux de Dieu consiste pour le pécheur, et même s’il arrive à ce dernier de pécher encore, à ne plus pratiquer le péché ou s’y complaire.
Conclusion
L’Ecriture nous enseigne combien la question du péché est importante aux yeux de Dieu: il faut qu’elle soit réglée devant Lui pour notre salut éternel.
En effet, Dieu avait créé l’homme à son image et à l’état d’innocence. Mais le péché a terni et tordu cette image. Il a causé une rupture de communion complète entre Dieu et l’homme, rupture qui a eu comme résultat l’inimitié entre eux. Il n’est plus en paix ni avec Dieu, ni avec lui-même, ni avec son prochain. L’environnement – toute la création – souffre et soupire à cause du péché, en attendant sa libération de la servitude de la corruption (Rom 8.25). L’homme, judiciairement sous la condamnation, est mort dans ses fautes et ses péchés. Le péché a entraîné sa double mort: spirituelle et physique. Toute la race humaine gît dans le péché par imputation du péché d’Adam (Rom 5.12-21). Il est donc entièrement corrompu et dépravé, étant dans l’incapacité de changer quoi que ce soit. Son cœur et ses pensées sont corrompus, et il est aveugle (Gen 8.21; Ps 51.5; Ecc 7.20; 9.3; Mat 7.18; Rom 3.9- 23; Eph 2.1-3; 1 Jean 5.19). Mais la grâce de Dieu est prête à nous combler: Dieu a pourvu à notre salut; Il a offert Jésus en victime expiatoire pour nos péchés; Il est ressuscité pour notre justification; Il fait de nous de nouvelles créatures par la foi en Christ.
Là où le péché s’est amplifié, la grâce a surabondé (Rom 5.20). Gloire à Dieu! Suivons donc l’exhortation impérieuse: Ne livrez pas vos membres au péché… Mais donnez-vous vous-mêmes à Dieu (Rom 6.13)!
Une requête qui cache bien des surprises
Luc 17.5
La nature de la demande
Pour comprendre le secret de ce texte, qui éclaire, par l’étonnante lumière de l’Evangile, le centre même de notre vie chrétienne: la foi, il faut réfléchir sur le sens de la requête des disciples.
Sorti de son contexte, le désir des disciples paraît très spirituel, et pourtant…
Il ne s’agit pas ici de la foi en général, comme on pourrait le penser en lisant rapidement le texte. La demande des disciples sonnerait alors comme une sorte de revendication pour acquérir une richesse spéciale que certains privilégiés possèderaient déjà… ou, à l’inverse, comme le cri de celui qui désespère, se croyant dépourvu d’un privilège que d’autres paraissent détenir.
Une demande défi ? « Seigneur, je n’ai pas – ou peu – de foi : je l’attends… Et si tu ne me l’accordes pas, comment pourras-tu un jour me le reprocher ? » …Une demande alibi ?
NON ! La requête révèle une attitude bien plus terre à terre, qui ne résulte pas d’une longue réflexion sur un manque de foi. C’est une demande pour un effet immédiat, qui n’a rien à voir avec une inquiétude spirituelle !
Les raisons de la demande
Les disciples sont face à Jésus et à son commandement précis qui leur paraît vraiment au-dessus de leurs forces : pardonner à quelqu’un qui se repent, et autant de fois que nécessaire (Luc 17.3-4).
Unanimement, les disciples ont un sentiment d’incapacité absolue ; ils redécouvrent l’éternel conflit entre l’obéissance à Christ et la soumission à la nature de l’homme… Leur apparaît donc le seul recours possible, pensent-ils, la foi, une grande foi !
Il ne s’agit pas de cette foi qui consiste à croire que Dieu existe ou non ; ni de cette foi qui procurerait une meilleure adhésion à la volonté de Dieu ou encore de celle qui donnerait la capacité d’accepter plus facilement les commandements de Dieu. Mais il s’agirait plutôt de cette confiance, qui non seulement accepte ce que Dieu dit, mais nous apprend aussi à compter sur Lui, quand la réalisation de ce qui est demandé pose problème.
Une demande précise
Ce n’est que lorsque nous nous trouvons vraiment face à nous-mêmes, que nous commençons à comprendre ce qui nous manque.
Trop souvent, il nous est demandé tant de choses, même impossibles… Dans le cas du texte de Luc, c’est pardonner sept fois; pour un autre, ce sera d’accepter l’inacceptable : le handicap, la maladie, le deuil… Pour un autre encore, il faudra assumer une écharde dans la chair : un problème de santé, une profession et un avenir incertains, une difficulté familiale, etc…
Devant toutes ces angoisses, les disciples nous montrent le chemin : pas de discussions ni de revendications. Et l’on imagine fort bien qu’il y ait eu un silence ou une concertation entre les versets 4 et 5, car les disciples sont d’accord sur les termes de la demande de grâce : «Augmente-nous la foi» !
Et même si le contenu de la prière reste quelque peu maladroit, son principe est très révélateur : cette requête s’enracine dans la prise de conscience de leur propre faiblesse… C’est cette même révélation qui avait déjà fait dire aux disciples : «Seigneur, apprends-nous à prier» (Luc 11.1). Mais si nous avons la certitude que Dieu est puissant et qu’Il nous écoute quand nous Lui présentons nos requêtes, alors ne craignons pas de faire de tous nos besoins une prière permanente (Luc 18.1).
Une réponse surprenante
Ce qui nous permet de sonder le décalage entre les disciples, leur besoin exprimé, et le Seigneur, c’est la réponse de Celui-ci (v.6). Jésus ne répond pas directement à la requête, et surtout ne donne aucune «recette» susceptible de satisfaire immédiatement les disciples.
Jésus va d’abord souligner l’efficacité de la foi – d’un grain de foi ! …Une force capable de soulever des montagnes, comme l’indique le sigle F.O.I. : une Force qui Ouvre l’Impossible…
Peut-être faut-il noter que les montagnes déplacées, les arbres déplantés, … Jésus ne l’a pas effectué Lui-même ! Etait-ce en effet bien utile ? Une foi qui serait démonstrative, sollicitée par Satan lui-même : «Si tu es le Fils de Dieu, ordonne…»(Matt 4.3).
Et pour nous, quelle utilité ? Prouver à d’autres que nous avons la foi ? Or, qu’avons-nous à prouver, si ce n’est l’authenticité de notre vie avec Christ ? Il peut y avoir des montagnes à déplacer dans notre vie. Mais que nous enseigne Jésus à ce sujet ?
Une réponse parabole
Au verset 6, Jésus ne répond pas quant à la taille de notre foi – au principe « d’en posséder davantage ». Mais, en évoquant un phénomène physique bizarre, Jésus amène ses disciples à voir que l’exploit à réaliser – pardonner à son frère – est de la même nature : impossible à vues humaines, possible par la foi !
«Tout est possible à celui qui croit», (Luc 9.23). Mais attention à nous-mêmes ! (Luc 17.3). Dieu ne recherche pas de notre part davantage de foi ou plus de capacités. Ce dont Il a besoin, c’est de notre disponibilité et de l’exercice de notre foi, de «cette mesure de foi accordée à chacun par Dieu» (Rom 12.3), de cette foi qui nous est personnelle…
Sans reproche dans la voix, Jésus dévoile à ses disciples ce qu’ils possèdent déjà ! Et Il souligne, non la quantité, mais l’efficacité de ce que Dieu a planté en nous.
Le projecteur braqué sur le superbe aveu de faiblesse des disciples, Jésus le porte maintenant sur le magnifique trésor qui nous est accordé par Dieu. Déjà, dans l’Ancien Testament, il nous est dit d’une autre manière : «Va, avec la force que tu as»(Jug 6.14). Ainsi, pourquoi nous arrêterions-nous à notre incrédulité qui en réclame toujours davantage, plutôt qu’à Jésus qui révèle la foi que nous possédons déjà et qui reste inopérante ?
Une réponse satisfaisante
A la prière des disciples correspond une révélation du Seigneur… Quel enseignement magistral.
Ainsi, plutôt que d’en scruter leurs strictes réalisations, pensons que Dieu répond parfois à nos prières d’une manière inattendue, qui de surcroît nous amène souvent à une révélation plus profonde, une compréhension paisible et joyeuse de son œuvre en nous.
Cette œuvre est de faire croître en nous le fruit de la foi (cf Gal 5.22) !
Dans le fond, si la demande «augmente- nous la foi» était un « raccourci » pour éliminer les problèmes, ce serait «mal demander»(Jac 4.3).
L’extraordinaire image de Christ se forme en chaque croyant, sans que cela comporte nécessairement des manifestations spectaculaires, mais combien efficacement, et surtout, en conformité avec l’horloge du Seigneur.
Dans le doute, l’accablement, le découragement, les difficultés, la réponse du Seigneur reste toujours la même : «Examinez-vous vous-mêmes, afin de savoir si vous êtes dans la foi… Ne reconnaissez- vous pas que Jésus-Christ est en vous ?»( 2 Cor 13.5).
REGARDS SUR L’OCCIDENT
Ces machines qui font rêver.
Premier octobre 1900. C’est la date du jour de la rentrée scolaire qu’inscrit sur le tableau noir le père de Marcel Pagnol. Il vient d’être nommé instituteur dans une école de Marseille. Cette date inspire au laïc et à l’humaniste qu’il est un élan prophétique basé sur la vision pleine d’espoir d’un monde qu’il souhaite dorénavant beau, facile à vivre, généreux.
«Nous sommes entrés dans un siècle fabuleux, où les miracles – ceux nés de la science – seront quotidiens et apporteront de la joie aux plus pauvres et aux plus humbles. Les maisons auront le gaz, la lumière électrique, souvent même le téléphone! On pourra appeler, sans se déranger et même sans crier, des personnes qui habitent par exemple Aix-en-Provence!
Notre 20e siècle sera un très grand siècle. Le progrès est en marche. Bientôt, la Machine exécutera les travaux les plus pénibles. Elle permettra de réduire à dix heures la journée de travail, et l’ouvrier aura un jour de congé par semaine. Et, guidé et sauvé par l’instruction, chacun aura sa place dans un monde qui respectera tous les hommes. » (1)
A l’autre bout du siècle, nous sourions à la naïveté du discours. Mais changeons seulement les exemples cités à propos des progrès techniques, et le texte devient tout à fait actuel: l’homme inventif, fiable, organisant sa vie autour de l’efficacité et de son bien-être, est une référence toujours approuvée! Avec le recul du temps, l’enthousiasme de cet instituteur du début du 20e siècle ne nous permet-il pas de mieux appréhender les questions, les inquiétudes et aussi les mirages qui se présentent à nous au début de ce 21e siècle?
Machines et industrialisation
L’homme, en 1900, est très perplexe. Il sort d’un siècle qui a prôné l’industrie et il a découvert toutes les vicissitudes qui s’y attachent : rendement, cadences infernales, pollution, dangers permanents… en bref, les plus mauvais côtés d’un esclavage moderne!
L’homme est l’otage de sa machine… A croire que, dorénavant, le monde ne génère que des robots au service de l’industrialisation galopante. La population lui est asservie dans des villes vouées l’une à sa filature, l’autre à ses hauts fourneaux, l’autre encore à sa mine. Zola décrit et dénonce ce qui, désormais, ne fait plus rêver. Les conséquences de cet état de fait ne se font pas attendre!
La machine: une dépendance qui génère l’ennui
L’organisation de la vie, sous le signe du rendement et de l’efficacité, va concrètement développer d’imprévisibles nuisances pour l’individu. Contrairement à ce que celui-ci espérait, les «bons fruits » que le couple homme-machine promettait ne combleront ni ses plus grands espoirs, ni ses plus grands besoins comme le bien-être, la convivialité, le partage, l’harmonie, etc. Le drame se précise: l’homme se défie de ses outils sans pour autant pouvoir s’en détacher. La machine, qui est pourtant sa création, devient pour lui un mal nécessaire!
S’il ne fallait citer qu’un seul révélateur de ce «divorce», nous choisirions l’ennui. L’ennui d’être ensemble, et donc, l’ennui dans le travail…
«Quoi d’étonnant si, une fois passées ses huit heures, l’ouvrier n’a qu’une pensée: fuir, quitter la machine, l’atelier, se dépouiller du bleu de travail. La bousculade vers les grilles, les moyens de transport, est caractéristique…
Le comportement de l’ouvrier en fin de journée révèle son attitude réelle à l’égard du travail, ainsi que son degré d’intégration à l’entreprise. L’ennui est le compagnon de l’ouvrier plongé dans ce milieu, l’ennui auquel la tristesse et le cafard sont liés par des liens inextricables». (Les termes « tristesse » et «cafard» sont de G. Navel, lequel met en scène un ouvrier qui décrit son expérience de la vie en usine (2)).
«(…) Les journées sont exactement identiques les unes aux autres (…). On est dans la même journée qu’hier et que demain… Ainsi, le pain que mange l’ouvrier dans l’industrie moderne n’est désormais plus payé de sueur (…). La Machine a pris la sueur. Mais la vieille malédiction demeure. Seule la formule a changé: – Tu gagneras ton pain dans la détresse et l’ennui. » (3)
L’ouvrier, l’employé, l’utilisateur d’une machine quelconque devient l’otage de son outil de travail. Il semble même qu’à l’époque actuelle nous puissions affirmer qu’il se crée une véritable dépendance vis-à-vis de la machine, dépendance proportionnelle à son degré de sophistication. Nous sommes subtilement passés de l’ère de l’esclavage à l’ère de la fascination, laquelle a pour vertu de donner des couleurs sympathiques à cette osmose mortelle!
La machine: un centre d’intérêt permanent
Aujourd’hui, on va plus loin encore. La modernité consiste aussi à faire l’amalgame entre la machine, l’entreprise et le travail…
Sans remonter trop loin dans le temps, le fameux «droit au travail » est un concept qui a été créé au XIXe siècle. Il s’adressait essentiellement à la population des usines, afin de s’assurer des services sans faille de l’ouvrier auprès de sa machine. Aujourd’hui, on parlera plutôt de «projet personnel », dont on vérifiera s’il est convenable, c’est-à-dire compatible avec celui de l’entreprise. Mais l’enjeu reste le même: il s’agit de s’assurer non seulement des performances de l’individu «machine en main», mais aussi conjointement de son dévouement à l’entreprise !
Les heures de travail ont régulièrement diminué durant ce siècle. Malgré tout, nous restons toujours à l’ère du temps complet. Cela se traduit par la demande expresse, vis-à-vis de l’employé, d’être «partie prenante» de son entreprise, et ce, au maximum de ses compétences et à tous les niveaux.
Ainsi, machines – souvent nouvelles – et stages se conjuguent. Sans parler de sa participation au capital de l’entreprise et à l’élaboration de son image de marque, on exige de l’employé une souplesse exemplaire, tant horaire que géographique. Toutefois, on fait allègrement abstraction de son être global, de sa famille, de ses attaches, de ses habitudes…
Comment ne pas vouloir sortir de cette spirale?
La machine: un piège à déjouer
Cette question obsédante a été posée dès le milieu du 19e siècle. Même s’il est vain de vouloir recenser les multiples réponses à cette question, relevons-en ici quelques points forts.
Par exemple, une solution serait de sortir des villes, qui sont devenues synonymes de noirceur, d’oppression, de maladies, tout cela étant dû à un excès d’industrialisation.
Une autre solution serait aussi de « simplifier» la machine, en revenant à l’outil élémentaire, avec l’idée nouvelle que l’artisan qui le manipule est plus enviable que l’ouvrier… Ou encore, il faudrait écouter le fort courant compensatoire qui prône le retour à la nature…
La machine: un engin à minimiser
Nombre d’artistes y ont rêvé, et nous ont offert une redécouverte de la campagne. La pollution et le bruit sont étrangers à ce monde; les outils restent à leur place de bons et loyaux serviteurs. L’absence des machines, avec leur cortège de nuisances, permet l’évasion dans des paysages empreints de pureté et de beauté… Enfin, en entrant dans le monde rural, l’homme a le sentiment de quitter son univers concentrationnaire de tous les jours, l’Usine, où il n’est qu’un esclave, l’esclave de sa Machine…
Ce qui vient d’être sommairement décrit se retrouve, entre autres exemples, dans la peinture. Au cours du 19e siècle, Millet, suivi de Van Gogh, pour ne citer qu’eux, exposent des scènes campagnardes avec grand succès («L’Angélus », «Les Glaneuses» de Millet; «Paysannes liant des gerbes» de Van Gogh, etc.).
Dans ces peintures de l’authentique, le travail ne semble aucunement visé, fustigé ou banni. Bien au contraire, la vie rurale, aussi rude soit-elle, y est exaltée. Il n’est pas question de scènes pastorales, plaisantes ou utopistes. Le propos de ces peintures ressemble à un profond rappel des valeurs perdues, qui voudrait contrecarrer la menace représentée par le monde des villes…
Le tableau de Van Gogh: «La Sieste », exprime la félicité du repos après un dur labeur, plus deviné que dessiné: la rudesse du travail existe et n’est pas l’apanage des ouvriers des villes !
La machine: une idole
L’homme, au jardin d’Eden, était convié au travail (4). Point de malédiction dans la manipulation de l’outil: seulement une certaine pénibilité… Sans imagination débordante, on peut se représenter Adam dans ses champs, avec ses outils… Ce n’est qu’après la chute que le travail devient rude (5). Le paradoxe est que l’outil – et plus tard la machine – y participe. Il s’imposera de moins en moins comme un partenaire, mais, avec le temps, bien davantage comme un dominateur exigeant.
La machine que l’homme se donne pour aide, la voilà accaparante, au point de lui demander tout son temps, son énergie, sa réflexion, et même parfois son argent… en bref, sa vie entière. N’est-ce pas là, en toute beauté, la définition même de l’idole?
Les machines de l’an 2000 sont complexes. Elles ont changé de nature, mais force est de constater qu’elles ont réduit l’homme à l’état de robot: celui-ci se soumet à leur mode de fonctionnement, en oubliant les principes qui ont régi sa fabrication…
Ainsi, tel élève ne connaît la division que par sa calculatrice, ayant oublié comment on pose cette opération! Le caractère indispensable de nos machines modernes – qui se mesure à sa juste valeur le jour où celles- ci tombent en panne! – ne réduitil pas l’homme à un état de soumission invraisemblable? Bien des personnes se sentent orphelines quand leur téléviseur ne marche plus…
Même baptisées «conviviales», les machines mettent en danger l’intégrité des personnes, par leur présence à nos côtés au quotidien, et surtout par leur trop grande accessibilité. Du même coup, même les enfants n’échappent pas à leur influence!
La place de la machine
Arrêtons-nous quelques instants et pesons nos mots: la machine inverse les rôles ; elle domine l’homme au point de le remplacer, de lui dicter sa loi. Il doit se former, s’y adapter, puis exécuter, devenu machine à côté de sa machine! Quand ce n’est pas un robot qui le remplace…
L’outil devient le centre de toute spéculation: «Cette machine me rapporte telle somme, alors que cet employé, ce cadre, me coûte telle somme ». Au nom de la rentabilité, le verdict comptable déclare de plus en plus l’individu trop léger !
Ne sommes-nous pas à des kilomètres de la pensée biblique? Lorsque l’Ecriture évoque le diktat de la machine, c’est pour nous avertir que celle- ci peut nous faire passer à côté de l’essentiel ! Penchons-nous sur un exemple.
Une machine qui captive
«… Heureux l’homme qui prendra son repas dans le royaume de Dieu ! Et Jésus répondit : «Un homme donna un grand festin, et il invita beaucoup de gens. A l’heure du souper, il envoya son serviteur dire aux invités : «Venez! Car tout est prêt. » Mais tous se mirent unanimement à s’excuser (…). Un autre dit: « J’ai acheté cinq paires de boufs, et je vais les essayer. Excusemoi, je te prie» (…). Le serviteur, de retour, rapporta ces choses à son maître. Et celui-ci fut irrité (…). Il dit : «Aucun de ceux qui avaient été invités ne goûtera de mon souper» (6). »
A notre époque, le Seigneur aurait peut-être remplacé les cinq paires de boufs par un tracteur… Peu importe: cela n’aurait pas changé les excuses.
Etait-ce important au point qu’il faille essayer les boufs le soir même, à l’heure du souper ? Etait-ce la saison des labours ou celle des récoltes, qui faisait que le rodage des boufs était si urgent?
L’homme de la parabole est un propriétaire comblé: il a les moyens matériels d’acheter dix boufs. Peut-être même était-ce un homme envié. Et voilà que le soir même, il est confronté à un choix. Il est l’objet d’une invitation, occasion d’un repas en commun pour partager sa joie et fêter son acquisition… Par ailleurs, il a l’envie irrésistible de faire un essai, et pas le lendemain: le soir même!
Les regards tournés vers la terre, les pensées captivées par les performances de ses dix boufs – sa belle machine! -, centré sur ce que demain peut lui rapporter, il est pourtant le plus malheureux des hommes. Que sert-il à un homme de gagner tout le monde s’il perd son âme (7) ? Il est passé à côté d’une relation vivante avec le Seigneur, parce qu’il a méprisé une pressante invitation de sa part… Voici, je me tiens à la porte, et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui, je souperai avec lui, et lui avec moi (8).
Remettre la machine à sa vraie place
Suite à cet exemple, il ne faudrait pas conclure hâtivement que l’optique biblique est de déconnecter les hommes de leurs contingences terrestres, et de vouloir les transformer en entités spirituelles. Les Ecritures nous montrent clairement que l’intention du Seigneur est de combler tous nos besoins, y compris ceux d’ordre matériel.
Comme Jésus se trouvait près du lac de Génésareth et que la foule se pressait autour de lui pour entendre la Parole de Dieu, il vit au bord du lac deux barques, d’où les pêcheurs étaient descendus pour laver leurs filets. Il monta dans l’une de ces barques, qui était à Simon, et il le pria de s’éloigner un peu de la terre. Puis il s’assit, et de la barque, il enseigna la foule. Lorsqu’il eut cessé de parler, il dit à Simon: «Avance en pleine eau, et jetez vos filets pour pêcher. » Simon lui répondit: «Maître, nous avons travaillé toute la nuit sans rien prendre; mais sur ta parole, je jetterai le filet. » L’ayant jeté, ils prirent une grande quantité de poissons, et leur filet se rompait. Ils firent signe à leurs compagnons qui étaient dans l’autre barque de venir les aider. Ils vinrent, et ils emplirent les deux barques, au point qu’elles enfonçaient (…). Et ayant ramené les barques à terre, ils laissèrent tout, et le suivirent (9).
Le texte de l’évangéliste Luc n’a pas pour objet de rapporter le contenu de l’enseignement de Jésus. Il insiste plutôt sur deux priorités: d’abord celle de répondre au besoin exprimé par la foule d’entendre la parole de Dieu; puis, à celle de ne pas léser les pêcheurs qui ont prêté leurs barques!
Ce dernier aspect nous montre à quel point le Seigneur a conscience d’avoir mobilisé l’outil de travail des pêcheurs. La demi-journée qu’il leur fait perdre est largement compensée par l’abondante pêche qui s’en suit. Quelle leçon pour celui qui sait choisir les bonnes priorités! Et ce que vivent Pierre, André, Jacques et Jean – selon l’évangéliste Matthieu (10) – est tellement parlant qu’ils décident aussitôt de suivre Jésus.
L’apôtre Paul, convaincu des mêmes choses, dira: Les choses qui étaient pour moi des gains, je les regarde maintenant comme une perte, à cause de Christ (11).
L’expression générique ces choses recouvre ce qui peut entraver notre marche chrétienne, toutes sortes de pièges et de tentations. Or, il ne s’agit pas de la confession d’un jeune converti qui exprimerait un vou vibrant. Non! C’est la déclaration d’un homme à la fin de ses jours, qui se réjouit d’être allé, grâce à Dieu, audelà des contingences purement matérielles.
La machine détournée de sa fonction
De nos jours, cette déclaration de l’apôtre Paul est totalement inacceptable. Notre société est progressivement passée de la sous-traitance, à la création permanente de machines qui nous asservissent. C’est un échafaudage qui s’est progressivement construit avec le temps, et qui ressemble à une fusée à trois niveaux:
– La base reste la machine service, celle qui nous soulage dans l’effort, nous permet de vivre mieux, améliore nos loisirs.
– Le premier étage est celui de la machine alliée, qui permet de vaincre la solitude, de rapprocher des hommes entre eux, d’avoir un bien-être appréciable.
– Le deuxième étage est celui de la machine dominatrice, qui permet de reculer toutes les limites, de densifier le travail, et finalement de vaincre le temps, mais à quel prix!
Brièvement et sans être exhaustif, nous examinerons ces trois niveaux. La base de notre fusée, celle qui soutient les autres étages, paraît raisonnable: nous n’insisterons pas sur les bienfaits du lave-linge, le côté pratique du stylo ou les vertus de la cafetière! Ce qui inquiète, c’est que plus personne ne se cantonne à cet étage…
Le premier étage est le minimum revendiqué par tous. Qui n’a pas en tête, pour vaincre la solitude, l’exemple de la télévision? Notre propos n’est pas ici de polémiquer sur ce thème. Mais posons-nous une seule question: les inventeurs du poste de télévision ont-ils mesuré les conséquences de leur petit écran sur l’ensemble de la population? En vrac: la primeur de l’image sur l’écrit et l’imagination, avec ses conséquences pour l’enfant. La surinformation qui grille la simple information, et cautérise en nous les réflexes de curiosité, de compassion et d’intérêt… Les heures passées devant l’écran, au nom du culturel, de l’information, et ce, au détriment du sommeil…
Il nous semble que toute invention devrait être passée au crible en ce qui concerne les implications multiformes de sa présence auprès de l’homme. Comment concevoir une machine, sans concevoir dans le même temps les implications qu’elle aura dans notre société! Combien de fois n’a-t-on pas réfléchi à l’impact – pour ne pas dire aux dégâts – de cette invention sur l’homme, sur sa conscience, son mental, sa vie! Mais tout rattrapage, toute explication rétrospective n’arrivent plus à gommer le mal profond commis.
Quand la machine devient pouvoir
Si nous reprenons l’image de la fusée, il est évident qu’il y a de plus en plus de monde au deuxième étage. Nous entrons dans un monde fabuleux, et en même temps, terriblement dangereux!
Si nous songeons, par exemple, aux organes artificiels, si nombreux et performants, nous sommes dans l’admiration. Et en même temps, n’est ce pas l’indice que l’on est déterminé à reculer les frontières de la mort à tout prix ? Si nous pensons à l’ordinateur, c’est un outil fantastique par la rapidité de son fonctionnement. Mais n’espère- t-on pas beaucoup plus que des gains de temps. Par exemple, qu’il nous remplace, qu’il apprenne à nous connaître, à penser et à prévoir pour nous? On veut transposer l’antique phrase Et Dieu créa l’homme (12), en une autre que l’on voudrait valide: Et l’homme créa le robot!
Si nous réfléchissons au récent Internet, comment ne pas être intéressés par ses capacités, et en même temps inquiets de voir tous ces gens, seuls, dans leur bulle, absorbés par leur écran?
L’équilibre retrouvé
La trame cachée de tout cela, c’est l’homme qui veut toucher l’Eternité. Il s’illusionne volontiers, en pensant que la machine va l’aider dans ce sens, et qu’à terme il pourra reculer les frontières du temps, voulant non plus ressembler à Dieu, mais remplacer Dieu!
C’est un lieu commun de dire que nous assistons actuellement à une explosion irréversible de moyens de communication, qui sont tout à la fois outils de loisirs, et outils de travail à dimension planétaire…
Le monde en est-il plus heureux pour autant? La surenchère, qui s’appuie sur deux thèmes : «nécessité apparente » et « fascination», essaie de convaincre les hommes de bonheur.
Je reste persuadé que nos contemporains n’ont plus de réels besoins en ce qui concerne l’apport technologique; par contre, ils ont toujours ce besoin vital de direction, de projet pour leur vie! Il ne s’agit pas de négliger ce qui facilite notre existence humaine, mais de retrouver la saveur des Ecritures qui décrivent notre nature et répondent au mieux à ses vrais besoins.
Retrouver cet équilibre signifie retrouver le sens de la vie: créé à l’image de Dieu, mais corrompu par le péché, l’homme a besoin d’un Sauveur qui le libère du péché et qui le restaure. Justifié par la foi en vertu de l’ouvre rédemptrice parfaite accomplie à la Croix et régénéré par le Saint- Esprit, il retrouve la communion avec son Créateur. Devenu une nouvelle création, il est restauré à l’image de Dieu, ce qui le rend capable de se servir de la machine pour faciliter son existence et pour le bien de son prochain et non pas pour le réduire à l’état d’esclave. Lisons le grandiose Sermon sur la Montagne (Matt 5 – 7) qui situe les chrétiens comme le sel de la terre et la lumière du monde au milieu d’une société matérialiste. Et apportons donc au monde, otage de ses machines, le Seigneur et Sauveur Jésus- Christ dont la souveraineté n’a pas besoin de toutes les merveilles de la technologie pour s’exercer de manière irrésistible.
B.C.
(1) «La gloire de mon père», Marcel Pagnol, version DVD 1990
(2) «Travaux», Georges Navel, 1945
(3) «Où va le travail humain?», Georges Friedmann, 1950
(4) Gen 2.15
(5) Gen 3.17
(6) Luc 14.15-24
(7) Matt 16.26
(8) Apoc 3.20
(9) Luc 5.1-7,11
(10) Matt 4.18-22
(11) Phil 3.7
(12) Gen 1.27
A lire aussi:
«L’éthique du travail», Robert Somerville
«Le huitième jour de la création», Jacques Neirynck, 1990
«Le système technicien», Jacques Ellul, 1977
«Les périls totalitaires en occident », Jean-Pierre Graber, 1983
VIE CHRÉTIENNE
Lecture proposée: Rom 1.7-17
Une envie de changement
Qui ne se prépare pas au futur millénaire? Et c’est à celui qui veut vous aider à franchir le cap, comme si, sur cet autre versant, vous arriviez dans un autre univers.
En tout cas, le souci de ces professeurs improvisés est que vous passiez cette frontière virtuelle débarrassé de tout ce qui peut vous encombrer: préjugés, soucis, doutes, etc. En bref, il s’agit de faire de vous un homme nouveau, au regard nouveau, pour un millénaire nouveau!
Dans ce contexte, on vous enjoint de faire bon marché de la Parole de Dieu: l’occasion est trop belle! Combien d’éditoriaux, d’articles, d’études, dans des revues et des journaux pas même spécialisés en la matière, nous proposent sous forme de questions insidieuses:
– «La loi de Dieu est-elle encore valable aujourd’hui?»
– «Ne pourrait-on pas faire l’économie de la Bible pour le prochain millénaire ?»
Au nom de la laïcité, ou parce qu’il y a les sectes, ou encore afin de respecter le libre arbitre de chacun, on nous pousse à évacuer Dieu en réduisant sa Parole à un livre de morale, sa Loi à une sorte de carcan religieux et Dieu lui-même à un mythe dépassé.
Quelles justifications?
En réfléchissant à ces questions brutales sur la validité de la Parole de Dieu et son rôle, sur lesquels est jeté le doute, nous réagissons de façons diverses:
– L’homme aurait-il à ce point changé, qu’il puisse justifier l’inutilité de la Bible ?
– La loi de Dieu serait-elle à rénover, parce qu’inadaptée au monde et à l’homme moderne?
– L’évolution étant actuellement l’un des premiers postulats du devoir, la Bible ne mériterait-elle pas elle aussi un dépoussiérage dans les interprétations qui en sont faites?
Toutefois, ces quelques réflexions n’atteignent pas toute la plénitude du problème de fond, dont le premier effet visible paraît être la relativisation de la Parole de Dieu.
La loi de Dieu
En premier lieu et en quelques traits, écoutons ce que dit la Bible à propos de la loi divine. Elle est déclarée «sainte, juste, bonne» en Rom 7.12. Mais aussi, «par elle, vient la connaissance du péché», dit Paul en Rom 3.20. Ainsi, le seul ministère de la loi est de montrer que nous sommes tous condamnés! La loi est appelée «ministère de mort» en 2 Cor 3.7, puisque «tous sont ainsi reconnus coupables», (Rom 3.20). La loi a, au départ, un rôle de révélateur, mais qui va bien au-delà: «La loi est comme un pédagogue pour nous conduire à Christ.», (Gal 3.24). Elle nous montre combien nous avons besoin de Christ. La loi fait fonction de miroir vis-à-vis de nous-mêmes. Elle exprime, comme d’ailleurs toute la Parole, la pensée de Dieu à notre égard. Et casser ce miroir n’est pas une solution! La proposition de «faire l’économie de la Bible pour le prochain millénium» ne serait-elle pas une manière de casser justement ce miroir qu’est la Parole de Dieu, éliminant par là même le questionnement sur nous-mêmes ?
Le premier symptôme
Nous arrivons ainsi à voir, au-delà de la question, un premier motif profond: l’homme refuse de savoir comment son Créateur le voit et surtout, il refuse son intervention dans sa vie! Une fois de plus, l’homme naturel se révèle égal à lui-même, profondément individualiste. Et le véritable sens de la remise en cause de la validité de la Parole est bel et bien: plus de contraintes ! plus d’interdits ! L’homme ne supporte ni les limites, ni la moindre autorité ou règle de vie, ni la moindre loi, et encore moins si celles-ci émanent de Dieu.
Les traces de cet individualisme sont partout; toute entrave à son épanouissement, à son ascension sociale, à ses envies, loisirs, ambitions multiples, l’homme la vit comme une atteinte à sa liberté individuelle, voire à sa vie! On applaudit au «hors-la-loi», au «horsnorme », à la marginalité, et gare à celui qui ne fait pas chorus; c’est de lui qu’il faut se méfier: il est intolérant !
L’individualisme
Prenons l’exemple de la mode du «hors-piste». Les adeptes de cette discipline, nous pouvons les croiser en toutes saisons, avec leurs invariables attributs: bandeaux, lunettes profilées, combinaisons fluorescentes. Ne sont-ils pas impressionnants, ces sportifs de l’extrême? Mais à la réflexion, ces vedettes de la neige sont exactement à l’opposé des véritables sportifs qui maîtrisent leur discipline lentement, par l’effort, l’abnégation et l’expérience. En hors-piste, ce qui est recherché, c’est tout le contraire: le plaisir immédiat, l’illusion du «sans limites », la jouissance de n’avoir ni barrières, ni contraintes.
Que dire de ces êtres qui, à peine débarqués dans les stations, se ruent au danger comme s’ils en étaient en manque? Leur hyper individualisme les rend sourds à tout avertissement quant aux éventuelles conséquences de leur témérité, qu’elles soient pour les autres ou pour eux-mêmes ! Un 7 VIE CHRÉTIENNE surfeur de l’extrême arrivait même à déclarer: «Déjà, en haut, on a le problème des avalanches; maintenant, en bas, on va avoir le problème des gendarmes !»… Pas de limites, pas de loi !
Dans cet effort à vouloir à tout prix braver les lois, ne voit-on pas émerger le désir d’être un surhomme? Vouloir devenir tout-puissant, s’affranchir de tout comme au premier jour, parce que sonne encore aux oreilles des hommes cet antique mensonge: «Vous serez comme Dieu», (Gen 3.5). Et depuis, l’homme est hanté par l’échec! Même sa propre vie lui apparaît comme une immense montagne infranchissable.
Un second symptôme: l’autonomie
Et voilà donc apparaître un second motif profond, qui fait surgir une nouvelle interrogation, douloureuse cette fois: «La Parole de Dieu est-elle encore valable aujourd’hui ? »… C’est que l’homme veut se gérer seul. Sa grande tentation est de vouloir vivre ses propres schémas en toute liberté… alors qu’il s’avère en réalité incapable de se soumettre aux lois de son propre Créateur. Parce que l’homme, de lui-même, ne le peut pas.
Ce danger de l’autonomie guette aussi le chrétien; non pas qu’il souscrive au fait que la loi de Dieu ne soit plus valable de nos jours, mais il pourrait se croire déjà plus loin sur le chemin, au-delà d’une vérité qu’il aurait intégrée… Le résultat reste cependant le même: tenté de vivre une vie autonome, il vide de sa substance le titre de chrétien qu’il revendique, puisqu’en reprenant les rênes de sa destinée, il a repoussé Christ hors du centre de sa vie.
Et si nous revenions à Romains 1?
Cette épître est adressée à des chrétiens – et même à des chrétiens renommés, cf. v.8! Le nombre de salutations du chapitre 16 nous permet d’apprécier le nombre et la diversité des membres de cette église de Rome. Et c’est à eux que l’apôtre Paul dit: «J’ai le vif désir de vous annoncer l’Evangile», (v.15)! Serait-ce à cause du danger décrit plus haut ? Les chrétiens de Rome pensaient-ils être arrivés à une certaine perfection, une certaine maturité… Est-ce que le danger menaçait au point que Paul se sente obligé de recommencer la délivrance du message de l’Evangile ? Ou bien, l’Evangile recouvre- t-il une dimension que les chrétiens de Rome n’avaient pas saisie ?
Ce que l’Evangile n’est pas
En tous cas, connaître l’Evangile ce n’est pas seulement connaître les récits qui le composent. Ce n’est pas non plus s’informer sur Jésus-Christ. Car si connaître l’Evangile, c’était seulement avoir une idée sur Jésus, ou sur la Bible, alors il s’agirait là d’une religion; l’Evangile ne serait qu’une doctrine. Et dans ce cas, alors oui, on peut comprendre que peut surgir la question sur la «validité de cet Evangile », qui changerait selon les époques, l’âge des personnes, s’adapterait à l’église locale, aux pays dans lesquels il est implanté; il évoluerait selon des critères culturels, sociaux, nationaux, etc.
Et, puisqu’il paraît que seuls les insensés ne changent pas d’avis, et qu’il ne s’agit pour rien au monde de se trouver dans leurs rangs, on se sent prêt à tout: tous les compromis, toutes les tractations, afin de ne pas essuyer l’affront d’être accusé d’avoir des idées bien arrêtées, ce qui serait l’indice «d’un homme qui aurait cessé de réfléchir», selon E.Renan !
Comment faire comprendre, que si le fondement reste le même, si la Bible est immuable, ce qui change, ce qui évolue, ce qui bouge, c’est la profondeur et l’émerveillement de la compréhension !
Un jour, un prospecteur de pétrole vit la chose suivante lui être reprochée:
– Mais, depuis des semaines, vous êtes toujours au même endroit !
– C’est vrai, rétorqua-t-il. Mais plus je creuse ici, plus je me félicite d’avoir choisi cet endroit ! Quel bon exemple de stabilité…
Connaître l’Evangile
Aussi Paul veut-il annoncer l’Evangile à des chrétiens (v.15), parce que, ditil, «l’Evangile est la puissance de Dieu» (v. 16). Or, le même apôtre écrira qu’il «prêche Jésus-Christ crucifié, …qui est puissance de Dieu et sagesse de Dieu»…, (1 Cor 1.23-24). Par conséquent, prêcher l’Evangile, ce n’est pas prêcher une doctrine, mais prêcher une personne!
L’Evangile, c’est rencontrer le regard de Dieu, c’est rencontrer Christ, «qui est le même, hier, aujourd’hui, et éternellement » (Héb 13.8). On est loin de l’Evangile-doctrine-religion, qu’on a la démangeaison de modifier et d’adapter à notre siècle. On est dans le cadre de l’Evangile-rencontre avec Christ, que l’on ne peut altérer sans danger (lire Gal 1.7-9).
Cette découverte de la personne de Christ nécessite de la persévérance. Tout comme dans un couple: la découverte mutuelle dure une vie. Mais quels trésors cette découverte mutuelle n’apporte-t-elle pas ?
Conclusion
Ainsi, si changement il y a, c’est bien dans notre attitude qu’il doit avoir lieu et non pas à propos du cadre scripturaire dans lequel nous évoluons !
Exhortons-nous à la soumission aux Ecritures, pour nous-mêmes, en famille, en église, mais non pour être de ceux dont «la foi est renommée dans le monde entier» (v.8). Tolstoï disait: «Ne cherche pas à être un chrétien dont on parle, mais un chrétien que Dieu approuve.»
Remarquons enfin la confiance de l’apôtre Paul envers ces chrétiens de Rome. Après quinze chapitres, il sait que les bonnes dispositions de chacun ne le décevront point quant à la mise en pratique du message délivré de la part de Dieu (Rom 15.14 et 16.19).
B. C.
VIE CHRETIENNE
Lecture conseillée: Psaume 106.6-25
Quel est le jeune chrétien qui ne se réjouisse pas de lire : Merci à Dieu qui nous fait toujours triompher en Christ…(2 Cor 2.14), ou bien: Dans toutes ces choses, nous sommes plus que vainqueurs par Celui qui nous a aimés (Rom 8.37), ou encore: Ceux qui reçoivent l’abondance de la grâce et du don de la justice, régneront-ils dans la vie par Jésus-Christ… (Rom 5.17).
Et puis, après quelques pas dans la vie chrétienne, très vite il constate qu’il y a des hauts et des bas, que sa fidélité est mise à l’épreuve; qu’il ne fait pas toujours les bons choix et que, pris en défaut, il réalise combien est réelle la "tenaille.. décrite par l’apôtre Paul: Je ne fais pas le bien que je veux, mais je pratique le marque je ne veux pas (Rom 7.19), autrement dit: Le mal, je le fais bien, et le bien, je le fais mal.
Notre but est de démasquer quelques traits enflammés, qui sont susceptibles d’agiter la vie chrétienne, et qui, surtout, génèrent en nous-mêmes un questionnement stérile et culpabilisant sur la qualité de notre relation avec Dieu, voire même sur la personne de Dieu lui-même.
Nous vous proposons d’observer le peuple de Dieu, alors qu’il est dans le désert, dans ses hauts et ses bas; et spécialement, de regarder quelles sont les raisons qui induisent ses réactions.
Un résumé de l’Exode dans le Psaume 106
Dieu a arraché son peuple hors d’Egypte. Il l’a conduit dans le désert, et n’ignore certainement pas les problèmes que cela pose !
Le peuple est ainsi l’objet de toutes les sollicitudes de Dieu, et donc de toutes les ressources divines en matière de renouvellement: repos, victoire en chemin, changement des contrariétés en bénédictions, et surtout expériences spirituelles fortes. Citons, entre autres, la conduite visible de l’Eternel sur les chemins périlleux du désert. ..Malgré tout, il ne s’agit pas de choses occasionnelles: les soins de la part de Dieu sont de tous ordres, à disposition du peuple, quotidienne- ment. C’est une "assurance tout ris- que pour une vie sans risque"!
Et pourtant, les Israélites ne se rappellent pas la multitude variée de la grâce de Dieu, ils oublient ses œuvres, ils oublient leur Sauveur (Psaume 106.7, 13,21).
A croire que, quand l’homme ne pense qu’à lui-même, pèse ses difficultés, bref se regarde, il en perd toute lucidité…
L’oubli et quelques conséquences
Relevons sommairement ce qui suit immanquablement l’oubli.
Ils oublièrent les œuvres de Dieu, ils n’attendirent pas l’exécution de ses desseins (Ps 106.13).
L’oubli génère l’impatience. On oublie que Dieu tient ses promesses. Nous oublions le témoignage que, dans notre propre vie, Dieu est si sou- vent intervenu! Oublier revient à perdre un maillon essentiel qui compose la chaîne de notre vie chrétienne: la fidélité de Dieu à notre égard.
Si bien qu’on n’attend plus. On ne veille plus, parce qu’on n’attend plus l’action de Dieu. En fait, on n’écoute plus Dieu.
Ils oublièrent Dieu. ..ils ne crurent pas à la parole de l’Eternel. Ils murmurèrent dans leurs tentes…(Ps 106. 21, 24, 25).
L’oubli est la tombe de la foi, parce que l’oubli rend inopérante la parole de Dieu. Lorsqu’on oublie, la langue qui servait à louer Dieu devient alors un instrument de contestation. Nous parlons bien encore, mais pour mur- murer, dans nos tentes; un murmure qui s’étend au sein de notre famille, qui se développe dans le secret, et finit par ternir tous les domaines de la vie (Ps 106.39),
Des symptômes qui ne trompent pas
Les exemples qui pourraient illustrer ces murmures sont nombreux et valent la peine d’être médités. Le pas- sage de Nombres 21.4-5 est l’un de ces épisodes où l’on s’aperçoit que le peuple cède à cet engrenage décrit plus haut: j’oublie Dieu – je perds pied quant à la foi- je tombe dans le murmure et la contestation.
Le texte met clairement en évidence quelques symptômes d’alerte qui devraient nous montrer que nous sommes sur la mauvaise pente, et nous inciter à nous arrêter.
Tout d’abord, il y a l’impatience du peuple (v .4), qui est un terme fort signifiant le découragement. A ce propos, permettez-nous une illustration intitulée :
Le meilleur outil du diable: le découragement
Il avait été annoncé que le diable allait cesser ses affaires et offrait ses outils à quiconque voudrait payer le prix.
Le jour de la vente, ils étaient exposés d’une attrayante manière: malice, haine, envie, jalousie, sensualité, fourberie, tous les instruments du mal étaient là, chacun marqué de son prix.
Séparé du reste, se trouvait un outil en apparence inoffensif, et même usé, dont le prix était supérieur à tous les autres.
Quelqu’un demanda au diable ce que c’était.
– C’est le découragement, répondit-il.
– Et pourquoi donc le vendez-vous si cher?
– Parce que, répondit le diable, il m’est plus utile que n’importe quel autre. Avec ça, je suis capable d’entrer dans n’importe quel homme, et, une fois à l’intérieur, je puis le manœuvrer de la manière qui me convient le mieux. Cet outil est usagé parce que je l’emploie avec presque tout le monde; et de plus, très peu de gens savent qu’il m’appartient.
Il est inutile d’ajouter que le prix fixé par le diable était si élevé que l’instrument n’a jamais été vendu. .. et donc, que c’est toujours le diable qui en est le possesseur et qui continue à l’utiliser. ..
La nostalgie du passé
Revenons au texte de Nombres 21.5 pour souligner en second lieu que les Israélites parlent contre Dieu, contre celui qui les nourrit, les abreuve, les protège au quotidien, les dirige, les instruit sur sa personne, permet aux vêtements de ne point s’user (Deut 8.4), etc.
Quand nous lisons dans la Parole que Dieu lui-même prend soin de nous (1 Pi 5.7). nous pouvons constater la tenue de cette promesse en considérant la diversité et la constance des soins de Dieu envers son peuple dans le désert.
Un autre symptôme de l’oubli de Dieu et de ses bénédictions, c’est la mémoire de notre passé duquel nous avons évacué Dieu: le regret de l’Egypte est symptomatique! L’homme ne retient que ce qu’il veut bien. Il a la faculté d’oublier les choses qui le gênent, les choses négatives, celles qui l’ont blessé, tout ce qui ne lui fait pas plaisir. Avec le temps, les choses s’embellissent: l’Egypte devient peu à peu le bon vieux temps! Et du même coup, nous découvrons un autre symptôme qui n’est que la suite logique du point précédent: – tout ce que l’on vit aujourd’hui, les bénédictions du jour, la vigilance de Dieu, tout est balayé. Le désert, refuge où les Israélites côtoient Dieu chaque jour, devient un méchant lieu (Nom 20.5). La manne quotidienne devient une misérable nourriture (Nom 21.5).
Nous pouvons en conclure que l’oubli de Dieu est un véritable champ de mines spirituel: à l’évacuation de Dieu, succède inévitablement l’irruption de l’ego.
La lassitude s’installe
Nous osons affirmer que le peuple est atteint de ce que nous appelons le " syndrome de l’autoroute " ça roule; il sait où il va, grâce à Dieu; ça avance bien et pourtant, nous avons le sentiment d’une grande monotonie.
Et pourtant, la Parole de Dieu affirme que si les choses spirituelles sont en nous, et y sont en abondance, elles ne nous laisseront ni stériles, ni oisifs (2 Pi 1.8 ). La vie avec Dieu ne nous laissera jamais désœuvrés: être reconnaissant en toutes choses est une tâche pour le chrétien, tout comme être un intercesseur; être témoin est une rude tâche; être fidèle, n’est-ce pas une œuvre qui nécessite vigilance et connaissance ?
Et dire que la vie chrétienne peut être atteinte aussi de ce "syndrome de l’autoroute": le chemin est tracé en Christ; Il nous attend au bout de la route; ça roule. ..et pourtant, qu’est- ce qu’on s’y ennuie!
Quel antidote ?
La lecture de Deutéronome 8 fait ressortir la pensée de Dieu pour justement contrarier l’oubli qui souvent nous gagne, l’oubli et son cortège de nuisances !
Souviens-toi de tout le chemin que Dieu t’a fait faire. .., Reconnais en ton cœur que l’Eternel. .., Garde-toi d’oublier l’Eternel. .., Prends garde que ton cœur ne s’enfle et que tu n’oublies l’Eternel… (Deut 8.2,5,11,14).
Se souvenir est en effet un moyen de voir Dieu, de compter ses bienfaits, de se rappeler ce qu’il a fait; pensons à la Cène, qui est un mémorial (1 Cor 11.23).
Se souvenir alimente notre reconnaissance.
Mais aussi, se souvenir permet de mieux nous voir pour mieux réaliser que nous avons besoin quotidiennement de Dieu. Sans mémoire, il ne peut y avoir de confession de ce que nous sommes et de nos fautes (1 Jean 1.9).
Se souvenir, au contraire, apporte une responsabilité: celle de renouveler notre relation avec Dieu, puisqu’il nous pardonne et nous permet de repartir.
Ainsi, se souvenir nous épargnera, dans notre vie chrétienne, du "syndrome de l’autoroute", puisque seront présentes en nous les deux jambes de notre marche avec Dieu: la confession et la reconnaissance.
"Prenons soin que le message biblique puisse être annoncé dans
son intégrité, qu’il puisse être librement entendu – et ses effets se
produiront d’eux-mêmes."
Ulrich Zwingli réformateur suisse 1484-1531
(tiré de " En quête de l "Absolu – 1001 citations pour réfléchir "
A. Lukasik ; éditions Nouvelle Alliance CH-2016 Cortaillod)
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