PROMESSES

Paul Wells est professeur émérite de la Faculté Jean Calvin d’Aix-en-Provence. L’article qui suit est un condensé de La Revue réformée, numéro 272, 2014/5, Tome LXV. Ce texte permet de faire le lien avec les Déclarations de Chicago (1978 et 1982), documents de première importance sur les thèmes de l’inerrance biblique et de l’herméneutique. Promesses en a publié plusieurs comptes rendus, disponibles sur notre site Internet (voir Promesses n° 128 et 129, parus en 1999).

La vérité est capitale dans tous les domaines de la vie, religieux ou non, car la vérité nous lie à la réalité. Les idées, même les plus agréables, sont trompeuses, quand elles ne sont pas amarrées au réel.

Pour un très grand nombre de nos contemporains, il va sans dire que la Bible est truffée d’erreurs. Pour eux, la question ne se pose même pas, parce qu’ils pensent que les textes bibliques sont comme des contes de fées. La critique historique de la Bible a, sans doute, contribué à favoriser cette attitude. Beaucoup de chrétiens aussi ont un peu la même idée ; pourtant, ils retiennent de la Bible un noyau de vérités, comme, par exemple, l’existence d’un Dieu qui est amour. Soyons-en conscients, il n’y a, aujourd’hui, que les catholiques romains orthodoxes et les évangéliques qui parlent de l’inerrance de l’Écriture et, pour un nombre croissant d’évangéliques, non sans un certain embarras.

Le mot « inerrance » appartient au jargon théologique et paraît obscur : on ne le trouve pas dans les dictionnaires courants et il fait penser au mot « inhérent », qui a un tout autre sens ; en fait, il signifie tout simplement « sans erreur » et, appliqué à la Bible, il exprime qu’elle est exempte d’erreurs et que ce qu’elle affirme est garanti.1 

1. Des questions

Depuis presque un siècle, les attaques se multiplient contre la notion de vérité biblique et des doutes apparaissent aujourd’hui jusque dans les milieux évangéliques. […]

C’est ainsi que certains croyants éprouvent un malaise dans leur lecture de la Bible dès qu’ils doivent envisager qu’elle puisse être « sans erreurs ». Trois questions précises les empêchent de croire à l’inerrance biblique.

En premier lieu, l’inerrance est suspectée de rationalisme et accusée de remplacer une rencontre vivante avec Dieu par une lettre morte. La pensée d’Emil Brunner, au milieu du XXe siècle, a beaucoup contribué à établir une dichotomie entre l’expérience d’une vérité personnelle et une vérité impersonnelle, écrite dans un texte. 2

André Gounelle a dit que le texte biblique est comme la confiture, alors que la vérité personnelle est comme le fruit vivant sur l’arbre. L’idée d’une révélation divine écrite ne serait-elle pas complètement dépassée ?

Ces auteurs donnent l’impression que l’inerrance de l’Écriture remplacerait l’autorité personnelle du Dieu vivant par l’autorité abstraite et impersonnelle d’un code. L’autorité personnelle de Dieu et l’autorité d’une révélation écrite sont considérées comme s’excluant mutuellement. Certains ajouteraient même qu’en acceptant l’inerrance de la Bible, les évangéliques courent le risque du légalisme.

Toutefois, la vérité, c’est-à-dire l’inerrance de l’Écriture, n’est pas le fruit d’un rationalisme démodé ; elle s’accorde parfaitement avec la nature de la foi chrétienne, de tout ce que nous croyons. Rien de ce que nous croyons n’est susceptible, en effet, d’être l’objet d’une démonstration rationnelle acceptable par la plupart des non-croyants que nous fréquentons. Pensez simplement à la naissance virginale, à la résurrection ou au fait que la nouvelle naissance n’est pas simplement une expérience psychologique. Croire à l’inerrance n’est certainement pas plus difficile que croire à la divinité de Christ !

En deuxième lieu, on prétend que la foi en l’inerrance ne peut pas subsister face à certains faits de la Bible, dont certains apparaissent problématiques et ne pourraient être qu’historiquement inexacts. Les émissions de Mordillat et Prieur3 à la télévision et leurs livres ont beaucoup contribué au développement de cette opinion. Et l’on en vient à penser que croire à l’inerrance de l’Écriture est l’expression d’une foi aveugle, d’une foi sans appui réel, qui serait en opposition avec la nature même de la Bible et avec ses origines historiques. Selon ce point de vue, penser que certains textes de la Bible évoquant son inspiration ou sa vérité peuvent s’appliquer à tous, sans exception, est inimaginable. Pour cette raison, de nombreux croyants, y compris parmi les évangéliques, adoptent et défendent une théorie de l’inspiration limitée de la Bible et, en conséquence, une inerrance limitée qui concernerait seulement les enseignements principaux de l’Écriture. Le reste des textes bibliques manquerait d’intérêt…

Enfin, les débats portent sur les mots infaillible et inerrance, utilisés pour qualifier ce qui est « vrai ». Récemment, ces mots, presque synonymes, ont généré beaucoup de discussions, certains préférant le premier, d’autres le second.4 Ne serait-il pas suffisant de dire tout simplement que la Bible est vraie ? Personnellement, je préfèrerais de beaucoup ne parler que de la vérité de l’Écriture, me contentant des mots mêmes des textes de la Bible, comme, par exemple, ceux de Jean 17.17 : « Ta parole est la vérité. » Ce texte, comme beaucoup d’autres du même genre, indique que la parole de Dieu, à savoir, dans le cas de Jean 17, le témoignage de l’apôtre Jean, reçu de Jésus, est absolument digne de confiance. La Bible contient donc une vérité inébranlable.

Ultimement, la question de l’inerrance n’est pas vraiment compliquée. Si la vérité est d’une importance capitale, car elle nous lie à la réalité, et s’il y a un Dieu derrière la réalité que nous connaissons, pourquoi penser quand il nous parle, même à travers des hommes, qu’il serait impossible qu’il nous informe sans erreur, sur lui, sur ses actions dans l’histoire, sur notre situation humaine et sa solution ? La Bible est qualifiée de sainte car c’est par son enseignement que Dieu nous fait retrouver le sens de la réalité. En dehors d’elle, nous ne pouvons qu’aller à la dérive.

2. Disputes de mots ?

Si la Bible était un mélange de vérités, de vérités partielles et d’erreurs, elle ne serait, en définitive, qu’une collection de contradictions. Son témoignage ne tiendrait pas debout. La véracité de l’Écriture est capitale pour assurer la qualité et l’unité de son message.

Certains sont effrayés par les notions d’infaillibilité ou d’inerrance. [Selon eux,] ces mots ne sont pas bibliques tandis que le mot « vérité » répond de manière adéquate à nos besoins. La vérité est un attribut de Dieu et l’utiliser à propos de l’Écriture établit un lien direct entre Dieu et sa parole. Pour cette manière de penser, aller au-delà de la notion de « vérité » est peu souhaitable. […]

[Pourtant,] dans sa section intitulée « Exposé », la Déclaration de Chicago dit : « L’Écriture sainte, Parole inspirée de Dieu, témoignage autorisé rendu à Jésus-Christ, sera justement dite infaillible et inerrante. Ces mots négatifs sont particulièrement précieux, car ils sauvegardent explicitement des vérités positives d’importance cruciale. »

L’inerrance signifie être libre de tout mensonge et de toute erreur. Elle protège donc la vérité selon laquelle l’Écriture Sainte est entièrement vraie et digne de confiance dans toutes ses affirmations. L’inerrance atteste que la vérité de l’Écriture s’étend à chacun des faits et des détails qu’elle rapporte. Aucune inexactitude ne peut être trouvée dans les affirmations du texte biblique. A l’inerrance correspond l’idée qu’il n’y a jamais d’erreur dans les faits et dans les détails tels que l’Écriture les rapporte, ce qui nous oblige à défendre l’idée que la Bible a raison quand elle dit que Mathusalem a vécu jusqu’à l’âge de 969 ans.

On est ainsi conduit à considérer l’inerrance comme un aspect de l’autorité biblique. Cette doctrine, soutenue par l’Écriture, fait partie du témoignage divin sur sa vérité.

3. L’inerrance et l’autorité divine

De nombreux chrétiens affirment admettre une certaine sorte d’autorité biblique. Toutefois, seul le christianisme évangélique (en plus de quelques courants traditionnels du catholicisme) soutient que cette autorité est inerrante et que l’Écriture témoigne elle-même de ce fait. Voilà pourquoi l’inerrance est importante pour les évangéliques. [Cette position] est également l’objet de critiques et d’idées fausses.

L’inerrance est un type de l’autorité biblique perceptible surtout dans les informations et les faits présents dans l’Écriture. L’information qui se trouve dans l’Écriture a une autorité propre parce qu’elle est exacte et fiable. Plusieurs remarques importantes peuvent être faites sur l’inerrance :

  • Premièrement, elle correspond à une absence d’inexactitude provenant d’erreurs humaines.
  • Deuxièmement, elle est le fruit de l’inspiration divine des paroles de l’Écriture, laquelle est un témoignage véridique de la révélation de Dieu à l’homme, qui aboutit à Jésus-Christ.
  • Troisièmement, l’autorité de l’Écriture associée à l’inerrance appartient en fin de compte à Dieu. L’idée que la Parole de Dieu ne serait pas entièrement vraie contredit le caractère même de Dieu.
  • Finalement, l’inerrance est compatible avec l’idée que la nature humaine est limitée, faible et pécheresse et que l’homme est enclin à commettre des erreurs. Elle s’applique aux situations où l’inspiration spéciale de Dieu a été à l’œuvre.

L’inerrance signifie deux choses à propos de la Parole de Dieu : Dieu en est l’autorité suprême et l’Écriture contient des empreintes de sa nature et de son origine, ce qui nous encourage à nous fier à elle.

4. L’Écriture se décrit-elle comme inerrante ?

Actuellement, la plupart des personnes interrogées à ce sujet répondraient soit par la négative, soit en affirmant que cette question n’a aucun intérêt. Pourtant, il y a une foule d’éléments qui permettent de soutenir l’idée que la Bible se décrit comme inerrante (ce que nous appelons son auto-attestation). A ce sujet, voici quelques points à considérer :

  • Dans l’Ancien Testament, le peuple de Dieu et la parole de Dieu apparaissent en même temps. Dieu parle à son peuple (Deut 27.9-11). L’Écriture est canonique car elle en détermine les conditions de vie.
  • La parole écrite de la Loi que Dieu donne à son peuple est présentée de façon surprenante avec des attributs qui appartiennent à Dieu seul (Ps 119.7, 9-11, 86, 129-130, 137, 142 ; És 55.10-11).
  • Jésus atteste la véracité de l’histoire de l’Ancien Testament et de l’accomplissement de ses prophéties. C’est ainsi qu’il affirme que l’on reconnaît son peuple au fait que celui-ci reçoit sa parole comme une vérité (Jean 17.6, 16-19) ; il utilise l’Ancien Testament pour interpréter sa résurrection (Luc 24.25, 44).
  • Les apôtres attestent la véracité de leurs propres enseignements (Gal 1.6-10 ; Éph 3.2-5).
  • Aucun passage de la Bible ne suggère qu’une autre partie de celle-ci serait erronée ou incertaine, même s’il y est reconnu que ses auteurs peuvent se tromper et sont dans l’erreur en certaines circonstances.

L’Écriture n’affirme nulle part : « L’Écriture est inerrante. » Mais l’attitude de Jésus et celle des auteurs de la Bible envers leurs propres écrits comme envers ceux des autres sont tout à fait cohérentes avec ce fait. Leur attitude serait incompréhensible s’ils pensaient que l’Écriture était faillible comme toute autre parole humaine.

5.Quid des difficultés et des erreurs ?

Affirmer que la Bible est inerrante ne rend pas aveugle et n’empêche pas de voir les nombreuses difficultés pratiques suscitées par cette affirmation. Impossible d’éviter la question des prétendues erreurs de l’Écriture.

Une « erreur » peut correspondre à une faute de jugement s’intercalant entre un fait observé et ce qui en est dit. Dans le cas de l’Écriture, l’inerrance implique l’absence d’erreur en général, non seulement au niveau des détails, mais aussi de ses propositions plus larges. On n’y relève ni contradiction interne, ni contrevérité quant à la nature de Dieu, de l’homme et du salut, ni même aucune contradiction avec des faits connus grâce à d’autres sources que la Bible, des sources scientifiques, historiques, notamment. Par exemple, la Bible ne suggère jamais que Dieu n’est pas une Trinité ou le Créateur, que Jésus n’est pas divin ou humain, qu’il ait dit des mensonges ou qu’il ne reviendra pas en gloire, que ce monde est éternel ou qu’il n’y aura pas un jugement dernier. Aucune source en dehors de la Bible ne peut contester ces enseignements. La façon dont s’accordent tous les enseignements est remarquable étant donné la durée de la période d’écriture de la Bible et le nombre des auteurs qui ont participé à sa rédaction.

Une autre explication des prétendues erreurs contenues dans la Bible pourrait être la suivante : l’Écriture, pour être inerrante, n’est pas appelée à répondre à toutes nos règles actuelles d’exactitude. Tout dépend du contexte. Dans certains cas, trop de précision nuit à la communication, tandis que, dans d’autres, la précision est capitale.

La Bible ne prétend pas à la précision absolue dans ses affirmations. Son langage est familier, naïf, souvent simple et ne vise pas l’exactitude dans le détail. Elle suit les conventions de son époque pour des pratiques que nous observons toujours : récits non chronologiques, citations imprécises, télescopages historiques, chiffres ronds, langage peu raffiné ou encore descriptions préscientifiques de l’origine et du fonctionnement de la nature. L’objectif global de l’Écriture est d’inciter à la foi en Dieu et en Christ comme Jean l’a formulé : « Ces choses ont été écrites afin que vous croyiez que Jésus est le Messie, le Fils de Dieu, et qu’en croyant vous ayez la vie en son nom. » (Jean 20.31) Il ajoute dans le chapitre suivant : « Nous savons que son témoignage est vrai. » (21.24) Le langage et la présentation de la Bible sont adaptés à cet objectif fondamental de vérité.

Cependant, il serait incorrect de réduire l’objectif de la Bible à faire connaître la vérité dans chaque situation, comme si l’Écriture ne pouvait pas donner également des informations sur l’histoire ou sur le monde naturel. Le contexte permet de déterminer la façon dont l’Écriture accomplit son propre objectif.

6. Problèmes majeurs et détails

La Bible ne peut pas être accusée d’être dans l’erreur si elle ne répond pas à toutes les questions que nous souhaiterions poser. Elle ne peut pas être taxée d’insuffisance si elle ne nous dit pas comment utiliser un ordinateur ou comment conduire une voiture. Nos normes en tous domaines ne peuvent pas non plus lui être imposées. La Bible doit être reçue pour ce qu’elle est. Cette question peut être abordée selon trois niveaux d’informations :

Les détails

Nous devrions chercher à réconcilier les contradictions apparentes que nous rencontrons dans la Bible, par exemple celles que nous trouvons dans les généalogies de Jésus, dans les différents récits des évangiles à propos de l’expulsion des marchands du temple ou dans les chronologies de l’Ancien Testament. Il y a plusieurs manières de résoudre ces difficultés. Par exemple, les divergences apparentes entre passages parallèles reflètent, chez leurs auteurs, des perspectives ou des objectifs différents. Les détails disponibles ne permettent pas de tout expliquer et, bien des fois, la solution se trouve dans une lecture plus pointue du texte. Il arrive même qu’un problème puisse être lié à un manque de compréhension volontaire ou coupable de notre part. Parfois, il nous faut attendre des années avant de trouver la solution à un problème particulier. Dans certains cas, nous devrons peut-être accepter qu’aucune solution ne surgisse.

Les grandes lignes

L’inerrance concerne les enseignements de la Bible relatifs aux « grandes questions ». Peut-être avons-nous été, en tant qu’évangéliques, trop restrictifs en limitant le débat sur l’inerrance aux questions de détails. La Bible dit que Dieu est amour, que Dieu a créé le monde ex nihilo, que l’homme est tombé dans le péché à un moment précis, que l’exode s’est effectivement produit, que David a existé, que Jésus était l’homme-Dieu, qu’il a effectué des miracles, qu’il est revenu d’entre les morts, qu’il habite les croyants par son Esprit et qu’il vit éternellement. Ces choses sont-elles vraies ? Elles sont, à la fois, essentielles et opposées à notre mode de pensée, limité à ce que nous observons maintenant dans le monde qui nous entoure. Nombre de nos réticences à propos de l’inerrance concernent les miracles et la notion moderne selon laquelle nous habiterions un univers fermé.

Si nous croyons ce qu’affirme la Bible, c’est uniquement grâce à la confiance que nous avons en son témoignage. En effet, les affirmations bibliques sont éloignées historiquement de nous ; […] elles sont du domaine de la foi et non du domaine de la vue. Elles ne sont pas irrationnelles, mythiques ou fausses. Dans un système chrétien de pensée, elles sont parfaitement cohérentes et raisonnables.

La vision du monde5

L’inerrance est liée à la vision chrétienne du monde, qui est tout à fait différente des autres perspectives. En fin de compte, la vision chrétienne ne s’intéresse pas à des faits isolés mais à l’harmonie entre les différents aspects de la réalité. Ces aspects sont ce qu’ils sont grâce à Dieu, leur auteur. L’inerrance de l’Écriture est l’expression de notre relation avec Dieu et de notre dépendance vis-à-vis de lui pour connaître la vérité. Dans la révélation biblique, nous voyons le Dieu Créateur et Sauveur d’une manière qui correspond à nos aspirations les plus profondes. L’inerrance implique la confiance suprême en Dieu.

7. Une illustration : l’importance de l’harmonisation

La critique biblique moderniste évoque invariablement, de façon méprisante, les tentatives d’harmonisation biblique, en particulier en ce qui concerne les récits des évangiles. Pourtant l’harmonisation des informations est une méthode de recherche reconnue et honorée dans toutes les disciplines scientifiques. De plus, cette approche est une application de l’herméneutique qui consiste à comparer « l’Écriture avec l’Écriture ».

La réflexion biblique se doit d’être plus positive à ce sujet, comme le suggère Vern Poythress dans son livre L’inerrance et les Évangiles.6 Voici une illustration que donne Poythress. Dans les deux récits de la guérison du serviteur du centurion, il semble y avoir une contradiction flagrante ; en effet, en Matthieu, le centurion vient auprès de Jésus en personne, alors qu’en Luc c’est par l’intermédiaire d’amis qu’il fait appel au Seigneur.

Matthieu 8
5  Un centenier aborda Jésus.
7  Jésus lui dit : J’irai le guérir.
8  Seigneur, dis seulement un mot et mon serviteur sera guéri.

Luc 7
2  (Le centurion) entendit parler de Jésus et lui envoya quelques anciens des Juifs pour lui demander de venir   sauver son serviteur.
4  Ils arrivèrent auprès de Jésus et le supplièrent.
6  Jésus s’en alla avec eux.

Les deux récits sont tellement proches qu’il est difficile de conclure qu’il s’agit de deux incidents différents, comme c’est le cas pour la purification du temple par Jésus.

Une solution proposée par le commentateur Norval Geldenhuys consiste à y voir un incident se déroulant en deux temps successifs. On harmonise les deux récits en disant que le centenier envoie d’abord des anciens des Juifs et puis qu’il se présente lui-même après cette première approche.

On peut, en effet, imaginer qu’après avoir envoyé ses amis, le centenier se soit présenté lui-même. Le sérieux de la situation et son fort désir d’aller vers Jésus lui-même, malgré son sentiment d’indignité, ont surmonté sa pudeur initiale. Les deux évangiles se complètent…7

Cette explication est tout à fait possible et satisfaisante, mais elle n’est pas la seule, car Augustin et Calvin font une autre suggestion. Dans leurs Harmonies des Évangiles respectives, ces deux théologiens proposent que le centenier a suivi la pratique habituelle d’envoyer une délégation représentant son autorité et mandatée comme si elle était ses ambassadeurs. Quand la délégation parle, c’est comme représentante du centenier. R.T. France et C. Blomberg n’ont pas de peine à adopter cette interprétation.8 Blomberg émet une idée supplémentaire à titre d’illustration : en Matthieu 27.26 et Marc 15.15, on lit que Pilate a fouetté Jésus, mais personne n’imagine qu’il l’ait fait lui-même : il l’a accompli par l’intermédiaire de soldats délégués par lui pour cette tâche !

Choisissez la solution qui vous plaît ! Ce qui est certain, c’est qu’il est exagéré de parler ici d’erreur ou de contradiction. Vern Poythress, dans son étude de ce passage, ajoute une information qui soutient cette complémentarité et explique pourquoi il existe deux versions différentes de cet incident. Matthieu, dit-il, met l’accent sur le centurion, qui est un païen, alors que Luc cible son humilité. Les deux disent quelque chose d’important à propos du royaume de Dieu, selon une perspective différente. Le premier montre que le royaume inclut les païens qui viennent par la foi, alors que les Juifs incroyants s’excluent ; et le second récit montre que l’humilité est nécessaire pour entrer dans le royaume, car nous sommes tous indignes du salut que Dieu offre. Il y a donc une belle complémentarité des deux récits : forme et fond.

L’harmonisation ne s’accommode pas de la paresse friande de solutions faciles et elle pousse à sonder l’Écriture avec pour résultat une explication satisfaisante pour la plupart des difficultés bibliques.

8. Discernement spirituel

En soulevant la question de l’inerrance de l’Écriture, nous ne nous interrogeons pas uniquement sur la Bible en tant que norme ou sur son contexte historico-culturel. Nous posons une question sur nous-mêmes, sur nos aspirations et sur ce qui fait que notre vie est ce qu’elle est. Notre vie est-elle compatible avec l’enseignement de la Bible ?

Pour savoir comment bien utiliser la Bible, nous avons besoin de sagesse spirituelle. Notre intelligence doit être formatée spirituellement afin que nous puissions recevoir la vérité de l’Écriture. Est-ce parce que notre intelligence ne l’est pas que tant de personnes ne peuvent pas aller au-delà de la première « erreur » qu’ils pensent discerner dans l’Écriture ? Dieu aurait-il donné à l’Écriture son aspect quelque peu compliqué et énigmatique pour, précisément, nous rappeler que le message de l’Écriture doit être discerné spirituellement plus encore que naturellement ?

Éphésiens 4.17-24 présente un contraste frappant entre les païens à l’esprit futile, peu instruit et endurci et ceux qui, ayant connu Christ, ont une nouvelle attitude et une nouvelle nature créée par Dieu dans la justice et dans la vérité.

Grâce à l’Esprit de Dieu, la vérité et l’harmonie de l’Écriture, en pénétrant dans nos vies, nous transforment à l’image du Christ et nous font connaître sa pensée.9

Conclusion

Les sujets de l’inerrance et de la vérité objective de la Bible peuvent décourager à première vue. Ils semblent négatifs et restrictifs alors qu’ils sont positifs et constructifs. Ils permettent de bâtir une foi solide et d’avoir un esprit de confiance qui repose sur Dieu et sur sa Parole.
Celle-ci est vérité et s’il arrive que nous pensions y trouver une erreur, que notre réaction soit à la fois de nous dire « La Bible ne se trompe pas » et « Quels moyens ai-je à ma disposition pour arriver à surmonter cette difficulté ? » 10
À l’instar de la foi, la vérité de l’Écriture doit toucher tous les aspects de la vie pour que la grâce de Dieu les affecte tous.

  1. « garanti » : dans le sens de « digne de confiance » (NDLR)
  2. E. Brunner, Dogmatique, I, Genève, Labor et Fides, 1960, chap. IV
  3. G. Mordillat, J. Prieur, leurs livres et coffrets médiatisés sur les origines du christianisme, Jésus contre Jésus, L’Apocalypse, notamment. Ces auteurs, qui se présentent comme étant à la pointe de la critique, sont à la remorque d’hypothèses modernistes courantes depuis un siècle
  4. Voir en particulier le livre d’A.T.B. McGowan, The Divine Authenticity of Scripture : Retrieving an Evangelical Heritage, Leicester, IVP Academic, 2008
  5. Voir V.S. Poythress, Inerrancy and Worldview : Answering Modern Challenges to the Bible, Wheaton, Crossway, 2012. Disponible en ligne, http://www.frame-poythress.org/
  6. V.S. Poythress, Inerrancy and the Gospels : A God-Centered Approach to the Challenges of Harmonization, Wheaton, Crossway, 2012. Disponible en ligne, http://www.frame-poythress.org/
  7. N. Geldenhuys, Commentary on the Gospel of Luke, Grand Rapids, Eerdmans, 1950, 220 ; G.L. Archer, Encyclopedia of Bible Difficulties, Grand Rapids, Zondervan, 1982, 322
  8. R.T. France, Inerrancy and New Testament Exegesis, Themelios 1 (1975), 17 ; C.L. Blomberg, The Historical Reliability of the Gospels, Downers Grove, InterVarsity, 2007, 176
  9. Sur l’inerrance et l’interprétation, voir Inerrance et herméneutique, La Revue réformée, 34 (1983:4), 187-205
  10. D’excellents outils peuvent aider : Gleason L. Archer, Enclyclopedia of Bible Difficulties, Grand Rapids, Zondervan, 1982, et l’ouvrage important d’Alfred Kuen, qui s’en est inspiré, Encyclopédie desdifficultés bibliques, Saint-Légier, Editions Emmaüs, dont huit volumes sont parus.

Écrit par


Les réveils se font rares dans le protestantisme en Occident depuis trop longtemps… Est-ce que cela nous interpelle ? Que devrions-nous en penser ?

Un réveil est nécessaire après un état de sommeil ou de lassitude. Il se manifeste par une reprise d’activité plus ou moins vigoureuse. Une équipe jugée inerte au début d’une compétition peut finalement se réveiller et gagner !

Dans le domaine spirituel, le mot « réveil » concerne les individus ou les communautés. Sous l’influence de l’Esprit, une vitalité nouvelle se produit et l’inactivité, l’indifférence et le laxisme font place à un enthousiasme porteur de projets nouveaux. Pendant les périodes de sommeil, rien ne se passe ; avec le réveil, c’est-à-dire avec la conscience vive de la présence de Dieu, le désir et la vision d’accomplir de grandes choses en son nom surgissent et stimulent l’esprit d’initiative.

Les églises constituées de personnes spirituellement mortes ne connaissent pas de vrai réveil spirituel, car il n’y a en elles aucune vie à réveiller. Elles ont simplement besoin d’une vie nouvelle. Dans un réveil, la vie, présente mais inerte, s’embrase soudainement et se concrétise par un témoignage rayonnant. Le réveil touche d’abord la vie intérieure d’une communauté croyante et peut s’étendre, par la suite, à la conversion de personnes périphériques ou à des non-croyants. C’est uniquement par le renouveau des individus et le grand nombre de ceux-ci que le réveil peut arriver à atteindre la vie d’une société, comme cela s’est produit au xviiie siècle, dans l’Europe protestante et en Amérique du Nord.

L’anti-routine

Il y a donc réveil lorsque le Saint-Esprit accomplit une œuvre extraordinaire parmi les croyants. Illuminés par la grandeur de Dieu, par sa patience et sa grâce, convaincus, comme au premier jour, de sa vérité et touchés au plus profond d’eux-mêmes par son amour, les fidèles accomplissent un service et rendent un témoignage en plein essor, lesquels rompent avec la vie ordinaire de l’Église… Le réveil, c’est l’anti-routine de l’institution ecclésiastique, c’est ce qui interrompt son ronron.

Dire d’une personne ou d’une église qu’elle a besoin d’être réveillée implique un jugement négatif sur un « vécu » présent par rapport à un idéal, à une expérience passée, ou à un modèle biblique (comme celui de la Pentecôte). Ce jugement négatif est, cependant, tempéré par la crainte des excès de zèle, voire des débordements difficiles à contrôler, qui ont parfois caractérisé les réveils du passé. Aussi la question est-elle posée : la notion de réveil est-elle biblique ? Selon les tempéraments ou les expériences personnelles, on hésitera à répondre nettement et on préférera le terme de « réforme » à celui de « réveil », comme si la Réforme n’avait pas été le plus grand réveil de l’histoire de l’Église !

Le peuple de Dieu, tout au long de l’A.T., a connu des renouveaux sous l’influence des prophètes et de leaders fidèles comme les juges. Un des textes les plus évocateurs à ce sujet est celui d’Ésaïe 63.15 à 64.11, qui rend compte des errements du peuple loin de Dieu et de sa patience. Il exprime aussi l’aspiration humaine que l’on trouve à l’origine de tout renouveau religieux :

« Ah ! Si tu déchirais les cieux et si tu descendais, les montagnes s’ébranleraient devant toi. » (És 63.19)

Le réveil biblique est lié à l’ardeur avec laquelle on l’attend. Dans le N.T., les églises de l’Apocalypse semblent avoir assez vite perdu le souffle de la Pentecôte (Apoc 2.3) et sont exhortées à retrouver leur premier état, c’est-à-dire une vie saine de l’église selon le modèle des Actes. Actes 3 décrit l’événement de la Pentecôte comme une grande conversion du peuple de Dieu et laisse supposer que des périodes de « rafraîchissement » analogues interviendront jusqu’au jour où Jésus reviendra. « Repentez-vous donc et convertissez-vous pour que vos péchés soient effacés, afin que des temps de rafraîchissement viennent de la part du Seigneur, et qu’il envoie celui qui vous a été destiné, Jésus-Christ que le ciel doit recevoir jusqu’aux temps du rétablissement de toute choses » (Act 3.19-21). Ce texte laisse entrevoir que, dans le futur et jusqu’à la fin des temps, des renouveaux se produiront, des moments où l’Évangile sera proclamé non seulement en paroles « mais avec puissance, avec l’Esprit-Saint et avec une pleine persuasion » (1 Thes 1.5) comme c’était le cas durant le ministère de l’apôtre.

Ces textes suggèrent qu’il y aura des moments où le peuple de Dieu vivra dans l’oubli et dans l’ignorance de la puissance de la vérité, qu’il y aura des temps où un retour à la prédication de la conversion sera nécessaire et où il faudra chercher à nouveau la présence du Seigneur. L’Église a connu des hauts et des bas, mais Dieu est intervenu pour la maintenir en vie. C’est à ces moments extraordinaires que sa vie est spirituellement renouvelée et qu’elle progresse dans son témoignage. Un champ a besoin d’une pluie régulière, mais un arrosage d’appoint favorise une récolte plus abondante. Les réveils sont le résultat de cette intervention de Dieu lorsqu’il inonde son peuple de bénédictions.

Attente et prière

Le réveil est la conséquence d’une attitude d’attente et de prière « par l’Esprit » c’est-à-dire une prière constante (Éph 6.18), en forme de lutte avec Dieu dans la nuit des incertitudes, comme celle de Jacob, afin de recevoir une bénédiction. Mais le surgissement du réveil ne dépend que de Dieu et de son intervention, qui est inattendue et parfois inespérée. Les endroits où les réveils se produisent, par l’ironie de Dieu, sont souvent des lieux sans prestige, inconnus. Non pas Notre-Dame de Paris, l’Abbaye de Westminster ou St-Pierre de Rome, mais Wittenberg, Cambuslang en Écosse, les vallées minières du Pays de Galles, Northampton dans la Nouvelle-Angleterre, les bourgades de la Drôme ou des Alpes, Séoul et des îles perdues en Indonésie.

Les réveils soulignent ainsi l’impuissance de l’homme seul, même s’il se pare des apparences magnifiques du formalisme religieux. S’il recherche Dieu, il peut s’attendre à de grandes choses. En conséquence, il est clair que les tentatives faites pour organiser et programmer des réveils depuis plus d’un siècle se sont fourvoyés. Entre le « réveil » et le « revivalisme » qui s’efforce d’organiser l’intervention divine par des campagnes et des statistiques, il existe une différence majeure. Le réveil est inattendu. L’homme ne peut ni le commencer ni l’arrêter : il est une manifestation de la puissance de l’Esprit. L’Église est incapable de provoquer un réveil, mais elle peut en favoriser la venue en remplissant deux conditions : l’attendre avec ardeur dans la prière et veiller à ce que l’enseignement qu’elle dispense et sa prédication honorent la croix du Christ. Cela se vérifie historiquement.

En tant que fidèles, il nous appartient donc de bien prendre la mesure de notre responsabilité individuelle et collective.

Écrit par


L’auteur de cet article a aimablement autorisé le comité de rédaction à vous proposer en lecture ci-dessous un large extrait de son article, initialement publié dans La revue Réformée, no 206, 2000/1. Vous le retrouverez intégralement sur le site qui lui est dédié : http://larevuereformee.net.

Comment la Bible parle-t-elle du ciel ? Comme il en est pour les deux natures de Christ, ainsi en sera-t-il de l’histoire du ciel à venir : également humaine et divine, terrestre et céleste. Il y aura continuité (car rien de bon dans ce monde ne sera éliminé) et discontinuité (car tout sera transfiguré, et transmué en gloire). Tout ce qui existe dans le temps sera récapitulé dans l’éternité, d’une façon ou d’une autre. La fin de l’histoire et la nouvelle création sont l’aboutissement d’un processus dont le point de départ se situe à la création.

1. La difficulté du vocabulaire

Le vocabulaire biblique pour l’éternité n’implique pas de contraste frappant entre l’éternité et le temps. Les affirmations bibliques recourent à des notions naïves de succession du temps pour décrire l’éternité. Même le tétragramme divin « Je suis » ne fait pas abstraction du temps, puisqu’il évoque « celui qui sera ». Pour Dieu, mille ans passent comme un jour. Le langage naïf de la Bible établit, à la fois, une différence et une similitude avec notre temps. La notion d’éternité implique une succession temporelle d’une certaine sorte, dominée et surplombée par Dieu.

Dieu, en qui il n’y a ni changement ni variation, est à l’origine de toute succession temporelle. Il possède en lui-même l’éternité, et le temps éternel dépend de lui, tout comme le monde créé dépend de l’unité et de la diversité qui le caractérisent. De génération en génération, il est le Dieu éternel.

Tout comme la notion d’éternité implique, à la fois, une continuité et une discontinuité temporelles d’avec la création, la notion de « ciel » présente les mêmes caractères dans le domaine spatial.

Le ciel, la nouvelle création et l’enfer sont, au même titre que la terre, des créations de Dieu. Pour cette raison, comme toute création divine, ils dépendent de Dieu et ne participent pas de son éternité ontologique. Il n’y a que Dieu qui soit immortel et qui en ait les attributs.

2. Une réalité créée

Toutes les pensées humaines sur le ciel semblent comporter au moins un élément commun : le ciel est toujours considéré comme une apothéose au terme de la vie terrestre et, très souvent, comme le résultat d’une intervention divine par rapport à la vie terrestre.

La complémentarité astronomique et spirituelle

Dans certaines langues, une distinction est faite entre ces deux aspects qui sont toujours séparés. Le mot « firmament » dans l’A.T. désigne la voûte céleste, parfois présentée symboliquement comme un manteau (És 34.4) que Dieu pliera comme un vêtement que l’on change, ou comme un rouleau de parchemin (Apoc 6.14). S’il arrive que les étoiles soient personnifiées (Job 38.7), c’est toujours en marquant bien qu’elles sont comme des créations de Dieu ; en aucun cas, elles ne sont sacralisées.

Du point de vue religieux, le ciel est un monde surnaturel qui recouvre l’ensemble des réalités invisibles et la réalité créée tout entière. Utilisé au pluriel, le mot « cieux » évoque une réalité plurielle, non pas nécessairement au sens de plusieurs « ciels » distincts, mais dans celui de grandeur. Ce monde surnaturel est là où se trouvent les esprits invisibles et le trône de Dieu. Dieu trône « au-dessus des cieux » avec les anges et l’entourage décrit en Apocalypse 4. Dans l’Épître aux Hébreux, le ciel est aussi le lieu du sanctuaire où réside, dans le tabernacle spirituel, le vrai sacrificateur. Le ciel est l’endroit où se trouvent les martyrs parvenus à la perfection, où demeure Christ dans l’endroit qu’il a préparé pour les siens (Jean 14.1-2).

Dans cette double perspective (astronomique et spirituelle), il faut distinguer les références qui, comme 2 Pi 3.10,12 et Apoc 20.11, annoncent la dissolution du ciel et la requête que l’on trouve dans la prière du Seigneur : « Que ta volonté soit faite dans les cieux comme sur la terre. » Les premières évoquent la disparition des cieux cosmiques, qui se produira au moment de la nouvelle création, tandis que la demande du « Notre Père » est eschatologique et exprime le souhait que le règne de Dieu soit établi sur la terre comme il l’est maintenant, spirituellement, dans le ciel. Jésus évoque une situation où la présence de Dieu se manifestera sur la terre. Le règne de Dieu est établi par Dieu seul, par sa volonté et pas de façon naturelle. Jésus prend ainsi dans sa perspective l’acte de dissolution de ce qui est naturel en vue des nouveaux cieux et de la nouvelle terre où la justice habitera.

En résumé, le ciel est, à la fois, le domaine transcendant créé où Dieu habite et le lieu d’ultime bénédiction pour l’homme. Nous allons essayer de préciser cela.

Le ciel comme endroit

Le ciel n’est jamais présenté dans l’Écriture autrement que comme un lieu. Mat 28.20 affirme que la puissance est donnée à Jésus « dans les cieux et sur la terre ». Cela renvoie à l’acte divin de création en Gen 1.1.

Nous pouvons comprendre ainsi que la seigneurie de Jésus est la raison d’être de la création. Tout a été créé par lui et pour lui. Et à l’Ascension, Jésus retrouve concrètement ce qui lui revient de droit. Il est important de voir que la réalité n’est pas double, soit la création, soit la rédemption. Jésus-Christ crée une réalité, « les cieux et la terre », qui a deux aspects sans que cela porte atteinte à son unité. C’est pourquoi, le ciel est un lieu de la création — « Dieu avec l’homme dans sa gloire » — tout autant que la terre.

Très souvent, une allusion directe est faite montrant que le ciel est un lieu et non un état. Par exemple, les « images » bibliques de la ville, la promesse de Jésus en Jean 14 où il annonce qu’il prépare une « demeure », l’Ascension de Jésus décrite, en Éphésiens 4, comme le passage d’un endroit à un autre, l’accueil du brigand au paradis, etc. Pourtant, le poids de tout cela n’est pas celui d’une preuve.

Le ciel est le lieu final où se trouve maintenant Jésus, l’omega en personne, et cela de façon corporelle. Faut-il considérer cet endroit de façon simpliste ? Jésus a-t-il entrepris un voyage interplanétaire ? Si le trône de Dieu est bien au centre de la création, la Bible ne nous donne aucune information sur ce sujet, qui dépasse notre compréhension. Il ne s’agit pas d’une réalité qui puisse être cernée en termes de géographie cosmique. Si nous cherchions à localiser le ciel de façon spatiale, en termes de notre cosmos, nous serions en quête de l’inconnu. C’est ignorer la distance qui existe entre les cieux et la terre. Cette limitation est difficile à accepter par l’homme moderne qui pense, en principe, qu’il doit pouvoir tout savoir.

Les notions spatiales dans la Bible — « au-dessus de », « le pain qui descend du ciel », Jésus qui « monte » à l’Ascension — ne sont pas des notions géographiques. Le fait que Dieu agisse d’au « dessus » (Jean 3.31) indique une certaine direction — Dieu n’agit pas de l’intérieur, mais de l’extérieur de la terre — mais pas un endroit spatial discernable par l’homme. Ces expressions évoquent plutôt la puissance, la majesté et la miséricorde de Dieu, qui nous visite dans des conditions qui ne sont pas celles de notre monde. L’accent est placé sur la venue de Dieu et sur le caractère concret de ses actes plutôt que sur une localisation spatiale. Lors de l’Ascension, il n’est pas nécessaire d’imaginer que Jésus est allé plus loin que derrière le nuage le plus proche pour ne plus être visible.

L’histoire du ciel

C’est à partir du ciel que Dieu règne sur sa création et ce règne durera après que la terre a perdu sa forme actuelle. Autrement dit, le ciel a une histoire qui est entrelacée avec celle de la terre. Cette histoire présente trois aspects :

a. Une histoire qui progresse

Tout, dans le monde et dans l’histoire de la révélation biblique, conduit vers le ciel et vers l’accès à un état de repos. Le sabbat, le septième jour qui devient le premier avec Jésus, est le signe temporel et spatial du repos céleste avec Dieu (Héb 4).

Dans ce développement, l’expression « les cieux et la terre » indique la totalité du point de vue terrestre, dont l’unité sera complète lorsque, par la volonté divine (qui procède du ciel, l’endroit où Dieu est « pour » le monde), la terre sera enrobée par le ciel et transformée. À ce moment-là, « la demeure de Dieu sera avec les hommes » et ce changement de localisation impliquera un changement du temps actuel. Les temps seront accomplis.

Dans l’histoire que Dieu conduit à sa fin, le premier acte de sa volonté (son choix d’être avec l’homme) est le dernier accompli dans le temps. Entre les deux, se trouve l’évolution du processus historique. Dès le début, la création pouvait soit faire un mouvement ascendant vers le ciel, soit rétrograder en opérant la rupture de l’alliance qui unit Dieu et l’homme, le ciel et la terre. (C’est pour cette raison que les cieux et la terre sont appelés à être témoins de l’alliance, Deut 30.19;31.28.) De plus, le ciel est « fixé » sur la terre, à un moment donné, chaque fois que Dieu manifeste sa présence auprès de son peuple. Ce sont là des types de la présence de Dieu avec l’homme, réalisée dans le corps de Christ qui unit le ciel et la terre : il est toujours auprès du Père dans sa divinité, tout en étant avec nous dans sa divinité et son humanité comme Emmanuel (Jean 1.18). La communion avec Dieu se réalise en Christ — « Je suis avec vous jusqu’à la fin du monde » — et en son corps l’Église, le temple de l’Esprit, en attendant que cette réalité, discernée par la foi, devienne visible.

b. La « séparation »

La création implique une séparation des cieux et de la terre. Dieu franchit cette séparation pour être présent auprès de l’homme et, chaque fois qu’il le fait, c’est le jour du Seigneur. Quand l’homme veut le faire et devenir comme Dieu pour maîtriser la connaissance du bien et du mal (la connaissance qu’a Dieu dans le ciel, à cause de ses anges dont la chute céleste constitue une première séparation, surnaturelle), la séparation devient une opposition antithétique. Dans la séparation qu’est le péché, l’homme découvre, selon l’Ecclésiaste, la futilité du temps et l’inévitabilité de la mort. L’existence de l’homme devient l’inverse du ciel. Sartre n’avait pas tout à fait tort avec son « L’enfer c’est les autres ».

C’est pourquoi, le passage de la création à la nouvelle création ne peut être effectué que par Dieu qui, lors de l’abandon sur la croix, assume lui-même la séparation de la mort, de la malédiction, de l’enfer, afin d’ouvrir à l’homme la perspective du ciel. Après avoir accompli cette réconciliation des cieux et de la terre, Christ a marché sur la terre pendant les quarante jours qui ont suivi la résurrection. Cette période nous offre une image magnifique de la nouvelle création. Le ciel descend sur la terre et prend possession de ses éléments naturels. L’Esprit domine la chair et surpasse le physique en Christ, qui appartient à la nouvelle création. Dès ce moment, la fin, l’unité des cieux et de la terre et la nouvelle création sont déjà une réalité. Désormais, le croyant, uni au nouvel Adam, est assis avec lui dans les lieux célestes et son existence tend vers l’avenir. Le Christ ressuscité est comme un aimant : il attire tout vers lui et, de toutes les fibres de notre être nouveau, nous aspirons à son retour.

c. La « secousse »

L’existence d’une séparation implique, pour que la situation finale arrive, la conjonction de deux mouvements : l’accomplissement de l’histoire et la « secousse ». La résurrection de Christ, selon le Nouveau Testament, fait partie de la résurrection générale qui a déjà commencé. Elle secoue avec violence la mort physique.

La foi attend une intervention par laquelle la nouvelle humanité, organisée en Christ, descendra du ciel, prendra possession de la terre métamorphosée en une nouvelle création. La nouvelle Jérusalem descendra parmi les hommes et Dieu établira sa demeure au milieu d’eux pour toujours : « les choses anciennes sont passées ». La puissance de Dieu effectuera cette transformation qui ne sera pas graduelle, comme la transition du deuxième au troisième millénaire, mais qui aura la violence d’une crise.

Le monde ancien sera dissous et passera avec fracas (1 Pi 3.8s ; Apoc 21.1). Il existe donc une continuité et une discontinuité entre notre cosmos et le ciel, tout comme il y a union et distinction entre les natures divine et humaine dans la personne unique de Christ. Il s’agit d’une nouvelle création. La paix et l’ordre sur la terre sont un avant-goût du paradis. La vie éternelle commence dès maintenant pour les croyants qui, après leur mort, entrent dans la présence de Christ. Le Saint-Esprit, en ressuscitant Christ, est l’Esprit de puissance et de vie qui annonce quelle est l’espérance pour nous, qui suivons son mouvement à distance, selon les lois de la temporalité présente.

Pourtant, le ciel n’existe pas sans discontinuité, mutation et crise. La réalité présente sera dissoute et transformée par l’Esprit en une réalité nouvelle. Ce changement n’est ni naturel, ni le résultat d’une évolution, mais l’œuvre cataclysmique de l’Esprit. Il appelle une certaine violence : celle de la mort, de la disparition de la réalité présente et de la résurrection. Le ciel est arraché brutalement, par l’Esprit, à la création actuelle.

Quelques conclusions

• Le ciel est l’état parfait de la création, la perfection de toutes les réalités créées : la nature et les hommes. Tout, l’histoire et les différents éléments constitutifs de la nature existent dans la perspective du ciel : le ciel « définitif », la création en tant que nouvelle création. La vie, la paix, l’ordre, la justice et la joie y régneront (voir Apoc 21.1-4).

• Le ciel est fixe et permanent. Dieu qui, seul, possède l’immortalité est à l’origine de cet état permanent du ciel. Pourtant cette permanence, qui provient de l’immortalité de Dieu et qui dépendra toujours de sa grâce, n’est pas un état statique. La vie au ciel, en effet, sera animée à toujours par l’Esprit et par la grâce de Christ. Ainsi, le ciel sera un lieu d’activité et de repos (voir Rom 8.20-21).

• Le ciel est un lieu de repos, parce que nous serons délivrés du désordre dû au péché et aux luttes contre l’injustice. Sur terre, l’activité consiste, avant tout, à lutter contre le péché, contre la malédiction qui pèse sur la création et affecte le travail et les relations humaines. Le chrétien, selon le titre de l’ouvrage célèbre de J. Bunyan, mène « une guerre sainte » contre l’ennemi, au-dehors et au-dedans de lui-même, dans le monde et dans l’Église. Que ferons-nous au ciel ? Dans la nouvelle création, nous connaîtrons un mode de vie transfiguré et déploierons une activité au service de Dieu. Dieu sera et demeurera présent. C’est pourquoi notre service sera caractérisé en permanence par la créativité dans tous les domaines. Les prophètes de l’A.T. parlent du glorieux avenir de la terre (ex. : És 11-12) ;

• Enfin, le ciel est une récompense imméritée. Tous ceux qui entrent dans la nouvelle création y arrivent par la grâce de Christ, qui suscite en eux le désir d’obéir à l’Évangile. La récompense du ciel est Jésus-Christ lui-même. Le voir, mieux comprendre, avec une intelligence libérée du péché, la grandeur de son œuvre, pouvoir le servir de toute sa volonté, telle sera la liberté parfaite. Pouvoir l’aimer sans partage, quelle vraie récompense !

Notre nature de créature sera rendue conforme à Dieu. Nous verrons Dieu dans la béatitude, non pas de loin, mais face à face dans une harmonie enfin retrouvée.

 

Écrit par


Comme W. Edgar l’a indiqué dans son article de la Revue Réformée (1990/1 ), la question du pastorat féminin est complexe, car elle exige la prise en considération de nombreux éléments imbriqués entre eux. Le danger est de commettre des erreurs de classement en affectant un élément à une autre catégorie que la sienne et, ainsi, de lui reconnaître une fonction indue. Tel est souvent le cas pour Galates 3.28: Il n ‘y a plus ni homme ni femme…, texte qui traite du statut des fils de Dieu par la foi (3.25) et non pas de la structure ministérielle dans l’Eglise; cette dernière interprétation suppose, en effet, que ce verset soit extrait de son contexte.

Questions méthodologiques

Comment aborder les textes spécifiques du Nouveau Testa- ment qui semblent -c’est du moins ainsi que la tradition de l’Eglise l’a compris -ne pas admettre la femme aux offices de pasteur et de conducteur d’Eglise? La plupart des avis émis sur le pastorat féminin s’appuient sur des principes généraux. Par exemple, on peut entendre des arguments en faveur du pastorat féminin qui font référence:
-à l’égalité de l’homme et de la femme,
-au changement intervenu dans la conception de l’autorité depuis l’époque apostolique,
-au scandale que commet une Eglise en n’acceptant pas que des femmes accèdent aux postes de responsabilité alors qu’elles le peuvent partout dans la société,
-à la nature de l’Eglise qui doit être conforme au Royaume à venir et non au monde avec ses pratiques humaines…

Ainsi l’on affirme:
a) que les textes spécifiques du Nouveau Testament n’interdisent pas le pastorat féminin, comme on l’a pensé. Mais affir mer n’est pas prouver: la charge de la preuve appartient, comme il est normal, à ceux qui veulent innover et non à ceux qui ne le souhaitent pas. il faut montrer que les textes qui parlent du rôle de la femme dans l’Eglise signifient le contraire de ce que l’on a pensé jusqu’ici;
b) que l’apôtre est bien de son époque ou, autrement dit, que l’esprit de son temps a façonné sa mentalité en ce qui concerne le ministère de la femme. Cette dernière affirmation n’ est pas sans implication sur le statut de l’Ecriture et son autorité; elle infère qu’il y a dans l’Ecriture des principes généraux qui ne s’ appliquent pas dans certains cas, ou même qui sont en conflit avec certains textes particuliers. Le particulier est, en conséquence, mis de côté au profit du principe général qui, lui, exprimerait l’esprit de l’Evangile. En d’autres termes, concrètement, un aspect de l’enseignement biblique est sélectionnée par l’interprète et devient sa grille de lecture;
c) que le relativisme culturel est décisif. De même que l’Ecriture se conforme à son époque, nous devons aussi nous y conformer. Cet argument est à double tranchant! Qu’arriverait-il si s’instaurait une nouvelle «époque victorienne» accordant à la femme un rôle opposé à celui que nous lui connaissons aujourd’hui? J’ai peine à croire, que la plupart des partisans actuels du ministère pastoral de la femme suivraient cette évolution pour cause de relativisme culturel. Ils maintiendraient le pastorat féminin. Alors, pourquoi l’apôtre n’aurait-il pas pu être fidèle à son «principe fondamental» de l’égalité, contre l’esprit de son époque, si d’autres peuvent l’être? Ceci met bien en évidence que les arguments culturels, ou de contextualisation, ne sont pas déterminants dans cette discussion. Le fond du problème est ailleurs et correspond à l’idée qu’il y a une contradiction, une inconséquence ou une non-application pratique des principes généraux dans l’Ecriture ou chez Paul.

Il y a, sans doute, une part de vérité dans la référence qui est ainsi faite à ces principes. Il est certain que, comme point de départ dans un débat, les textes du Nouveau Testament qui traitent du ministère et, en particulier, du rôle ministériel de la femme, peuvent sembler peu plausibles. cependant, il convient de veiller à ne pas utiliser les principes énumérés ci-dessus de telle manière que soient mises de côté, que soient obscurcies ou contredites les affirmations claires des textes sur la nature du ministère dans l’Eglise. Ce sont ces derniers textes, et non pas des principes généraux mal utilisés, puisqu’en contradiction apparente avec eux, qui doivent déterminer notre point de vue.

En effet, quand on commence avec des considérations générales pour les appliquer par la suite à ce qui parle spécifiquement du ministère, on interprète ces textes dans une lumière qui n’est pas naturelle.

1. Comment savons-nous quel aspect de la «contradiction» de l’apôtre (ou de l’Ecriture ) est le plus conforme à l’Evangile? L’apôtre se réfère au principe en Christ aussi bien quand il affirme l’égalité de l’homme et de la femme en Galates 3.26, que lorsqu’il évoque la subordination de la femme à l’ homme en Ephésiens 5. L’apôtre semble penser que les deux réalités sont en accord avec l’Evangile.

2. De quelle nature est l’autorité de l’Ecriture dans cette démarche ? Elle est comme annulée et le principe de l’analogie de la foi est rejeté. Si nous choisissons nous-mêmes quelle partie ou quel principe biblique nous voulons respecter, nous supplantons l’Ecriture et nous nous arrogeons son autorité.

Ainsi, la vraie question, dans le débat sur le ministère de la femme, n’est pas celle de la culture ou du contexte social, mais celle de l’autorité même de l’Ecriture dans notre herméneutique. L’enjeu de cette question déborde largement le sujet de cet exposé et s’étend, par exemple, à la sexualité, à la famille ou au rôle de l’Etat.

Approche herméneutique des textes

En 1 Corinthiens 11.5, Paul évoque les femmes qui prient et qui prophétisent et, en 1 Corinthiens 14.34-35, il leur impose la règle du silence, comme aussi en 1 Timothée 2.11-12. Pourquoi cette interdiction, si une femme peut prophétiser? Le premier texte a été utilisé en faveur du ministère pastoral de la femme et le deuxième à son encontre.

Cette contradiction apparente est placée dans la même épître:
-elle ne peut donc pas s’expliquer en alléguant l’origine non-paulinienne du texte comme on le fait pour la première épître à Timothée;
-elle ne peut pas l’être non plus en disant que l’apôtre traite de situations et de coutumes locales différentes. Dans les deux cas, il est question de la prophétie et l’apôtre indique une pratique uniforme dans les Eglises (11.16 et 14.33). De même, en 14.34, Paul se réfère à la LOI en général, chose inhabituelle pour lui, comme il le fait, de façon plus spécifique, en 11.8-9. L’enseignement est universel et non local, avec des références à «tout homme» et à «toute femme» et à ce qui est «malséant» dans l’Eglise (11.4-5; 14.35).

Quel rapport y a-t:.il entre les deux passages de I Corinthiens? Les parallèles indiquent que les deux passages traitent la même question. il me semble que le texte du ch. 14.34-35 expose brièvement ce que l’apôtre a développé de façon détaillée en I Corinthiens Il. Aussi discerner un conflit entre les deux est-il le signe d’une mauvaise lecture. Quelles règles herméneutiques convient-il d’appliquer?
-I Corinthiens 14 est soutenu par I Timothée 2, ce qui lui donne, sur I Corinthiens Il, préséance de «poids» dans l’interprétation;
-I Corinthiens 14 est plus clair que I Corinthiens 11, dont la lecture est très difficile;
-I Corinthiens 11 doit donc être abordé à la lumière du ch. 14, et non le contraire.
Le rapport entre I Timothée 2.9-15 et I Corinthiens 14 et 11.

Dans le premier texte, l’ apôtre dit à Timothée comment il doit conduire une réunion publique dans l’Eglise. Son instruction concerne non seulement l’Eglise d’Ephèse, mais l’Eglise partout (2.1, 8). 1 Timothée 2.9-15 se réfère ainsi au culte public. Si tel n’était pas le cas, il y aurait une contradiction avec 1 Corinthiens 14, où l’apôtre distingue entre le silence à observer dans les assemblées et la discussion ailleurs, en particulier, à la maison. La prière dans le culte est conduite par un homme (aner). Ces indications sont données avant l’enseignement relatif à la fonction de «1’episkopos» qui doit être le mari d’une seule femme et qui prend soin de l’Eglise de Dieu, l’assemblée (3.5).

Qu’apprend-on au sujet des femmes?

-en premier lieu, leur statut social est indiqué. Il s’agit de femmes riches, qui pouvaient prétendre, en Asie Mineure, obtenir des positions importantes dans la société, y compris celle de grand prêtre du culte impérial, position occupée aussi par des hommes. Dans nos sociétés modernes, les distinctions s’expriment en termes de nation, de race et de sexe, principalement, alors que, dans l’antiquité, elles concernaient la classe sociale et la richesse.
-à ces femmes riches (voir aussi 1 Pi 3.3), de position sociale peut-être plus élevée que l’episkopos, l’apôtre donne des indications précises:
a: que la femme s’instruise en silence en toute soumission
b. je ne permets pas à la femme d’enseigner
b. ni de prendre autorité sur l’homme
a. mais qu’elle demeure dans le silence.
c. Car Adam… (la raison est donnée).
-l’attitude de la femme doit être celle d’un esprit paisible (hesychia), ouvert à l’instruction, ce qui est bien différent de l’observation du «silence» pour lui- même. Vis-à-vis de qui doit-elle faire preuve d’une entière soumission? De son mari ou de l’enseignant? Dans le cadre du culte, dont il est question ici, il s’agit de celui qui est apte à l’enseignement (2.12 et 3.2). La femme, quant à elle, ne doit pas enseigner; cette fonction est, dans les épîtres de Paul, celle de l’ancien (I Tim 4.11; 2 Tim 2; Tite 1.5, 9). «Didaktikos» est quasiment synonyme de «presbyteros» et «d’episkopos». Ceci nous conduit à estimer que la femme ne doit pas enseigner, comme ancien, au sens de conducteur de l’assemblée, celui qui officie dans le culte public. Ce serait exercer une autorité sur l’homme dans l’Eglise. (J’imagine que, dans l’Eglise d’Ephèse, il y avait des femmes de culture élevée qui, occupant une position sociale importante, pensaient pouvoir accéder à cette charge).

Venons-en à I Corinthiens 14 et 11. Le chapitre 11 a deux parties. Dans les vv. 1 et 2, Paul loue les Corinthiens d’avoir suivi ses recommandations. A partir du v.17, en revanche, il s’y refuse, car ils ne l’ont pas fait. Nous voyons ainsi l’apôtre aborder le même sujet de façon négative et positive. Ce ch. 11 marque le commencement d’une nouvelle section dans l’épître. La deuxième partie du ch. 11 concerne le culte public, comme aussi les ch. 12- 14. La première partie du chapitre traite aussi du culte et des attitudes d’ hommes et de femmes dans l’assemblée. Le verset 2 parle de «traditions» et, à la lumière de 11.1 et de 11.23, nous comprenons qu’il s’agit de traditions dont l’origine remonte à la pratique et à l’enseignement de Jésus. C’est pour cette raison que l’apôtre ne reconnaît aucune autre coutume dans l’Eglise (11.16).

Comment comprendre le parler de 14.34 et 35? Trois solutions sont possibles:
a) ou bien l’apôtre interdit aux femmes de prendre la parole sous quelque forme que ce soit: langue, prophétie ou prière. La difficulté réside, ici, dans le fait que le désir de parler en langues ou de prophétiser est général, commun à tous et autorisé pour tous.
b) ou bien l’action de parler est un bavardage des femmes dans l’assemblée. Mais cette acception du mot n’existe que dans le grec classique et jamais dans celui du Nouveau Testament.
c) ou bien le parler en question est spécifique, lié à l’exercice de l’autorité dans l’assemblée et correspond à l’enseignement dispensé au cours du culte public devant toute l’Eglise assemblée. Au ch. 14, Paul fait allusion au ch. 11.

1 Timothée 2 et 1 Corinthiens 11 parlent du culte de l’Eglise. Dans 1 Timothée 2 et 3, la femme ne doit pas occuper la charge «d’episkopos-didaktikos», assumer l’office de celui qui conduit l’ assemblée dans la prière, la prophétie et l’instruction. Le fait que l’apôtre fait référence à la soumission et à la loi dans 1 Corinthiens 14 indique que son argument concerne non pas n’importe quelle façon de parler, mais le fait de parler quand on a une position de responsabilité (ou d’autorité). Ceci ne veut pas dire, bien sûr, que la femme ne peut pas prier ou prophétiser. La restriction concerne ces fonctions exercées officiellement par le responsable de l’assemblée. Si tous peuvent prophétiser selon 1 Corinthiens 14.23- 24, il s’agit ici d’un charisme donné à tous et qui n’implique pas une position d’autorité dans l’assemblée. 14.33b renvoie à 11.16 et aux traditions établies (voir aussi la question rhétorique dans 14.36). Dans ce cas, le silence des femmes indique non les charismes, mais la charge de conduire l’assemblée.

Interprétation de l Corinthiens 11 à la lumière de 1 Corinthiens 14

Comment comprendre la complémentarité des chapitres Il et 14 de I Corinthiens?
-L’apôtre expose tout d’abord des principes généraux d’autorité: Christ-homme; homme-femme (3).
-La suite développe ce point. L’homme ne doit pas nier son autorité principale en dissimulant son chef, sa tête, matériellement. Quand il prie et prophétise, il occupe une position d’autorité, de chef. Ainsi prier et prophétiser sont des fonctions d’autorité, liées au rapport Christ-homme I homme-femme qui nécessitent un chef non-couvert (4).
-Si une femme occupait une telle position, elle devrait se présenter le chef non couvert (5). Mais cela serait refuser l’autorité de l’homme (voir Nom 5.18). Cela équivaut à être rasée; cela déshonore la femme (pensons au sort des collaboratrices des nazis à la Libération). Dire que la femme ne doit pas avoir la tête découverte revient à dire qu’elle ne doit ni prier, ni prophétiser en occupant une position de responsabilité à la place de l’homme. Ce serait renverser l’ ordre homme-femme du v.3.
-A partir du v. 7, l’ apôtre aborde la même question d’un autre point de vue. Au commencement, l’homme a été créé pour occuper une position de responsabilité, comme image de Dieu (8,9). La femme, elle aussi image de Dieu, à titre égal, a été créée comme vis- à-vis de l’homme et l’exercice de sa responsabilité est seconde par rapport à celle de l’homme (10). Au plan humain, ceci reflète la structure «Dieu-Christ» qui existe en Dieu. Cependant l’apôtre n’ignore pas que, depuis la Chute, le danger de la tyrannie masculine existe et, pour cette raison, il affirme (11) que l’homme n’est pas sans la femme, comme le Père n’est pas sans Christ. Egalité de nature, diversité de fonctions et de rôles sont à l’ordre du jour…
-au v. 13, l’apôtre revient à son propos principal. Le rapport homme-femme est créationnel. La nature pour Paul indique toujours un ordre de création. Il n’est pas naturel pour la femme de se présenter le chef non-couvert, c’est- à-dire de prier ou prophétiser avec autorité comme le fait l’homme-responsable de l’assemblée. Les cheveux longs, non déliés, lui servent de couverture naturelle (ce voile n’est pas un foulard mais plutôt un chignon. Il est très peu probable que, dans les cités grecques, les femmes aient porté le voile oriental).
-l’ensemble de ce passage s’accorde bien avec le ch. 14 où Paul expose les règles à observer pour parler dans l’assemblée. Tous peuvent parler selon leur charisme; mais la femme doit se taire, c’est- à-dire, ne pas parler comme si elle était un officiant: ce serait une marque d’insoumission (14.34).

Les raisons de l’apôtre Paul

Les textes examinés se réfèrent à la Genèse. Si l’on prétend que l’apôtre argumente ainsi en raison de son époque, selon une conception révolue de l’autorité, que ses enseignements sont de circonstance ou qu’il a mal compris la Genèse, on oublie quelle est sa raison fondamentale.

Si l’ apôtre avait recommandé aux femmes de rester dans le silence sans donner de raison, il aurait été possible, à la limite, de considérer ses paroles comme circonstancielles, mais tel n’est pas le cas: il s’exprime en faisant référence à la création:
-en 1 Corinthiens 11v.8-9, il évoque l’ordre et le but de la création de la femme;
-en 1 Timothée 2.13-14, il rappelle que l’homme a été formé le premier et que la femme a été séduite et non l’homme.

Le parallèle est évident. L’apôtre se réfère non seulement à la chute mais à l’intention de Dieu à l’origine. Ces modèles sont considérés comme valables pour l’ordre de l’Eglise.

Quelle importance ces textes bibliques ont-ils pour la notion de l’autorité dans l’Eglise?
-Dieu est le chef du Christ incarné, comme l’homme est le chef de la femme. Il y a une dépendance mutuelle, mais aussi un ordre. Le principe de «primauté» est le fondement de l’autorité. La restauration après la chute inclut également celle de la primauté de l’homme (Gen 3.16,20). En conséquence, si une femme exerce l’autorité sur l’homme, elle fait abstraction du principe créationnel et celui de la restauration institués par Dieu, c’est-à-dire de sa fonction même.
-Le fait qu’Eve et non Adam ait péché est accessoire. Adam a été formé le premier… et il n’a pas été séduit. ..La séduction à laquelle Eve a succombé n’est pas le signe d’une faiblesse féminine, mais l’ expression d’un renversement de la structure d’autorité établie par Dieu et fondée sur la primauté de l’homme. Voilà pourquoi l’apôtre parle du péché d’Adam; c’est Adam qui assume la responsabilité du couple.

L’apôtre considère que la structure d’autorité instaurée à la création est valable pour l’Eglise; elle doit être adoptée et transformée par la grâce de Christ, aussi bien au sein du peuple de Dieu que dans le couple chrétien. Le modèle de l’incarnation Dieu-Christ complète le modèle de la création (11.3 et 8). Le rapport homme- femme relève des deux.

Rôles, autorité et valeur

Très souvent, on se réfère à la valeur que Jésus reconnaissait aux femmes ou à leurs dons, comme ceux de prophétie et de service mentionnés dans le livre des Actes, pour conclure que l’enseignement de Paul sur l’autorité de l’«episkopos» doit être transcendé. En effet, refuser l’exercice du ministère d’autorité à la femme ne revient- il pas à considérer celle-ci comme dénuée des qualités nécessaires et donc comme inférieure à l’homme? Cette question est mal posée car, dans le Nouveau Testament, une différence d’ordre n’implique pas une différence de valeur. De plus, cet argument porte en lui un cléricalisme larvé non-biblique, puisqu’il suggère également que tout homme ayant une responsabilité de direction dans l’Eglise est supérieur aux autres. La Bible s’en prend souvent à ceux qui ont des positions d’autorité politique, sociale ou religieuse en soulignant l’insuffisance de leurs qualités profondes et elle établit un contraste, à cet égard, entre eux et les sans-puissance. L’exhortation de Christ à rechercher non pas l’autorité mais le service ouvre une autre voie.

L’apôtre Paul tient en grande estime la femme et son service (Rom 16) tout en s’opposant au pastorat féminin. La valeur que l’ on a et l’ estime dont on bénéficie n’ aboutissent pas nécessairement à l’octroi d’une position d’autorité. W. Edgar souligne la distinction nécessaire entre, d’une part, les dons et les charismes et, d’autre part, la vocation et l’ordre dans l’Eglise. Ce que Paul dit sur le rôle des femmes ne concerne pas leurs capacités, mais sa vision de leur vocation. La question n’est pas de savoir si les femmes ont les capacités pour être pasteurs, mais de discerner si, selon la Bible, c’est leur vocation. Paul répond que les femmes n’ont pas cette vocation.

La femme, sans aspirer à devenir responsable de l’Eglise, doit accomplir sa vocation créationnelle de vis-à-vis (qui comprend, mais ne se limite pas, à celle d’épouse et de mère de famille, à laquelle est associée son «salut»: 1 Tim 2.15). La personne de l’«episkopos» doit renforcer le principe fondamental du couple, non le contraire. L’exercice par une femme de l’ autorité sur les hommes-époux dans l’Eglise implique un renversement de la structure de responsabilité au sein du couple et des familles de l’Eglise; il dévalorise, en même temps, la maternité des femmes qui sont mères. «Le souci de Paul n’est pas culturel et superficiel. Ce qui se passe dans l’Eglise ne doit pas renverser ou dévaloriser les rôles et donc les relations, enracinés dans la création de Dieu, qui appartiennent respectivement aux hommes -époux et pères -et aux femmes -épouses et mères.» (Barrett dans Evangelical Quarterly, 1989,237)

Conclusion

Ces textes bibliques n’ont pas pour contexte la culture, mais la création et la christologie. Ils sont donc transculturels et, ainsi, ne se périment pas dans l’Eglise, où l’ordre créationnel n’est pas gommé, mais restauré et purifié. Ils indiquent que le rôle d’autorité et d’enseignement dans le culte public incombe à l’homme et que la femme ne peut pas y accéder sans déshonorer son «chef».

Ils ne traitent pas de coutumes locales, mais de traditions qui remontent à Jésus ou, au moins, aux apôtres; ils sont donc d’application générale: pour toute l’Eglise. Ils ne dévalorisent pas la femme, car ils concernent non sa nature, mais sa fonction. Les respecter ouvre, au contraire, la voie à l’ exercice d’une diversité de ministères, autres que celui de conducteur-pasteur, qui soient utiles et bienfaisants pour toutes et tous dans l’Eglise.

S’écarter de l’enseignement biblique à cet égard me semble grave pour deux raisons:
-ce serait modifier le fondement apostolique de l’Eglise;
-ce serait permettre que s’établissent de nouvelles structures de relations entre les femmes et les hommes dans les autres domaines de la vie, surtout dans la famille, au sein de laquelle la subordination de la femme n’est rien moins qu’un modèle de comportement christique… comme c’est aussi le cas dans l’Eglise;
-ma conviction en ce qui concerne le pastorat féminin est fondée sur trois textes, interprétés selon l’analogie avec d’autres textes bibliques (avant tout ceux de la Genèse, Ephésiens 5 et 1 Pieue 3.1- 7) traitant le rapport créationnel homme-femme et la nature du ministère consacré. Ce fondement, s’il peut sembler mince, est néanmoins largement suffisant. Aucun texte sur le ministère dans l’Eglise permettant aux femmes de devenir anciens-enseignants ne lui est, en effet, opposable. Est-il permis de modifier les structures de l’Eglise sans une raison biblique explicite (voir 1 Corinthiens 14.36-38)?

Arguer du silence de l’Ecriture sur le pastorat féminin ne revient-il pas à supposer que celle-ci est insuffisante sur ce sujet? Pouvons-nous remplacer son message explicite pour des raisons «culturelles et sociologiques» , finalement très faibles, sans contrecarrer l’autorité de l’ Ecriture sur ce point? N’est-ce pas en adoptant une herméneutique relativiste sur une question que nous nous ouvrons au pluralisme sur toutes les autres?

P.W.

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Les enseignements de l’Ancien Testament (21)

«Que vont-ils recevoir comme cadeaux de Noël?» Telle est la question que j’ai posée à une petite fille de neuf ans à propos des autres enfants de sa classe. Vous connaissez déjà la réponse, si vous avez vu, à la télé, les publicités pour les jouets. Des ordinateurs, des vidéos, des BMX: des cadeaux qui coûtent chers!

A Noël, une chose est évidente: c’est le temps de la consommation à gogo, du toujours plus. Chaque année, les cadeaux sont plus grands, les factures plus impor­tantes. Cela est vrai non seulement pour les adultes, mais aussi, par les médias, pour nos enfants qui sont dressés pour qu’ils deviennent des consommateurs. Les atti­tudes de la société ambiante leur sont inculquées. Dans sa classe, le prestige d’un enfant est fonction de ce qu’il possède et reçoit. Malheureux les pauvres! Les pa­rents détournés de s’occuper de leurs enfants par leur travail et leur souci de gagner toujours plus, se donnent bonne conscience en offrant des cadeaux extravagants.

Pourquoi cette faim de richesse, cette soif de possession, qui semblent obséder l’homme d’aujourd’hui?

La convoitise

Ce mot est peu utilisé de nos jours, c’est un des péchés non reconnus de notre époque. La convoitise transparaît à travers l’acquisition des biens matériels.

Le dernier commandement du décalogue traite de la convoitise: Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain, ni sa femme, ni son serviteur, ni sa servante… ni rien qui soit à ton prochain (Ex 20.17). La convoitise n’est pas seulement le désir de posséder, mais une aspiration à le concrétiser par l’action. Elle implique l’envie aussi bien que la volonté de déposséder le prochain par l’accomplissement de gestes précis. C’est le sens que Jésus donne à ce mot en Marc 10.18 quand il dit: Ne fais de tort à personne. C’est aussi le sens d’Hab 2.9: Malheur à celui qui, pour sa maison, se taille un profit malhonnête. La convoitise n’est pas simplement un sentiment, mais la réalisation d’un gain malhonnête, qui fait du tort au prochain.

«Cela n’a rien à voir avec la consommation de biens à laquelle nous assistons dans notre société actuelle». N’est-il pas tentant d’affirmer cela? Chacun possède des biens, sans qu’apparemment ils ne portent préjudice à son prochain.

Ceci comporte une part de vérité. Il fait distinguer, en effet, entre le désir de posséder quelque chose de façon légitime, et la convoitise illégitime qui a pour effet de déposséder le prochain. Nous pouvons certainement acquérir un objet et en jouir sans faire de mal. Quand j’écoute de la musique, je suis très content d’avoir une chaîne hifi que j’ai honnêtement acquise. La possession et le plaisir sont légitimes en eux-mêmes.

Pourtant la convoitise garde tout son sens quand la possession de l’objet nous conduit à déposséder Dieu de ses droits de Créateur sur ces choses. Dieu nous appelle à utiliser les biens de sa création pour sa gloire. Si nous les prenons comme fin en soi et si nous plaçons notre confiance en ces biens, il se passe deux choses. D’abord, la convoitise en persuadant l’homme qu’il est le maître, le pousse à abuser de sa puissance. L’homme pollue, détruit et détourne de leur finalité les dons de Dieu. En deuxième lieu, en croyant avoir la maîtrise des objets, l’homme en devient l’esclave. Les valeurs humaines, la famille, l’amour, la beauté, la communauté s’es­tompent jusqu’à disparaître. L’homme et la femme deviennent des objets dans un monde d’objets, une marchandise à exploiter.

L’origine de la convoitise

Pourquoi la convoitise est-elle un des aspects fondamentaux du désir humain? La réponse nous est donné dans le récit de la chute de l’homme, au début de l’Histoire. Satan tente l’homme par cette proposition: Vous serez comme des dieux (Gen 3.15). L’homme aspire à quelque chose qui le dépasse. En voulant se mettre à la place de Dieu, il se dégrade. La tentation de vouloir toujours se surpasser reste comme une écharde dans sa chair. Il veut toujours plus, mais il est éternellement frusté par son incapacité à y atteindre.

La convoitise est la soif inassouvie de celui qui n’arrive pas à se contenter de ce qu’il a. Depuis la chute, cette tentation est présente dans le coeur de chaque être humain. Elle se traduit par la hantise de ne pas pouvoir assurer sa sécurité totale et par la volonté d’atteindre, à force d’efforts, au maximum d’assurance et de confort. Au lieu de compter sur Dieu le Créateur, l’homme compte sur lui-même.

La convoitise, c’est de l’idolâtrie

Voilà pourquoi nous lisons dans le NT que la convoitise est une idolâtrie (Eph 5.5; Col 3.5). Il en est ainsi parce que la possession d’objets traduit l’aspiration de l’homme à être un dieu qui conduit son propre destin. Penser, par exemple, que le monde constitue l’objectif ultime de la vie de l’homme est donc une forme de convoitise. C’est le contraire de la piété, qui est une grande source de gain, . . . si l’on se contente de ce qu’on a (1 Tim 6.6)

En Eph 5.5, la convoitise est liée à l’immoralité. Avec la possession des objets et la soif de consommer surgit la tentation de posséder l’autre, par exemple de façon sexuelle, comme un objet. Rien d’étonnant à ce que la pornographie se montre de plus en plus scandaleuse, de pair avec la violence et son corollaire de viol, meurtre et déshumanisation.

Ce n’est pas par hasard si, dans notre société, la consommation et la permissivité vont de pair. Elles ont, au fond, le même motif: l’idolâtrie. C’est ainsi que la convoi­tise conduit à la mort (Jac 1.13-15).

La convoitise totalitaire

La convoitise économique, qui est l’essence même des sociétés de consommation moderne, transforme tous les rapports sociaux. Aujourd’hui, la société est de moins en moins un ensemble intégré où chacun a sa place et où le maître et le serviteur se côtoient. Le château du patron n’est plus à côté des chaumières de ses employés. Le patron habite une banlieue résidentielle dans sa villa, et les salariés habitent une zone de HLM.

Les groupes sociaux se constituent selon les possibilités de consommation. Ainsi les cadres se regroupent dans des résidences de standing, envoient leurs enfants aux mêmes écoles s’ils en ont le choix, fréquentent les mêmes clubs et s’isolent dans un milieu ferme.

Puisque la société se structure selon la capacité de consommation, le moteur du développement est le snobisme. On ne convoite jamais ce qui est inférieur. On veut toujours plus. Une maison plus grande, une voiture plus puissante, une maîtresse plus jeune, un plus grand congélateur, etc. Même les enfants rivalisent entre eux pour voir des films déstinés à la tranche d’âge supérieure à la leur.

Pour beaucoup, l’avenir s’exprime en termes de développement, en expansion des biens. Voilà pourquoi ceux qui ont tout misé sur ce monde ont peur de le perdre. La psychose de la guerre nucléaire ou le délire de la bourse sont un fléau réel pour celui qui a tout investi ici-bas et qui, en conséquence, ne peut accepter l’idée de tout perdre. Les hommes qui veulent tout gagner ont toujours peur de tout perdre; mais il ne pensent plus à leur âme.

Ils n’ont plus d’âme.

La vraie richesse

Avec la richesse matérielle qui, engendre la convoitise, l’homme a perdu la vraie richesse. Celle-ci consiste, non en la possession de biens, mais en rapports qui donnent un sens à la vie. En se liant aux objets matériels, l’homme en devient l’esclave. En se liant à son Créateur, l’homme comprend qu’il existe une valeur qui dépasse toute considération économique. Cette libération lui permet d’utiliser et de développer les biens de la création, non pas pour sa gloire, mais en obéissance à Dieu. La convoitise est remplacée par le service.

La vrai valeur de notre vie consiste à vivre pour l’autre et non pas pour notre propre satisfaction: Nous n’avons rien apporté dans ce monde, comme aussi nous n’en pouvons rien emporter… Pour toi, recherche la justice, la piété, la foi, l’amour, la patience, la douceur (1 Tim 6.7, 11).

A vouloir toujours plus, l’homme rate ce qui compte vraiment.

Paul Wells

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Nous pensons que l’univers est un puits sans fond, d’où nous pouvons tirer des ressources à volonté. Mais les biens de la création ont des limites…

Que penser des questions posées par l’environnement et des problèmes que sou­lève la pollution? Avons-nous réfléchi comment, en tant que chrétiens, nous de­vrions utiliser les ressources mises à notre disposition?

Sans aborder les grands débats sur le nucléaire ou la guerre, ces questions concernent directement notre vie quotidienne. Quelles sont nos priorités lors de l’achat d’un produit? Le prix le plus bas, un point c’est tout; ou bien recherchons -nous aussi le produit le plus respectueux de ce qui existe dans la nature? Achetons-nous des meubles en plastique (non-recyclables, fait de substances mortes) ou en bois (le reboisement étant possible)?

La nature, la pollution et nous

Jusqu’à une période récente, l’homme moderne a cru qu’il pouvait se comporter comme il voulait avec la création. Sa politique industrielle et agricole, même du logement, était fixée sans prendre en compte le caractère limité des ressources connues. La pollution est apparue, et on a commencé à comprendre que la tech­nique n’était pas l’unique solution.

La pollution existe dans beaucoup de domaines. Les grandes agglomérations la favorisent à cause de l’entassement des gens obligés de vivre dans des conditions de pénurie physique – béton, bruit, brutalité, ordures et manque d’oxygène. Le prin­temps n’est là que lorsque des jonquilles surgissent chez le fleuriste!

Si des villes comme celles du Mexique, de véritables cauchemars pour l’habitant, stimulent la pollution, Beverley Hills, où la richesse pousse à une consommation démesurée, le fait aussi. Plus le niveau de vie monte dans une société, plus celle-ci collicite ses ressources (et celles des autres) pour le maintenir et le développer. Ainsi, aux Etats-Unis, chaque année la population augmente d’un peu moins de 1 % et la production de l’électricité de près de 10%. Mais ne jetons pas la pierre aux habitants de ce pays: partout en Occident nous sommes, dans l’ensemble, des sur-consommateurs!

Un des plus grands inconvénients de la pollution est dû, depuis la deuxième guerre mondiale, au développement des produits non-recyclables. Les raccourcis de la technologie moderne permettent la production d’objets «à jeter». Ainsi l’homme est en train de «s’endetter» vis-à-vis de la nature; il y prend selon sa fantaisie au-delà de ce qu’il est capable de remplacer. La pollution croît plus vite que la production nouvelle. La voiture est l’image par excellence de la pollution, à plus d’un titre. Il y a, par exemple, plus dépaves à la casse que de voitures neuves vendues chaque année.

Une relation pour la vie

Le progrès technique a entretenu l’illusion que nous étions plus ou moins libérés de toute contrainte en ce qui concerne l’environnement. Tout devenait possible… Or, rien n’était plus faux! C’était oublier le message chrétien et faire de l’homme moderne un pollueur.

Dans la Bible, il y a un rapport étroit entre l’homme et la nature. Les deux ont été créés par Dieu. Certes, l’homme est personnel dans son être, alors que la nature ne l’est pas, mais il y a interdépendance. La création dépend de l’homme et l’homme de la création. L’homme a reçu l’ordre de bien gérer la nature, de la faire fructifier et d’en prendre soin. Ainsi il bénéficie de sa mise en valeur (voir Gen 1.29,30). Il est également appelé à respecter l’intégrité des animaux. Dans le récit de la création, il est sous-entendu que l’homme ne peut pas abuser de la création sans se dégrader lui-même et marquer son mépris vis-à-vis du privilège qu’il tient de Dieu: celui de gérer ce qui a été créé «bon».

Le jardin devenu décharge

Que s’est-il passé? Dans sa désobéissance, l’homme a détourné la nature de sa destination première. Il en a usé non pour la gloire de Dieu, mais pour se révolter contre lui. La nature souffre à cause de l’homme – elle est maudite à cause de lui et produit des chardons; l’homme se tue à la cultiver avec difficulté (Gen 3.17-19). C’est ainsi que, dans l’Ancien Testament, le péché d’Israël conduit à la malédiction de la terre et, dans le Nouveau Testament, l’apôtre dît que la «création soumise à la vanité» soupire en attendant la révélation des fils de Dieu (Rom 8.19-22).

De tout ceci se dégage le principe biblique suivant: le rapport entre l’homme et la nature est un reflet de celui qui existe entre l’homme et Dieu.

L’homme éloigné de Dieu a déclenché un cercle vicieux: l’industrie lourde détruit les forêts et cette destruction met la vie de l’homme en danger; une politique agri­cole favorable au nomadisme stimule la progression du désert et, en conséquence, la famine dans certains pays; pour notre agrément, nous abusons des aérosols, dont une des composantes chimiques détruit la nappe d’ozone qui nous protège; le refus de l’essence sans plomb va coûter plus cher à la longue que son adoption, à cause de la pollution de l’atmosphère.

Une attitude intérimaire

Nous sommes exclus du Paradis à la suite d’Adam et Eve.

Que faire? Avant la nouvelle création, il n’y aura pas davantage d’écologie par­faite que de justice parfaite parmi les hommes. Nous sommes bel et bien obligés de vivre en ville, de rouler en voiture, de placer nos achats au supermarché dans des sacs en plastique, etc. Il n’y a pas d’autre solution. Nous sommes solidaires d’une situation sociale et il est impossible de se retirer en une cocagne écologique pour éviter de mal agir.

En attendant le renouvellement de la création, les chrétiens sont donc appelés à préserver celle-ci autant que possible, car elle appartient à Dieu, et non à eux. Ils peuvent oeuvrer, dès maintenant, en vue de sa restauration, grâce des options appro­priées, tout en sachant que c’est Christ qui le fera un jour parfaitement. L’écologie et la pollution soulèvent des questions non seulement de technique, mais aussi d’éthique. La modération doit marquer nos choix en sorte que le respect de la création soit assuré au mieux.

Dieu est le Créateur; il nous appelle, nous, ses serviteurs, à gérer sa création en sages économes. Aussi investissons nos forces et notre argent en des projets propices à la nature et à notre prochain et évitons tout excès alimenté par la convoitise.

Une espérance

En même temps, sachons aussi user, en toute bonne conscience, des bienfaits qui nous sont accordés. La nature n’est pas une divinité, comme le donne à penser une certaine écologie panthéiste. Elle a été créée pour notre bien, et Dieu veut que nous nous réjouissions de sa richesse et de sa diversité merveilleuse. Il n’est sûrement pas dans la volonté du Créateur que ses dons soient une cause de tristesse pour nous!

Ceci dit, il faut savoir que nous continuerons à commettre des erreurs dans le domaine de l’écologie comme dans tous les autres. Mais nos fautes de jugement n’ont pas de conséquences éternelles, car Jésus-Christ est aussi le Sauveur de la nature. Si nous croyons en sa grâce, la nouvelle création, que notre foi attend, ne sera pas notre oeuvre mais son don.

Paul Wells

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