PROMESSES

La publicité est omniprésente : tel est le sentiment que nous éprouvons devant le bombardement continu auquel le flux des messages publicitaires expose nos esprits, par tous les vitrages (lunette, pare-brise, écrans, lucarnes…) à travers lesquels nous observons le monde.
Où fuir loin de la pub ?

Certes, il reste aux privilégiés que nous sommes la retraite du culte, et quelques heures ici et là de méditation à huis clos, lesquelles, hélas ! pèsent peu dans la balance de nos journées ! À ces exceptions près, en effet, l’époque « formidable » (terme dont le sens littéraire est « dangereux »…) qui est la nôtre paraît tout entière orchestrée par la publicité. La « pub » (l’apocope témoigne de son caractère familier !) ne préside pas seulement à la prospérité des entreprises ; elle contribue à l’éclat des fêtes, subventionne les exploits sportifs et les élans humanitaires ; elle s’enorgueillit même dans le champ politique, du pouvoir de faire ou de défaire les princes ; depuis peu, elle protège des épidémies et éduque en douceur les réfractaires à l’hygiène. La pub tient en éveil du matin au soir une nuée de serviteurs qui rivalisent d’habileté et de finesse, dans les services de marketing des entreprises et dans les agences spécialisées. Elle possède aussi des élites dont les plus éminentes ont rang de gourous dont la modestie n’est pas le fort. Mais ils ont les puissants à leurs pieds !

La pub : inévitable et omniprésente

Le chrétien, même s’il est instinctivement sur la réserve, doit commencer par reconnaître que la publicité commerciale répond à une nécessité sociale. Chérie ou honnie, la pub n’est étrangère ni à son bien-être matériel ni à la prospérité générale des nations dites développées, elle n’est absente que des pays les plus totalitaires, où la propagande des tyrans la remplace. La pub assure l’indispensable communication des producteurs aux consommateurs. Aucun entrepreneur raisonnable ne se donnerait le but de produire sans chercher à vendre, et ne pourrait longtemps souffrir de voir ses entrepôts se remplir sans perspective de clientèle. Et cette fonction vitale de la publicité ne se manifeste que très exceptionnellement sans qu’on la suscite. Il faut des situations de pénurie aggravée (d’économie de guerre) pour que le « bouche à oreille » permette à la multitude des consommateurs de connaître les biens disponibles qui leur sont destinés. La communication, dans tous les autres cas, doit être organisée : c’est là le rôle dévolu à l’industrie publicitaire. Celle-ci est appelée à un développement proportionnel à l’abondance, à la diversité, à la complexité des produits à promouvoir. À leur caractère innovant, ou… superflu aussi. La société de consommation dite avancée qui est la nôtre, où les firmes du monde entier ambitionnent de séduire un consommateur versatile et blasé, est inévitablement une société de saturation publicitaire. Les mesures de cette saturation varient. Tel auteur estime que chaque personne, en France, serait exposée à 500 messages par jour, tel autre avance le chiffre de 1000, un autre encore celui de 2500… à faire frémir même un rat de bibliothèque !

Devant ce constat, le croyant soucieux de mener une vie simple et chrétienne, ancrée dans le monde mais affranchie de l’esprit mondain, ne peut réprimer une double angoisse : celle d’un accaparement tel des espaces cérébraux par la publicité que le message de l’Évangile ne pourrait plus guère y être entendu, celle aussi de se trouver lui-même sous son influence, victime plus ou moins consentante d’un air du temps — la « culture pub » — qui le détournerait insensiblement de ses priorités de foi ou qui ferait de lui, sans qu’il s’en rende compte, un consommateur frivole.

La pub : pas toujours efficace

Un peu de sang-froid permet de relativiser les craintes. De l’aveu même des théoriciens du marketing, les messages publicitaires ont une efficacité aléatoire, et toujours difficile à mesurer, même à l’ère d’internet. Leur impact s’échelonne dans le temps entre l’immédiat et le très long terme, et vont du rejet à l’adhésion complète, en passant par l’indifférence et la non-compréhension. Il n’y aurait jamais d’invendu ni de mévente si la pub atteignait toujours son but. Que l’on songe par exemple que l’un des « géants de Detroit », constructeur d’automobiles sauvé in extremis de la faillite, était l’un des tout premiers budgets publicitaires du monde ! Les causes de l’échec publicitaire ne sont pas toujours explicables. Il est certes des pubs qui échouent par manque d’attrait (lequel peut avoir différentes causes : un travail mal fait, une prise de risque mal calculée, un excès d’humour ou de scrupules…), mais la psychologie humaine est trop complexe pour garantir le succès à quiconque, et même une personnalité fruste est capable de déjouer certaines des tentatives de manipulation dont elle est l’objet. Il ne faut pas se départir d’une saine théologie de la providence divine (la création, heureusement, n’est pas tout entière livrée aux vicissitudes humaines) ! Ni oublier que le méchant « fait une œuvre qui le trompe ». Il est frappant que les objectifs prêtés à la publicité soient loin d’être toujours atteints, et que les effets obtenus soient parfois à l’opposé même de ceux qui avaient été visés. Sur l’échec publicitaire, un cas d’école se déploie sous nos yeux. Les limites de la culture pub ne sont-elles pas démontrées par la multiplication des foulards et des voiles dans les banlieues, parmi les populations pourtant téléphages, soumises autant que les autres à un matraquage médiatique prônant plutôt le minimalisme textile… Quels que soient les autres motifs qui assurément entrent en ligne de compte, force est de constater que le phénomène manifeste un rejet radical d’une atmosphère médiatico-publicitaire que l’on dénonce pourtant, à d’autres moments, comme confinant au conditionnement mental. L’adoption du voile paraît un phénomène préoccupant dans la France laïque, révélateur d’autres conditionnements, mais le phénomène démontre au moins une certaine autonomie du sujet face à la pression publicitaire, ou la possibilité pour d’autres discours de s’imposer contre elle. (Tout à fait incidemment, notons que le débat sur la bienséance vestimentaire concerne aussi les chrétiens, par-delà le voile… La prescription biblique de « sobriété vestimentaire » doit être réactualisée par chaque génération de chrétiens, auxquels il appartient de définir un code acceptable, qui repousse à la fois ce qui est malséant par manque de pudeur et ce qui le serait par excentricité passéiste.)

Quoi qu’il en soit, les cas de résistance à la pub observés dans différents domaines démontrent que l’influence qu’elle exerce requiert toujours un certain degré de coopération de celui qui la subit. Nous ne pouvons pas, a fortiori comme chrétiens, nous considérer comme exonérés de la responsabilité de nos décisions sous prétexte que l’environnement médiatico-publicitaire nous y aurait conditionné. Les tentations de la pub sont humaines (1 Cor 10.13).

La pub dans la spirale de la surenchère et de la provocation

Le fait que la pub soit dépourvue de pouvoir hypnotique ne fait pas d’elle pour autant une réalité inoffensive. Le marketing fait en particulier un large usage des acquis de la psychologie, et affectionne opérer au niveau de l’imaginaire et de l’inconscient. Il participe à la création d’une ambiance sociale où la simplicité de l’Évangile paraît de plus en plus étrange et où le virtuel et le luxueux prennent rang de réalités dernières. De la réclame bariolée qui avait choqué, jadis, par son envahissement des murs des villes et des campagnes, on est passé au « marketing intégré ». Celui-ci se préoccupe de susciter et d’entretenir le désir de plus en plus tôt dans la stratégie de la firme. De la promotion du produit, on est passé à l’exaltation de la marque, autour de laquelle il s’agit de créer une ambiance propice, une connivence « soft » qui ôte tout déplaisir à l’acte d’achat — tant le standing acquis est désirable. Le consommateur, enserré dans un entrelacs de messages qui visent à entretenir son désir, sera satisfait mais préservé de tout sentiment de satiété qui serait naturellement préjudiciable aux affaires… Toutes les facettes de la sensualité et de la séduction peuvent être mobilisées, comme les différents degrés d’un humour parfois très efficace. Le registre de l’information n’est pas toujours abandonné, mais l’exigence de sincérité est absente, et la relation du message à la vérité est de nature élastique. L’intérêt « véritable » du consommateur, lié à la qualité intrinsèque du produit et à son utilité réelle, est une notion reléguée de plus en plus à l’arrière-plan, au point qu’elle s’efface des mentalités. Il existe certainement des exceptions. Mais que penser du « marketing de la peur », efficace en matière alimentaire, qui joue sur les craintes des consommateurs pour promouvoir des produits coûteux et proclamés bienfaisants ? Sincérité toute relative et sollicitude intéressée, serait-on tenté de conclure… Les employés du « bureau de vérification de la publicité », qui répriment les mensonges grossiers auxquels les moins habiles se laissent aller, sont en réalité démunis devant les escroqueries raffinées qui pullulent.

Pour s’en tenir aux caractéristiques les plus saillantes de l’industrie publicitaire contemporaine, ajoutons que celle-ci paraît entraînée, dans sa conquête des « espaces cérébraux » par une double spirale de surenchère et de provocation. La surenchère est un effet direct de la compétition industrielle globalisée. Elle se remarque dans le discours publicitaire, qui est par construction incapable de laisser le dernier mot à autrui. Elle se manifeste aussi par les moyens humains et matériels placés au service de la pub, garants d’une progression constante de sa perfection formelle, et donc de sa capacité à séduire, car le beau est utile pour convaincre ! Les chiffres peinent à traduire les trésors d’intelligence et d’habileté que nos sociétés placent au service de la pub. Pour plus d’un artiste incertain, la fée publicité a conjuré la malédiction de sa condition matérielle, en transformant en or une existence de plomb… Le concours d’artiste n’est pas superflu : les « fils de pub » doivent rivaliser de talent pour capter l’attention, obtenir l’adhésion, et entretenir l’affect d’un consommateur inconstant qui doit être conduit pas à pas à la découverte de ses besoins cachés. Cette surenchère de moyen s’associe fréquemment à une arme relativement nouvelle dans l’arsenal publicitaire : le recours à la provocation calculée. Au-delà même de l’excitation à la consommation que produit la pub, c’est bien en tant qu’agent de subversion des codes sociaux que la pub paraît avoir l’action la plus corrosive sur l’éthique. De fait, dans un monde où le pire échec est de passer inaperçu, les publicitaires n’hésitent plus (on se souvient du rôle pionnier de l’entreprise Benetton dans ce registre, il y a une vingtaine d’années) à choquer volontairement le public, selon la logique propre de la provocation, qui impose sans cesse de nouvelles transgressions. La notoriété avant tout ! Ainsi, de simples auxiliaires de la société de consommation, les publicitaires ont-ils mutés, en acteurs à part entière du consensus social, capables d’influer directement sur le discours dominant. L’inertie apparente des autorités morales, qui ne peuvent recourir à des moyens analogues, communique souvent un sentiment exagéré de dérive de l’éthique, l’évolution réelle étant en réalité beaucoup lente et contrastée. Mais le ton est donné par la pub et les médias qui marchent d’un même pas.

Certes, nous n’avons pas à défendre tout ce dont le médiatico-publicitaire se moque, mais nous devons réfléchir à la formulation d’une éthique chrétienne argumentée sur bien des questions qui, il y a peu de temps encore, nous paraissaient tranchées pour l’éternité.

Pour une éthique du contentement et de la générosité

Les enjeux éthiques du phénomène publicitaire se sont transformés avec la publicité elle-même. La réclame d’autrefois était essentiellement ressentie par le consommateur chrétien comme un défi lancé à son idéal de frugalité et à sa résolution à se conformer au « tu ne convoiteras point ». La question de la convoitise n’a rien perdu de son actualité (Deut 20.17 : « ni la maison… ni la voiture… ni la femme de ton prochain »), pas plus que la tentation du gaspillage ; mais les assauts du marketing ont gagné en ampleur. C’est aujourd’hui non seulement le rapport aux biens matériels, mais le style de vie tout entier qui subit son influence. Quintessence de la société de consommation, le discours publicitaire éduque, message après message, l’homme postmoderne qu’il a contribué à faire advenir. Il faut des convictions chrétiennes aguerries pour identifier comme telles les œillades enjôleuses du matérialisme ambiant qui nous pousse insensiblement à l’hédonisme et au narcissisme. C’est par imprécision de langage, me semble-t-il, que l’on déplore ici et là l’individualisme contemporain (l’individualisme est aussi une victoire sur le communautarisme et l’esprit de clan) : c’est plus précisément dans le narcissisme exacerbé que se trouve la régression postmoderne, accélérée, sans aucun doute, par la pub.

La pub qui tente de nous convaincre, fantasme après fantasme, que nos désirs sont des besoins légitimes, ne nous permet plus de faire l’économie d’une réflexion globale sur l’éthique biblique. Nous devons nous attacher à réexaminer, à la lumière de l’Écriture, nos modes de consommation, nous forger une vision bibliquement fondée des institutions et de la vie sociale, affuter notre compréhension du rôle de l’Église dans un monde pécheur. Qu’il s’agisse d’éthique familiale, conjugale, sexuelle, économique ou domestique, nous devons « actualiser les fondamentaux ». Une fois ces bases affermies, nous pourrons proposer au monde une éthique fondée sur les colonnes jumelles — politiquement incorrectes et potentiellement sources d’autres provocations — du contentement et de la générosité. Une éthique du contentement ne demande à Dieu « ni pauvreté ni richesse », et cultive, à l’exemple de l’apôtre Paul, le sentiment de reconnaissance vis-à-vis de la situation particulière qui est la nôtre (Phil 4), notamment pour ce qui est des biens matériels dont nous disposons. C’est dire que nous aurons à cœur, autour de nous, d’aider les autres à déjouer les pièges de la recherche du standing par la consommation. L’éthique de la générosité est aussi plus que jamais à redécouvrir. Parce que la générosité est à l’opposé de l’égocentrisme ambiant, qui contamine aussi l’Église. N’avez-vous jamais remarqué que souvent, et sans doute plus qu’hier, une forme ou une autre de gratification narcissique est nécessaire pour que les chrétiens soutiennent l’œuvre de Dieu par leur argent ? Comment interpréter autrement la nécessité, pour les œuvres et les missions, de recourir toujours davantage aux services de publicitaires pour convaincre les donateurs ? Je ne crois pas qu’il n’y ait ici que l’effet de l’expansion du mouvement évangélique. Jusque dans l’Église, il est nécessaire de réhabiliter le « don joyeux », le sentiment spontané du devoir de solidarité vis-à-vis des plus pauvres, vis-à-vis de l’humanité souffrante et de l’Église persécutée, comme vis-à-vis de tous ceux dont l’Église a la responsabilité (exemple pris au hasard : combien de chrétiens, riches ou moins riches, soutiennent-ils vraiment les écoles de formation biblique, pourtant essentielles pour leur avenir ?).

Vigilants vis-à-vis de la pub, nous devons éviter de la condamner pour la part d’influence que nous choisissons en réalité de subir, comme nous nous en rendons compte après un peu d’introspection. Pour cela nous devons demander à Dieu de nous rendre résistants aux tentations de la consommation futile et du gaspillage, et de nous donner, sans esprit de jugement, une lucidité active. Nous pourrons nous entraîner communautairement à une vision vraiment chrétienne des biens matériels ; à la gratitude envers Dieu pour les biens qu’il nous confie et que la convoitise d’autres biens nous porterait en réalité à mépriser ; à une forme équilibrée d’ « ascèse intramondaine », pour parler comme un sociologue célèbre. Nous devons aussi nous enhardir à réagir dans la vie concrète. L’écran de télévision n’est pas une distraction obligatoire, et nous pouvons nous garder, par l’abstention, d’encourager les dérives que nous observons. Une connaissance même limitée de la doctrine évangélique permet de répliquer à tous ceux qui nous proposent monts et merveilles en nous susurrant que « nous le valons bien »…

Soyons cependant remplis de compassion pour ceux qui, loin de Dieu, se laissent séduire : seul l’Évangile est capable de vraiment convaincre que les promesses de ce monde ne sont pas celles auxquelles nous devons ajouter foi.


L’auteur, né en 1909 et décédé en 1986, a exercé plusieurs ministères, dont ceux de pasteur et d’enseignant aux Institut Biblique de Nogent-sur-Marne et à la Faculté de Théologie évangélique de Vaux-sur-Seine. Cet article, paru initialement dans la revue Ichthus (1984, no 127), 25 ans avant la crise économique que nous connaissons, est un complément utile et fort actuel en marge des passages de l’Épître de Jacques consacrés au thème de la richesses et de la pauvreté.

Il est très important pour le chrétien de savoir ce qu’il doit faire de son argent, surtout si par « argent » nous parlons de tout ce qu’il possède : ses biens meubles et immeubles. En effet, nous vivons dans une société où la place d’une personne dépend, de façon considérable, de son argent. C’est un problème actuel pour nous qui sommes dans un système « capitaliste », mais c’est un problème qui a toujours existé, car malgré ce qu’affirment certains démagogues, l’homme a toujours eu le sens de la propriété. D’ailleurs c’est un sens que la plupart des animaux possèdent aussi. Les hommes et les femmes ont toujours eu des objets leur appartenant. Ceux qui vivaient dans les sociétés les plus simples avaient des ornements : des colliers ou des bagues. Dans les sociétés plus compliquées, ils ont eu des troupeaux et des esclaves, et puis des vergers et des maisons. Et puis le commerce est venu remplacer les échanges et a permis à certains hommes d’amasser du métal : de l’or ou de l’argent qui représentait la possibilité d’acheter ce qu’on désirait. L’histoire nous apprend que ce n’est pas seulement l’habileté qui enrichit le commerçant mais aussi la ruse ou le mensonge. Et le guerrier par sa violence peut aussi entasser le butin chez lui. Dans ce monde où il est placé, que doit faire le chrétien pour acquérir et conserver les biens qu’il désire ? Tournons-nous vers la Bible pour résoudre ce problème.

Ancien Testament

Dans l’Ancien Testament, la loi de Moïse, résumée dans les Dix Commandements donnés par Dieu sur le Sinaï, établit le droit de propriété de façon rigoureuse. Nous trouvons deux commandements sur dix qui protègent la propriété : « Tu ne déroberas pas », « Tu ne convoiteras pas le bien de ton prochain, quel qu’il soit ». On peut y assimiler celui qui condamne l’adultère.

L’Ancien Testament dans son ensemble considère que la richesse est une bénédiction de Dieu. Nous le voyons dans le cas d’Abraham, de Jacob, de Job, de Salomon, et de beaucoup d’autres. Mais les lois d’Israël sont ainsi faites par Dieu pour que les richesses ne s’accumulent pas chez la même personne. La terre, par exemple, une des formes principales de la richesse, appartient à Dieu qui la répartit équitablement entre des familles, selon leurs besoins en location. Dieu dit : « Le pays est à moi et vous êtes chez moi comme des hôtes étrangers… » (Lév 25.23) La Bible condamne le péché du roi Achab qui veut prendre à Naboth sa vigne (1 Rois 21). Ce dernier dit au roi : « Je ne te donnerai pas l’héritage de mes pères ! »

Pour bien montrer que l’homme n’est qu’un locataire de Dieu, il doit lui donner un pourcentage de tous ses revenus, qu’ils soient en argent ou en nature. C’est la dîme. En outre, les personnes que l’on possédait, enfants ou esclaves, devaient être « rachetées » à Dieu (Ex 13 ; No 18.15). Le droit de propriété en Israël est donc tempéré par l’affirmation sans cesse répétée que Dieu est le détenteur de toute richesse.

Malgré ces lois, la société se transforma en Israël au point que la richesse s’accumula dans les mains de quelques hommes riches et que les pauvres perdirent le peu qu’ils avaient. Les prophètes s’élevèrent alors vivement contre les richesses égoïstes : – « Ils ont confiance en leurs biens / Et se félicitent de leur grande richesse. / La libération de leur âme est chère / Et n’aura jamais lieu. » (Ps 49.7,9)
– « Je le sais, vos crimes sont nombreux / Et vos péchés énormes. / Vous opprimez le juste, vous le rançonnez, / Et vous évincez le pauvre… » (Amos 5.12)
– « Je m’approcherai de vous pour juger… / Ceux qui retiennent le salaire de l’employé, / Qui oppriment la veuve et l’orphelin… » (Mal 3.5)

Nouveau Testament

Certains commentateurs pensent que le Nouveau Testament offre un autre enseignement. Le professeur Jacques Ellul, par exemple, dit que l’Ancien Testament voit l’argent comme une bénédiction alors que le Nouveau Testament y voit une malédiction. C’est inexact. L’enseignement des deux est le même. Seulement, au temps de Jésus, la société a évolué, et la Paix Romaine assure la sécurité du commerce. De grosses fortunes ont pu se constituer, le niveau de vie s’est considérablement élevé, et l’écart entre les pauvres et les riches s’est élargi. À côté des gens très riches, une masse de pauvres souffre dans la misère.

Jésus est particulièrement sévère pour les riches. Dès sa naissance, il est du côté des pauvres. Sa mère, Marie, annonce que Dieu va « renvoyer les riches à vide. » (Luc 1.53) Il ne choisit pas de naître dans un palais mais comme un pauvre parmi les plus démunis.

Pendant son ministère, à maintes reprises, le Christ condamne les riches. Il déclare qu’un chameau passe plus facilement par le trou d’une aiguille qu’un riche par la porte du Royaume de Dieu (Mat 19.23). Il dit : « Malheur à vous, riches, car vous avez votre consolation. » Il raconte la parabole du riche insensé (Luc 12.20) et l’histoire du mauvais riche et de Lazare (Luc 16.19-31). Il parle de la « séduction des richesses qui étouffe la parole de Dieu » (Mat 13.22).

Les apôtres, à leur tour, prendront la même attitude. Ainsi Jacques dira : « Le riche se flétrira dans ses entreprises. » (Jac 1.11) « A vous maintenant, les riches ! Votre richesse est pourrie, vos vêtements sont mités. Votre or et votre argent son rouillés ; et leur rouille s’élèvera en témoignage contre vous et dévorera votre chair comme un feu. Voici, le salaire des ouvriers qui ont moissonné vos champs et dont vous les avez frustrés crie… » (Jac 5.1-6)

On pourrait citer bien d’autres passages, mais nous ne devons pas commettre l’erreur de penser que la richesse est un péché en soi et la pauvreté une vertu, aux yeux de Jésus et de ses disciples. Il n’y a pas de condamnation systématique de la propriété. Jésus a raconté des paraboles où l’homme riche est l’image de Dieu le Père, par exemple dans l’histoire de l’enfant prodigue, dans celle des ouvriers loués à différentes heures, ou dans celle des mines et des talents. Le Bon Samaritain a de l’argent et s’en sert bien. Jésus ne condamne pas le fait de chercher un trésor ou une perle rare. Il porte une robe sans couture, un vêtement de luxe, il va manger chez les publicains, qui sont hommes d’argent ; il loge chez Zachée.

Il n’y a pas de différence fondamentale entre l’Ancien et le Nouveau Testaments ; l’un et l’autre mettent en garde contre le danger que représente la richesse. D’abord parce que la richesse fait naître un dangereux sentiment de sécurité.

La fortune est une ville forte pour le riche (Prov 10.15). On a l’impression d’être abrité à l’ombre de l’argent (Eccl 7.12). L’argent semble répondre à tout (Eccl 10.19). On aime à croire : « Je suis riche, je n’ai besoin de rien… » (Ap 3.17)

Ensuite la richesse donne l’impression qu’on peut tout acheter, que l’on est tout-puissant. À tort : « Que ton argent périsse avec toi, toi qui as cru que le don de Dieu s’achetait à prix d’argent ! » (Act 8.18)

Enfin la richesse donne soif d’en avoir davantage, même par des moyens malhonnêtes. Mais « …quand les richesses s’accroissent, n’y attachez pas votre cœur. » (Ps 62.11b) La Bible nous met donc en garde contre l’amour de l’argent. Attention ! cet amour, nous pouvons l’éprouver même si notre portefeuille est vide.

« L’amour de l’argent, c’est la racine de tous les maux. » (1 Tim 6.10) « Ne vous livrez pas à l’amour de l’argent. » (Hébr. 13.5) Ne nous confions pas dans les biens que nous avons, comme le riche insensé. La solution n’est pas de dilapider, de gaspiller l’argent que nous avons, comme le fils prodigue (Luc 15). La solution est d’administrer, de gérer les biens qui appartiennent à Dieu en réalité. Nous sommes tous dans la situation de serviteurs qui ont reçu plus ou moins de talents de leur Maître et doivent les administrer sagement (Mat 25.14-30). Ceux qui en ont reçu beaucoup doivent veiller particulièrement à les gérer selon la volonté de leur Maître, sachant qu’ils auront des comptes à rendre.

Aujourd’hui

Pratiquement, que devons-nous faire pour obéir à la Parole de Dieu ?

Nous devons savoir que l’argent est une nécessité qu’il faut utiliser sans lui permettre de devenir une obsession. Je crois qu’il faut faire nôtre la prière de Proverbes 30 : « Ne me donne ni pauvreté, ni richesse. » (v. 8) Méfions-nous du pouvoir de séduction de l’argent.

Surtout restons toujours conscients du fait que notre argent appartient à Dieu, même si nous croyons l’avoir « gagné ». Il est un père tendre et miséricordieux qui veut notre joie et notre bonheur. Il sait que nous avons besoin de détente et de loisir. Toutefois, méfions-nous des efforts de notre société de consommation qui nous pousse à gaspiller notre argent, à tout dépenser sans compter. Nous sommes les gérants des biens de Dieu, responsables devant notre Maître des biens qui nous ont été confiés. Demandons-lui la sagesse qui nous manque pour être fidèles, et nous n’aurons pas à rougir quand nous devrons lui rendre nos comptes, et que nous l’entendrons dire : « Cela va bien, bon et fidèle serviteur, entre dans la joie de ton Seigneur. »