PROMESSES
Si quelqu’un d’entre vous manque de sagesse, qu’il la demande à Dieu, qui donne à tous simplement et sans reproche, et elle lui sera donnée. Mais qu’il la demande avec foi, sans douter ; car celui qui doute est semblable au flot de la mer, agité par le vent et poussé de côté et d’autre. Qu’un tel homme ne s’imagine pas qu’il recevra quelque chose du Seigneur : c’est un homme irrésolu, inconstant dans toutes ses voies. (Jacques 1.5-8)
Certains versets pris hors contexte peuvent conduire à des interprétations déroutantes qui auront des conséquences négatives sur la vie des croyants. C’est le cas des versets 5 à 8 du chapitre 1 de l’Épître de Jacques. Certains lecteurs ont peut-être déjà été étonnés de la dureté des mots de Jacques. L’apôtre est-il vraiment en train de dire que, si nous avons quelques fois des doutes, ou que nous faisons parfois preuve d’hésitation, alors Dieu ne répondra pas à nos prières ? N’est-ce pas contradictoire avec le fait que nous devions prier humblement pour demander la sagesse ? Si nous n’avions de réponse à nos prières qu’à condition d’être en permanence absolument confiant et intellectuellement certain, alors ces réponses de Dieu dépendraient de nos propres efforts… et n’arriveraient pas souvent ! Il convient dès lors de replacer ces versets dans leur contexte pour tenter de mieux comprendre ce que Jacques veut dire ici.
Le contexte
Le premier sujet abordé par Jacques dans son Épître concerne les épreuves auxquelles ses destinataires, des Juifs convertis à Christ, pourraient être exposés. Après les avoir encouragés à considérer ces épreuves comme « un sujet de joie complète » à cause du bénéfice qu’ils pourraient en retirer spirituellement (versets 2 à 4), Jacques les exhorte à prier « avec foi, sans douter » afin d’obtenir la sagesse que Dieu, dans sa grâce, désire donner à tous ceux qui en font la demande (versets 5 à 8). Le lien entre les deux paragraphes est établi par la répétition de termes identiques ; les croyants devraient tendre vers la perfection, « ne manquant de rien » (v. 4b, Darby), et « si quelqu’un manque de sagesse », il est invité à prier pour cela (v. 5). Dans des temps d’épreuves, le croyant soumis à diverses causes d’affliction ou de souffrance, est invité à se tourner vers Dieu dans la prière. C’est de lui, écrit Jacques, que viendra la sagesse, présentée ici comme la solution qui transformera l’épreuve en une occasion de croissance spirituelle. Après quelques observations sur la sagesse nous nous pencherons sur la manière de la demander.
La sagesse
L’une des qualités dont tout croyant pourrait venir à manquer, en particulier dans l’épreuve, est la sagesse. « Si quelqu’un d’entre vous manque de sagesse » écrit Jacques, mais cette condition semble en réalité souligner une situation connue de presque tous les lecteurs de l’épître. Il faudrait presque lire : « Puisque vous manquez de sagesse ». En effet, quel croyant pourrait se targuer de ne pas en manquer ?
Jacques, un des frères du Seigneur, est un croyant d’origine juive s’adressant à d’autres Juifs convertis ; il emploie ce terme en ayant certainement en tête ses mentions dans les Écritures, et confiant que ses lecteurs sauront reconnaître l’allusion. Le livre des Proverbes en particulier présente la sagesse comme un moyen d’accéder à la pensée de Dieu ainsi qu’à la façon de l’appliquer dans la vie du croyant : « Car la sagesse viendra dans ton cœur, et la connaissance fera les délices de ton âme… » (voir Prov 2.10-19, voir aussi 3.13-14 et 9.1-6).
Plus loin dans l’Épître, Jacques oppose la sagesse « terrestre, charnelle, diabolique » et « la sagesse d’en haut » (3.13-18). Les caractéristiques de cette dernière sont proches de la description faite par Paul du « fruit de l’Esprit » (Gal 5.22-23). Mais alors que le croyant ne peut pas manquer de l’Esprit, la sagesse, elle, peut venir à manquer. Le croyant est alors invité à simplement la demander à Dieu, qui répond aux prières.
Dieu, qui donne…
En promettant à ses lecteurs que Dieu donnera la sagesse à ceux qui en font la demande, Jacques confirme les enseignements de l’Ancien Testament : « Car l’Éternel donne la sagesse » (Prov. 2.6). Mais il se fait aussi certainement l’écho des paroles de Jésus sur la prière : « Demandez, et l’on vous donnera » (Mat 7.7). Il en va de notre responsabilité de croyant de présenter nos besoins à Dieu. Mais nous avons aussi la promesse qu’il n’ignorera pas notre prière.
En effet, tout comme Jésus a pu le faire, Jacques affirme avec assurance que Dieu répondra. Pour cela il se base sur le caractère même de Dieu. Dieu, comme le rappelle Jacques, « donne à tous simplement et sans reproche ». Le premier adverbe, parfois traduit « libéralement », peut désigner la générosité de ce don. Mais il exprime surtout le fait que Dieu n’hésite pas à répondre favorablement à la demande qui lui est faite. Son intention est tout entière de satisfaire le besoin de sagesse afin de permettre à ses enfants d’avoir les forces de tenir ferme dans les épreuves. En ce sens, la première caractéristique de ce don s’articule bien avec la seconde, « sans reproche » et forme un contraste évident avec la personne qui doute dans les versets 7 et 8. L’intention de Jacques est donc ici de souligner la façon dont Dieu donne : sans retenue, sans hésitation, et sans arrière-pensée.
Enfin, Dieu ne nous réprimande pas pour nos échecs et nos manquements passés, il ne nous accable pas non plus en nous rappelant constamment la valeur de ses dons. Ces versets, tout comme les enseignements de Jésus en Matthieu 7, nous encouragent à venir présenter avec confiance nos requêtes à ce Dieu qui ne varie pas dans sa grâce.
Prière, foi et doute
Après avoir souligné la façon dont Dieu donne, Jacques aborde la façon dont nous devons demander. Si le contexte est bien celui de la demande de sagesse, il est possible de lire ce passage plus généralement comme un enseignement sur l’importance de la foi dans la prière. Jacques vient de spécifier que la réponse de Dieu aux prières n’est pas le privilège de quelques-uns, car Dieu donne « à tous » (v. 5). En revanche, la façon dont nous demandons peut faire obstacle à l’obtention d’une réponse. Dieu n’accorde pas toutes les requêtes, souvent du fait de la légèreté et du caractère autocentré de celui qui les formule (cf. 4.2-3). Mais il répond aux prières formulées « avec foi », « sans douter ».
Jésus a utilisé les mêmes mots lorsqu’il enseignait sur la prière. Alors que ses disciples manifestaient leur étonnement après que, sur l’ordre de Jésus, un figuier avait séché sur place devant leurs yeux, le Seigneur leur avait dit : « Je vous le dis en vérité, si vous aviez de la foi et que vous ne doutiez point, non seulement vous feriez ce qui a été fait à ce figuier, mais quand vous diriez à cette montagne : Ôte-toi et jette-toi dans la mer, cela se ferait. Tout ce que vous demanderez avec foi par la prière, vous le recevrez. » (Mat 21.21-22)
Dans ces passages, la foi désigne plus que la confiance dans le fait que Dieu accordera ce que nous lui demandons. Elle englobe une réalité plus large : elle décrit la vie d’un croyant qui confie tous les aspects de sa vie à Dieu, sans hésiter. Au contraire, le doute désigne une forme d’hésitation. Il ne renvoie pas seulement à un « doute » sur le fait que Dieu répondra et agira. Il désigne plutôt un esprit divisé qui, d’emblée, empêche de faire confiance à Dieu. Il ne s’agit pas tant d’un doute intellectuel que d’une forme de duplicité. Ce que Jacques dénonce, c’est un conflit de loyauté, comme entre Dieu et « le monde » (Jac 4), ou entre Dieu et « Mammon » comme l’a enseigné Jésus (Mat 6.24).
La fin du verset 6 offre une comparaison imagée de celui qui doute avec « le flot de la mer, agité par le vent et poussé de côté et d’autre ». Telle la surface agitée de l’océan dont l’aspect change constamment, bouleversée par des vents dont l’intensité et la direction varient, la personne dont l’esprit est divisé n’a ni foi assurée, ni direction stable. Jacques décrit une personne dont la confiance en Dieu est loin d’être inébranlable, une personne prête à être emportée à tout vent de doctrine ou à céder face aux arguments ou à l’hostilité de ses opposants. Les versets 7 et 8 sont sans appel : « Qu’un tel homme ne s’imagine pas qu’il recevra quelque chose du Seigneur : c’est un homme irrésolu, inconstant dans toutes ses voies. » La personne qui doute, dont l’esprit est divisé, ne saurait s’attendre à ce que Dieu réponde à ses prières, car sa loyauté envers le Seigneur est loin d’être constante et sincère.
Simplicité ou indécision
Dans ce passage, Jacques dénonce la personne dont l’esprit est divisé. Bien que le mot qu’il emploie (dipsyschos) soit un terme inédit en grec, la Bible exprime la même idée à divers endroits. Dieu bénit ceux « qui le cherchent de tout leur cœur » (Ps 119.2). De même, lorsqu’un docteur de la loi demande à Jésus quel est le plus grand commandement, ce dernier cite le Deutéronome : « Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, et de toute ta pensée. » (Mat 22.37) Jacques s’inscrit dans la même pensée lorsqu’il invite ses lecteurs à prier « avec foi, sans douter ». Si les croyants doivent devenir « parfaits et accomplis » (v.4), la lettre les encourage à désirer la « simplicité », une caractéristique divine qui transparaîtra dans leur cœur et dans leur vie.
Inversement, le doute dénoncé ici devra donc être compris comme une forme d’indécision, de conflit intérieur. Ces versets ne doivent donc pas servir à accabler les croyants qui, dans des difficultés dont les causes peuvent avoir diverses origines, se demandent où est Dieu. Lorsque David s’écrie : « Jusqu’à quand, Éternel ! m’oublieras-tu sans cesse ? Jusqu’à quand me cacheras-tu ta face ? » (Ps 13.2), il exprime avec sincérité son incompréhension face à des circonstances hostiles. Mais c’est bien à Dieu que cette prière est adressée, et c’est de lui que David attend le secours, sans que sa foi n’en soit ébranlée : « Moi, j’ai confiance en ta bonté» (Ps 13.6). Il croyait que Dieu était digne de confiance et qu’il pouvait lui remettre tous les aspects de sa vie.
Nous pouvons bien nous interroger : notre confiance en Dieu est-elle totale ou bien hésitons-nous entre Dieu et le monde ? Suis-je simple/loyal ou partagé ? Mais à tous ceux qui s’attendent à Dieu, Jacques ne dit pas que le Seigneur les rejettera s’ils lui adressent des questions ou formulent des inquiétudes, car ils continuent de le chercher dans ces circonstances. C’est justement dans les difficultés que nous avons besoin de la sagesse qui vient de Dieu. Jacques nous encourage à la demander plutôt que de nous appuyer sur nos propres ressources. Cet encouragement est associé à une promesse : Dieu donne, sans retenue ni hésitation, à ceux qui désirent être « parfaits et accomplis », par sa grâce.
Placé dans le canon parmi les livres prophétiques, le livre de Daniel couvre une très large période qui débute avec le renversement de Jojakim par Nebucadnetsar en 606 av. J.-C., entraînant la première partie de la déportation de Juda à Babylone.
Riche en détails sur l’histoire des empires qui se succèdent en ce « temps des nations », le livre souligne la souveraineté de Dieu, y compris sur la scène politique nationale et internationale, alors qu’Israël, vaincu militairement, est mis de côté à cause de son infidélité.
La première partie (ch. 1 à 6) présente la manière dont un petit nombre de déportés de Juda demeurent fidèles à Dieu alors même qu’ils se trouvent à Babylone, lieu où siège le gouvernement des ennemis du peuple. Parmi ces quelques fidèles, quatre jeunes Hébreux : Hanania, Mishaël, Azaria et Daniel, membres de l’élite intellectuelle, que Nebucadnetsar et ses successeurs sur le trône cherchent à exploiter pour leurs propres desseins. Dans ces premiers chapitres, le livre de Daniel présente la situation et le caractère de ces étrangers en terre hostile.
Le fait que le livre soit placé dans le canon hébreu parmi les « Écrits » (« Ketubim ») au côté de textes sapientiaux comme l’Ecclésiaste, Job ou le livre des Proverbes nous invite d’ailleurs à porter une attention particulière à la manière dont la sagesse se traduit dans l’attitude de Daniel et de ses compagnons à la cour de Babylone. Le but de cet article est ainsi d’étudier la façon dont, face à un pouvoir autoritaire, quelques croyants demeurent fidèles à Dieu ; tout en œuvrant au bien de la cité et sans jamais manquer de respect envers les autorités, ils refusent de se compromettre, au prix de la persécution.
Un pouvoir autoritaire
Après le siège de Jérusalem et la défaite de Jojakim, Nebucadnetsar pille le temple et en transfère les ustensiles « dans la maison du trésor de son dieu » (Dan 1.2). Idolâtre, le roi de Babylone souhaite avoir une emprise spirituelle sur le peuple d’Israël soumis. Il cherche également à asseoir son pouvoir personnel en rassemblant à sa cour l’élite intellectuelle des nations conquises. Non seulement ces jeunes hommes devaient-ils être beaux, mais ils devaient posséder sagesse, connaissance et science (1.3-4). Toutefois, afin d’être rendus propres au service, les Hébreux devaient subir un processus d’acculturation et d’assimilation qui prenait trois formes : l’apprentissage des lettres et de la langue des Chaldéens (1.4), la consommation de mets et de vin provenant de la table du roi (1.5) et l’adoption de nouveaux noms (1.7). Ainsi, le pouvoir du roi s’exerçait-il sur les êtres tout entiers, corps, âmes et esprits.
En effet, en faisant apprendre les lettres et la langue de l’empire babylonien à ces jeunes, il s’agissait de modifier leur manière de penser pour leur faire adopter celle des conquérants idolâtres. De même, accepter de manger les mets du roi aurait signifié pour les Juifs se souiller en ne respectant pas les injonctions de la loi, alors que ces viandes étaient certainement sacrifiées aux idoles. Quant aux nouveaux noms que Daniel et ses compagnons reçoivent, ils altèrent l’identité des Hébreux pour leur faire porter le nom des dieux étrangers. Daniel, dont le nom signifie « Dieu est juge » ou « juge de Dieu », devient Belteshatsar, du nom du dieu babylonien Bel/Baal, et Hanania (« donné de Dieu en grâce »), Mishaël (« qui est comme Dieu ») et Azaria (« celui que Dieu aide ») sont appelés respectivement Schadrac, Méschac et Abed-Nego, également en référence à des divinités de Babylone.
Cette volonté de domination totale se retrouve au début du chapitre 3, lorsque Nebucadnetsar fait élever une statue d’or et réunit toutes les personnalités les plus importantes du royaume ainsi que les « peuples, nations, hommes de toutes langues » à l’occasion de sa dédicace (3.2-4). En faisant saluer la statue, le roi forçait ses sujets à adorer le dieu que, dans son orgueil, il s’était fait pour lui-même. À travers la statue, c’était lui-même que Nebucadnetsar désirait que les hommes adorent. De même Darius le Mède, sous l’influence de ses conseillers, se laisse déifier et être révéré (6.6-9), le culte idolâtre servant ainsi à conforter le pouvoir du tyran. Aujourd’hui encore, certains dirigeants cherchent à faire adorer leur personne et élèvent des statues à leur gloire (comme en Corée du Nord par exemple). Mais la liberté, en particulier celle de conscience, est bien souvent menacée de manière plus subtile, ce à quoi le croyant devrait être attentif.
Quelques fidèles
Face à l’oppression politique et spirituelle d’un pouvoir idolâtre qui, après les avoir privés de leur liberté, cherche à leur ôter leur identité, Daniel et ses compagnons choisissent de rester fidèles à Dieu. Parmi les caractéristiques de ces quatre serviteurs, notons tout d’abord qu’ils prient régulièrement, seuls, comme Daniel après la publication du décret de Darius (6.10), ou bien collectivement, comme lorsqu’il s’agit d’intercéder pour connaître la vision de Nebucadnetsar et son interprétation (2.17-18).
Ces prières sont également nourries par la lecture de la Parole (« les livres » mentionnés en 9.2), principalement des prophéties de Jérémie concernant Jérusalem et la durée de l’exil de Juda à Babylone, ce qui conduit Daniel à confesser les péchés du peuple et à intercéder pour lui.
Enfin, la fidélité de Daniel et ses compagnons se remarque dans leur volonté de s’abstenir de participer de près ou de loin au culte des idoles. C’est pourquoi Daniel résout « de ne pas se souiller par les mets du roi et par le vin dont le roi buvait » (1.8) et obtient du chef des eunuques une dispense pour lui et ses trois compagnons. Plus tard, ces derniers font preuve de la même résolution lorsqu’ils déclarent à Nebucadnetsar leur refus de participer au culte des dieux de Babylone et d’adorer la statue d’or (3.18).
Aujourd’hui encore, la prière et la lecture de la Parole aident le croyant à chercher la volonté de Dieu et à s’orienter dans un monde qui le rejette. Il convient également d’être prudent pour ne pas aveuglément adopter le langage ou la manière de penser de ceux dont les valeurs pourraient être contraires à l’Évangile. Néanmoins, le livre de Daniel montre également que le refus de la compromission morale ne passe pas nécessairement par un retrait complet des affaires de la cité.
Œuvrer au bien de la cité
Étant donnés la situation d’esclavage dans laquelle se trouvaient Daniel et ses compagnons, mais aussi les valeurs et le comportement des dirigeants qu’ils étaient contraints de servir, l’on pourrait s’attendre à ce qu’ils ne souhaitent pas particulièrement s’appliquer dans les tâches qui leur étaient confiées. Toutefois, il est dit que Dieu leur accorda « de la science, de l’intelligence dans toutes les lettres, et de la sagesse » (1.17) au point qu’ils surpassèrent les magiciens et les astrologues du royaume (1.19-20). Lorsque Babylone est conquise par les Mèdes et les Perses, Daniel est même établi comme l’un des trois chefs des satrapes et est distingué comme surpassant « les chefs et les satrapes, parce qu’il y avait en lui un esprit supérieur ; et le roi pensait à l’établir sur tout le royaume » (6.3). Bien qu’au service de dirigeants impies, Daniel s’efforce d’utiliser au mieux les talents intellectuels qu’il a reçus de Dieu. En œuvrant ainsi au bien de la cité, Daniel témoignait déjà de ce que l’apôtre Paul a plus tard enseigné : « Tout ce que vous faites, faites-le de bon cœur, comme pour le Seigneur » (Col 3.23). Pour Daniel, le fait qu’il soit au service d’un roi étranger n’enlevait rien au fait qu’il rendait gloire à Dieu en travaillant excellemment.
Ainsi Daniel ne s’est pas isolé avec ses compagnons d’exil, mais, tout en refusant tout compromis, il a cherché à tisser des liens qui lui furent souvent utiles. Il put demander à être autorisé à s’abstenir des mets et des vins de la table royale grâce à la faveur qu’il avait trouvée auprès d’Aschpenaz, le chef des eunuques (Dan 1.9). De même, il est peu probable que Daniel eût pu s’entretenir avec Arioc, le chef des gardes, au moment, où Nebucadnetsar lui avait ordonné de tuer les sages, si une relation n’avait pas existé auparavant (2.14).
Mais malgré sa capacité unique à connaître et interpréter les songes, Daniel sollicite ses compagnons et les associe à la prière qu’il adresse au « Dieu des cieux » (2.17-18). Et lorsque, après que son rêve eût été révélé et interprété, le roi souhaite récompenser Daniel en lui donnant « le commandement de toute la province de Babylone » et en le faisant « chef suprême de tous les sages de Babylone » (2.48), ce dernier demande que le roi promeuve également ses compagnons (2.49).
Les chrétiens impliqués en politique et dont l’appel est d’œuvrer au bien de la cité doivent pouvoir s’appuyer sur une église et sur la prière de compagnons fidèles. De plus, la construction de relations positives et un travail réalisé avec l’exigence de l’excellence seront un témoignage dans le monde. L’histoire de Daniel souligne néanmoins que la fidélité à Dieu, lorsqu’elle s’oppose à la volonté du souverain, devient un motif de persécution. Comment dès lors concilier respect envers les autorités et obéissance à Dieu ?
Craindre Dieu, honorer le roi
La succession des empires telle qu’elle est décrite dans le livre de Daniel invite le lecteur à considérer la souveraineté de Dieu, qui nomme et dépose les rois : « le Très-Haut domine sur le règne des hommes et […] le donne à qui il lui plaît » (4.25). Cette affirmation concorde avec ce que, s’adressant à d’autres croyants également soumis à un pouvoir despotique, l’apôtre Paul déclare : « il n’y a point d’autorité qui ne vienne de Dieu, et les autorités qui existent ont été instituées de Dieu » (Rom 13.1). Dès lors, l’apôtre Paul insiste sur la nécessité d’être soumis à ces autorités (Rom 13.5). De même, l’apôtre Pierre stipule : « Soyez soumis, à cause du Seigneur, à toute autorité établie parmi les hommes, soit au roi comme souverain, soit aux gouverneurs comme envoyés par lui pour punir les malfaiteurs et pour approuver les gens de bien » (1 Pi 2.13-14). Ainsi, quelle que soit la nature du gouvernement d’un pays, les croyants sont appelés à y être soumis pour la raison que c’est Dieu qui en est la source, et qu’un gouvernement, même mauvais ou corrompu, vaut mieux que l’anarchie.
Néanmoins, nous avons vu précédemment que Daniel et ses compagnons avaient à plusieurs reprises désobéi aux ordres du roi. Lorsque Schadrac, Méschac et Abed-Nego refusent de s’incliner devant la statue dressée par Nebucadnetsar, la menace est claire : ils seront jetés dans une fournaise ardente. Mais les trois Hébreux savent qu’en obéissant au roi ils violeraient l’un des dix commandements, et ils usent de la liberté qu’a tout croyant de désobéir aux lois qui contredisent explicitement la Parole. Alors ils répondent avec foi : « Voici, notre Dieu que nous servons peut nous délivrer de la fournaise ardente, et il nous délivrera de ta main, ô roi » (Dan 3.17). Dans le Nouveau Testament, l’on trouve une attitude similaire de la part de Pierre et Jean qui, lorsqu’on leur ordonne de ne plus « parler et d’enseigner au nom de Jésus », répondent aux autorités religieuses qui les ont convoqués : « Jugez s’il est juste, devant Dieu, de vous obéir plutôt qu’à Dieu » (Act 4.18-19).
Il n’est jamais attendu du croyant qu’il se soumette à un ordre qui irait à l’encontre de ce que lui dictent sa conscience et les principes éthiques de la Parole. Notons cependant qu’à aucun moment Daniel ou ses compagnons ne manquent de déférence envers le roi ; la désobéissance ne doit pas mener au mépris, à l’insulte voire à la violence, le croyant étant plutôt appelé à « [honorer] tout le monde », en particulier le roi (1 Pi 2.17).
Mais lorsque, ayant osé dire la vérité et rester droits devant Dieu, les jeunes Hébreux sont en butte à la persécution, alors le livre de Daniel montre comment la présence de Dieu se manifeste au cœur d’une opposition à laquelle ces serviteurs s’étaient préparés. Nebucadnetsar est lui-même étonné de constater qu’un quatrième homme, dont la figure « est semblable à celle d’un fils des dieux » (Dan 3.25) est présent dans la fournaise ardente. Plus tard, Daniel est lui-même en mesure de déclarer à Darius que « Dieu a envoyé son ange et fermé la gueule des lions » (6.22). Ainsi Dieu lui-même accompagne-t-il ceux qui sont à lui et les aide-t-il au cours des épreuves qu’ils rencontrent dans le service auquel il les a appelés. Mais nous avons également vu que Dieu pouvait récompenser la fidélité de ses serviteurs en leur faisant trouver faveur à la cour et gagner en responsabilité, la première partie du livre se concluant d’ailleurs sur cette note puisqu’il est dit que « Daniel prospéra sous le règne de Darius, et sous le règne de Cyrus, le Perse » (6.28).
Conclusion
Bien qu’exilés, soumis à un pouvoir tyrannique qui veut les priver de leur liberté, de leur culture voire de leur identité, et confrontés à l’utilisation politique d’un culte idolâtre, Daniel et ses compagnons ne sont pas découragés. Au contraire, ils saisissent chacune des occasions qui leur sont données de glorifier le Seigneur par un service fidèle. S’ils refusent toute forme de compromission, allant jusqu’à désobéir aux ordres royaux au prix de la persécution, ils n’en demeurent pas moins soumis aux autorités instituées par Dieu. En ce sens, ils constituent un modèle de sagesse pour le croyant engagé en politique, et plus généralement pour tout citoyen chrétien. L’influence de croyants comme Daniel et ses compagnons sur les dirigeants peut même les conduire à découvrir la vérité divine, à l’instar de Nebucadnetsar. Et si l’on ne peut attendre d’un État qu’il conforme ses lois à l’éthique biblique, du moins les chrétiens engagés en politiques peuvent-il œuvrer pour le bien, par exemple en cherchant à garantir la liberté de conscience.
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